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dimanche, 29 novembre 2015

PANIQUE À BORD !

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En janvier, ce fut un massacre : l’équipe de Charlie Hebdo, les clients de l’Hyper Cacher, tous des innocents qui ont payé de leur vie le fait d’être ce qu’ils étaient : des caricaturistes, des juifs, des polémistes, des vigiles, des rubriquards, des clients d’un magasin, … Le 11 janvier, une manifestation monstre de tous les révoltés par cet attentat. Au premier rang, un minuscule président de notre république, et un ex-président qui, toujours aussi hystérique, tente en vain de se frayer un chemin vers le premier rang et la grande photo inoubliable des acteurs de l’événement. 

Tout sera fait pour « assurer la sécurité des Français », fut-il assené dans la foulée de ces meurtres. On ajouta au déjà immémorial « plan Vigipirate » le « plan Sentinelle » qui devait «  assurer la sécurité des Français », nous fut-il seriné. Depuis le 13 novembre, on sait ce que nous a valu cette empilement de plans de sécurité, qui devaient théoriquement « assurer la sécurité des Français » (désolé de la répétition, c’est pour rendre l'incantatoire de la chose). Pour donner l’impression qu’il agit, le politichien moderne affiche des « mesures » destinées à figurer, une fois imprimées en photos martiales dans les journaux et dans l’esprit des gens, autant de preuves de l’efficacité du politichien. 

Malheureusement pour notre misérable « chef des armées », ce petit curé balbutiant, cet orateur larvaire, ce lumignon éteint, ce panache gris dépourvu de panache, les attentats du 13 novembre lui ont fait éclater à la figure les preuves de son incompétence et de son ignorance. Mais comment cette catastrophe a-t-elle été rendue possible ? 

Au risque de me répéter, bien que je ne sois pas spécialiste des questions de sécurité, et en m’appuyant sur ce que la mode correcte interdit désormais qu’on appelle le « simple bon sens », la France disposait d’un service de renseignement très efficace et performant : les RG ou Renseignements Généraux. Ce service était honni par tout ce que le pays comptait de gauchistes, il n'avait pas forcément les mains propres, mais il quadrillait le territoire à la façon d’un filet à mailles fines. Les hommes connaissaient bien le terrain, peu de poissons échappaient à leur vigilance, les informations remontaient. 

Le frénétique-à-tics qui a gouverné la France pendant cinq ans, non content de sa fabuleuse invention de la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques – en clair : non-remplacement d’un retraité sur deux dans la fonction publique d’Etat, qui a coûté 50.000 bonshommes à la police, à la gendarmerie et à l'armée), s’est mis en tête, sans doute pour gratter sur les budgets, de faire fusionner les RG (renseignement intérieur) et la DST (contre-espionnage). Le résultat le plus sûr de cette fusion forcée fut une désorganisation complète des services désormais placés sous l’étiquette DGSI. Les « cultures professionnelles », les façons de procéder des deux services étaient tellement différentes qu’il ne pouvait pas en être autrement. Comme de l'huile avec de l'eau, le mélange des deux n'a pas fait une mayonnaise, à peine une vinaigrette : si vous mettez de la vinaigrette dans un moteur, le moteur casse. Les autorités ont tout misé sur la « collecte des données » (moyens techniques, électroniques, informatiques). On voit ce qui en est sorti. 

Or le point commun de tous les types qui flinguent depuis Mohammed Mehra, c’est qu’ils étaient bien fichés, mais qu’il n’y avait plus personne sur le terrain pour tirer le signal au moment où une action se préparait. J’en conclus que la décision de Nicolas Sarkozy de fusionner RG et DST a eu des conséquences criminelles. Je sais bien que si cette décision est une cause indéniable, elle n’est pas la seule, mais on peut être sûr qu’elle est pour une bonne part responsable des tragédies de 2015 en France. 

Alors maintenant, est-ce que le minuscule Hollande a fait mieux ? La réponse est clairement « Non » !  Qu’est-ce qu’il a fait, après Charlie Hebdo ? Après l’Hyper Cacher ? Il a mis plein de soldats et de policiers (Sentinelle + Vigipirate) dans les rues, dans les gares, devant les églises et les synagogues. Il a transformé l'armée française en un corps de plantons. Là encore, on a vu le 13 novembre le résultat de ce déploiement ostentatoire des forces de l’ordre et des forces armées, on a constaté l’efficacité de ce dispositif impressionnant, qui n’était là en vérité, une fois de plus, que pour que les journaux publient des photos permettant aux lecteurs de croire qu’ils étaient protégés par les mesures prises par les « autorités ». 

