dimanche, 18 mars 2012
PÊLE-MÊLE D'UN CARNET DE LECTURE (10)
Signé Picpus, de GORGES SIMENON
Un bon petit Maigret. L’histoire d’un homme qui est mort, mais que tout le monde croit encore en vie : le médecin Le Cloaguer a jadis sauvé la vie de la fille d’un Argentin richissime, qui lui alloue, à lui en personne et tant qu’il est vivant, une rente annuelle de 200.000 francs. Il meurt bêtement. Sa veuve le fait emmurer dans une villa du midi et le remplace, pour continuer à toucher la rente, par un clochard qui lui ressemble, qu’elle tyrannise et terrorise. Mais un certain M. Blaise découvre le pot aux roses, et fait chanter la dame, avec l’aide d’un malfrat de la Côte, Justin. Maigret, comment fait-il, va tout deviner. Quel homme ! What a man ! C’est vite lu.
La Grande fugue, d’ANDRÉ FRÉDÉRIQUE
Ce roman est partiellement autobiographique : c’est le dernier de l’auteur, qui s’est suicidé en 1957, avant son achèvement. L’action, selon son propos liminaire, se conforme à l’exigence d’unité de temps : une journée. Sur la page de titre, après lecture (6 juillet 2008), j’avais écrit : « Que livre étrange, inclassable, désespéré ! ». Le héros se prépare à se marier. C’est l’occasion pour lui de revenir tant soit peu sur sa vie et de flinguer quelques personnages de son entourage dans des portraits tirés à bout portant. Le milieu est la bourgeoisie moyenne, avec tous les travers psychologiques et culturels. La dernière scène montre le héros habillé « en maître d’hôtel » et qui se sent anéanti de ridicule : « C’était fini, pour toute cette canaille il serait éternellement le type qui s’est marié en maître d’hôtel ».
Quelques nouvelles de STEFAN ZWEIG
Amok
Histoire d’un médecin expatrié en Malaisie, qui refuse de faire avorter une femme qui, après opération clandestine ratée, agonise et meurt. Lui est fasciné par le caractère indomptable de cette femme, irréductible. Il fait le serment que le secret sera gardé, obtient un faux certificat, retourne en Europe avec le cercueil et, dans le port de Naples, se jette sur le cercueil transbordé et disparaît avec lui dans l’eau.
La femme et le paysage
Atmosphère torride, extrême. Aventure fantasmatique entre le héros et une jeune fille. Il ne se passe rien, mais cela avec une intensité extraordinaire. On attend un orage, qui tarde à venir. La tension monte. Moment d’amour nocturne. La fille complètement hypnotisée. Puis au moment de l’irréparable, le charme se brise, et elle s’endort paisible.
Lettre d’une inconnue
Une femme qui va mourir écrit à un Don Juan qu’elle a éperdument et fidèlement aimé. Parmi toutes ses conquêtes, il a beaucoup de mal à se souvenir de cette petite jeune fille qu’il a allègrement, et à plusieurs reprises, au gré de la volonté de celle-ci, prise et délaissée. Seule la rose blanche qu’elle lui envoie chaque année témoigne de la réalité de la chose.
La ruelle au clair de lune
Un mari délaissé poursuit sa femme qui s’est dévergondée. Elle le méprise. La fin est ambiguë : s’agit-il d’une pièce d’or ou d’une lame de couteau ?
Vingt-quatre heures de la vie d’une femme
Une femme âgée raconte comment elle s’est laissé aller à une passion. A retenir, au tout premier plan des chefs d’œuvre littéraires : la scène des mains au casino, proprement géniale.
La Reine Margot, d’ALEXANDRE DUMAS
Il vaut mieux ne pas commenter ALEXANDRE DUMAS, mais bon, que voulez-vous, il faut ce qu’il faut, plus qu’hier et bien moins que demain. Remarquable roman « populaire », avec le portrait magistral d’un personnage puissant : Catherine de Médicis, tissant ses complots, ordonnant ses empoisonnements. Malgré le titre, c'est la reine mère qui plane sur l'ensemble du roman.
Conduite du récit intéressante, qui laisse une bonne place à l’implicite (peut-être par commodité romancière). Personnage assez bien défini aussi du futur Henri IV, dont Dumas arrive assez bien à rendre un aspect plausible de calculateur. Tout le roman baigne dans une atmosphère entre l’éclat extérieur, et ce qui se dit, se trame et se passe dans les couloirs, derrière les portes et les murs. Et cette reine, vingt dieux de vingt dieux, qui a un double de toutes les clés du château !
Voilà ce que je dis, moi.
09:35 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : georges simenon, signé picpus, littérature, commissaire maigret, andré frédérique, la grande fugue, stefan zweig, amok, la femme et le paysage, lettre d'une inconnue, la ruelle au clair de lune, romans, nouvelles, vingt-quatre heures de la vie d'une femme, la reine margot, alexandre dumas, catherine de médicis
samedi, 17 mars 2012
INTEGRISTE, MAIS SEULEMENT EN PUBLIC
Tiens, je vais vous en narrer une bien bonne sur les musulmans. L’action se passe en Egypte. On sait que les Frères Musulmans et les « Salafistes » se sont partagé les sièges de députés.
ÇA, C'EST AVANT L'HISTOIRE
Pour être clair, disons que les salafistes sont à l’Islam ce que Monseigneur LEFEBVRE est au catholicisme : tous prêchent le retour à la pureté des origines de la religion. Il est vrai que, plus les siècles passent, plus ce que fut la pureté originelle se couvre de brumes, de brouillards, voire de purées de pois. La Fraternité Sacerdotale Saint Pie X du catholique ne vaut-elle pas le retour des salafistes à Mohamed et aux cinq premiers imams ? Qui va être habilité pour authentifier la source ? On sera sans doute d'accord : tout ça est de la reconstruction a posteriori. Du fantasme.
L’individu qui se déclare salafiste (« salaf » veut dire « ancêtre », paraît-il) a donc l’interdiction stricte, formelle et absolue de modifier quoi que ce soit à ce que le créateur a voulu faire de lui. Il n’a pas le droit de modifier le plus petit atome qui le compose. D’où, sans doute, la pilosité, qui tend, en particulier sur les joues et le menton, vers l’infini. Le même genre de sottise que celle qui pousse les Témoins de Jéhovah à refuser les transfusions sanguines et la crémation, à cause de la Résurrection des Corps au Jour du Jugement.
Voici l’histoire : ANWAR AL BILKIMY a donc été élu député. Un jour, le visage couvert de bandages et de pansements, il déclare à la télévision qu’il a été sauvagement agressé dans sa voiture par une bande armée qui lui a, au surplus, volé 100.000 livres (égyptiennes, comme la télévision). Résultat, un déluge de témoignages d’amitié et de solidarité.
N'EST-CE PAS, QUE ÇA FAIT VRAI ?
Seulement voilà, tout est faux. Le personnel de l’hôpital où a été soigné ANWAR AL BILKIMY a prévenu les autorités, qui ont ouvert une enquête judiciaire, qui a ému violemment le parti salafiste Al Nour, qui a demandé des explications au député, qui, sous les diverses pressions qui commençaient à s’exercer, est passé aux aveux.
Et vous savez quoi ? Ce député à cheval sur la loi coranique, ce député faisant la leçon à tout le monde, ce député, tout simplement, s’est fait refaire le nez. Dans une opération de chirurgie esthétique. Honnêtement, je ne suis pas sûr que le Coran dise explicitement si de telles opérations chirurgicales sont autorisées ou interdites. Mais ce qui est sûr, c’est que c’est si mal vu parmi les siens que c’est rigoureusement interdit.
