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vendredi, 29 mars 2013

L'ENFANCE DE L'ART AU POUVOIR

 

 

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CECI EST UN BROWNING CALIBRE 7,65 DE LA MANUFACTURE DE HERSTAL, BELGIQUE

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Ce billet s'adresse à ceux qui savent ce que c'est qu'une partition de musique :

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UNE PARTITION DE MUSIQUE, VOILÀ CE QUE C'EST

CECI EST LE BWV 849 : JE NE FERAI A PERSONNE L'INJURE DE PRÉCISER DAVANTAGE

 

 

Tout le monde est d’accord, n’est-ce pas ? Les arts ont subi au 20èmesiècle une révolution décisive. Un coup d’Etat permanent, d’ailleurs. La  Transgression majuscule et perpétuelle, Philippe Muray le déplorait déjà, est devenue un mode de vie. Tout ce qui peut être transgressé doit l’être.

 

Et tout ça du seul fait d’une marmaille déchaînée, de toutes les petites classes lancées contre tous leurs profs, toutes leurs écoles, tous les principes hérités de papa-maman, et même de pépé-mémé, et cela du seul fait qu'ils sont hérités. L'héritage, voilà l'ennemi. Les morpions qui ne cessent de débarquer sur la planète, ce qu'ils veulent, c'est être des pères et des mères sans avoir été d'abord fils et filles de quelqu'un. Il veulent être l'origine. Le morveux d'aujourd'hui se proclame ancêtre. Fondateur. De quoi ? Mais de soi-même, bien sûr ! Ne rien devoir à personne.

 

La sagesse voudrait que tout un chacun se convainque que, désormais, représenter le monde, les hommes, les choses est tout à fait impossible. Et pourtant, un petit village gaulois ne se résigne pas.

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Comme chantaient les Olivensteins en 1979 : « Euthanasie papy ! Euthanasie mamy ! Vot’calvaire est fini ! Fini !», variante punk nihiliste du plus connu, organisé, chenu et prolétarien : « Du passé faisons table rase ! ». Début de la grande vague des boutonneux qui déboulent dans le champ visuel des vieux éberlués, tétanisés, bientôt ratatinés. Que dis-je, une vague : un raz de marée, un tremblement de terre, un tsunami. L'engloutissement de l'Atlantide !!!

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CECI EST UNE PARTITION ECRITE PAR LE PETIT GEORGES APERGHIS (11 ANS)

En musique, ce fut d’abord un sale gosse du nom de Wagner, avec sa mélodie et sa progression harmonique continues, bientôt suivi par la cohorte des merdeux : les petits Debussy, Zemlinsky, Satie, Scriabine, sans oublier le dernier vieux bébé Liszt, qui se font un plaisir de désarticuler les codes, sans toutefois que ça soit inécoutable. 

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CECI EST UNE PARTITION ECRITE PAR LE PETIT KARLHEINZ STOCKHAUSEN (8 ANS)

(sur un air de : "Il était un petit navire !")

Mais ils furent bientôt suivis par le trio infernal des loupiots iconoclastes de Vienne (les garnements Schönberg, Berg et Webern, ce dernier bien puni, le 15 septembre 1945, par Raymond Norwood Bell, soldat américain qui avait pour mission de faire respecter le couvre-feu, et qui lui a donc tiré dessus sans sommation : a-t-on idée, à huit ans, de fumer le cigare, de nuit, juste pour épastrouiller les copains ? Et surtout en présence de Raymond Norwood Bell ?). 

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BRAVO AU PETIT HORACIO VAGGIONE (6 ANS) POUR SES INNOVATIONS DANS L'ECRITURE DE LA MUSIQUE (ici, L'Art de la mémoire n° 2)

Les mêmes mauvais coeurs qui se sont réjouis de la brutale disparition de ce fanatique atonal, sériel et dodécaphonique qu'était Anton von Webern, et à qui l'on ne saurait d'ailleurs donner complètement tort, ont proposé à Pierre Boulez de fumer un cigare, un soir de couvre-feu, après un concert dans les ruines de Sarajevo, mais ça n'a pas marché : Raymond Norwood Bell était à la retraite. De quoi nourrir quelques regrets.

