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samedi, 30 avril 2016

CHRISTOPHER LASCH ET L'ARCON

LASCH LE MOI ASSIEGE.jpg2 

Alors maintenant, comment Christopher Lasch analyse-t-il l’évolution des pratiques picturales après 1950 ? 

« Les équipements d’enregistrement modernes monopolisent la représentation de la réalité, mais ils brouillent également la distinction entre réalité et illusion, entre le monde subjectif et celui des objets, gênant par là même les artistes lorsqu’il s’agit de se réfugier dans le fait brut du moi, comme le disait Roth. Pas plus le moi que son environnement n’est plus un fait brut. » Christopher Lasch, Le Moi assiégé, p. 135. On a déjà croisé une telle idée. On sait qu'elle vient de Guy Debord et de sa Société du spectacle : tout au long de notre existence, toutes nos perceptions (enfin, la plupart) nous parviennent aujourd'hui médiatisées sur un écran où se projettent des images élaborées par d’autres instances que nous-mêmes. Nous n'avons plus d'expérience directe du monde.

« L’artiste romantique projetait des mots et des images dans le vide, en espérant imposer l’ordre au chaos. L’artiste postmoderne et postromantique les voit comme des instruments de surveillance et de contrôle. » C’est l’écrivain William Burroughs qui inspire ici Lasch. 

Mais surveillance et contrôle ont été rendus possibles par la généralisation des sciences dites « humaines », au premier rang desquelles on trouve bien sûr la psychologie et la sociologie : « L’observation scientifique et sociologique abolit le sujet en faisant de lui le "sujet" d’expériences censées faire apparaître sa réaction à divers stimuli, ses préférences et ses fantasmes privés. Sur la foi de ses découvertes, la science construit un profil composite des besoins humains sur lesquels elle pourra baser un système (envahissant bien que pas ouvertement oppressif) de régulations comportementales » (p.141). "Régulations comportementales" ? On ne peut être plus clair, me semble-t-il, sur le processus d'asservissement des individus par un système devenu complètement anonyme, du fait que tout ce qui sert à connaître l'homme (les sciences humaines) fournira plus tard des outils perfectionnés pour le contrôler.

L’auteur puise la substance de ce raisonnement chez l’Anglais J.G. Ballard. La préoccupation que ce dernier exprime dans ses romans n’est autre que le processus d’onirisation de la vie, qui résulte de la « saturation de l’environnement par les images et l’effacement consécutif du sujet », tel qu’on peut en voir la manifestation dans le travail d’artistes comme Robert Rauschenberg, Andy Warhol, Roy Lichtenstein, Claes Oldenburg, Jasper Johns, Robert Morris.

LICHTENSTEIN 1 ROY.jpg

OLDENBURG 1 CLAES.jpg

Que ce soient une vignette de BD (Lichtenstein), une aiguille et son fil ou une pince à linge (Oldenburg), l’agrandissement démesuré (x 1000 ou 10000, pour le moins) de l’objet lui fait perdre sa matérialité utilitaire et le coupe de toute réalité concrète. Ce qui fait perdre toute possibilité pour l'œuvre d'art de signifier quoi que ce soit. Sans parler de l'infinie dérision dont de telles œuvres sont porteuses. Il se produit le même phénomène de déréalisation dans la multiplication de la boîte de Campbell Soup ou du portrait de Marylin (Warhol). Il est désormais admis que l’ « œuvre d’art » vole de ses propres ailes, loin de toute basse réalité, offrant au gré des caprices de l’artiste tel objet trivial à l’adoration des foules. On peut voir là une forme de prosternation devant le dérisoire : Clement Greenberg « croyait quant à lui que l’art ne devait jamais tenter de renvoyer à quoi que ce soit en dehors de lui-même ». 

Un tel courant a pour conséquence (c’est peut-être le but poursuivi par ces artistes) de dépersonnaliser l’œuvre d’art et d’éliminer la subjectivité (Sol Lewitt), tendant à « brouiller la frontière entre illusion et réalité ». Cette conception de la création artistique procède évidemment des coups inauguraux que Marcel Duchamp, en son temps, a portés au statut de l’artiste. On traitait André Breton de "Pape du surréalisme". Duchamp peut à bon droit être qualifié d' "Empereur du ready-made". Refusant de signer des « chefs-d’œuvre » au bas desquels il serait fier d’apposer sa signature, Duchamp voulut en finir avec la « confiscation » de la créativité par les seuls individus « créatifs ». Idée a priori généreuse et démocratique. 