Ce qui a le plus de mal à passer, dans la population, c’est que le monsieur a englouti dans l'opération l’équivalent de quatre ans de salaire d’un Egyptien moyen, d’autant plus que la pauvreté a littéralement explosé depuis la chute de MOUBARAK, et que la violence et la délinquance se sont répandues. Inutile de dire qu’il a été obligé de démissionner illico de son parti et de son mandat de député, c’est bien le moins.
Il a été, pour faire bonne mesure, obligé de présenter des excuses solennelles et publiques « aux médecins de l’hôpital, à son parti, à tous les membres du Parlement, aux médias, aux forces de sécurité et au peuple égyptien ». Il me semble qu’on a oublié les femmes et les ratons laveurs, mais bon. Il y a des femmes qui n'aimeront pas la phrase précédente, je m'excuse auprès d'elles.
Ce qui me fait le plus plaisir dans cette histoire, c’est que, si celle-ci a fait scandale, c'est que d’autres se sont sans doute déroulées en coulisses mais sans en sortir. La bulle qui éclate à la surface prouve l’accumulation de gaz dans l’épaisseur de la vase au fond de l’étang. C'est bien connu, il n'y a pas de fumée sans vase.
Tiens, dans le « Proxi » (épicerie arabe) de la rue d’Austerlitz, le gérant a placé juste en vitrine, bien visible, une étagère avec un ébouriffant alignement de flasques de divers alcools forts. Et le gars que j’en ai vu sortir, très barbu et très gandoura grise, portait une grosse bouteille d’une boisson gazeuse américaine dans la main droite, et dans la manche gauche de son vêtement, il s’efforçait de dissimuler la petite bouteille de whisky achetée en même temps.
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La religion, d'accord, mais surtout comme signe extérieur. Tout dans l'affiche, rien à l'intérieur. C'est curieux, mais c'est comme ça que m'apparaissent tous ces gens qui tiennent à faire savoir à tout le monde qu'ils sont pieux, en arborant des symboles, des vêtements, des barbes ou des ratons laveurs.
J’en conclus qu’il ne faut pas confondre le principe et la réalité. Le Coran, c’est pour le principe. Pour votre gouverne, je rappelle que le principe, c’est ce qui se respecte quand on est en public. Si vous êtes en public quand la réalité se met à contredire le principe, vous êtes mal, honte à vous, shame on you. Vous méritez les fers, l'estrapade, le pilori, l'ostracisme, le bûcher, la flagellation et, pour finir, l'infamie infamante.
D'ailleurs, « Enfer et damnation, je suis fait », s’exclame Blondeaux Georges Jacques Babylas, régulièrement dénoncé en public à la fin des enquêtes du commissaire Bougret (« Ah, patron, c’que vous êtes fort ! », s’exclame le brave Charolles, béat d’admiration). La présente allusion, qui ne se trouve pas dans le Coran (pourtant j'ai bien cherché), s’adresse exclusivement aux bienheureux et aux initiés, bienheureux parce qu’initiés, cela va sans dire.
ALLEZ, JE VOUS DONNE UN INDICE
Et j’en conclus qu’être musulman, y a pas de sot métier. « L’islam, ça mène à tout, à condition d’en sortir ». Il va de soi que le présent apophtegme, empreint de la componction et de la nitescence que confère la sagesse populaire, vaut pour toute autre croyance religieuse.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : frères musulmans, intégristes musulmans, islam, salafistes, égypte, catholicisme, monseigneur lefebvre, député égyptien, anwar al bilkimy, moubarak, religion
vendredi, 16 mars 2012
BESOIN D'EPOUVANTAILS
Résumé : nous avons assisté au défilé de mode de dictateurs de générations différentes, plus ou moins à la page pour ce qui est du sang sur les mains, et surtout à leur désignation très smart, par le soin de puissances occidentales avides de convaincre le monde, y compris à coups de bombes, qu’elles constituent le seul « camp du Bien® » présentable et disponible sur le marché, pourvu qu'on y mette le prix. Pour le camp du Bien®, rien de tel qu'un bon Diable pour exister.
Qu’on se le dise, le « Bien® » est une marque déposée à l’INPI et appartient au monopole qui a lancé le produit sur le marché mondial. Il ne saurait être partagé. Il est huniversel (avec « h » aspiré). Dans le temps, comme disait FERNAND RAYNAUD : « Ça eût payé ! Mais ça paie plus ».
Ouvrons la parenthèse et illustrons notre propos.
Regarde comment ça s’est passé, pour KHADDAFFI. La France a la chance ingrate de posséder un archange exterminateur en la personne de Saint BERNARD-HENRI LEVY (ingrate, parce qu’elle refuse de reconnaître la dette de gloire et de prestige qu’elle a contractée envers lui). Ce n’est pas à lui seul qu’on doit la chute du colonel libyen, mais sans lui, rien n’eût été possible. Enfin, c’est ce qu’il dit.
SAINT BHL EN TRAIN DE SIGNER
LA CREME DE LA TARTE QU'IL VIENT DE
PRENDRE SUR LA FIGURE
Et regarde, maintenant que la Libye est débarrassée de son tyran, à qui toutes les puissances du continent et d’ailleurs devaient une part de leur fortune, comme tout va mieux : la liberté la plus grande règne, et l’on en a fini avec le carcan policier et militaire ; l’égalité la plus totale s’est imposée dans tous les rapports sociaux, en particulier entre les hommes et les femmes ; la fraternité la plus merveilleuse est de mise dans les relations entre les individus, qui n’en sont pas encore, cependant, à se laisser déposséder de leur kalachnikov, qu’ils gardent sous l’oreiller la nuit, au cas où.
A part ça, on peut claironner à la face du monde que le Mal a disparu de la surface du territoire libyen. De la surface seulement, car en dessous de la surface, il y a, ne l’oublions pas, de fantastiques réserves de Bien, dont l’unité de mesure est le baril (159 litres environ).
Ce n’est pas encore le paradis, mais pas loin. Oh, pour ceux qui chipotent, c’est vrai que les tribus de Cyrénaïque ont décrété que la province était autonome du pouvoir central. C’est vrai qu’une ville du sud, occupée par des partisans de l’ancien dictateur (on se demande vraiment où les journalistes vont chercher tout ça), a fait mine de se rebeller, mais le pouvoir central va résoudre l’incident dans les plus brefs délais.
A part ça, on vous jure, tout baigne. Le monde est débarrassé d’une sale engeance, et ceux qui ne sont pas morts sont heureux. C’est NICOLAS SARKOZY qui vous le dit, lui qui a joué son coup de poker susurré par son archange exterminateur Saint BERNARD-HENRI LEVY.
Les mauvaises langues diront que les compères, après avoir mis le pays à feu à sang, le laissent dans l’anarchie et dans la charia (c’est du moins ce qu’a décrété un des chefs au lendemain de la mort de KHADDAFFI).
Et accessoirement que, grâce à l’intervention occidentale, tout le Sahara est désormais inondé d’armes de tout calibre, y compris des « orgues de Staline » et des missiles de plus longue portée. C’est Al Qaïda qui se frotte les mains. Et regardez les Touaregs en Mauritanie. Le camp du Bien sait ce qu’il fait, on vous dit. Le camp du Bien ne peut pas se tromper.
