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dimanche, 02 octobre 2011

TROIS HOUELLEBECQ SINON RIEN

J’ai mis beaucoup de temps avant d’ouvrir un livre de MICHEL HOUELLEBECQ. Ce qui me repoussait, je crois l’avoir dit ici, c’est la controverse : il y a quelque chose de si futilement médiatique dans la présence éphémère du parfum de quelques noms dans l’air du temps, que je tenais celui-ci pour tout à fait artificiel, voire carrément faux et illusoire, comme c’est le cas de la plupart des effervescences télévisuelles et autres. Je suis devenu excessivement méfiant. En l’occurrence, j’avais tort.

 

 

J’ai donc commencé la lecture de MICHEL HOUELLEBECQ quand son dernier roman, La Carte et le territoire, fut placé, un peu par hasard, à proximité immédiate de ma main. J’ai dit grand bien du livre dans ce blog. J’en ai maintenant accroché deux autres à mon tableau de chasse : Les Particules élémentaires et Plateforme. Conclusion, vous allez me demander ? Voilà : je ne sais pas si on a à faire à un « grand » écrivain, je ne sais pas si ce sont des « chefs d’œuvre ». Je peux dire que ce sont des livres qui comptent, et des livres qui sont plutôt du grain que de la balle, si l’image peut encore être comprise.

 

 

Je lui ferai un reproche, cependant : la place quasi-nulle qu’il fait à la musique. Et ce n’est pas le « Et allons-y pour les quintettes de Bartok… » (Particules, p. 157) qui me fera changer d’avis, d’autant plus que, si BELA BARTOK a écrit six quatuors à cordes, je ne sache pas qu’il ait composé autre chose qu’un quintette avec piano.

 

 

Des « grands » écrivains comme s’il en pleuvait, des cataractes de « chefs d’œuvre », c’est le quotidien de la rubrique « culture » des magazines, des revues spécialisées type Le Magazine littéraire, ou du  supplément « livres » d’un « grand quotidien du soir ». C’est une surabondance de productions « indispensables », d’oeuvres « incontournables ».

 

 

Moi je vais vous dire, de deux choses l’une : ou bien il règne une immense complaisance, voire une veulerie démesurée, au sein du milieu sinistré, ce milieu sinistré que l’on n’appelle plus que par complaisance  la « critique littéraire », genre « Le Masque et la plume » ; ou bien ces soi-disant « critiques » sont totalement incompétents, et n’ont plus qu’une idée très approximative de ce qu’est le littéraire. « Critiques littéraires » : quand j’entends cette expression, je pouffe, je me gausse, que dis-je : je m’esclaffe. Voilà : ils sont soit complaisants, soit incompétents, peut-être même les deux, mon général.

 

 

Le Monde des livres n’échappe pas à la règle, qui fait, en général et sauf exception, de ses papiers « critiques » de simples prospectus de promotion publicitaire au service d’un copain, ou de quelqu’un à qui on doit quelque chose, ou à qui on a l’intention de demander quelque chose, dans le jeu bien connu du « renvoi d’ascenseur ». Les lycéens appellent cette catégorie de premier de la classe « lèche-cul » (mais suspect est encore plus sale, si on décompose, essayez). Le bocal « littéraire », spécialement français, a quelque chose d’assez répugnant.

 

 

Donc, je ne sais pas si MICHEL HOUELLEBECQ est le digne successeur de BALZAC et PROUST. J’ignore si ses livres sont des Everest de la littérature. Ce que je sais, c’est qu’il travaille sur le monde qu’il a sous les yeux, qu’il dit quelque chose du monde tel qu’il est, et qu’il développe sur celui-ci un point de vue, une analyse, une proposition d’éclairage précis, une grille de lecture, si l’on veut. Si l’on est malveillant, on dira qu’il regarde de derrière des « lunettes » (vous savez, chez PIERRE BOURDIEU, celles du journaliste, celles qui déforment le monde).

 

 

C’est un romancier qui a pris position face à la « civilisation occidentale », et qui a ceci de bien, c’est que, s’il parle de lui, c’est à distance respectable, hors de portée de tir de son propre nombril et des ravages courants que celui-ci commet dans les rangs des « écrivains » français, pour le plus grand plaisir des jurés du Prix Inter en général et de PATRICIA MARTIN en particulier.

 

 

On peut trouver le point de vue développé par MICHEL HOUELLEBECQ  d’une noirceur exécrable : pour résumer, grâce à la civilisation actuelle, exportée par l’Europe, moulinée avec la sauce techniquante, massifiante et consommante de l’Amérique triomphante, le monde actuel court à sa perte et, d’une certaine façon, est déjà perdu.

 

 

L’auteur met-il pour autant ses pas dans ceux de PHILIPPE MURAY, comme je l’ai suggéré ? Je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est que PHILIPPE MURAY a développé dès les années 1980 un regard analogue sur la réalité, d’une acuité de plus en plus grande, et un regard de plus en plus pessimiste.

 

 

Avant lui, plusieurs auteurs se sont inquiétés de l’évolution de notre monde : GÜNTER ANDERS (L’Obsolescence de l’homme), LEWIS MUMFORD (Les Transformations de l’homme), HANNAH ARENDT (La Crise de la culture), CHRISTOPHER LASCH (La Culture du narcissisme), JACQUES ELLUL (Le Système technicien, Le Bluff technologique), GUY DEBORD (La Société du spectacle), et quelques autres.

 

 

Pardon pour l’étalage, mais c’est parce qu’il y a un peu de tous ces regards dans les romans de MICHEL HOUELLEBECQ, tout au moins les trois que j’ai lus (publiés en 1998, 2001 et 2010, ce qui révèle quand même une certaine constance). La « patte » de PHILIPPE MURAY, c’est l’attention portée à un aspect particulier de la crise moderne : l’humanité est devenue peu à peu superflue, submergée par des objets techniques, des gadgets qui sont devenus pour elle si « naturels », mais en même temps si dominateurs, qu’elle est progressivement devenue une vulgaire prothèse de ses propres inventions.  PHILIPPE MURAY le synthétise dans la notion de fête, dans l’abolition de tout ce qui permettait la différenciation (en particulier entre les sexes), dans le nivellement de toutes les « valeurs ».

 

 

A suivre...