dimanche, 10 juillet 2011
QUI VEUT LA PAIX AU PROCHE-ORIENT ?
Israël est-il un Etat juste ? Pour moi, la question se pose, et en dehors du fanatisme d’Ahmadinejad, du Hamas ou du Hezbollah qui en sont les ennemis, voire qui appellent à sa destruction. Tous ceux qui soufflent sur les braises de la haine sont des fauteurs de crime. J’inclus évidemment tous les organes de presse qui reprennent les vieilles thèses de Robert Faurisson (par ailleurs auteur, quand il était un universitaire français, d’un ridicule Rabelais, ou c’était pour rire) ou de Roger Garaudy.
Toute prétention à nier l’extermination est d’une bêtise tellement aveugle qu’elle n’a même pas besoin d’être réfutée. Cela dit, la commémoration de cette grande tragédie prendrait une valeur plus juste et surtout plus universelle si elle faisait une place aux tsiganes, qui me semblent un peu oubliés, ainsi qu’à d’autres « catégories » de la population européenne.
Pour autant, est-il normal de traiter d’antisémites des gens comme Pascal Boniface ou Edgar Morin ? Ou pire encore le juif franco-allemand Alfred Grosser ? Le premier a publié en 2003 Est-il permis de critiquer Israël ?. Le troisième avait rendu compte du livre en répondant par l’affirmative. Le deuxième s’était quant à lui ému en 2004 ou 2005 du sort injuste fait au peuple palestinien (au nom de la « sécurité » d’Israël).
Quelles volées de bois vert ils se sont prises sur le dos ! Y compris au tribunal ! Alors qu’il s’agissait de critiques d’ordre politique, portant sur le comportement d’un Etat politique !
Parlons de la France. Je cite Dominique Vidal : « Le C.R.I.F., sous sa direction [il parle du président, M. Prasquier], s’est mué en ambassade bis d’Israël. De surcroît, dirigé exclusivement par des hommes de droite, peut-il simultanément se présenter en porte-parole du judaïsme français dans son ensemble ? Parisiens ou provinciaux, ashkénazes ou séfarades, laïques ou religieux, partisans de la neutralité républicaine ou admirateurs du modèle communautaire américain, la « communauté juive » française n’a rien de monolithique. Or la direction du CRIF n’en reflète plus le pluralisme social, confessionnel, géographique, politique, etc. ».
Je résume : en France, les hommes qui ne veulent pas qu’on touche à Israël sont au pouvoir des groupes de pression. Ce sont uniquement des gens d'une droite musclée. L’association ne représente plus qu’elle-même.
Car le CRIF, c’est le Conseil Représentatif des Institutions juives de France. Est-il « représentatif » ? Vidal ajoute que « la "communauté juive organisée" au sein du CRIF ne rassemble qu’un dixième environ de la "communauté juive" tout court ». Cela en dit long sur la crispation identitaire qui s’est opérée. Sur l’ « ultrasensibilité » dont parle Alfred Grosser dans le texte qui lui fut reproché.
Je ne suis pas sûr que le CFCM (Conseil Français du Culte Musulman), voulu et mis en place par Nicolas Sarkozy, alors Sinistre de l’Intérieur, soit plus « représentatif » de je ne sais quelle « communauté musulmane ». J’ai du mal à comprendre les visées de ceux qui veulent « organiser » une NATION en « communautés ». Ou plutôt, je les pressens trop bien.
Une « communauté » n’est rien de plus qu’un groupe de pression parmi d’autres, qui cherche à influer sur les décisions publiques, et qui n'y arrive que par ce que les trotzkistes appelaient l' "entrisme", et par son pouvoir de nuisance. Autrement dit : les contacts de ses militants dans les médias. C'est ce qu'on appelle aussi une « minorité », vous savez, ces groupes qui "luttent" pour faire reconnaître leur "droit" à "l'égalité". Dans les médias, ça s'appelle même les "minorités visibles" : on ne voit pas assez de gens de couleur à la télévision, par exemple.
08:52 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ahmadinejad, hamas, hezbollah, israël, juifs, antisémitisme, faurisson, garaudy, pascal boniface, edgar morin, alfred grosser, crif, cfcm, nicolas sarkozy, communautarisme
samedi, 09 juillet 2011
L'UTOPIE DE LA PAIX AU PROCHE-ORIENT ?
Donc, Israël est un pays en guerre perpétuelle.
Je mets ça en relation avec les passionnants cours que donne HENRY LAURENS au Collège de France, dans lesquels il décortique année après année, mois après mois, voire jour après jour, la succession des événements : un monument d’information ! L’impression dominante qui reste près ça, c’est que le conflit israélo-arabe est insoluble. L’intuition romanesque de JEAN-PIERRE ANDREVON se vérifiera-t-elle ?
Je mets ça en relation avec ces deux rabbins israéliens, DOB LIOR et YAAKOV YOSSEF, qui viennent d’être brièvement arrêtés par la police. Ils avaient publiquement défendu les propos tenus dans La Torah du roi, livre interdit de diffusion, affirmant qu’il est légitime, en cas de guerre, de tuer préventivement des non-juifs. Leur arrestation a fait descendre dans la rue des manifestants, qui ont affronté la police.
Je mets ça en relation avec l’édification d’un mur séparant hermétiquement les populations arabe et israélienne, qui fait obligatoirement penser à un mot (disparu avec la chose), et qui signifiait « développement séparé des races ». Cela se passait en Afrique du sud il n’y a pas si longtemps. Vous avez reconnu le mot « apartheid ».
Je mets ça en relation avec un processus qui ne s’est, grosso modo, jamais arrêté depuis la fondation de l’Etat d’Israël en 1948 : la colonisation en Cisjordanie, le cas échéant avec destruction de maisons palestiniennes, ou de plantations d’oliviers. Mais aussi la colonisation de Jérusalem-est.
Je mets ça, évidemment, en relation avec l’actualité : la flottille bloquée en Grèce (et en Crète, pour le Dignité al-Karama), et la liste distribuée aux compagnies aériennes par Israël des indésirables qui voulaient manifester. Moyennant quoi le journal israélien Yediot Aharonot a titré le 7 juillet « Nous sommes devenus cinglés ». Moyennant quoi, dans le journal Haaretz, GIDEON LEVY dénonce « les réponses hystériques d’Israël ».
Alors je me méfie quand même : la case que les médias français accordent à Israël est tellement étiquetée « conflit du Proche-orient » que nous ne discernons plus rien d’autre dans cette société. Par exemple, l’écrivain GILLES ROZIER, en résidence à l’institut français de Tel-Aviv, tient un blog (http://uneteboulevardrothschild.blogspot.com). Sur quatre-vingts notes, il en consacre tout au plus deux ou trois à la situation politique. On a donc, nous autres, du mal à imaginer qu’il puisse y avoir, pour une majorité de gens, une vie quotidienne. C’est aussi bête que ça.
Mais quand même, il demeure des points que je n’arrive pas à comprendre. J’imagine que le peuple israélien aspire à vivre en paix. Mais je n’en suis pas si sûr, sinon pourquoi les élections empêcheraient-elles en permanence de gouverner en se passant de la droite la plus intransigeante, de l’extrême droite et de l’extrême religion. Pourquoi parle-t-on, depuis assez peu de temps je crois, non plus de l’Etat d’Israël, mais de l’ « Etat juif » ?
Pourquoi les électeurs israéliens confient-ils les rênes du pouvoir à des gens convaincus de vivre sur la « terre promise par Dieu au peuple élu » ? Convaincus qu’il faut l’occuper sans cesse davantage, au mépris des droits des populations qui y étaient implantées du fait d’un déroulement historique ? Comment se fait-il que les partisans de la paix arrivent aussi mal à se faire entendre ?
Plus de questions donc que de réponses. Quelque chose m’échappe. Mais quelque chose me dit par ailleurs qu'Israël n’est pas encore, en l’état actuel des choses, un Etat juste, mais injuste.
J'y reviendrai peut-être.
10:33 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : israël, juifs, antisémitisme, sionisme, apartheid, territoires occupés, cisjordanie, gaza
vendredi, 08 juillet 2011
D'ISRAËL ET DE LA PAIX DANS LE MONDE
Jean-Pierre Andrevon, écrivain de science-fiction, écrivait dans les années 1970 des histoires qui se passaient très loin dans le futur. Il y parlait en particulier des foyers de guerre permanents qui se profilaient vers la fin des "trente glorieuses". L'un de ces foyers était situé au Proche-Orient : la guerre entre Arabes et Israéliens. Je ne sais plus dans quelles années il situait l'action (2500 ?), mais on en a pris, semble-t-il, le chemin.
Avant de monter dans le train qui m’emmenait en Allemagne pour l’été, j’ai acheté au kiosque de la gare, absolument au hasard, un livre de Léon Uris, Exodus. J’avais dix-sept ans. Exalté et passionné, j’y ai découvert un monde que j’ignorais totalement. La difficile installation d’un peuple exilé sur un territoire. L’épreuve effroyable qu’il venait de traverser. La formation des premiers « kibboutzim » (c'est au pluriel). Le sinistre travail des « Sonderkommandos », chargés de débarrasser les chambres à gaz du monceau de cadavres nus après une exécution. Je n’ai jamais relu ce livre. Mais il me reste des images, quelques séquences.
L’un des personnages est un jeune garçon né en Palestine (?), que le père envoie livrer des denrées (de la farine ?), qu’il se fait régulièrement voler par de jeunes Arabes. Le père réfléchit, puis il enseigne à son fils le maniement du fouet de cuir, il veut lui apprendre à se défendre. Le fouet est lourd, la lanière est raide, l’apprentissage difficile. Le garçon a du mal, puis moins de mal, puis il arrive à faire claquer l’extrémité. Alors le père charge l’âne et confie à son fils la même mission. Les jeunes voleurs l’attendent. Mal leur en prend : le fouet leur enlève quelques bouts de peau, ils ne recommenceront pas.
Le livre date de 1958. Cette scène qui m’est restée (parmi d’autres) me semble symbolique de la façon dont les mentalités des juifs israéliens ont été façonnées : « Il faut se défendre » apparaît comme le maître-mot. C’est peut-être devenu un trait culturel fondamental, dont tous les juifs d’Israël sont vraisemblablement imprégnés. C’est peut-être un réflexe, à présent, de considérer la terre sur laquelle l'Etat d'Israël a été constitué comme globalement hostile.
Par parenthèse, qu'on ne me raconte pas que la Palestine est terre juive depuis 3000 ou 5000 ans : historiquement, c'est un mensonge tellement énorme et stupide que seuls des fanatiques peuvent donner dans le panneau. Hitler lui-même n'a-t-il pas envisagé de donner aux juifs, comme terre d'accueil, une partie de Madagascar ?
Et par parenthèse, je me refuse à parler d'Etat juif. Ce non-sens théocratique est une telle injure à l'idée que je me fais de la laïcité nécessaire d'un Etat, quel qu'il soit, ne peut avoir pour conséquence que de jeter de l'huile sur le feu du conflit.
J’avoue que j’ai été fasciné par l’Etat d’Israël. Je garde en mémoire l’éclair de feu que fut la guerre de 1967, si mal préparée par les ennemis du nouvel Etat que celui-ci en vint à bout avec une souveraine aisance. Est-ce dans Paris-Match que parut cette photo où l’on voyait les brodequins abandonnés sur le sable du désert par les soldats égyptiens, soi-disant pour s’enfuir plus vite ? Il n’en fut pas de même en 1973, où Israël eut bien du fil à retordre, du fait d’une préparation beaucoup plus soigneuse (et secrète) par Hafez El Assad et Anouar El Sadate.
17:55 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean-pierre andrevon, science-fiction, guerre, juifs, israël, arabes, syrie, égypte, léon uris, exodus
mercredi, 06 juillet 2011
VICTIME : UN METIER D'AVENIR !
SUITE ET FIN
Maintenant la notion de victime. Le grand René Girard en a beaucoup parlé. Il en a même fait le centre (ou le point de départ) de sa théorie. Il a commencé dans Mensonge romantique et vérité romanesque, continué dans La Violence et le sacré. Après, je l’ai abandonné. A partir de Des Choses cachées depuis la fondation du monde. Je dirai pourquoi.
Pour faire clair et court, dans tous les groupes humains, chacun ne désire qu’un objet déjà désigné comme désirable par un autre. C’est la notion de « désir mimétique ». Dès lors, s’ensuit une rivalité mimétique du désir. Cette rivalité se répand de proche en proche, par « contagion », jusqu’à entraîner une « violence mimétique », qui augmente jusqu’à produire la « crise sacrificielle » : le groupe éprouve la nécessité de purger cette violence pour ne pas s’y autodétruire. C’est là qu’intervient la « victime émissaire », qui était de toute façon désignée pour ce moment. Par exemple un « bouc émissaire » chez les juifs de l’antiquité. On procède alors au rite du sacrifice, dans les formes, et la paix est alors restaurée, jusqu’à la prochaine fois.
Vous savez l’essentiel. J’avoue avoir été impressionné par ce livre, lu en 1977. Mais il m’a aussi « gonflé ». Girard est lui-même tellement impressionné par sa construction qu’elle devient la clé totale, qui ouvre toues les portes du mystère humain. Le dernier livre de lui (voir ci-dessus) que j’ai lu est une apologie du christianisme : il y soutient que la crucifixion de Jésus Christ est le premier sacrifice qui a échoué à restaurer la paix dans le groupe, les sacrificateurs se rendant compte que la « victime émissaire » n’était pas « émissaire », justement, mais innocente. Dès ce moment, l’humanité entre dans une ère nouvelle, promise au « salut ». Girard était mûr pour devenir professeur dans une université américaine. C’est évidemment ce qu’il a fait. Mais de tout ça, je retiens principalement que la victime, pour René Girard, a un statut d'une grande noblesse et dignité, et remplit une véritable fonction.
Car tout ça fait très intello. Redescendons un peu, et même beaucoup, à la hauteur des minuscules Sarkozy et Dati, qui n’ont aucune idée de ce qui précède, puisque l’œil fixé sur la seule prochaine échéance électorale. C’est net, pour brosser comme il faut le chien électoral, il est bon d’instrumentaliser la victime. C’est un « créneau porteur », comme on dit dans le marketing.
Parce que, quelque part, si personne ne se conçoit a priori comme un bourreau, tout le monde, quelque part, se sent un peu victime. « Quelque part au niveau du vrai cul. – Tu l’as dit bouffi ! » Cela crée une solidarité dans le malheur quotidien. Avec Madame Michu, la voisine, ça fait un vrai sujet de conversation. Bon, c’est vrai que ce n’est pas le salon de Madame du Deffand. Mais la tendance est là : « C’est pas une vie la vie qu’on vit. – A qui le dites-vous, ma pauv’dame ! ».
Il y a, dans toute foule, une forme de solidarité spontanée avec la victime. Elle est prompte à crier « à mort ». Elle s’identifie facilement à la victime. A entendre les propos de taverne (ou « brèves de comptoir »), elle endosserait volontiers l’uniforme du bourreau.
C’est d’ailleurs pour ça que, dans les grands débats de société, il est souvent très pratique d’endosser l’uniforme de la victime. Pour jouer sur ce réflexe de solidarité spontanée. Présenter comme une grave injustice l’interdiction faite aux homosexuels de se marier en tant qu’homosexuels, cela permet de se poser en victime, et c’est très pratique.
Présenter l’Etat d’Israël comme victime de racisme et d’antisémitisme quand on le critique politiquement, c’est très pratique (voir, il n’y a pas si longtemps, le cas d’Edgar Morin). Présenter toute plaisanterie sur les femmes, les homosexuels ou les handicapés comme une atteinte insupportable aux droits de ces personnes, elles-mêmes présentées comme des victimes (sexisme, homophobie et tout ça), c’est aussi très pratique.
Et pourquoi est-ce très pratique de se poser en victime, demandera-t-on ? La raison est très simple à comprendre : parce que ça autorise la victime à demander réparation. Ben oui, aujourd’hui, si vous racontez en public une blague, même mauvaise, sur les femmes, les juifs, les Arabes, vous allez voir tous les rapaces et les hyènes de toutes les « associations de victimes » se jeter sur vous pour se partager votre cadavre. C’est une image.
Ces associations se nomment LICRA, FIDH, Osez le féminisme, Les chiennes de garde, la fédération « LGBT », etc. Et elles se jettent sur vous par tribunal interposé. Elles portent plainte. Parce qu’on a fait les lois que toutes ces « victimes » réclamaient depuis longtemps, et qui leur permettent de se porter partie civile. Le moindre pet de travers ne doit pas rester impuni. Le glaive de la justice doit frapper.
On demande (on obtient) réparation du préjudice subi. Ici, ce sera une affiche de publicité « portant atteinte à la dignité des femmes ». Là, ce sera un propos montrant une intolérable intolérance à l’encontre des juifs, des Arabes, des homosexuels (rayer la mention inutile en fonction du cas rencontré). Tout cela doit être assimilé à de la délinquance. Le coupable doit payer.
L’irremplaçable Philippe Muray dénonce très souvent ce qu’il appelle « l’envie de pénal ». J’appellerais cela une tendance à la « pénalophilie ». Des juristes très sérieux s’inquiètent même de la dérive que cette omniprésence des « victimes » potentielles fait planer à court terme sur ce que les journalistes et politiciens appellent vilainement « le » vivre ensemble. Cela s’appelle « judiciarisation » de la vie en société. Bon, en France, les avocats ne sont pas encore, comme c’est le cas aux Etats-Unis, à faire du porte-à-porte pour s’enquérir des « préjudices » dont vous avez été « victime ». Mais la tendance est là.
Allez ! Foin de pessimisme ! En route vers le « meilleur des mondes ».
10:05 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE, DANS LES JOURNAUX, UNE EPOQUE FORMIDABLE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rené girard, victime, victimisation, bouc émissaire, la violence et le sacré, désir mimétique, nicolas sarkozy, rachida dati, bourreau, femmes, homosexuels, handicapés, sexisme, homophobie, judiciaire, justice, philippe muray
mardi, 05 juillet 2011
VICTIME : UN METIER D'AVENIR !
« Le premier des droits de l’homme, c’est le droit des victimes ». Voilà : c’est carrément du lourd. On prend le boulet en pleine gueule ! Et apparemment, ELLE était à jeun quand elle a proféré l’énormité ci-dessus. ELLE était « à jeun » et « en fonctions » qui plus est. Qu’on se le dise, « Liberté », « Egalité », « Fraternité », c’est de la foutaise. Soyons modernes, que diable ! Désormais c’est : « Priorité aux victimes ! ». Mais on peut être « à jeun », « en fonctions » et complètement frapadingue en même temps.
ELLE ? Si vous suivez ce blog, reportez-vous à ma note du 3 mai dernier intitulée SAINTE RACHIDA SCHOLASTIQUE. Oui, c’est bien elle, RACHIDA DATI en personne. Celle de quelques lapsus mémorables. Et quand elle a prononcé la phrase citée ci-dessus, elle était « sinistre de la justice », elle-même sinistrée par ses soins. Vous me direz qu’en prenant ostensiblement parti pour les victimes, elle n’a fait que suivre la voie tracée par NICOLAS SARKOZY lorsqu’il était « sinistre de l’Intérieur ».
Bon, victime, je n’aime vraiment pas, mais alors pas du tout. Je sais par exemple et par expérience ce qu’on ressent quand la maison est cambriolée, vidée de tout un tas de choses qui, à force de constituer le décor quotidien, sans même parler de leur valeur, finissent par constituer une partie des personnes qui habitent là, et pour qui c’est aussi violent qu’une amputation. Pour les autres façons d’être victime, je ne peux qu’imaginer.
La loi française fait d’ailleurs une place à la victime. Cette place s’appelle « partie civile ». Et la partie civile peut être représentée au procès, quand il a lieu, bien sûr, c’est-à-dire quand l’auteur présumé des faits a été retrouvé et qu’il comparaît. Et si les faits ne peuvent évidemment pas être effacés sur l’ardoise, la victime, tout en restant victime, peut demander réparation du tort causé.