Moralité ? Il n’y en a pas. Il a l’air malin, le camp du Bien, maintenant que l’ennemi personnifié dans le Grand Diable KHADDAFFI est effacé des tablettes. Qui peut dire aujourd’hui quelles sont les forces qui foutent la pétaudière en Libye ? Pas moi. L’Occident a cependant bonne conscience.
Fermons pudiquement la parenthèse.
Ah non, quand même, pas tout à fait, car un autre Grand Diable est né entre-temps, en Syrie, c’est dingue, ils se reproduisent comme la vermine. Mais que fait NICOLAS SARKOZY ? Que fait BERNARD-HENRI LEVY ? Alors, messieurs, on tire un coup, et après plus rien, rideau, on remballe ?
Bobonne elle-même, dans son lit conjugal, qu’elle s’appelle ARIELLE DOMBASLE ou CARLA BRUNI, a droit à son deuxième service, non ? Et pourquoi pas à son troisième ? Ou alors, ces messieurs laissent leurs épouses se palucher pour se finir ? « Nuits de Chine, nuits câlines, ... ».
Dis-nous, CARLA, alors, c’était pour la frime, ce qu’il disait, NICOLAS : « Les Français sont contents d’avoir un président qui en a et qui s’en sert » ? C'est vrai qu'on a toujours l'impression qu'il plastronne, le petit, qu'il se vante. S'il tient aussi bien ses promesses conjugales qu'électorales, j'espère que ces dames trouvent ailleurs de quoi combler leurs attentes.
Bon, c'est pas tout ça, messieurs, mais vous avez un BACHAR EL ASSAD sur le feu. Et plus vite que ça.
Voilà ce que je dis, moi.
A suivre.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : axe du mal, société, inpi, libye, khadafi, bernard-henri lévy, nicolas sarkozy, kalachnikov, liberté égalité fraternité, cyrénaïque, baril de pétrole, touaregs, arielle dombasle, carla bruni, entarteur, bhl entarté
jeudi, 15 mars 2012
BESOIN DE GRANDS DIABLES
BESOIN DE DIABLES
Qui se souvient de SLOBODAN MILOSEVIC ? Qui a encore en mémoire le nom de SADDAM HUSSEIN ? Que reste-t-il de KIM JONG IL dans les flashes d’actualités ? Et de son cher papa, le « président éternel », le « grand leader », le « professeur de l’humanité entière », le « cher dirigeant » KIM IL SUNG ? Et du grand NICOLAE CEAUCESCU, se rappelle-t-on qu'il fut pour nombre de Roumains, plutôt de force que de gré, le « Danube de la Pensée » ? Le « Génie des Carpathes » ?
LE « CONDUCATOR »
C’est que tout passe, tout lasse, et que le firmament des despotes a tendance à s’encombrer. Y brillèrent, en des temps plus ou moins passés, bien des étoiles, plus ou moins filantes. Tout le monde a encore en mémoire la toque de léopard de MOBUTU SESE SEKO, qui vantait la qualité merveilleuse de la pelouse de son grand stade de Kinshasa, dont le sol était, selon lui, abondamment nourri et fumé par les cadavres de ses opposants.
Beaucoup se souviennent d’IDI AMIN DADA, qui proclamait sa préférence gastronomique marquée pour le cœur de ses ennemis, pas trop cuit si possible, qu’il disait prélever sur leurs carcasses pendues à des crochets de boucher, et de JEAN BEDEL BOKASSA, non exempt de tels soupçons, mais passé à la postérité surtout pour le carton-pâte généreusement recouvert d’or de son trône d’empereur, pour les diamants offerts à VALERY GISCARD D’ESTAING et pour le lien de filiation qu’il revendiquait avec CHARLES DE GAULLE en personne.
EMPEREUR DE CENTRAFRIQUE, C'EST LE PIED !
Il est certain qu’on ne s’ennuyait pas, et qu’au moins, à cette époque, on savait vivre, que diable, on savait s’amuser. Pas comme les jeunots, qui ne savent plus être dictateurs avec fastes. Tiens, même que FRANÇOIS VILLON, s’il n’était pas mort trop jeune, aurait certainement aimé composer une ballade : « Mais où sont les dictateurs d’antan ? », qu’il aurait intitulée Ballade des Diables du temps jadis, et que GEORGES BRASSENS aurait mise en musique, et que tout le monde fredonnerait dans la rue, va savoir.
Plus récemment, nous pûmes essayer, dans une génération plus « lancée » de tailleurs avant-gardistes, des modèles plus ou moins seyants de dictateurs à la page, qui eurent pour jolis noms VLADIMIR KHADAFI, SADDAM POUTINE, HAFEZ EL MOUBARAK, HOSNI BEN ALI, ALI ABDALLAH ASSAD, enfin, je ne sais plus très bien, je finis par tout mélanger. Je note quand même qu’il y a beaucoup de noms arabes dans les derniers Satans dénoncés par l’Occident.
Un Russe (VLADIMIR POUTINE) et un Vénézuélien (HUGO CHAVEZ) ont bien tenté de s’immiscer frauduleusement dans le défilé de mode, mais ils ont été rapidement démasqués. Trop visiblement, ils déparaient dans la collection : ils n’avaient pas assez de sang sur les mains. On me dit qu’on est sans nouvelles de ROBERT MUGABE (Zimbabwe), qui aurait pu les aider à « recoller au peloton », si les médias ne l’avaient pas lâchement abandonné à son sort obscur de potentat provincial.
On espère, pour le prochain défilé, que seront satisfaites les demandes de messieurs OBIANG (Guinée équatoriale), SASSOU NGUESSO (Congo Brazzaville), OMAR EL BECHIR (Soudan), ALI ABDALLAH SALEH (Yemen), et qu’ils seront autorisés à défiler pour présenter leurs modèles sur la scène internationale.
Mais trêve de plaisanterie, tous ces chefs d’Etat dénoncés à longueur de colonnes dans les journaux occidentaux occupent nos médias pour une raison précise : ils incarnent le Mal. Ce sont tous de grands diables. Et qu’on se le dise, l’Occident a besoin de « Grands Diables ». Car, qu’on se le dise, nul ne saurait disputer à l’Occident l’appellation de « camp du Bien ».
Et rien de tel qu’un « Grand Diable » pour donner force et crédibilité au camp du Bien. C'est bien connu, le Bien a besoin d'un Mal bien identifié pour exister en tant que Bien. A cet égard, la grande erreur des Occidentaux est d'avoir fait disparaître SADDAM HUSSEIN. D'abord parce qu'ils ont perdu un repoussoir, qui était quand même bien commode, ensuite parce qu'ils n'ont plus la maîtrise de rien dans l'évolution présente de la situation. Veiller à ce que le Grand Diable reste en bonne santé devrait être la première des préoccupations. Je plaisante.
Mais il est vrai qu'on a cru un temps que GEORGE W. BUSH avait le couvercle de la cafetière complètement fêlé, avec son obsession d’ « Axe du Mal ». Que je sache, il n’est plus au pouvoir, et l’ « Axe du Mal » semble avoir résisté, et mieux que ça, proliféré. On ne lui a même pas demandé son avis. Va savoir, il est peut-être vexé, GEORGE WALKER.
Maintenant, l’axe du mal se nomme Al Qaïda (AQ, et sa petite sœur AQMI, pour Maghreb Islamique, un joli pléonasme, vu l’empressement des musulmans à faire disparaître de leur paysage religieux tout ce qui n’est pas musulman), mais fait des détours par Pyong Yang, Damas, Téhéran (alors, la bombe ou pas la bombe, demandent fiévreusement les journaux ?), sous le regard paternel de Moscou et Pékin. Comme disait SEMPÉ : « Rien n’est simple, tout se complique ».
