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jeudi, 08 décembre 2011

DANS LE TELETHON, TOUT EST BON

Ils sont merveilleux, les Français ! Rendez-vous compte, en pleine crise, en plein allongement de la durée de cotisation pour la retraite, en plein chômage, en pleine crise de l’euro, en plein marasme moral, voilà qu’ils trouvent le moyen (et les moyens) d’être encore plus généreux que l’an dernier : les promesses de dons ont afflué au standard du TELETHON. 

C’est épastrouillant, vous ne trouvez pas ? Ça rentre encore mieux que les impôts ! 86 millions ! Un tirage de l’Euro-millions après quelque temps d’incubation stérile. Dans le fond, c’est plus banal que je ne croyais au premier abord : la Française des jeux n’a pas à être jalouse, elle qui distribue les millions d’euros régulièrement, fidèlement, semaine après semaine. Ça relativise.
 

Mais 86 millions de promesses en deux jours. Bon, ce ne sont peut-être que de ces promesses qui ne sont pas destinées à être tenues, comme on en entend avant chaque élection. Mais parions sur la sincérité. 86 millions ! Je n’en reviens toujours pas. Je crois que je n’en reviendrai jamais. Je vais tâcher de vous dire pourquoi.
 

Et je promets d’essayer de ne pas essayer de faire rire des myopathies, et encore moins des myopathes. Et pourtant, il y aurait matière, par exemple en imaginant un myopathe en train de gratter une carte de la Française des jeux. Mais j’ai promis d’essayer, et cette promesse, je la tiendrai. Peut-être.
 

La raison de ma répugnance à l’égard de l’opération Téléthon (je dis bien « opération ») est assez simple, et j’y viendrai. Mais ma première remarque concernera les propos tenus je ne sais plus en quelle année par Pierre Bergé : en gros, je crois me souvenir qu’il reprochait au Téléthon de siphonner tout l’argent de la générosité, et qu’il n’en restait plus ou presque pour sa cause à lui : le Sidaction.
 

Ben faut le comprendre, Pierre Bergé, qui fut l’amant et compagnon  richissime du richissime Yves Saint-Laurent, qui finance la revue Têtu, qui a financé Ségolène Royal (appartement de 200 m², campagnes diverses), au-delà du raisonnable, puisqu’il a fini par se rendre compte qu’il avait misé sur la mauvaise jument. En tant que porte-drapeau de la cause homosexuelle, il aimerait bien que les gens mettent un peu d’argent dans la recherche sur le SIDA.

Pour répondre à l’attente de Pierre Bergé, livrons-nous à un petit calcul. Combien de personnes sont touchées par les myopathies ? Je ne veux pas dire de bêtises, mais je crois bien qu’en France, il semble qu’on compte environ 5.000 individus souffrant de maladies rares. Les myopathies en font partie, entre autres. Mon ami Salvatore est bien mort d’une de ces autres vacheries, je ne sais plus laquelle. J’imagine que le Généthon s’occupe de toutes.

Maintenant, combien de malades du SIDA ? Le nombre qu’on peut trouver, c’est celui des morts en France depuis le début de l’épidémie (aux Etats-Unis, c’est 1981) : 35.000. Certains parlent de plus de 40.000. Quant aux personnes séropositives, qui ne sont que porteuses du virus (à ne pas confondre avec les malades du SIDA), une estimation de « sida info service » de novembre 2010 fait état de 152.000.
 

Où veux-tu en venir, blogueur suspect, avec cette comparaison ? – Eh bien, cher lecteur, je réfléchis. Je regarde, j’écoute, je lis : oui, je réfléchis. C'est un peu pour ça que je me permets de tenir le résent blog. Je remarque que les promoteurs du Téléthon défendent une CAUSE. Qu'il y a dans le Téléthon du militantisme. Or, comme l'écrit Ambrose Bierce dans Le Dictionnaire du diable : « Le militant est un militaire qui porte son uniforme à l'intérieur ».
 

Accessoirement, il serait tout à fait imaginable que l’entreprise Généthon fût conçue pour déposer des brevets, pour ensuite, on ne sait jamais, les monnayer pour s’alimenter en argent frais et se débarrasser de la corvée de la quête publique ? Mais je ne veux pas jeter la suspicion sur une démarche louable dans son principe.
 

Si j’examine le paysage à partir du mot-clé « une cause à défendre », alors là, le vertige me prend, cher lecteur. De ce côté, la cause des mal-logés, avec pas loin la cause des mal-nourris, et tout près la cause des pas logés du tout, derrière laquelle se cache la cause des enfants hospitalisés.
 

De cet autre côté, la cause des animaux à fourrure, coude à coude avec la cause des espèces en voie d’extinction et la cause des taureaux de combat. De cet encore autre côté, des sans-papiers, des réfugiés politiques, des réfugiés climatiques, des migrants en général, des victimes de la famine en Somalie, des victimes de l’amiante ou de l’atome, etc. J’arrête, car ça n’en finirait pas.
 

Tu as compris, cher lecteur, ce qui me chiffonne, avec le Téléthon ? Je me suis arrêté à quelques « causes » dont les médias sont friands, mais j’aurais pu transformer l’énumération des « causes » en véritable litanie des saints, tu sais, cette prière d’intercession dite le jour de la Toussaint et qui dure juste à peine quelques heures.

A ton avis, de même que, dans la litanie, aucun saint n’a la priorité sur les autres, excepté par l’ordre d’apparition, quelle est la « cause » qui l’emporte sur les autres ? Car c’est bien connu, « choisir, c’est éliminer ». Et je me demande incidemment s'il n'y a pas quelque injustice à focaliser l'attention et la générosité publiques sur cette cause-là plutôt que sur cette autre.
 

Bon, alors c’est vrai, on peut tâcher d’y voir un peu clair et opérer un premier « tri sélectif » (je ne me lasse pas de ce délicieux pléonasme), en faisant passer, par exemple, les animaux après les humains : exit la vivisection, exeunt (c'est comme ça qu'il faut dire) les espèces menacées et les animaux à fourrure. Ça, c’est relativement facile. Encore que j’en entende déjà certains protester vigoureusement.
 

Mais ensuite ? Qu’est-ce que tu vas prendre, comme critères de sélection, d’élection de TA cause ? Quel âge ont-ils ? Quelle est leur souffrance objective ? La situation est-elle urgente ? Critique ? Combien sont-ils ? Combien risquent-ils d'être demain ? Quelle est la gravité du mal dont ils souffrent ? Eh oui, il est bien là, le problème : il faudrait tout faire. Dit autrement : si on n’est pas insensible, on voudrait tout faire. Et je sens que si on organisait un débat là-dessus, les participants en viendraient rapidement aux mains.
 

Car ce n’est pas la souffrance qui manque, sur cette planète, on est d’accord. Certains l’appellent le MAL. C’est d’autant plus insupportable qu’on est au courant de tout ce qui se passe de MAL, aujourd’hui, presque au moment où ça se produit. Avec la télévision, cher lecteur, c’est toute la souffrance du monde qui débarque chez toi, dans ton salon, et en pleine digestion.
 

Rectification : c’est l’image de toute la souffrance du monde qui vient s’asseoir à ta table. Ça change tout. C'est Guy Debord qui disait ça, paraît-il. Je n'ai pas vérifié. D’ailleurs, est-ce que le problème ne vient pas précisément de là ? Car, puisque nous réfléchissons, demandons-nous ce qui a produit cette exacerbation du sentiment populaire autour du seul Téléthon, qui a fait passer très loin derrière lui toutes les autres « causes » à défendre. Réponse catégorique : rien d’autre que la télévision.
 

Je ne veux pas savoir QUI a eu l’idée du Téléthon. Quoi qu’il en soit, il mériterait d’être bombardé directeur du marketing d’une grande entreprise multinationale. Ce fut certainement un coup de génie (je crois que c’était en 1986). Comprends-tu, cher lecteur, pourquoi Pierre Bergé peut à bon droit se plaindre de l’ombre qui est faite au Sidaction ?
 

C’est tout simplement parce qu’il s’est fait brillamment griller par cette offensive surprise et victorieuse sur le principal média de propagande qu’est la télévision. Bon, c’est sûr, en 1986, on parlait de sidéens, de sidaïques, de sidatoriums, voire de « sida mental » (Louis Pauwels). Si je me souviens bien, l’épidémie de SIDA n’avait pas encore mis en œuvre toutes ses capacités de nuisance et n’était pas encore le fléau décimateur de l’Afrique subsaharienne (autrefois, on disait « Afrique noire », c’était plus facile à prononcer).
 

L’image des malades du SIDA était ténébreuse, voire sulfureuse. « Ils l’ont bien cherché », entendait-on. Pour la télévision, en 1986, ce n’était pas un bon produit, au « packaging » lisse et impeccable. Impossible de mettre côte à côte, sur le plateau de télévision, le petit myopathe et le mec atteint du sarcome de Kaposi (toujours prêt, celui-là, à profiter lâchement de la perte d’immunité). Pour tirer des larmes et de l’argent, « yapafoto », comme disent les Japonais.
 

Hé oui ! L’avantage et l’inconvénient de la télévision, ils sont là. En 2011, tu mets sur scène monsieur Gad Elmaleh tenant dans ses bras un petit myopathe (au pays de la myopathie, on est vieux avant trente ans, ça restreint forcément). Et hop ! Tu commences par tirer des larmes. Ça détourne l’attention, et comme tu es rapide et habile, tu fais les poches du sentiment populaire.
 

L’inconvénient, pour ne pas dire le vice congénital de la télévision, c’est de frapper à l’estomac : le petit myopathe il te rentre dans le chou de l’émotion, dans le vif du sternum, exactement là où s’exacerbe le sentiment populaire. Et le sentiment populaire, qu’est-ce qu’il fait ? Il y va de sa larme. Et le sentiment populaire, juste après – car il ne faut pas laisser refroidir, je veux dire réfléchir –, il prend son téléphone et il promet. Et une fois qu’il a promis, va revenir dessus ! Difficile : il s’est  engagé.
 

L’avantage, c’est évidemment que la télévision se transforme sous tes yeux en machine à sous qui crache d’un coup tout le pactole, dans un déchaînement grandiose de pitié, d’amour et d'humanité d'un côté, et de l'autre, de crépitement des flashes, d’applaudissements et de lumières vives qui clignotent. Voilà ce que c’est, le Téléthon. C'est du spectacle, comme disait Guy Debord, paraît-il. Je n'ai pas vérifié.
 

Je précise, cela devrait aller sans qu’il fût besoin d’être dit, que je ne veux strictement aucun mal aux enfants infirmes atteints de myopathie. Dans mon proche entourage, on sait trop ce qu’infirmité veut dire pour que je laisse subsister quelque ambiguïté. Cela ne m’empêche pas de voir dans l’émission de télévision intitulée « Téléthon » l’exercice d’une forme de violence faite au peuple. En même temps que d'une forme d'injustice.

Avec toute la sincérité, l'honnêteté et la bonne volonté qui animent les promoteurs de l'opération "téléthon", il y a une forme de violence, liée au choc émotionnel propre à l'image, en particulier télévisuelle, et une forme d'injustice, liée à l'élection et à la promotion d'une cause parmi dix mille autres.
 

De toute façon, Pierre Desproges, dans je ne sais plus quel sketch, voyait aussi une forme de violence dans tout appel au sentiment de pitié. Voire dans toute mendicité. « Mes cent balles, je les garde », disait-il.
 

Voilà ce que je dis, moi.
 

NOTE-À-BENNE : il y eut une ville nommée Athènes, il y eut une bataille à proximité d’une ville nommée Marathon. Le mot « téléthon » voudrait être un mot-valise qu’il ne pourrait pas y arriver. Pour une création lexicale, on peut dire que le mot « téléthon » est un monstre, au sens antique du terme. C’est comme si on avait pris le nom de Paris et qu’on l’avait coupé et recollé pour donner « téléris ». Je ne commente pas. Pas la peine, je suppose.

mercredi, 07 décembre 2011

CARTHAGE, WATERLOO ET VERDUN

« Les taureaux s’ennuient le dimanche », chantait JACQUES BREL. La chanson finissait (et finit toujours, que je sache) par une question sur ce que les taureaux ont dans la tête : « Ne nous pardonneraient-ils pas, en songeant à Carthage, Waterloo et Verdun ? ». BREL répète « Verdun ». Il n’a pas tort. L’homme a fait fort à Verdun, côté rendement, en matière de meurtre collectif, même si c’est un peu moins bien qu’à Hiroshima.

 

 

A Hiroshima, on dénombra 60.000 morts en un instant. A  Verdun, c’est 300.000 morts, mais en huit mois. C’est malgré tout un résultat honorable, dont on peut être fier : rappelons que presque trente ans séparent les deux champs de bataille.

 

 

Par ailleurs, l’avancement dans les techniques de destruction de la vie humaine n’avaient pas encore connu les spectaculaires progrès qui virent le jour au cours de la deuxième guerre mondiale. Certains esprits chagrins objecteront que Hiroshima ne fut pas un champ de bataille. Je réponds que je ne m’intéresse ici qu’au seul aspect technique des opérations.

 

 

Je pense à Verdun et aux 100.000 obus par jour, en moyenne, qui sont tombés. Au total, on compte, selon une source, 53.000.000 d’obus sur 10 kilomètres carrés. Techniquement, on peut se consoler en se disant que ce fut la preuve éclatante que l’industrie française pouvait rivaliser avec l’allemande.

 

 

Mais économiquement, on est bien obligé de reconnaître que ce fut un gouffre financier. Rendez-vous compte : une moyenne de 176 obus pour une seule tête de pipe cassée dans le camp d’en face. Le rendement devient ridicule. Rien ne vaut finalement d’entrer dans les détails pour se faire une vue plus juste des choses.

 

 

Pour parler sérieusement, ce qui est sûr, c’est que la première guerre mondiale est le premier massacre de l’histoire qui ait été pensé, conçu et exécuté comme massacre à grande échelle, et dans l’unique but d’être un massacre. Ce que les Allemands n’avaient pas prévu à Verdun, c’est qu’à peu près autant des leurs que de Français tombèrent (à 20.000 près, mais, n’est-ce pas, « quand on aime, on ne compte pas », paraît-il).

 

 

Je ne vais pas vous reparler ici des 15.000 monuments aux morts que j’ai collectionnés sur internet, dont j’ai publié un certain nombre dans mon blog « kontrepwazon » de 2007, avec la dignité que cela requiert, comme je le pense et l’espère. A part ça, je suis assez convaincu que les monuments aux morts ont été conçus à l'époque comme une gigantesque opération de propagande.

 

 

Je pense à Verdun, et à la « marche pacifiste Metz-Verdun » qui eut lieu en 1976. Je suis heureux d’avoir participé. Je suis heureux d’avoir marché au côté de THEODORE MONOD. Je suis heureux d’avoir marché sur la route légèrement montante qui mène au cimetière.

 

 

Je suis presque heureux que nous n’ayons pas pu parvenir à celui-ci. Je ne parle pas de l’obscène monument pâteux et presque excrémentiel, je parle juste du cimetière. J’y ai pensé des années plus tard, quand j’ai visité le cimetière américain de Colleville-sur-mer. Une croix par bonhomme. Sur des centaines de mètres carrés.

 

 

Combien ils étaient, pour empêcher cette procession silencieuse et digne d’arriver sur les lieux ? Dix piliers de bar à tête de beauf, armés du calot rouge des parachutistes, qui estimaient que nous profanions ce « champ d’honneur ». Entre eux et nous (qui étions facilement plusieurs centaines), la gendarmerie mobile, pour empêcher toute « atteinte à l’ordre public ».

 

 

Je pense à Verdun, et à ce que les soldats ont commencé à recevoir sur la calebasse à partir du 21 février 1916. C’est que le grand penseur stratégique responsable de l’offensive s’appelle ERICH VON FALKENHAYN. Il a décidé de « saigner à blanc l’armée française ». Résultat : plus de 140.000 Allemands étendus aussi pour le compte.

 

 

Pour obtenir ce brillant résultat, il fait venir un nombre impressionnant de « bouches à feu », comme on disait au 18ème siècle. FALKENHAYN a fait disposer 1.300 canons, dont plusieurs centaines de gros calibre. Il a imaginé une technique de bombardement, dite « Trommelfeuer » (qu’on peut traduire « feu en roulement de tambour »).

 

 

C’est d’ailleurs cet usage jamais vu auparavant de l’artillerie qui fera qu’à Verdun, deux morts sur trois sont devenus des disparus. Cette seule idée me flanque la chair de poule. Il me semble que cet acharnement illustre assez bien ce que peut vouloir dire une expression comme « réduire en miettes ».

 

 

FALKENHAYN devait être la caricature même de la vieille baderne fanatique, parce que, jusque sur son lit de mort, il a soutenu que la bataille de Verdun avait tué deux fois plus de Français que d’Allemands.

 

 

Je pense à Verdun, et à mon grand-père, alors simple étudiant en médecine, qui a servi dans un hôpital de campagne à proximité du champ de bataille. Je n’en ai jamais su davantage.

 

 

Je pense à Verdun.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

 

mardi, 06 décembre 2011

LA JOURNALISTE FARCIE (fin)

Résumé : on est gouvernés, informés et employés par des mafias. Very bad trip, brother !

 

Une illustration et une variante de cette connivence viennent d’être offertes par le magazine « M » du journal Le Monde, sous la plume de Raphaëlle Bacqué et Judith Perrignon. Il s’agit, là encore, de faits connus. Pas de révélations à attendre. Rien que de la confirmation, du déjà-vu.

 

Il s’agit des atomes très crochus qui se sont trouvés entre un certain nombre de femmes journalistes et un certain nombre d’hommes politiques, et dont les diplodocus sont, d’une part, Christine Ockrent avec Bernard Kouchner, et d’autre part, Anne Sinclair avec Dominique Strauss-Kahn.

 

Béatrice Schönberg & Jean-Louis Borloo en montrent un exemplaire plus récent, quoique déjà défraîchi. Audrey Pulvar & Arnaud Montebourg, j’avoue que je n’étais pas au courant. Ils sont très bien quand même, et je les félicite. Citons encore les noms d’Alain Juppé (Isabelle Legrand-Bodin, journaliste à La Croix), François Hollande (Valérie Trierweiler) et Michel Rocard (le nom de l'épouse journaliste n'est pas cité, et on s'en tape).

 

Raphaëlle Bacqué mentionne cette remarque de Philippe Val, vous savez, cet homme d’affaires, cet œuf couvé par Charlie Hebdo, éclos à France Inter, quand il s’adresse à Audrey Pulvar : « Tu aurais dû cacher ta relation… ». C’est merveilleux. Je n’en demandais pas tant : « Tu aurais dû cacher ta relation … », avoue ce grand moraliste. Oui : on peut faire tout ce qu’on veut, aussi longtemps que ça ne se sait pas. Secret et solidarité. C’est la règle de la « famille » (Cosa Nostra), rhabillée en « règle professionnelle ».

Ce qui est drôle aussi, dans le double article dont je parle, c’est le nombre des noms qui ne sont pas dits. Raphaëlle Bacqué parlant seulement d’Audrey Pulvar, c’est dans l’article de Judith Perrignon qu’on a envie de dire : « Des noms ! Des noms ! ».

Il faut dire qu’elle fait un peu d’histoire. Dans les années 1960, Jean-Jacques Servan-Schreiber possédait L’Express. François Giroud en dirigeait le service politique. Ils embauchèrent Michèle Cotta, Irène Allier et Catherine Nay. C’était stratégique. Et ça a marché.

Surnommées les « Amazones », elles allaient, selon JJSS, « mettre de la chair derrière les idées » et « Vous êtes un bataillon de charme, vous allez les faire parler ». Ça devient transparent, non ? Donc, Catherine Nay devint la maîtresse d’Albin Chalandon. Le missile avait atteint la cible. Car ces femmes étaient bien des missiles.

Judith Perrignon évoque ensuite l’arrivée « d’autres générations de jeunes femmes » dans la profession journalistique. Une très jolie phrase : « On leur confiait toujours les couloirs plutôt que les éditos ». Je dirai que « faire le couloir » est, encore de nos jours, plus honorable que « faire le trottoir », même si c’est pour y pratiquer le même métier. 

Je cite : «  L’histoire de cette voix reconnaissable entre toutes qui s’inventait un nom pour appeler sa maîtresse dans la salle de rédaction – à chaque fois faussement sérieux, celui qui décrochait demandait : "De la part de qui ? " ». Des noms ! Et : « L’anecdote de ce responsable communiste racontant au téléphone le détail d’un bureau politique à une journaliste, par ailleurs allongée à côté d’un ténor socialiste agrippé à l’écouteur (…) ». Des noms ! Des noms ! Des noms !

 

Et Françoise Giroud qui, « avec le temps, prenait l’air d’une mère maquerelle ». Ce n’est pas moi qui écris cette saloperie, je vous jure, c’est page 53. Autrement dit, je n’invente rien : une jolie nénette futée,  bien balancée, embauchée comme journaliste dans un service politique, envoyée pour interviewer un homme politique, est invitée à employer tous les moyens pour revenir avec de la belle information, bref : de la confidence. Et si la nana n’a pas froid aux yeux et à la culotte, l’affaire est dans le sac.

 

Des missiles, je vous dis. C’est l’empire soviétique sous Brejnev. En plus soft, je veux bien. Mais ça couche quand même, ça baise et ça fornique. Moi ce genre de galipettes n’est pas pour m’effaroucher. Je dis comme Boby Lapointe : « Ça ne me mettait pas à l’aise, De la savoir Antibaise, Moi qui serait plutôt pour, Quelle avanie ! ». Ce qui me gêne aux entournures, c’est le mélange des genres.

 

Une femme et un homme qui se plaisent, pas de problème, ça finit au plumard, et je trouve ça très bien. « Ils furent heureux et eurent de nombreux orgasmes », comme on dit dans les « contes de fesses ». Mais le tableau de Michèle Cotta envoyée dans les pattes de Chalandon pour s’envoyer Chalandon, c’est autre chose. Ce genre de missile télécommandé, ça porte un nom bien clair et bien net : pute. Pour faire marcher les ventes de L’Express. A l’époque. Aujourd’hui, le « modus operandi » semble, en France, s’être généralisé. Et celui qui envoie la nana en mission est un maquereau.

 

Quand Judith Perrignon déplore que la réciproque ne soit pas vraie, là, je commence à me marrer franchement. Bon, elle reconnaît qu’il y a moins de femmes politiques que d’hommes. J’ajouterai que la profession journalistique s’est féminisée beaucoup plus vite. C’est vrai qu’il y a donc un grand déséquilibre entre l’offre et la demande. Mais qu’attend le marché pour s’auto-réguler ? Que fait Sarkozy ?

 

Mais s’il y a moins d’hommes journalistes qui succombent aux charmes des femmes politiques, est-ce vraiment, comme elle le soutient, parce que : « La politique reste le reflet d’une société patriarcale » ? Hé, ma belle, où tu l’as vue, la société patriarcale ? Ça fait longtemps que ses lambeaux s’en sont allés au fil de l’eau.

 

Elle ajoute quelque chose d’assez juste, je pense, sur le narcissisme tyrannique qui règne sur les mondes politiques et médiatiques. Un narcissisme réciproque, selon toute vraisemblance. Qui s'auto-alimente, et qui forme un terreau favorable à tout ce que les féministes américaines vomissent sous le nom de "séduction".

 

Moi, je crois que si les hommes journalistes vont, tout comme les femmes journalistes, de préférence vers les hommes politiques, c’est d’une part que ceux-ci sont les plus nombreux, d’autre part que le journaliste politique, mâle ou femelle, va par nature vers le pouvoir. Et j’en conclus que, si le journaliste mâle ne couche pas avec l’homme politique, c’est qu'ils sont tous deux, tout simplement, hétérosexuels.

 

Cela ne change rien au fait que, homme ou femme, quand il s’agit de politique et de pouvoir, le journaliste est tenté par la prostitution, quand il n’y est pas incité, comme on l’a vu. Le problème du journaliste politique, dans son monde professionnel tel qu’il est organisé et structuré en France, il est là : « Que suis-je prêt à faire ? Jusqu’où suis-je capable d'aller pour rapporter de l’information exclusive ? Quelle part de ma dignité et de ma liberté personnelles suis-je prêt à abandonner pour cela ? ».

 

Dans la façon dont les professions médiatiques fonctionnent aujourd’hui en France, je suis obligé de penser qu’elles comportent a priori une part de prostitution disponible. Combien de héros et d'héroïnes résistent à la tentation ? Ben oui, c’est que chacun a une carrière à faire. Toutes les jolies journalistes ne s'appellent pas Tristane Banon.

 

Voilà ce que je dis, moi.

lundi, 05 décembre 2011

LA JOURNALISTE FARCIE, C'EST DELICIEUX

C’est dit : aujourd’hui, je me farcis une journaliste.

 

 

La recette ? Prenez une journaliste de niveau CSP+ (moyen supérieur dans la hiérarchie). Pas besoin de l’ouvrir : on garde tout, la peau, les seins, les fesses, les cuisses, le sexe, enfin tout ce qui peut servir, les yeux à la rigueur, pour compléter tout ce qui fait le « sex appeal », comme on ne dit plus. Mettez-la en présence. En présence de qui, blogueur étourdi ?

 

 

Mais en présence de qui vous voudrez, pourvu que ce soit dans le « panel » que nous vous présentons. Un « panel » d’hommes politiques judicieusement choisis, pour être précis. Vous introduisez l’homme politique dans la journaliste, et le tour est joué. Même pas la peine de passer au four : c’est déjà cuit. Servez. C’est toujours chaud. Chaud bouillant, même.