Qu’est-ce que c’est, une « collecte des données », quand il n’y a personne sur le terrain, personne pour les analyser, personne pour en tirer des conclusions pertinentes ? Ils sont très beaux, les moyens techniques dont disposent les services de renseignement, surtout depuis le vote récent de la loi qui porte ce nom, mais il n’empêche que le récipient où on les entasse est tellement plein de trous qu'une ménagère appellerait ça une passoire. Personne n’a rien vu venir. Pas plus que les Américains n’ont vu venir les pilotes-suicides des avions jetés sur le WTC. Mais il fallait rogner sur les moyens humains, sur les budgets, faire confiance aux experts du numérique. Ah, la technique, que c'est beau, la technique !

Alors maintenant l’état d’urgence. Je dis que l'état d'urgence est l'ultime branche à laquelle se raccrochent des gouvernants aux abois, dans une ultime tentative de dissimuler leur incompétence et leur lâcheté. Je ne peux m’empêcher de me référer au livre de Mireille Delmas-Marty Libertés et sûreté dans un monde dangereux (Seuil, 2010, voir mon billet du 3 mai 2015), où elle s’inquiète de ce que les lois pénales tendent à substituer à la répression d’infractions dûment constatées une répression préventive, fondée sur la dangerosité potentielle et supposée des individus. Ça permet de ratisser très large, au risque de "dommages collatéraux" contre des gens qui n'ont rien à se reprocher.

Une démocratie est un milieu ouvert à tous les vents, un « open space ». La verrouiller, c'est la mettre à mort. Je ne dis pas qu'elle ne doit pas se défendre, je dis que pour se défendre elle doit se doter de bons outils : monsieur Hollande, ne commencez pas par faire disparaître l'état de droit, commencez par remettre ces outils (armée, police, renseignement) en état.

Dans Le Monde du 6 juin 2015, Delmas-Marty enfonçait le clou : « En France, le grand tournant remonte à la loi de 2008 sur la rétention de sûreté, adoptée par une "droite décomplexée" qui n’hésite pas à copier le modèle d’une loi allemande de la période nazie ». Tiens, encore un coup de Sarkozy (notez que le nom rime avec le dernier mot de la citation, regrettable hasard). De quoi se faire du mouron : l’état d’urgence est l’ennemi de l’Etat de droit. Les bien nommés passe-droits qu’il autorise sont autant de menaces en direction de la liberté. 

Je sais bien que les gens ont peur, je sais bien que Daech et ses sbires ne sont pas des plaisantins, mais je n’ai pas l’intention de changer d’un iota ma façon de vivre du fait du risque terroriste. S'il y a un risque, tant pis : j'assume. Et faites bien attention à ceci : qui m’expliquera pourquoi des militants écologistes ont reçu des assignations à résidence ? Et quid de l’arbitraire et de la violence gratuite commise par les forces de l’ordre au cours des « perquisitions administratives » (voir les articles paraissant ces jours-ci dans l’excellente rubrique « Observatoire de l’état d’urgence » du Monde) ? 

Dans l’état d’urgence, ce qui me fait peur, ce qui nous menace tous, ce sont les abus qui se commettent sous son couvert, ce dont des policiers eux-mêmes reconnaissent qu’ils profitent comme d’autant d’ « effets d’aubaine ». Je n’ai pas confiance dans des policiers qu’on laisse les mains libres et la bride sur le cou. Les terroristes ont d’ores et déjà gagné : la panique règne, au moins en haut lieu. Rien de pire qu’un régime qui règne en laissant régner la peur, et en appuyant sur ce redoutable accélérateur. Gardons-nous de céder à la panique. Quel espace va-t-il rester pour les partisans de la liberté ? Quel espace pour la liberté ? Faire face au danger, ça commence par ne rien changer à notre façon de vivre. A y changer quoi que ce soit, nous avons tout à perdre.

Oui, je suis inquiet : j'ai peur que les terroristes ne réussissent à nous rendre semblables à eux-mêmes (écoutez ici la remarquable explication (15' environ) de Tobie Nathan à ce sujet : il parle du Cambodge de Douch et du Berlin de Goebbels). De gauche, Hollande ? De gauche, Valls ? Ne me faites pas rire.