Le Grand Diable est devenu multiple et insaisissable. Cela veut-il dire que le visage du camp du Bien se fragmente et part en éclats, comme un miroir qui se brise ?
Voilà ce que je dis, moi.
A suivre.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dictateurs, tyrnas, despotes, slobodan milosevic, saddam hussein, kim jong il, kim il sung, nicolae ceaucescu, corée du nord, irak, roumanie, congo kinshasa, mobutu, ouganda, idi amin dada, bokassa, centrafrique, giscard d'estaing, charles de gaulle, françois villon, georges brassens, ballade des dames du temps jadis, muhamar khadafi, vladimir poutine, hosni moubarak, libye, égypte, ben ali, tunisie, george w. bush, axe du mal, obiang, biens mal acquis, sassou nguesso, omar el bechir, soudan
mardi, 13 mars 2012
HERMANN BROCH : LES SOMNAMBULES (fin)
Troisième livre : Huguenau ou le réalisme. L’action se passe en 1918. Wilhelm Huguenau, enfin, en plus d'être Alsacien, est un « commerçant entreprenant, avisé et sérieux ». Obligé de faire la guerre en 1917, il commence par déserter. Il arrive dans une petite ville de l’Eifel. Il ne perd pas de temps : il passe une annonce pour acheter des lots de vin de Moselle à prix modéré, et fait donc la connaissance du même Esch que l’on connaît, rédacteur du Messager de l’Electorat de Trèves, une feuille locale.
Huguenau, l’homme plein de projets fumeux, passe son temps à mentir et à échafauder alors qu’il ne possède pas la première pierre de l’édifice qu’il projette. Son « truc » est de faire entrer les autres dans ses combines : le mouvement se prouve en marchant, n’est-il pas vrai ? On pourrait ajouter : et en faisant marcher.
On découvre Hanna Wendling, femme d’un avocat, qui vit dans un certain luxe et qui aime se dorloter en pensant à son mari qui se bat quelque part en Bessarabie. On rencontre Von Pasenow, devenu un vieux monsieur, mais toujours militaire, avec le grade de Commandant. Huguenau se fait passer pour envoyé par le service de presse pour contrôler les agissements du responsable du journal local, qui a pu paraître louche. Il manigance, il a des idées, il manipule, tenant aux uns et aux autres des discours différents. On trouve un assez drôle portrait de la quintessence du comptable (p. 407).
HERMANN BROCH s’inspire de JAMES JOYCE et de son Ulysse pour écrire ce livre, souvent interrompu par des épisodes qui finissent par former des récits autonomes. Il y a par exemple l’histoire de la jeune salutiste de Berlin, dont les 16 épisodes viennent régulièrement ponctuer le récit concernant Huguenau.
Autres épisodes réguliers : « Dégradation des valeurs » (10) : « On dirait que la monstrueuse réalité de la guerre a supprimé la réalité du monde. » Chacune de nos vies se déroule, « pour ainsi dire conformément à une logique en sous-vêtements ». Merveilleuse expression : « Un logique en sous-vêtements ». Pour ne pas dire « à poil », sans doute.
La guerre induit une schizophrénie, une « dissociation de la totalité de la vie et des expériences, qui va beaucoup plus au fond qu’une séparation en individus isolés, c’est une dissociation qui descend jusque dans les profondeurs de l’individu isolé et de l’unité même de sa réalité. » Il y a la petite Marguerite, qui réclame de l’argent à Huguenau. Huguenau signe un contrat avec Esch pour l’achat de son journal.
Il y a Ludwig Gödicke qui a été si gravement blessé qu’on ne sait pas comment il a fait pour être encore en vie : son corps et son âme sont en fragments, mais qui tendent à se recoller lentement. Il y a le sous-lieutenant Jaretzki, qu’on ampute au-dessus du coude gauche, car il a été gazé, ce qui a produit une gangrène. Il y a une réflexion sur le style (« pour une époque, il n’y a rien de plus important que son style »), où l’auteur dévoile un dégoût incommensurable pour son époque.
La volonté de style a été, dit-il, dépassée par la technique. « Le style c’est quelque chose qui traverse de la même manière toutes les expressions d’une époque. » « Car, quoi que l’homme fasse, il le fait pour anéantir le temps, pour le supprimer, et cette suppression s’appelle l’espace. »
Le livre oscille entre fragments de récits et dissertations sur l’art, les valeurs, le crime, etc. Il passe parfois par des poèmes. HERMANN BROCH attribue tout le Mal de l’époque au rejet de Dieu. Ce sera encore plus net dans Le Tentateur. Il craint par-dessus tout le retour de l’humanité – retour qu’il pressent avec effroi – au grand « Léviathan » de HOBBES, « l’universel combat de tous contre tous ».
C’est aussi un philosophe qui se sert du roman pour exposer ses idées : c’est tout à fait net dans un autre livre extraordinaire La Mort de Virgile. Il parle des spécialistes, des experts, des spécialités, affirmant qu’il y a autant d’absolus que de disciplines, et autant d’absolus qui s’ignorent entre eux, ayant chacun leur logique propre.
Il se permet même (p. 625) de faire un « cours de théorie de la connaissance ». Il déplore l’héroïsation de la machine dans cette civilisation. « Mais quand on en a vraiment tué quelques-uns pour de vrai, on n’a sans doute plus besoin, pour toute sa vie, de prendre un livre en main. »
« Car le Moyen Age possédait le centre idéal des valeurs qui importent, possédait une valeur suprême à laquelle toutes les autres valeurs étaient assujetties : la croyance dans le Dieu chrétien. » Avec les machines, l’être se dissout en une pure fonction. Autant dire que la civilisation européenne, et peut-être la civilisation humaine, meurt du triomphe de la technique.
Le Commandant publie un article dans le journal où il appelle les lecteurs à croire en Dieu. Ce sera au tour de Esch de se mettre à la Bible. Huguenau essaie de perdre Esch dans l’esprit du Commandant en lui envoyant des « rapports secrets » où il expose les « faits » supposés l’accabler. Mais Esch et le Commandant se retrouvent sur le terrain de la foi.
L’auteur fait une longue analyse du Protestantisme, non une religion, dit-il, mais la première secte. Huguenau finira par planter une baïonnette dans le dos de Esch, dans une ville en train de brûler. Huguenau est « affranchi des valeurs ». Il reprendra très bourgeoisement, pour la perpétuer, l’affaire paternelle à Colmar.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : les somnambules, hermann broch, littérature, huguenau ou le réalisme, james joyce, guerre 1914-1918, la mort de virgile, le tentateur
lundi, 12 mars 2012
HERMANN BROCH : LES SOMNAMBULES
Les Somnambules, de HERMANN BROCH
Je m’en excuse par avance auprès de ceux (et surtout de celle – coucou, M.) que mes petites notes de lecture rebutent, mais je veux rendre un hommage appuyé à une grande œuvre littéraire du 20ème siècle, écrite par HERMANN BROCH entre 1928 et 1931, c’est-à-dire, il est bon de le souligner, avant l’avènement du nazisme au pouvoir.
Voilà un bouquin tout à fait ambitieux, dont les actions, situées de 1888 à 1918, chevauchent le passage au nouveau siècle. Il raconte, en gros, le début de la fin de l’Europe. On a déjà vu ça avec L’Homme sans qualités, de ROBERT MUSIL. Tiens, c'est drôle, ce sont deux Autrichiens.