 

 

Je me suis déjà payé la profession journalistique, dans ce blog. Je n’ai pas dit trop de mal des personnes (sauf d’ALAIN DUHAMEL, il ne faut pas demander l’impossible). J’ai dit pis que pendre de cette profession journalistique  structurée comme une mafia et, tiens, c’est bizarre, exactement comme le sont nos personnels politiques des hautes couches de l’atmosphère.

 

 

C’est bizarre, il y avait dans un journal récent un article sur les éditorialistes cumulards, qui courent de presse écrite en plateaux de télévision, et de télé en radio. « Or c’est un usage bien établi », c’est GEORGES BRASSENS qui le dit (« L’Hécatombe »), la politique française se fait sur la base du cumul des mandats. Drôle d’homothétie, vous ne trouvez pas ? C’est peut-être pour ça que l’homme politique est aisément empilable sur la journaliste politique.

 

 

Cumulards de mandats en politique et éditorialistes multicartes dans les médias : j’ajoute les renvois d’ascenseurs couramment pratiqués dans les conseils d’administration des grandes entreprises, qui font que monsieur untel touche quatre ou cinq « jetons de présence » en espèces sonnantes non négligeables, tout ça pour ne pas se donner la peine de siéger aux assemblées des sociétés auxquelles il a été convié par un « ami ».

 

Ainsi, moi qui ne suis pas dans le secret des dieux, loin de là, mais qui lis correctement la presse, je me dis que dans les couches supérieures de ces trois secteurs, règne une logique de mafia. Les « familles » se partagent le gâteau. « Je lui ai dit, à ma femme : à partir d’aujourd’hui, tout le fumier ça sera pour toi ! » (FERNAND RAYNAUD, « J’suis qu’un pauv’paysan »).

 

 

La POLITIQUE, les MEDIAS, les GRANDES ENTREPRISES. Autrement dit : la LOI, la PROPAGANDE, l’ARGENT. Faire la loi pour être juridiquement inattaquable. Bourrer les crânes pour se faire réélire. Racketter les entreprises pour atteindre les deux premiers objectifs. Pour le coup, « racketter » est abusif : les grands patrons se précipitent pour cracher au bassinet. En attendant le retour sur investissement.

 

 

Regardez bien comment tout ça est organisé. Rappelez-vous le référendum de 2005 sur l’Europe : c’était le tir de barrage, venant du triumvirat régnant. L’ordre règne, même si ces gens furent désavoués dans cette occasion. Rassurons-les : en temps ordinaire, les hautes sphères sont fermement « tenues ».

 

 

Evidemment, on me dira que je schématise, que je caricature, que je suis injuste, que je généralise abusivement, que je fais le jeu des extrêmes, et je ne sais trop quoi d’autre. Certes, j’exagère. Mais ne trouvez-vous pas, néanmoins et nonobstant la simplification outrancière,  que ça dessine assez bien les lignes de forces générales du paysage ? Je maintiens que c’est non seulement vraisemblable, voire probable, mais aussi que, dans les grandes lignes, c’est comme ça que ça se passe, dans la réalité.  

 

 

Ce n’est pas la première fois que je concentre mon tir sur la connivence qui règne en général (je parle toujours des hautes couches de l’atmosphère) entre les personnels politiques et les journalistes. Qui sont « à tu et à toi » dans la vie. J’ai failli oublier de préciser que c’est seulement quand les micros et les caméras sont fermés.

 

 

Car, qu’on se le dise : il ne faut pas que ça se sache. Les francs-maçons non plus, ne disent jamais qu’ils « en sont ». Je crois même que ça leur est interdit. Cela n’empêche pas quatre « frères » d’être mis en examen dans l’affaire du Carlton de Lille. C'est le Grand Maître de l'Ordre lui-même qui le dit. De même en Sicile, personne ne porte un écriteau marqué : « homme d’honneur », comme ils se nomment. Le mot d’ordre est simple : secret et solidarité. Gare à qui l’enfreint. Les deux cartouches seront chargées « a lupara » (renseignez-vous).

 

 

Je signale que, dans l’affaire du Carlton de Lille, on retrouve une grande entreprise de travaux publics (Eiffage), des hommes politiques (autour de DSK), des putes et, fait nouveau, des flics. Un article récent (27/28 novembre) du Monde, très documenté, exposait assez bien ce grenouillage, dans un article de EMELINE CAZI et ARIANE CHEMIN, intitulé « DSK et sa circonscription secrète ».

 

 

Je me fiche de savoir s’il est vrai qu’Eiffage, ou FABRICE PASZKOWSKI, a fourni des putes et payé le voyage au cercle de DSK pour des « parties fines », dont certaines ont eu lieu dans le bureau même du directeur général du FMI. Je me borne à relever le fait, exposé en détail dans le journal.

 

 

Je répète que ce n’est pas tel ou tel individu qui est à distinguer ou à vilipender. Ce qui fait hurler, c’est ce qui fait système. C’est comme ça que c’est organisé, structuré. Pour entrer, aucun autre moyen que d’être « adoubé », comme on disait au moyen âge. L’usage assez courant de ce mot en dit d’ailleurs long sur le caractère FEODAL des allégeances mutuelles. Il y a les suzerains, les vassaux, les « vavasseurs » (si si, ça existe).

 

 

Et c’est d’ailleurs drôle : figurez-vous que les journalistes, quand ils rendent compte d’une réunion organisée par ARNAUD MONTEBOURG dans sa circonscription, parlent facilement de son « fief » de Frangy-en-Bresse. Ce que, tous partis confondus, les politiciens dans leur ensemble appellent en chœur « l’ancrage local » pour empêcher quelques utopistes de nuire au sacro-saint cumul des mandats.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre … les femmes journalistes qui se font « farcir ».


 

vendredi, 02 décembre 2011

CONTINUONS LE COMBAT ?

Après le sujet sérieux, après le sujet grave, voilà un sujet  déplaisant. Un sujet qui m’est inspiré par ce que j’entends régulièrement.  

J’étais allé rendre visite à Dédée quelque part en Dauphiné. J’y tenais. Va savoir pourquoi, au fond du fond. Elle avait du mal à tenir debout. Amaigrie à faire peur. Elle trouva néanmoins la force de rire en me disant : « Oui, Frédéric, on retournera dans les marais, un soir de Noël, pour faire les loups ». Quinze jours après, elle n’était plus de ce monde. Je l’aimais beaucoup.

« Faire les loups », je vais vous dire ce que c’est. Pendant une soirée de Noël, tout le monde était sorti pour prendre l’air et faire de la place dans les estomacs pour la suite. Il faisait nuit, il était tard, mais sans plus. Par jeu, j’avais commencé à pousser des cris dans le suraigu, comme je sais faire, à la façon des loups, dit-on. Et comme le proposait le générique d’une émission de radio il y a fort longtemps (« Loup-garou », de PATRICE BLANC-FRANCARD ?).

Dédée s’y était mise, elle faisait ça très bien : on avait donné tous les deux une sorte de concert improvisé, de loups hurlant à la lune. L’imitation devait être assez réussie, si j’en juge par les lumières extérieures des maisons qui s’allumèrent à ce moment.

On entend fréquemment, à propos de gens qui sont morts « des suites d’une longue maladie » ou « d’une cruelle maladie », qu’ils se sont battus avec courage contre la maladie. Dédée ? Oui, elle s’est battue. Mais d’abord, ça veut dire quoi, « se battre contre la maladie » ? Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? J’avoue que je l’ignore.

Se battre contre n’importe quelle maladie, je vois bien. Ça veut dire, en gros, se soigner. On va chez le toubib, il fait un examen sérieux (Docteur L., 30 minutes) ou pas sérieux (Docteur P., 4 minutes, tension comprise), il vous fait rhabiller, il vous fourgue une ordonnance, vous la suivez, vous êtes guéri. On a fait ce qu’il fallait.

Se battre contre la maladie, ça veut donc dire « se soigner ». Accessoirement, ça veut dire, faire ce que le docteur a dit de faire. Et normalement, ça marche. Dans la plupart des cas. Le problème se pose quand la maladie devient « longue » ou « cruelle ».  

 

De l’usage de l’euphémisme et de la périphrase, quand ça devient vraiment grave. GEORGES BRASSENS, dans « Le Bulletin de santé », dit « ce mal mystérieux dont on cache le nom ». Disons-le : il s’agit du cancer. Cancer de ce que vous voudrez, c’est un mot qui fout la trouille. Je signale en passant qu’on n’a pas fini de l’entendre, le mot.

Pour vous en convaincre, allez voir La Société cancérigène, de GENEVIEVE BARBIER et ARMAND FARRACHI : 262 % d’augmentation entre 1950 et 1988, + 20 % entre  1980 et 2000. Les décès ? 7 % en 1920, 30 % en 2000. Un homme sur trois, une femme sur quatre en meurt, aujourd’hui en France. Je ne m’affole pas, j’essaie de voir en face. Je précise quand même que je ne suis pour rien dans cette évolution.

Se battre contre la maladie, j’ai dit que c’était « obéir à son médecin ». Faire ce qu’il ordonne. Vous avez envie de vivre, et vous n’avez pas envie de mourir ? Obéissez. Soumettez-vous à l’autorité du médecin.  Pour le cancer, deux ordonnances : la chirurgie ou la chimiothérapie. Il y a aussi la radiothérapie, mais bon.

Se battre contre la maladie, c’est prendre les médicaments qui sont sur l’ordonnance. C’est aller bien sagement à sa « chimio » pour vomir tripes et boyaux. C’est passer par le bloc opératoire pour se faire enlever un morceau de corps pourri.

C’est ça, que je ne comprends pas : c’est donc ça, se battre ? Et je ne parle que des cas où les toubibs ne se sont pas trompés dans leurs diagnostics, dans leurs appréciations, où ils ont vraiment fait ce qu’il fallait, rien que du pertinent, de l’idoine et de l’adéquat.

Si les gens croient qu’avoir le moral quand on est malade suffit pour vaincre le cancer, libre à eux. Quelle différence objective, à l’arrivée, y a-t-il entre quelqu’un qui « s’est battu » et quelqu’un qui s’est « laissé aller » ? Vous en voyez une, vous ? A quoi ça me servirait, en pareil cas, d’avoir la volonté de « me battre » ?

Non, franchement, je préfèrerais qu’on dise qu’untel ou unetelle a FAIT FACE à la maladie, qu’il ou elle l’a bien regardée dans les yeux. « Se battre », on ne m’enlèvera pas de l’idée que c’est le genre de pieux mensonge qu’on dit pour réconforter. Je n’aurais pas envie qu’on me réconforte comme ça.

C'est PIERRE DESPROGES qui disait, et il savait de quoi il retournait, dans son propre cas : « Vivons heureux en attendant la mort ». Ça oui, c'est une vraie leçon.

Voilà ce que je dis, moi.

 

PS : Promis, la prochaine fois, je rigole.

 

 

 

jeudi, 01 décembre 2011

HARO SUR LE CONSENSUS

 

Ça commence à me pomper l’air, cette histoire de philosophie, « public », « privé » et tout le bataclan, pas vous ? J’en ai assez de ce sujet sérieux. Je vais donc passer à un sujet grave. Oh, dans le fond, pas si grave que ça.

 

 

 

Une copine à quelqu’un qui m’est cher déjeunait l’autre jour à la maison, en même temps que d’autres. Elle vient d’enterrer un certain nombre d’amis et connaissances en un temps réduit. Même si je reconnais que ça fout un coup, cette copine à quelqu’un qui m’est cher ne m’est pas très chère, à moi personnellement. Pour des raisons qui me regardent, et qui donc la regardent aussi. Mais personne d’autre.

 

 

 

Pour vous dire, on était à table, on parlait du raifort à l’allemande. Je ne sais pas si vous connaissez ces petits bocaux, qu’on trouve ici ou là, « à l’intérieur ». « A l’intérieur », je précise que c’est partout en France, sauf en Alsace. C’est comme ça qu’on dit là-bas.

 

 

 

Je disais de ce condiment somme toute très européen, peut-être même très banal, qu’il était proprement immangeable. Sur le ton doucereux, vaguement insinuant et franchement moralisateur qui caractérise les faux-culs, la copine à quelqu’un qui m’est cher me déclara : « Peut-être que tu pourrais dire « je n’aime pas », plutôt que « c’est immangeable ». J’ai répondu : « Je préfère dire que c’est immangeable ».

 

 

 

Pourquoi je préfère ? Parce que, tout simplement, chacun est habilité à porter des jugements, alors que « j’aime, j’aime pas », ça vous renvoie à votre petit moi étriqué. C’est de la petite subjectivité, et ça, tout le monde s’en fout, et tout le monde a raison. « C’est immangeable », ça donne un peu de lustre, de solennité et de componction à ce qui, autrement, serait une pure et simple opinion. Et l’opinion, il y a des sondages pour ça (je ne sais plus qui d’autre répondait à VICTOR HUGO, qui réclamait de la tolérance : « La tolérance ? Il y a des maisons pour ça »).

 

 

 

C’est vrai, quoi. Je sais bien que c’est un jugement. Et même un jugement péremptoire. Mais franchement, si personne ne porte de jugement, péremptoire ou non, je pose la question : « Quand y aura-t-il débat ? ». Réponse : « Jamais ». C’est quoi, un débat ? Une confrontation, c’est-à-dire un combat. Courtois et verbal, mais un combat quand même. Débattre, c’est combattre. « Ce n’est qu’un combut, continuons le débat ! » Euh non, j’ai interverti deux voyelles. Pas seulement les voyelles. Je demande pardon aux mânes de mai 1968. Pardon.

 

 

 

Je sais bien aussi que, en bon latin, « de gustibus et coloribus non disputandum est » (des goûts et des couleurs, on ne discute pas). Le raifort, franchement, que certains aiment ça, je m’en tape, aussi longtemps qu’on ne m’emmerde pas avec. Mais pardon si j’insiste, quand tu as émis un jugement, la personne en face reste totalement libre d’émettre le sien. De répliquer. De fourbir et de fournir ses arguments.

 

 

 

Et tous les deux, c’est génial, on va entrer en danse, s’envoyer nos répliques et nos arguments à la figure.  Et puis, c’est infiniment variable : soit on est d’accord, soit on n’est pas d’accord. Si on est d’accord, on passe à autre chose, non ? Tout le monde est d’accord ? Non ? Puisque c’est comme ça, je continue. Est-ce que j’aurai beaucoup d’arguments contre le raifort à l’allemande ? Je n’en sais rien à priori. Il m’arrive d’en douter, pour tout dire.

 

 

 

Parce que c’est quand on n’est pas d’accord, finalement, que la vie devient intéressante. Si je devais présenter les choses de façon grossière, je dirais qu’il y a deux sortes de gens : ceux qui veulent le consensus avant que le débat ait commencé, et ceux qui aiment le simple fait qu’il y ait un débat. Je ne supporte pas ceux qui cherchent, au-dessus de tout, le consensus.

 

 

 

Ceux qui n’aiment pas le débat, en face de ceux qui aiment ça. Ceux qui aiment le débat, de toute façon, tu le sais tout de suite. Ils le portent sur leur figure. Ceux qui ne l’aiment pas, ils le portent aussi sur leur figure, mais avec un sourire aimable. Ça fait la différence. Le sourire du faux-cul qui manipule les mots pour que la personne en face accepte de venir sur un terrain où elle aura le dessous.

 

 

 

Moi, il y a des débats qui ne me feront jamais dresser la paupière pendant la sieste. « Dieu existe-t-il ? » est de ceux-là. Mais il y en a qui me feraient lever la nuit. Cet aspect est aussi une donnée du problème. Et puis soyons franc : de même qu’il y a des semelles qui attirent le caca de chien, des joues qui attirent la claque et des culs la chaussure, il y a des têtes qui attirent l’objection.

 

 

Pour revenir au débat, j’ai comme l’impression que les gens ont peur de ça. Depuis qu’il y a la télévision, ils ont peur d’être en désaccord. Remarquez, je dis « la télévision », mais c’est peut-être autre chose. Les conseillers en communication, par exemple. « Attention, coco, dès que tu t’énerves, c’est toi qui as perdu. » Surtout maintenir en façade une équanimité inébranlable et de tous les instants.

 

En tout cas, quand ils sont en direct, les gens ont peur d’entrer en conflit verbal. Comme si le désaccord des idées supposait le conflit des personnes. Comme si les opinions faisaient partie intégrante de la personne, comme si elles étaient leur chair propre. Comme si l’opinion différente était la pointe d’un couteau qui en fendrait la surface et y pénétrerait à vif. Que c’est dommage ! Qu’est-ce que c’est bon, une bonne engueulade sur le sexe des anges ! Avec un pot de rouge sur la table ! Quoi de plus fraternel !   

 

Voilà ce que je dis, moi !

mercredi, 30 novembre 2011

DU SAVOIR COURTOIS A HANNAH ARENDT

Résumé : après diverses considérations sur le « savoir courtois », retour laborieux à HANNAH ARENDT.

 

 

A propos de « savoir courtois », il faut dire que, si je fuis tous les « systématistes » et autres élaborateurs extrêmement savants de globalités, de généralités et autres totalités totalisantes, voire totalitaires, il y a bien sûr une part de décision, une décision quasiment politique, le refus horrifié d’une menace qu’on fait peser sur l’individu. Mais il n’y a pas que ça. Il y a aussi une infirmité. Enfin, c’est peut-être une infirmité. Pas sûr.

 

 

Vous voulez que je vous fasse une confidence ? Vous vous rappelez sans doute le 12 juillet 1998, n’est-ce pas ? Eh bien, pendant que deux personnes qui me sont très chères avaient décidé d’aller au cinéma, juste parce que c’était gratuit ce soir-là pour les dames (H.) et demoiselles (J.), j’ai choisi d’écouter Cosi fan tutte, le casque sur les oreilles, qui m’a permis d’échapper aux trois énormes clameurs de la soirée. Je l’ai d’autant moins regretté que les deux personnes en question se sont laissé détourner par « l’ambiance d’enfer » qui régnait place Bellecour, où de gigantesques écrans avaient été dressé. Abdication pitoyable.

 

 

Ce n’est pas pour me vanter, mais j’ai lu Masse et puissance, de ELIAS CANETTI. Un drôle de livre, bizarre, atypique, qui m’a laissé perplexe,  dont le sujet avoué est une analyse du processus qui transforme une « meute » conduite par un chef en « masse » conduite par un « führer », suivez mon regard. Un drôle de livre, qui ne ressemble à aucun autre quant à son objet ou à sa méthode. Où ELIAS CANETTI veut-il en venir ? Ce n’est pas évident. Si je me souviens bien et pour résumer, l’individu, dans la meute, a encore une existence propre, qu’il perd quand celle-ci se transforme en masse. Mais c’est sûrement plus compliqué que ça.

 

 

Pour vous dire, si j’ai fait de l’alpinisme, c’est qu’au sommet du « Moine », du « Grépon » ou de « Trélatête », il y a place pour trois, allez : quatre si on se serre. On est encore des individus. Et on fait de la place au saucisson et au kil de rouge (à 3500 mètres, « la plus humble piquette » (BRASSENS, « Le grand Pan ») se transforme en nectar. Or c’est  le même homme de bien qui l’a dit : « Le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on / Est plus de quatre, on est une bande de cons » (« Le pluriel »).

 

 

C’est pourquoi j’ai tiré il y a fort longtemps un trait violent sur les plages du Midi en été, le supermarché le samedi matin, l’autoroute A7 pendant les week ends de « pont », et un certain nombre d’autres lieux qui attirent la concentration du genre humain, devenus comme des camps de sinistre mémoire.

 

 

L’agglutiné vit au rebours de sa propre vie. Ou c’est que je ne sais rien. Je commence à respirer quand l’humain se raréfie. Quand l'individu se dessine et prend forme et consistance.  Supermarché, cinéma ou remonte-pente, l’un des fléaux de notre temps est la file d’attente. Quand il s’agit de faire nombre, je me désagrège. Car il s’agit de faire nombre, il paraît. Il paraît aussi, d’ailleurs, que ça se mesure. Scientifiquement, même.

 

 

J’adapterais volontiers la fable du Corbeau et du Renard en la faisant finir par une sentence comme : « Sachez que tout sondeur vit aux dépens de celui qui répond. Cette leçon vaut bien mon fromage, pauv’con !». J’ai pris « sondeur » parce que ça passait mieux que « statisticien ».  

 

 

J’envierais celui qui porterait sur sa carte d’identité une mention du genre : « Celui qui ne ressemble pas ». Ou : « Perturbateur de statistiques officielles ». Et l’expression « fondu dans la masse » me semble d’une terrifiante vérité. « Fondre » à une température donnée, n’est-ce pas perdre ses contours, ses traits ? Disparaître ? A cet égard, je suis profondément occidental.

 

 

Il paraît que l’oriental se vit comme simple élément d’un grand tout, ce qui a au moins le mérite de faciliter sa disparition, alors que chaque occidental se vit comme une réplique en miniature du centre du monde, et comme tel, irremplaçable. C’est pour ça que SARKOZY se sent obligé de payer des rançons quand des Français sont enlevés au Mali ou au Yémen. Même et surtout quand il nie avoir payé un seul centime.

 

 

Occidental, je suis, occidental je reste. J’accepte l’héritage de l’individu et des Lumières. Plus consciemment et plus volontairement que des gens prêts à piétiner leurs semblables pour rejoindre leur petit carré de plage, parfumé à l’ambre solaire et au suint bestial des animaux vautrés. 

 

 

Vous avez compris pourquoi la télévision n’a jamais franchi mon seuil : être comptabilisé comme un petit sept milliardième de l’humanité ou le  six millionième de l’audience de FRANÇOIS HOLLANDE à la télé m’importe autant que le slip de flanelle que portait le président CARNOT quand il fut assassiné. Le problème de la télévision, c’est qu’elle fait disparaître les individus qui la regardent sans que ces individus s’en rendent seulement compte.

 

 

Bon, je vais quand même tâcher de revenir à HANNAH ARENDT. J’ai un peu l’impression de piétiner à l’entrée. Voire de reculer. Enfin, je me dis que je ne quitte pas tout à fait le terrain. Si j’insiste, c’est que je crois que cette femme, sans a priori, sans volonté de « faire système », nous parle du monde qui est le nôtre, et essaie d’en dégager pour nous le sens. Ce n’est pas une négatrice. Je crois même qu’elle ne l’est pas assez. Mais c’est qu’elle reste attachée à une démarche profondément philosophique.

 

 

Il faut d’abord dire que la Grèce ancienne fascine HANNAH ARENDT, qu’elle est très souvent présente à son esprit comme modèle insurpassé de civilisation, auquel il convient de se référer en priorité. C’est un socle. Pour parler franchement, j’ai buté sur la distinction entre « privé » et « public », et il y a des maillons du raisonnement qui m’échappent.

 

 

« Privé » ? « Public » ? On se rappelle les batailles de chiffonniers qui ont été livrées autour des chiffons « islamiques ». Qu’est-ce que c’est, « l’espace public » ? Il me semble qu’aujourd’hui, on peut dire qu’on entre dans l’espace public dès qu’on sort de chez soi. Si c’est bien ça, ce dont je ne suis pas si sûr, finalement, l’espace privé, j’en conclus que c’est tout simplement « chez soi ». C’est pas logique, ça ? Et bien pour les Grecs de l’antiquité, pas du tout, figurez-vous.

 

 

Si j’ai correctement compris, les Grecs opposaient le social (autrement dit le privé) et le politique (autrement dit le public). Du côté du social, la famille, cellule de base, où le père règne en despote, la famille qui est régie par la nécessité. ARENDT semble soutenir que toute l’économie antique relevait exclusivement de la sphère privée. Du côté du social et de la nécessité, encore, le travail. Tout cela est donc considéré comme relevant de la sphère du privé.

 

 

Du côté du politique, il y a la cité, la « polis » (πόλις), où règne l’égalité entre des individus libres. Être libre, c’est n’être ni chef, ni sujet. C’est dans cette sphère publique que se réalise la politique, que s’exerce le gouvernement. Pour HANNAH ARENDT, cette division des tâches semble être la plus noble qui puisse être, car c'est au niveau de cette vie publique que s'organise la société des hommes.

 

 

Ensuite, ça se complique. Au moyen âge, le privé prend de l’extension, donc le politique en perd logiquement, parce que le gâteau essentiel n’est pas plus gros qu’avant, ce qui entraîne une contamination du politique par le social, et de ce fait même, une réduction de l’homme à une fonction économique. Jusque-là, c’est logique.

 

Si j’ai correctement compris, c’est au 18ème siècle qu’apparaît la notion d’intimité. Et c’est là que, pris en sandwich entre le « public » proprement politique et le « privé » (tout le reste ?), s’interpose quelque chose qu’elle appelle le « social ». Et si j’ai correctement compris, ce dernier est assez envahissant. On change de dimension. On passe de la famille à la société, mais en gardant le despotisme. Dans la famille ancienne, le despote, c’est le « paterfamilias ». Dans la société, c’est la MAJORITÉ, le despote.

 

 

Et qu’est-ce qu’elle devient, l’égalité ? Ben oui, c’est quand même dans la devise républicaine, non ? Là, HANNAH ARENDT a une idée qui me semble GENIALE. L’égalité des Grecs anciens, c’est de n’être ni chef, ni sujet. Notre égalité à nous, c’est le CONFORMISME. Parfaitement ! C’est rude, je sais. Et un conformisme conscient, lucide, voulu par la structure elle-même. La preuve ? La statistique, mon bon monsieur. La reine des sciences sociales. « La science sociale par excellence », dit HANNAH ARENDT.

 

 

Là, je ne peux pas faire moins que de renvoyer à mon blog KONTREPWAZON et aux articles sur les statistiques et le terrorisme de la moyenne (2008). Pourquoi ? Parce que je crois que l’entrée de la société dans la statistique fait passer l’Occident d’une ère proprement politique de la vie humaine en liberté à l’ère de la gestion comptable de l’humanité réduite à l’état de stock.