Mais alors, puisque la loi définit le statut de la victime et prévoit le dédommagement, la question qui me vient est : « Pourquoi NICOLAS SARKOZY fait-il du bruit autour du mot ? ». La réponse est trop facile : parce que, pour être élu, il faut attirer le plus grand nombre, et que le plus grand nombre ne sait pas trop ce qu’il y a déjà dans la loi. Cela porte un nom vieux comme la démocratie : démagogie. Il s’agit de flatter. Donc de caresser dans le bon sens le pelage du bon chien qui va bientôt voter.
Alors, pourquoi RACHIDA DATI, maintenant ? Disons que, à part le fait qu’elle a des talonnettes A LA FOIS aux chaussures et à la mâchoire supérieure, rien ne la différencie du patron. C’est « copie conforme ».
Réponse au prochain numéro.
20:37 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE, DANS LES JOURNAUX, UNE EPOQUE FORMIDABLE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rachida dati, nicolas sarkozy, victime, justice, société, littérature
lundi, 04 juillet 2011
LE DELIRE HUMANITAIRE
FIN DE LA CONCLUSION
Donc, les associations « humanitaires », très souvent rebaptisées du si joli titre d’O. N. G. (un gros euphémisme, un de plus, pour ne pas dire « Entreprises de Charité Privées ») sont à considérer comme des sparadraps sur les blessures du monde, qui les empêchent de saigner ou de suppurer de façon trop insupportable aux yeux, aux oreilles et aux narines de la planète « civilisée ». N'empêche qu'à Port-au-Prince, le caca des ONG a bel et bien ajouté au caca ambiant.
L’ « humanitaire » altruiste, c’est le décor peint sur un mince contreplaqué de théâtre, qui masque les cuisines et les coulisses où se concoctent pour de vrai les saloperies qui se commettent. Pendant que les caméras sont braquées sur les camps de réfugiés, on oublie de regarder les massacreurs et les profiteurs. Passez muscade.
L’humanitaire a toujours un raisonnement d’urgentiste débordé : « Si personne ne fait rien, qu’est-ce qu’ils vont devenir ? On ne peut rester sans rien faire. ». Et son cœur saigne, si possible en direct. Car il faut "sensibiliser", n'est-ce pas, cela n'a donc rien à voir avec une simple propagande. Mine de rien, au passage, le fait qu'aujourd'hui il y ait l'image a beaucoup fait pour l'explosion humanitaire de l'humanité.
L'humanitaire est un mélange paradoxal de chevalier blanc et de fataliste. D’un côté, Don Quichotte au secours de la veuve et de l’orphelin. De l’autre, le résigné qui accepte que le système qui organise le monde reste irrémédiablement aussi moche. S’il voulait vraiment, intimement, profondément changer quelque chose au système, même un tout petit quelque chose pour l’améliorer, il s’y prendrait autrement.
Il essaierait par exemple de construire un raisonnement politique. Non, son discours est exclusivement, désespérément moral. S’il était tant soit peu politique, il prendrait conscience qu’il n’est qu’une marionnette, un fantoche entre les mains des pouvoirs et que, par définition et par principe, il est INSTRUMENTALISÉ par ces pouvoirs. C’est ainsi, en toute naïveté coupable, qu’il façonne lui-même sa statue de Commandeur, de sonnette d’alarme, de lanceur d’alerte. Le rôle inattaquable par excellence. Le rôle intenable de la VERTU défendant l’OPPRIMÉ.
C’est ainsi que l’U. R. S. S. commençante, avec le tyran LENINE et ses successeurs, tissa chez les intellectuels d’Europe et d’Amérique des réseaux de sympathisants qui organisaient bénévolement des manifestations de « soutien » (de PROPAGANDE, évidemment). LENINE le cynique appelait ces gens des IDIOTS UTILES.
L’ « humanitaire » est l’ « idiot utile » au service des pouvoirs qui font tout pour garder le pouvoir. Et qui, en tout état de cause, n’ont strictement rien à redouter de leurs « idiots utiles ». Et qui peuvent même les remercier. L'humanitaire est un bon rideau de fumée, parce qu'il se place volontiers, de lui-même, au premier plan, face à la caméra.
Au reste, qui veut changer quoi que ce soit à la façon dont le système fonctionne ? Il n’y a qu’à regarder les suites de la crise financière de 2008, et surtout les suites de toutes les grandes déclarations des « politiques » (je pouffe !) sur la nécessité de mettre fin aux paradis fiscaux, aux délires de la finance mathématique, mondialisée et déconnectée de toute « économie réelle », pour se rendre compte que les forces des « politiques » (je me gausse !) ne sont rien comparées à celles, démesurées, de tous les appétits insatiables qui veulent se goinfrer sans limite de tout ce qui, sur la planète, se mesure et se compte sous forme de pouvoir et de richesses matérielles. Là les « politiques » (je m’esclaffe !) sont restés totalement IMPUISSANTS.
Il y aurait bien une solution pour changer quelque chose à la marche absurde du système vers la consommation (au sens propre : disparition) de la planète. Mais vous allez encore dire que c’est moi qui délire. Il faut un petit effort d’imagination.
Oui, imaginez que tout ce qui est « humanitaire », tout ce qui « vient au secours des populations », tout ce qui est « altruiste » et « généreux », et ça fait énormément de monde, dans ce monde qui dégouline d’ « humanitaire », tous, en même temps de cette minute à la prochaine, cessent brutalement d’intervenir, arrêtent d’un seul coup de « secourir ». Qu’est-ce qui se passe ?
Vous voyez le tableau : camps de réfugiés du Darfour, du nord Kivu, « banques alimentaires », « restaurants du cœur », « Médecins sans frontières », « Amnesty », associations qui installent des pompes à eau au Burkina Faso ou qui aident à la construction d’une école au Bénin, jusqu’aux Foyers de Notre-Dame des Sans abri : tout ça qui ferme la porte et avale la clé. Des dizaines, des centaines de millions de gens sur le carreau, voués à la mort, à la famine, à tout le Mal du monde.
C’est complètement impensable, n’est-ce pas ? Bien sûr. Je rêve. Mais en même temps, ça pose le problème, et le problème, il est principalement POLITIQUE (et là, je ne ris plus). Ben oui, quoi : on aurait là un excellent moyen de « réhabiliter » (mais pour de vrai, cette fois) le POLITIQUE. Car qu’est-ce qu’ils font, les « humanitaires » ?
Ils accomplissent exactement les tâches qui incombent en priorité aux Etats : s’occuper des populations. Ce faisant, ils agissent pour dépolitiser la vie collective : d'un côté l'action, de l'autre la politique, bien séparées. C'est bien sûr marcher sur la tête. Eh bien c'est l'illusion qu'ils entretiennent dans l'esprit de tous ceux qui donnent ou qui font (ah, cette obsession de faire quelque chose !). Eh bien pour une fois, qu’ils les mettent au défi de faire ce pour quoi ils existent ! Qu'ils les mettent au défi de prendre leurs responsabilités !
Si les « politiques » (pour de rire) voulaient redevenir efficaces et agir concrètement sur la réalité du monde, ils chasseraient tous les « humanitaires » du paysage, pour reprendre à leur charge tout ce qui est du ressort de la puissance publique, ce qui est de sa responsabilité. Mais je crains beaucoup qu’ils ne le veuillent en aucun cas. Pensez donc, c’est tellement plus facile, pratique, et surtout, ça coûte beaucoup moins cher au budget de l’Etat.
Tout simplement parce que les « associations humanitaires » sont des entreprises privées, financées par des fonds privés : tous les gens qui ouvrent leur porte-monnaie dans la rue quand ça quête ou chez soi quand Adriana fait campagne (contre la faim dans le monde, contre le paludisme, etc.). Et quand je dis « entreprises », certaines ont vraiment le même fonctionnement qu’une grosse PME, et ça va jusqu’à la multinationale. Et il y a des « bac + 5 » qui s’y font des « plans de carrière ».
Et l’ « humanitaire » surabonde, l’ « humanitaire » pullule, l’ « humanitaire » se reproduit comme la vermine parce que les Etats, donc les « politiques » (pour du beurre) se désengagent toujours plus par souci d’économies budgétaires. C’est exactement proportionnel : plus les Etats se désengagent, plus on est sûr de ne plus pouvoir faire trois pas sans tomber sur un « humanitaire ». Puis deux. Puis un seul. On sera assailli, encerclé.
Le tableau final de ce monde-là, c’est une vraie bouillie picturale, et une épouvantable caricature. D’un côté, une poignée de vraiment puissants (des tyrans, des milliardaires détenant les vrais leviers du pouvoir : on appelle ça l’ « oligarchie »). D’un autre, des « personnels politiques » (pour de faux) achetés par les premiers et chargés de faire diversion en faisant croire à la télévision et dans les journaux qu’ils ont la situation bien en main. Ça, c’est pour la partie « les criminels et leurs complices ».
D’un troisième côté, la matière humaine prête à se faire bouffer ou écraser par la machine conduite par la poignée de criminels : mettons quelques milliards d’individus. Enfin, le quatrième côté du tableau est composé des autres quelques milliards d’individus moins défavorisés que les précédents, et vivement invités, encouragés à « porter secours aux populations ». Ça, c’est pour la partie jetable de l’humanité.
« Camarade blogueur, là c’est toi qui délires. – J’espère que tu dis vrai. Mais dis-moi au moins quelque chose qui pourrait me faire changer d’avis, je t’en prie. »
17:16 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE, DANS LES JOURNAUX, UNE EPOQUE FORMIDABLE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ong, associations humanitaires, charité, altruisme, politique, société, littérature, idiot utile
dimanche, 03 juillet 2011
NON, NE NOUS REPENTONS PLUS !
CONCLUSION
Il est très clair que les repentances de JEAN-PAUL II et de BARACK OBAMA sont des opérations de communication, histoire de faire une concession qui, après tout, ne coûte rien, sans doute pour obtenir quelque chose en échange. BOUTEFLIKA, en Algérie, en réclamant une repentance à la France, fait aussi de la « com », tout en faisant politiquement pression. C’est de bonne guerre.
A propos de l’Algérie, les dirigeants, depuis l’indépendance, évitent de crier sur les toits un aspect resté méconnu de la « libération » du pays. En effet, quand le mouvement « de l’intérieur » a prétendu, au nom du terrible combat mené, avoir une vraie place dans le nouveau pouvoir, c’est bien l’armée « de l’extérieur », venue du Maroc, qui a, disons, « remis les choses en place », qui a, en clair, écrasé les rebelles officieux, et avec la brutalité qu’on imagine. Toujours l’histoire de la paille et de la poutre.
Franchement, à quoi sert concrètement de demander pardon au continent noir pour l’esclavage séculaire qu’ont pratiqué les méchants blancs ? A faire du symbole symbolique (c’est aussi fort que les paroles verbales).
Parlons du Libéria, par exemple. On parle peu de l’installation, à partir de 1822, d’esclaves noirs affranchis, aux frais de l’American Colonization Society, une société « philanthropique », paraît-il. La capitale a été appelée Monrovia en hommage à JAMES MONROE, l’homme politique et président des Etats-Unis.
Eh bien, les ESCLAVES libérés deviennent, du jour au lendemain, des MAÎTRES. Et les « autochtones », du jour au lendemain, de libres qu’ils étaient, deviennent les esclaves. Quand le pays devient une république, en 1847, le suffrage censitaire permet aux noirs « importés » de garder le pouvoir pendant un siècle. Et ils contraignent les « autochtones » au travail forcé, pour engraisser les multinationales du caoutchouc, au point que la SDN s’en émeut en 1931.
Ce n’est pas fini : en 1971, WILLIAM TOLBERT devient président, et fait tout ce qu’il peut pour accroître le clivage avec les autochtones. C'était hier. Voilà à quoi conduit la philanthropie. Voilà, entre autres, à quoi conduisent les « bonnes âmes », avec leurs « bons sentiments » et leurs infernales associations « humanitaires ». Je ne vois dans toute leur « générosité », dans tout leur « altruisme » qu’une manière de se donner le beau rôle, le rôle noble.
Vous avez compris ce qu’a de profondément répugnant l’idée seule de repentance. Il est frappant de constater la complète désynchronisation entre les deux mains de ce personnage paradoxal qu’on appelle l’Occident. La main « droite », c’est la prédatrice, celle qui colonise, qui tue, qui réduit en esclavage ; celle qui n’a qu’une obsession : en mettre le maximum dans la poche droite. C’est une main aussi dure que l’acier le plus dur. Une main impitoyable. Demandez à Goldman Sachs de vous montrer sa main droite.
Quant à la main gauche, c’est évidemment la main faible, celle du « cœur », celle des « sentiments », pardon, des « bons sentiments ». C’est une main molle. C’est une main tellement moite que ça dégouline. La « main gauche humanitaire » de l’Occident, personne d’autre, jamais et nulle part, n’avait inventé ce monstre. BERNARD KOUCHNER l’a inventé en 1968, pour le Biafra, et voyez maintenant la pourriture morale qui a commencé à lui sortir par les oreilles.
En 1973, l’immense GOTLIB (MARCEL GOTTLIEB) publiait La Rubrique-à-brac, tome 4. Dans l’intégrale, c’est à la page 366, sous le titre désamorçage. La guerre fait rage au Biaffrogalistan. « Chaque jour, des centaines d’enfants meurent de faim. » C’est la une des journaux, « en corps très gras ». C’est vrai que GOTLIB critique aussi l’ébullition médiatique, bientôt suivie de l’oubli complet (une salade chasse l’autre). Tout le monde s’est mobilisé. Avant de passer à la suite.
Pour être juste, il faut restituer la paternité de ce business à son véritable inventeur : HENRI DUNANT. Et le premier bébé à son papa s’appela la « Croix-Rouge ». C'est vrai que BARTOLOMÉ DE LAS CASAS avait commencé bien avant.
En plus, la « main gauche humanitaire » de l’Occident, aucun des plus grands salopards que la planète continue à porter n’aurait osé rêver un moyen aussi efficace de continuer à exercer leurs saloperies (exploiter, tuer, massacrer, torturer, et autres pratiques hautement humanistes).
Ben oui, rendez-vous compte : vous avez une dictature sur le feu ? Un génocide ? Vous faites la loi à votre profit, mettons au DARFOUR ? Pourquoi verriez-vous un inconvénient à ce que Médecins sans frontières récolte des fonds pour organiser des camps de toile pour les réfugiés qui espèrent échapper au massacre ?
Vous êtes un spéculateur, un énorme financier, genre WARREN BUFFETT ou GEORGES SOROS ? Pourquoi verriez-vous un inconvénient à ce que MICHEL COLUCCI fonde les « Restaurants du cœur » pour venir en aide aux victimes des délocalisations industrielles et de la rentabilité à tout prix des capitaux ?
Une épidémie ? Un tremblement de terre ? Une catastrophe ? Une tragédie ? La « main gauche humanitaire » de l’Occident se précipite au secours des populations. Et allez dire du mal de gens qui se portent au secours des populations… C’est pour le BIEN, on vous dit. C’est parce qu’ « on ne peut pas rester sans rien faire », voyons !
Pendant ce temps, les vrais responsables de tout le MAL qui se produit se bidonnent, ils se boyautent, se fendent la margoulette, se tirebouchonnent ; que dis-je, ils hennissent de joie. Il faut comprendre leur raisonnement : « Puisqu’il y a tous ces cons pour atténuer les conséquences de mes saloperies, pourquoi arrêterais-je ? ». Et ils redoublent d’énergie.
Car le responsable de tout le MAL dans le monde, il a compris à la virgule près le texte qu’écrit en douce la « main droite » de l’Occident, et le tranchant de l’acier de la plume qu’elle manie. Il a appris la leçon. Il sait son rôle. Il connaît la musique. On ne la lui fait pas. Lui aussi, il est du côté de la « main droite », il est la « main droite ». Et il se dit qu’il y aura toujours la « main gauche ». Il ne s’en fait pas. Et il continue à veiller à ses intérêts (le pouvoir, le territoire, l’argent,…).
Dans le fond, tous ces sparadraps sur les blessures du monde, ça permet au système tout entier de perdurer. L’homme vertueux, celui des « bons sentiments », le généreux, l’altruiste, il n’est rien d’autre qu’un complice de tous ceux qui veulent avant tout que RIEN NE CHANGE dans la marche du monde. Sous les dehors rutilants du costume de cirque des « bons sentiments », l’humanitaire est un salopard, une « main gauche » qui permet à la « main droite » de continuer à semer la mort et la ruine.
16:54 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE, DANS LES JOURNAUX, UNE EPOQUE FORMIDABLE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : repentance, bouteflika, algérie, jean-paul ii, obama, politique, société, libéria, james monroe, esclaves, esclavage, bernard kouchner, médecins sans frontières, humanitaire, darfour, warren buffett, georges soros, coluche, restaurants du coeur
vendredi, 01 juillet 2011
OUI, NOUS NOUS REPENTONS ! (suite)
Alors la REPENTANCE, maintenant. Qu’est-ce que c’est, l’histoire ? Non : L’HISTOIRE ? Grossièrement, c’est l’ensemble des faits humains qui se sont produits depuis qu’on a les outils pour la raconter (et même plus avec l’archéo- et la paléontologie). Je pense qu’on sera d’accord : ce sont beaucoup de guerres, de famines, de crimes, de trahisons, de cruautés, et autres interminables joyeusetés. Voyez la vie de Caligula ou Néron chez Suétone. Pour faire passer son semblable de vie à trépas, l’ingéniosité de l’humain confine au génie inépuisable.
La colonisation fut une saloperie. L’Eglise catholique a fait des saloperies. Les soldats français en Indochine et en Algérie ont fait des saloperies. Les planteurs blancs du sud des Etats-Unis ont fait des saloperies, y compris une guerre à leurs frères nordistes qui voulaient les embêter à propos de « l’esclavage des nègres ». Vous cherchez des saloperies ? Mais l’histoire en surabonde, en regorge, elle en dégorge encore des cargaisons aujourd’hui. Pour ce qui s’est passé en Europe au 20ème siècle, on a l’embarras du choix.
En 1987 eut lieu le procès de KLAUS BARBIE, le nazi de Lyon (entre autres, l’arrestation de JEAN MOULIN, c’est lui). Eh bien BERTRAND POIROT-DELPECH a pu écrire un petit volume intitulé Monsieur Barbie n’a rien à dire, titre inspiré d’une phrase de l’avocat JACQUES VERGÈS. Le titre en dit long : vous avez dit « REPENTANCE » ? C’est quoi, ça ? Pas dans mon vocabulaire !
C’est simple, l’acte de repentance est une invention très récente (1994), même si le mot est ancien (« regret douloureux de ses péchés et de ses fautes » ; en 1077, l’empereur Henri IV, excommunié, passa trois jours en chemise de bure, dans la neige, avant que le pape Grégoire VII accepte de le recevoir : on a appelé ça « aller à Canossa » ; mais il faut dire que l’empereur avait fait des misères au pape, et continua ensuite).
Alors voici ce que je propose : on va faire la liste COMPLETE des saloperies commises depuis le début de l’histoire humaine, on va nommer le coupable de chacune, et l’on va sommer tous ses descendants de FAIRE REPENTANCE, publiquement et la corde au cou. Par exemple, on va exiger des descendants du consul romain CRASSUS de faire repentance pour les milliers de croix qui ont conclu la répression de la révolte de SPARTACUS, en – 71. Ce n’est qu’une menue proposition. Et ce n’est qu’un commencement.
Qu’on se le dise : toutes les atrocités de l’histoire ont été commises ! Et par des humains, s’il-vous-plaît ! Donc, à chaque saloperie, son coupable ! A chaque coupable, sa repentance ! Y a pas de raison ! Et ça va faire du monde, je vous garantis ! Ce serait gonflé, si on trouvait, parmi les six milliards actuels d’humains, un seul dont un ancêtre n’aurait pas commis une seule saloperie ! On va tous y passer !
Les avocats et les procureurs ont du boulot garanti pour quelques milliers d’années. Rendez-vous compte : six milliards de procès, et six milliards de repentances ! Il y a là un gisement sans fond. Mieux que le tonneau des Danaïdes, car celui-là, on a l’éternité devant nous avant qu’il soit, non pas rempli, mais vidé. Mieux : comme on est sûr qu’il se remplit au fur et à mesure qu’on le vide, c’est une éternité au carré !