J’ai dit LES actions, parce qu’il s’agit en fait d’un triptyque, qui met en scène trois personnages : l’officier noble Pasenow figurant le « Romantisme » ; le comptable Esch, l’ « Anarchie », et le déserteur Huguenau, le « Réalisme ». Un livre extraordinaire.
Une citation, p. 441, pourrait bien être à l’origine de ce pavé de plus de 700 pages : « ll est significatif qu’une époque complètement dévolue au trépas et à l’enfer doive nécessairement vivre dans un style qui n’est plus capable de produire d’ornement. ». L’architecture comme art de l’espace, la musique comme se résolvant en espace, l’architecture comme synthèse de la vie dans un espace donné, l’ornement étant comme la quintessence de ce rapport à l’espace.
Premier livre : Pasenow, ou le Romantisme. L’action se passe donc en 1888. Joachim von Pasenow fera une carrière militaire. Son identité se confond avec l’uniforme : « Ce qui est fait est fait, et quand on a pris l’habitude, dès sa dixième année, de porter l’uniforme, celui-ci vous entre dans la chair comme une tunique de Nessus et nul, Joachim moins que tout autre, ne peut alors dire où finit son moi, où commence l’uniforme. »
Il épousera la fille de la famille noble qui possède le domaine jouxtant celui de son père et réapparaîtra dans la dernière partie en Général Pasenow, rigide et, en un mot : militaire. Pour parodier le dernier titre paru de CHLOÉ DELAUME, on pourrait le désigner comme « un homme avec personne dedans ».
Dans la première partie, il hésite beaucoup au sujet de son avenir : doit-il suivre le chemin de ses inclinations ou de ses devoirs ? Il croise la route de la sensuelle Ruzena, Polonaise de basse extraction, aux tentations de laquelle il succombe, mais avec un certain sentiment de culpabilité de classe. Il croise la route de Bertrand, l’aventurier brillant et libre de ses désirs et de ses ambitions.
Mais il se conformera à l’exigence de la tradition, et épousera la carrière des armes et Elisabeth, qu’il apprécie modérément, mais qui appartient à la même caste. Elle sera d’ailleurs courtisée et momentanément séduite par le flamboyant Bertrand. Le monde dans lequel se déroule le roman semble exténué. Est-ce que l’ordre règne, se demande-t-on, devant les visibles ferments du désordre ?
« Quatorze minutes se sont écoulées depuis le premier signal et sitôt que l’aiguille aura atteint la quinzième minute, Peter, le domestique, administrera trois coups discrets au plateau de bronze. » (p. 111). L’ordre ancien semble s’imposer par la force, comme le vieux comte s’approprie le sac postal pour, seulement après, distribuer le courrier aux uns et aux autres. Mais les signes ne manquent pas qui montrent que l’ordre ancien se défait. Pasenow a parfois l’impression qu’il est réglé comme dans un cirque. Peut-être une autre façon de se dire qu’il est tout simplement vide.
Deuxième livre : Esch ou l’anarchie. L’action se passe en 1903. August Esch est un comptable, un employé de commerce de trente ans. Il se fait virer de son emploi. Son ami infirme, Martin Geyring, est un syndicaliste connu, sans doute anarchiste. Le point de ralliement est le café de la mère Gertrud Hentjen, lieu relativement minable.
La femme a trente-six ans et est veuve depuis quatorze ans. Esch, qui épousera la mère Hentjen, fume des cigares bon marché. Il rêve au nouveau monde. Il rêve d’y produire des spectacles de luttes féminines, pour lesquelles il commence d’ailleurs à recruter. Il trouve un emploi dans une grosse entreprise de commerce international, qui appartient au Bertrand du premier livre, qui mène une carrière de grand commerçant international. On est dans un temps où les individus sont devenus interchangeables. On sent parfois pointer la tentation philosophique.
C’est ici qu’est mentionné le somnambulisme : les somnambules sont les voyageurs du train qui dorment leur vie et ont cessé de croire aux discours de la « science » et de la « politique » (les « ingénieurs » et les « démagogues »). Le somnambule est l’homme à l’état gazeux, entre veille physique et envol spirituel : prisonnier.
Voilà ce que je dis, moi.
A finir demain.
09:00 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, les somnambules, hermann broch, robert musil, l'homme sans qualités, pasenow ou le romantisme, esch ou l'anarchie, chloé delaume, nazisme, autriche, autrichien
dimanche, 11 mars 2012
C'EST PARTI POUR PATA KOKOKO
DECLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DES NOTES
Pour qu'une nuit du 4 Août perpétuelle règne sur la musique.
Résumé : les concerts de musique contemporaine ressemblent souvent au bac à sable dans lequel les enfants jouent.
Et la maladie musicale commence quand on prend la décision de considérer TOUS les sons comme des sons musicaux, y compris ceux qu’on obtient en frappant le bois du piano avec le doigt ou en frottant l’archet sur les cordes, mais entre le chevalet et le cordier. Et je ne parle pas des bruits de l’usine, de la gare de chemin de fer ou de la circulation automobile. Mais l'homme n'est pas fait pour croire que la dissonance, la stridence, le cri, constituent un milieu où la vie soit possible ou désirable. Et pourtant, je l'ai cru très longtemps.
Je me rappelle, il y a longtemps, l'excellent pianiste BRUNO CANINO expliquer doctement (c'était dans les coulisses de l'ancien festival « Musique Nouvelle », longtemps voulu et porté par DOMINIQUE DUBREUIL), qu'on devait légitimement considérer comme de la musique à part entière le son produit par le choc de l'index sur l'ivoire d'une touche, sans pour autant que la note fût produite. Et comme tout le monde, je restais là bouche bée à me laisser bourrer le mou.
C'est sûr qu'il y a quelque chose de fascinant dans le fait d'être présent au moment de la naissance de quelque chose de Nouveau : l'impression d'être dans le flux du mouvement, en position d'éclaireur, en quelque sorte. Et le groupe des amateurs "éclairés" qui gravite autour de ce Nouveau, qui fonctionne un peu comme une secte, pratique en permanence l'autolégitimation réciproque, dans une espèce de narcissisme enivrant. J'étais enivré. Je trouve aujourd'hui qu'il m'a fallu bien trop de temps pour être dégrisé.
Bien du temps pour me dire qu'il s’agissait surtout, dans la musique contemporaine, d’en finir une fois pour toutes avec l'idée même de différence. En l'occurrence, la différence entre le son musical et le bruit. Ce qui revient à éliminer la différence entre la réalité et l'art. Et beaucoup plus généralement, tout ce qui peut passer pour le marqueur d'une différence. L'idée, c'est d'abolir. Peu importe ce qui est établi : il faut l'abolir, du seul fait que c'est établi.
Car, mes bien chers frères, les quelques diplodocus qui persistent à voir et à faire des différences (entre les choses, entre les êtres, entre les sexes, par exemple), ils se laissent leurrer et duper par des apparences trompeuses, ils sont dans l'arbitraire le plus total, qui est évidemment injustifiable, donc à abolir sur-le-champ. Comme le proclamait fièrement le titre d'un film : « L'homme est une femme comme les autres » (1998).
Pour revenir à ONDREJ ADAMEK, voici le descriptif présenté par ARNAUD MERLIN, de France Musique, pour introduire sa composition(c’est authentique, évidemment) : « [Le compositeur] s’est intéressé au son des gaines électriques qui se trouvent à l’entrée d’air des aspirateurs, lorsqu’on les allume et éteint rapidement ». Quel sérieux ! Et quel comique ! L’auditeur, quelque bonne que soit sa volonté, ne va peut-être pas au concert pour entendre évoquer le bruit de l’aspirateur.