 

 

Même si ce n’est qu’une hypothèse, ça mérite d’être médité, en ces temps de propagande enfoncée dans le crâne des foules à coups de télévision et de radio (tous partis confondus). Attention, mesdames et messieurs, c’est qu’il y a de la pensée, ici !

 

 

Ben réfléchissez ! Au moment où la statistique et la moyenne font leur apparition, l’attitude et le comportement des dirigeants CHANGENT. Avant, qu’est-ce qu’ils ont, comme outils ? Rien. On commence aux missi dominici, aux préfets, aux commissaires, aux fermiers généraux, qui sont tous envoyés par le haut pour faire régner l’ordre du haut. C’est, on l’admettra facilement, ALEATOIRE.  

 

 

A partir du moment où, tout en haut, on sait, par exemple, sur combien d’hommes costauds on peut compter pour la prochaine guerre, parce qu’on a pris le soin de les compter, mais rendez-vous compte de l’avantage ! Il semblerait que ça ait commencé avec LOUIS XIV. Et la statistique, qui n’est pas une science, mais une suite d’opérations, va permettre l’épanouissement d’une autre discipline, une discipline dévorante, qui va bientôt prétendre au noble statut de science alors qu’elle n’y a aucun droit : l’ECONOMIE.

 

 

HANNAH ARENDT écrit : « L’économie ne put prendre un caractère scientifique que lorsque les hommes furent devenus des êtres sociaux et suivirent certaines normes de comportement ». Ce qui est extraordinaire, dans cette mutation brutale (« rupture », mais pas en termes sarkozystes), c’est que la moyenne statistique s’impose bientôt comme une NORME. Autrement dit, magie-magie : le simple constat prend force de loi.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre ? Peut-être.

 

 

 

 

mardi, 29 novembre 2011

DE LA COURTOISIE EN PHILOSOPHIE

Résumé de l’épisode précédent : HANNAH ARENDT est très belle et Monsieur BERNARD est mort.

 

 

Monsieur STORA, le remplaçant de Monsieur BERNARD pour enseigner la philo, je ne sais absolument pas si c’est le BENJAMIN STORA qu’on entend régulièrement sur les ondes quand il s’agit pour les Français de comprendre le Maghreb. Je ne pense pas, parce que, pour s’occuper de l’Afrique du Nord, il faut être historien ou géographe, pas philosophe. Quoique ... (comme disait RAYMOND DEVOS).

 

 

 « Non-conformiste » résumera le mieux la situation. Je ne pense pas que, sous la houlette décontractée de Monsieur STORA, nous ayons fourni des efforts démesurés. Je me souviens plutôt de causeries informelles. Evidemment, ce n’est pas désagréable, et puis ça fait passer le temps. Et puis, aussi, il m’en reste quelque chose.

 

 

Car j’ai gardé un souvenir de son passage dans notre classe, un souvenir non négligeable, comme on va le voir. Je préviens qu’il ne préjuge en rien du fait que Monsieur STORA était ou non excellent, mais il m’a permis au moins d’enrichir mon vocabulaire d’un mot, d'un seul.

 

 

Il nous parla en effet un jour des fauteuils conçus par des dessinateurs d’avant-garde (pardon : des designers), qu’il avait qualifiés de vrais « baisodromes ». La preuve qu’il l’a dit, c’est que je m’en souviens. C’était sans doute ça, l’avant-garde pédagogique. Et ça annonçait 1968. Et puis, baisodrome, c’est une philosophie comme une autre, demandez à DOMINIQUE STRAUSS-KAHN.

 

 

Quant au troisième, Monsieur GIRERD, quand il a bien fallu remplacer Monsieur STORA, là, j’ai vraiment eu l’impression d’entrer dans une « classe-de-philo ». Affreux ! Le couvercle, pour le moins ! Quand on entrait dans sa classe, l'espace était déjà plus étroit, les murs s'étaient resserrés, le plafond s'était abaissé, on respirait plus difficilement. J’étais assis à côté de X…, et nous mettions une coche au crayon sur une feuille de brouillon, chaque fois que Monsieur GIRERD prononçait sa formule : « si-vous-voulez ». A la fin, on comparait nos décomptes, pour montrer que nous avions été des élèves excessivement attentifs et studieux.

 

 

L’année suivante, j’ai passé toutes mes notes prises en cours à SYLVIE, qui préparait son bac. SYLVIE attendit plusieurs années avant de m’avouer qu’elle s’y était fort amusée et divertie, en particulier à cause des nombreux petits dessins et du nombre appréciable des « je m’emmerde » dont j’avais pris soin de  farcir les dites notes. J’avais bien sûr totalement oublié ces détails poétiques.

 

 

Si l’on pouvait mourir d’ennui, je serais mort dans un cours de Monsieur GIRERD qui, pourtant, dans son costume impeccable, avait une façon fort élégante de sortir un mouchoir impeccable de sa poche pour s’en essuyer le front dans un sourire dénué, sinon d’humanité, du moins de justification, avant de soulever d’un doigt le bas de sa veste impeccablement coupée pour réinsérer le mouchoir dans sa poche.

 

 

Ce dont je me souviens, c’est que ce monsieur, finalement et tout compte fait, n’était pas trop mécontent d’être lui-même. On comprenait très vite qu’il était moins un philosophe que quelqu’un qui s’acquittait contre rémunération statutaire de sa tâche, qui consistait à enseigner la philosophie contenue dans les manuels, pour le compte de l’Etat français. Il n’était certes pas du côté du doute, au moment même où il parlait de DESCARTES.

 

 

Je suppose que ma haine de ce qu’on appelle  « scolaire », la pire antithèse de ce qu'on appelle « humaniste », je la dois au moins en partie à Monsieur GIRERD. A ce titre, je lui dois aussi une certaine gratitude. Et puis après tout, malgré ses efforts, je me dis qu’il n’a pas réussi à me dégoûter de toute philosophie. Conclusion : je me dis qu'il y a d’un côté les philosophes "pour philosophes et profs de philo", et de l’autre des hommes qui philosophent avec un sens aigu de la courtoisie.

 

 

Mon pire souvenir, en philosophie, fut certainement Anthropologie philosophique, de BERNARD GROETHUYSEN, livre entamé librement, je le précise, mais sans précaution aucune, inconsidérément et à l’aveuglette. Je ne souhaite pas une pareille épreuve à mon pire ennemi. Très courte, l’épreuve, il ne faut rien exagérer.

 

 

D’une manière générale, autant le dire, je déteste le spécialiste ou l’expert qui pense que, quand il s’adresse à des non-spécialistes, plus il les assommera de termes assommants, c’est-à-dire moins son public aura compris ce qu’il a dit, plus il en ressortira muni d’une auréole d’expert patenté, et plus son propos a des chances de devenir parole d’évangile. Ça, laissez-moi vous dire que ça n’attrape que les gogos, qui regardent le nœud de cravate de travers et le brushing défait avant d’écouter les paroles.

 

 

L’actualité économique nous offre mille exemples de ce vice radical qui a contaminé les économistes (avec la liaison « z », j’ai toujours envie de les appeler les « zéroconomistes »). Heureusement, l’actualité, quelle qu’elle soit, nous offre pour compenser une constante et parfaite illustration du bien connu proverbe : « Un clou chasse l’autre ».

 

 

Heureusement, aussi, le bureau de Madame Actualité est organisé comme celui de GASTON LAGAFFE qui, ajoutant le courrier du jour à la masse du courrier accumulé, précipite le courrier ancien dans la poubelle située de l’autre côté. Cela ne rend pas plus humbles, pourtant, les professionnels dont le métier est de s’occuper des charmes de Madame Actualité et qui, tous les matins, sont obligés de repartir à l’assaut de son corps inépuisable, toujours nouveau et toujours pareil, aussi vieux et aussi pimpant de jeunesse éclatante.

 

 

J’avais lu, il y a fort longtemps, un livre formidable, bien que de taille conséquente : L’Auto-analyse de Freud, de DIDIER ANZIEU. Voilà, me disais-je, une façon courtoise de s’adresser à moi, lecteur : quand je referme le livre, j’ai l’impression d’avoir compris ce qu’on m’a dit. Oui, je dirai qu’il s’agit là de courtoisie.

 

 

JACQUES LACAN a certainement eu ses raisons (précision et exactitude) pour s’exprimer, dans le même domaine qu’ANZIEU (la psychanalyse), mais s’il avait envie de rester entre spécialistes en s’adressant à des spécialistes, grand bien lui fasse et je ne m’en mêle pas. Après tout, on ne demande pas au chercheur en biotechnologie d’écrire le billet d’humeur du journal du jour en langage biotechnologique.

 

 

Mettez le nez, si ça vous dit vraiment, dans Télévision, du dit JACQUES LACAN (mince comme une jambon de sandwich de chemin de fer, et aussi indigeste, qui commence par le célèbre : "Je dis toujous la vérité. Pas toute."), et vous m’en direz des nouvelles. Sans entrer dans l’étude du cas « JACQUES LACAN », il y a quand même quelque chose de curieux, voire de rigolo. La question qui se pose, en effet, c’est de savoir comment il se fait que cette parole pour le club très fermé d’une élite d’initiés se retrouve galvaudée sur la place publique.

 

 

N’y aurait-il pas une petite envie de gloriole ? Allez, avoue JACQUOT, on t’en voudra pas. Le créneau est original : il fallait le trouver ! JACQUES LACAN fondateur de l’école

 

« HERMETISME DE PLACE PUBLIQUE » !

 

C’est pas rigolo, ça ? L'oxymore de compétition ! L'oxymore du mépris affiché ! Il fallait y penser ! « Regardez-moi ! Je parade, et vous êtes incapables de savoir pourquoi, mais vous êtes convaincus que je vous  suis supérieur. D'ailleurs tout le monde le dit. Au diable la courtoisie ! »

 

 

Je les vois très bien, les douze psychanalystes, les conspirateurs en mie de pain, place de la Concorde, avec leurs lunettes noires, leurs imperméables mastic, leurs chapeaux mous, qui murmurent entre eux tout en jetant des coups d’œil autour d’eux, comptant les badauds qui s’arrêtent autour de leur manège de complot de farce. Une belle idée publicitaire quand même.  Je lui prédis le plus bel avenir. Ah, on me dit que LACAN est mort ? Peut-être qu’il avait l’âge ?

 

 

Attention, fin de déviation, retour à l’itinéraire de départ. Retour à HANNAH ARENDT et à Condition de l’homme moderne. J’ai dit les efforts que ce livre m’a demandés. Là, j’ai eu envie de m’accrocher, au seul motif que j’avais déjà lu quelques choses de la dame qui m’avaient bien parlé. Je tâcherai d’être clair, dans la modeste mesure où j’ai moi-même mesuré enjeux, tenants et aboutissants, ce qui n’est pas gagné d’avance. Je ne vais pas résumer le livre, juste essayer de dire pourquoi je ne regrette pas de l'avoir lu.

 

 

A suivre, si je me sens de taille, ... et d’humeur.

 

 

lundi, 28 novembre 2011

HANNAH ARENDT ET MONSIEUR BERNARD

Hannah Arendt est une philosophe magnifique. Et magnifique à tout point de vue. Regardez donc la photo que Gallimard a choisie pour orner le dos de son volume « Quarto »  : je craque, j'attends qu'on me la présente. Elle est belle. Une jeune femme superbe, au regard ardent, au visage ovale de madone.

 

On comprend que Martin Heidegger ait succombé, même si c'est Günther Anders qui l'eut le premier, comme premier mari de la dame, lui-même un gusse de première, avec L’Obsolescence de l’homme, que je recommande chaudement.

 

J’ai lu, il y a quelques années, Les Origines du totalitarisme, le gros  maître-livre de Hannah Arendt, le livre d’une vie, même si l’ouvrage est loin d’épuiser l’œuvre de la philosophe. Sa lecture constitue néanmoins une grande aventure, dont mes modestes moyens sont bien loin de pouvoir prétendre dénouer tous les fils.

 

Je dois dire ici que la lecture des Origines du totalitarisme restera pour moi un moment de basculement. Ce livre, avec quelques autres de la même que j’ai lus, sinon assimilés, a modifié en profondeur ma façon d’être au monde. Peu de livres peuvent se vanter de cet exploit. L’une des premières raisons, c’est probablement l’énormité de la matière brassée et l’impression de maîtrise qui s’en dégage.

 

Mine de rien et à part ça, je suis épastrouillé du nombre et de la diversité des gens qui se réfèrent à ses travaux, fût-ce pour en critiquer tel aspect. En particulier, les critiques se concentrent sur Eichmann à Jérusalem, que j’avais lu dans la foulée. Il est vrai qu’elle a assisté au procès en tant que journaliste envoyée par le New Yorker, mais qu’elle en est partie avant la fin. Sa thèse sur la « banalité du Mal » est connue, souvent mal comprise.

 

Mais ce qui lui est surtout reproché, c’est d’avoir minimisé le rôle d’Eichmann dans l’exécution de la « solution finale », en en faisant un exécutant de bas étage, ce qu’elle aurait évité en assistant à la fin du procès, où la véritable personnalité de l’accusé est alors, semble-t-il, apparue en pleine lumière.

 

Pour ne rien arranger, Hannah Arendt ne porte visiblement pas dans son cœur le président du tribunal, qu’elle trouve, si je me souviens bien, d’une partialité assez marquée. On comprend que ça la chiffonne, malgré tout, d’assister au procès du bourreau par les coreligionnaires de ses victimes : il y a quelque chose de bizarre dans le tableau. Sans parler de l’enlèvement du bourreau (en Argentine, je crois).

 

La « banalité du Mal », en gros, c’est quand un individu, parce qu’il est pris dans une organisation sociale où il est intégré en se réduisant à un  simple rouage mécanique, en vient à infliger le Mal à d’autres individus au nom du bon fonctionnement de la dite organisation. Un Mal infligé de façon administrative et neutre, en quelque sorte. Je parlerai quelque jour prochain de La Crise de la culture, le livre sans doute le plus diffusé de Hannah Arendt.

 

Aujourd’hui, c’est plutôt de Condition de l’homme moderne que je voudrais parler, un livre fort et dense. Heureusement, il faut attendre la page 280 pour tomber sur une énorme bourde grammaticale, l’impardonnable faute de conjugaison qui déconsidère son auteur : « le moins remarqué certainement fut l’addition d’un certain instrument à l’outillage déjà considérable de l’homme, bien qu’il s’agissât du premier appareil purement scientifique qui eût jamais été inventé ». Même mon correcteur grammatical, qui ne remarque pas grand-chose, l’a souligné en rouge.

 

Le coupable s’appelle Georges Fradier, le traducteur. Faisons-lui : « Hououou, les cornes ! », qu’il paie sa tournée, et passons à autre chose. Le titre lui-même pourrait poser un petit problème : comment passe-t-on de The Human condition à Condition de l’homme moderne ? Je n’ai pas l’explication.

 

Ne cherchons pas à le nier : ce livre m’a demandé quelque effort de contention mentale. Je le conseillerais moins à un ami qui voudrais découvrir Hannah Arendt, que La Crise de la culture, de hautes volée et portée, sans doute, mais beaucoup plus accessible.

 

Attention, déviation. Mesdames et messieurs, nous allons digresser.

 

En général, je n’aime guère me plonger dans les livres de « philosophie philosophique ». Soit dit aussi en général, je n’ai pas grand-chose à faire avec les constructeurs de systèmes (philosophiques, politiques, et tout ça). C’est ce qui m’a vite éloigné d’un auteur comme René Girard, dont je dois bien avouer que La Violence et le sacré m’avait passionné.

 

Pour tout dire, les constructeurs de systèmes sont de deux sortes : soit ce sont des utopistes, et dans ce cas, rien n’empêche de les laisser rêver, quitte à ce que leurs projets fassent semblant de se réaliser (Phalanstère, communauté de la Cecilia, etc.) avant de se casser la gueule sans faire trop de bruit. C’est le cas des « écoles parallèles » suscitées par 1968, dans la foulée de Summerhill et A. S. Neill.

 

Soit ils sont dangereux, comme Lénine, ses sbires et ses suiveurs sinistres, qui ont fait croire qu’ils construisaient la société communiste, alors que ce qui s’est effondré en 1989-1991 n’est rien d’autre qu’un système où régnait un Capitalisme d’Etat (totalitaire, au surplus), simple rival du Capitalisme Libéral (dont je ne suis pas sûr qu’il ne soit pas lui-même totalitaire, à sa manière). Alors là, il faut évidemment les combattre.

 

Pierre Bourdieu est un autre de ces systémistes que je redoute et fuis autant que je peux. Pour vous dire, mon premier contact avec la philosophie, je veux dire en dehors de toute école, ce furent Friedrich Nietzsche, Henri Bergson et Gaston Bachelard. Je mets Platon à part, dont les dialogues ressemblent plutôt à des conversations familières qu'à des manuels de philosophie. Rien de moins scolaire. Rien de plus courtois.

 

J'ai fait, comme tout le monde un tout petit détour du côté d’Alain. Propos sur le bonheur, c'est le livre de la philosophie du gros bon sens ("il faut attendre que le sucre fonde", "cherchez l'épingle", etc.), le livre d'un philosophe qui sent encore la glèbe et le cul des vaches, un livre pour adolescents. Globalement, c'est quand même un détour qui vaut le détour. J’avais seize ou dix-sept ans. Tous ces livres ouverts au hasard, je ne savais pas que c'était ça, la philosophie. C’était avant la classe de philo, les manuels, l'ennui.

 

La Généalogie de la morale, La Naissance de la tragédie, Les Deux sources de la morale et de la religion, Essai sur les données immédiates de la conscience, La Terre et les rêveries du repos, La Terre et les rêveries de la volonté, L’Eau et les rêves, L’Air et les songes. Il est là, mon premier manuel de philosophie, d’avant la classe de philo. Je lisais ça à la façon dont j’ai lu plus tard la poésie. Avec le même sentiment de m’élever et d'explorer.

 

Avec la classe de philo, ce ne fut plus jamais pareil, mais « ce-qu’il-faut-savoir-pour-réussir-l’examen ». Emmanuel Kant m’a fait mal au pied quand Critique de la raison pure m’est tombé des mains à la moitié de la page douze. S’il m’a fallu côtoyer René Descartes, nous nous croisons depuis ce temps, le matin, à la boulangerie, courtoisement, sans toutefois nous serrer la main.

 

J’ai suivi quelques conférences de Jacques Bouveresse exposant les détails de la grande controverse entre Leibniz et Spinoza. Voyez un peu ce qu’il m’en reste : nib de nib. Dans le fond, j’ai gardé précieusement mes affections et fantaisies dénuées d’école. Nietzsche et Bergson me semblent toujours éminemment courtois, parce que lisibles.

 

Car la classe de philo, pour moi, ce ne furent pas les grands philosophes, à l'exception des noms que j'ai cités, plus quelques autres. Ce furent Monsieur Bernard, Monsieur Stora, Monsieur Girerd. Trois professeurs pour le prix d’un. En une seule année. Le premier, on l’a gardé six ou huit semaines, et puis il est mort. C’est dommage, parce que les débuts étaient prometteurs. Je m’en souviens comme si c’était hier. Nous n'étions pour rien dans ce décès, je le jure.

 

Premier cours avec Monsieur Bernard, vous voulez que je vous fasse le dessin ? Il entre dans la salle, il chope une chaise à la volée, il la place au fond de la travée centrale, il s’assied, il commence à parler. Déjà ça, c’est du brutal. Mais quand on sait que son premier cours, c’est Le Cimetière marin de Paul Valéry, ça refroidit le plus audacieux. On dira « élitiste », bien sûr. J’étais émerveillé, tétanisé sur mon siège et ne comprenant que pouic.

 

Souvenir extraordinaire d’un choc, même si je reconnais que la poésie de Paul Valéry me semble aujourd’hui avoir quelque chose de fané, de desséché. Quelque chose du stérile des mécaniques horlogères de haute précision, je ne sais comment dire. Quoi qu’il en soit, ceci reste bien beau :

 

« Ce toit tranquille où marchent les colombes,

Entre les pins palpite, entre les tombes ;

Midi le juste y compose de feux

La mer, la mer, toujours recommencée !

Ô récompense après une pensée

Qu’un long regard sur le calme des dieux ! »
 

Je suis allé à son enterrement, qui a dû avoir lieu en décembre. Il fumait (pas ce jour-là, qu'est-ce que vous allez me faire dire !) comme trois pompiers (les professeurs fumaient pendant leurs cours ! ah ! la pipe de tabac gris de Monsieur Zilliox !), et ne dédaignait pas « l’annexe », pendant les récréations, avec un agréable Côtes-du-Rhône, en compagnie de Delmas et Wulschleger. Ce fut donc un cours plutôt bref.

 

Je revois encore, dans la cour n°1 (des « grands ») du lycée Ampère, ce grand monsieur Bernard, finir sa cigarette avant d’entrer en cours. Son collègue Chopelin lui parlait fiévreusement, l’asticotait, vibrionnait et semblait monter à l’assaut de la haute stature qui restait de marbre, mais toujours courtois. C'est ça qui compte, non ?

 

A suivre, pour la suite et la fin de la digression, promis.

dimanche, 27 novembre 2011

UNE INTRANSIGEANCE FROMAGERE

Les traditions familiales, nous dit-on sur un ton éploré, se perdent. La famille occidentale, nous dit-on, échoue désormais à transmettre les vraies valeurs. Celle que je présente aujourd’hui est mentionnée en 1896 dans une sorte de Bible du Croix-Roussien. L’auteur, de son vrai nom, se nommait CLAIR TISSEUR, et se faisait appeler NIZIER DU PUITSPELU par ses amis de l’Académie du Gourguillon, de haute et insigne renommée.

 

 

Il est connu pour avoir beaucoup écrit à propos de notre bonne ville, de ses pentes et de son plateau. Mais la Bible dont je parlais, vénérée, constamment et fidèlement rééditée, s’intitule Le Littré de la Grand’Côte. C’est un dictionnaire de patois, si l’on veut, mais c’est aussi un trésor de mémoire vivante, et non un lexique sec de termes plus ou moins folkloriques qu’il est bon de prononcer dans les soirées « en ville » pour se faire mousser.

 

 

Pour vous dire, à l’article « canut », NIZIER se désole qu’en 1894, il n’y avait plus que 3.000 « métiers à la main », pour 60.000 en 1842. Vous entendez d’ici le raffut qu’il n’y a plus sur les pentes et sur le plateau de la « colline qui travaille ». Cette dernière expression est assez mal venue, parce que, mine de rien, il y a encore une bonne partie qui, manifestement, « prie », dans les environs de Saint-Bruno-des-Chartreux, dans la partie sud-ouest de notre colline.

 

 

Pour revenir à ce Littré-là, il faut dire que l’auteur n’hésite pas à intervenir en personne, parfois en gros sabots, dans son ouvrage, éminemment savant au demeurant : « Je connaissais une aimable demoiselle en âge d’être mariée. Le père voulait d’un commis de ronde. Comme bien s’accorde, la mère n’en voulait pas. Elle entendait d’un employé à la recette générale. « Je ne veux pas qu’Aspasie épouse un cul-de-plomb ! », s’écriait le père avec véhémence.

 

 

  » Comme bien s’accorde, Aspasie écoutait à la porte. (…) On l’appela. Comme bien s’accorde encore, la mère l’avait emporté. Aux premiers mots, l’infortunée jeune fille tombe à genoux en sanglotant : « O maman… an… an !… je t’en supplie ! Pas un homme qui en ait un en plomb… omb…omb !... ». Je vous laisse deviner à quel article figure l’anecdote.

 

 

NIZIER aime bien les jeunes promises, apparemment. En témoigne l’anecdote suivante, qu’on trouve à l’article « navet » : « Une demoiselle de ma connaissance devait se marier [c’était peut-être la même]. Son prétendu était venu déjeuner à la campagne chez le futur beau-père. Or, parmi les plats se trouvaient des navets.

 

 

» Après déjeuner, on s’éparpille sur la terrasse. La jeune fille eut à monter au premier. En montant, elle se soulageait gaillardement en faisant à chaque marche : « Un navet : brrr ! Deux navets : brrr ! Trois navets : brrr ! ». Quand ce vint au quatrième navet, en tournant le palier, elle aperçoit le prétendu derrière elle. « Eh quoi, Monsieur, lui fit-elle, vous étiez là ! – Oui, Mademoiselle, depuis le premier navet !!! ».

 

 

Mais je ne vais pas vous débiter tout le Littré de la Grand’Côte. Il y a des éditions pas chères. Ce que je peux vous dire, c’est que c’est bourré de notations, d’images, d’histoires, de considérations parfois ironiques ou narquoises, qui lui font mériter le titre malicieux que NIZIER a donné à son ouvrage. J’étais parti sur la transmission des traditions familiales, c’est-à-dire sur une piste sacrée, n’est-ce pas.

 

 

Franchement, je ne sais pas si la recette du FROMAGE FORT fait toujours partie d’un patrimoine familial. Je me souviens en avoir mangé, étalé sur une tranche de pain, quand je n’étais pas très vieux. Je me souviens en particulier que c’est la première fois de ma vie que j’ai cru qu’on m’arrachait la gueule, tellement c’était fort. J’en ai goûté plus tard, qui était beaucoup plus … disons … courtois. Voici la recette, sans une coupure.

 

 

*

***

*

 

 

Fromage fort. C’est un fromage à l’état pâteux, de goût très monté. « J’ai teté jusqu’à trois ans de lait qu’était épais comme de fromage fort », me disait un jour un Hercule à la vogue de la Croix-Rousse. Ce fromage n’étant pas d’usance à la maison, je me suis adressé, pour en avoir la recette, à mon excellent ami CLAUDIUS PORTHOS, qu’à cause de sa stature, comparable à celle d’Ajax, et de ses muscles puissants, nous avons surnommé « le Rempart de la Croix-Rousse ». Je ne saurais mieux faire que de transcrire sa réponse ; elle est d’un homme congruent en la matière.