Voilà ce que je dis, moi.

vendredi, 10 janvier 2014

ALORS ? DIEUDONNé ?

 

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C'EST VRAI, ÇA, IL N'Y A PAS QUE KALACHNIKOV DANS LA VIE, IL Y A AUSSI LE FAMAS

(Explication à la fin)

« Saint Dieudonné ou Deusdedit (6ème siècle). – A Rome où il était cordonnier de son état, il avait eu le futur pape, saint Grégoire le Grand, comme voisin. C’est par lui que nous savons que, chaque samedi, Dieudonné allait porter aux pauvres et aux malades ce qu’il avait économisé durant la semaine à leur intention. » (Omer Englebert, La Fleur des saints, Albin Michel).

Voilà, c'est fait. Monsieur Manuel Valls a obtenu satisfaction : le spectacle de Dieudonné à Nantes a été interdit in extremis et précipitamment par une justice qui donne toutes les apparences d'être à la botte. « Victoire de la République », entend-on tomber de la bouche prétentieuse du ministre franc-maçon. J'ai plutôt l'impression que le ministre a eu la peau d'un homme érigé en ennemi personnel, peut-être pour des raisons de calcul personnel qui ne m'intéressent pas.

Alors l’antisémitisme supposé de Dieudonné, maintenant ? Oui, je sais, il a fait monter Faurisson sur scène, je ne sais qui (Jean-Marie Le Pen ?) est le parrain d’un de ses enfants, et autres fatrasies que j’ignore ou que j’ai oubliées. Il existe, semble-t-il, des « indices concordants », voire, comme on dit dans les enquêtes, un « faisceau de présomptions ». Peut-être. A cela j’ai envie de répondre : « So what ? ». Oui : et alors ? Je ne suis pas policier et, même si je porte des jugements, je ne suis pas juge, puisque je n'en ai pas l'habit.

Excusez-moi si je ne suis pas comme l’ahurissant chroniqueur du Monde Gérard Courtois, qui reprend le refrain : « L’antisémitisme n’est pas une opinion, c’est un délit ». Façon superbe et commode d'effacer d'entrée le contradicteur du paysage, exactement comme les Soviétiques éliminaient des photos officielles les dignitaires tombés en disgrâce. Jolie façon de réécrire l'histoire en la niant. 

Une telle phrase illustre exactement ce qu'est un déni de réalité, car si l’antisémitisme est un délit, il n’en reste pas moins, qu’on le veuille ou non, une opinion. Autant dire, à ce moment, que le « grand excès de vitesse », tout en étant un délit, n'est pas un comportement. Ou que le viol, qui est un crime, n'est pas un acte sexuel.

Une opinion, un comportement peuvent parfaitement être délictueux, sans cesser d'être pour autant une opinion et un comportement. Une telle dénégation est purement et simplement idiote. Aucun interdit n'a jamais anéanti  son objet de facto. La preuve ? L'envie de meurtre chez le serial killer cesse-t-elle à cause de l'interdit légal censé le dissuader ?

Et le violeur sait exactement le risque qu'il prend en agressant sa proie. La loi freine le passage à l'acte et dissuade ceux qui contrôlent à peu près leurs pulsions (et qui n'ont le plus souvent pas besoin de la menace légale pour ne rien commettre d'illégal), mais ne saurait abolir le délit. Elle n'est d'ailleurs pas faite pour ça. Et on le comprend : comment faire pour empêcher les gens de penser ce qu’ils pensent ? Surtout, de quel droit certains s'arrogeraient-ils le droit de le leur interdire ?

La loi devrait être faite pour punir exclusivement des actes. Toutes celles qui ont été faites pour satisfaire la « sensibilité » de telle communauté, de telle minorité, de tel groupe, pour quelque motif que ce soit, sont des lois infâmes. En particulier, celles qui punissent de simples paroles : les motifs pénaux inventés pour rassasier les appétits de vengeance des clientèles minoritaires des partis politiques avides de bulletins de vote, comme « incitation à la haine raciale », « négationnisme » et autres joyeusetés, sont à considérer comme des infamies.

