vendredi, 13 septembre 2024
UN POÈME
1
« A l'heure d'huile du matin
un matin d'huile et d'os pilé
tombant du ciel opale une lumière
blanche ruisselante déjà
du jour à venir
toi qui tardes à choisir tes ombres
que peux-tu quitter que tu
regrettes vraiment
et laissant derrière moi la ville de mon père
son nom
oubliant le salpêtre l'éther
l'odeur tétanisante du camphre
le dessin géométrique les poings serrés
des mélodies
GÉRARD TITUS-CARMEL
La Tombée (Fata Morgana, 1987)
Je suis incroyablement touché par les œuvres picturales de monsieur Gérard Titus-Carmel, et cela depuis un certain numéro de la revue La Nouvelle Critique (Colloque de Cerisy, si je me souviens bien, fin des années 1960, si vous voyez ce que je veux dire). J'y avais admiré quelques-unes de ses "détériorations".
09:43 Publié dans POESIE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, littérature française, poésie, gérard titus-carmel, la tombée
jeudi, 10 avril 2014
GERARD TITUS-CARMEL PEINTRE
COMPOSITIONS AUTOUR DE L'X (1986),
ou : DE LA VARIATION EN PEINTURE.
09:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, peinture, gérard titus-carmel
lundi, 24 octobre 2011
PEINTURE : ELOGE DE GERARD TITUS-CARMEL
Parlez-moi, si vous voulez, de GERARD TITUS-CARMEL, bien qu’il soit beaucoup moins confidentiel. Sa peinture (parce que, figurez-vous, il fait de la peinture) est celle d’un INDIVIDU. J’ai découvert les dessins de GERARD TITUS-CARMEL dans le volume des Actes d’un colloque qui s’est tenu en 1970 à Cluny (p. 86 et suivantes). Quelques-unes des 25 Variations sur l’Idée de Rupture. Des dessins d’une netteté de scalpel. Des tiges (en métal ?) attaquées par des forces adverses, soit torturantes, soit entaillantes, soit bourgeonnantes, etc. Enfin, tous les genres de déformations qui peuvent s’attaquer au lisse de l’objet sorti de la perfection manufacturière.
J’ai connu un excellent poète (un peu hermétique, hélas) du nom de JACQUES DUPIN. Son gagne-pain, s’il est vrai que les poètes aussi doivent manger, consistait à administrer la galerie LELONG, 13, rue de Téhéran à Paris, dans le 8ème arrondissement. Une galerie abritant un certain nombre d’artistes considérables, comme PIERRE ALECHINSKY, le déjanté BARRY FLANAGAN, professeur agrégé de lapins en bronze qui, je crois, a quitté ce monde, ERNEST PIGNON-ERNEST, PAUL REBEYROLLE ou ANTONI TAPIES, pour citer mes préférés.
LELONG avait sous contrat (et peut-être encore) GERARD TITUS-CARMEL. Au fait j’avais oublié de préciser que l’un des vins préférés de JACQUES DUPIN était le Saint Joseph, si j’en crois un repas pris au restaurant, à présent disparu, « A Bon vin point d’enseigne ». J’ai toujours le bouquin absolument formidable de ses (pas DUPIN, mais TITUS-CARMEL) dessins 1971-1979 (Editions Maeght). Je vous jure, sa fascination pour les diverses manières dont la matière pure se dégrade est elle-même fascinante. Ce qui est merveilleux, ici, ce ne sont pas les textes, estimables (entre autres GILBERT LASCAULT, pas le premier venu), mais les dessins.
On y voit « 20 variations sur l’idée de détérioration », « 17 exemples d’altération d’une sphère », « 7 démontages » : je pense en les regardant au travail qu’on demande au peintre dans les livres de botanique et de zoologie. Vous savez qu’une photo de fleur ou d’animal, censée représenter fidèlement son objet, n’arrivera jamais à la cheville de ce travail du peintre. La faiblesse de la photo, c’est qu’elle ne saisit qu’un seul moment, une seule lumière, un seul contexte. Dans la réalité, impossible de retrouver quoi que ce soit sur la base d’une photo.
Le dessin et la peinture qui, faisant figurer TOUTES les informations nécessaires sur l’illustration, synthétisent tout ce qu’il faut savoir de la Centranthe rouge, de la Picride fausse Vipérine ou de la Lysimaque des bois, sont incomparablement, infiniment supérieurs pour vous apprendre à vous y retrouver. La photo, c’est l’instant isolé. Le dessin, la peinture de la chose, c’est la permanence, la quintessence de la chose, un peu de son éternité. Rien à voir.
Eh bien GERARD TITUS-CARMEL possède cet ordre d’exactitude et de précision scientifiques. Impossible de vous tromper : quand vous tomberez sur une sphère dégradée, ce qui ne peut manquer d’arriver, n’est-ce pas, ce sera forcément un dessin de G. T.-C. Un conseil, gardez-le précieusement. J’ai fait il y a longtemps la bêtise de ne pas m’endetter pour acheter quelques œuvres qui étaient montrées rue Auguste-Comte. Je m’en mords encore les doigts. Remarquez, j’ai fait la même bêtise dans la même rue, s’agissant de linogravures de JEAN-MARC SCANREIGH, mais aussi à la galerie « L’œil écoute », pour un fabuleux tableau de SERGE PLAGNOL, alors … Si ce n'est pas de la récidive, ça...