La peinture contemporaine ne souffre pas d’une autre maladie que la musique : faire de la matière de son art l’objet même de son art. Renoncer à représenter pour mettre au premier plan les couleurs, les lignes, la géométrie, c’est, qu’on le veuille ou non, transformer le salon en atelier ou, si vous préférez, faire manger les invités sur la table de la cuisine.
La partie transgressive des arts contemporains, elle est là : abattre les murs, abolir les frontières, faire table rase de toute discrimination (au sens d’ « action de distinguer deux choses différentes »). Le dictionnaire a même fait du mot « discrimination » un péché grave. Et en a profité pour le transférer sans prévenir de la sphère intellectuelle, où savoir distinguer les différences est absolument essentiel, au registre moral, où l'on tombe aussitôt dans la marmite de l'enfer américain : « Love it, or leave it » (réentendu avec GEORGE W. BUSH). Tu m'aimes, ou tu me quittes.
C’est dire que ça ne touche pas seulement les arts, mais les esprits. La non-discrimination est devenue un principe sacré : il est désormais interdit de faire des différences. On comprend que la confusion la plus complète soit devenue la norme. La musique contemporaine ne saurait échapper à la destruction sciemment accomplie des différences. Le "bien" est différent du "mal" ? Cette différence, qu'on se le dise, est en elle-même un mal. Mais dans ce cas, quel est le "bien" qui s'oppose à ce "mal" ?
Quand ARNOLD SCHÖNBERG invente le dodécaphonisme (début du 20ème siècle), il entend mettre à bas l’injustice que constitue le règne de la TONALITÉ. Le dodécaphonisme sonne comme une moderne « Déclaration universelle des droits des notes » : « Toutes les notes de la gamme naissent libres et égales en droit ».
ARNOLD SCHÖNBERG décrète à lui tout seul l’abolition des privilèges des tonalités. Il fait sa « Nuit du 4 août ». Fini le règne despotique du Ré Majeur, fini le discrédit dont a toujours souffert le pauvre Si Bémol mineur. Le cubisme en peinture et le dodécaphonisme en musique accomplissent la prophétie de l’Internationale, d’EUGENE POTTIER et PIERRE DEGEYTER : « Du passé faisons table rase ».
Ce qui n’a pas pu être accompli dans l’ordre politique aura été accompli dans l’ordre esthétique. Il y a de la guillotine, du Robespierre et du Comité de Salut Public dans le dodécaphonisme. Il y a du FOUQUIER-TINVILLE (l'accusateur public de 1793) dans ARNOLD SCHÖNBERG.
Puisqu'on ne peut pas subvertir l'infrastructure, on va s'en prendre au sens, qui est la superstructure, muette par définition (je ne cite que par commodité quelques vieilles catégories marxistes). Quand les gens ne comprendront plus rien au monde dans lequel ils vivent, on pourra dire que la mission est accomplie, car on pourra faire d'eux ce qu'on veut. Il n'y aura effectivement plus aucun critère de jugement. Il s'agit, en définitive, d'abolir la capacité de jugement de l'individu.
La poésie ne reste pas à l’écart de ce joyeux élan destructeur, auquel le mouvement Dada apportera sa touche primesautière en donnant la nouvelle recette du poème : découpez chaque mot d’un article de journal, fourrez-le tout au fond d’un sac, tirez un à un les mots en les inscrivant scrupuleusement au fur et à mesure, et vous avez votre poème.
Car on ne le dit pas assez : la syntaxe, en faisant régner l’ordre des mots, fait régner la terreur, car elle donne un sens. C’est d’un arbitraire totalement injustifié. Rien que le mot « ordre » aurait dû depuis longtemps faire jeter celui des mots à la poubelle. Après tout, pourquoi le sujet se met-il avant le verbe ? Certains sont même allés plus loin, tel le doux HUGO BALL en 1916 : « te gri ro ro gri ti gloda sisi dül fejin iri » (GEORGES HUGNET, L'Aventure Dada, Seghers, 1971, p. 138).
Que ce soit dans la poésie, dans la peinture ou dans la musique, le 20ème siècle aura donc été celui, non de la démocratie, mais du démocratisme à tout crin, de l’égalitarisme à toute vitesse, de l’abolition forcenée de toute HIERARCHIE des valeurs. Guillotiner ce qui a l’audace de dépasser. De même que tout individu a autant de droits que tout autre, chacun des éléments d’expression artistique a strictement la même valeur que tout autre.
Ce qui n’était pas de l’art devient de l’art, celui qui n’était pas artiste devient artiste, il n’y a pas de raison.
Voilà ce que je dis, moi.
09:03 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : musique contemporaine, art contemporain, poésie, vingtième siècle, musique, france musique, ondrej adamek, arnaud merlin, arnold schönberg, dodécaphonisme, musique sérielle, nuit du 4 août, privilèges, internationale, eugène pottier, pierre degeyter, du passé faisons table rase, dada, dadaïsme, hugo ball, cabaret voltaire
samedi, 10 mars 2012
TU TRAÎNES SUR PATA KOKOKO !
Résumé : la musique (contemporaine) d’ONDREJ ADAMEK, l’autre soir sur France Musique, a déclenché chez moi une crise de fou-rire.
En disant que cette « musique » me fait rire, je suis absolument sincère. C’est ainsi que j’ai effectivement réagi en l’entendant l’autre soir. Nul doute qu’on assiste à un rare déploiement de compétences supérieures. Nul doute que les musiciens sont de grand talent. Nul doute que le compositeur atteste d’une ingéniosité sans pareille.
Nul doute qu’il s’est livré aux plus savants calculs pour aboutir à la « musique » que l’on entend, excessivement complexe, précise et rigoureuse. Mais qu’on me pardonne, tous ces efforts pour déboucher sur un univers de sons qui relèvent du GAG, j’avoue que tout ça dépasse mon faible entendement.
Ce qui me semble le plus drôle, dans l’affaire, c’est évidemment l’esprit de SÉRIEUX avec lequel tous les acteurs de cette comédie se prêtent au spectacle. Ce serait beaucoup moins drôle si tous ces gens avouaient qu’ils « jouent », comme des enfants dans le bac à sable. Mais visiblement, ça ne rigole pas. On n’est pas chez des plaisantins.
Dites si vous voulez à PIERRE BOULEZ qu’il bassouille dans la gadoue parce qu’il en est resté au stade sadique-anal, mais un conseil, fichez vite le camp avant qu’il vous en retourne une bonne dans la figure. Sa Majesté BOULEZ le prendrait pour un crime de lèse-soi-même. Bon, comme il se fait vieux, la gifle manquerait de force, mais allez savoir, le vieillard est peut-être encore vert …
Si la musique contemporaine a le « vent en prout », si j’ose dire, c’est parce que les morceaux ne durent pas longtemps. L’auditeur sait que sa souffrance sera brève. Le problème, c’est qu’il a du mal à repérer le moment où c’est fini, il est obligé d’attendre que le violoniste, après avoir levé l’archet de son instrument, laisse tomber le bras, et que le clarinettiste ait posé le sien sur ses genoux.
En revanche, la musique contemporaine, c’est très pratique pour les fausses notes, les attaques à contretemps : personne ne s’en aperçoit. Ici, il est à jamais impossible de dire, comme Cornélius : « Arthur, voyons, tu traînes sur pata kokoko ».