 

 

« Il y a fromage fort et fromage fort. Celui de la Bresse et du Dauphiné est assez primitif. On prend du fromage de vache qu’on a fait préalablement sécher entre deux linges sur la braise ; on le met dans un pot de terre, et on le broie en le mouillant avec du bouillon de porreau, plus ou moins assaisonné de beurre frais. On le recroît en ajoutant du fromage et du bouillon. C’est l’enfance de l’art. Voici le vrai fromage fort de la Croix-Rousse :

 

 

« On achète une livre ou deux de fromage bleu bien fait ; on enlève la croûte et on le met dans un pot de terre. Il faut vous dire qu’il est important de prendre du fromage gras, dépourvu de vesons, qu’à l’Académie française ils appellent des asticots. Non que l’asticot soit à dédaigner par lui-même, mais comme celui-ci périt nécessairement dans le fromage fort, étouffé par les vapeurs de la fermentation, il devient peu ragoûtant.

 

 

Ce n’est plus l’asticot aux tons d’ivoire, bien en chair, appétissant, qui gigaude sur l’assiette, et qu’on savoure avec délices, mais une espèce de pelure grisâtre : ce je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue, dont parle Bossuet. Le fromage bleu est alors arrosé de vin blanc sec et bien pitrogné avec une cuillère de bois.

 

 

Lorsque la pâte est à point, on râpe du fromage de chèvre bien sec avec une râpoire, et l’on ajoute au levain jusqu’à ce que le pot soit à peu près plein. On continue de mouiller avec le vin blanc… Le fromage fort est fait !

 

 

« On le recroît, à mesure que le pot se vide, toujours avec du fromage de chèvre râpé et du vin blanc sec. De temps en temps, lorsqu’on s’aperçoit qu’il devient moins gras, on verse dessus un bol de beurre frais qu’on a fait liquéfier au four.

 

« Première remarque importante : Ne jamais mouiller le fromage avec du bouillon, ce qui lui donne un goût d’aigre.

 

« Deuxième remarque importante : Brasser tous les jours le fromage avec une cuillère de bois.

 

«  Un grand pot ainsi préparé et entretenu convenablement dure depuis l’automne jusqu’à l’été.

 

 

« Vous le voyez, un pot de fromage fort, bien réussi, vaut seul un long poème. Aussi une ménagère soucieuse n’oublie-t-elle jamais, au printemps, d’en conserver un petit pot pour l’hiver suivant. Elle remplit celui-là aux trois quarts, fait fondre une livre de beurre, et le verse presque froid sur le fromage. Elle descend ensuite le pot à la cave.

 

 

Cette couche épaisse de beurre fondu est placée là à seule fin d’empêcher l’air extérieur de petafiner le fromage fort. On entretient ainsi le ferment sacré avec une piété jalouse qui rappelle celle des prêtresses de l’antiquité conservant le feu sur l’hôtel [sic !!! dans l’édition originale, corrigée ensuite, mais ce genre de trouvaille, il faut conserver] de Vesta.

 

 

Je connais une famille à Fleurieu-sur-Saône, où le fromage fort est conservé depuis 1744. Lorsqu’une fille se marie, elle reçoit avec la couronne de fleurs d’oranger le pot précieux qu’elle transmet à ses enfants. Si, dans beaucoup de familles, le fromage fort ne remonte pas même à un siècle, il faut l’attribuer aux horreurs de 93, qui firent tout négliger. »

 

 

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***

*

 

 

Cette recette détaillée vous montre combien NIZIER DU PUITSPELU eut à cœur d’être précis et complet, quand l’importance de la situation se faisait sentir.

 

Voilà ce que je dis, moi.

samedi, 26 novembre 2011

MONTAIGNE DERRIERE MONTAIGNE

MONTAIGNE CACHÉ DERRIERE  MONTAIGNE

 

On peut le regretter, mais c’est une vérité : Les Essais sont un livre très difficile d’accès pour des gens vivant au 21ème siècle. J’adore pourtant cette langue baroque, avec une syntaxe plus souple qu’un vieil adepte du yoga, et une liberté incroyable dans les trajectoires de phrases et même dans l’orthographe.

 

 

Petit exemple de liberté : quand il écrit « à cette heure », c’est tout simplement « asture ». La pensée sinue comme un chemin de montagne et, aussi sûr et infaillible que lui, arrive à son but. J’ai lu ce monument il n’y a pas si longtemps. Ce fut avec immense plaisir, je le dis nettement, même si certains trouveront que c’est un peu tardif.

 

 

Et pourtant MICHEL DE MONTAIGNE est un homme moyennement sympathique. Je dis cette énormité sur la seule base de ce que je peux savoir : Les Essais. D’un autre côté, si je peux proférer un tel sacrilège, c’est que l’auteur m’a procuré quelques éléments qui me permettent de forger un jugement. Je délaisse donc le jugement, et je remercie l’auteur pour les éléments.

 

 

Je préviens tout de suite : pas question de jouer les LAGARDE & MICHARD, nous sommes bien d’accord ? Je me suis quant à moi assez emmerdé pendant les cours du très estimable monsieur GENDROT (oui, celui des manuels bien oubliés GENDROT & EUSTACHE), qui m’avait collé une explication de l’extrait intitulé « Des coches » (Essais, III, 6).

 

 

Ce fut un naufrage, évidemment. Je n’avais rien compris au texte. Il faut dire que le chapitre n’aborde qu’incidemment le sujet donné par le titre, et fait principalement l’éloge des Indiens d’Amérique, en l’assaisonnant d’une diatribe contre les Conquistadors. J’ajouterai même que c’est systématique dans Les Essais : le contenu du chapitre a souvent un rapport tout à fait lâche et lointain avec le titre qui l’introduit.

 

 

Je signale qu’on y trouve aussi ce merveilleux passage (en orthographe moderne) : « Me demandez-vous d’où vient cette coutume de bénir ceux qui éternuent ? Nous produisons trois sortes de vent : celui qui sort par en bas est trop sale ; celui qui sort par la bouche porte quelque reproche de gourmandise ; le troisième est l’éternuement ; et, parce qu’il vient de la tête et est sans blâme, nous lui faisons cet honnête accueil ». Pourquoi ne le trouve-t-on pas dans LAGARDE & MICHARD ?

 

 

Ailleurs, il signale diverses choses qu’il ne peut accomplir que dans certaines conditions. Qu’on se le dise, MONTAIGNE ne peut « faire des enfants qu’avant le sommeil, ni les faire debout ». Il mange en n’utilisant guère de cuillère et fourchette. « Et les Rois et les philosophes fientent, et les dames aussi. »

 

 

Mais il veille quand même à délivrer une image favorable de sa personne, fût-ce à travers la crudité de certains détails : « On te voit suer d’ahan, pâlir, rougir, trembler, vomir jusqu’au sang, souffrir des contractions et convulsions étranges, dégoutter parfois de grosses larmes des yeux, rendre les urines épaisses, noires et effroyables, ou les avoir arrêtées par quelque pierre épineuse et hérissée qui te point et écorche cruellement le col de la verge, tout en t’entretenant avec les assistants d’une contenance commune (…) ». Oui, il avait des calculs rénaux.

 

 

Sur l’éducation des garçons récalcitrants, MONTAIGNE n’y va pas par quatre chemins. J’ai déjà cité, il y a longtemps, ce passage, mais je ne résiste pas au plaisir : en présence d’un élève qui ne veut rien savoir et préfère le bal à la bataille : « Je n’y trouve d’autre remède, sinon que de bonne heure son professeur l’étrangle, s’il est sans témoins, ou qu’on le mette pâtissier dans quelque bonne ville, fût-il fils d’un duc (…) » (Essais, I, 26). On ne se demande pas pourquoi ce n’est pas dans le LAGARDE & MICHARD.

 

 

MONTAIGNE, le sexe, les femmes.

 

 

C’est évidemment (!!!) dans le chapitre « sur des vers de VIRGILE » (Essais, III, 5) que l’on trouve des considérations sur les femmes et le sexe, mais aussi sur le mariage, qui ne manquent ni de bon sens, ni d’une furieuse modernité, ni d’un aspect croquignolet, à l’occasion. En gros, il ne comprend pas pourquoi les appétits féminins sont réprimés, alors que les hommes se permettent ce qu’ils veulent.

 

 

Je simplifie le raisonnement : « Il n’est passion plus pressante que le sexe, à laquelle nous voulons qu’elles résistent seules, non simplement comme à un vice de sa mesure, mais comme à l’abomination et exécration (…). Ceux d’entre nous qui ont essayé d’en venir à bout ont assez avoué combien c’était impossible, usant de remèdes matériels pour mater, affaiblir et refroidir le corps. Nous, au contraire, les voulons saines, vigoureuses (…), et chastes ensemble, c’est-à-dire à la fois chaudes et froides ». N’est-ce pas tout à fait équilibré ?

 

 

Quant aux filles, elles naissent et grandissent avec « ça » dans le sang : « Nous les dressons dès l’enfance aux entremises de l’amour : leur grâce, leur attifure, leur science, leur parole, toute leur instruction ne regarde qu’à ce but ». Il raconte que sa fille lisant à haute voix, prononça le mot « fouteau » (hêtre), aussitôt interrompue par la gouvernante, d’où il conclut que le mot est définitivement gravé dans l’esprit de la fillette, avec le sens redouté, précisément, par la gouvernante.

 

 

Il écoute un jour, fortuitement, une conversations « entre filles » qui se croient seules : « Notre-Dame ! Allons à cette heure étudier (…) BOCCACE et L’ARÉTIN [livres coquins] pour faire les habiles. Il n’est ni parole, ni exemple, ni démarche qu’elles ne sachent mieux que nos livres : c’est une discipline qui naît dans leurs veines, que ces bons maîtres d’école, nature, jeunesse et santé leur soufflent continuellement dans l’âme ; elles n’ont que faire de l’apprendre, puisqu’elles l’engendrent ». Autrement dit : la femme comme le foyer de la concupiscence et comme la séductrice par essence. Eve et la pomme ne sont pas loin.

 

 

Il adhère au reproche fait au philosophe POLEMON, que sa femme traîna en justice parce qu’il se masturbait (« en un champ stérile ») plutôt que d’accorder son « fruit au champ génital ». Toujours sur les hommes, les femmes et le sexe, une petite chose délicieuse : « Je trouve plus aisé de porter une cuirasse toute sa vie qu’un pucelage ; le vœu de la virginité est le plus noble de tous les vœux, étant le plus âpre ».

 

 

« Les Dieux, dit PLATON, nous ont fourni d’un membre [viril] désobéissant et tyrannique qui, comme un animal furieux, entreprend par la violence de son appétit de soumettre tout à soi. De même aux femmes, un animal glouton et avide, auquel si on refuse aliment en sa saison, il devient forcené, impatient de délai et, soufflant sa rage en leur corps, obstrue les conduits, arrête la respiration, causant mille sortes de maux, jusqu’à ce que, ayant humé le fruit de la soif commune, il en ait largement arrosé et ensemencé le fond de leur matrice. »

 

 

C’est dans son chapitre « de l’ivrognerie » (II, 2) qu’il raconte l’anecdote dont se servira HEINRICH VON KLEIST pour sa nouvelle La Marquise d’O… : ayant perdu son mari longtemps avant, elle se retrouve enceinte. Quand la grossesse crève les yeux de tout le monde, elle fait annoncer à la messe qu’elle épousera le coupable s’il se dénonce. Son valet se dénonce, qui avait profité de l’occasion, car elle, « ayant bien largement pris son vin, était si profondément endormie près de son foyer, et si indécemment, qu’il s’en était pu servir sans l’éveiller ». Conclusion de MONTAIGNE : « Ils vivent encore mariés ensemble ».

 

 

Je ne me souviens plus du chapitre, je me demande si ce n’est pas dans Essais, II, 12 (« Apologie de RAYMOND SEBOND »), qu’on trouve, parmi bien des anecdotes marrantes sur ce qui différencie (ou non) les hommes des animaux, celle qui raconte l’histoire d’un éléphant (animal supposé éprouver des sentiments analogues à ceux des humains) qui, amoureux d’une femme, introduit un jour sa trompe dans le corsage de la belle, et se met à lui peloter les seins avec gentillesse, délicatesse et savoir-faire. Je précise que MONTAIGNE reproduit, à propos des animaux, d'innombrables légendes héritées de l'antiquité.

 

 

MONTAIGNE n’aime pas se sentir bousculé par la nouveauté. « Rien ne presse un Etat que l’innovation : le changement donne seul forme à l’injustice et à la tyrannie. »

 

 

Quand le pape décide d’instaurer le calendrier grégorien en 1582, il peste à sa manière : « Il y a deux ou trois ans qu’on raccourcit l’an de dix jours en France. Combien de changements devaient suivre cette réformation ! Ce fut proprement remuer le ciel et la terre à la fois. Ce néanmoins, il n’est rien qui bouge de sa place : mes voisins trouvent l’heure de leur semence, de leur récolte, l’opportunité de leurs négoces, les jours nuisibles et propices, au même point justement où ils les avaient assignés de tout temps. Ni l’erreur ne se sentait en notre usage, ni l’amélioration ne s’y sent » (chapitre « des boiteux », comme de juste, III, 11).

 

 

La nouveauté que constitue, relativement, l’arme à feu, le prend complètement en défaut : ce n’est visiblement pas sa planète, car il trouve que ces « nouveautés factices » sont là surtout pour faire du bruit et effrayer les effrayés, et ne leur attribue aucune efficacité.

 

 

C’est dans Essais, I, 48 : « Il est bien plus apparent de s’assurer d’une épée que nous tenons au poing, que du boulet qui échappe de notre pistole, en laquelle il y a plusieurs pièces, la poudre, la pierre, le rouet, desquelles la moindre qui viendra à faillir, vous fera faillir votre fortune ». Le pauvre n’imaginait certes pas la fertilité des cerveaux de messieurs COLT, SMITH, WESSON, MAUSER et autres sublimes mécaniciens.

 

 

« Et, sauf l’étonnement des oreilles, à quoi désormais chacun est apprivoisé, je crois que c’est une arme de fort peu d’effet, et espère que nous en abandonnerons un jour l’usage ». Je ne pense guère exagérer en soutenant que le PROGRÈS TECHNIQUE laisse MICHEL DE MONTAIGNE carrément de marbre.

 

 

Conclusion :

 

« Les Allemands boivent quasi également de tout vin avec plaisir. Leur fin, c’est l’avaler plus que le goûter. »

 

 

Voilà ce qu'il dit, lui. Voilà ce que je dis, moi.

(Vous avez compris : parce que c'était lui, parce que c'était moi. Ceci est pour LAGARDE & MICHARD, MONTAIGNE et LA BOETIE, et tout le fatras scolaire.)

 

 

 

 

 

 

vendredi, 25 novembre 2011

LA TECHNIQUE ET LA FEMME SOÛLE

Donc, le progrès, le bienfaisant progrès, le prometteur progrès, c’est finalement un avorton de progrès, il s’est réduit et se résume à son aspect technique. Pour le progrès culturel, le progrès intellectuel, le progrès moral, le progrès humain, le progrès de civilisation, enfin bref, toutes ces vieilles lunes pour idéalistes attardés, l’humanité repassera. Plus tard. La prochaine fois. Une autre humanité, si possible. S’il y a de la place. Et on n’a pas réservé. 

 

En attendant cette bienheureuse apocalypse (le cuistre qui sommeille en moi ne peut pas s’empêcher : ça veut juste dire « dévoilement »), on se contentera de jouer avec nos gadgets, ces objets dont nous sommes si fiers, ces objets sur lesquels je suis en train de m’escrimer dans le fol espoir que ça serve à quelque chose ou à quelqu’un, ces objets dont tout porte à croire que nous sommes en train de devenir de simples prothèses animées, si ce n’est déjà fait. Je sais que mon espoir est « fol », mais, comme disent ceux qui jouent au loto, « on ne sait jamais ». 

 

Ce ne sera pourtant pas faute d’avoir été avertis. Il y a quelque chose chez  Goethe (je crois que c’est dans le second Faust), qui dit que, certes, l’homme est capable de prouesses techniques infinies, mais que c’est au prix d’un pacte avec Méphistophélès en personne. Le Diable. Satan. L’Ange du Mal. Le message ? En inventant les bonnes intentions du progrès technique sans fin, l’Europe a commencé à paver le joli petit enfer promis à l’humanité. Mais Goethe est-il prophète ? 

 

D’autres devins se collèrent à cette noble tâche d’endosser le rôle ingrat de Cassandre. J’aime beaucoup Cassandre. D’abord, elle est d’une beauté à couper le sifflet, tous ceux à qui je l’ai présentée sont d’accord. Et puis aussi, c’est un caractère. Comment ? Se refuser à l’étreinte d’Apollon en personne ? Il faut en avoir où je pense. Non, ça, c’est vulgaire, et je ne voudrais pas tomber trop bas. 

 

Et puis, dans la version que j’aime des Troyens, de notre Hector Berlioz, la Cassandre de Deborah Voigt est d’une justesse irréprochable, même qu’elle parvient à donner un peu de consistance au falot personnage de Chorèbe, avant de laisser toute la magistrale place dans le lit à la Didon de Françoise Pollet. Tout ça se passe sous la baguette de maître Charles Dutoit. 

 

Je voulais seulement parler de quelques nobles individus qui, à force de bien regarder dans les yeux l’époque et le monde dans le bain desquels ils ont été plongés malgré eux, ont jugé que tout ça n’était pas bien beau, ni très ragoûtant, et qui ont désiré faire part de leurs observations à leurs contemporains. Et qui ont donc « endossé le rôle ingrat de Cassandre » (je me cite, voir plus haut). 

 

Je pense à Hans Jonas et à son Principe responsabilité, mais si j’ai bien compris sa démarche, il ne remet pas en question la technique en tant que telle, mais seulement l’usage qui en est fait : si les conséquences de cet usage portent un risque de déshumanisation de l’homme, alors il faut s’abstenir. Je caricature évidemment, mais il y a de ça.

 

Cette position me paraît bien vaine, car elle ne va pas au fond des choses : un objet technique n’existe que parce que quelqu’un lui a trouvé une utilité. Il se trouve que, soit quelqu’un a trouvé un usage destructeur (poudre à canon, radioactivité), soit que l’objet comporte à terme des effets pervers (au hasard : la télévision, la voiture). 

 

L’expérience montre que le meilleur et le pire sont comme l’avers et le revers de la médaille « technique ». J’ai assisté à des procès d’Assises où le meurtrier s’était servi, au moment des faits, d’un marteau, d’une pelle à poussière ou d’une casserole. Ce que les pénalistes appellent des « armes par destination ». Le tournevis aussi n’est qu’un outil, conçu au départ pour visser. Côté invention, si le pire advient aussi, le meilleur vaut-il la peine ? 

 

J’ai déjà parlé de Lewis Mumford, un des rares Américains éclairés (non, j’exagère, ils sont quelques-uns). Son livre Les Transformations de l’homme, dans sa plus grande part, décrit l’émergence de la technique, son triomphe, puis l’implacable logique de destruction et de déshumanisation que ce triomphe annonce, avant le spectaculaire retournement des deux derniers chapitres, où il étale un improbable optimisme de catéchisme, quant à l’avenir radieux promis à l’humanité souffrante. 

 

Dans le genre « Zorro est arrivé », ce n’est pas mal, je trouve. Très curieux. Bon, je sais bien qu’il ne saurait s’avancer à prédire l’avenir et que la plus élémentaire prudence universitaire interdit d’ôter tout espoir. Ce qui me semble curieux, en fait, c’est que tout le bouquin montre une logique en marche, un processus quasiment mécanique. Et tout d’un coup, miracle, on ne sait quoi vient inverser le processus. 

 

Je pense à Günther Anders et à L’Obsolescence de l’homme. Le tome II, qui a paru très récemment, est sous-titré « Sur la destruction de la vie à l’époque de la troisième révolution industrielle ». Son attitude face à la technique, on le comprend déjà, est radicale. Parce qu’il admet qu’il faut aller au bout des hypothèses, soit pour les invalider par l’absurde, soit, évidemment, pour les valider. 

 

Il est vrai que c’était un homme intransigeant, refusant de retourner en Allemagne après la fin de la guerre, refusant un poste enviable à l’université de Halle, refusant, plus tard, un poste encore plus enviable à Berlin. Sa méthode consciente et explicite est celle de l’exagération. Mais c’est pour mieux lutter contre le fait que les phénomènes observés sont, selon un consentement général, minimisés. 

 

Je pense à Hannah Arendt. Elle non plus n’attaque pas la technique en tant que telle, que ce soit dans La Crise de la culture ou dans Condition de l’homme moderne. Je regrette un peu qu’une telle femme ait préféré faire porter son attention sur les aspects culturels, politiques et philosophiques de l’existence humaine, et qu’elle ait délaissé la technique en tant que problème en soi. 

 

La Crise de la culture n’aborde la technique qu’à la toute fin, à travers « la conquête de l’espace ». Hannah Arendt, visiblement, adhère au monde qui est le sien, et néglige la technique comme problème en soi. Au contraire, elle parle de « la grandeur de l’entreprise spatiale », et réfute nettement les arguments qui la remettent en question. 

 

A ses yeux, l’entreprise scientifique est louable en soi : « Ce fut la gloire de la science moderne que d’avoir été capable de s’affranchir de toutes ces préoccupations anthropocentriques, c’est-à-dire authentiquement humanistes ». 

 

Ce qui l’intéresse, ce n’est pas la technique en tant que telle, donc, c’est le fossé grandissant entre l’expérience sensorielle de l’homme ordinaire et le langage scientifique, toujours plus abstrait et désincarné, toujours plus déshumanisé. Mais cette déshumanisation n’a pas l’air de l’inquiéter outre-mesure. Elle irait même jusqu’à s’extasier devant : « une véritable avalanche d’instruments fabuleux et de machines toujours plus ingénieuses ». 

 

Mon dieu, je me permets de critiquer la grande Hannah Arendt ! C’est peut-être dû au fait qu’elle reste vissée dans la logique imperturbable du raisonnement philosophique. Le texte de ce dernier chapitre de La Crise de la culture doit dater de 1959. J’avoue que je le trouve le moins convaincant de l’ouvrage. 

 

Ce qui est curieux, c’est qu’elle insiste beaucoup sur le « point d’Archimède », ce point fixe qui, s’il avait été donné à celui-ci, lui aurait permis de « soulever l’univers ». Ce point qui, dans l’esprit de la philosophe, constitue comme un œil qui regarderait la Terre depuis l’espace. C’est cet œil fictif qui, pour Hannah Arendt, signe l’éloignement radical du discours scientifique par rapport à l’expérience de la perception sensorielle de monsieur tout-le-monde, et à son langage. 

 

Dans le fond, je le trouve fumeux, ce dernier chapitre de La Crise de la culture.

 

 

Et pourtant, ce « point d'Archimède », elle le reprend dans Condition de l'homme moderne. Il s'agit vraiment, à ses yeux, d'un point de basculement dans la vision que l'homme se fait de son propre monde : pour la première fois, c'est comme s'il voyait la planète et l'humanité de l'extérieur. Cela ne l'amène pas pour autant à porter un regard critique sur tout ce qui en découlera plus tard, je veux parler de la permanence et de l'accélération incontrôlée de l'innovation technique. J'y vois, pour ma modeste part, un certain aveuglement. 

 

Voilà ce que je dis, moi.

jeudi, 24 novembre 2011

POLITIQUE ET ENVIE DE VOMIR

Quelques billevesées, balivernes, calembredaines et autres coquecigrues bien de saison :

 

I – La philosophe HANNAH ARENDT, dans Condition de l’homme moderne, hiérarchise ainsi les activités humaines :

 

1 – Tout en bas, le travail, qui traduit un asservissement à la nécessité. Son statut est le même que celui du servage.

2 – Un peu au-dessus du travail, l’œuvre, c’est-à-dire tout ce que l’homme interpose entre le monde et lui. On pourrait dire : tout ce qu’il ajoute à la réalité naturelle.

3 – Tout en haut des activités humaines : l’action. Essentiellement l’action politique, celle par laquelle les individus décident de leur appartenance au monde humain.

 

Bien sûr, il s’agit là de l’os. Je ne vais pas résumer le bouquin. Je laisse à chacun le soin de disséquer toute l’abondante et forte viande que HANNAH ARENDT a mise autour.

 

*

 

II – Le sociologue EMMANUEL TODD qui, à mon avis, porte sur le monde qui est le nôtre un regard original et non dépourvu de pertinence, déclarait à la radio il y a déjà quelque temps que les personnels politiques occidentaux en général, et français en particulier, se caractérisaient par une énorme, une inconcevable, une colossale MEDIOCRITÉ. Je pense qu’il voulait parler spécifiquement de leur médiocrité politique.

 

*

 

III – Le philosophe PLATON me déclarait, pas plus tard que la semaine dernière, que la pire des calamités qui puissent s’abattre sur un peuple, c’est que le pouvoir soit exercé par quelqu’un qui l’a ardemment désiré. Moralité : je ne vise personne, mais suivez mon regard. La juxtaposition de ces trois « jalons » constitue sans doute une claire indication de la direction.

 

***

 

Avant de commencer, un peu de correction du langage : il devrait être interdit de parler des élections présidentielles, qui supposeraient qu’on élit plusieurs présidents. Parlons, oui, des élections législatives : 577 députés, c’est certain, ça mérite le pluriel. Mais tant qu’il n’y a qu’un président élu, parlons, s’il vous plaît, de l’élection présidentielle. Merci d’avance.

 

***

 

Qui gouvernera la France en 2012 ? En l’état actuel des choses, je dirais volontiers que ma crainte est la réélection de notre nabot national. Mon raisonnement est le suivant. Ce ne sont pas tant le charisme, le prestige ou l’infaillibilité de NICOLAS SARKOZY qui plaident en faveur de cette hypothèse, que la médiocrité de ses adversaires putatifs.