Une telle liste, appelée à s'allonger perpétuellement (« homophobie, sexisme, islamophobie, machisme, ... », pourquoi cela s'arrêterait-il ?), est un nœud coulant passé au cou de la liberté. Le lynchage en est l'aboutissement logique, mais armé du sceau de la légitimité officielle. Ce sont autant de bombes à retardement où le législateur fou a mis la haine à mijoter, en espérant qu'elle n'explosera pas de son vivant. « Après moi le déluge » semble être le raisonnement de ce grand courageux. Nous verrons ce qu'il en est aux prochaines élections.

Appelons les choses par leur nom : l’antisémitisme, selon la loi française, est un « délit d’opinion », vous savez, ce scandale dénoncé en son temps par Voltaire en personne : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire », phrase souvent citée, phrase ô combien fondatrice, mais de plus en plus mise à mal dans la pratique, dans le pays même où est née la belle idée de « tolérance ».

Imaginez un beau « débat démocratique », où l’on donnerait la parole à un seul orateur. Ah oui, ça aurait de la gueule.  Et écoutez-la, la clameur publique ! Unanime ou presque ! Je ne sais pas vous, mais moi, l’unanimité, ça me fout la trouille. Reniflez bien : l’unanimité laisse exhaler des relents d’Union Soviétique, de Politburo et de Commissaire du peuple, à l'époque bénie où les artistes étaient sommés, par Jdanov et sa clique, dans toutes leurs démarches créatrices, de se soumettre à la loi du Parti, qui ne respirait et ne chantait que l'air du « réalisme socialiste ». L'artiste qui refusait d'entrer dans le moule était forcément un ennemi du peuple.

Toutes proportions gardées, regardez, dans le Vie et destin de Vassili Grossman, le représentant du Parti qu’on a collé dans les basques des soldats qui se battent héroïquement à Stalingrad, et qui ne craint pas d’envoyer un de ces héros à la Loubianka se faire broyer par la machine KGB pour des motifs de non-conformité. On n’en est pas là, et Dieudonné n’est sûrement pas un héros. Mais la mentalité écœurante qui appelle à interdire ses spectacles n’est pas si éloignée que ça.

De même que la loi et les forces qui vont avec n’empêchent pas la drogue (voir hier) de se vendre et de s’acheter, de même la loi ne saurait empêcher un antisémite d’être antisémite. Le problème, me semble-t-il, est peut-être logé dans le fait qu’il y a des antisémites chez nous. Je regrette cette présence, mais je doute que quiconque soit en mesure (je me répète) d'interdire à qui que ce soit de penser ce qu’il pense.

Et d’abord, je demande que les bonnes âmes bien de chez nous et bien confites dans le sucre unanime du moralisme le plus conforme fassent un petit détour par les discours tenus au vu et au su de tous dans beaucoup de journaux du Proche-Orient, appelant aujourd’hui même à l’éradication de l’Etat d’Israël, voire à l'extermination des juifs. Nul ne peut nier cet antisémitisme.

Ensuite, le problème, si je regarde seulement ce qui se passe en France, je demande qu’on se demande s’il est bien normal et acceptable que certains (appelons-les « les associations ») veuillent contrôler ce qui se passe dans l’esprit des « gens », et s’érigent en gourdins mâtinés de guillotine pour assommer et décapiter toutes les têtes qui « pensent mal » au motif que « c’est pas bien » de penser ce qu’on pense. Si je ne suis pas d’accord avec Untel, de deux choses l’une : je discute ou je me barre. Je ne suis pas Commissaire du Peuple.

Ce qui me fait peur dans l’ambiance actuelle, du genre « les chiens sont lâchés », c’est ce que souligne Elias Canetti dans Masse et puissance : la meute, dernier stade avant la formation d’une « masse ». Dans les moments les plus forts de l’application du « plan Vigipirate », l’omniprésence d’uniformes de policiers et de militaires armés dans les lieux publics ne m’a jamais rassuré, bien au contraire. Rien de tel pour instaurer un vrai climat de peur.

Enfin, tant qu’ils gardent l’index posé bien droit sur le pontet de leur FAMAS, en prenant bien soin de ne pas effleurer la queue de détente. On ne sait jamais, un mauvais coup est si vite parti (le 5,56 NATO a une vitesse initiale de 1300 m/s, je ne sais pas si vous voyez ce que ça peut faire dans une gare bondée).

Voilà ce que je dis, moi.