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CECI EST UNE PARTITION ECRITE PAR LE PETIT EDGAR VARÈSE (7 ANS)

Je passe sur Stravinsky, Boulez, Stockhausen, pour arriver à Pierre Schaeffer qui, après-guerre, décréta que tous les sons, onomatopées, clapotis, rugissements, borborygmes, gargouillements, bref, que tous les bruits, naturels ou fabriqués étaient une musique aussi authentique que tous les autres sons. Plus fort encore que Schönberg, l’égalitarisme absolu de tout ce qui s’entend. C’est bien connu : « Passé les bornes, y a plus de limites ! ». 

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CECI EST UNE PARTITION ECRITE PAR LE PETIT IANNIS XENAKIS (5 ANS)

Toutes sortes de vaisselles ont été mises à contribution, toutes sortes de tortures infligées aux instruments connus, toutes sortes d’objets déposés sur les cordes des pianos de concert, toutes sortes de matériels électroniques ont été inventés pour déformer les sons, mais aussi les masquer, produire, amplifier, pulvériser, réduire, couper, recoller, rabouter, et Dieu sait quoi encore. Grâce à l’électricité, l’électronique, l’informatique, tout est devenu possible.

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CECI EST UNE PARTITION DU PETIT GIACINTO SCELSI (10 ANS)

Tout est donc possible. C'est un certain Nicolas Sarkozy qui doit être content : c'était son slogan en 2007 (« Ensemble, tout devient possible ! »).

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

NB : Ceux qui verraient une corrélation entre l'illustration introductive et le propos ici tenu ne montreraient que deux choses : qu'ils ont du mal à dissimuler la noirceur de leurs intentions, et que celles-ci ne sont pas infondées.

 

 

lundi, 17 octobre 2011

SONNETTE POUR VIOLON SALE (3)

Revenons à la musique. Par exemple à l’électronique (électroacoustique pour les puristes). Produire des sons en passant par des machines, voilà une logique, non de musicien, mais d’ingénieur. La musique électroacoustique est d’abord une musique d’ingénieur. Songez-y bien : le musicien pense « musique » ; l’ingénieur songe « procédés ». IANNIS XENAKIS, musicien unanimement célébré dans le monde, est d’abord un ingénieur, diplômé de l’Ecole Polytechnique d’Athènes. Le 20ème siècle fut fasciné par ses propres pouvoirs, au point d’atteler le bétail du  génie musical à la charrue des compétences de l’ingénieur. C’est un grand risque, je dis, moi.

 

 

C’est vrai que l’instrument de musique traditionnel, c’est idiot, finalement, parce que ça ne peut servir qu’à ce pourquoi ça a été fait : de la musique (soufflée, frottée, frappée, c'est les trois manières). Un violon, ça a un usage exclusif. Tandis que les machines servent ENTRE AUTRES à produire des sons musicaux. On pourrait les faire servir à tout autre chose (et on ne se gêne pas) : le contrôle d’une chaîne d’assemblage de voitures, par exemple. Le fond de l’affaire, c’est que ces machines font de la musique accessoirement, et pas exclusivement. La musique n’est qu’une des multiples fonctions qu’on peut leur faire  remplir. Voilà, dans le principe, ce qui me gêne dans la logique de l’ingénieur appliquée à la musique.

 

 

Car voyez les performances inégalées, et encore moins dépassées, du siècle des ingénieurs : 20.000.000 de morts en quatre ans de guerre mondiale, puis 50.000.000 en six ans de guerre mondiale bis, puis la bombe atomique, comptons pour rien quelques génocides du début à la fin du siècle, et quelques destructions subsidiaires. Bref : de quoi être fier. Il était normal d’imaginer que l’homme pourrait surpasser l’homme par ses inventions techniques et par le pouvoir des ingénieurs, et que les machines pourraient reproduire TOUS les instruments de musique connus, et bien au-delà. On y est arrivé.