 

 

Mais il y a aussi et surtout, à son service, une machine à conquérir le pouvoir redoutablement huilée et entraînée. Pour reprendre les trois jalons ci-dessus, personne en France, aujourd’hui, ne désire plus ardemment le pouvoir que NICOLAS SARKOZY. La politique, il s’en balance, il s’en fout, il s’en gausse.

 

 

La politique ? Mais il la méprise ! Il faut bien s’en convaincre : NICOLAS SARKOZY n’est pas un homme politique. C’est un APPÉTIT. C’est une des raisons qui font qu’EMMANUEL TODD a raison : nos personnels politiques sont incomparablement MEDIOCRES.

 

 

Pour lui, la politique se réduit à quelques données fondamentales : MANIPULER, MENTIR, PROMETTRE, ACHETER.

 

 

Mentir, ça a commencé très tôt : « Je ne vous mentirai pas, je ne vous trahirai pas ». Manipuler, c’est, par exemple, un homme de droite qui cite JEAN JAURÈS, célèbre GUY MÔQUET, débauche quelques bâtons merdeux du Parti Socialiste (KOUCHNER, BESSON, etc.). Acheter, c’est nommer à un poste prestigieux ou très rémunérateur des gêneurs ou des adversaires possibles. On appelle ça « voie de garage ».

 

 

Voilà le seul « credo » politique de NICOLAS SARKOZY. Cet homme (excusez-moi pour le terme, je n’en trouve pas d’autre) a compris l’état de déliquescence au stade terminal dans lequel se trouve le système politique français (l’italien n’est pas mal non plus, et quelques autres). Il a compris qu’il n’y a plus d’idées politiques. Il a compris que le monde actuel est guidé par deux certitudes qui se foutent éperdument de toute doctrine : la GESTION d’une part, et la COMPETITION d’autre part.

 

 

Il a compris que le monde actuel est une COQUILLE POLITIQUEMENT  VIDE, dans laquelle se contentent de jouer des FORCES voraces, qui n’ont besoin que de gestionnaires très compétents, de bons élèves sortis de bonnes écoles. Pour un tel opportuniste, c’est pain bénit.

 

 

Car NICOLAS SARKOZY a un seul objectif : LE POUVOIR. Si ce n’est pas pour le conquérir, c’est qu’il l’a déjà conquis et, avis à la population, qu’il fera TOUT pour le garder. Pour cela, il profite et abuse d’un outil aberrant, mais qui est entré dans les mœurs, au point d’imposer son hégémonie contre toute raison. Je veux parler du tout puissant SONDAGE.

 

 

Cette obsession du sondage chez NICOLAS SARKOZY est une preuve suffisante et aveuglante que son premier objectif n’est pas la politique à proprement parler, mais L’IMAGE que la population se fait (ou plutôt dont on lui bourre le crâne) de la politique. Toute l’action de NICOLAS SARKOZY se limite à la construction, à l’élaboration, à la fabrication et à l’invention de l’image de la politique, qui doit se résumer, dans son esprit, à son image à lui.

 

 

D’où l’explosion des factures de l’Elysée en dépenses de sondages pullulants et proliférants, fiévreusement décortiqués et analysés. D’où l’explosion du budget que l’Elysée consacre à la « communication » (voir par exemple ce qui s’est passé avec l’arrivée de THIERRY SAUSSEZ à l’Elysée). D’où le verrouillage minutieux et permanent des « éléments de langage » colportés par les équipes du gouvernement et des communicants, et le rappel à l’ordre impérieux des maladroits et des récalcitrants.

 

 

Si après les intimidations et menaces diverses, le « bug » insiste et refuse de s’écraser, on fait le ménage, et on débarque sans ménagement le coupable sur quelqu’une des nombreuses îles sécrétées par les institutions de la République (laissez-moi pouffer !), îles aussi désertes que princièrement rémunérées. La promotion éliminatoire est en effet un des procédés favoris de NICOLAS SARKOZY (et soyons jute : de ses prédécesseurs) pour se débarrasser d’un adversaire potentiel (en l’achetant). 

 

 

Une autre pièce d’importance sur l’échiquier « politique » de NICOLAS SARKOZY : le FOU. Je veux dire, évidemment, le JOURNALISTE, dont il achète l’attention à coup de sièges et de confidences « off the record »  dans l’avion présidentiel, ou qu’il punit à l’occasion, comme LAURENT MOUCHARD dit JOFFRIN, à une conférence de presse remarquée. Le principe est le même que pour les publicités BENETTON après le scandale qu’elles ont volontairement déclenché : dites du mal ou dites du bien de moi, je m’en fous, pourvu que vous parliez de moi.

 

 

L’important est le positionnement : toujours au centre du foyer (on parle alors de « focalisation »), par exemple en lançant de belles et saignantes polémiques. Etre celui qui suscite reste une des bases de la communication de toute l’équipe de NICOLAS SARKOZY. Le journaliste suivra comme le mouton suit celui qui le précède. Et tout ça est évidemment soigneusement concerté, calculé, supputé dans l’équipe de communication.

 

 

Dernier point sur la mécanique de conquête, je n’y insisterai pas : L’entente avec les puissants et les riches. On n’a pas oublié ERIC WOERTH flattant les membres du « Premier cercle » au cours de réunions discrètes et hautement rémunératrices pour les caisses de l’UMP. C’est la litanie bien connue : FOUQUET’S, BOLLORÉ, LAGARDERE, BOUYGUES et compagnie.

 

 

Les premiers éléments indiquant que NICOLAS SARKOZY a toutes les chances d’être réélu sont là. Les autres éléments sont exactement en face. Et regardez-les, les éléments-en-face. Un énigmatique monsieur POUTOU clair comme de l’eau de roche : il découle de la LCR déguisée en NPA, lui-même hérité de BESANCENOT. Un JEAN-LUC  MELENCHON qui veut faire croire que quoi ? Qu’il est honnête, quand il tempête à une tribune ou sur un plateau de télévision ? A qui fera-t-on croire ce conte de fées ?

 

 

Une EVA JOLY bientôt vierge et martyr jetée dans le panier de vieux crabes, qui tâche d’exister en pariant sur l’intransigeance, mais qui est déjà bien abîmée avant même d’être vraiment entrée en scène. Si elle s’appelait JEANNE D’ARC, je parie qu’elle irait faire sacrer le roi à Reims.

 

 

Une MARINE LE PEN, autopromue chevalier blanc en lieu et place du chevalier blanc « tête haute, mains propres », et qui défend des « idées », paraît-il, comme ce très improbable retour de la NATION. Si vous voulez mon avis, la nation, si elle n’est pas tout à fait « en trépas », n’est plus tout à fait « en vie ».

 

 

Et maintenant, « grelot, grelot, combien j’ai de sous dans mon sabot ? », « last, but not least », le pauvre FRANÇOIS HOLLANDE. Pourquoi « pauvre » ? Je ne parle évidemment pas de son patrimoine : je crois savoir qu’il est supérieur au mien (voir les quelques pages de journaux y consacrées il y a quelques années).

 

 

Je parle de la tête qu’il fait sur les photos. On me dira ce qu’on voudra, cet homme, quand il ne fait pas des yeux de bête traquée, a l’air d’un élève de CM 2 récompensé par la maîtresse d’école. A la rigueur, je l’admets comme le comptable de l’entreprise, que le patron vient de remercier chaleureusement pour la clarté de son bilan, à la fin du conseil d’administration. Lui aussi, il essaie de faire croire. Mais quoi ?

 

 

Un dernier mot sur la médiocrité de nos personnels politiques. Vous avez forcément remarqué que ce sont TOUS d’excellents élèves, et même des premiers de la classe (regardez bien COPÉ, MONTEBOURG, FILLON, PEILLON ; regardez-les bien tous en version « premiers de la classe »). Ils ont choisi de « faire carrière », aidés en cela par le cumul des mandats.

 

 

Ces quelques centaines de membres de l’élite de notre pays qui, droite ou gauche, fonctionnent comme une « famille » sicilienne qui intronise ou repousse qui elle veut, ne font rien d’autre que se partager des gâteaux, même s’ils proclament être « portés par de fortes convictions ». Droite ou gauche, ils sont formatés intellectuellement de façon strictement identique (la caricature, c’est l’E. N. A.).

 

 

Vous avez compris pourquoi je crains, en 2012, le retour du nabot.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

Question subsidiaire : lecteur attentif, fûté et affûté, sauras-tu deviner l'anagramme dissimulée dans "nabot" ? Quand je te dis qu'il faut craindre le "retour de bâton" !

 

 

mercredi, 23 novembre 2011

PROGRES TECHNIQUE ET BATEAU IVRE

J'inscris cette note dans l'aura de l'auréole de SAINT ARTHUR RIMBAUD, comme le laisse suppposer le titre ci-dessus. N'est-il pas, en effet, le poète par excellence de l'ère technique ? De l'enthousiasme industriel ? De la créativité concrète ? Quand VERLAINE lui écrit de Paris : « On vous attend, on vous espère ! », n'est-ce pas parce qu'il a la certitude intime de s'adresser à ce messie technologique rêvé par tout le dix-neuvième siècle, comme le pressent PHILIPPE MURAY dans son XIXème siècle à travers les âges ?

 

 

2

 

Résumé de l’épisode précédent : la technique vient de flanquer une gifle à l’humanité. La situation est tendue.

 

 

Face à la gifle, il y a deux réactions. Soit tu tends la joue gauche, si tu es européen, donc chrétien, soit tu lui envoies un bon uppercut dans la figure, ce qui implique que tu es resté un « primitif ». A cet égard, les Chinois, les Egyptiens, les Grecs, les Romains, les Mayas, ils sont tous des « primitifs ». Quand l’animal technique se rebiffe et regimbe contre le maître qui le nourrit, le « primitif » commence par bien l’assaisonner à coups de trique, et surtout, il le tient à la niche, avec une laisse courte.

 

 

Alors l’animal technique, empêché de folâtrer à son plaisir et de poser la truffe sur toutes les odeurs prometteuses qui se présentent pour en tirer on ne sait quelle invention, il cesse d’avancer, il se couche au pied de son maître plus fort que lui, et il attend.

 

 

C’est à ce moment-là que la société « primitive » peut prendre toute son ampleur, et exister à fond, avec toute la force et la plénitude des lois qui la font fonctionner. C’est la Chine ancienne et l’incroyable raffinement de ses « lettrés » et de ses porcelaines. C’est les Mayas et l’incroyable raffinement de leur astronomie. C’est le royaume Ashanti et l’incroyable raffinement de son artisanat d’or.

 

 

Cet animal technique rendra les services pour lesquels il a été conçu et fabriqué : point barre ! Et il a pas intérêt à se montrer trop gourmand ou trop curieux, l’animal technique ! Gare à lui s’il lui prend l’envie de pointer l’oreille. Et l’animal technique, là, il se tient coi. Sans doute pour la raison qu’il y a beaucoup de sacré qui flotte dans l’air. La force n’est pas de son côté. Eh oui, il y a le sacré !

 

 

En effet, dans le combat que se livrent le prêtre et l’ingénieur, c’est l’ingénieur qui, chez les « primitifs », baisse le nez, courbe le front et s’incline devant le maître des forces obscures de l’univers. Une sainte horreur saisit l’animal technique quand le sourcil du prêtre s’arque furieusement avant que s’abatte la colère du dieu. L’ingénieur reste un humble serviteur de l’ordre. Tout le monde craint la fin du monde. Et tout le monde a raison.

 

 

Car il faut parler d’ordre, et même d’ordre du monde : tout cela se passe dans un monde – ça nous paraît inimaginable aujourd’hui – HOMOGÈNE, un monde qui A DU SENS. Le monde du « c’est comme ça ». Un monde où personne ne parle d’individu, d’égalité entre les hommes, de liberté humaine. Un monde où chacun a sa place, même le lépreux ; où chacun est à sa place et a intérêt à y rester. Un monde où seule la Nature (ou le Cosmos) est éternelle. Où les hommes admettent qu’ils ne font que passer.

 

 

Dans un monde comme ça, on préfère la permanence à l’innovation. On sait ce qu’on perd, on ne sait pas ce qu’on gagne, dirait le brave Sancho Pança, qui parle par proverbes. La gifle « innovation », c’est même diabolique. Pour une raison très simple : ça modifie les relations entre les gens, ça perturbe le lien social, donc ça fait vaciller l’ordre du monde. Rien de moins. Tout ce qui est inconnu est redouté, parce que redoutable pour tout le monde.

 

 

Il suffit de voir comment les tribus « primitives » se sont elles-mêmes détruites au simple contact des conquistadors, cette nouveauté radicale pour elles, cette gifle. Entre la guerre et la déliquescence interne, leurs chances de sauvegarder leur être organisé sont dès le départ bien minces. N’était-ce pas chez les Sioux Oglalas qu’il suffisait de toucher l’ennemi du bout de je ne sais quel bâton pour que celui-ci soit considéré comme hors de combat ? Bizarrement, les Blancs, avec leurs pétoires ô combien modernes, sont restés imperméables à cette symbolique « primitive ».

 

 

Tout ce qui est nouveau est maudit, parce que ça rompt l’harmonie. C’est pour ça qu’ici et là, les hommes qui considéraient que leur harmonie personnelle était rompue pouvaient se suicider sans sourciller, ce qui effraie et horrifie tant nos sensibilités occidentales. Tout ce qui appartient à cette mentalité est rigoureusement hors de notre compréhension. Une sorte d’ « Alien », quoi. C’est pour ça que l’occidental qui vire bouddhiste ou « primitif » me fait bien marrer. Même RENÉ GUÉNON ou JÉROMINE PASTEUR. L’occidental illuminé par la lumière orientale ou « primitive » n’a aucune chance.

 

 

Dans ce « primitif »-là, qui peut donc être très savant, raffiné et subtil, tout ce qui est nouveau est donc porteur d’une malédiction. Pour tous les peuples du monde, depuis le début. Il faut les comprendre : quelle société peut survivre au chamboulement permanent des points de repère ? N'y a-t-il pas quelque sagesse à concevoir le changement comme une désintégration ? L'innovation comme un cancer ?

 

 

A cet égard, que penser de ce slogan dont on nous rebat les oreilles, dont on nous transperce les tympans, qu'on nous serine à longueur de pages de journaux, dont les émissions de radio et de télévision sont bourrées à craquer ? CHANGEZ ! BOUGEZ ! DEVENEZ ! REMETTEZ-VOUS EN QUESTION ! Et tout ça au prétexte fallacieux que, quand on ne bouge pas, c'est qu'on est mort !

 

 

 

A suivre vaille que vaille ...

 

 

mardi, 22 novembre 2011

DITHYRAMBE AU CACA DE CHIEN

MERCI ET BRAVO A TOUS LES CHIENS ! 

 

Je voudrais me tourner aujourd’hui vers nos frères inférieurs, ces compagnons de nos veilles les plus studieuses comme de nos échappées les plus folâtres, de nos humeurs les plus dyspeptiques comme de nos instants de déréliction les plus pathétiques. Je voudrais m’adresser à eux pour les remercier. 

 

Merci à vous, mes frères inférieurs. Je vous rends grâce. Vous avez accepté de quitter les champs fertiles et les verts pâturages au cours d’un exode rural que nulle autre espèce que la vôtre n’a jamais eue à subir, pour vous enfermer dans des appartements de vingt-cinq mètres carrés avec des individus drôlement moins drôles que les rats des champs, et avec des mollets qu’il vous est interdit de caresser avec les dents quand l’envie vous en prend. 

 

Merci à vous, en particulier, d’avoir gardé de vos campagnes ancestrales la saine et sainte habitude de parsemer les champs de nos trottoirs de vos superbes fleurs d’anus, qui ouvrent leurs corolles généreuses aux semelles de nos chaussures, heureuses de transporter jusque sur nos moquettes épaisses et claires quelques pétales de vos bouquets aux mille senteurs. 

 

Merci aussi à vous, les maîtres de si charmantes créatures, qui n’hésitez pas à partager avec tous les inconnus que vous croisez la si délicate attention qui sort du derrière de vos compagnons à quatre pattes. Je n’hésite pas, en chantant vos louanges, à vous comparer à ces sublimes donateurs de tableaux d’église, tels les glorieux chancelier Rolin,  chanoine van der Paele et Chartreux, dont nous avons conservé les traits par la magie des pinceaux de Jan Van Eyck, dans ses célébrations de la Vierge. 

 

Oui, merci à vous, ô donateurs : vos chiens sont les pinceaux vivants de votre art éternel. Pour être parfaitement exact, je devrais dire qu’ils sont les tubes que l’on presse pour en faire sortir la couleur. Quant aux  trottoirs, ils sont les palettes de votre inépuisable inspiration esthétique, en même temps que la toile qui s’offre à vos élans créateurs. Fidèles, passant et repassant inlassablement chaque jour, renouvelant et mélangeant avec subtilité et audace les pâtes colorées, vous faites apparaître à nos yeux émerveillés des paysages aux tons enchanteurs sortis des culs canins que vous entretenez avec amour. 

 

Ici, cette pincée d’un bistre si subtil, presque éthéré, offerte par la bouche arrière de quelque pékinois pincé et hautain, retrouve, on ne sait comment, la simplicité primitive de ses ancêtres frustes, dont l’esprit jamais ne fut effleuré par l’idée de s’arracher à sa glèbe originaire, à laquelle est intimement attachée la botte paysanne, et dans laquelle elle se ressource à tout moment. 

 

Alors, et alors seulement, la botte citadine se ressouvient de ses racines et pousse, au moment d’écraser l’offrande qui lui est destinée, un profond soupir d’indicible contentement : « Rhââ lovely ! ». 

 

Là, ce monticule de rouge profond, d’un caroténoïde triomphant, voire insolent, tout droit sorti de l’orifice arrogant et puissant d’un dogue allemand de superbe embonpoint, dessine l’ocre éclatant de la falaise des ailleurs qui nous appellent aux éternels voyages, en des incantations mystérieuses et ensorcelantes. 

 

Son « parfum exotique », « qui circule dans l’air et m’enfle la narine » et qui n’est pas sans rappeler (de loin, si possible) celui « des verts tamariniers » (Baudelaire), insuffle sa force au passant trop timide, à la passante apeurée, à l’enfant impressionné, au vieillard effarouché. 

 

Heureux celui qui là, venant aux heures tardives, va prendre des deux pieds assez de souvenirs pour toute une longue soirée d’analyse de l’oeuvre. On l’entendra longtemps, dans la nuit magnétique, manifester son enthousiasme et entonner son cantique d’action de grâce et de bonheur : « Rhââ lovely ! ». 

 

Et quelle extase enfin, quand deux ministres canins, pour le moins plénipotentiaires, croisant à l’improviste leurs humeurs colorectales aux nuances irisées, extraites en grande pompe et en couches alternées de leurs trappes aux immondices, marient la sobriété d’un coloris chatoyant de chocolat au lait aux pressentiments sombres d’un chocolat noir digne d’Hamlet. Vous l'entendez jouir, le spectre d'Hamlet ? Oui ! On entend distinctement : « Rhââ lovely ! ». 

 

Merci à tous les chiens ! Merci à tous leurs maîtres ! Sur cette école d’art appliqué à ciel ouvert, l’humble peintre contemporain prendra modèle, que dis-je, prend d’ores et déjà modèle, et depuis quelque temps, comme on le constate dans la plupart des galeries et musées d’art assez modernes pour flairer, c’est le cas de le dire, les tendances à la mode. 

 

C’est fou ce que l’humble peintre contemporain s’inspire de ses professeurs à quatre pattes pour obturer le vide inspiratoire de la toile blanche tendue sur son cadre, comme un trou à plâtrer. Je propose cette idée à tous les ANDY WARHOL qui s’efforcent de percer, parmi la meute de loups affamés qui peuplent le milieu impitoyable qu’on appelle art contemporain. A condition qu’ils s’efforcent d’acquérir la technique du métier par une discipline appropriée. Reprenons. 

 

On commence par un cours sur l’étalement des matières, selon les deux étapes didactiques désormais bien connues : ouverture commandée du sphincter troufignesque, pour la partie « production », puis étalement proprement dit, pour la partie « mise en forme ». 

 

Cette dernière étape, assez convenue dans son déroulement méthodologique, revêt une infinité d’aspects qui dépendent d’un grand nombre de facteurs, dont j’indique ici les principaux : poids de la personne, longueur et largeur des  semelles, parties de celles-ci qui « entre en contact » avec la matière, sexe de la chaussure. 

 

A cet égard, on ne saurait sous-estimer les possibilités d’exploitation qu’offrent les différences entre, mettons, pour aller vite, le haut escarpin à la Marlène Dietrich ou le léger « trotteur » des dames, d’une part, et d’autre part, les brodequins, mocassins et autres pataugas arborés par les messieurs. Une mention spéciale (et une pensée apitoyée) pour les amateurs, en été, de marche en « tongs », bien que lui, de toute façon, soit obligé de se laver les pieds avant de se mettre au lit. 

 

Pour les cours de couleurs, on n’épiloguera pas, et l’on renverra le lecteur au Vincent Van Gogh des Mangeurs de pommes de terre, au Jean Dubuffet de Paysage blond. L’explication en est simple : la palette du chien, en peinture, ce n’est pas l’arc-en-ciel, loin de là. Elle se limite malheureusement à l’insuffisante variété de son alimentation. Il est excessivement rare et difficile d’obtenir un beau bleu soutenu. Le vert manque de netteté. Quant au jaune, il va souvent de pair avec une liquidité extrême de la matière, très difficile à manier, par définition. 

 

Quoi qu’il en soit, je tenais à rendre cet hommage à la gent canine, si souvent et si injustement décriée par tant de renfrognés, tant de vieux béotiens bougons et de malappris sans culture, sans aucun goût pour les œuvres esthétiques, non seulement assez égoïstes pour se passer de talents picturaux incomparables, mais encore assez outrecuidants pour dénigrer les travaux de recherche désintéressée d’artistes à quatre pattes, uniquement soucieux d’apporter gratuitement un peu de beauté dans l’univers désincarné de nos villes de pierre. 

 

Voilà ce que je dis, moi.

lundi, 21 novembre 2011

PROGRES TECHNIQUE ET NEF DES FOUS

Avant de commencer, je précise que l'expression "nef des fous" m'est bien entendu inspirée par maître Sebastian Brant (1458-1521) et de son chef d'oeuvre La Nef des fous, qui est un peu le pendant de cet autre chef d'oeuvre : Eloge de la folie, de maître Erasme, un peu à la même époque. Ceci pour dire en préambule qu'il y a peut-être de la folie à avoir ainsi laissé la bride sur le cou à la technique, notre sujet du jour. Il est temps d'entrer en matière.

 

1 -  Alors là, attention, on attaque du béton lourd et compact. Bon, comme d’habe, je vais me décarcasser pour faire simple. Aujourd’hui, sans un minimum d’éthique et de déontologie, on n’arrive même plus à se payer une Rolex à quarante neuf ans et demi. Mais on ne sait jamais. Il va peut-être falloir que je m’efforce. Heureusement, je n’éternue pas comme Gaston Lagaffe, chaque fois que le docteur prononce en sa présence le mot « effort ». Même que ça amuse le docteur, et qu’il fait exprès.

 

Si ça devient trop abstrait, vous m’arrêtez. Parce que je supporte mal l’abstrait. Quand ça prend de l’altitude, je respire moins bien. Et à l’altitude marquée « intello », celle des gens bien nés, beaux parleurs et bien conditionnés, je suffoque, c’est vite vu. Bon, je vais garder ma Ventoline à portée de main. Comme j’ai dit, on ne sait jamais.

 

Et puis pas loin, j’ai mes deux balises, Argos et Arva. Je les déclenche en même temps quand il se produit une avalanche de poudreuse en pleins 40èmes rugissants. Je tiens à vérifier moi-même que les secours sont sur le qui-vive. Ça leur fait un exercice inopiné. Excellent pour les réflexes. Après, je me fais une verveine, je peux rajuster mon bonnet de nuit et me rendormir. On ne sait jamais.

 

Donc, dans un précédent article, je soutiens (« jusques au feu exclusivement », selon la formule déposée par François Rabelais en personne à l’INPI en 1534, j’ai vérifié, inutile de vous donner la peine) que l’Europe est le berceau universel du progrès technique. Personnellement, je suis assez content de l’expression « berceau universel ». Qu’en pensez-vous ? Promis, j’arrête de déparler, comme on dit chez moi, entre Saône et Beaujolais.

 

Si je me souviens bien de ce que je me rappelle (vous demandiez un moyen mnémotechnique, en voilà un, à condition de mettre « souviens » en tête), j’allusais même que si, dans la course, l’Europe a littéralement semé sur place  tous les peuples du monde qui ont assisté médusés au fulgurant départ de son échappée, c’est qu’elle s’est donné un chef, un parrain, une idole incontestable, indestructible, indéboulonnable : la technique. Personne au monde avant elle n’y avait pensé.

 

Parce que, avec les humains, on ne sait jamais : ça se succède, ça s’envie, ça se vole, ça vote mal, ça se tue de temps en temps. L'humain, c’est instable, soupçonnable, pour ne pas dire suspect, voire méchant. Bref : on ne peut pas compter dessus. Tandis que la technique, tranquille : comme ça a l’air inerte, comme c’est inoffensif tant que tu ne t’en sers pas, tu accumules les savoir-faire, tu collectionnes les acquis, tu mets bout à bout les expériences. Rien de plus sûr.