C’est la même précision et la même exactitude qui commandent aux « Démontages », aux « Déambulatoires », avec toujours le souci de marier en les distinguant à l’extrême les matières (bois, métal, ficelle, chiffon, fourrure), dans des dispositifs agencés selon une logique implacable mais mystérieuse. Les « Déambulatoires » comme des cadres de tableau où le tableau importe peu. Cela pourrait facilement virer à la préciosité. Même genre de travail avec les « Four seans sticks », la « Suite italienne », les « Noren », les « Constructions frêles ».
Il y a quelque chose de japonais dans le regard de GERARD TITUS-CARMEL sur les choses. Que ce soit dans la cuisine ou l’aménagement de la maison, les Japonais aiment confronter des matières dont les êtres sont opposés, par exemple le rugueux noirâtre et mat de la fonte confronté à un couvercle de porcelaine lisse et colorée, ou le cylindre vénérable d’un pilier de bois non travaillé sur le fond de laque brillante noire et rouge de cette loge ménagée dans le mur de la pièce principale.
Je m’enorgueillis de posséder le catalogue intitulé « The Pocket Size Tlingit Coffin » (ou « cercueil tlingit de poche », les Tlingit étant une peuplade d’Alaska), non pas pour l’indigeste et rébarbatif baratin de monsieur JACQUES DERRIDA en personne (mais on a l'habitude), dont les premiers mots sont : « 30 novembre 1977. – et ainsi du reste, sans précédent. ». Voilà, vous savez tout du baratin, pas besoin de lire tout le filandreux qui suit, que DERRIDA a chié en se tordant les boyaux de la tête (mais on va dire que je suis bêtement anti-intellectuel, ce qui est peut-être vrai).
Ce cercueil, d’abord, il faut savoir que c’en est un, tellement ça a l’air d’un jouet. Soit une petite boîte en acajou (environ 10 centimètres de long), fermée par une plaque d’altuglass, et comportant différentes petites pièces d’accastillage. Si vous avez aimé les séries de GERARD TITUS-CARMEL, là, vous serez servis : 127 fois exactement. C'est exactement comme ça qu'ANTOINE PARMENTIER a converti LOUIS XVI aux patates. Le même mets, accommodé de 127 manières différentes. Et pas deux pareilles : au crayon, à l’encre, à l’aquarelle, au trait, en à-plat, comme s’il voulait récapituler les trésors des techniques graphiques.
Cela me fait penser à un bouquin de GEORGES PEREC : Tentative d’épuisement d’un lieu parisien. Si c’est un petit « cercueil » (rien n’est moins sûr), GERARD TITUS-CARMEL s’efforce de l’épuiser, de le vider de toute la force qu’il possède. Malheureusement, en même temps qu’il le vide, par le fait même il le renforce. L’objet irréductible devient en soi un défi. En voulant en venir à bout, le peintre l’élève en majesté. « Damnation, encore raté. » D’où cette fuite dans toutes sortes de « séries ». J’ai le même respect pour les « Intérieurs », « Eclats & Caparaçons », « Suite Chancay ». Respect à cause du respect de l’artiste pour les choses.
Moralité : le réel est inépuisable, tout simplement parce qu’il ne nous paraît mangeable qu’au prix d’un désespoir et d’une illusion. Je me demande si ce n’est pas pour ça que nous nous vengeons de lui en consommant physiquement la planète.
Ce que je reproche finalement à tous les « fabricateurs » et autres « truqueurs » contemporains qui s’intitulent « artistes », c’est une incroyable arrogance face au monde, auquel ils croient pouvoir impunément substituer le leur. Comme s’ils avaient un monde ! Comme s’ils étaient un monde ! Ils posent leur unique idée sur les trottoirs de la culture comme on voit les merdes de chiens sur les trottoirs des villes, à la façon des mystificateurs JEFF KOONS ou TAKASHI MURAKAMI, des clowns qu’un snob désinvolte et dégénéré, avide de bruit médiatique (JEAN-JACQUES AILLAGON) a laissés récemment souiller le château de Versailles de leurs déjections.
Au temps de LOUIS XIV, la puanteur était une réalité quotidienne (due à l’absence totale de « toilettes »). Cette fois, c’est l’aristocratie en place qui fait tomber des trous du cul des « élites » cette bouse nauséabonde. Une telle ARROGANCE est d’origine biblique (« Tu seras possesseur et maître de la nature »), et a quelque chose à voir avec celle de l’Occident, qui a plié le monde à sa discipline. Il faudra que je revienne là-dessus. Rien de tel chez GERARD TITUS-CARMEL. Dieu merci.
Dire que je n'ai même pas parlé de l'oeuvre poétique de GERARD TITUS-CARMEL ! Car il en a publié, le diable d'homme. Très souvent chez Fata Morgana (La Tombée, Le Motif du fleuve, Instance de l'orée, Gris de Payne), mais pas seulement.
Fin de la série, pour le moment.
09:00 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, peinture, art, gérard titus-carmel, jacques dupin, galerie lelong, jacques derrida, georges perec, jeff koons, takashi murakami