Il y aura un bureau, avec des fonctionnaires payés pour ça. On pourra s’inscrire. Car si chaque saloperie est commise, ça veut dire qu’il y a un bourreau. S’il y a un bourreau, il y a une victime. Vous me suivez ? Ce serait bien le diable, en remontant parmi vos ancêtres, si vous ne trouviez pas une belle victime en état de marche, bien présentable.
Entre ancêtres et descendants de bourreaux, puis (il ne faut pas confondre) entre ancêtres et descendants de victimes, avec les six milliards d'humains, on devrait trouver (mais je ne suis pas bon en maths) douze millards au total. Ce serait salutaire, ne trouvez-vous pas ?
Mais si, cherchez bien ! Faites comme les inventeurs de la « psychogénéalogie » qui trouvent à tous les coups pourquoi vous n’allez pas bien : c’est parce que votre arrière-arrière-grand-père a violé votre arrière-grand-mère quand elle avait dix ans (authentique, pas le fait, mais la trouvaille ; elle a été faite par ANNE ANCELIN-SCHÜTZENBERGER, je la recommande).
08:57 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE, DANS LES JOURNAUX, UNE EPOQUE FORMIDABLE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : repentance, colonisation, église catholique, esclavage, histoire, esclavage des nègres, europe, klaus barbie, nazi
jeudi, 30 juin 2011
OUI, NOUS NOUS REPENTONS ! (DEBUT)
Qu’on se le dise : l’heure est à la GRANDE REPENTANCE. La mode est à demander pardon. Voilà qu'il devient noble et généreux de s'agenouiller devant tous ceux qui ont été offensés par nos grands-pères, que dis-je, par nos aïeux ! Par nos ancêtres.
JEAN-PAUL II a été touché le premier par l’épidémie en demandant pardon pour les crimes commis par l’Eglise catholique. BOUTEFLIKA a demandé à la France de faire repentance pour tous les crimes qu’elle a commis pendant la guerre d’Algérie. OBAMA, dans l’île africaine de Gorée, a fait repentance au nom des Etats-Unis, pour le trafic d’esclaves.
L’Eglise catholique ? Elle a baptisé les « sauvages » de force, elle a brûlé les « hérétiques », bref elle a commis des horreurs. En Algérie, les soldats français (et l’O. A. S.) ont commis des horreurs. Réduire en esclavage les noirs d’Afrique et les déporter constituèrent des atrocités. Là-dessus, tout le monde est aujourd’hui d’accord. J’ajoute la colonisation, pour faire bon poids, qui en soi, a été une horreur. D'ailleurs, comme on le constate, maintenant qu’on en a fini avec ce fléau, les peuples autrefois colonisés en ont fini avec les horreurs, comme on le constate tous les jours.
Une page de BD, à présent. « Nous nous repentons !… Oui !... Nous nous repentons !... Oui !... Nous nous repentons !... ». Ils sont trois : le professeur Vernay, le journaliste Macomber, le juge Calvin, qui s’éloignent en se frappant la poitrine. Quel crime ont-ils commis ? L’un a démontré scientifiquement que la théorie du Dr. J. Wade sur l’onde « méga » est bouffonne ; l’autre s’est moqué de lui dans son journal ; le dernier a tranché un procès en sa défaveur. Devenu « Septimus », le Dr. fera tout pour se venger. Il y arrive.
Tout cela est dans La Marque jaune de l’immortel EDGARD PIERRE JACOBS, créateur de la série BD « Blake et Mortimer ». Exactement à la page 61. L’album date de 1956. Mais quelle prescience ! Quelle intuition d’un processus aujourd’hui en train de s’accomplir sous nos yeux !
Les soldats français ont torturé, et pas seulement en Algérie (n’oublions pas l’Indochine, le Cameroun, Madagascar et d’autres contrées aujourd’hui certainement idylliques). Mais il me semble que les « fellaghas » du F. L. N. n’étaient pas trop tendres non plus, et ne laissaient pas leur part de crimes aux chiens. Mais bien sûr, ils étaient « du bon côté », n’est-ce pas. De leur côté, les « pères blancs » et autres missionnaires étaient des militants chargés de convertir les « sauvages », mais ne dit-on pas que, « dans le missionnaire, il n’y a pas de bas morceau » ? Bon, l’Eglise peut bien en laisser manger quelques-uns, non ? C’est pure charité chrétienne.
Quant à l’esclavage, ce n’est pas l’Europe qui l’a inventé, c’est aussi simple que ça. Depuis le moment où l’homme du Néolithique a inventé la guerre, et jusqu’à une date récente, celui qui la perdait devenait ipso facto l’esclave du vainqueur quand il n’était pas tué. Et les femmes des vaincus étaient promues au rang d’épouses.
L’esclavage des Africains est aussi vieux que l’Afrique. La tribu noire la plus forte ne se gênait pas : ça faisait de la main d’œuvre pour les tâches pénibles. Et, que je sache, ce sont bien des noirs qui ont vendu des noirs aux blancs. Tout le monde, sauf les esclaves, y gagnait ! Tout le monde se livrait à cette occupation qu'on appelle le COMMERCE.
Et qui donc a envoyé pendant des siècles des caravanes à travers le Sahara pour ramener le plus possible d’esclaves sains ? Mais les Arabes, voyons.
Il semblerait que l'esclavage perdure, au grand dam des bonnes âmes. On voit bien, en France, de temps en temps, des procès pour esclavage. Et qui est coupable ? Il me semble que le dernier en date était un couple de Maliens. Il paraît que, au Niger et au Mali, posséder des esclaves, comme pratiquer l’ablation du clitoris chez les petites filles, est une coutume, une tradition ancestrale. Et pourquoi pas une pratique folklorique ?
Les pays de la péninsule arabique ne sont pas en reste, faisant venir des Philippines et de Malaisie des jeunes filles dont on entend parfois parler dans les faits divers. Et les ouvriers agricoles, dans certaines régions d’Amérique du sud, qui s’endettent envers leurs patrons à proportion qu’ils travaillent, à cause des « frais » occasionnés par leur hébergement et leur nourriture, ne sont-ils pas des esclaves ?
Allez, encore une page de BD. HERGÉ a-t-il sorti de sa seule imagination délirante la trame de Coke en stock (1956) ? Rappelez-vous, Haddock, Tintin et Szut, prisonniers d’Allan sur le « Ramona », prennent possession du navire, et délivrent la « cargaison » de noirs enfermée dans la cale. Ils vérifient ainsi que l’émir Ben Kalish Ezab ne leur a pas menti : l’infâme Di Gorgonzola se livre bien au trafic d’esclaves, des musulmans soudanais et sénégalais faisant leur pèlerinage à La Mecque.
Pour finir sur les esclaves, prenons les estimations de leur nombre au cours de l’histoire. Les chiffres sont évidemment hypothétiques. Reste que plusieurs historiens parlent de 15 à 17.000.000 du fait des Arabes, d’environ 14.000.000 du fait d’Africains aux dépens d’Africains, et de 13 à 15.000.000 du fait des Européens et des Américains. Il me semble que ça relativise, non ? Et on ne parle pas du statut des Coréens au Japon, ni de ce qui s’est passé en Asie et dans les pays du Pacifique.
J'en arrive à la REPENTANCE au prochain épisode, promis.
07:51 Publié dans UNE EPOQUE FORMIDABLE | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 29 juin 2011
SI LE MARIAGE EST GAY, RIS DONC ! (FIN)
Je ne connais pas monsieur JEAN BIRNBAUM. Il tient une chronique dans un magazine. Cela s’appelle « pop’philosophie ». Je ne sais pas pourquoi. C’est du « journalisme », peut-être ? Bref, tout ça pour dire que « ça pense » mais que c'est « branché » quand même. Il ne dit pas toujours des conneries. Mais là, sous le titre « A qui profitent les folles ? », je me pose la question.
Rendez-vous compte : le navire « civilisation » fait eau de toute part, les calottes glaciaires ont « le foie qu’est pas droit », les forêts tropicales ont « le ventre qui se rentre », la finance mondiale « a la rate qui s’dilate », KHADAFI « a le gésier anémié », ASSAD a « l’estomac bien trop bas », le Japon a « l’épigastre qui s’encastre », l’eau des océans a « les hanches qui se démanchent », le climat a « le nombril tout en vrille ». Bref, la planète peut chanter comme OUVRARD : « je ne suis pas bien portant ».
C’est le moment choisi par la « Gay Pride » pour avancer la revendication d’ « ouverture » de l’institution du mariage aux homosexuels. Entre parenthèses, je n’ai jamais bien compris comment on pouvait être « fier » de sa sexualité, quelle qu’elle soit. Ni « fier », ni « honteux », il me semble plutôt que « c’est comme ça », et puis c’est tout. C'est vrai qu'il vaut mieux en être content, sans ça c'est triste, mais fier ? Je trouve aussi louche le matamore qui étale sa collection de conquêtes féminines que l’homosexuel qui crie sur les toits qu’il est homosexuel, « coming out » ou pas.
BIRNBAUM, dans son article, aborde le thème du rapport entre homosexualité et ordre social. Attention, c’est du lourd. Il cite deux auteurs. JULIAN JACKSON a étudié un mouvement homosexuel français. Il s’y intéresse en relation avec la « normalité », et se demande ce qui est le plus subversif (il parle de « menace ») : « Le couple gay convenable qui fait ses courses au supermarché ? Ou le gay en cuir ? Ou le couple de gays en cuir au supermarché ? ». Moi je réponds, comme SARKOZY : "Ensemble, tout devient possible !"
BIRNBAUM évoque ensuite MICHEL FOUCAULT. Selon l'article, FOUCAULT affirmait une « dimension séditieuse de l’homosexualité ». Il se demandait ce qui « rend "troublante" l’homosexualité ». « Longtemps, les militants ont répondu en affirmant la portée révolutionnaire du désir homosexuel. » Dans ces conditions, le mariage est-il « un signe de ralliement au conformisme dominant ? ». « (…) Pour troubler l’ordre « hétérosexiste », mieux vaut-il radicaliser la différence gay ou, au contraire, se battre pour l’égalité, le droit de vivre comme tout le monde ? »
L’auteur ajoute : « Aujourd’hui, les choses ont évolué, et nombreux sont ceux qui pensent que pour perturber le modèle familial tel qu’il existe, il faut chercher à l’intégrer et à le bousculer plutôt qu’à le dynamiter ». C’est pour ça que les homosexuels veulent « investir l’institution matrimoniale et la diversifier en inventant de nouveaux styles de vie, bref s’emparer des symboles dominants (…) ». Voilà, on a à peu près tout.
Tout, ici, c’est quoi ? Eh bien vous l’avez sous les yeux : l’homosexualité est une menace ; l’homosexualité a une « dimension séditieuse » ; elle est « troublante » ; le désir homosexuel est « révolutionnaire » ; le mariage est un « signe de conformisme » ; l’ « ordre hétérosexiste » règne ; il s’agit de « perturber le modèle familial », en le bousculant plutôt qu’en le dynamitant ; et il s’agit d’ « investir l’institution matrimoniale » et de « s’emparer des symboles dominants ».
Qu’on se le dise donc : être homosexuel, c’est éminemment POLITIQUE. Mais ça commence à se savoir : MICHEL FOUCAULT est un escroc. On pourrait l'appeler MICHEL FAUX-CUL. Mine de rien, tout ça est intéressant, parce que ces idées (c’est tellement innocent, une idée), mises bout à bout, ont quelque chose de LENINISTE et ressemblent fort à un programme en vue d’une prise de pouvoir. On critique d'abord l’existant, présenté comme une sorte de régime dictatorial qui fait régner un ordre intolérable, où les insupportables dominants sont les odieux hétérosexuels.
Ensuite, qu’est-ce que ça veut dire, « s’emparer des symboles dominants » ? Il est frappant de remarquer que le point de départ de BIRNBAUM est une affiche pour la « Gay Pride » représentant « un coq dressant fièrement sa crête, le cou orné d’un élégant boa de plumes écarlates ». Si ce n’est pas du symbole, ça ! Bon, une association homosexuelle a obtenu très rapidement son retrait. Mais derrière tout ça, quelqu’un continue à pousser pour que ça tombe.
Qui pousse ? Parmi les homosexuels, car je ne suis pas sûr que le milieu soit politiquement homogène, des gens qui sont organisés (pas encore, toutefois, aussi bien que les bolcheviks de LENINE), qui disposent apparemment d’argent, d’organes de presse, qui obéissent à une logique, qui accèdent à des postes d’influence, principalement médiatiques et politiques, et qui développent une stratégie. Cela ressemble à ce qu’on trouve dans les bibles politico-militaires que sont SUN TSU, MACHIAVEL ou CLAUSEWITZ, vous ne trouvez pas ?
Cela ressemble à un programme de prise du pouvoir, au moins symbolique. Bon, pas d’affolement, ce n’est pas encore fait. Et ce ne le sera sans doute jamais. Car ce qui est tout à fait rigolo, dans l’affaire, c’est que « l’institution matrimoniale » n’a aucun besoin des homosexuels pour s’écrouler. Elle tombe toute seule, comme une grande, bien fatiguée, arrivée en bout de course, toute percluse de rhumatismes.
Et il n’y aura pas eu besoin d’offensives militaires ou politiques pour en venir à bout. Je l’ai dit, et ça se sait partout, on ne se marie pas, on se marie, on se démarie, on divorce, on revorce, on monoparentalise, on biparentalise provisoire, en couple à court terme, on se pacse (principalement des hétérosexuels, d’ailleurs), on se dépacse, on est demi-frère et demi-sœur (multiple à l’occasion), beau-père et belle-mère, on est FLUIDE (pas "glacial"), on est MODERNE, on est « dans le tourbillon de la vie » (JEANNE MOREAU). On est dans L'Empire de l'éphémère (GILLES LIPOVETSKY).
Bref : le mariage a du plomb dans l'aile (et dans la cuisse). Et l'offensive homosexuelle n'y sera pour rien, ou pour pas grand-chose. Il s'effondre sans que personne en particulier l'ait poussé, bousculé ou dynamité. Il n'y aura eu besoin d'aucune "sédition", d'aucune révolution. Il se dissout dans une sorte de consentement général. A l'instar de ce qu'on appelait des NORMES. Tiens, à propos de norme, dernier exemple en date : la mère qui reproche à sa fille de 10 ans (dix ans!) de ne pas s'habiller "assez sexy" (authentique).
Une norme comme le mariage, elle accepte de se laisser dissoudre, parce que, elle, elle n'a pas à s'exprimer en tant que norme pour s'exercer : une norme, c'est IMPLICITE. Une norme qui a besoin pour s'exercer de s'exprimer, ça s'appelle un règlement, un loi ou la police. Et cet implicite profond est la définition même de l'identité culturelle. Pourquoi croyez-vous que le "débat" sur l'identité nationale a foiré comme une bouse ? Parce que ce qui est implicite a quelque chose à voir, excusez le grand mot, avec le sacré.
Ils me font bien marrer, JULIAN JACKSON et MICHEL FOUCAULT : ils ont bonne mine. Ce qui me fait marrer, c’est que c’est à ce moment-là que des (pas « les » : je ne généralise pas) homosexuels partent à l’assaut de cette « institution matrimoniale » mal en point (mais pas moribonde, il ne faut pas exagérer). A la limite, c’est au moment où plus personne (j’exagère) n’en veut que les homosexuels veulent « s’emparer du symbole dominant ». Cela ressemble à une ironie.
Cela risque de devenir cocasse, voire comique. Vous imaginez ça ? Plus aucun mariage entre un homme et une femme devant monsieur le maire. Qui, devant monsieur le maire ? Plus que des hommes, par deux, et des femmes, par deux. Ce serait pas rigolo ? Ce serait eux les conformistes. Et on pourrait enfin se moquer d'eux, sans être accusé d'homophobie ! Et qui serait le plus libre ? Qui le plus subversif ? Comme chantait CLAUDE NOUGARO il y a fort longtemps : « Ce serait LA MUTATION ! (c'est le titre : 1967) ».
Allez, hétérosexuels mes frères, hétérosexuelles mes sœurs, soyons FIERS à notre tour, désertons en masse le « symbole dominant » du mariage et laissons benoîtement l’homosexualité s’en emparer.
Au fait, à quand une hétéro-pride ?
08:54 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE, DANS LES JOURNAUX, UNE EPOQUE FORMIDABLE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean birnbaum, le monde, ouvrard, gay pride, homosexualité, sexualité, mariage gay, michel foucault, conformisme, politique, société
mardi, 28 juin 2011
SI LE MARIAGE EST GAY, RIS DONC ! (4)
Par ailleurs, il y a un drôle d’abus de langage dans la réduction de la norme conjugale française (hétérosexuelle) à la simple sexualité. L’union d’un homme et d’une femme devant la loi ne se réduit pas au fait qu’il leur arrive de forniquer ensemble, même si SAN ANTONIO, assistant à un mariage, parle des « grimpettes légitimes » auxquelles les époux vont pouvoir se livrer.
La loi envisage l’annulation du mariage en cas de non-consommation. Mais la norme conjugale n’est pas réductible à la copulation avec la personne de l’autre sexe qu’on a épousée. Ce n’est certainement pas la sexualité des mariés qui définit leur statut au premier chef. Se marier est d'abord un acte de LEGITIMATION sociale.
Faisons une comparaison. Dans un café, chez un coiffeur, dans un commerce où ne se voit aucun signe distinctif, la clientèle, c’est tout le monde : jeunes et vieux, hommes et femmes, des bien et des mal habillés, des beaux et des laids, des hétérosexuels et des homosexuels, des riches et des pauvres, peut-être des pédophiles et des zoophiles. Mais personne n’en sait rien.
Ce qui distinguera l’établissement, c’est un panneau arc-en-ciel, quand il est apposé. J’appelle ça afficher sa sexualité en vitrine, ce dont la « Gay Pride » est une illustration flagrante. Vous trouvez ça « normal » d'afficher sa sexualité en vitrine ? Alors vous devez aussi trouver « normaux » les piscines réservées aux femmes une fois par semaine, les gynécologues hommes rejetés par les patientes (souvent par le mari, d’ailleurs) ou le voile intégral en pleine rue.
Bon, c’est vrai, on voit bien ce que recouvre cette revendication : la filiation. Bien sûr, que ça pose question. Mais là encore, mon cerveau mesquin ne comprend pas comment on peut se déclarer ouvertement homosexuel et réclamer un très hypothétique « droit à l’enfant » au nom même de l’homosexualité.
Encore une fois, c’est « le beurre et l’argent du beurre ». Je sais bien que nous vivons à l'époque du « tout est permis » et que grâce aux prouesses de la technique, « tout devient possible » (dixit M. SARKOZY), des in vitro, des gestations pour autrui et des façons joyeusement innovantes d’inséminer la femme. Il reste que biaiser avec la parentalité ne saurait être innocent et inoffensif.
Voyez l’état dans lequel arrive la famille aujourd’hui, et rien n’est fait pour que ça s’arrange. Couples divorcés, familles monoparentales, familles recomposées, fratries de demi-frères et de demi-sœurs, des beaux-pères et des belles-mères comme s’il en pleuvait, comment les gamins peuvent-ils s’y retrouver ?
Et qu’on ne me dise pas qu’ils s’y retrouvent très bien. On s’en sort peut-être, mais à coups de « conseillers » et de « psys » divers pour soigner les troubles qui en découlent. L’état actuel de la « famille » est un assez bon révélateur de la désagrégation progressive de la notion même d’arbre généalogique et de la déliquescence de l’atmosphère dans laquelle baigne le gamin.
Alors bon, oui, on peut encore ajouter du dissolvant dans l’eau du bain, et c'est sans doute ce qui arrivera tôt ou tard. Mais merci de ne pas essayer de me faire croire que c’est BIEN, et de ne pas accuser le législateur français de RETARD en la matière. Il ne refuse pas un PROGRÈS, comme certains osent le prétendre : il est comme un certain village qui « résiste encore et toujours à l’envahisseur ». Mais fi donc ! Les Gaulois n’étaient qu’un tas de vils REACTIONNAIRES ! Qu’ils crèvent ! C’est fait.