 

Pour les bases, le socle si tu préfères, ça a dû se passer entre 1000 et 1400, je n’étais pas là. Ce qu’on appelle bêtement le « moyen âge », juste pour déprécier. A vrai dire, personne n’était là, que les vivants de l’époque qui, de toute façon, n’ont rien vu venir. Tiens, regarde : tu es sur le port d’Aigues-Mortes. Pourquoi Aigues-Mortes ? Mais parce que c’est joli et pas encore ensablé ! C’est qu’il fait beau, en ce 18 juin 1080. On en est au pastis. Tu vois Marius le charpentier qui retape un rafiot.

 

Tout d’un coup, il a l’idée, le gars, de fixer le gouvernail à la structure. Toi, tu te dis : « Tiens, c’est pas bête ». Avant, il fallait que le barreur se démène comme un diable pour que tout reste dans l’axe et suive le cap. A la rigueur, il godillait. Comment tu veux deviner que le gars a eu une idée géniale, qui facilitera désormais le boulot de tous les skippers du monde ? Quoi, ça s’appelle pas « skipper » à l’époque ? Eh bien mettons, tiens, « cybernète ». Oui, ça veut dire « pilote », en savant. C’est ce qui a donné « gouverner ». Juré, craché.

 

Le rigolo de l’histoire, c’est que Joseph Ressel, en 1829, aura l’idée de l’hélice, invention révolutionnaire, en regardant faire un matelot en train de godiller, c’est-à-dire de guider son bateau sans gouvernail fixe, en faisant simplement tourner savamment sa rame. Comme quoi, heureusement que ça ne s’est pas perdu en route.

 

Le progrès technique, personne le voit démarrer. Et surtout, personne sait que c’est ça, le progrès. Trop lent. Trop dispersé. C’est un sournois. Il ne veut pas attirer l’attention sur lui. Un gouvernail fixe par ici, une horloge mécanique par là, des lentilles optiques composées en 1270, un rouet en 1298, une poulie à Nuremberg, une première anatomie scientifique à Bologne. Impossible de synthétiser. Ce n’est qu’à l’arrivée qu’on voit le résultat. Franchement, comment veux-tu deviner ce qui est en train de se passer ? Tu auras beau envoyer Sherlock Holmes, Herlock Sholmes ou Isidore Bautrelet, cet Arsène Lupin-là filera toujours entre les doigts.

 

Mais parlons du télescope. Galilée fait ses premières observations astronomiques en 1609. Lui, il est convaincu de la nouveauté absolue de sa découverte (ce n’est pas moi qui dis ça, c'est la dame ci-dessous). Mais qui d’autre ? Gregory, Newton, Herschel perfectionnent l’engin. Mais est-ce que tous ces gugusses se rendent compte de la rupture qu’introduit le télescope dans la représentation humaine du monde ? Ça, c’est une idée de Hannah Arendt, qui n’est pas la première venue.

 

Bon, je ne vais pas vous bassiner avec les détails de son analyse. En gros et pour résumer, le télescope nous fait voir les planètes autres que la Terre, mais surtout, nous oblige à admettre que la Terre est une planète parmi d’autres. Tout le truc est là. L’homme se met à voir son monde comme s’il l’observait de l’extérieur.

 

On a du mal à se rendre compte aujourd’hui qu’il s’agit là d’une rupture radicale. C’est dans Condition de l’homme moderne. Hannah Arendt  renvoie à cette occasion à la parole d’Archimède : « Donnez-moi un point fixe, et je soulève l’univers ». Le télescope, c’est ça, ou peu s’en faut. « Nous sommes les premiers à vivre dans un monde (…) dans lequel on applique à la nature terrestre (…) un savoir acquis en choisissant un point de référence hors de la Terre », comme dit la dame. Il fallait quand même que je cite cette phrase, même élaguée.

 

Ajoutez à ça le premier globe terrestre, réalisé en 1492 par Martin Belhaim, on est bien obligé d’admettre que l’homme, à partir de là, voit les choses autrement, même s’il ne s’en rend pas compte sur-le-champ. Ajoutez à ça la carte géographique (la vraie), tout est prêt pour « faire entrer l’univers dans les salons », comme dit Hannah Arendt. Nous, on est nés dans ce bain-là : c’est devenu si « naturel » qu’on l’apprend à l’école primaire. Mais sur le moment, c’est comme une gifle donnée par la technique à l’humanité.

 

A suivre ...

jeudi, 17 novembre 2011

L'EUROPE EST UNE SAINTE (fin)

4 - NOTRE EUROPE A INVENTÉ CE MONDE

 

 

Avant de passer au sujet du jour, je reviens juste un moment sur un point que j'abordais hier : toutes les sociétés du monde et de l'histoire ont toujours maintenu un contrôle étroit des machines dont elles se servaient, empêchant ainsi la technique en tant que telle de prendre son essor.

 

 

L'Europe est le seul ensemble humain qui ait laissé se développer les machines dans un mouvement autonome, et sans doute non contrôlé. Cela s'est produit malgré les résistances religieuses, et malgré l'opposition parfois violente des ouvriers (exemple des luddites, en 1812) reprochant aux machines de les priver de travail, qui n'hésitaient pas à les briser.

 

 

La question qui se pose est la suivante : si la société garde la main, dans le premier cas, est-ce qu'elle ne perd pas la main, dans le second ? N'y a-t-il pas abandon de souveraineté de la part du groupe sur une activité qui la modifie en permanence (et de plus en plus vite, comme on le voit aujourd'hui) ? N'y a-t-il pas, dès le moment où la technique s'autonomise, tendance à la dissolution du tissu social ? A la destruction du lien communautaire ? Ben oui, quoi, on se pose des questions, ou alors c'est pas la peine ! Je ferme la parenthèse. J'y reviendrai sans doute.

 

 

Je vais être franc : je voulais intituler cet article EUROPE ÜBER ALLES. A cause de la musique composée par JOSEPH HAYDN en 1797, pour l'hymne autrichien "Gott erhalte Franz der Kaiser". On retrouve cette musique dans son quatuor opus 76, n°3, plus précisément dans le 2ème mouvement, marqué "poco adagio cantabile". Le poète FALLERSLEBEN plaça sur cette musique les paroles d'un poème commençant par la phrase bien connue, et désormais interdite en Allemagne : « Deutschland, Deutschland über alles » (Allemagne, Allemagne au-dessus de tout) ! Le titre exact était : Das Lied der Deutschen.

 

 

Et puis je me suis dit que ça frisait la provocation. L'idée, ce n'était pas de dire que l'Europe se comporte en maître du monde. L'idée, c'était plutôt de montrer que le monde, tel qu'il fonctionne aujourd'hui, est devenu européen. Que c'est l'esprit européen qui anime l'espèce humaine aujourd'hui. Rien de moins.  En effet, l'Europe est présente en sous-main dans tout ce que le monde actuel manifeste, dans le meilleur, comme dans le pire.

 

 

 

C'est vrai que j'en ai assez d’assister à la destruction méthodique et concertée de notre lopin de terre européen par le côté obscur de diverses forces financières et politiques. J’ai donc décidé d’en faire l’éloge. Eloge dont le présent billet constituera le quatrième et dernier pan (« de mur jaune », ça c’est pour rendre hommage au pape MARCEL, le MARCEL du PROUST qui va avec, évidemment, chacun ses automatismes). Le troisième pan portait témérairement en conclusion une haute affirmation : « L’Europe a inventé le monde ».

 

 

Il faut être culotté, non ? C’est vrai que c’est un peu « gros », je le concède. Je veux bien substituer le démonstratif à l’article, comme le montre le titre ci-dessus. Mais je conserve « a inventé ». Hier, j’ai tenté de montrer que c’est en Europe et nulle part ailleurs qu’ont vu le jour la plupart des grandes inventions qui servent maintenant de base au monde que nous connaissons.

 

 

LEONARD DE VINCI est la figure même de l’inventeur génial, qui a moins réalisé concrètement des inventions qu’il n’a imaginé et dessiné des principes : son char d’assaut était en bois, si je me rappelle bien ! Mais peut-être que les boulets faisaient moins de dégâts : c’est PIERRE CHODERLOS DE LACLOS qui a inventé le boulet creux, oui, l’auteur  des Liaisons dangereuses. Encore une invention, on n’en sort pas. C’est sûr, quand tu es en Europe, tu peux pas faire trois pas sans tomber sur une invention.

 

 

C’est l’Europe qui a donné à la technique la place dominante qu’elle occupe aujourd’hui. A la technique qui, jusque-là, était un MOYEN entre les mains des hommes et qui, à partir de là, est devenue une FIN, un but, la condition et le moteur de la civilisation, le principe organisateur des activités humaines.

 

 

Ben oui : jusqu’à la locomotive, jusqu’à l’automobile, dis-toi bien que le bonhomme, il allait à la vitesse de son pas. Inimaginable. A la rigueur celle du cheval au galop, s’il avait les moyens de se payer un galop, euh non, un cheval. Vous arrivez à vous représenter ça ? Moi pas. Vous vous rendez compte de ce que ça implique ? Sans le bus du ramassage scolaire, pas question d’aller à l’école, parce que la plus proche est à vingt kilomètres, quatre heures à pied en marchant bien.

 

 

En 1850, on en était là. Hier, quoi. Quatre ou cinq générations, pas plus. A quoi ça pouvait ressembler, dans la tête, le temps dont on disposait ? Comment ça se passait, quand on ne pouvait pas passer, par simple décision administrative, de l’heure d’été à l’heure d’hiver, et inversement ? Accessoirement, on peut noter que l’école n’a vraiment pris son essor qu’en même temps que la machine à vapeur. Quoique ceci demande vérification. Je ne voudrais pas enduire d’erreur quelque lecteur que ce soit. On a son orgueil, tudiable!

 

 

Qu’est-ce qui lui a pris, à l’Européen ? C’est dans le fond assez simple.  L’Européen avait un gros défaut : la CURIOSITÉ. Quand on y pense, c’est quelque chose d’absolument énorme et nouveau, la curiosité. Allez, dites-moi un peu, pour voir, quel peuple poussa la curiosité aussi loin que les Européens. Quel peuple eut plus que les Européens l’envie de savoir ? De dépasser les bornes des connaissances acquises pour en ajouter à l’infini ?

 

 

Il y eut, au départ de l’Europe, dans ses fondements, LE VERTIGE DE LA CURIOSITÉ. C’est sans doute une maladie grave. Dès que tu n’imites plus seulement ceux qui t’ont précédé, que tu as appris tout ce qu’ils savaient, mais que tu y ajoutes quelque chose de nouveau, c’est que tu veux faire mieux. Ce que tu as dans l’idée, c’est de progresser, d’aller plus loin.

 

 

A une époque, on a appelé ça la « Querelle des Anciens et des Modernes ». Et puis sans qu’on y pense, c’est entré dans les mœurs et dans les esprits, cette idée d’aller plus loin que ses propres parents. Tu te mets à y penser, au progrès. Tiens, par exemple, c’est quoi, la différence entre le style roman et le style gothique ? Réponse : la croisée d’ogives. Quand tu passes de la voûte en plein cintre à la voûte d’ogive. Non, c’est rien que ça ?

 

 

Presque. Bon, c’est vrai, il y a encore quelques fioritures à droite et à gauche, comme l’extraordinaire « clé pendante ». Mais même ça, c’est rien qu’une prouesse, l’essentiel n’est pas là. L’essentiel, c’est de dominer le poids de la matière, pour faire grimper des cailloux à des hauteurs jamais vues, et pour les faire tenir. Le reste n’est qu’une question de style et de savoir-faire.

 

 

Ensuite, évidemment, il y a les habituels petits rigolos qui croient être plus forts. Tiens, va voir à Beauvais, par exemple. La cathédrale. Des clampins, qui tenaient absolument à montrer leurs muscles, et qui ont essayé de monter plus haut que tout le monde. J’ai eu beau leur dire « Babel » et compagnie, tu parles ! Ils y sont allés quand même. Du coup, ils ont enfreint la loi, ils ont voulu bâtir le chœur le plus haut du monde, et ça s’est écroulé. 

 

 

Maintenant, va voir l’état dans lequel elle est, la pauvre cathédrale de Beauvais, toute branlante. Et pas finie ! Ah ça, c’est vrai, si ça avait tenu, ça serait la plus haute, et peut-être la plus belle. Mais voilà : faut pas exagérer d’exagérer, ou ça te retombe sur le coin de la figure. Quelle idée aussi, de vouloir monter cette flèche à cent cinquante mètres ! Forcé qu’elle s’écroule. Aujourd’hui, on conçoit ce que ça aurait été, Beauvais, si les gars étaient restés raisonnables. Ça fait peine, monsieur.

 

 

Revenons à la CURIOSITÉ. A l’accumulation indéfinie des savoirs. A la jouissance de ça. Au vertige et à la fascination de ça. Mais pas une accumulation n’importe comment. On imagine encore le moyen âge comme une période obscure, vaguement barbare. C’est très injuste. Car l’accumulation de savoir, la frénésie de classement des savoirs, le goût de la controverse (les discours « pro » et « contra » des bacheliers), tout ça, ça finit par structurer l’esprit d’une certaine manière.

 

 

On a appelé ça le moyen âge par mépris et par ignorance, quand la mode était au flamboiement romantique de l’esprit. Mais mine de rien et en douce, ça prépare le terrain des ERASME, GUILLAUME BUDÉ et autres MARSILE FICIN. Les humanistes, quoi. Tout est logique. Ça s’enchaîne.

 

 

Face au vertige de l’infini du savoir, l’esprit européen devient, en quelques siècles, absolument INSATIABLE. Comme les bâtisseurs de Beauvais. Comment lui est venue cette « folie curieuse » du « toujours plus » ? C’est forcément programmé quelque part, mais va savoir où. Quoi qu’il en soit, FRANÇOIS DE CLOSETS, en intitulant Toujours plus son best seller à la noix de 1982, il ne risquait pas de se tromper, il enfilait des pantoufles confortables : c’est le mot d’ordre depuis cinq ou six siècles ! Je dis cinq ou six, parce que « révolution industrielle », c’est du flan. Si on a eu la machine à vapeur et tout le toutim, c’est que TOUT ETAIT PRÊT.  

 

 

Et comme tout est logique et que tout s’enchaîne, le Blanc d’action va enchaîner. Le savoir qui passe dans la réalité, ça s’appelle donc la technique. Ça permet d’agir sur elle ? Impeccable. Il adopte illico la technique, parce qu’il comprend qu’avec ça, il va pouvoir conquérir. C’est la trilogie Savoir – Avoir – Pouvoir.

 

 

Le gars blanc, il ne va pas se gêner. Le ver du « toujours plus » est dans le fruit « européen », parce que la larve a été déposée avant le fruit, dans la fleur. Exactement comme fait le balanin des noisettes, vous pouvez vérifier. Sauf que le ver du balanin, il se contentera de bouffer la noisette dans laquelle il a été posé. Et puis de vivre la courte vie qui lui reste.

 

 

Avant même que l’Europe fût européenne, le ver du « toujours plus » travaillait déjà dans ses gènes. Alors maintenant, que ça comporte des tas de choses antipathiques, bien sûr. Mais franchement, qu’est-ce que j’aurais pu y faire ? La colonisation ? Evidemment. Le pillage des ressources ? Mais comment donc. Tous les moyens sont bons ? Assurément. Y compris les pires ? Sans aucun doute. Y a de l’abus ? Mais je me tue à vous le dire.

 

 

Il n’empêche qu’au passage, cette Europe qui est à l’origine du monde tel qu’on le voit aujourd’hui, elle a fait pas mal de beaux cadeaux, et sur lesquels personne ne conçoit seulement de revenir. Certes, elle n’a pas inventé la boussole, mais elle a su quoi en faire. C’est vrai, ça, finalement, c’est l’Europe qui a donné le Nord au monde. Les Chinois connaissaient la boussole magnétique en 1160 avant J. C. ? Et alors ? Qu’est-ce qu’ils en ont fait ?

 

 

Ce n’est pas eux qui, grâce à elle, ont parcouru les mers, découvrant d’autres terres, dressant des portulans, puis des cartes, puis des planisphères de plus en plus précis et rigoureux. Le visage du monde, je n’y peux rien, c’est l’Europe qui l’a dessiné. Comme dit je ne sais plus qui, l’Europe a fait entrer le globe terrestre dans les salons. Qui est venu  remplacer l’archaïque « sphère armillaire », vous savez, celle qui mettait la Terre au centre de l’univers.

 

 

Rends-toi compte de ça : debout sur la planète, tu as l’impression que c’est plat. Enfin, grosso modo. Tu as l’impression que c’est infini. Et voilà que, tout par un coup (comme on dit chez moi, dans le théâtre de Chignol et Gnafron), tu peux regarder à loisir, au coin du feu, à quoi ça ressemble ? Et tu ne serais pas saisi d’une ivresse de puissance ? La géographie du monde, y a pas à barguigner, c’est l’Europe. Et après l’espace, le temps.

 

 

L’horloge ? La mesure du temps ? Mais évidemment bien sûr, Arthur, que c’est l’Europe. Enfoncée, la clepsydre ! L’horloge mécanique est peut-être née un peu avant l’an mille. Elle se répand au 14ème siècle. C’est que les monastères en avaient grand besoin ! Et ce n’est pas l’Arabie saoudite, qui a planté à bonne hauteur, sur un énorme support, quatre cadrans de trente mètres de haut censés donner l’heure islamique, qui y changera quoi que ce soit.

 

 

Les arts ? Mais allons-y ! Ce n’est pas pour rien qu’un Japonais a passé dix ans au musée Unterlinden à Colmar, à copier méticuleusement le chef d’œuvre de MATHIAS GRÜNEWALD, qu’on appelle le Retable d’Issenheim. Quand on voit Issenheim aujourd’hui, on a d’ailleurs de la peine à croire que le patelin ait pu abriter un pareil monument. Quant à la peinture, je suis désolé, mais est-ce de l’arrogance, de dire que le monde, de deux choses l'une, fait soit de l’ethnique, soit du succédané d’Européen (ou d’Américain) ? Pour les autres arts, on peut ajuster et nuancer tout ce qu'on veut, c'est le même tabac.

 

 

La domination du monde, c’est encore l’Europe. Et vous pouvez y aller, lui faire tous les procès aujourd’hui, mais c’est trop tard. Le ver du « toujours plus » était contagieux, qu’on se le dise. Et ceux qui détruiront la planète à force de la bouffer, comme l’Europe et l’Amérique avaient commencé à le faire, eh bien ils le feront « A L’EUROPEENNE ». Il faut que ça se sache.

 

 

 

Voilà ce que je dis, moi !

 

 

POSTE SCRIPTHOMME AVEC LARME : nous sommes le 16 novembre. Cet article est programmé pour le 17. Vous m'excuserez si par hasard, ici, il n'y a rien de nouveau le 18. C'est brutal. PATRICK est mort. C'est un accident. Comme tous les accidents, on se dit que c'est terriblement bête. Il faisait la tournée d'inspection d'un refuge de haute montagne, avant réception des travaux. Une chute de 500 mètres, même sous les yeux de toute l'équipe, ça ne pardonne pas. Je n'aimerais pas avoir vu ça pour alimenter mes pires cauchemars. C'était le père d'AMANDINE, la promise de PHILÉMON. Le mari de DOMINIQUE. Il y a aussi LAURE et FLORIAN. Je n'ai pas de mots. Vous m'excuserez. A bientôt. PATRICK, adieu.

 

 

 

 

mercredi, 16 novembre 2011

L'EUROPE EST UNE SAINTE (3)

3 – L’ORIGINE DE CE MONDE

 

Non, je ne parle pas de ce tableau scandaleux que JACQUES LACAN avait acquis à grands frais, et qu’il dissimulait, dans son bureau, sous un panneau mobile, pour ne le montrer qu’à quelques élus. Tout le monde a reconnu L’Origine du monde de GUSTAVE COURBET, où l’artiste a représenté l’entrecuisse fendu, charnu et fortement velu d’un humain de sexe féminin, et qui fit jaser dans les salons bourgeois. Tiens, à propos, vous connaissez cette contrepèterie : « FRANÇOIS HOLLANDE a lâché le Congrès » ? Glissons.

 

 

Non, je n’ai pas changé de cheval : c’est toujours l’Europe, le destrier dont je chante les louanges. Le grand LEWIS MUMFORD, esprit original et fécond, fait, à la fin de son ouvrage formidable Technique et civilisation (Seuil, 1950), la liste des inventions humaines et leur époque approximative. Cette liste est très fastidieuse, à cause de la longue énumération des trouvailles et de la succession sèche des dates. Mais elle est en même temps tout à fait PRODIGIEUSE.

 

 

D’abord par le nombre, pour ne pas dire la masse des inventions techniques qui interviennent, à partir du 10ème siècle, dans tous les domaines de la vie concrète. On constate ensuite qu’au cours du temps, la liste s’allonge, c’est-à-dire que l’homme invente de plus en plus, et de plus en plus vite.

 

 

Au 10ème siècle, MUMFORD relève : l’horloge hydraulique, le moulin à eau, le harnachement efficace des chevaux, le joug bovin multiple, l’horloge mécanique (donnée comme probable) et les vitraux colorés en Angleterre. En gros une vraie innovation tous les 20 ans. Mais au 14ème, cela monte à une tous les cinq ans. Et je ne parle pas du 19ème (une tous les six mois).

 

 

Enfin, cette liste est prodigieuse par la concentration de plus en plus nette de la frénésie inventive dans le foyer brûlant de la créativité humaine : en EUROPE, évidemment, et nulle part ailleurs. C’est là que l’innovation technique a littéralement explosé. On peut affirmer que l’Europe est la mère de la technique. Ce n’est pas un cri de victoire. C’est un constat.

 

 

Certes, d’autres peuples du monde ont turbiné dans leur coin, et ont connu avant les Européens la boussole, la poudre à canon et le papier. LEWIS MUMFORD le dit : « Tous les instruments critiques de la technologie moderne : la pendule, la presse à imprimer, la roue hydraulique, le compas magnétique, le métier à tisser, le tour, la poudre à canon, le papier, (…) existaient dans d’autres cultures ».

 

 

Mais c’est en Europe occidentale que toutes ces inventions éparses (et surtout indépendantes les unes des autres) se sont coalisées, ont été mises en relation les unes avec les autres, jusqu’à former SYSTÈME. LEWIS MUMFORD ajoute d’ailleurs, à propos des « autres cultures » : « Ils avaient des machines, mais ils ne développèrent pas "la machine" ». Cela veut dire que chaque machine particulière fonctionnait à la satisfaction de tous, mais qu’elle restait « dans son coin ». Et surtout qu'elle restait en l'état, comme empêchée d'évoluer. Là, c’est la société qui est la plus forte et qui dicte ses conditions.

 

 

En Europe, c’est le contraire : l’organisation sociale et les modes de pensée intègrent la machine dans leur mode même de fonctionnement. La machine s’introduit dans le travail de l’esprit, et devient un objet privilégié, un but. Le domaine de la machine non seulement s’agrandit sans cesse, mais s’autonomise, devenant l’espace d’expansion de l’activité humaine. Si l’on veut, c’est la machine qui est la plus forte. C’est la machine qui, de plus en plus, va dicter ses conditions à la société.

 

 

Ce qui est sûr, c’est que, quand je regarde les informations à la télé (voix off : « C’est même pas vrai, il a même pas la télé ! »), je constate qu’à l’égard des techniques, le monde est aujourd’hui européen. Où qu’on aille sur la planète, on reste en Europe. A l’égard des façons de penser, il y a encore des poches de résistance, mais globalement, quand on voit comment la technique a envahi le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine, et l’Afrique du sud (pour ne parler que des BRICS, comme disent les économistes), je me dis que les mentalités du monde entier sont désormais façonnées (et fascinées), par la vision américaine, donc, à travers elle, européenne.

 

 

Quelqu’un m’objecte, au fond de la salle à gauche, oui vous, madame, en imperméable orange, que ce sont les Etats-Unis qui sont pour l’essentiel à l’origine de cette « conquête » du monde, et j’en suis évidemment d’accord. Mais je vous répondrai d’abord que l’orange vous va très bien, ensuite que les Etats-Unis ne sont une puissance que depuis le début du 20ème siècle, et que la technique ne les a pas attendus pour triompher. D’ailleurs, n'est-ce pas pour avoir des fusées que les Américains ont kidnappé l’Européen WERNHER VON BRAUN en 1945 ? 

 

Et puis après tout, on peut aussi s’interroger : sans les Européens, y aurait-il seulement des  Etats-Unis d’Amérique ? Finalement, les Etats-uniens sont pour une large part des Européens trop avides, trop protestants, trop catholiques ou trop pauvres pour rester sur le territoire ancestral. Les Etats-uniens sont une variante d’Européens, certes, pas toujours sympathique, mais c’est à la façon dont, dans les familles, on est obligé de reconnaître la parenté avec des cousins dévoyés, et de les tolérer dans les grandes réunions familiales. A cet égard, la grande réunion familiale porte aujourd’hui un nom pas facile à assumer : OCCIDENT.

 

 

Et il est parfaitement normal que le monde entier fasse aujourd’hui un gros pied de nez à la famille occidentale puisqu’il en a accepté tout l’héritage. Maintenant que le monde est devenu occidental en général, et peu ou prou européen, fût-ce à travers la variante américaine, il peut bien en remontrer au maître qui lui a tout appris. Faire des tours plus hautes, des TGV plus rapides, et tout et tout. Chercher la performance. « Citius, altius, fortius ». Elle est française, la devise du Français COUBERTIN. Qui dit : « C’est bien, les enfants, continuez comme ça ». Ça s'appelle la transmission, il paraît.