 

 

C’est ainsi que des milliers d’ingénieurs se sont rués dans la brèche ouverte par MAURICE MARTENOT (l’onde Martenot) et LEON THEREMINE (LEV TERMEN : le Theremin). A propos de ce dernier, il y a une vidéo marrante qui traîne sur internet.

 

 

Dans le très bas de gamme, cela donne JEAN-MICHEL JARRE, moins musicien qu’homme d’affaires avisé et organisateur de grands spectacles. Pas besoin d’épiloguer.

 

 

Passons à l’échelon au-dessus : les Allemands. Eux, ils donneront aux appareils électroniques une tout autre dimension : j’ai encore quelques disques des groupes de l’époque : TANGERINE DREAM (Stratosfear), KLAUS SCHULZE, le dissident du précédent, KRAFTWERK (« Bahn Bahn Bahn, auf der Autobahn »), AMON DÜÜL II,  ASH RÂ TEMPEL. Mais les Allemands, quand ils entreprennent, c’est tout de suite une autre dimension (voir MANFRED EICHER et son label ECM). Tout ça reste malgré tout de la simple pop music. Je n’ai rien contre, hein !

 

 

En milieu de tableau, comme on dit au football, cela donne XAVIER GARCIA, GUY REIBEL, CHRISTIAN ZANESI, et dans le sillage, divers tripatouilleurs de potentiomètres, bidouilleurs d’amplificateurs et autres machins, trucs et bidules. Je ne déteste pas Granulations-sillages, de GUY REIBEL. XAVIER GARCIA, ce n’est pas mal. Bon, il a posé ses sons sur Amers, œuvre grandiose de SAINT JOHN PERSE. Ce faisant, a-t-il servi la poésie, ou bien s’est-il servi d’elle ? Je penche pour la deuxième réponse.

 

 

Mais c’est vrai aussi de pas mal de musiques posées sur des textes, alors que c’est très difficile d’arriver à les marier intimement. Même Un Coup de dés, musique « normale » de CLAUDE BALLIF sur la grande œuvre hermétique de STEPHANE MALLARMÉ a du mal à convaincre les mallarméens.

 

 

Dans le très haut de gamme, maintenant, cela donne, à tout seigneur tout honneur, PIERRE HENRY, qui, depuis sa célèbre Messe pour le temps présent, popularisée par le ballet de MAURICE BEJART, n’en finit pas de tracer son sillon (c’est chez lui qu’il donne ses concerts), suivi de près par FRANÇOIS BAYLE et BERNARD PARMEGIANI. DENIS DUFOUR, lui, est un homme sympathique, qui vit pieds nus pour ressentir les vibrations du monde qui l’entoure. Il a composé une fort belle pièce en l’honneur du grand texte de STIG DAGERMAN, Notre Besoin de consolation est impossible à rassasier (minuscule opuscule, chez Actes Sud).

 

 

J’ai assisté il y a longtemps à un concert de musique « acousmatique » à l’Auditorium, donné par FRANÇOIS BAYLE, tout seul installé face à la scène, devant une immense table de mixage (donc tournant le dos au public). Sur celle-ci, pas de chaises ni de pupitres, mais une armée de hauts-parleurs de toutes tailles, orientés dans tous les sens. Un concert sans humains pour faire les sons, ça fait a priori austère. En vérité, ce fut un concert formidable : il suffit d’être là et de laisser les ondes acoustiques produire les sensations physiques pour lesquelles elles sont fabriquées. C’est comme un massage : je suis ressorti euphorique et plein de vigueur intérieure. C’est très hygiénique, vous ne trouvez pas ?