08:10 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE, DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : homosexualité, sexualité, mariage gay, littérature, homosexuels, gay pride, village gaulois, réactionnaire, famille recomposée, famille monoparentale
lundi, 27 juin 2011
PROFESSION MENTEUR (4)
Emmanuel Todd qui, à ma connaissance, n’a pas dit beaucoup de conneries jusqu'à maintenant, déplorait il y a quelque temps l’extrême médiocrité des personnels politiques occidentaux en général, et français en particulier. Par exemple, au moment de la crise des « subprimes » en 2008, les éditorialistes, ces klaxons enchaînés à l’actualité, ont claironné au grand retour du politique, à la reprise en main de l’économique par le politique, et je ne sais quelle autre fadaise. On allait voir ce qu'on allait voir, scrogneugneu !!!
Eh bien trois ans après, on voit : les financiers en train de finir de racler la Grèce jusqu’à l’os, les politiciens grecs passant sous leurs fourches caudines, et tous les politiciens européens courant pour monter dans la remorque tirée par le char des actuels maîtres du monde, j’ai nommé les marchés. La vérité sur les politiciens, en plus de leur médiocrité, c’est que ce sont dorénavant des impuissants.
Tous les discours masquant cette vérité sont des mensonges. Or, aucun politicard qui aspire au pouvoir (pléonasme) ne déclare qu'il sera complètement ligoté et qu'il ne pourra pas agir, parce que les obstacles sont infranchissables. S'il espère être élu, il a tout intérêt à faire croire qu'il fera quelque chose. Et ce ne sont pas les incantations à coups de « il faut » qui y changeront un iota.
Nicolas Sarkozy a beau jouer les fiers-à-bras en promettant d’aller « avec les dents » chercher le 1 % de croissance qui manque, on voit bien que la réalité n’est pas docile. « Un président qui en a et qui s’en sert », se vantait-il de façon tellement raffinée au moment de ses affaires conjugales et de sa « love story » avec Carla. A l’arrivée, ça donne quoi, le fier-à-bras ?
Dans ces conditions, je ne comprends pas que la politique puisse être considérée comme un métier, et même faire l’objet de plans de carrière (dont la trajectoire de Nicolas Sarkozy est l’exemple archétypal et la caricature), exactement comme les premiers de la classe qui font prépa, puis X-Mines-Ponts-HEC. Il y a en particulier quelque chose de proprement féodal dans l’établissement de dynasties de politiciens.
Il faut savoir : si la politique est un métier et que l’action politique repose sur la notion de compétence professionnelle, il n’y a plus de citoyens. Si la politique est un métier, il ne faut plus d'élections, mais un recrutement d'individus repérés par un bureau de chasseurs de têtes et par un directeur des ressources humaines. Si la politique est un métier, ceux qui parlent encore de démocratie au prétexte que des scrutins sont régulièrement organisés, eh bien ils mentent, c'est aussi simple que ça.
Ben oui quoi, être citoyen, ce n’est pas, tous les cinq ou six ans, « choisir ses représentants », et puis fermer sa gueule jusqu’à la prochaine élection. Il n'y a qu'à voir la façon dont les gouvernants s'assoient sans vergogne sur les protestations de rue ("ce n'est pas la rue qui gouverne") en prenant argument de leur (non, ne rions pas) "légitimité démocratique".
Etre citoyen, si le mot a encore un sens, c’est, d’abord et avant tout, être un acteur à part entière dans la vie de la cité (je rêve, je sais). Et ce n’est pas votre présence aux réunions d’un « comité de quartier » qui va vous rendre acteur : on discute du jour de ramassage des poubelles vertes (l’inénarrable « tri sélectif »), et autres sujets aussi graves. Tout juste les politicards consentent-ils à vous laisser ce strapontin au bout de la rangée.
Tant qu’il s’agit de serrer des mains pour draguer les suffrages, ça va. Mais c’est comme au restaurant : on n’entre pas facilement dans la cuisine. Il faut montrer patte blanche, je veux dire signer une acceptation de tous les codes, obligations et devoirs qu’on reconnaît avoir envers le « mentor » auquel on a choisi de prêter allégeance, en espérant que ce soit le cheval gagnant. Et jurer de ne jamais cracher dans la soupe. Et jurer de respecter la loi de l’omerta (exemple Juppé payant pour Chirac).
Si la politique est un métier, la population doit, et c’est ce qu’elle fait de plus en plus, refuser mettre son nez (son bulletin de vote) dans les affaires (l’urne) de l’entreprise, et laisser faire les « professionnels ». Mais en fait, il est faux de prétendre qu’on demande à un politicien d’être compétent comme un professionnel : ça c’est le rôle, précisément, des professionnels (personnels techniques, administratifs, juridiques, etc.). On demande (enfin, on devrait demander) au politicien, une fois éclairé par les professionnels compétents, de prendre la bonne décision. Point. Ce n’est pas un problème de compétence, mais de « vision », de « choix ».
Autrement dit, la population doit cesser de croire à ce mensonge : « C’est trop compliqué pour vous, laissez faire ceux qui savent. Faites-nous confiance ». Justement : non. Aucune confiance.
Mais le meilleur moyen de réhabiliter la politique, aujourd’hui tombée dans un état de délabrement tellement écœurant que c’en est écœurant, le meilleur moyen de m’inciter à voter à nouveau : que les élus soient tirés au sort. Les modalités seraient bien sûr à préciser : on ne peut guère imaginer 40.000.000 de candidats en France, c’est techniquement infaisable. Il faudrait creuser.
Mais je pose la question : « Pourquoi pas le tirage au sort pour la désignation de nos élus ? » Après tout, c’est bien le mode de désignation (tempéré) des citoyens qui deviennent juges le temps d’une session de Cour d’Assises. Pourquoi ce qui est obligatoire dans un cas (on ne peut se soustraire à son devoir de juré) resterait-il totalement impensable et interdit dans l’autre ?
« Voilà, maintenant j’ai posé mes conditions. J’attends. – Ben tu peux attendre longtemps, gros malin. – Je sais. »
09:14 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE, DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, société, littérature, nicolas sarkozy, emmanuel todd, politicien, citoyen
dimanche, 26 juin 2011
SI LE MARIAGE EST GAY, RIS DONC ! (3)
Libération du 25 juin m’oblige à revenir sur la question. Quelle pub, mes amis, pour l’ordre homosexuel ! Avec de grandes photos de la « Gay Pride » de l’an dernier. Deux mecs harnachés de baudriers noirs sur leur peau nue qui se tiennent par le cou. Quatre nanas qui montrent pas mal de peau en se tenant serrées.
Deux mecs déguisés en « mammamouchis », mais ils ne viennent sûrement pas du Bourgeois Gentilhomme. Un couple de garçons dont l’un en mini-jupe sur un collant bleu et l’autre en smoking avec des escarpins à hauts talons aux pieds. Un couple de filles tout de blanc vêtues dont l’une en short et tee shirt masculins tenant dans les mains, sans doute, un arc de Cupidon. Ma foi, pourquoi pas ?
Moi, dont le cerveau est sûrement un peu limité, voire étriqué, je voudrais qu’on m’explique que tout cela n’est pas une propagande effrénée en faveur de l’homosexualité. Qu’on me dise (attention : de bonne foi !) que tous ces gens ne sont pas des missionnaires envoyés en mission en territoire encore honteusement hétérosexuel. Et un missionnaire en mission, c’est un MILITANT. Sa mission, c’est de CONVERTIR.
Sous couleur de « conquête de l'égalité des droits », n'assiste-t-on pas à une offensive en direction d'une indifférenciation généralisée, d'une uniformisation androgyne de l'humanité. On met dans le même sac inégalités et différences. Que cela s'appelle lutte pour l'égalité des droits, METISSAGE ou CREOLISATION, c'est toujours la même haine des différences qui s'exprime, avec le culot de le faire au nom du respect des différences.
PHILIPPE MURAY, il y a déjà quelque temps, voyait se développer un processus d' « homosexualisation » du monde, c'est-à-dire de dissolution de la différence entre les sexes. Il rejoignait RENÉ GIRARD, et sa théorie du désir mimétique, qui débouche sur l'indifférenciation des individus, qui entraîne à son tour une violence généralisée. Désolé : ça ne va pas.
D'ailleurs, je voudrais qu'on m'explique en quoi être empêché d'accéder à l'institution sociale qu'est le mariage du fait d'une « orientation sexuelle » particulière constitue une inégalité. J'avoue ne pas comprendre. Il me semble qu'on peut voir ici, avec le mot "égalité", le même kidnapping que les catholiques avec le mot "liberté" en 1984, quand ils avaient lutté pour que leurs boîtes d'enseignement continuent à bénéficier de la manne obligeamment versée par les contribuables.
La une de Libération annonce "une" couleur : « Mariage gay : la droite se décoince ». L’article, qui, proprement « fait l’article » (au sens fort des camelots), est intitulé « La droite en marche vers le mariage gay ? ». Une avocate, intitulée, elle, Caroline Mécary, déclare que « Le pacs ne garantit pas l’accès aux mêmes droits. ». Et le joufflu et moderniste NICOLAS DEMORAND, qui a pris la place de LAURENT MOUCHARD, alias JOFFRIN, à la tête du journal, demande à « la France de retrouver sa place dans des combats par essence politiques ». On croit rêver.
Je l’ai déjà dit : s’il y a quelque chose qui n’a rien à voir avec le politique, c’est bien la sexualité, et on peut bien me citer tous les MICHEL FOUCAULT du monde à l'appui du contraire. SOCRATE, qui fait un éloge appuyé de l’amour des garçons (c’est dans Le Banquet), n’affirme nulle part que cela a quoi que ce soit à voir avec le politique. Si mon souvenir est bon, il parle plutôt d’un moyen de s’élever personnellement vers le BEAU.
Je l’ai déjà dit : l’homosexualité est un FAIT, qui « remonte à la plus haute antiquité » (pour parler comme ALEXANDRE VIALATTE). Ce fait EXISTE. Ce serait imbécile de le nier. Et même très bête de ne pas l’accepter. Le délit est désormais aboli, heureusement viré, je ne sais plus quand, du code pénal.
Mais de là à autoriser le mariage aux homosexuels, il y a une distance qu’il me semble assez baroque de vouloir franchir. Passons rapidement sur la contradiction qu’il y a à réclamer en même temps la reconnaissance d’une différence et la reconnaissance de la normalité (deux incompatibles, jusqu’à plus ample informé, ça fait un oxymore), à moins de soutenir que le soleil est noir ou que le feu est un bloc de glace : voyez mes notes des 21 et 22 juin. C’est ce que j’appelais « vouloir le beurre et l’argent du beurre ».
A suivre.
09:16 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : libération, gay pride, mariage gay, homosexuel, hétérosexuel, métissage, créolisation, philippe muray, rené girard, nicolas demorand, michel foucault, socrate
samedi, 25 juin 2011
PROFESSION MENTEUR (3)
Revenons à ceux qui font la pluie et le beau temps politiques en France : le P. S. (le Prout Socialiste) et l’U. M. P. (l’Union Merdique des Pompes). Aux frais de la République, tous ces larrons en foire s’entendent à merveille pour se partager le gâteau (ou le fromage) républicain et pour jouer les adversaires quand un plateau de télévision les met en présence. Car ils jouent, en essayant de faire croire qu’ils ont des « idées », et qu’elles n’ont rien à voir avec celles de l’ « adversaire ».
Chacun est prié de vendre sa salade avec conviction, et de faire preuve de la plus grande pugnacité dans l’ « affrontement » avec l’ « adversaire ». Ça, c’est la partie la plus variable : certains tandems sont très doués, je dois dire, dans la façon dont ils font semblant de se donner des claques, pour faire croire qu’ils ne s’aiment pas du tout à cause de divergences de vue abyssales. Chacun est prié d’habiter le mieux possible son rôle : continuer à faire croire qu’une opposition franche sépare gauche et droite de façon irréconciliable.
Une fois les caméras arrêtées et les micros fermés, le politicien, son « adversaire », le « journaliste » (si si ! Il paraît que c'en est un !) qui organisait la « confrontation » se remettent à se tutoyer comme d’habitude, comme les vrais copains qu’ils sont dans la réalité, et à se taper sur l’épaule, avant de se retrouver dans une gargote, autour d’une table, et à dégoiser leurs propos « off the record ». Le rideau est tombé, le public est parti, satisfait ou non du spectacle (on attend le sondage pour le lendemain), tout le monde peut enfin « se lâcher ».
Mais ce théâtre-là, j’ai à présent cessé d’y acheter mon billet d’entrée. Vient un moment où la parodie saute aux yeux, et où la nausée vous monte. Quand j’entends l’un, quelconque, de ces politiciens, je vois trop, sous le plastron, le comédien qui s’efforce de gagner sa croûte. Une des banderoles des « indignados » espagnols proclamait tout récemment, s’adressant à leurs politiciens : « Vous ne nous représentez pas ». Donc, ça commence à se savoir. L’abstention de masse est pour demain.
Je recommencerai à « accomplir mon devoir civique » (tu parles !) et à glisser mon bulletin dans l’urne à quelques conditions. Par exemple, le jour ou le bulletin blanc comptera comme suffrage exprimé. Ce serait déjà un progrès. Si aucun des pignoufs qui mendient ton vote, ce serait une bonne manière de le faire savoir.
Par exemple, aussi, le jour où la règle « un homme, un mandat » s’appliquera sans aucune restriction : comment se fait-il que GERARD COLLOMB puisse être à la fois sénateur et maire de Lyon ? La peste soit de ceux qui sont favorables à l’ « ancrage local » de représentants nationaux. Ce qu’on appelle le « cumul des mandats ». Et certains cumulards dépassent allègrement le double mandat. Quelques-uns trustent littéralement.
Mais « un homme, un mandat », cela voudrait dire aussi que la personne élue, une fois achevée la durée de celui-ci, RETOURNE A LA VIE CIVILE, et laisse définitivement la place. « Un mandat, une seule fois », oui, une fois pour toutes. Cela aurait l’immense mérite de dégager et d’élargir l’horizon, et potentiellement de faire vraiment, authentiquement, participer la masse des citoyens à la vie du pays.
Il faudrait encore que cesse l’impunité de fait dont jouissent en général les politiciens. Je pense au scandaleux cadeau dont CHRISTINE LAGARDE a fait bénéficier BERNARD TAPIE.
Un homme, un mandat, cela signifie accessoirement (si j'ose dire) que les politiciens MENTENT, quand ils parlent de la politique comme d'un METIER. Si vous exerciez une profession, on vous laisserait gérer votre entreprise entre vous, mesdames et messieurs.
Suite et fin au prochain numéro. Plus que quelques gnons à donner.
09:18 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE, DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : parti socialiste, ps, ump, politique, société, médias, journalistes, gérard collomb, christine lagarde, bernard tapie
vendredi, 24 juin 2011
PROFESSION MENTEUR (2)
L’expression « langue de bois » avait sans doute trop servi : est-elle devenue obsolète pour autant ? La langue de bois, on sait, c'est la leçon que le politicard vient réciter plus ou moins bien, et débiter avec un air de conviction plus ou moins vraisemblable devant micros et caméras. En général, c'est très bien rodé. La langue de bois, c'est le mensonge-à-tout-faire, le mensonge-prêt-à-l'emploi, la leçon permanente de mensonge.
La différence, c’est qu’elle ne dépend pas des circonstances, forcément variables : tout politicien est conditionné, il l'a apprise par coeur, longuement, et il est prêt à la dégainer dès que se présente un micro ou une caméra. Il faut reconnaître d’ailleurs que certains sont passés maîtres dans l’art de la manier. Quand tu as pris ta carte du parti, que tu as vaillamment gravi les échelons pour arriver à une position « en vue » (au fait, comment elle a fait RACHIDA DATI ?), il convient que tu prennes conscience de tes devoirs, et surtout des restrictions qui vont avec.
C’est le vieux principe énoncé par HENRI LABORIT dans Eloge de la fuite : la hauteur de la position que tu conquiers t’est accordée en échange de l’adhésion à la structure qui te la confère, et de la force de légitimation que tu lui donnes. En clair : plus tu donnes de légitimité au parti (en démontrant tes aptitudes et compétences), plus le parti te le rendra en reconnaissance sociale. Et plus tu seras puissant (par exemple chef de « courant » au Parti Socialiste). Et plus ta bouche devra être close sur tout ce qui est à « ne pas dire ».
C’est pourquoi il faut cesser de voter. Je suis désormais un abstentionniste militant. J’ai personnellement cessé de voter après 2005 : vous vous rappelez ? Ce pavé que certains essayaient de vendre sous le nom de « traité constitutionnel » pour l’Europe. Je regrette même d’avoir cru que ça servirait à quelque chose, de voter « non ». Naïf, je me baladais même avec, épinglé à mon revers, le petit rectangle de plastique rouge frappé d’un très joli « non » au-dessous du sigle d’ATTAC. J’ai donc voté. Je m'en veux. Je n’avais pas encore compris. Enfin, je voulais encore y croire.
Car, quand NICOLAS SARKOZY a été élu, j’ai vu que j’avais eu tort. On n'a surtout pas demandé aux Français de revoter : le traité a été adopté entre gens « responsables », qui ont encore le culot de s’appeler les « représentants du peuple ». Les Hollandais ont revoté, et dans le « bon » sens, cette fois. Les Irlandais ont aussi revoté, me semble-t-il. Et tous ceux qui avaient dit « merde » à cette Europe-là l’ont eu dans le cul. Excusez-moi, je me laisse aller. En Italie aussi, les députés viennent de voter la confiance à BERLUSCONI, au mépris des deux condamnations populaires dont il vient d’être l’objet dans les urnes.
Le sinistre individu N. S. dont je viens de parler a fait campagne, en 2007, sur le thème « Je ne vous mentirai pas ; je ne vous trahirai pas ». Quand il a prononcé la première phrase, il avait déjà enfreint sa promesse. On a vu, là encore. Tant qu’il restera un bout de mur debout de ce qui s’appela naguère « la France », ce monsieur continuera infatigablement à conduire son TRACTOPELLE, qu’il ose appeler « REFORME », pour tout abattre et araser. Il ne restera rien de ce que quelques nostalgiques appellent « service public » (santé, éducation, justice, etc.). Et il ose, en plus, prétendre que ce n’est pas une trahison.
Quand je regarde vers la gauche, qu’est-ce que je vois ? Le dernier en date qui fut aux « responsabilités », comme on dit, était LIONEL JOSPIN. Ce triste sire, en cinq ans de « responsabilités », a davantage privatisé que ses prédécesseurs ALAIN JUPPÉ et EDOUARD BALLADUR réunis ! Si ce n’est pas trahir, cela ! Mais il a suivi l’exemple de FRANÇOIS MITTERRAND. Ce n’est pas une excuse pour autant.
Je ne parle pas de mademoiselle LE PEN, que je refuse d'appeler par son prénom, produit incompétent d’un marketing politique échevelé. Je ne parle pas du parti des marionnettes écologistes, qui va sans doute donner à l’invraisemblable NICOLAS HULOT le titre de « candidat vert » (comme mensonge, difficile de faire mieux). Je ne parle pas de JEAN-LUC MELANCHON, qui est enfin parvenu à ratiboiser ce qui restait du moignon du Parti Communiste. Je ne parle pas des divers trotzko-trotzkistes dont on voit encore de loin en loin éclater les bulles de gaz intestinaux à la surface du marigot médiatique.
Tous ces petits poissons bavards (un comble !) savent bien qu’ils ne seront jamais aux « responsabilités ». La raison pour laquelle ils bataillent, ce sont les « postes » qu’ils pourraient décrocher après avoir négocié avec les puissants la cession de leurs « parts de marché », je veux dire leur « score » aux élections. Ils ne sont certainement pas en train de combattre pour la réalisation de leurs idéaux. Chacun est dans sa cuisine à réchauffer son plat principal, les entrées et desserts étant sujets aux « variations saisonnières ». Et puis à essayer de caser sa marchandise sur le marché.
A suivre. Il y a encore quelques comptes à régler.