 

MORALITÉ :

 

L’EUROPE A INVENTÉ LE MONDE.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre ...


mardi, 15 novembre 2011

L'EUROPE EST UNE SAINTE (2)

2 – L’EUROPE A FAÇONNÉ LE MONDE

 

 

Conclusion : pour l’esclavage, le Blanc est un pauvre novice, un enfant de chœur, un bleu, un éternel apprenti, un débutant. Bref, un bizut. Et tu sais pourquoi ? Parce qu’il est bête, oui, il est assez bête, lui, pour se poser des questions. Mais quel imbécile, le Blanc ! Le Noir, le Turc, l’Arabe, tu crois qu’ils s’en posent, des questions, dans l’histoire ? Allons donc. C’est comme ça, et « Inch Allah ! ». Alors que le Blanc, c’est depuis le début de la pratique de l’esclavage du Noir par le Blanc qu’il se les pose, les questions.  

 

 

Bon, c’est vrai, celui qui fait n’est pas le même que celui qui pose. Parce que le Blanc, en plus, il a inventé la division du travail : d’un côté le Blanc d’action, de l’autre le Blanc de réflexion.

 

 

Le Blanc d’action, il part à l’aventure. Il ne se pose pas de questions. Ce qu’il veut, c’est d’abord s’en mettre plein les fouilles en prévision de ses vieux jours. C’est lui qui part en expédition, mandaté ou non pour revenir chargé d’or. Sa conscience n’est pas des plus limpide. Et c’est vrai qu’il sort parfois de prison. Alors son or, comment il se l’est procuré, ça, mon ami, peu importe. On ne regarde pas, à l’arrivée, s’il a pillé, volé, tué, détruit. L’or sanctifie tout. Et puis, là-bas, où il est allé, c’est tellement loin !

 

 

Le Blanc de réflexion, lui, il réfléchit, il pense, il discute, il interroge, il pose des questions. Et surtout, il écrit des livres. Beaucoup de livres.  Dans toutes les disciplines : philosophiques, économiques, politiques, juridiques, morales, enfin sur tout ce qui entre dans la composition de la civilisation de l’écrit. Et sur chaque sujet, des livres pour et des livres contre. Ça, c’est important, qu’il y ait le livre « pour » et le livre « contre ». Il a inventé ça, le Blanc de réflexion.

 

 

En effet, réfléchis à ça : où que ce soit dans le monde, les « minorités », comme on dit élégamment, se rassemblent géographiquement. Cela donne, au gré des moments, « ghetto » ou « Chinatown ». On appelle aussi ça « solidarité ethnique », pourquoi pas ? Ce genre de solidarité porte un nom : c’est la logique MAFIA.

 

 

Les plus forts de la communauté dictent leur loi à tous les autres. Et ça fait des bandes foncièrement homogènes. Car quand la bande du pâté de maisons en face vient chier dans les bottes de ton territoire, tout le monde qui est de ce territoire s’y met pour expulser l’intrus manu militari. Et gare au tiède, dans ces moments-là : il n’y a pas loin de là à le considérer comme traître à la cause. On peut aussi l'appeler la logique Capulet contre Montague. Ou encore la logique Jets contre Sharks.

 

 

Tandis qu’avec ce truc, de laisser paraître aussi bien le livre « pour » que le livre « contre » (ça censurait quand même à tout va, mais il y avait Amsterdam), tout devient tout de suite très compliqué. Ce n’est plus la logique MAFIA : c’est la logique DEBAT. Ce n’est plus un territoire contre l’autre, c’est un argument contre l’autre.

 

 

Et les territoires des deux camps ne sont plus nettement délimités, compacts, reconnaissables. Ils ne sont plus homogènes. Ils sont dispersés « façon puzzle », et pour les reconnaître, il faut attendre que les gens posés dessus parlent. C’est pour ça que c’est compliqué. Il faut attendre que les uns et les autres prennent la parole.

 

 

Toute cette logique « débat » finit, à force, par construire un édifice, que l’homme de réflexion a appelé la loi. Au nom de celle-ci, il arrive même que le Blanc de réflexion fasse une petite guerre « de Sécession » au Blanc d’action. Vous voyez à quelle guerre je fais allusion.  Ça n’élimine pas forcément le côté « sans limite » de l’action, mais ça la contraint à se refréner, à se restreindre, à faire attention. 

 

 

Ce que l’Europe a inventé, ici, ça porte plusieurs noms : la loi, ça, je l’ai dit. On peut aussi appeler ça « l’Etat de droit ». On peut appeler ça « l’égalité », plus précisément « l’égalité des droits ». Je retiens surtout, personnellement, que l’Europe, en inventant ça, a inventé la CONSCIENCE. Le mot « conscience », c’est une autre façon de se poser une question précise : « Est-ce que j’ai le droit ? ».

 

 

« Est-ce que j’ai le droit ? » Aujourd’hui, la question est atrocement banale (quoique …), mais demandez à MUHAMAR KHADAFI, BACHAR EL ASSAD, ZINE EL ABIDINE BEN ALI, HOSNI MOUBARAK, OMAR EL BECHIR et quelques autres, ce qu’elle veut dire, cette question.

 

 

En Afrique noire, vous avez DENIS SASSOU NGUESSO, PAUL BIYA, OMAR BONGO (maintenant c’est son fils), ROBERT MUGABE, ABDOULAYE WADE, BLAISE COMPAORÉ, FAURE GNASSINGBÉ EYADEMA, ma parole, la liste est interminable. Qui parmi eux se la pose, la question ? C’est quand même curieux, tout se passe comme si cette question ne concernait que les Européens.

 

 

Ils ne se rendent pas compte, le Européens, en se frappant la poitrine et en avouant une quelconque culpabilité, que tous les peuples du monde sont a priori, au mieux xénophobes, au pire racistes. TOUS. Y compris les Européens. La xénophobie n'est peut-être pas "naturelle". Mais ce qu'on ne peut pas nier, c'est qu'elle est spontanée. 

 

 

La xénophobie, où qu’on aille dans le monde, est la règle. L’humanisme est l’exception. Et il faudrait quand même que le Blanc, qu’il soit Européen autochtone ou Européen expatrié en terre américaine, batte sa coulpe : « non sum dignus, non sum dignus ». Il serait bien le seul.  

 

Alors je dis à tous les « généreux altruistes », à tous les « solidaires chevaleresques », à tous les « humanitaires fraternels », à toutes les « grandes âmes tiers-mondistes », à tous les chevaliers blancs de la défense des opprimés, les éducateurs-sans frontières, les médecins-sans-frontières, à tous les machins-sans-frontières : assez. Assez de bourrage de crâne. Assez de culpabilisation. 

 

 

Moi qui suis Européen et, disons-le sans fausse honte, fier de l'être, je regarde où je vis, et je vois que, dans le pays où je vis, ceux qui entrent dans une des catégories ci-dessus, ce sont les mêmes qui, demain, verront leur salaire diminué de 25 %, leur retraite divisée par deux, et ne sauront plus comment faire pour joindre les deux bouts. Voyez la Grèce prémonitoire. Ils n’ont pas compris comment le monde est aujourd’hui organisé. Rappelons-nous la règle du marin dans la tempête : « Une main pour le bateau, une main pour moi ».

 

 

Et ce n’est pas le tiers-monde qui nous fomente cet avenir : c’est bien évidemment le Blanc d’action, aidé maintenant par le Noir d’action et le Jaune d’action. Toutes les couleurs de peau s’y mettent, pour siphonner le réservoir du droit des gens de ce qui y reste de carburant. En France, 1 % de la population possède déjà 30 % de la richesse nationale. Et ce n’est qu’un début. Les pauvres vont pouvoir continuer leur régime amaigrissant. 

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre ...

 

 

 

 

 

lundi, 14 novembre 2011

L'EUROPE EST UNE SAINTE (1)

Bon, alors on a compris que l’Europe est devenue une prostituée mise sur le trottoir par son maquereau. Eh oui, ce qu’on appelle complaisamment la classe politique, avec un nombre impressionnant d’hommes de premier plan, qui ont voulu à toute force « construire l’Europe ». Avec un coup de pied dans les fesses de la pute, au son de la CONCURRENCE LIBRE ET NON FAUSSEE.

 

 

Sans entrer dans le détail du complot, au centre duquel figure la « monnaie unique », disons que la prostituée va devoir cracher le maximum, au nom de cette trouvaille géniale : « concurrence libre et non faussée ». Pourtant, la pauvre Europe, elle n’a pas mérité les tombereaux d’avanies et d’ordures que le monde déverse depuis quelque temps sur son pauvre corps mis à mal. Comme dit GEORGES BRASSENS : « C’est pas tous les jours qu’elles rigolent, parole, parole ! ».

 

 

C'est entendu, je ne parlerai pas des avanies financières que des traders et des spéculateurs à tendance nazi font pleuvoir sur l'Europe tant qu'elle n'a pas été réduite à quia. Je ne parlerai que de ces vieux remugles d'arrière-boutiques, de ces causes qu'affectionnent les  mauvais avocats tiers-mondistes en mal de thune et de publicité, tel cet ahuri qui demandait récemment aux tribunaux belges d'interdire définitivement un odieux pamphlet raciste, un insupportable brûlot colonialiste : Tintin en Afrique.

 

 

Je ne parlerai que des reproches adressés aux Européens en général, et aux Français en particulier.

 

 

1 – LA REPENTANCE

 

Et d'abord, ils sont combien à lui demander des comptes ? Et sur le mode sévère ! Pauvre Europe. La repentance ! En chemise et la corde au cou ! Comme les bourgeois de Calais ! Eh bien parlons-en, de la repentance ! Encore une belle imposture que certains enfoncent à plaisir dans le gosier des Européens, et que le gosier de certains avale sans sourciller comme vérité d’évangile.

 

 

Tiens, l’Algérien. Comment il s'appelle, déjà ? ABDELAZIZ BOUTEFLIKA. Pour lui, la France doit se repentir. C’est la condition d’une « réconciliation », mais seulement si lui l’Algérien veut bien consentir à solder  l’affaire. A mon avis, l’Algérien n’est pas près de décréter la France libre de dette : on ne lâche pas si facilement le « pigeon » et le « fromage » quand on tient bien en main une telle vache à lait qu’on peut traire à volonté. Monsieur BOUTEFLIKA (ou plutôt les généraux qui tiennent les fils de sa marionnette) ne se « réconciliera » vraiment avec la France que lorsqu’il lui aura fait cracher au bassinet plus que le maximum.

 

 

Car c’est entendu, le colonisateur, c’est le méchant. Le colonisé, de son côté, il est devenu un icône, il est béatifié, angélifié, statufié, vertuifié. En tout cas du côté du BIEN inoxydable. On est maintenant estampillé « colonisé » ad vitam aeternam. Y compris quand le colonisateur a déguerpi depuis un demi-siècle. Tout est dans l’étiquette. Et celle-ci accorde, à tous ceux qui ont ainsi été nommés chevaliers de l’ordre du colonisé,  un droit définitif sur le colonisateur. Pourquoi s’en priver ?

 

 

Moyennant quoi, ça va faire cinquante ans qu’il n’y a plus de colonisés  en Algérie, et que le peuple algérien se fait royalement plumer par la clique algérien au pouvoir, qui lui maintient la nuque sous la botte, tout en fermant les yeux sur le sport national, le « trabendo ». Le « trabendo » algérien, c’est ce qui s’appelle chez nous « système D ». Appelez ça, si vous voulez, travail au noir. Autrement dit, tous les petits trafics qui aident les petites gens à survivre.

 

 

Pareil pour les autres pays que la France a colonisés : Afrique Occidentale Française, Afrique Equatoriale Française, comme on disait, avec quelques confettis maritimes à droite et à gauche. Mais c’est en Afrique que c’est le plus visible. En haut, une élite achetée qui a conclu un pacte avec le colonisateur qui s’en va, promis, juré. En bas la piétaille, le petit peuple, les gens de rien du tout. C’est pas beau, l’INDEPENDANCE ? C’est merveilleux, quand on y pense. Pour l’Algérie, c’est 1962. L’élite  algérienne s’appelle, en gros, l’Etat-Major des armées. A lui le gros du trafic. A la piétaille le trabendo.

 

 

D'autant plus que, c’est bien connu, l’Algérien n’a jamais, avant 1830, envoyé ses bateaux pirates en Méditerranée, n’a jamais pratiqué l’enlèvement crapuleux d’Européens et, pour tout dire, de chrétiens, pour en obtenir des rançons substantielles. L’Algérien que le Petit Satan français a réduit en servitude à partir de 1830, a toujours été plus innocent que l’agneau qui vient de naître, et surtout, il n’a jamais commis aucune violence. Ben voyons ! Je poserai simplement la question : qui a réduit au silence, en 1962, la résistance FLN dite de l'intérieur ? Et cette autre question : et les harkis ?

 

 

Finalement, il doit faire marrer les vrais connaisseurs de la situation, BOUTEFLIKA, avec ses remontrances et ses chantages à l’ancien colonisateur ! « Que la France fasse repentance pour les crimes commis ! ». Vas-y Toto ! Lui et ses copains n’ont bien sûr aucun sang sur les mains ! Comme on dit, c’est l’hôpital qui se fout de la charité. Ou encore, c’est l’histoire de la paille et de la poutre. Cela ne veut évidemment pas dire que la France était dans son bon droit en occupant l’Algérie.

 

 

Il y a aussi, naturellement, les Noirs. Pas n’importe quels Noirs : TOUS  les Noirs de la planète. C’est curieux, on dirait parfois qu’il suffit de cette  couleur de peau pour hériter le statut d’esclave. La "négritude" chère à SENGHOR. Comme si être Noir portait brevet de descendant d’esclaves ! Pour eux, il s’agit de poser un pied triomphant sur le grand fauve désormais à terre : « chacun son tour », déclarait une personne qui m’est très chère ! Quelle erreur ! Quel aveuglement ! Quel mensonge, si c'était dit par quelqu’un bien au fait de la vérité !

 

 

Les Algériens ne se doutent pas de la chance qu’ils n’ont pas eue : avoir des ancêtres esclaves. Ils devraient être jaloux. Mais l'histoire ne repasse pas les plats. Esclave ? Mais oui ! Ça te fait une carte de visite pour les quatre siècles à venir. Que dis-je : un passeport, un droit d’entrée, la facture de la revanche que tu présentes au coupable, qui baisse aussitôt la tête et se frappe la poitrine.

 

 

Prononce-le, ce mot : ESCLAVAGE. Tous les Blancs de la planète s’arrachent les cheveux, se griffent le visage, se couvrent de cendre, se prosternent. Bref : ils demandent pardon. Enfin, pas tous. OBAMA, il leur a fait le coup de la repentance, mais c'est pour avoir la paix. Car globalement, c'est la GRANDE REPENTANCE. Parce que les Blancs (les peuples, pas les Etats) sont convaincus qu’ils sont intrinsèquement mauvais. Enfin, leurs ancêtres.

 

 

Oublions bien vite, évidemment, que le premier esclavagiste de Noirs fut un Noir. Le second fut un Arabe. Le Blanc ne monte que sur la troisième marche du podium. Yapafoto, comme on entend dire aujourd’hui. Je ne mentionne pas ici les fourchettes d’estimations établies par les historiens : une fourchette qui varie du simple au double, il vaut mieux s’en passer. Mais ils ne contestent pas, en général, l’ordre de préséance.

 

 

Disons simplement que les historiens, selon qu'ils sont Blancs ou Noirs, c'est-à-dire scientifiques ou militants (là j'exagère), parlent de 10.000.000 à 25.000.000 pour le commerce transatlantique. Ce faisant, ils oublient d'ailleurs le commerce intra-africain et le commerce trans-saharien, qui fut sans doute bien plus florissant, car étalé sur une durée bien plus longue.

 

 

Héritage solide et permanent des guerres de l’antiquité, le Noir vaincu  de la guerre du jour devient le lendemain un travailleur gratuit pour le compte de son Noir vainqueur. Et en Afrique, c’est une tradition solidement établie, et si solidement qu’elle se perpétue de nos jours. Avec ce progrès que la guerre n’est plus nécessaire, même si ça aide bien. Il suffit que la tradition soit « établie ».

 

 

On peut s’en convaincre en lisant l’histoire de cette femme malienne, racontée il y a quelque temps dans Le Monde, qui déclare à sa fille qu’appartenant à une ethnie inférieure, il est normal qu’elles soient esclaves. Ami lecteur, va te balader aujourd’hui même au Mali, au Niger, et autres pays à haut potentiel touristique, et sors du circuit mitonné et acheté en agence. Va voir le « pays réel ». C’est là que tu découvres le Noir esclavagiste du Noir. Et c’est aujourd’hui ! Du coup, c'est l'Européen qui devient le Bon, dans l'histoire.

 

 

Oublions aussi, pendant que nous y sommes, l’esclavage transsaharien. Ben oui, quoi, l’Egypte, l’Arabie, tout le Proche Orient, où allaient-ils chercher leurs travailleurs ? J’ai parlé des Ottomans qui sont allés ratiboiser les villages chrétiens de l’Europe orientale de leurs garçons chrétiens, pour faire des plus costauds d'entre eux des Janissaires bons musulmans. Et ça a duré des siècles. Ben oui quoi, le coran dit qu'un musulman n'a pas le droit de rendre esclave un autre musulman, mais il ne dit rien de tous les autres.

 

 

Les Arabes (qui ne sont pas des Turcs) ? Ils ne sont pas en reste : ils sont allés puiser leur main d’œuvre en Afrique noire. A travers le désert. Il fallait vraiment un appât du gain à l’épreuve du sable et de la soif. C’était un temps où certains hommes étaient des valeurs d’échange. Et depuis le huitième siècle ! Aujourd’hui, leurs bateaux jettent leurs filets dans les eaux des Philippines et lieux circonvoisins pour ramener leur main d’œuvre servile. En respectant si possible les formes extérieures du contrat de travail (?).

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

A suivre ...

 

 

dimanche, 13 novembre 2011

EXTENSION DU DOMAINE DE HOUELLEBECQ

Le titre exact du livre est Extension du Domaine de la lutte. L’auteur s’appelle MICHEL HOUELLEBECQ. Il me semble avoir déjà parlé de lui. Petit livre. Qui fait vraiment dans le modeste : cent quatre-vingts pages, un argument terne. Est-ce que c’est son premier roman ? En tout cas, il est né en 1994. C’est marqué dessus.

 

 

Comme dans Plateforme, c’est un narrateur qui est censé tenir la plume. Et le narrateur, à la fin, décide d’en finir. Il a trente ans. Il roule en Peugeot 104, dont il perd les clés. Ça fait deux ans qu’il n’a pas couché. Il vomit facilement après plusieurs vodkas. Il est cadre moyen, analyste-programmeur dans une société (un SSII j’imagine ?) qui lui donne une façade d’existence sociale objectivement acceptable. Et totalement insipide.

 

 

C’est un livre sur l’envie de vivre. Ce qu’on appelle, dans les Curricula Vitarum (ben oui, c’est le pluriel), la « motivation ». En fait, c’est la motivation qui est terne. L’envie de vivre est faible. C’est un livre sur le ratage. Mais un ratage mal caractérisé, et pas grandiose du tout : le ratage ordinaire, quotidien, le ratage de tout le monde et de tout le temps, quoi. Une sorte de routine du ratage dont le narrateur a fait son principal vêtement de sortie dans le monde.

 

 

Une des pistes qui s’offrirait au narrateur, s’il en éprouvait un début d’envie, ce serait l’écriture. Mais l’écriture d’avance désabusée : « Ce choix autobiographique n’en est pas réellement un : de toute façon, je n’ai pas d’autre issue. Si je n’écris pas ce que j’ai vu je souffrirai autant – et peut-être un peu plus. Un peu seulement, j’y insiste. L’écriture ne soulage guère. Elle retrace, elle délimite. Elle introduit un soupçon de cohérence, l’idée d’un réalisme ».

 

 

Ce chapitre 3 pourrait être considéré comme une sorte de « théorie littéraire ». Caractérisée par un rejet dégoûté de la psychologie. De l’anecdote. Et une préférence marquée pour le constat sec. Mais soigneusement sélectionné. Une littérature qui évite de prendre le lecteur par les sentiments. Ici, impossible en effet de s’identifier à cet être falot qui a du mal à exister à ses propres yeux. C’est l’avantage de cette narration neutre et distanciée.

 

 

C’est un roman sur le monde modérément et normalement chiant qui est le nôtre. Un monde et des individus face auxquels il est difficile d’éprouver. On dirait parfois un monde qui parodie l’époque où il y eut vraiment de la vie à l’intérieur des gens. Le narrateur : « Je n’aime pas ce monde. Décidément, je ne l’aime pas ». Exactement ce que dit la Valérie de Plateforme.

 

 

Le tableau ici n’est pas aussi précis, ni aussi poussé que dans les romans ultérieurs, mais la froideur et le peu d’intérêt sont à l’œuvre. L’univers où évolue le narrateur est défini de façon floue : une entreprise informatique comme il en existe sans doute des milliers. C’est fou ce qu’il y a de « un peu », dans ce livre.

 

 

HOUELLEBECQ s’attaquera ensuite à beaucoup plus net et consistant (l’industrie touristique, la recherche en génétique, la création artistique). Ici, il dessine dans ses grandes lignes ce qui deviendra sa « marque de fabrique » (désolé du cliché, mais c’est ça).

 

 

Bref, le premier roman d’un véritable AUTEUR.

 

 

Voilà ce que je dis moi.

samedi, 12 novembre 2011

L'EUROPE EST UNE SALOPE (2)

Le titre ci-dessus est peut-être mal choisi, pour une Europe qui n'a pas été voulue et construite par les peuples, mais par des bureaucrates, des hommes de dossier, c'est-à-dire des hommes de papier, des hommes à l'existence virtuelle, mais qui imposent dans le réel des concepts élaborés, non dans les cerveaux désirants des individus qui existent et qui vivent, mais dans les machines d'abstraction qui leur servent à penser.

 

 

Les grands généraux qui conduisent les armées européennes se sont comportés comme des maquereaux, qui ont mis l'idée de l'Europe sur le trottoir, qui en attendent des dividendes, et qui passeront tous les soirs "relever les compteurs". Ils ont fait de l'Europe une prostituée. Une prostituée qui n'a pas choisi son métier. Et qui attend qu'une bonne âme la rachète à son maquereau.

 

 

Je reviens à la façon dont l'Europe s'est construite. Je crois avoir fait précédemment preuve d’une assez grande objectivité. La vitesse, à partir d’une année donnée, est indispensable. Passer de six à douze pays, ça a pris du temps. Mais une fois que le pli est pris, ensuite, ça peut aller très vite : de douze à quinze pays, ça tient quasiment de la formalité, puis à dix-sept dans la foulée, pour finir avec un gros paquet de dix, qu’on ne s’est même rendus compte de rien, et c’était fait. Un matin, on se réveille à vingt-sept dans le lit. C’est ma femme qui était dépaysée, je vous jure ! Elle n'a pas supporté. Depuis, elle se repose, ne la dérangez pas.

 

 

Et la Turquie, me direz-vous ? Soyons net : ce n’est pas parce qu’elle a gardé un petit orteil sur le continent qu’elle en fait partie, même si elle y a laissé quelques monuments et quelques empreintes de pieds ethniques ou linguistiques. En Europe, la Turquie subsiste à l’état de trace. C'est la même chose que sur mon paquet de biscottes bio : « Traces de fruits à coque, de lait, d’œufs, de sésame et de soja ». Je trouve que, comme traces, c’est déjà bien assez.

 

 

L’orteil turc, à Lyon, est situé face au Parc de la Tête d’Or. L'adresse est dans l'annuaire. J’eus l’honneur, il y a bien longtemps, d’être invité à piétiner cet orteil, à l’occasion de la fête nationale de ce pays, par Monsieur OZCAN DAVAZ, alors consul de Turquie, en tant que répétiteur de ses deux charmants fils, par ailleurs cancres parfaits et accomplis, dont j’ai oublié les prénoms. Vu le nombre de photos prises de ma trombine, sous tous les angles, par l’homme chargé de la sécurité, un garçon très musclé et très souriant, nul doute que l’album de famille est depuis lors richement doté.

 

 

Je n’ai donc rien contre les Turcs. Encore que l’Europe serait fondée à leur intenter des procès sans fin, pas pour Lépante, n’exagérons pas (la victoire en fut chrétienne, sous la houlette de DON JUAN D’AUTRICHE), mais pour les innombrables rapts de jeunes garçons chrétiens ordonnés par la « Sublime Porte » (ou mieux : « La Porte ») en Europe pendant des siècles, pour grossir les rangs du fameux corps des Janissaires.

 

 

Les mieux bâtis des jeunes garçons enlevés étaient convertis de force et dressés militairement à renier et agresser leurs propres origines ethniques et religieuses. Il faut dire qu'un musulman n'avait pas le droit de réduire un musulman en esclavage. « Rendez-nous nos chrétiens, avant de faire entrer l'Islam dans les institutions européennes ». Cela pourrait être un chantage, non ?

 

 

Ben oui, quoi, puisque l’heure est à la repentance, allons-y. Bon, c’est vrai, vu comme les Turcs aimeraient mieux se faire arracher toutes les dents du bas sans anesthésie plutôt que de se repentir du massacre des Arméniens, je vois l’affaire un peu mal engagée.

 

 

4 – LE BOCAL BRUXELLOIS

 

 

Il faut tenir compte d’un détail : quand l’Europe s’attaque à un problème, elle mandate des « experts » qui se réunissent, discutent, et finissent par faire des recommandations, qui deviendront des réglementations sous la gouverne de la Commission européenne.

 

 

Pour donner quelques exemples qui commencent à être connus : ce sont des « experts » (c’est curieux, je ne peux pas écrire le mot sans ses guillemets, c’est comme « genre ») qui ont fixé les normes régissant la courbure maximale des concombres ou la taille des préservatifs (une enquête statistique a été diligentée, qui a conclu à une taille moyenne de la bite en érection de 14 à 15 centimètres), et autres joyeusetés. C’est à ce genre de détail qu’on se rend compte que ça rigole pas. Je ne parle pas du prix qu’a coûté le détail.

