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samedi, 13 août 2011

CIORAN : CE N'IMPORTE QUOI A DU STYLE

J’avais donc ouvert cette note sur le personnage de CIORAN. On connaît cet auteur en France par les aventures vécues récemment par ses Cahiers qu'une brocanteuse avait découverts dans sa cave. L’exécuteur testamentaire, YVES PEYRÉ, considérait qu’il n’y avait là que des débris. Erreur fatale ! Une mallette s’y trouvait, contenant les fameux cahiers, ceux justement qui formaient un « trou », jusque-là inexpliqué, après 1972. La brocanteuse vend les Cahiers aux enchères. La Bibliothèque Doucet, que dirige YVES PEYRÉ, fait arrêter la vente. 

 

Car YVES PEYRÉ ne veut pas recommencer le pataquès qu’il a commis quelque temps auparavant, lorsque la compagne de RENÉ CHAR a voulu DONNER des archives, et qu’il a fait le dédaigneux. YVES PEYRÉ, on peut le considérer comme un auteur considérable, si l’on en juge par le nombre de ses ouvrages publiés. Il est en général tenu pour un bon poète. J’aime assez sa manière de parler d’un peintre qui me touche en profondeur, dans l’ouvrage qu’il consacre à JEAN FAUTRIER. 

 

Mais avec CIORAN, il s’est planté. Il a dû ouvrir la porte de la cave et, après avoir vaguement aperçu le lieu à la lueur de sa lampe de poche, dégoûté, la refermer, laissant alors la brocanteuse s’emparer du trésor. Et le tribunal a tranché : les Cahiers restent à la brocanteuse, qui a toutefois promis de vendre en un seul bloc. 

 

La notice sur CIORAN rédigée par le précédemment  nommé MICHEL P. SCHMITT le présente comme un « moraliste et essayiste français, d’origine roumaine ». CIORAN, pour moi, c’était d’abord un nom, vaguement associé à la notion d’aphorisme, vous savez, ces phrases lapidaires dont la concision est censée contenir le maximum de substance, voire de sagesse. En général, c’est un milieu dense. Une sorte de « géante rouge » après sa réduction à l’état de « naine blanche » (c’est de l’astronomie).  L’aphorisme est à la littérature française ce qu’est le haïku à la poésie japonaise. 

 

CIORAN, son nom était aussi associé à un pessimisme radical, si radical qu’il en devenait paradoxal, pour ainsi dire invraisemblable. Un pessimisme intenable. A se demander pourquoi il ne s’était pas tiré une balle dans le crâne avant de commencer à écrire. Alors qu’il a vécu jusqu’à l’âge respectable de 84 ans (1911-1995). Conduire sa vie sur ce fil du rasoir sans se vider de son sang après quelques mètres, j’appelle ça être un virtuose. Mais c’est connu, les Français aiment les virtuoses roumains (DINU LIPATTI, RADU LUPU, SERGIU CELIBIDACHE, GUERASIM LUCA, …). 

 

Et puis récemment, j’ai décidé d’en avoir le cœur net. J’ai donc ouvert le volume intitulé Œuvres (Gallimard, 1995, collection Quarto). Un pavé (plus de 1700 pages), rassemblant les bouquins dans l’ordre chronologique. Et j’ai commencé par le début. Eh bien, j’avoue, je n’ai pas eu la force d’aller plus loin que la page 737, qui clôt Précis de décomposition, son premier livre écrit directement en français. 

 

Le début s’appelle Sur les Cimes du désespoir. Bon, il a une excuse, il a vingt-deux ans. Et puis, c’est écrit en roumain, autre excuse possible. Pardon, je plaisante. Je veux bien qu’il ait écrit ça en référence à SØREN  KIERKEGAARD, mais en lisant entre les lignes, j’ai surtout l’impression qu’il l’a fait après avoir subi un gigantesque désastre amoureux. Ce « chagrin d'amour », si c’est bien ça, jouerait en quelque sorte le rôle d’un cataclysme tragique et fondateur. Et qui plus est, qui a provoqué chez lui une insomnie pathologique, qui l’obligeait à marcher dans la nuit, dans les rues de Sibiu, où son père était pope. Au point qu’il peut affirmer : « Ce que j’ai de meilleur en moi, (…) c’est au désespoir que je le dois ». Ma foi, pourquoi pas ? 

 

Moi, je dois être imperméable aux « cimes ». Par exemple, je ne comprends strictement rien à : « Le lyrisme total n’est rien d’autre que le destin porté au degré suprême de la connaissance de soi » (p. 57). Et puis pardon, quand je lis : « J’ai la nette impression d’avoir concentré en moi toute la souffrance de ce monde…. » (p. 54), j’entends avant tout : « Moi, moi, moi ». 

 

Et je suis désolé, mais je pouffe en tombant sur : « Il est des expériences auxquelles on ne peut survivre ». Ce genre d’idée, on le trouve à la rigueur dans le Journal que tient un adolescent. « Dans ces moments extrêmes s’accomplit en moi une conversion au Rien. » Parfaitement. Et que pensez-vous de : « Je vous propose, quant à moi, la méthode de l’agonie… » ? 

 

 A suivre, peut-être.

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