 

 

Je dirai pour conclure sur ce point que des musiciens spécialisés exclusivement en électroacoustique (et qui soient vraiment des compositeurs), il n’en existe pas des pléiades, et que c’est peut-être heureux, en ajoutant que c’est une chose d’écouter un disque chez soi, sur son appareil, si sophistiqué soit-il, mais que  l’expérience du concert en est une tout autre, vu l’importance prioritaire de l’espace dans lequel ça se passe, et de la spatialisation des sons. J’ai dit.

 

 

La boutique attenante, maintenant, n’est pas une boutique, mais un  hangar, que dis-je, un bazar, un fatras, un souk. C’est à tous les rayons qu’on en trouve et à toutes les sauces qu’on en mange, de la « bande magnétique » : pour orchestre et bande magnétique, soprano, harpe et bande magnétique, n’importe quoi et bande magnétique. IVO MALEC (né à Zagreb) a même composé Dahovi, pour bande magnétique solitaire, où il s’agit « de varier un son blanc (au sens poétique plutôt qu’acoustique). Un grand jeu de mixages successifs, d’agglomérations et de tensions, alterne, le long de la pièce, avec les passages dessinés de quelques lignes ou quelques ombres seulement » (propos du compositeur). Débrouillez-vous avec ça.

 

 

Moi, je ne veux pas critiquer, vous me connaissez, je n’ai pas le cœur à ça, mais je vois bien le concert, dans ces conditions : vous vous installez dans la salle. Sur la scène, une table avec un magnétophone (raisonnons « à l’ancienne ») posé dessus. La salle se remplit. A la sonnerie, le compositeur (ou le technicien de plateau, ou le concierge, ou un passant qui est là parce qu’il a vu de la lumière), entre en scène, va vers la table, appuie sur le bouton « marche » et s’en va. La bande finit par s’arrêter. Tout le monde applaudit le magnétophone. Et je rigole.

 

 

Bon, maintenant l’informatique a encore simplifié et miniaturisé : tout est programmable, sauf le nombre de spectateurs payants. Au moins, à la fin de son concert, FRANÇOIS BAYLE a-t-il pu se lever, se retourner et saluer. Je ne me vois pas applaudir un ordinateur. Même si l’olibrius qui a en laboratoire charcuté le programme entendu par le public vient saluer à la fin, je me vois mal le congratuler.  

 

 

Autant, à la fin d’une « exécution », compte tenu des aléas, ça se justifie, autant un programme définitif qui s’est déroulé à la bonne vitesse, est-ce que ça s’applaudit ? Dans ce cas, chaque Japonais qui passe devant La Joconde devrait taper frénétiquement dans ses mains. Il n’est même pas sûr qu’aucun ne le fasse. A la rigueur, on pourrait organiser l’occupation de la salle de La Joconde par groupes, pour faire comme au concert. Mais que voulez-vous, ce sont les Japonais.

 

 

J’ai aussi assisté à des concerts comportant un « dispositif ». Alors là, je me suis longuement interrogé sur ce que c’était qu’un « dispositif ». Je vous donne un exemple : sur scène, un tromboniste de jazz connu (j’ai oublié son nom) souffle dans son instrument. Un « dispositif » est là pour transmettre le son à un « programme » relié à un « palpeur » (???), devant lequel une danseuse exécute des mouvements censés être modifiés par je ne sais quoi. On m’a parlé de « dispositif interactif ». Génial, non ? Autre salle, autre exemple, mais cette fois, le « dispositif » était placé à l’intérieur du piano, pour quoi faire ? Mystère.

 

 

Dans les concerts électroacoustiques, ou avec bande magnétique, ou avec « dispositif », ce qui me gêne, c’est d’être interdit de coulisses. Dans un concert avec les instrumentistes en direct, il n’y a plus de coulisses. Il arrive qu’une corde casse : on recommence, ou on continue, mais ça s’est passé. Ici, on a l’impression que l’essentiel se passe hors de la vue des spectateurs, dans un laboratoire inaccessible au commun des mortels. Le reproche que je fais, c’est que cette musique-là reste une affaire de spécialiste, voire d’expert.

 

 

A suivre une autre fois.