 

 

Mais il y a autre chose que je crois avoir compris : le quartier européen de Bruxelles. La comparaison de ce quartier avec un gros bocal me semble tout à fait appropriée. Un gros aquarium, si vous préférez. Mais les poissons sont très correctement nourris, rassurez-vous. C’est un petit monde de quelques milliers de personnes qui vivent en vase clos. Où les jeunes poissons qui y entrent ne comptent pas s’éterniser.

 

 

Y entrer, c’est une chance, y rester serait une erreur. Aussi la plupart viennent passer trois à cinq ans dans la capitale belge et européenne. Ensuite, youpi et vogue la galère, la carrière peut vraiment démarrer. Car je vais vous dire, un séjour à Bruxelles, quand vous mettez ça sur un C. V., vous êtes sûr que celui-ci reste sur le dessus de la pile. On appellera ça « un bon départ dans la vie ».

 

 

Je ne parlerai pas d’un problème qui est pourtant crucial, et qui est étroitement lié au bocal bruxellois : l’influence. Bruxelles, à cet égard, est éminemment centripète. Tous les groupes de pression s’y précipitent. Tous ont pignon sur rue. Et tous grenouillent à qui mieux-mieux. Si vous ne me croyez pas, demandez à MARTIN PIGEON (sur internet), qui a beaucoup étudié les mœurs de la faune bruxelloise.

 

 

Un exemple : le projet R. E. A. C. H. devait soumettre à analyse, contrôle et à autorisation ou refus d’autorisation de commercialisation, les cent mille (100.000) molécules des industries chimiques actuellement en circulation, à des fins de santé publique. Comme par hasard, à l’arrivée, les cent mille molécules sont devenues trente mille (30.000). Il en reste soixante dix mille (70.000), que l’on espère inoffensives, sans trop y croire.

 

 

Pour résumer, l’Europe s’est voulue avant moi, ça, ça peut se comprendre. Elle s’est faite sans moi, et ça, c’est déjà moins aimable. Et plus ça a été, plus ça s’est fait CONTRE moi. Et ça, je n’aime pas du tout.

 

 

 5 – CONCLUSION

 

 

Vous voulez savoir ce qui s’est fait contre moi ? Il y a un point qui, selon moi, a tué l’Europe avant même qu’elle ait commencé à vagir dans son berceau. Un point qui a tué le « service public à la française », vous savez, cette nostalgie hypocrite de certains dirigeants français. Oui, qui a détruit les « Postes et Télécommunications », la « Société Nationale des Chemins de Fer Français », « Gaz de France », « Electricité de France ». Un principe qui est en train d’achever l’Hôpital Public et l’Instruction Publique (qu’on appelle malheureusement « Education Nationale »).

 

 

Ce point et ce principe, c’est une formule sacramentelle, dont tous les textes européens sont étroitement tissés. Cette formule, c’est

 

CONCURRENCE LIBRE ET NON FAUSSEE

 

Voilà : TOUT l’édifice européen est construit exclusivement avec des briques gravées de cette formule magique. Cela veut dire que TOUTE l’institution européenne vomit à la base ce qu’on appelait le BIEN COMMUN. L'Europe expume de toute la force de ses spasmes allergiques tout ce qui ressemble à un SERVICE PUBLIC. L'idée géniale, ç'a été de rebaptiser "service public" (connotation trop positive) en "monopole". Pour l’Europe telle qu’elle s’est faite, rien ne doit échapper à l’échange marchand. Tout, y compris l'éducation et la santé, doit devenir une MARCHANDISE. Tout ce qui a fait la France que nous avons connue, c’est exactement à la destruction de ça que les MONNET, DELORS, MITTERRAND et consort ont travaillé.

 

 

Pour cette Europe-là, une seule solution : LES FLAMMES. Il semble bien qu’à l’heure actuelle, nous ne soyons plus très éloignés du brasier.

 

 

Qui vengera les Européens des malfaiteurs qui ont « fait » cette Europe-là ?

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

POSTE SCRIPTHOMME : Je signale le tout petit et tout intéressant bouquin d'un monsieur important, et qui a écrit des livres importants : HANS MAGNUS ENZENSBERGER. Celui-ci, publié dernièrement chez Gallimard, s'intitule Le Doux monstre de Bruxelles, ou L'Europe sous tutelle. Le texte va de la page 9 à la page 81.

 

 

vendredi, 11 novembre 2011

HYMNE A LA POLITIQUE

(FANTAISIE INACTUELLE)

 

Il était une fois, au pays des plaisirs,

Des tables très bien mises et des mille loisirs,

Un roi qui s’ennuyait, qui, pour tromper le temps,

Tel un vibrion fou, bougeait à chaque instant.

 

Tout, en lui, frétillait, bronchait, se démenait,

Tout se contorsionnait, courait, ruait, piaffait.

L’épaule s’agitait, l’œil roulait sur lui-même,

Le corps entier sautait de problème en problème.

 

Oui, tel un étalon ivre de sa puissance,

Il battait la campagne et parcourait la France,

C’était son obsession, son hobby, sa marotte.

Discourant en usine, ou bien dans les popotes,

 

Il haranguait la foule en prêchant la vertu,

Pérorant d’abondance en homme convaincu.

Postillonnant ses vérités catégoriques

 Il était plein d’orgueil, et un brin fanatique.

 

« Quoi ! Nous avons élu ce pitre, ce fantoche ! »,

Se lamentait le peuple, indigné du cinoche

Auquel se complaisait le président français,

Se promettant bientôt, après tant de méfaits

 

Commis en peu de temps par l’odieux personnage,

De le renvoyer paître en ses verts pâturages.

Hélas, trois fois hélas, personne face à lui

Ne semblait en mesure, ou trop peu aguerri,

 

Ou trop peu sérieux, de pouvoir lui contester

Le fauteuil principal, la place de premier.

Une Marine aura le « front » de la briguer,

Forte de l’oncti-on paternelle héritée.

 

Mais peut-on se fi-er, sans traumatisme aucun,

A la main inexperte, aux choix inopportuns,

A la vindicte, aux préférences nationales,

Aux xénophobes, aux replis, aux mercuriales ?

 

Quant à ce triste « Sir », FRANÇOIS quand il lui plaît,

HOLLANDE quand le vent, carrément retourné

Comme un gant de cuir jaune, ou bien comme une couette,

Lui souffle allègrement des airs de girouette,

 

Voulez-vous faire fond sur ses patelinages,

Ses airs de bon élève, à l’œil de racolage ?

Socialiste aujourd’hui mais libéral demain,

Comment faire confiance à ce Français moyen ?

 

Flanby, homme propret, conviendrait à merveille

Pour diriger demain l’école maternelle.

Mais lui confier la France ? Perdîtes-vous l’esprit ?

Reprenez-vous, de grâce, admettez mon avis.

 

Alors voterons-nous pour JEAN-LUC MELENCHON

(Est-il descendant de PATERNE BERRICHON ?*),

Le tribun, l’orateur, le foudre d’éloquence,

Qui jure ses grands dieux de redresser la France ?

 

La redresser ? Quoi donc ? Mais tous, ils y aspirent.

Tous, ils chantent très fort, rêvent de rebâtir

La Nation forte en gueule et riche de jurons.

Qui leur ferait crédit ? Souffleurs de mirlitons !

 

Tous porteurs de postiche ! Et tous vrais arlequins !

Prestidigitateurs flétris ! Tous cabotins !

Ils nous la baillent belle, avec leurs grands serments,

Leurs mots définitifs, leurs mirifiques plans !

 

Pour moi, j’ai dès longtemps délaissé leurs estrades,

Leur grimace à l’air faux et leurs fanfaronnades :

« J’irai chercher Croissance en jouant de mes dents »,

Disait l’autre avorton, ce nouvel Artaban.

 

Electeur déniaisé, crois-en mon expérience,

Si l’un qui veut la place y voit l’unique chance,

Pour lui, enfin, de naître à la seule existence

Valant d’être vécue, vois, c’est sans importance.

 

Avec raison, dis-toi qu’il est bien malheureux,

L’homme qui court sans cesse après le fallacieux.

Qu’il entre dans l’histoire, ou qu’il en soit chassé,

Que t’importe sa course ? Que te chaut sa pensée ?

 

Laisse courir son ambition avec la poudre

Du chemin, vois cette poussière se dissoudre.

Reste chez toi, ferme les yeux sur le spectacle.

Reste bien en repos, nul ne fait des miracles.

 

Dis-toi : « La vie qu’il a choisie n’est pas la mienne ».

Dis-toi qu’il n’y a pas de promesse qui tienne.

Et la prochaine fois qu’à grands coups, la trompette

T’appelle vers une urne qui fait la coquette,

 

Crois-moi, reste chez toi, ou bien va à la pêche.

Il faut aussi te cuirasser contre le prêche.

Pour cela, rien de mieux que le lit conjugal,

Donne et prends du plaisir au degré maximal.

 

Car c’est jusqu’à présent l’un des plus sûrs moyens,

Sans vouloir être un poids pour ses contemporains,

D’accéder au bonheur simple d’être vivant.

En attendant la mort, profitons du bon temps.

 

 

* PATERNE BERRICHON fut le beau-frère et l'éditeur d'ARTHUR RIMBAUD.

 

 

NOTE À BENNE : en ce 11 novembre, ayons une pensée pour les victimes du génocide européen de 1914-1918. Vous pouvez faire un petit détour par les articles que je leur ai consacrés en 2007 sur mon blog KONTREPWAZON. Vous cliquerez sur la catégorie Monuments aux morts (colonne de gauche).

 

 

On peut aussi s'arrêter dans les villages, pour voir le nombre de noms de la même famille qui sont gravés sur le flanc ou sur la face du monument. Il y eut, en tout et pour tout, dix-sept communes qui n'eurent pas à graver les noms des garçons du patelin sur le monument aux morts. Ils n'érigèrent même aucun monument. Parce qu'aucun garçon, ou bien ne fut appelé, ou bien ne fut tué.

 

 

Certains grands généraux français firent pilonner la tranchée française de première ligne, pour obliger les poilus à attaquer. Il leur suffisait de donner l'ordre à l'artillerie (française) de raccourcir ses tirs. Ce sont autant de CRIMES DE GUERRE. 

 

 

Le souvenir de ces criminels qui ne furent jamais jugés me fait irrésistiblement penser aux grands généraux européens qui, en cet instant même, dirigent les opérations, dans la guerre qui se mène aujourd'hui contre l'Europe. Ils sont en train d'ajuster les tirs de l'artillerie financière sur les tranchées où se sont réfugiés les peuples. 

 

 

Quel avenir pour les peuples européens ? Jugera-t-on les criminels ?

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

 

 

jeudi, 10 novembre 2011

L'EUROPE EST UNE SALOPE (1)

0 – L’EUROPE TELLE QU’ON LA RÊVAIT

 

 

ARTHUR RIMBAUD cite deux fois l’Europe dans un poème que j’ai su par cœur, il fut un temps (oui, les vingt-cinq strophes, parfaitement !) :

 

« Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues

Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,

Fileur éternel des immobilités bleues,

Je regrette l’Europe aux anciens parapets ! »

(vers 81 à 84)

 

« Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache

Noire et froide où vers le crépuscule embaumé

Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche

Un bateau frêle comme un papillon de mai. »

(vers 93 à 96)

 

Mesdames et Messieurs, avant de poursuivre notre cahotant chemin, nous allons observer une minute de silence et nous incliner avec immense respect et profonde affection devant l’évocation de ce chef d’œuvre.

 

 

La pendule compte jusqu’à soixante.

 

 

A présent, reprenons.

 

 

1 – L’EUROPE, MAIS PAS LES PEUPLES

 

 

Jusqu’où il faut remonter pour y être, à la source des saloperies qu’on nous déverse dessus depuis quelque temps ? A la fin de la guerre ? Au Traité de Rome ? Au couple HELMUT KOHL / FRANÇOIS MITTERRAND ? Est-ce que c’est le bon, le digne, le traître JACQUES DELORS qu’il faut couvrir de nos excréments les plus frais ? Est-ce que c’est toute la bureaucratie bruxelloise qu’il faut brûler ? Ceux qu’on appelle les « eurocrates » ? 

 

 

Pour crier dans les rues : « MITTERRAND salaud ! Le peuple aura ta peau ! », c’est trop tard, toute la peau est déjà partie. Ce n’est pas un mal d’ailleurs, même si je sais que ça me viendra aussi, les vers, et que je ne trouve pas ça désopilant. Pourquoi ai-je voté oui à Maastricht, aussi ? C’est là qu’on aurait pu faire quelque chose, peut-être ? Même ça, ce n’est pas sûr. Mais Maastricht, c’est malgré tout un bon point de repère.

 

 

Déjà et d’une, c’est Maastricht qui nous a fait la monnaie unique. Si j’ai bien compris, hein ! Parce que pour comprendre le sac de nœuds, on a intérêt à se lever avant le jour et à faire provision d’aspirine. Et même là, il faudrait un traducteur.

 

 

Tiens, regardez ça ! Oui, oui, je l’ai gardé mon exemplaire. Je ne l’ai pas jeté dans la cheminée. Bon, c’est vrai, je n’ai pas de cheminée. Mais à la limite, c’est dommage : ça m’aurait peut-être fait plaisir de le voir brûler. Quoi ? Mais le « Traité », voyons : Traité établissant une Constitution de l’Europe, exactement. Pendant un mois avant le vote, je m’étais baladé avec le rectangle en plastique rouge d’ATTAC au revers de ma veste. Pour ce que ça a servi, de voter non.

 

 

Les Irlandais, ils ont été obligés de manger leur chapeau électoral. Il faut les comprendre : vous vous voyez aller au bureau de vote tous les dimanches quand il fait grand soleil et que les poissons vous attendent dans le petit étang sympa de Saint Quentin ? Autant vous en débarrasser une bonne fois. Et les Danois, combien de fois ils avaient voté, avant de… de quoi, au fait ? N’est-ce pas trois fois, qu’on les avait obligés ?

 

 

Vous voyez, on oublie même les fois où on nous a demandé notre avis. Ça veut sans doute dire une chose : mon avis, il a autant de valeur que la queue de ce vairon perdu dans la friture que Jeannot vient de me servir. Vas-y, Jeannot, comme disait GUY BEDOS ! La preuve, c'est que NICOLAS SARKOZY ne s'est pas gêné pour passer par-dessus le NON au référendum et l'avis de la majorité des Français et faire adopter Lisbonne aux béni-oui-oui de la chambre des députés. Je me dis que la démocratie représentative en est une autre, de belle saloperie.

 

 

2 – LE CHAR D’ASSAUT DES TEXTES

 

 

Donc le « Traité constitutionnel », vous vous souvenez ? Cent quatre-vingt-onze pages sur papier bible. Quatre-vingt-sept, rien que pour le Traité proprement dit. Quatre cent quarante-huit articles musclés, en pleine forme, surentraînés, pleins de jus, et prêts à vous expédier au tapis au début du premier round, l’arrêt de l’arbitre faisant foi.

 

 

Et des articles que je peux comprendre au premier coup d’œil, il n’y en a pas beaucoup. Par exemple : « Le présent traité est conclu pour une durée illimitée » (c’est l’article IV – 446). Ça, ça va. Il y en a quelques autres, mais à vue de nez, ça fait 0,5 % du total. Pour les 99,5 % restants, vous avez bien un petit meuble à caler, non ?

 

 

Parce que moi, pour citer l’académicien, le si élégant et mondain JEAN D’ORMESSON : « Ce patagon, j’y entrave que pouic ! ». J’aime bien citer JEAN D’ORMESSON. Ce que j’aime avec lui c’est qu’on est bien servi et qu’on est sûr de la qualité de la viande … euh non, de la langue. Toujours cette maudite langue qui fourche !

 

 

Quoi qu’il en soit, une langue riche en saveurs populaires, si proche des gens, si pure de toute sophistication maniérée, si éloignée de toute afféterie salonnarde, si dénuée de tout gongorisme mignard, si châtiée de tout byzantinisme esthétisant, que c’en est un vach’te plaisir.

 

 

Pour revenir au « Traité », prenez l’article II – 68, qui traite de la « protection des données à caractère personnel ».

 

1. Toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel le concernant.

 

2. Ces données doivent être traitées loyalement, à des fins déterminées et sur la base du consentement de la personne concernée ou en vertu d’un autre fondement légitime prévu par la loi. Toute personne a le droit d’accéder aux données collectées le concernant et d’en obtenir la rectification.

 

3. Le respect de ces règles est soumis au contrôle d’une autorité indépendante.

 

 

Eh bien me voilà rassuré, n’est-ce pas ? Mais moi je ne veux pas de « rectification ». Je veux l’effacement pur et simple. Mais bon, on ne va pas chipoter sur des détails. Je me demande seulement ce que ça veut dire, juridiquement, « loyalement ».

 

 

Pareillement, je me demande ce que ça peut bien recouvrir, « autorité indépendante ». Est-ce qu’on demande au C. S. A. d’être indépendant ? Ce qui serait drôle, c’est que la loi qui l’a créé soit respectée ! Et je n’ai pris qu’un article pratiquement pas subdivisé. Est-ce que vous connaissez le III – 282 ? Le III – 404 ? Bref, pas la peine d’insister, je pense.

 

 

En tout cas, l’Europe, c’est bien avant ce « Traité » que tout le monde aurait dû dire STOP. Le premier jour où on a commencé à NE PAS COMPRENDRE ce qui se passait. Le grand tort des six premiers peuples de l’Europe communautaire, c’est qu’ils ont laissé faire. Quelle que soit l’occasion, il faut REFUSER de ne pas comprendre.

 

 

Dès que les peuples, dans les premiers grands cols, ont été lâchés par le peloton de tête (les crânes d’œuf des « concepteurs » de l’Europe), ils auraient dû se mettre en travers de la route, et crier : « STOP ! On veut comprendre. On bougera pas de là avant que vous ayez tout bien expliqué ! ». FRANÇOIS MITTERRAND a bien roulé le « peuple français » dans la farine, avec son Maastricht ! Personne n’y a rien compris, à Maastricht, excepté le quarteron de sournois qui avait son projet bien ficelé dans la tête.

 

 

3 – LE CHAR D’ASSAUT EN ACTION

 

 

Ce que j’en ai compris, je vais essayer de l’expliquer. En gros, ce projet, je le résumerai de la façon suivante : « Aller le plus vite possible, le plus loin possible de la comprenette des peuples, pour aboutir au « machin » le plus compliqué possible, pour qu’il ne soit précisément plus possible, d’une part, de revenir en arrière, et d’autre part, d’y comprendre quoi que ce soit ».

 

 

Suite et fin après-demain à 9 heures.

Parce que demain, c'est le onze novembre, jour férié.

Demain, ça s'appellera "hymne à la politique". A la fin, je donnerai rendez-vous, à tous ceux qui penseront comme moi à l'auto-génocide européen de 1914-1918, devant les monuments aux morts de la Grande Guerre. Avec un aiguillage vers mon blog de 2007 KONTREPWAZON, et clic, dans la colonne de gauche, sur la catégorie "Monuments aux morts". Merci pour eux.

 

 

 

mercredi, 09 novembre 2011

ACCLAMONS LE RETOUR DU MOYEN AGE

Au nom de je ne sais quel combat sacré contre un improbable nazisme résurgent, le législateur, sous la pression de groupes, de sectes et de factions, s’efforce de museler la pensée et l’expression de celle-ci, quand il estime qu'elle sort des cadres admissibles. Ce faisant, on fait de ces opinions et de ces mots des délits. C’est cela que je trouve hallucinant : inscrire des mots au Code Pénal. 

 

J’ai aussi parlé ici du « genre », récemment. Si on parle tellement du « genre » depuis peu de temps, c’est que c’est un cheval de bataille. Le surgissement du « genre » signifie qu’une autre offensive est en cours. Celle-là est homosexuelle, et vise à conquérir la légitimité légale d’une norme. 

 

Eh bien, il se passe la même chose pour la religion. Je dirais presque, en l’occurrence, qu’il s’agit d’une guerre, vu les moyens employés, que ce soit en Tunisie (destructions consécutives à la projection de Persépolis, de Marjane Satrapi) ou à Paris (cocktail Molotov contre Charlie Hebdo). 

 

Moi, je ne dirai pas un mot pour défendre la laïcité. La laïcité, je m’en fous, je m’en tape, je m’en tamponne le coquillard, je m’en bats l’anse et même les deux. Tant que le mot jouait son rôle fictif de mur de protection contre les croyances particulières, il avait son utilité. Mais aujourd'hui, il veut dire à peu près tout et son contraire, tant il a été galvaudé, et est devenu comme le paysage de ruines de l'économie mondiale : indéchiffrable et ingouvernable. 

 

Tant que la laïcité est le mur à l'abri duquel chacun conduit sa tambouille,  mystique ou non, comme il l'entend, sans se préoccuper de ce qui se passe de l'autre côté, tout va bien. Mais si, le mur une fois tombé, les croyances choisissent l'espace public comme champ de bataille  pour se faire la guerre, comme ça en prend le chemin, croyez-moi, ça va faire très mal, et ça a un peu commencé.

 

Alors je préviens solennellement, attention : PAS TOUCHE A LA LIBERTÉ D’INCROYANCE.

 

L'incroyance, l'insolence à l'égard du religieux, de tout le religieux, est la première à être visée dans le collimateur. L'incroyance sera la première victime de la chape de plomb religieuse, quand celle-ci aura rabattu son couvercle. Les croyants des diverses religions ne se supportent pas entre eux, à l'occasion, mais quand c'est leur fonds de commerce qui est en jeu, il deviennent solidaires, c'est du réflexe défensif.

 

J’ai lu dans le journal ce titre : « Les croyants en lutte contre le "rejet" des religions ». Le lendemain cet autre titre chapeautant une tribune libre : « Le symbole du Christ doit être respecté par les artistes ». Ces titres n’annoncent qu’une chose : l’encadrement, et finalement l’enfermement de la pensée et de son expression dans le Code Pénal.

 

Ces gens veulent qu’on respecte leurs croyances et sont prêts, à terme, à les faire respecter par la force. Mais curieusement, ils n’ont aucune envie d’envisager le fait que de tels titres dans les journaux, pour utiliser leurs termes, me "choquent", "heurtent ma sensibilité", "foulent au pieds les symboles et les idées auxquelles j’adhère". Pourquoi les droits qu’ils réclament pour leur chapelle me seraient-ils refusés ?

 

Messieurs les croyants, commencez par appliquer aux autres le respect que vous exigez pour vous-mêmes : respectez ceux qui ne le sont pas, et qui sont incommodés (c'est le mot le plus gentil que j'ai trouvé) par l'odeur de vos proclamations  de foi, qui se répand impudemment dans l'air que je respire.

 

En vérité, mes bien chers frères, je vous le dis : il y a de l’offensive dans l’air. Féministes, antifascistes, chrétiens, musulmans, homosexuels, tout ce beau mélange de monde en effervescence est à la manœuvre. Et je ne veux pas paraître défendre le spectacle, probablement assez bête, de Roméo Castellucci, mais il n’y a aucune raison pour qu’on se laisse intimider par ces entreprises d’intimidation.

 

La manière de procéder, en l’occurrence, fait penser à l’air de la Calomnie dans Le Barbier de Séville, que chante Basile.

 

C’est d’abord un faible vent, une brise fort agréable

Qui, subtile, discrète, légèrement, doucement, commence à susurrer.

(…) Peu à peu elle accélère, dans les oreilles des gens, elle s’infiltre habilement.

(…) Le vacarme s’amplifie, prend force peu à peu,

Vole de lieu en lieu, c’est le tonnerre, la tempête,

(…) Enfin, tout déborde, éclate, se propage, redouble,

Et produit une explosion pareille à un coup de canon.

 

C’est exactement le même processus. On commence par les allusions les plus indirectes. On continue avec les stratégies d’influence. On poursuit par l’intimidation. Et ça finit avec le code pénal. Et j’ai comme l’impression qu’en ce moment, l’étau se resserre.

 

C’est d’ailleurs très curieux : spontanément, je n’ai aucune envie d’insulter Jéhovah, Jésus ou Allah. Franchement, pour tout dire, je m’en fous. De plus, je suis d’un tempérament doux et pacifique, vous me connaissez.

 

Mais ces cacas nerveux avec arrière-pensées politiques (le Renouveau Français), ce cocktail Molotov contre un journal que je n’aime pas, ces menaces qu’on fait courir à la liberté d’expression, je vais vous dire : tout ça me fait monter la moutarde à l'hypophyse, à l'hypothalamus, voire à l'hippopotame, et me donne justement l’envie d’injurier, d’offenser, d’outrager tous ces chéris en folie qui glapissent leurs idoles vertueuses prêtes à guillotiner, leurs dieux tout puissants et féroces, leurs prophètes appelant à la guerre sainte ou leurs « genres » autoproclamés « victimes justicières ». Les « victimes » ont tendance à se montrer avec le couteau entre les dents, vous ne trouvez pas ?

 

Si vous ajoutez « droit incroyance» à « liberté d'expression », vous obtenez « droit de blasphémer », « droit d’injurier tous les dieux ». L’Europe n’a pas vidé le ciel de Jéhovah, de Dieu et d’Allah réunis pour que les « trois imposteurs » (Moïse, Jésus, Mahomet), aidés de brigades Antisexistes, Antifascistes et Transgenres de tout pelage, viennent annexer nos bottes pour les remplir de leurs excréments dévots.

 

C’est déjà largement assez de voir mon paysage social pollué par toutes ces déjections militantes, et finalement guerrières. Le marigot commence à refouler salement du goulot.  Et tout ça, à cause de quelques bouches malodorantes qui font leurs besoins dogmatiques en plein milieu de nos trottoirs. On va finir par patauger des deux pieds dans cette crotte mentale et de plus en plus arrogante.

 

Voilà ce que je dis, moi.