08:24 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE, DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, littérature, société, henri laborit, parti socialiste, ps, attac, nicolas sarkozy, lionel jospin, alain juppé, édouard balladur, françois mitterrand, le pen, nicolas hulot, jean-luc mélanchoon
dimanche, 29 mai 2011
TELEVISION : HITLER EN A RÊVE
EPISODE 1
Si l’on m’objecte que l’exemple est terriblement rebattu, je répondrai qu’il est excellent, et que c’est sans doute parce qu’il est excellent qu’il est, précisément, rebattu. Il s’agit du fameux « télécran » inventé en 1948 par George Orwell pour le monde fabuleux sur lequel règne Big Brother (lui aussi, tout le monde le connaît) : évidemment 1984. C’est l’écran quasi-magique qui fonctionne dans les deux sens : il retransmet les discours du chef bien-aimé, et il espionne les faits et gestes de la personne qui habite les lieux. Pour un roman d’anticipation, on peut dire que c’est réussi : exception faite de la séparation des deux fonctions (propagande et espionnage), d’une part dans la télévision, d’autre part dans la caméra de surveillance, tout le reste ou pas loin s’est réalisé, y compris la « novlangue » et la Police de la Pensée. Espionnage (donc sécurité) et propagande.
La seule vraie faiblesse du livre d’Orwell, c’est qu’il réserve le monde de 1984, exclusivement, aux régimes totalitaires, alors que les espaces où il s’est aujourd’hui épanoui et accompli s’intitulent pompeusement démocraties, comme j’essaie de le montrer. C’est dans les démocraties que s’est développée une industrie du divertissement qui passe pour une bonne part par la télévision. Et les démocraties ne sont pas épargnées par l’obsession de la sécurité : elles ont vu se multiplier les « mesures de sécurité », les « normes de sécurité ». C’est flagrant depuis le 11 septembre 2001, mais cela date de bien avant. L’industrie de la sécurité est une affaire qui marche (pas de grands magasins sans vigiles).
Moyennant quoi, l’individu n’a jamais été aussi libre de faire ce qu’il veut (ça c’est pour « démocratie »), mais je fais remarquer que, comme il veut les mêmes choses que tout le monde, il fait comme tout le monde : les gens se conduisent à peu près comme on attend qu’ils le fassent (mais attention, il ne faudrait surtout pas réduire ignoblement la liberté à la simple liberté de choix : même s’il y a d’innombrables marques, sortes et goûts de yaourts, ça reste des yaourts). La seule et vraie différence, c’est que ce résultat est obtenu sans violence physique, car ils adhèrent spontanément à ce monde, disant que, de toute façon, « ils n’ont rien à se reprocher », et que quand on est irréprochable, il n’y a pas de raison d’être choqué par les caméras de surveillance (le terrifiant « Souriez, vous êtes filmé. »). Pour ce qui est du divertissement ou des mœurs, à la question : « Pourquoi faites-vous ça ? », ils ont cette terrifiante réponse : « C’est mon choix ! ». Je ne suis pas le. C'est un système qui fonctionne d’une façon implacablement logique : sans la télévision et le divertissement, pas d’adhésion ; sans adhésion, pas de caméras de surveillance. Tout se tient.
Enfin, quand je dis « spontanément », je fais semblant. C’est là que la télévision, entre autres, dévoile une de ses fonctions principales. On sait qu’Adolf Hitler, en accédant au pouvoir en 1933, a créé aussitôt un Ministère de la Propagande, confié d’emblée à Joseph Goebbels. On sait que par là, il voulait développer la force de l’action de frapper les esprits, d’y pénétrer pour y introduire des idées, des images, des « valeurs » qui n’y étaient pas précédemment. Il voulait donner à cette action toute la dimension et toute la démesure dont il rêvait. Il fallait aussi que les esprits en question gardent l’impression que les idées qu’ils exprimaient ne germaient pas ailleurs qu’en eux-mêmes, et ne s’aperçoivent pas de l’intrusion. Exactement comme dans le film Maine-Océan, la scène nocturne où, pendant que le propriétaire de la maison dort profondément, quelques copains, qui ont un compte à régler, s’introduisent dans sa cuisine et vident consciencieusement son frigo et ses bouteilles en étouffant leur fou-rire.
J’ai déjà parlé d’Edward Bernays (le 16 mai), neveu de Freud, inventeur des « public relations », qui a su mettre à profit les concepts élaborés par son oncle, pour en tirer des préceptes « utiles ». Propaganda est paru en 1928 (éditions Zone, 12 euros). Comme le titre, le sous-titre est un aveu : « Comment manipuler l’opinion en démocratie ». Je ne résiste pas au plaisir de citer les deux premières phrases du bouquin : « La manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays » (c’est moi qui souligne). A déguster lentement, non ? Et ce n’est pas un nazi qui parle, mais un Américain, un conseiller des présidents. Je cite la 4ème de couverture : « Un document édifiant où l’on apprend que la propagande politique au 20ème siècle n’est pas née dans les régimes totalitaires, mais au cœur même de la démocratie libérale américaine ». Ce n’est pas moi qui le dis : vous m’auriez taxé de parti pris.
Goebbels n’a eu qu’à piller, et il ne s’en est pas privé, les théories de Bernays pour développer les activités de son ministère de la Propagande. Mais ces théories ont aussi inspiré les gouvernants des régimes démocratiques. Car partout, sur la planète, leur grand problème a été au 20ème siècle de répondre à la question : « Comment obtenir des masses qu’elles obéissent ? ». Deux types de régimes servent à ça : les autoritaires et les démocratiques. Terreur, police, délation d’un côté. Liberté, bonheur, consommation de l’autre. Dans l’un, le bâton. Dans l’autre la carotte. Mais ne croyez pas que la question qui se pose, par exemple, dans la Tunisie de Ben Ali ne se pose pas dans nos belles démocraties. Il s’agit toujours d’obtenir la soumission, mais en prenant, cette fois, la mouche avec du miel. Il faut bien que les trouvailles de tonton Freud servent à quelque chose ! La théorie psychanalytique pour éviter la Terreur, en quelque sorte ! Qu'en aurait pensé Robespierre en 1793 ?
Tout a été dit sur le thème « nazisme et propagande ». Toujours, évidemment, pour condamner sans appel l’entreprise de formatage des masses voulue par Hitler. Mais ils tiennent coûte que coûte à en faire un repoussoir. Pour ériger nos belles démocraties en contre-modèle. Le nazisme, ses horreurs, sa propagande fonctionnent en épouvantail absolu : les commentateurs, en général, mettent l’accent sur le fossé, l’abîme qui sépare notre système du sien. C’est sûr, il n’y a rien de commun entre les deux. Mais en est-on si sûr que ça ?
Car, en matière de manipulation des foules, les nazi (et sans doute aussi Staline, il faudrait voir, parce que l’histoire du « petit père des peuples », comme propagande, ce n’est pas mal non plus) ont bel et bien piqué les idées d’un Américain. Les idées de Bernays servent de base large et solide, aux Etats-Unis, à tout ce qu’on appelle la propagande (ou publicité), la « communication », la manipulation des foules. Quand on nous bassine avec l’idée que l’Europe copie les Etats-Unis avec dix ans de retard, il faudrait rétablir le lien, le « missing link » (le chaînon manquant), qui n’est autre que Goebbels et le nazisme, qu’on présente le plus souvent comme une exception historique, ce soi-disant fossé qui dresse un mur infranchissable (petit hommage en passant au maire de Champignac, et à Franquin, bien sûr) entre lui et nous : il y a bel et bien continuité. La seule rupture, énorme évidemment, ce sont la Shoah, les chambres à gaz, le système concentrationnaire, la terreur, etc. (l’U.R.S.S. de Staline n’est pas loin derrière pour ce qui est des « performances », si l’on peut parler ainsi, elle est même peut-être devant) : en gros, toutes les procédures d’élimination pure, simple, brutale. Pour ce qui est de la liberté de l’esprit (je ne parle pas de la liberté d’expression), cela demande un examen approfondi.
Les Etats-Unis étant une démocratie, il n’était pas question pour eux de recourir à la terreur pour faire marcher toute la population au même pas. Mais ils étaient face à un problème : par quel moyen arriver au même résultat ? Il fallait quand même faire marcher le pays, le faire prospérer, croître et embellir. Comment diriger 122.780.000 de personnes (on est en 1930), sans violence, mais en étant aussi efficace ? La grande habileté de l’Amérique a été d’utilise à outrance la connaissance du psychisme humain (Freud et ses continuateurs, Bernays et Lippmann) pour obtenir l'adhésion des masses.
Je renverrai toujours, à ce sujet, à l’essai de Beauvois et Joule sur la « soumission librement consentie » : Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens (quand les choses sont présentées habilement, l’individu, en régime de liberté, a tendance à se soumettre). Les auteurs, cependant, ne poussent pas au bout leur raisonnement dans ce qu’il a de critique : ils prennent le parti de l’optimisme libéral. Pour obtenir des masses qu’elles adhèrent, et même qu’elles désirent leur propre embrigadement, il suffit de perfectionner d’une part la connaissance de la psychologie des foules, d’autre part quelques techniques de communication bien venues.
A SUIVRE ...
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vendredi, 27 mai 2011
LA FRANCE RANCE EN RETARD
Nous en rebat-on les oreilles ! Puisqu’on vous dit que la France est en retard ! Enfin, il paraît ! Il semblerait ! Si l’on en croit la rumeur. Enfin, il y a beaucoup de gens qui l’affirment. Je ne vais pas me lancer dans la diatribe habituelle de Philippe Muray contre la consigne, mais il faut bien reconnaître que celle-ci est serinée avec constance par toutes sortes d’acteurs, enfin, toutes sortes de gens qui se déclarent, par exemple, « acteurs de leur propre vie », ou ce genre de niaiserie courante, qui coule comme un camembert en train de se faire la malle. « Avancez ! ». « Bougez ! ». Oui, il faut « faire avancer », « faire bouger ». Ainsi, ça n’arrête pas d’animer : la rue, la ville, que sais-je encore. Et attention à ceux qui refusent ou négligent d’entrer dans le « mouvement » : ils passent aussitôt pour « immobiles », « ringards », « archaïques », « passéistes », et ça ira même jusqu’à « réactionnaire », et il paraît que c’est très mal vu.
Il faut donc « bouger », sous peine d’accumuler les retards, qu’on se le dise. Nous y voilà. Personnellement, je me débrouille pour arriver à l'heure à mon rendez-vous chez le dentiste, même un peu en avance, jamais en retard. Sinon c’est la honte, le rouge au front, la fleur de lys gravée sur l’épaule au fer rouge, comme le galérien du doux temps des rois. Pourquoi la France accumule-t-elle autant de retards incalculables dans autant de domaines ? Beaucoup de gens n’ont que cette dénonciation à la bouche. A ce train-là, on n’est même pas dans le « peloton de queue », avec les coureurs « ringards » menacés par la voiture-balai. C’est beaucoup plus grave.
Si l’on ajoutait les uns aux autres tous les retards divers et variés colportés par les dénonceurs professionnels de retard, la France devrait en être restée, sinon à l’âge de pierre, en tout cas à une époque férocement « préhistorique » (se faire traiter de « préhistorique », c’est être publiquement marqué d’infamie) ; bon, à la rigueur au temps des pharaons (oui, je dis ça parce qu’on leur avait inventé la momification, évidemment). Haro sur celui qui refuse de « vivre avec son temps », en un temps où l’on vous ordonne d’ « avancer », de « bouger ». C’est même plus qu’une consigne, c’est un ordre. Si vous n’obéissez pas, vous serez puni : le déclassement, la relégation, le bannissement. Le bannissement de quoi ? Mais enfin, ça crève les yeux : de la modernité, la béate modernité, l’euphorique et toute-puissante modernité. Il est impératif de « monter dans le train » de la modernité. « Ne pas se laisser dépasser » (tiens, en passant, encore un joli chef d’accusation, « être dépassé »). Une telle unanimité chez les loups de la meute me laisse au moins perplexe, et me paraît même légèrement suspecte : ça mérite un petit examen, non ?
La mise en examen, ça fait un bon moment que je l’ai commencée. J’avais d’abord été frappé (je lis beaucoup la presse) par le nombre de journalistes qui consacraient leurs titres d’articles, voire leurs articles entiers, au thème de la France en retard, au point que ça a fini par m’apparaître, par l’accumoncellement (on disait ça, chez moi), comme une grille de lecture, je veux dire comme une façon de voir le monde : une orientation optique, en quelque sorte (l’œil braqué comme une boussole sur un « Nord » qui est tout sauf mallarméen ou célinien), ou la couleur du verre des lunettes avec lesquelles ils le regardent. Toujours le même angle de compréhension, toujours la même couleur du monde. Vous imaginez ça, vous, un monde monochrome ? Un monde unicolore ? Ils appellent ça la Franc e en retard, donc.
La mise en examen est favorisée aujourd’hui par le progrès technique : internet fait des miracles. Tapez donc « France en retard » sur le moteur de recherche qu’on appelle « gogol ». Apparaissent aussitôt les noms de quatorze millions trois cent mille sites (14.300.000) en 0,14 secondes. J’ai consulté les dix premières pages gogoliennes : sur les dix premières pages (cent sites), et en évitant, mais pas toujours, les répétitions de thèmes, j’ai dénombré quarante-cinq domaines où la France est en retard. Voici la liste, donnée dans l’ordre des pages (le gogol classe les sites dans l’ordre décroissant de leur succès auprès des internautes).
Les domaines dans lesquels la France accuse un retard sont donc, au palmarès, et dans l’ordre : la production d’énergies renouvelables, le discrimination raciale, l’économie numérique, le débat sur le nucléaire, la sécurité informatique, le télétravail, le 4G/LTE (les plus nouveaux téléphones, je crois savoir), la révolution libyenne, l’assurance santé chien (si si), le handicap, le taux d’accès à la formation professionnelle, l’imagerie par résonance magnétique (IRM), la condition des noirs, l’agriculture biologique, la fiscalité écologique, internet, les biotechnologies de santé, REACH (j’explique : enregistrement, évaluation, autorisation des produits chimiques), les quotidiens qu’on peut lire sur e-book, le système éducatif, la robotique industrielle, la lutte contre la violence faite aux femmes (curieux : 22ème position seulement, bien plus profond dans le classement si je relève tout, évidemment), le numérique à l’école, les droits des LGBT (j’explique : Lesbiennes Gays, Bi et Trans), le cloud computing (là, j’avoue que je n’ai pas cherché), la prévention de la dépendance, l’autisme, les forfaits mobiles low cost, la maladie coeliaque (?), les smartphones, la grippe A, la télévision, la fibre optique, la préparation de la retraite, le mariage gay, l’homophobie scolaire, les femtocells (sic ! C’est en rapport avec l’ordinateur, il paraît.), les médicaments génériques, l’éolien offshore, la maison de retraite « gay friendly », le traitement des déchets, le progrès incrémental (si si, mais ne me demandez pas), la libéralisation du courrier, l’accueil des étudiants chinois, le transport de fret, le handicap dans ses rapports avec la sexualité. Voilà, j’arrête. Je jure que tout cela est authentique, naturellement. D’ailleurs, tout le monde peut vérifier illico. Et arrêtez de vous taper sur les cuisses ! On est dans le sérieux, dans le grave, dans le lourd. On est prié de ne pas rire !
Et il y en a 14.300.000 comme ça ! Moi je rigole, mais on peut dire que là, ça rigole pas. Cela veut dire que la France est en RETARD dans quatorze millions trois cent mille domaines. Et on est encore vivants ? Comment est-ce possible ? La France est tellement en RETARD qu’elle devrait être morte depuis longtemps, vous ne croyez pas ? L’âge des cavernes, je vous dis ! Les momies, je vous dis ! La « patrie » des « droits de l’homme » (pardon, dans la novlangue, « homme » étant obscène, il faut dire « droits humains », ce qui change tout, bien sûr) ravalée au rang de ruine, à visiter sous la conduite d'un guide, éventuellement. Mais dans cet INVENTAIRE, il manque quelque chose, vous ne trouvez pas ? Mais si, voyons : un RATON LAVEUR (je n’aime pas Prévert, mais là, je suis obligé) !
D’abord, déclarer : « La France est en RETARD », ça ne veut rien dire, dit comme ça. On parle de RETARD « par rapport à un moment fixé ou prévu » (Le Robert) : c’est celui qui se produit quand vous finissez pas vous dire : « Elle m’a posé un lapin, ma parole ! ». Donc un retard, c’est obligatoirement PAR RAPPORT à quelqu’un, à quelque chose. Le Robert donne une clé, tout à la fin de l’article (sens 4) : « (Mil. XIX°). Etat, situation d’une personne qui est moins avancée que les autres dans un développement, un progrès ». Première remarque : tous les éclopés du cerveau et de la grammaire qui affirment doctement que « la France est en RETARD » devraient être sommés de dire par rapport à quel(s) autre(s) pays. Deuxième remarque : une telle formule, si je me fie au Robert, entraîne ipso facto que le domaine dont on parle est dans un état de PROGRÈS incontestable, ailleurs dans le monde.
D’abord sur la première remarque : on est, de toute évidence, dans une COMPETITION. On parle de retard, par exemple, dans la piscine olympique, où Alain Bernard a pris un retard de douze centièmes de seconde sur Frédéric Bousquet. Sur la « Verte » des Houches ou celle du Lauberhorn. Sur l’anneau du « Nürburgring ». Dans la « transat » en double. Le point commun ? Il s’agit de COURSES. J’en conclus que, dans la tête de ceux qui profèrent l’ânerie « la France est en RETARD », flotte la certitude poisseuse, sans même avoir besoin de l'expliciter, que la course est légitime, que la compétition est nécessaire, que la guerre de tous contre tous (individus ou groupes) est un principe non seulement valable, mais une valeur désirable, absolue et universelle, et qu’ils sont amers, parce que la France ne fait pas, comme on dit, « la course en tête ». Et ils sont tous à guetter les trouvailles des uns, les innovations des autres. Je crains que, dans leur obsession, ils oublient quelque chose de plus important, et finissent un jour par entonner le refrain de JOHNNY HALLIDAY : « J’ai oublié de vivre, j’ai oublié de vivre ». Les pays du monde sont tous lancés dans une immense course, permanente, et surtout effrayante, parce qu’il n’y a PAS DE LIGNE D’ARRIVÉE. C’est jusqu’à la fin des temps ! Vous n’avez pas fini d’en baver !
Maintenant sur la deuxième remarque : si on y réfléchit bien, qu’est-ce qu’un « progrès » ? Et surtout : est-ce vraiment un progrès ? Si oui : en quoi est-ce un progrès, s’il vous plaît ? Allez-y, on vous laisse le temps pour trouver des arguments. Prouvez-le, que c’est un progrès. Tiens, au hasard : « l’assurance santé chien ». D’abord, je ne savais pas qu’il y avait une course mondiale à « l’assurance santé chien ». Ensuite, je cherche, et franchement, j’ai du mal à me dire autre chose que : « Tiens, les assureurs ont trouvé un nouveau moyen de racketter le pauvre monde, en dénichant ce "marché de niche" (si j’ose dire : oui, c’était facile ! ». A propos de la télévision (autre domaine), je ne vois ni la course, ni le progrès. Pour un certain nombre, il est facile de voir que le problème est surtout lié au développement et à la recherche de nouveaux marchés : éolien offshore, IRM, 4G/LTE, etc. On entend surtout l’attente anxieuse et empressée de la caisse enregistreuse qui espère des « retombées fructueuses » comme « retour sur investissement ». Pour tous les autres domaines cités ci-dessus, j'aimerais bien qu'on m'en fournisse, des arguments, et des arguments qui soient fondés sur autre chose que la simple proclamation des droits des individus. Je ne conteste à personne quelque droit que ce soit : je me contente de m'interroger sur la frénésie de certains à proclamer ces droits, et surtout à vouloir les inscrire dans des LOIS (ou : "de la défense des droits à la réécriture du DROIT").