Mais c'est du flan, une vaste blague, une farce grotesque et un désastre général, en vérité, car on sait ce qu’il en est advenu : non seulement le monopole n’a pas été mis à bas, mais il est à présent accaparé, non par des créateurs authentiques, mais par des individus qui se contentent de commercialiser une « idée » artistique, si possible spectaculaire (le bleu de Klein, l’outre-noir de Soulages, la Campbell Soup de Warhol), quand ce n’est pas par de vulgaires hommes d’affaires (Jeff Koons était courtier en matières premières à Wall Street, avant d'être embauché dans la domesticité au service du milliardaire François Pinault). 

Il est bien loin, le temps où la société demandait à l’artiste d’administrer la preuve de son savoir-faire et de sa maîtrise technique dans l’art de peindre. Aujourd’hui, tout individu (je ne dis pas "artiste", car tout le monde est concerné par l’appel) un peu astucieux devient une start-up potentiellement dotée d’un bel avenir commercial : sois assez ingénieux pour créer toi-même ton propre « créneau ». Il ne s’agit certes pas du même savoir-faire. 

Christopher Lasch se réfère à un essai du philosophe allemand Walter Benjamin, suicidé en 1940 à la frontière franco-espagnole, L’Œuvre d’art à l’heure de sa reproductibilité technique. Qui dit production en série dit forcément société industrielle, société de consommation, société de masse. Chaque tendance de l’art contemporain va s’inscrire dans un « créneau » précis, celui qui lui est dévolu sur le marché d’une consommation donnée. Que cela s’appelle « minimal art », « systemic painting », « optical art », « process art », « earth art » ou conceptualisme, tous participent de ce mouvement de déconstruction (de « démystification »). Et chacun, bien rangé dans sa case, occupe le « segment de marché » qu’il a réussi à s’ouvrir. 

Christopher Lasch conclut logiquement à la « fusion du moi et du non-moi », sorte d’indifférenciation des moi, des êtres et des choses, un monde où les distinctions sont abolies, « un monde où tout est interchangeable ». C’en est au point que « la survie de l’art, comme de toute autre chose, est devenue problématique », au motif « que l’affaiblissement de la distinction entre le moi et son environnement – développement fidèlement consigné par l’art moderne jusque dans son refus de devenir figuratif – rend le concept même de réalité, ainsi que celui du moi, de plus en plus indéfendable » (p.155). 

Ce qui arrive arrive, ce qui existe existe, ce qui est là est là, c’est tout : il n’y a plus rien sous la surface des choses, toute substance, tout contenu sont révocables, l’unité de la personne est pulvérisée (« Puisque l’individu semble être programmé par des agences extérieures – ou peut-être par sa propre imagination exaltée – il ne peut être tenu pour responsable de ses actes »), l’insignifiance triomphe. Il n'y a plus que de pures apparences : images fabriquées par des gens de métier, et déconnectées de tout contenu humain réel. L'homme en personne devient virtuel.

Les artistes de la fin du 20ème siècle commentent leurs propres œuvres et le « geste » qui les y a conduits comme s’ils inventaient un nouveau monde. Mais c’est une simple grimace. N’est pas Christophe Colomb qui veut.

Au total, Christopher Lasch, en regardant l’évolution de l’art contemporain, semble contempler un champ de ruines. Difficile, je crois, d’aller plus loin dans la dénonciation de l’impasse où se sont engouffrés les artistes depuis cinquante ans et plus. 

Plus radical que Christopher Lasch, tu meurs. 

Voilà ce que je dis, moi.

samedi, 16 avril 2016

CHRISTOPHER LASCH ET GUY DEBORD

LASCH LE MOI ASSIEGE.jpgQuelques réflexions après lecture de Le Moi assiégé, "essai sur l'érosion de la personnalité", de Christopher Lasch. 

Pour mettre du baume au cœur.

Il est bon d’avoir lu, au moins une fois dans sa vie, un livre de Christopher Lasch, observateur intransigeant de la civilisation occidentale en général, mais principalement de la façon dont elle évolue aux Etats-Unis. A cet égard, La Culture du narcissisme (Climats, 2000, écrit en 1979), que je suis en train de relire, fait un excellent point de repère et de départ, même si c'est un peu « consistant ». 

La méthode de Christopher Lasch est impeccable : il fait le tour complet d’une documentation impressionnante et passe au crible tout ce qui a été dit par d’autres du sujet qui le préoccupe. Il énumère les points de vue qu’il estime erronés et s’efforce de corriger les idées fausses que des gens sûrement sérieux véhiculent et colportent. 