Je me rappelle, parmi les innombrables concerts de musique contemporaine auxquels j’ai assisté, une soirée passée à écouter l’ensemble appelé « Percussions Claviers de Lyon ». Le côté spectaculaire de la chose, c’est l’attitude des quatre musiciens : les mailloches en mains, ils ont adopté la position du guépard qui, tous muscles bandés, se prépare à bondir sur sa proie, se guettent les uns les autres dans l’attente, puis précipitent sur un vibraphone les notes de la partition, en gestes comme éjaculés brutalement de leurs bras. Ils sont tellement « au taquet » qu’il ne viendrait à personne l’idée d’accuser qui que ce soit d’avoir fait une faute de lecture.
De la musique contemporaine, on peut dire que j’en ai bouffé. Il y a des témoins. Demandez à J. ce qu’elle pense de Jesus blood never failed me yet, de GAVIN BRYARS. Soixante quatorze minutes quarante-trois secondes avec cette même phrase serinée, d’abord par la bouche édentée et la voix éraillée d’un vrai vagabond, puis par celle, bien mieux faite, mais plus fracassée, du grand TOM WAITS.
Il faut dire que J. ne tenait aucun compte de la richesse de l’orchestration de cette deuxième version (1993), qui comporte pas moins de 51 instrumentistes, augmentés de 13 voix chorales. On ne pourra pas dire que le compositeur s’est moqué de l’auditeur. Mais cela dit, il faut comprendre l’agacement de J., qui était alors en train d’apprendre par cœur Mam’selle Clio, de CHARLES TRENET.
Le problème de la musique contemporaine, et peut-être la raison pour laquelle elle ne pénètre pas dans le public aussi aisément que les succès de BRITNEY SPEARS, AMY WINEHOUSE ou LADY GAGA, c’est qu’il s’agit moins de faire de la musique que de produire des sons.
Voilà ce que je dis, moi.
A suivre.
09:00 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique contemporaine, france musique, ondrej adamek, lundis de la contemporaine, littérature, pierre boulez, babar, arthur, cornelius, percussions claviers de lyon, musiques en scène, gavin bryars, tom waits, charles trenet, mam'selle clio, britney spears, amy winehouse, lady gaga
vendredi, 09 mars 2012
KROMDA RIPALO PATA KOKOKO
« ARTHUR, TU TRAÎNES SUR PATAKOKOKO »
Tout le monde civilisé connaît évidemment, j’espère, la chanson chantée par les jeunes éléphants de Célesteville, sous la direction de Cornélius le sage :
Patali di rapata,
kromda kromda ripalo,
patapata kokoko.
Pas besoin de mettre la musique, sans doute, tout le monde a ça dans l’oreille. Même que le vieux Cornélius reprend l’inattentif en l’apostrophant : « Arthur, voyons, tu traînes sur pata kokoko ». On reconnaîtra que ce cantique traditionnel de l’église enfantine vaut celui que chantent en cadence cinq nègres, dans la pirogue où Tintin (Tintin au Congo, p. 35, pour être précis) et le Père Blanc, des Missions Africaines, sont montés :
U-élé-u-élé-u-élé
ma-li-ba ma-ka-si.
De patakokoko à la musique contemporaine, vous avez déjà compris qu’il n’y a qu’un pas à franchir, et que telle est bien ici mon intention : le franchir. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois.
ONDREJ ADAMEK était à l’honneur, lundi 5 mars, sur France Musique. Compositeur sympathique, jeune au demeurant, ONDREJ ADAMEK est sûrement quelqu’un de très savant, comme tous les musiciens qui jouent sa musique. Mais il y a dans cette musique quelque chose qui me chiffonne : je vois, comme s’ils étaient devant moi, des gens assis dans des tenues très protocolaires, certes, mais très « chic ».
Ils sont tous sûrement très savants. Comme dans un salon distingué, le soir d’une réception mondaine, ils échangent des propos sensés sur un ton, feutré ou non, mais toujours élégant, en trempant parfois leurs lèvres dans leur coupe de champagne. Nous sommes dans une cérémonie, un concert, comme on dit. Il y a du cérémonial dans tout concert.
Et ces gens très distingués, au concert, ne parlent pas, mais ils émettent des sons en agissant sur des instruments dits de musique, en soufflant, en frappant, en frottant. Ce qui me saute aux yeux, c’est l'OPPOSITION entre ce que je vois et ce que j’entends. Et ce qui me prend, tout d’un coup, c’est une irrépressible envie de RIRE. La scène m’apparaît soudain du plus haut comique.
Je vais essayer de transcrire la conversation : « Pouet pouet ! – Chhhh ! – Zing ! – Hin Hin Hin ! – Ouah ? – Prout ! – Cui cui ! – Patakokoko ». Et ça dure un quart d’heure, peut-être même plus. A la fin, tout le monde est à bout d’argument, donc « le combat cessa faute de combattants ». Alors, pour les départager, le public applaudit. Je caricature, évidemment, mais je vous assure que c’est à peu près ça. Ce fut un concert de musique contemporaine.
Ça me fait penser à une très ancienne bande dessinée de SEMPÉ, où l’on voit, pareil, mais autour d’une table, des messieurs très sérieux, guindés, émettre des onomatopées du genre : « Grimph ! Chlouch ! Flaps ! », et comme ça pendant un bon moment. Tout le monde a la mine grave.
Jusqu’à ce que l’un d’eux sorte : « Zgrouitch ! ». Là, tout le monde se met à sourire et à applaudir. La dernière image montre des murs de ville couverts de gigantesques affiches vantant les mérites du dentifrice révolutionnaire « Zgrouitch ». L’avant-dernière image de la bande a d’abord montré les dignes messieurs qui sablent le champagne pour fêter la mise au point finale de la campagne publicitaire du dit dentifrice. Voilà.
La musique d’ONDREJ ADAMEK, c’est l’équivalent d’un dessin humoristique de SEMPÉ : on dirait qu’il s’agit de déclencher le rire de l’auditeur par l’opposition, disons même l’incompatibilité entre, d’une part, le visible, l’immense sérieux et l’incomparable professionnalisme d’une vingtaine de musiciens passés par les plus hautes écoles et les plus prestigieux conservatoires, et d’autre part, l’audible, j’ai nommé le GAG AUDITIF permanent que constituent les sons qu’ils font sortir de leurs instruments. Cela dit, je ne suis pas sûr qu’ONDREJ ADAMEK serait content d’apprendre qu’il a composé de la musique comique.
Voilà ce que je dis, moi.
A suivre.
09:00 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, littérature, babar, céleste, arthur, cornelius, tintin, tintin au congo, musique contemporaine, france musique, arnaud merlin, ondrej adamek, sempé, humour, dessin humoristique
jeudi, 08 mars 2012
PÊLE-MÊLE D'UN CARNET DE LECTURE (9)
L’Avenue, de PAUL GADENNE (1907-1956)
Livre acheté par hasard. Excellente surprise. Une longue et lente méditation sur le temps, l'art, soi. Des faiblesses de style au début (disons des "stridences", comme celles qui font mal aux oreilles). Mais des formules sublimes (j'ai la flemme de les rechercher maintenant). Le personnage, Antoine, est sculpteur. C'est un livre d'architecte, d'organisation de l'espace, sur le sens de la vie comme construction d'un espace.
Sans doute quelques clés sur l'époque (Pétain ? Le juif ?). Mais une occultation du réel historique, qui ouvre sur la généralité. Une ville (Gabarrus), une maison avec son atelier, une avenue, une Construction, qui est parfois une Résidence, peut-être un chantier de démolition, peut-être des ruines.