Bref : on pourrait passer en revue les quarante-cinq articles ci-dessus de cette « grande charte de la compétition mondiale et du progrès obligatoire », on aboutirait à la même conclusion : « la France a du RETARD » est un expression nulle (mais malheureusement pas non avenue). Sous le couvert de cette expression, deux grands idéaux se présentent aujourd'hui à l'humanité comme but ultime, comme religion, comme GRAAL, et se partagent le bleu de notre ciel redoutable : la COMPETITION considérée comme le prototype ultime des relations entre les hommes ; l'INNOVATION, promue au rang de divinité, de salut, d'absolu, de rédemption. Notre novlangue est un filon riche en de telles pépites. Tout cela est donc du vent, du vent qui passe, du vent qui tourne. Sans consistance. Cela valait le coup de s’arrêter cinq minutes, vous ne trouvez pas ? Je terminerai sur le discours des "politiques", qui embouchent plus souvent qu'à leur tour les trompettes de cette renommée pitoyable et nauséeuse. Vous les entendez assez pour que je n'aie pas besoin d'insister : vous savez, avant même qu'ils aient ouvert la bouche pour claironner et klaxonner, qu'il ne sortira de cet orifice rien d'autre que du VENT.
20:04 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vocabulaire, langue, littérature
jeudi, 26 mai 2011
HITLER AUJOURD'HUI ?
DE L’EUGENISME EN DEMOCRATIE « AUGMENTEE »
Tout d’abord, je signale aux lecteurs de ce blog que la présente note prolonge celle du 12 mai, intitulée « Eugénisme : HITLER a gagné ». En fait, ceci est un simple codicille, dont l’actualité me fournit le prétexte. Bon, c’est vrai que ce numéro du Monde date déjà du 25 (hier, au moment où j’écris : ça commence à se faire vieux). C’est au bas de la page 11. C’est intitulé « Alarmiste face au projet de loi de bioéthique, l’Eglise catholique dénonce un recul de civilisation » (en gras, les mots placés entre guillemets dans l’article). C’est signé Stéphanie Le Bars (est-elle la famille d'Hugues Le Bars, qui a habillé de musique des paroles de IONESCO : « Eh bien, Monsieur, Madame, Mademoiselle, je suis bien fatigué, et je voudrais bien me reposer » ? Morceau étonnant.). Le nom sonne breton.
Monseigneur Vingt-Trois (il paraît que la réserve des noms de famille en France est en train de se vider, mais avec un nom pareil, on s’est surpassé, presque autant que les Chevassus-à-l’Antoine ou Chevassus-au-Louis (authentique évidemment)), Monseigneur Vingt-Trois, disais-je, vient donc de réagir à un projet de loi. Déjà, on sent de quel côté penche Le Monde : « Alarmiste », ça pointe déjà quelqu’un qui crierait avant d’avoir été touché. En gros, « alarmiste », c’est juste avant la pathologie. L’article aborde d’entrée la tentative de « lobbying politique » de l’Eglise. Et ça continue avec : « Quitte parfois à forcer le trait ». On voudrait faire sentir que cet individu à nom de nombre a tendance à exagérer, on ne s’y prendrait pas autrement.
Qu’est-ce qu’il dit, l’archevêque de Paris ? D’abord la citation de ses propos mise en gros caractères au milieu de l’article : « On ne peut pas dire : "Les handicapés, on les aime bien, pourvu qu’ils ne viennent pas au monde" ». Voilà pour la référence à ma note du 12 mai (pour ça que je passe sur les détails du projet de loi, qui feraient ici double emploi). Le reste ? « Eugénisme d’Etat », « instrumentalisation de l’être humain ». La loi discutée à partir du 24 mai constitue « un recul de civilisation », et « une certaine conception de l’être humain serait très gravement compromise ». Qu’est-ce que je dis d’autre, le 12 mai ? Le président de la Conférence des évêques de France s’inquiète de « la systématisation juridique du diagnostic prénatal ». Il s’interroge : « Les faibles, les vulnérables auront-ils encore leur place dans notre société ? ». Il dénonce un « paradoxe », dans « cette instrumentalisation de l’être humain au moment où la Commission européenne travaille à la protection des embryons animaux ».
Rapidement : diagnostic prénatal (qui va évidemment de pair avec le remarquable avortement thérapeutique), recherche sur les cellules souches embryonnaires, extension à tous les couples de la P. M. A. (procréation médicalement assistée, dans la langue de bois officielle), proposition défendue pas les associations de défense des familles homoparentales : voilà des aspects de la loi abordés par le prélat. La journaliste écrit ensuite (en son nom propre, donc) : « En creux, le cardinal a salué le travail des députés catholiques et de la Droite républicaine, qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour défendre les idées de l’Eglise sur ces questions ». Ben voilà, il fallait que ce fût dit : Monseigneur Vingt-Trois est un sale vieux RÉAC. Mine de rien, voilà comment s’exerce la sacro-sainte neutralité d’une journaliste du « journal de référence » Le Monde. Mine de rien, il s’agit, à dose homéopathique, d’amener le lecteur à ranger l’Eglise dans le camp des vilains : les « réactionnaires », Le Monde étant bien entendu dans celui du Bien. Personnellement, je parlerais plutôt du camp des « bien-pensants » (au sens de Bernanos). Et "en creux", j'avoue que c'est à savourer longuement.
Je ne suis pas catholique. Je ne suis ni croyant, ni incroyant. Pour parler franc : je m’en fous. Mais, suite à la petite analyse que je proposais le 12 mai, je ne peux que confirmer ma conclusion : HITLER, qui a voulu promouvoir l’eugénisme au rang de politique d’Etat, a bel et bien GAGNÉ. L’Eglise, quoi qu’elle dise, a d’ores et déjà subi une défaite. L’atmosphère est au consentement général (ou à l’indifférence). Et ça se passe sous la pression de groupes minoritaires, qui réclament des « droits », « à égalité avec les autres citoyens ». Comme si ces groupes étaient composés d’autres individus que des citoyens !
Est-ce que ce projet de loi est bon ou mauvais ? Je ne sais pas. Ce que j’observe, de nouveau, c’est qu’il adopte de façon fervente et militante des principes qu’avait commencé à mettre en œuvre quelqu’un dont il suffit de citer le nom pour faire naître dans l’oreille qui l’entend un écho immédiat du MAL ABSOLU. C’est évidemment ADOLF HITLER. Et dès lors, je m’interroge : sommes-nous sûrs, dans cette société dépourvue d’autre ennemi que l’infâme terrorisme ; somme-nous sûrs, dans ce monde qui a définitivement versé dans le camp du BIEN, qui a, en quelque sorte, « basculé du côté LUMINEUX de la Force » ; sommes-nous absolument sûrs d’avoir choisi le parti de l’humanité ? Monseigneur Vingt-Trois, qu’il soit catho, je m’en tape : son inquiétude devrait être celle de TOUS.
Qu'y a-t-il de faux dans la phrase : « Les handicapés, on les aime bien, pourvu qu'ils ne viennent pas au monde. » ? Et qu'est-ce que ça a de RASSURANT, je vous prie ?
Le corps d'ADOLF HITLER est certainement mort. Mais ses idées ? Son PROGRAMME ? "Rassurez-vous" : tout ça est en cours d'exécution.
Le Meilleur des mondes est parmi nous.
22:07 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eugénisme, totalitarisme, société, politique, littérature, hitler, église catholique, presse, journaux, le monde, bioéthique, réactionnaire, handicapés
L'IMPOSTURE ECONOMISTE
Dans le zoo fou qu’est devenue la planète, l’économiste occupe une pace de choix. Que dis-je : l'animal tient le haut du pavé du centre de l'échiquier. Comme ils disent eux-mêmes, ils sont « incontournables ». Ce sont, disent-ils, des « spécialistes ». Leur spécialité, c’est l’économie. Une « science », paraît-il. Drôle de science quand même. La science, on sait ce que c’est, le Grand Robert le dit : « connaissance exacte et approfondie ». « Exacte » ? Alors l’économie N’EST PAS UNE SCIENCE. Qu’il y ait des invariants, c’est certain : plus on fabrique de la monnaie, plus les prix augmentent ; quand on détient un monopole, on s’enrichit plus que quand la vraie concurrence fait rage ; etc. J'ai quelques notions quand même, faut pas croire. Mais un des caractères infaillibles qui définit une science, c’est qu’elle est capable de PREDIRE les phénomènes (si tu es à 0 mètre, et si tu mets de l'eau sur du feu, elle bouillira à cent degrés Celsius, par exemple).
Ça crève donc les yeux : l’économie n’est considérée comme une science que par un abus de langage, un mensonge soigneusement entretenu par la corporation des économistes. Drôle de corporation, à vrai dire. Il se trouve que j’écoute de temps en temps l’émission du samedi matin à 8 heures sur France Culture, intitulée « L’Economie en questions ». Ils sont quatre ou cinq, ils sont appelés des « experts », ils discutent de deux sujets principaux. Et s’il y a un invariant, il est ici. Pendant une quarantaine de minutes, ces « experts », tous très savants, c’est certain, débattent. Oui, parfaitement : il DEBATTENT. C'est précisément là qu'est l'os. ILS DEBATTENT. Suivant les sujets, il leur arrive même de s’engueuler. Voilà l’abus de langage : ces « experts » dans la « science économique », ils sont rarement d’accord, d’une part sur l’analyse à faire d’un phénomène, d’autre part sur les solutions à apporter aux problèmes et les perspectives. Si c'était une science, il n'y aurait pas de débats aussi vifs (et ce ne sont pas les vitupérations du bibendum plein de suffisance arrogante CLAUDE ALLEGRE qui peuvent me convaincre du contraire). Ecoutez un peu, un jour où vous n'avez rien de mieux à faire, ça devient toujours assez drôle, quand ce n’est pas franchement burlesque, quand ces grands spécialistes attaquent la partie « IL FAUT » du débat.
NOURIEL ROUBINI, cet économiste américain d’origine iranienne, s’est terriblement singularisé, début 2008, en prédisant la catastrophe des prêts hypothécaires aux Etats-Unis (« subprimes »). Tous ses collègues l'appelaient Cassandre : à présent, c'est plus un Cassandre, c'est un grand savant. Combien sont-ils dans le monde ? En France, on connaît maintenant PAUL JORION (l’homme au blog), qui avait aussi prévu la crise de 2008. Il prédisait hier la désintégration de l’Europe. Faut-il espérer qu’il se trompe ? De tels économistes, il doit y en avoir quelques autres dans le monde. Mais ils sont l’exception : dans l’ensemble, la profession se trompe régulièrement, incapable de seulement anticiper les événements. Or la profession, ce sont les « experts », et les « experts », ils sont où ? Ils enseignent l’économie, pardi. Ils forment de futurs économistes. Certains deviendront profs à leur tour, et la boucle est bouclée. C’est comme le poisson rouge dans son bocal : il tourne en rond. On serait dans les biotechnologies, on appellerait ça le « clonage ». On n’est pas près d’en sortir.
Je ne m’attarderai pas sur la folie furieuse de l’économie financière, sur la dictature des marchés et des « agences de notation », sur la récente et la peut-être future catastrophe. Je ne suis pas « expert », moi. Je me contente de regarder (et de subir, comme tout un chacun) la voracité de ce tout petit monde qui fait la loi au reste du monde. Je m’intéresse quand même à son fonctionnement, après tout, je suis concerné. J’ai donc mon mot à dire. Des gens plus qualifiés s’y intéressent aussi. ALBERT JACQUARD : J’Accuse l’économie triomphante ; VIVIANE FORRESTER : L’Horreur économique ; EMMANUEL TODD : Illusion économique ; et j’ajoute, pour faire bonne mesure, l’économiste JOHN KENNETH GALBRAITH : Les Mensonges de l’économie. Il n’a pas été Prix Nobel d’économie, celui-là ? Sauf qu’en fait de Prix Nobel (c’est-à-dire ceux fondés par ALFRED NOBEL en personne), il y en a CINQ et pas un de plus : médecine, chimie, physique, paix, littérature. Prix Nobel d’économie : inconnu au bataillon ! Oui, il existe un Prix d’économie, décerné (depuis 1968 ?), par la Banque de Suède, que les journalistes traduisent (faut-il qu’ils soient paresseux !) Prix Nobel. Là encore, donc, un simple ABUS DE LANGAGE. L'économie est bourrée d'abus de langage.
Bref, les quatre auteurs ci-dessus (dont un Prix « Nobel » donc) s’en prennent à l’économie en tant que telle. Todd, par exemple, parle en 1998 du « projet d’une impossible monnaie européenne » (c’est moi qui souligne). Lui aussi, il croit que l'Europe va se désintégrer ? Peut-on parler d’économie quand on n’est pas un « expert » ? La réponse est définitivement OUI ! C’est comme en psychanalyse, où vous avez JACQUES LACAN d’un côté, et de l’autre des gens comme DIDIER ANZIEU. L’un jargonne à qui mieux-mieux, et ça intimide, et ça impressionne les gogos. L’autre explique des choses complexes dans une langue claire qui cherche avant tout à être comprise. La plupart des économistes jargonnent, avec l’intention bien arrêtée de maintenir le profane hors du cercle des initiés. Mais tous ces gens, finalement, n’ont aucune certitude, mais aussi aucun compte à rendre (mais quel responsable, aujourd’hui a des comptes à rendre ?). Ils peuvent, crise après crise, continuer à SE TROMPER (soyons indulgents : en CHANGEANT D'ERREUR à chaque fois, en adoptant une erreur différente, parce que nous, on a oublié la précédente, et c'est bien, parce que, comme ça, tout le monde croit ce qu'ils disent A PRESENT) dans les mêmes médias : voyez le petit ALAIN MINC qui, en tant que « consultant » (ça veut dire « expert » je suppose) grassement rétribué, continue à « conseiller » les puissants.
Moi, ce que je comprends, dans les diverses (et opposées) théories économiques, c’est que le fait même qu’il y ait des théories économiques est en soi une IMPOSTURE. (Je ne reviens pas sur celle que constitue le mot « science ».) Parlons de DOCTRINE, ce sera plus honnête. Le mot « théorie » est fait pour impressionner, rien de plus. En fait, ce que ne disent pas les « experts », c’est que dans leurs « théories », il y a moins d’ ECONOMIE que de POLITIQUE. Les fantoches « politiques » (vous direz que j’abuse des guillemets, mais il les faut) qui défilent sur les écrans et dans les journaux sont précisément cela : des FANTOCHES. Ils nous font croire qu’ils font de la politique, alors que la politique, elle se fait aux derniers étages des GOLDMAN SACHS et autres multinationales, elle se fait dans ces merveilleux endroits répartis sur toute la planète, monde sur lequel l’argent ne se couche jamais (bien content de ma formule). On appelle ça les « bourses » (c’est cruel pour les mâles, mais il est vrai qu’une bourse, ça se remplit et ça se vide : pardon. Il y a bien dans ma belle ville une rue Vide-bourse !).
Sarkozy et ses complices du G 8 font semblant d’être des acteurs, d’avoir du pouvoir, pire : ils nous font croire qu’ils savent ce qu’il font, et qu’ils feront ce qu’ils disent. En réalité, ils courent derrière, en essayant de nous convaincre que « la politique a repris le dessus », et qu’ils sont les meneurs de cet Amoco Cadiz. C’est à cette tâche constante (marteler, bourrer le crâne) que se consacre l’industrie télévisuelle et une bonne part de la presse papier (presse-papier ?). Quand, le soir même de son élection, NICOLAS SARKOZY va passer la soirée au désormais célèbre Fouquet’s, ce n’est pas parce qu’il est ami de quelques milliardaires. Il n’est pas le chef, ce soir-là : il est le LARBIN. Les gars autour de la table, disent : « C’est bien que tu sois élu. Maintenant, tu vas pouvoir faire NOTRE POLITIQUE ». Dites-moi si je me trompe : est-ce que ce n’est pas comme ça que ça s’est passé effectivement ?
Allez : la vie est belle et c’est tant mieux (il faudra que je trouve une formule plus personnelle. « Et c’est ainsi qu’Allah est grand », par exemple. Ah mais je m’aperçois qu’ALEXANDRE VIALATTE me l’a ôtée de la bouche, il y a déjà quelques décennies).
10:57 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, économie, société, politique, nicolas sarkozy, science, débat, claude allègre, nouriel roubini, paul jorion, alexandre vialatte, et c'est ainsi qu'allah est grand
mercredi, 25 mai 2011
MANIFESTE DES ALEXIPHARMAQUES
Il intrigue, n’est-ce pas, l’intitulé de ce blog. J’imagine que, parmi les quelques lecteurs qui visitent ce blog, ils sont quelques aussi à se demander ce que peut bien vouloir dire « alexipharmaque ». Qu’est-ce que c’est, ce snob qui joue à l’érudit ? Eh bien, je le dis avec franchise, avec force, et même, disons-le, avec conviction : la question est légitime. Pour y répondre, permettez-moi de faire un peu d’archéologie et d’étymologie.
D’abord un peu d’archéologie : le 30 mars 2011, j’ai publié ici même une courte note, agrémentée de quelques photos (il y avait quelques monuments aux morts d’après la guerre de 1914-1918, quelques couvertures d’albums de bandes dessinées, et pour, en quelque sorte, servir de jambon-beurre entre ces deux tranches de pain sec, quelques Carla Bruni photographiée artistement dans le plus simple appareil. Les photos sont bien, la femme, je n’en sais rien.). Cette courte note renvoyait, en lui tressant des couronnes de laurier évidemment, au blog que j’avais inauguré en 2007, puis suspendu en 2008.
Pourquoi l’avais-je alors intitulé « contrepoison », orthographié Kontrepwazon ? J’avoue que j’ai un peu oublié les raisons du choix à l’époque. Mais il y avait sûrement un germe d’esprit de contradiction, de contre-courant, de contre-offensive, de contre-ce que vous voulez. J’y parlais de divers sujets, après avoir commencé sur ce que j’avais appelé Monumorts (voir ci-dessus).
J’ignorais, avant d’ouvrir le présent blog, jusqu’à l’existence du mot « alexipharmaque ». Mais quand s’est profilée l’ouverture dudit présent blog, sur le même présent site, il m’a fallu lui donner une appellation. Comme je n’avais pas été mécontent de la précédente, mais comme je ne pouvais plus accéder à mon propre blog, ayant égaré les clés d’entrée, j’ai été obligé de fouiller dans la véritable malle au trésor que constitue le livre inépuisable d’ Henri Bertaud du Chazeau (Gallimard, collection Quarto, 1853 pages utiles). C’est un Dictionnaire de synonymes et mots de sens voisin.
Dix-sept ans de loyaux services (ajouté le 13 mars 2020).
Vous voulez qu’on parle franchement ? Eh bien, je n’ai jamais vu mieux. Et je m’y connais, en dictionnaires. Le « nec plus ultra ». Alors vous allez voir à « contrepoison », et vous tombez sur le premier synonyme : Alexipharmaque. Vous avez maintenant la clé étymologique de la cuisine. « Alexis », celui qui protège. « Pharmaque », la substance qui empoisonne (un conseil : méfiez-vous du pharmacien).
Oui, me direz-vous, mais pourquoi « contrepoison » ? Là encore, cher lecteur bénévole, la question n’est rien d’autre que légitime. Et je tâche de répondre dare-dare à la question légitime. On va dire que ça fait du temps que je pratique ce vice qu’on appelle « impuni » : la lecture. Des livres, évidemment. Essentiellement. Mais aussi la presse : j’ai passé pas mal de temps et d’argent dans la lecture de toutes sortes de journaux et de revues diverses (j’ai collectionné les revues les plus bizarroïdes, comme l’improbable Géranonymo, le minuscule Surprise, et tant d’autres. Je me rappelle un fanzine, Nyarlathotep, un tout petit machin bricolé par Michallet, un camarade de fac qui avait donné un temps dans les thèses situationnistes, mais qui avait tout de même réussi à soutirer pour sa couverture, un dessin à un inconnu, qui s’appelait Giraud, célèbre aujourd’hui aussi sous les noms de Gir et de Moebius).