Dans Le Moi assiégé (« essai sur l’érosion de la personnalité », Climats, 2008, écrit en 1984), que je viens de relire avec intérêt, il revient, pour l’approfondir, sur la notion de narcissisme. Le sous-titre dit assez sur quelle hypothèse il s’efforce de fonder son ouvrage. C’est une idée qu’on croise dans les bouquins de Michel Houellebecq, de façon explicite dans un de ses volumes d'Interventions. Une idée qui se veut un constat. Une idée qui, si elle s'avère, a des implications qui peuvent effrayer.

Dans une société vouée à la catastrophe humaine que constituent la marchandise, son spectacle et sa consommation, assailli constamment par des armées d’images, l’individu ne parvient plus à se constituer un « moi » par ses propres moyens, un « moi » qui lui appartienne en propre, après avoir fait sa propre expérience directe du monde et de la réalité. Le système de la communication publicitaire - à tendance tant soit peu totalitaire -, qui a gagné un terrain considérable pour organiser les relations sociales à tous les niveaux, occupe désormais une place prépondérante, en lieu et place de ce que Freud appelle le Moi.

Ne pas oublier qu'Edward Bernays, l'un des grands inventeurs de la publicité moderne, était le double neveu de l'inventeur de la psychanalyse, discipline dans laquelle il a abondamment puisé pour mettre au point la machine publicitaire : on va puiser dans le bric-à-brac du secret des motivations les figures, motifs et arguments qui, brandis ensuite comme un miroir devant le nez du citoyen devenu consommateur, vont orienter son désir vers la marchandise à vendre. 

Pour resituer la chose, il ne faut pas oublier que le livre de Lasch est publié en 1984. Je veux dire par là qu'il n'est pas impossible qu'une question d'ordre générationnel se pose, car l'idée dit peut-être davantage à des gens de mon âge qu'à des générations plus neuves, vu que les conditions concrètes de l'existence n'avaient pas encore été aussi radicalement transformées qu'elles ne l'ont été depuis une trentaine d'années.

Quoi qu'il en soit, l'idée du spectacle marchand comme programme général d'existence avait été largement diffusée en leur temps par les situationnistes en général, et Guy Debord en particulier. Une idée le plus souvent incomprise, du fait d’une interprétation tout à fait étriquée, donc fausse, de la notion de « spectacle », que je reformulerais ici de la façon suivante : « création, entre l’homme et le monde, d’une réalité entièrement artificielle autour de la marchandise érigée en objet de désir par les moyens de la propagande ». 

Il s’ensuit que la personne a été en quelque sorte vidée d’elle-même, comme si un écran s’était interposé entre sa conscience et son moi. Dépossédée de ce qu’elle serait devenue si elle avait été soumise aux seules influences héritées de la tradition, elle ne s’appartient plus, fabriquée des pièces et des morceaux d’images conçues par d’autres et introduites en elle de l’extérieur. Autrement dit, comme elle a du mal à distinguer ce qui vient d’elle et ce qu’elle ingurgite de l’extérieur, la personne ne sait plus à qui elle a à faire quand elle dit « je ». « L’anxiété actuelle au sujet de l’ "identité" reflète une partie de cette difficulté à définir les frontières de l’individualité » (p.15). 

J’ajoute, pour enfoncer le clou, que la personne, quand elle dit « je », croit sincèrement qu’elle parle en son propre nom, alors qu’elle exprime un « moi » qui lui a été pour une grande part inculqué à son insu : la société du capitalisme spectaculaire-marchand (Debord) a façonné des semblants de personnes, des fantômes persuadés qu’ils existent de façon pleine et entière : des artefacts, des zombies. L’idée est pour le moins radicale.

Ce qui change, par rapport à la situation précédente, c'est que nous sommes ici dans l'exécution d'un projet parfaitement concerté, généralisé, et prévu pour produire les effets qu'il produit. Ce que fait, dans un autre domaine, le génie génétique par rapport, par exemple, à la méthode de nature purement empirique de sélection et d'appariement de deux races de chiens par les éleveurs, en fonction des qualités attendues de la nouvelle race envisagée (flair, endurance, dressabilité, puissance, potentiel agressif, etc.). Si la grille de lecture de Christopher Lasch est la bonne, cela veut dire en effet que les populations embarquées dans ce système ne sont plus désormais en mesure de porter ce qui s’appelle une « civilisation ». Et, accessoirement, que le système qui est le nôtre a quelque chose à voir avec le totalitarisme.