Le problème de la presse, des journaux, des revues, ce qu’on appelle « médias de masse », c’est que tout ça finit par donner de notre monde, le monde réel, une drôle d’image. A quoi s’est ajoutée, au fil du temps, une sale contamination du langage. Les Etats-Unis, entre autres virus, nous ont infectés avec celui qui atteint le monde entier : le virus épouvantable du politiquement correct. L’époque s’est convertie (je ne vois pas d’autre mot) à l’euphémisme (vous savez : « Côtes d’Armor » au lieu de « Côtes du Nord », « Alpes de Haute Provence » au lieu de « Basses Alpes », « non voyant » au lieu d’ « aveugle », et « personne à mobilité réduite » au lieu d’ « infirme »). Guy Bedos ajoute avec justesse « non comprenant » au lieu de « con ». Je crois que tout le monde connaît déjà « technicien de surface », « gardienne d’immeuble », « hôtesse de caisse »). J’arrête là. Je ne sais pas vous, mais moi, j’ai du mal à supporter. Je renvoie, en passant, aux livres de Viktor Klemperer et Eric Hazan (voir ma note du 28 avril, sur LTI et LQR).
Tout le monde s’y est mis. Les journalistes, évidemment, comme ils sont les plus exposés aux poursuites pénales, ont été obligés de s’y mettre. Les hommes politiques n’ont pas tardé à emboîter le pas : ça ne vous irrite pas les gencives au plus haut point, quand Martine Aubry annonce qu’elle veut « répondre aux attentes légitimes des Françaises et des Français » ? Delanoë qui parle des « Parisiennes et des Parisiens » ? (Heureusement, il y a le lapsus politique (Rachida Dati, et tout dernièrement Nicolas Sarkozy en personne, à son "e-G8", où il a parlé des "internôtres".) C’est comme un catéchisme appris par cœur et tellement entré dans les neurones et dans l’air ambiant, et qui ressort comme ça, spontanément, comme un réflexe de Pavlov. Ce bréviaire dont on nous rebat les oreilles, et récité avec tant de sérieux par tous ceux qui s’expriment par écrit ou par oral dans les médias, ça finit par tisser une toile d’araignée, un filet qui se resserre sur les mouches qui s’y laissent prendre, je veux dire les lecteurs de journaux, les auditeurs de la radio, les spectateurs de la télévision.
Nous bouffons de la novlangue (1984 d’Orwell), nous sommes abreuvés jusqu’à plus soif de « politiquement correct ». Le présent blog se propose, bien modestement et entre autres sujets, de commenter, d’analyser quelques-uns des insupportables du vocabulaire ambiant, de la « pensée » ambiante (si tant est qu’il s’agisse encore de pensée), de la défaite ambiante de la pensée (j’emprunte au titre de Alain Finkielkraut). Tout ça se passait, aux Etats-Unis, sous l’influence de groupes qui ont fini par acquérir un pouvoir de nuisance, et qu’on appelle les minorités : les « personnes contrariées dans leur croissance verticale » (= les nains), la fabuleuse « minorité » (???) constituée par la moitié de la population (les femmes, tout le monde a compris), les « Africains-Américains » (il paraît que c’est comme ça qu’on dit pour « noirs »), les diverses « minorités sexuelles » (L. G. B. T. est un sigle qui s’est dorénavant imposé, aux premiers rangs desquels les « gays » (il ne faut plus dire « homosexuels », sous peine de …).
Et tout ce beau monde s’est mis à revendiquer ses « droits », à militer pour l’ « égalité », à lutter contre la domination du mâle, contre l’hégémonie du blanc (là, il faut dire qu’il y a quelques raisons), contre la dictature hétérosexuelle, etc. Coalisées, les minorités sont devenues une sorte de majorité. Leur lent travail de sape des libertés générales a fini par payer : le statut de victime (voir ma note précédente) s’est vu ériger une statue (la plus récente étant la nommée Nafissatou Diallo, qui n’est pas une victime de Dominique Strauss-Kahn, mais une plaignante, jusqu’au prononcé du jugement) ; les geôles les plus infâmes, les culs-de-basse-fosse les plus putrides, bientôt les bûchers, au moins médiatiques, sont promis aux êtres infernaux qui « portent atteinte aux droits des minorités », qui oseraient ironiser à propos des handicapés, qui auraient l’infernal culot de se rendre coupables de « sexisme », accusation bientôt confondue avec celle de « racisme » (on croit faire un cauchemar, mais c’est bien réel). Au nom du « respect des différences » et « de l’exigence de « tolérance », nous entrons dans une société de l’intolérance. Les accusateurs publics potentiels sont maintenant légion.
Un exemple gratiné : oser parler de « différence sexuelle » entre hommes et femmes, eh bien, c’est épouvantablement réactionnaire, c’est à remballer dans les catégories de l’humanité cavernicole. C’est une grave atteinte aux « droits des minorités ». Depuis la grande prêtresse Judith Butler et la fondation des études sur le « genre », on a découvert que l’humanité, depuis l’aube des temps avait tout faux. Il faut que ça se sache : le sexe ne repose sur rien de biologique, le sexe est une « construction culturelle » élaborée dans l’unique but de réprimer « les désirs légitimes des Américaines et des Américains », « leur droit légitime au choix d'une orientation sexuelle», et à « l'interdiction de la discrimination à leur égard ». Au fait, comment elle s'appelle, la femme entendue hier sur France Culture qui parlait de « la participation des femmes au montages de la scène érotique » ? De « l'hétérosocialité ludique » (qui traduit sans doute une entreprise de séduction entre homme et femme) ?
Comprenons-nous bien : il est hors de question de revenir à quelque criminalisation que ce soit. Mais j'en suis venu à me demander si l'on n'assiste pas aujourd'hui à l'irruption d'un criminalisation à l'envers. Et cela se passe pour beaucoup dans le langage, avec d'un côté des prescriptions (vous devez utiliser tels mots et expressions), et d'un autre côté des proscriptions (il est interdit de dire ceci ou cela). En somme, le présent blog se propose de décrypter dans le langage (principalement médiatique) quelques stéréotypes qui se présentent aujourd’hui comme des vérités qui doivent absolument s’imposer, y compris à travers des LOIS interdisant l’emploi de certains mots (ces temps-ci, c'est au tour du « populisme»), de certaines expressions, et réprimant toute infraction, rétrécissant de jour en jour, avec le consentement ahurissant de la population, intimidée par tous les flics potentiels, l’espace de ce qui s’est appelé il n’y a pas si longtemps la liberté d'expression.
20:57 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, langue, conformisme, novlangue, carla bruni, nicolas sarkozy, dominique strauss-kahn, martine aubry, george orwell, politiquement correct, politique, judith butler, liberté d'expression
mardi, 24 mai 2011
ELOGE DE LA DISCRIMINATION
L'ETAT DES MENTALITES
Ce qui est grand n’est pas petit. Ce qui est bleu n’est pas vert. Ce qui est LÁ n’est pas ICI. Ce qui est loin n’est pas près. Ce qui est A n’est pas B. Ce qui est lourd n’est pas léger. Ce qui est dur n’est pas mou. Ce qui est vivant n’est pas mort. Ce qui est virtuel n’est pas réel. Ce qui est vrai n’est pas faux. Ce qui est devant n’est pas derrière. Ce qui est en haut n’est pas en bas. Ce qui est à gauche n’est pas à droite. Ce qui est jour n’est pas nuit. Ce qui est eau n’est pas terre. Ce qui est pointu n’est pas rond. Ce qui est lisse n’est pas rugueux. Ce qui est vertical n’est pas horizontal. Ce qui est pluie n’est pas soleil. Ce qui est chaud n’est pas froid. Ce qui est obscur n'est pas clair.
Bon, je commence à vous bassiner la cafetière, je sens. J’explique : je viens de faire une liste (minuscule) de discriminations, voilà. C’est une suite de 1 et 0 d’avant la logique mathématique, d’avant l’invasion par le numérique. Discriminer, ça veut dire faire la différence. Vous voulez un exemple ? On a entendu ça sur France Culture, le 24 mai 2011, au bulletin d’information de 7 heures. Ce n’est pas vieux. Un lieutenant colonel de réserve (français) analyse la nouvelle stratégie des forces internationales en Libye, qui consiste à y envoyer des hélicoptères de combat, forcément plus vulnérables que des avions. Ces hélicoptères, je cite : « permettent d’opérer une discrimination plus fine des cibles au sol ». C’est un spécialiste qui parle. Maintenant, je remonte un tout petit peu plus loin : le début de la "Genèse" dans la Bible. Qu'est-ce qu'il fait, Dieu ? Il sépare. Premier jour, il sépare la lumière et les ténèbres. Deuxième jour, le firmament sépare les eaux d'au-dessous des eaux d'au-dessus. Troisième jour, il sépare la Terre et la Mer. Quatrième jour, il sépare le jour et la nuit. Sixième jour, à son image, il créa l'humanité, en ayant soin de préciser : "mâle et femelle". Et après tout ce travail de séparation, il se repose. Si c'est pas de la discrimination, ça.
Le sort indigne qui est fait à ce noble mot de discrimination, le sombre destin qui est devenu le sien de nos jours devraient faire se dresser les cheveux sur la tête de ceux qui en ont, maladie contre laquelle je suis désormais vacciné. Comme d’autres termes dont j’ai déjà parlé (« phobie », « tolérance ») ou dont je parlerai (« racisme », « victime »), le temps présent range le bocal « discrimination » sur le rayon du Mal. A ce titre, il est intolérable, inacceptable, inadmissible. D’ailleurs, c’est fait : il est proscrit. Nous avons en effet, à présent, une H.A.L.D.E. La halde est un petit animal exotique, féroce, qu’on a introduit récemment sur le territoire français pour assurer la pérennité de l’espèce, paraît-il menacée. Une drôle de bestiole quand même. Mais il semblerait que cet effort louable ait été vain : elle est morte. Il est vrai qu’elle a été illico remplacée par un animal autrement imposant : on le nomme « défenseurdesdroits » (sic !).
Mais foin de cours de zoologie : la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité, est (était) chargée de la Police des Droits. La principale difficulté, c’est le concours d’entrée. Le diplôme s’intitule « B. A. S. V. » : Brevet d’Aptitude au Statut de Victime. Et la refonte en Défenseur des Droits ne va pas faciliter les choses. Il ne suffit pas de se dire victime pour être admis dans le cénacle des victimes, en effet, de même qu’il existe aujourd’hui infiniment plus d’ « artistes » auto-proclamés que d’artistes véritables. Une sélection sévère s’impose (dans la déchetterie actuelle, on utilise le pléonasme « tri sélectif »). Un examen préalable et rigoureux décide si la personne est recevable au statut envié de victime (« envié » car – et c’est flagrant avec le sémillant Nicolas Sarkozy – il « ouvre droit à réparation ». Traduction : « Ça peut rapporter gros. »). Mme Diallo, que tout le monde connaît maintenant, n’est pas, en l’état actuel des choses, une victime de Dominique Strauss-Kahn, mais une plaignante (ben oui, puisqu’elle a porté « plainte » !). Mais j’y reviendrai une autre fois.
Discrimination, c’est la faculté humaine de démêler : le vrai du faux, le fait du droit, le réel du virtuel, l’homme de la femme, etc., je ne vais pas recommencer. Cela a beaucoup à voir, donc, avec la capacité de jugement. Sans discrimination, donc, pas d’espèce humaine (je vais tout de suite à l’essentiel). L’histoire de l’humanité fourmille d’exemples qui montrent qu’être capable de discriminer a été indispensable à son évolution. Tiens, un parmi d’autres : pour nous, la couleur verte, c’est simple, sauf si tu es daltonien. Eh bien, dans le langage d’une tribu d’Amazonie dont j’ai oublié le nom (peut-être existe-t-elle encore), il y a deux cents (200) mots pour la signifier, pour les multiples verts observables dans la forêt, suivant le lieu, le moment de la journée, la plante, la qualité de la lumière, etc. Vous imaginez à quelle subtilité on peut parvenir pour évoquer deux cents nuances possibles d’une même couleur ? Essayez donc : vous en voyez combien de différents, des verts, quand les arbres, au printemps, commencent à pousser leurs feuilles à l’air libre ? Encore un : la botanique a un grand ancêtre, le suédois Carl von Linné (1707-1778), qui a passé sa vie à discriminer : il a dessiné des « arbres », avec des embranchements qui, au fur et à mesure de la description des plantes, se ramifient, pas à l’infini, mais presque. Même chose pour la zoologie évidemment.
Pour pouvoir s’y reconnaître dans ce monde, l’homme a donc eu besoin de classer ses éléments en leur donnant, à chacun, un nom différent. Allez, un dernier exemple pour la route : que serait aujourd’hui la divine informatique sans discrimination ? Car qu’est-ce que c’est, une arborescence informatique, sinon un système de classement, de distinction et de hiérarchisation ? Je n’y peux rien : en zoologie, par exemple, vous avez l’ « ordre » (mettons les falconiformes chez les rapaces diurnes), puis vous avez les « familles » (mettons les accipitridés, chez les mêmes), ensuite vous avez les « genres » (mettons les aigles, pour faire simple), et puis vous avez les « espèces » (mettons l’extraordinaire milan royal, avec sa longue queue rousse échancrée). Et après les espèces, il y a les « individus » (d’une buse variable à l’autre, il reste des différences. Il faudrait dire : la différence fait de la résistance).
Hiérarchiser ! Le sale mot a été lâché ! Hiérarchiser, aujourd’hui, c’est proprement diabolique. C’est drôle : nous passons nos journées à hiérarchiser et à classer (ce que nous voulons faire ou ne pas faire, les informations qui nous intéressent ou non, les personnes que nous souhaitons voir ou ne pas voir, les livres que nous avons envie ou non de lire (je parle pour ceux qui lisent des livres), etc. On appelle souvent ça des « priorités.). Et avec ça, on nous donne des coups de marteau sur le crâne pour nous convaincre que c’est mal ? Mais c’est la schizophrénie à l’état pur, ma parole ! Hiérarchiser, c’est discriminer, et puis c’est nécessaire : est-ce qu’il faut aller à droite ou à gauche ?
Alors aujourd’hui, ce qui prime, c’est la « lutte contre toutes les discriminations » ? « Bon sang, mais c’est bien sûr », disait Raymond Souplex à la fin des Cinq dernières minutes (à mes yeux le seul commissaire Bourrel qui soit, c’est vous dire mon âge). Mais au fait, qu’est-ce qu’on appelle ici « discrimination » ? Jean Yanne, dans un sketch célèbre, proclame sa haine des « routes départementales ». Là, on se rapproche du sens couramment donné à « discrimination » aujourd’hui. Cela veut dire que dans le pays de ce Jean Yanne de permis de conduire, il n’y a que des routes nationales, peut-être ? Bon, c’est évidemment le gag. Mais ça montre en douce que l’idée est tout simplement folle. Intraduisible dans les faits. C’est heureusement en vain qu’Hitler a essayé de purger la race aryenne des éléments juifs qui la corrompaient.
Alors on peut bien rameuter des Vacher de Lapouge, des Gobineau pour introduire dans l’espèce humaine des hiérarchies fondées sur des critères vaseux, voire délirants, pour segmenter l’humanité en catégories homogènes qui seraient naturellement hiérarchisées (vous savez : « supérieur », « inférieur »). Il ne faut pas appeler ces tentatives haineuses et fondées sur la trouille et le fantasme du beau nom de « discrimination ». On a « ségrégation », par exemple, ou « apartheid », qui ont à peu près gardé la force de leur sens. Je ne mentionne pas « exclusion », tout à fait dévitalisé à présent.
Georges Perec a écrit un petit livre intitulé Penser/Classer (Le Seuil) : si on ne classe pas, on ne pense pas : c’est le règne animal. Des allumés du bocal ont prétendu, il y a bien longtemps, exporter la théorie darwinienne de l’évolution dans le domaine social. Mais ces agités de la rampe, genre Spencer, ont allègrement confondu l’ « évolution » dont parlait Darwin avec le « progrès », cette marche inéluctable de l’humanité vers sa propre amélioration (rien que la notion de progrès, d’ailleurs, est aujourd’hui mal en point). Ils ont voulu transformer de simples « faits », produits dans leur lente et longue succession, en « lois », c’est-à-dire en principes devant guider l’action des hommes et des sociétés. Ils ont voulu ériger des « conséquences observables » en « objectifs à atteindre », avant même d’avoir analysé la subtilité des mécanismes mis en jeu dans l’extraordinaire grand mécanisme qu’on appelle l’évolution.
Je crains cependant que le succès du mot « discrimination » pour désigner divers « apartheids » ne soit dû à un mouvement irrésistible. Chose curieuse, en effet, il devient quasiment impossible de lutter contre certaines gangrènes du vocabulaire. D’un côté, vous avez les « différences », qu’il faut absolument respecter, sous peine d’atteinte à la sacro-sainte « tolérance ». D’un côté, donc, il faut « respecter les différences » (nous sommes devenus de constants et talentueux « respecteurs de différences » à tout crin). De l’autre, il ne faut pas faire de « discriminations », sous peine, évidemment, d’atteinte à la sacro-sainte « tolérance ».
Si les mots ont un sens, « différence » et « discrimination » sont strictement superposables. Alors je dis : il faudrait savoir. D’un côté, le mot d’ordre de « créolisation » du monde, l’appel vibrant, insistant au « métissage » culturel (melting pot, world music, tout est dans tout et réciproquement). De l’autre, des revendications d’ « identité » de plus en plus fortes, parfois violentes. il faudrait savoir : « créolisation », « métissage », c’est exactement le contraire de « différence », d’ « identité ». Vous ne trouvez pas ça bizarre ? Incompréhensible ? Abracadabrantesque ? Il y a de quoi vous rendre chèvre !
Si les mots ont un sens, si les mots dessinent les choses qu’ils désignent, il y a, quelque part par là, si je suis gentil, du bourrage de crâne, si je suis moins gentil, la mise en place d’un monde totalitaire, d’autant plus sournois qu’il s’est débrouillé pour susciter l’adhésion enthousiaste du plus grand nombre. Ça ne vous inquiète pas ? Ça ne vous rappelle aucun souvenir ?
Allez, comme disait le bon Jean-Jacques Vannier, « la vie est belle, et c’est tant mieux ».
17:49 Publié dans L'ETAT DU MONDE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : discrimination, différence, littérature, halde, victime, sarkozy, dominique strauss-kahn, langue, vocabulaire, darwin, vacher de lapouge
lundi, 23 mai 2011
APRES LE SEXE, LE SPORT
LES COÏNCIDENCES QUI TUENT
C’est parfois drôle, la tyrannie de l’actualité, pas souvent, mais de loin en loin. Voyez, moi, ce matin, je poste ce billet sur le sexe comme addiction. Eh bien, tu le crois ou tu le crois pas, mais dans Le Monde de ce soir (daté demain), je tombe, en page 2, sur « Quand la relation au sport devient pathologique ». Oui c’est drôle, la tyrannie de l’actualité. Je cite : « besoin irrépressible et compulsif de pratiquer régulièrement et intensivement une ou plusieurs activités sportives ». Les conséquences à long terme sont redoutables. « 10 à 15 % des sportifs ayant une pratique intensive souffrent en réalité d’une véritable addiction. » Est-ce que par hasard nous vivrions dans une SOCIÉTÉ D’ADDICTION ? (Cela veut dire une SOCIÉTÉ DROGUÉE.) Je pose juste la question.
19:41 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : drogue, addiction, journaux, presse, sport, le monde, société
DU SEXE DANS LA SOCIETE MARCHANDE
SEXE, ADDICTION et VIDEO
Je ne vais pas revenir sur l’affaire dans laquelle vient d’être « mouillé » (pardon, ça m’a échappé) Dominique Strauss-Kahn. Le feuilleton a pris dans les médias sa vitesse de croisière, pépère : on n’est plus à la une, il faut chercher en pages intérieures. Dans les journaux, une salade chasse l’autre. Je dirai simplement qu’il n’y a peut-être pas de hasard si celle-ci arrive aux Etats-Unis, pays atteint, quant au sexe, de névrose obsessionnelle, je dirais « névrose oxymorique » si l’expression existait. L’oxymore, je rappelle, c’est la formule qui présente deux termes logiquement impossibles à associer (« le soleil noir » de Nerval, le « feu glacé » du Roméo de Shakespeare).
Vous me direz, pourquoi névrose oxymorique ? Pour faire court : d’un côté le matraquage d’une propagande frénétique qui ordonne à chacun de consommer et de jouir ; le développement d’une industrie du porno (j’ai oublié le nom du pape qui règne sur le film X) ; l’exacerbation de tous les désirs. – De l’autre, un encadrement puritain très strict des rapports entre hommes et femmes ; une codification tatillonne de ce qui se fait et ne se fait pas, avec en arrière-fond la qualification d’un délit, les menottes, le tribunal (est-il vrai, mais j’ai du mal à le croire, qu’il existe dans certaines universités, un « code de bonne conduite sexuelle » que les étudiants sont invités à signer avant d’y entrer ?) ; en gros et en bref, l’interdiction plus ou moins officielle de ce que, en France et pendant des siècles, on a appelé séduction (au secours Marivaux !). Il y a de quoi enfermer la pauvre population masculine, ainsi prise en tenaille, pour schizophrénie.
Restons en France. En 2002 dans Marianne, Philippe Muray se gausse (« Malbaise dans la civilisation ») de l’affrontement qui a opposé, d’un côté, le CSA, aidé de l’ineffable Christine Boutin, qui voulait interdire les films porno à la télévision, et de l’autre, tous les tenants de la liberté d’expression culturelle incarnée pour l’occasion, par lesdits films. J’adore personnellement le fait qu’à propos de porno on puisse parler de culture (mot qui amène immédiatement le jeu de mot, non ?). Il est certain que le sexe s’est banalisé, qu’on en parle au quotidien, de façon forcément « décomplexée » (je me marre). Il est certain que se passer un petit porno le samedi soir quand on s’ennuie devant la télé, n’est plus exceptionnel, ni même clandestin. Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’un ami me racontait qu’il regardait des pornos avec son fils qui devait avoir dix ou douze ans. Ne m’en demandez pas plus.
L’accès au sexe libéré est donc d’une facilité aujourd’hui incomparable, et imparable. Vous avez le salon « éros » (pauvre éros, quand même !). Vous avez des rayons entiers de DVD spécialisés, pour tous les goûts. Vous pouvez choisir votre assortiment de « sextoys » personnalisé : vous, c’est plutôt le classique vibromasseur (avec ou sans télécommande, avec ou sans « fioritures ») ou « boules de geisha » ? Vous avez toutes sortes de BD, de romans photos, etc. Vous avez toutes sortes de boîtes où sortir en couple, pour « échanger » (ça pimente la relation, et puis c’est moderne, on vous dit). Bref : on est au supermarché, avec son caddie, on passe dans les rayons, puis on passe à la caisse (ah oui ! Il faut savoir ce qu’on veut !). Quelqu’un (je ne cafterai pas) me parlait, il n’y a pas longtemps, d’une visite qu’il a faite à une amie en compagnie de son fils (environ huit ans), qui, s’étant mis à fouiner partout, tombe sur un « objet » qui se met soudain à vibrer : « Papa, qu’est-ce que c’est ? ». Tête du père. La femme pas gênée pour deux sous.
Tout cela offre un tableau triomphant du progrès, évidemment. Bon, il y a quelques revers à la médaille. Une fois les parents partis chez des amis, qu’est-ce qui m’empêche de mettre un DVD dans l’appareil ? Personne. Pas même la « cachette », quand ils en ont imaginé une. « Ben comme ça, ça leur fait au moins une éducation sexuelle, c’est mieux que rien ! » Je veux, mon neveu ! J’en veux de ce genre d’éducation : au moins, les gamins n’attendront pas l’âge adulte pour savoir ce que c’est qu’une verge en érection, une chatte qui mouille, un ramonage en règle, et par tous les trous ! Et à deux, à trois, en tas ! Le progrès, je me tue à vous le dire. Et puis c’est bien : c’est paraît-il de plus en plus tôt. Comme initiation à la mécanique, avant d’entrer au lycée professionnel, c’est bien, comme apprendre l’écriture en maternelle, tiens !
Alors le résultat, vous me direz ? Le résultat se trouve, par exemple, dans Le Monde daté 22-23 mai, à la page 24. C’est signé Martine Laronche, intitulé « Quand le sexe prend les commande », et sous-titré : « Les patients qui souffrent d’addiction sexuelle sont de plus en plus nombreux à consulter ». Vous avez bien lu : « addiction sexuelle ». Peut-être que pour Strauss-Kahn, c'est ça, après tout ? Ce n’est pas (encore) répertorié parmi les troubles mentaux : c’est une « dépendance comportementale » (belle trouvaille !). L’addiction sexuelle touche davantage les hommes que les femmes. Les Américains (toujours eux) développent les études à son sujet. Sous-entendu, sans doute : la France est en retard, quoiqu’un peu de bon sens nous reste, car certains (professeur de psychiatrie, par exemple) considèrent qu’il s’agit d’un « raccourci médical » (la formule reste douce).
Bon, je ne vais pas vous résumer tout l’article. Seulement le cas de « ce patient de 29 ans qui consulte pour une double addiction : aux sites pornographiques depuis l’âge de 10 ans et au sexe depuis ses premiers rapports, à 15 ans ». Il a quand même mis cinq ans pour passer du virtuel au réel, pour passer de l'image à l'acte. Toujours est-il qu'à 29 ans, c’est déjà un vieux routier. « Il a un besoin impérieux d’avoir des relations sexuelles plusieurs fois par jour, recherche en permanence les effets excitatoires [introuvable au dictionnaire, soit dit en passant] des images X ». Il s’ensuit pour lui une spirale de souffrance : il y a la dépendance (je peux pas m’en passer), et l’accoutumance (il faut m’augmenter mes doses). Bref, il doit se soigner. Et s’il doit se soigner, c’est qu’il est malade (vous alliez le dire).
Tout doucement, donc, mais pas si doucement que ça, finalement, la vie sexuelle (pas de tout le monde, j’espère) se transforme en maladie, en pathologie. Et si je dis que celle-ci nous vient des Etats-Unis puritains, je vais encore me faire traiter d’anti-américain. Je préfère donc, avec Philippe Muray, évoquer le triomphe du protestantisme anglo-saxon sur la latinité catholique. Entre ces deux religions chrétiennes, vous avez déjà deviné celle que je préfère.
10:49 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dominique strauss-kahn, dsk, sexe, éducation sexuelle, pornographie, philippe muray, psychiatrie, médecine, le monde, journaux, presse
dimanche, 22 mai 2011
HITLER A CANNES
Ceux qui suivent un peu ce blog, savent que j'ai déjà publié deux notes sur Adolf Hitler (l'eugénisme et l'architecture dans notre monde tout à fait d'aujourd'hui, c'est-à-dire actuel, c'est-à-dire présent). Ma thèse, c'est que Hitler a gagné. Mon argumentation repose sur l'idée que nos grandes démocraties (on sent qu'on approche, tout tremblant, du sacré), en faisant d'Adolf Hitler l'épouvantail number one (on peut faire la liste de ses successeurs, jusqu'à Saddam Hussein et Mouammar Khaddafi), - nos grandes démocraties donc, ont établi durablement un paravent, un écran, qui évite d'avoir à jeter un oeil un peu précis et attentif sur la façon dont elles fonctionnent.
Ma thèse, c'est que les idées d'Adolf Hitler imprègnent aujourd'hui jusqu'au tissu de nos sociétés dites démocratiques. Eh bien, bonne nouvelle, l'épouvantail continue à fonctionner. L'ostracisme et la réprobation universels sont tout prêts à s'abattre comme des vautours sur tous ceux qui font mine de dédouaner le terroriste d'Etat qui a régné de 1933 à 1945 sur l'Allemagne et l'Europe. Le dernier à en faire les frais, c'est, tout le monde a compris, Lars von Trier, au Festival de Cannes. Il a tout compris du monde dans lequel nous vivons : le spectacle, le spectacle et le spectacle forment la Sainte Trinité de ce monde idyllique. Et le diable n'y est pas le bienvenu.
Quelle idée, aussi, de mimer l'extraordinaire Nuit du chasseur, avec l'inoubliable méchant Robert Mitchum (on a oublié les noms de tous les autres acteurs) ! Quelle idée d'écrire F.U.C.K. sur ses quatre phalanges ! Quelle idée de déclarer sa sympathie pour Adolf Hitler ! Quelle idée de déclarer : "I am a nazi" ! Il a peut-être tout compris au monde dans lequel nous vivons, mais il n'a rien compris au code officiel qui le régit. Là, il a raté son code, et c'est sûr : il n'aura pas son permis.
C'est entendu : nous sommes le royaume du bien inexorable, de la vertu impitoyable, de la perfection dévastatrice. Et tout le monde semble continuer à croire à cette fable. L'émission "Le Masque et la plume", ce soir sur France Inter, perpétue cette fable en entonnant le refrain: par son dérapage, (?) Lars von Trier est un salaud. Vous avez peut-être entendu : c'est l'unanimité. C'est la terrible unanimité, l'insoutenable unanimité de l'être (pardon, maître Kundera). C'est la curée, que dis-je : c'est l'hallali.
Désolé : je ne ferai pas partie de la meute qui se jette sur la bête aux abois, qui est sans doute grillée pour quelque temps. Je ne crie pas bravo à ses propos idiots, et il ne s'agit certes pas de réhabiliter Hitler et le nazisme. Les pauvres types qui ont dernièrement rebaptisé leur "cochon pride" d'un nom plus consensuel (j'ai déjà oublié) devant la cathédrale Saint-Jean, m'apparaissent comme de misérables clowns sinistres. Mais je ne hurle pas haro sur Lars von Trier avec les loups. Si les gens qui sont payés pour avoir la parole regardaient un peu le monde qui les entoure tel qu'il est, peut-être diraient-ils moins de conneries.
21:51 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hitler, festival de cannes, lars von trier, littérature
LES MOTS POLICIERS : PHOBIE
HARO SUR LES PHOBES !
Tout au long de ses Essais (Les Belles lettres, 2010), le grand Philippe Muray tape dès qu’il peut sur ceux qui tapent sur tous les « malades » atteints de diverses « phobies ». Il tape dessus pour une raison bien précise : les dénonciateurs de « phobies » font tout ce qu’ils peuvent pour que des lois interdisent d’être atteint de « phobies », et pour que des lois punissent impitoyablement toutes les manifestations publiques des « phobies » ainsi stigmatisées. Philippe Muray s’attaque ce faisant à la tendance de l’époque qui consiste à faire entrer toutes sortes de vides juridiques dans le Code pénal.
Il est vrai que c’est devenu une véritable manie : quand un fait divers tragique se produit, Nicolas Sarkozy sort sa loi, mais que l’absence de décrets d’application, ou tout simplement parce qu’elle est inapplicable, rend inapplicable. Un fait appelle une loi. Comme des faits, il s’en produit quelques milliards à chaque seconde, je ne sais pas si la distance de la Terre à la Lune suffirait pour calculer l’épaisseur du code pénal qu’il faudrait écrire pour la sécurité de la planète. La moitié de l’humanité serait alors chargée de commettre des faits (autrement dit de vivre). L’autre moitié serait composée de juristes, de juges, de procureurs et d’avocats. On appellerait ça la division du travail pénal.
Trêve de plaisanterie : par curiosité, je suis allé voir ce qui se trame derrière l’écran du mot « phobie ». Le détour est intéressant, et le spectacle est croquignolet. Si l’on s’en tient à la définition médicale, voici ce qu’on trouve dans le Dictionnaire de la psychanalyse d’Elisabeth Roudinesco : « Utilisé en psychiatrie comme substantif vers 1870, le terme désigne une névrose dont le symptôme central est la terreur continue et immotivée du sujet face à un être vivant, un objet ou une situation ne présentant en soi aucun danger ». Je retiens « névrose » et « terreur continue et immotivée ».
Un exemple ? J’ai connu une femme (Mme L.) qui souffrait de deux phobies véritables. Tout le monde connaît la claustrophobie, non ? Elle en souffrait à ce point que prendre l’ascenseur était pour elle, tout simplement, inenvisageable. Elle revenait donc du supermarché le coffre de la voiture plein, mettait tout dans l’ascenseur, appuyait sur le bouton et montait à pied. Bon, elle n'habitait qu'au troisième. Plus grave : elle m’a raconté qu’elle souffrait de « colombophobie », soit, en clair, la terreur des oiseaux. Un jour, elle traverse le pont Lafayette, au-dessus duquel passent et repassent les mouettes. L’une d’elles a le malheur de la frôler. Mme L. ne se souvient rigoureusement de rien, sinon que, lorsqu’elle a repris connaissance, elle était étendue au milieu de la chaussée, au milieu du pont.
Voilà ce que c’est, une vraie phobie, et voilà ce que ça donne : une panique totalement impossible à maîtriser, à réprimer ; une perte de conscience en présence de l’objet d’horreur. C'est ça la maladie qu'on appelle phobie. L’usage du mot, aujourd’hui, dans les médias, est tout simplement abusif. C’est une malversation. Ceux qui en parlent sont des faussaires. On accuse quelqu’un de « phobie » au même titre que Sarkozy accuse les socialistes d’ « immobilisme » et d’ « archaïsme ». Le mot phobie range illico celui qui en est atteint parmi les malades mentaux, atteint des mêmes « maladies mentales » qui servaient de prétexte aux Soviétiques pour enfermer leurs dissidents en asile psychiatrique, où a été inventée la "torture blanche". Rien de mieux pour disqualifier. On appellera ça un hold-up. Cela veut dire accessoirement que l’accusation de « phobie » à tout bout de champ fonctionne aujourd’hui, exactement, comme un argument politique, et que la toile de fond totalitaire sur laquelle l’argument se détache n’a rien de rassurant.
C’est au même genre de malversation que, en 1984, toute la gent à soutane et à crucifix avait kidnappé le mot « libre » pour faire retirer la loi Savary qui stipulait que l’argent public irait désormais à l’enseignement public, l’enseignement privé (l’enseignement dit libre) devant se démerder pour trouver des fonds privés. Le tout, pour arriver à ses fins, comme ce fut le cas en l’occurrence puisque la loi fut retirée par François Mitterrand, le tout, c’est d’arriver à convaincre le plus de monde possible qu’on est, dans l’affaire, la victime. C’est très important, d’être la victime. Ce fut une belle imposture : être libre, cela signifie qu’on ne dépend de personne. Or l’enseignement catholique, puisqu’il faut l’appeler pas son vrai nom, dépend pour son existence de l’argent alloué par l’Etat français. Il est maintenu en vie grâce aux transfusions permanentes et importantes dans ses veines de l'argent du contribuable. Il est parvenu à ses fins en faisant subir aux mots la même inversion que Big Brother dans 1984 du grand George Orwell : « L’esclavage, c’est la liberté ». C’est ça, la Novlangue.
En consultant divers dictionnaires sérieux, j’ai trouvé une vingtaine de phobies dûment répertoriées, médicalement repérées. Une vingtaine, tout mouillé de chaud. Bon, on doit pouvoir en dénicher quelques autres dans les coins ou dans les placards : allons jusqu’à trente. Ensuite, vous allez voir sur l’incontournable Wikipédia. Là c’est du grand spectacle. Que dis-je ? C'est un feu d'artifice. A ce jour, la notice se divise en 9 parties. Je vous épargne l’énumération : disons qu’il y a les phobies au sens restreint, et les phobies au sens étendu (c’est évidemment dans ces dernières qu’il faut chercher l’imposture). J’exclus pour l’instant les mots de la chimie et de la biologie qui désignent des propriétés de corps ou d’organismes.
Au sens restreint, on trouve, attention, tenez-vous bien, quatre-vingt-onze (91) « phobies » (connaissiez-vous la « triskaïdekaphobie » ? Moi non plus. C’est la peur du nombre 13. Et la « plangonophobie », ou peur des poupées ?). Bref, c’est vous dire qu’avec Wikipédia on est dans le sérieux, vous ne trouvez pas ? Là, je me marre. Non, vous avez compris qu'on est dans le grand n'importe quoi. Je suis sûr qu’on peut en ajouter toute une liste, même en ne cherchant pas trop. Au sens étendu, on entre dans ce que la notice appelle « préjugés et discriminations », malheureusement sans dire s'il y a une parenté, et laquelle, avec la vraie phobie (voir l'exemple de Mme L. plus haut). On y trouve l’ « hispanophobie » (oui, pour introduire le paragraphe), puis, dans l’ordre alphabétique (juste quelques-uns, pour goûter) : « biphobie », « christiannophobie », « éphébiphobie », « gérontophobie », « hétérophobie », « homophobie », « islamophobie », etc. Il y en a douze, vous pouvez vérifier dès maintenant. Au total, ça fait cent trois (103) : une phobie de moins que les symphonies du grand Joseph Haydn. On est clairement dans la fantaisie, l’improvisation et l’imagination. C'est le grand n'importe quoi. On est clairement dans l’imposture.
Cette liste me fait penser à un article déjà ancien paru dans Le Monde diplomatique, intitulé « Pour vendre des médicaments, inventons des maladies », où l’auteur dénonçait la frénésie purement commerciale des firmes pharmaceutiques, désireuses de mettre en application le principe énoncé par Jules Romains, en 1923 s'il-vous-plaît, par la bouche du personnage central de sa pièce Knock : « Tout homme bien portant est un malade qui s’ignore ». Knock rêve en effet de transformer la petite ville dans laquelle il exerce en un vaste hôpital. De même, les inventeurs de « phobies » rêvent de transformer les gens normaux : « Toute personne normale est un phobique qui s’ignore ». On invente des « phobies » pour en faire tomber le maximum sous le coup de la loi, et punir les coupables.
Le mot qu’on met sur la chose découle souvent d’un choix idéologique. Entre 1940 et 1945, on savait dans quel camp vous étiez suivant que vous disiez « terroriste » ou « résistant ». Les mots qu’on utilise révèlent quelque chose de la personne qui les prononce. J’ai parlé ici le 10 mai de l’accusation de racisme portée contre Laurent Blanc. En voilà, un mot qu’on met à toutes les sauces, comme si quelqu’un, en l’appliquant à n'importe quoi, voulait en finir avec la notion même de racisme en la diluant tellement, comme dans les médicaments homéopathiques, qu’elle perd à l’arrivée toute signification.
Reste un mécanisme et une structure. Il faut trois acteurs : un accusateur déguisé en victime, un accusé, et le Code pénal. L’exemple récent des prières, le vendredi, dans certaines rues de Paris et de Marseille l’a bien montré. L’accusateur déguisé en victime, ce sont les musulmans de France, l’accusé, c’est Claude Guéant, coupable en l’occurrence d’ « islamophobie », et le levier, c’est bien le Code pénal. Je me garderai de prendre la défense du ministre de l’Intérieur. Houellebecq s’en est pris un jour à « la religion la plus bête du monde ». Un professeur de philo, Robert Redeker, a pris en 2006, une volée médiatique de bois vert quand il a osé dénoncer la violence prônée dans le Coran. Le fait seul qu’il ait aussitôt reçu des menaces de mort prouve qu’il avait raison. L’Islam en France est d’abord un fait. Même chose pour la judéophobie : celui qui en est taxé devient ipso facto un dégueulasse antisémite, parce qu’il a osé, comme Edgar Morin il y a quelque temps, critiquer la politique des Israéliens envers les Palestiniens. Même chose pour une des « phobies » qui ont le vent en poupe en ce moment : l’ « homophobie ».
Loin de moi l’idée d’approuver Guéant, Houëllebecq ou Redeker. Quant à l’homosexualité, elle est aussi vieille que l’humanité : elle est un fait. Il n’est évidemment pas question de persécuter les musulmans, les juifs ou les homosexuels : persécuter est un acte, et comme tel, il est intolérable. Ce qui est inquiétant dans toute cette affaire de mots, c’est qu’on a l’impression qu’ils sont assiégés, guettés, surveillés étroitement par des gardes-chiourme. Or, si les mots sont l’expression de la pensée, ils ne sauraient être considérés comme des actes, et encore moins jugés au même titre que des actes. Est-on sûr que développer à outrance la surveillance policière des mots soit le meilleur moyen de faire définitivement disparaître les actes contre les mosquées ou les tombes musulmanes, contre tel cimetière juif, contre les homosexuels ? Je suis très loin d’en être convaincu.
Quand la police prend le pouvoir, on peut voir ce que ça donne, par exemple en ce moment, dans la Syrie de Bachar el Assad.