Cela veut dire que le système spectaculaire-marchand débarrasse l’individu du fardeau de la civilisation, puisqu’il il le débarrasse du fardeau de lui-même, en le transformant en simple spectateur et client, consommateur de biens et de services. En poussant un peu, on pourrait considérer que le système spectaculaire-marchand fait disparaître jusqu’à la possibilité de la civilisation, en transformant tout ce qui appartient au passé en simple objet muséal, ou en simple marchandise destinée à des touristes venus errer dans l'hypermarché global pour consommer les traces d’un passé mort, et dénué pour eux de signification présente. 

Charmante perspective.

Voilà ce que je dis, moi.

mardi, 18 septembre 2012

MUSIQUE TECHNO : L'AGRESSION

A partir d'aujourd'hui, et pendant quelque temps, les amateurs et les curieux peuvent visiter l'album de photos ci-contre, où j'ai rassemblé quelques-unes des effigies des obscurs héros qui, jour après jour, font en sorte que la langue travaille sur elle-même, se ressource en explorant ses propres profondeurs, se renouvelle en s'efforçant de cultiver une certaine idée de la beauté. On les appelle du drôle de nom de POETES. J'espère qu'il est inutile d'indiquer qui est (peut-être, on n'est pas tout à fait sûr) placé à la porte d'entrée de l'album.

 

 

 

Pensée du jour : « Quand nous avons raconté des légendes, c'est que nous n'avions rien de mieux sous la main. Toutes les légendes ne sont d'ailleurs pas à mépriser. Une hyperbole n'est pas un mensonge ; et bien des légendes, en dépit de leurs embellissements et de leurs miracles, contiennent un fond de vérité ».

OMER ENGLEBERT

 

 

S’il est donc bien vrai qu’on est ce qu’on écoute, alors franchement, je ne voudrais pour rien au monde contempler l’intérieur d’un « raver » (prononcer « rêveur »). Quel est le mystique contemplatif qui a dit que la musique adoucit les moeurs ? Tout ça, c'est des fariboles. C'est fini.

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Je l’imagine fort bien carbonisé, tout cabossé par les décibels (et pas seulement). Remarquez, cela autorise peut-être à les considérer comme « en phase » avec leur époque. Car il faut bien dire que la carrosserie de l'époque actuelle ressemble à celle d’une voiture après un violent orage de grêle.

 

 

J'ai un reproche final à faire à la techno. Ce n'est pas une "culture", c'est un SYMPTÔME. Car le son musical (le vrai) obéit à quatre paramètres principaux : le timbre (quel instrument ?), la hauteur (aigu / grave), la puissance (de pppp à ffff), la durée, qu'un nommé "compositeur" fait varier au gré de son "inspiration". 

 

 

 

Sans entrer dans les détails, je reproche à la techno de réduire le son musical à sa plus simple expression : le tempo (le plus rapide possible) et l'intensité (le plus de décibels possible). La techno, c'est la pauvreté musicale, la misère sonore la plus abjecte, à laquelle le fabricant ajoute la puissance électrique pour en masquer le dénuement foncier.

 

 

 

Une fois les quatre paramètres décidés par le DJ ("jockey de disque", que je traduis en français, et sans contresens : qui fait du cheval sur le disque !), on envoie la sauce. Il est vital ensuite de ne rien changer, ou alors des virgules et des queues de cerises. Il importe d'instaurer une implacable uniformité de fond.

 

 

Changer de tonalité (modulation) ? D'abord qu'est-ce que c'est, la tonalité ? Introduire une mélodie ? Vous dites ? Mélodie ? Connais pas. Exploiter la dynamique (du pianissimo au fortissimo) des sons ? Tu m'insultes ? Passer d'une saltarelle à une valse (changer de rythme) ? Tu te fous de ma gueule, ou quoi ? Vous avez compris : même si le DJ est monégasque et passé maître dans l'art d'infliger des scritch et des scratch au malheureux microsillon, dès que vous lui parlez vraiment de musique, vous lui parlez chinois.

 

 

 

Le DJ est payé pour être habile, pas pour connaître la musique. Il manipule du tout prêt, il combine de l'existant, il recrache du prédigéré. Mais il est désespérément incapable d'inventer quoi que ce soit de nouveau. Disons, si vous voulez, que la musique techno associe curieusement ce qu'il y a de plus archaïque dans les musiques humaines (la REPETITION indéfinie : écoutez les musiques des traditions arapaho, aka, aborigènes, tchouktches ou nénètses) et la puissance de l'électricité. C'est à peu près tout.

 

 

 

Maintenant, si l'on veut comprendre ce que signifie le phénomène, on peut sans doute mettre la musique techno en relation avec les morceaux de métal que certains s’enfoncent dans la viande pour orner une ou plusieurs parties (en général, mais pas forcément) visibles de leur cuir. Elle est sans doute aussi conforme à l’habitude de certains de se faire injecter dans le derme diverses encres colorées et indélébiles, pour en orner la couche la plus épidermique de fort décoratives figures "artistiques".

 

 

Tel s’en remettra, pour son biceps, à la grâce d’un idéogramme chinois pour déclarer à sa belle « je ne suis heureux qu’avec toi, ma perle de rosée ». Telle autre aimera que s’envole, au-dessus du sillon de ses fesses ou de sa toison pubienne, un superbe papillon émeraude et grenat aux ailes majestueuses bordées de noir. Un « biker » doté de moyens fera appliquer sur son torse musculeux un rapace aux ailes largement éployées, armé d’un bec et de griffes redoutables (pour faire peur aux décibels, sans doute). TATTOO 4.jpg

 

CI-CONTRE, ON CUMULE 

(SPHINX "TÊTE DE MORT", SANS PARLER DU RESTE, MAIS TRISTES COLORIS, PAS COMME LES YAKUSAS)

 

Enfin, certains n’hésitent devant rien : pour eux, ce sera l’image de ce qui reste de la tête humaine  après que la chair en a été ôtée au moyen d’un suffisant séjour souterrain par diverses formes vermiculaires de la vie : « Quand de la chair, que trop avons nourrie, Elle est pieça devoree et pourrie » (FRANÇOIS VILLON. En cadeau : « Quelques vers de Maître François », ajouterait Tonton GEORGES).

 

 

L’avenir est donc à la scarificationSCARIFICATION 1.jpg – prochaine étape en perspective. Nous verrons bien si la scarification des dites chairs viendra, telle la cerise du désir de "vivre à fond" sur le gâteau de la "pleine réalisation de soi", tel le pyramidion coiffant sommitalement la pyramide, porter à son comble la parenté de notre civilisation vieillissante avec les coutumes les plus coutumières et les us les plus usuels de l’humanité humaine la plus archaïque, dans une sorte de mouvement mobile de ressourcement au sein des origines originaires. Une façon de boucler la boucle, quoi.

 

 

Au fond, quand on regarde les manifestations visuelles (tattoo, piercing, scarification, mais aussi tag, graff, etc …) et sonores (techno, rap, slam, …) de l’époque actuelle, n’y a-t-il pas une relative cohérence ? Il est certain qu’on veut se manifester au dehors : à quand la "piercing pride" ? La "tattoo pride" ? C'est certain, on tient à poser sa marque sur soi-même, et à la brandir comme un étendard. S'affirmer ? Sans doute. Faire croire que cela constitue un nouveau message, une nouvelle "bonne nouvelle" (évangile) à offrir à l’humanité ? Le mythe de Narcisse est plus ancien que ces vaguelettes à la surface de la mare aux canards boiteux. 

 

 

 

On voudrait bien faire croire qu’on invente les formes et les contenus de l’avenir. Mais en réalité, on est porteur d’un simple créneau sans autre horizon que lui-même, destiné à écouler les produits d’une filière marchande, et à être remplacé dès que le besoin mercantile s'en fera sentir. Le futur s’élabore dans des bureaux d’études, avec pour objectif d'en faire quelque chose de rentable.

 

 

Certes, il s’agit d’une génération bien précise et située dans le temps, les circonstances et les modalités. Mais si vous voulez le fond de ma pensée, il semble qu’il y ait un point commun à toutes ces affirmations de soi, sur soi et hors de soi. Avec pour seul contenu la touillette qu'on tourne dans la tasse du cercle vicieux de sa pauvre envie. Le thème qui est la signature de la dite génération ? Appelons-le :  

 

L’AGRESSION.

 

 

Agression, le tag. Agression, le graff. Agression, la posture du rappeur. Agression le décibel de la techno (c'est dans quel film de FEDERICO FELLINI, l'immense entrepôt qui fait figure d' "enfer musical" ?). Et si l'on va par là, agression publicitaire, agression télévisuelle ... Finalement, qu'est-ce qui n'est pas une agression, dans le monde cabossé que nous avons fait ?

 

 

Voilà ce que je dis, moi.