On ne sait pas qui construit, ce qui est construit, détruit (le construit et le détruit ne sont-ils pas interchangeables ?). On ne sait pas si Antoine achèvera sa sculpture "Eve" qui doit être son chef d’œuvre, où il aura mis tout le sens de sa vie.
Impossibilité de saisir le sens de sa propre vie, et à plus forte raison le sens de la société (les dogmatiques autour de l'Instituteur). Tromperie de tous les projets nettement formulés. Pour le créateur, impossibilité de faire passer l'idéal dans le réel. On ne sait rien des distances, de la disposition des éléments de l'espace les uns par rapport aux autres. Qu'est-ce qui est une ruine ? Un bâtiment achevé ? Pourtant l'idéal existe. Que peut-on savoir de soi et du monde ?
Un livre de l'errance personnelle dans un réel qui échappe, des êtres qui, d'un coup révèlent leur profondeur (discours de l'agent d'assurances, lettres posthumes d'Irma) dans des passages d'une grande beauté poétique. Formidable.
Livret de famille, de PATRICK MODIANO
Passionnant. Par la virtuosité de l'auteur et la composition du livre. Par la façon dont parfois, il suffit à l'auteur de créer, derrière un instant, un personnage, un espace, une profondeur palpable, mais sur laquelle on ne peut rien dire.
A cet égard, le séjour du jeune Patrick (15 ans) avec son père chez des aristos de la plus belle eau (manières, amoralisme...) pour une chasse à courre dont il n'a rien à cirer est intéressant. Tout ce qui précède la chasse (la signature d'un mystérieux document pour le père, la meute, le repas...) est raconté en détail. On ne saura rien de la chasse et de ce qu'en aura pensé le fils.
Dix-huit chapitres : ça tire dans toutes les directions (Biarritz, la Suisse (ah ! cet épisode !), Toulon, autour du centre de cette toile d'araignée : Paris). Aucun lien narratif entre l'ensemble des épisodes (ou si peu). Le seul lien, c'est le narrateur, qui se présente comme étant l'auteur. Le père, la mère, l'oncle Alex, l'ami Muzzli, la femme, etc... Le cinéma, la littérature. L'Histoire avec l'ancien nazi Gerbauld qu'il a envie de tuer, mais il renonce. Un ancien prince d'Egypte déchu, à Rome.
Nommer les lieux pour qu'ils évoquent, voilà un art. Tel café, tel immeuble, telle vue, pas grand-chose. Mais ça existe. Le jeu des lieux, de l'espace, des générations. Très fort. Et le temps ne compte pas : le narrateur se souvient au présent d'événements qu'il n'a pas pu matériellement vivre. Caractère d'évidence de tout ça. Très fort. Et prenant : le frisson à trois ou quatre reprises.
Au Château d’Argol, de JULIEN GRACQ
Un livre fort, par sa cohérence esthétique, par le parti-pris narratif, tant soit peu artificiel. L’étrange comme texture, hors du temps, hors d’un espace géographique défini, mais éminemment géométrique. Un château splendide et surhumain, une forêt profonde, la mer. La météorologie apportant son lot. Deux hommes, une femme.
Le châtelain, Albert, voit deux êtres complices arriver. Entre les deux hommes, une ancienne amitié, mais, et c’est répété, fondée sur quelque chose d’inavouable. Entre Heide et Albert, une séduction mutuelle qui ne se conclut jamais. Un symbolisme surchargé, excessivement plein, comme si l’auteur avait voulu faire un roman cabalistique. Mais c’est alchimique pour la frime et pour l’esthétique. Une scène très curieuse, dans une salle du château dont les murs sont revêtus de plaques de cuivre, qui ont la particularité de faire ricocher les paroles, comme dans une partie de ping-pong qui irait en accélérant.
Ecriture affectée, fabriquée, donc. La phrase est longue, pas un mot de dialogue : c’est un récit chimiquement pur (sauf « Jamais plus »). Effort de recherche sur les adjectifs, jusqu’à l’agacement. Puissance pourtant évocatoire du langage, des images, des progressions de cette histoire entièrement livrée à l’imaginaire. Tout y est déréalisé et en même temps pleinement sensuel.
Les personnages sont toujours dans l’étude de soi, comme sur une scène de théâtre. Les règles de ce jeu mystérieux nous échappent. Paradoxe : grande présence réelle et grande abstraction. Argol, le cimetière, Heide, Herminien, le bain, chapelles des Abîmes, la forêt, l’allée, la chambre, la mort. Exercice de style surréaliste. Pour excuser l'auteur, c'est, me semble-t-il, son premier livre publié. Ce n'est qu'ensuite que viendront Un Balcon en forêt, Le Rivage des Syrtes, et tout le toutim.
Cent ans de solitude, de GABRIEL GARCIA MARQUEZ
La ville de Macondo. Des personnages baroques : José Arcadio Buendia : imaginatif, impulsif, entreprenant, il devient fou, vit sous un châtaignier, meurt dans son lit, parce que le temps s’est arrêté un lundi de mars. Ursula : vit à peu près 140 ans, pour elle le temps ne passe pas, mais tourne en rond. José Arcadio : a fait un enfant à Pilar Ternera, une fugue avec les gitans, vécu avec Rébecca, comme une bête de somme, meurt d’un épanchement de sang à l’oreille, dont la traînée traverse la ville jusqu’à sa mère.
Auréliano, le colonel, 32 guerres perdues, 17 fils tués par leur croix de cendre, fabrique des poissons d’or, meurt en pissant debout contre le châtaignier. Amaranta, amoureuse toute sa vie, elle meurt vierge à plus de 100 ans, après avoir tissé son linceul et tué ses amants. L’enfant né avec une queue d’animal, que le père tranchera un jour sur la table de cuisine. Bref, une pléiade bigarrée, exceptionnelle, de personnages improbables. Un livre-monde.
Voilà ce que je dis, moi.
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mercredi, 07 mars 2012
LA SAINTE TRINITE DES ECOLOGISTES (suite)
Résumé : quelques héros des temps modernes ont décidé au péril de leur vie de reconquérir les campagnes désertées depuis l'exode rural. C'est difficile. A cause du bouton électrique qu'on ne peut pas s'empêcher d'actionner chaque soir quand il fait sombre. C'est plus qu'un fil à la patte : c'est un cordon ombilical. Comment pourrait-on se défaire du progrès technique ? Telle est la question, mon cher Watson.
Autant dire qu’elles (les choses) font partie de nous, et que s’en séparer reviendrait à s’amputer. On pourrait presque soutenir, dans bien des cas, que l’humain est devenu la prothèse de ses gadgets techniques. Vivement un bon stage de survie en milieu hostile, organisé pour tout le staff de l’entreprise, qu’on puisse se confronter aux conditions de vie et aux épreuves les plus rudes, et retrouver le vrai sens de l’existence. Ça nous rappellera les paras. Eventuellement sous l’œil d’une caméra de Koh Lanta. Avant de retrouver, content de soi, mais content que ce soit fini, le canapé et le four à micro-ondes.
L’avers de la médaille, c’est donc une vie rurale restaurée dans ses « fondamentaux », une vie collective réhabilitée, mais sans les pesanteurs paysannes d’autrefois, il ne faut pas exagérer. On a gardé le goût libertaire pour le partage des valeurs, des joints et des femmes (là non, j’exagère d’exagérer et j’abuse d’abuser, quand même, que c’en est odieux et caricatural, mais je pense à certains reportages anciens de Cabu sur les « communautés » installées en Ardèche, reportages qui ne dédaignaient pas de donner là-dedans, ne serait-ce que pour rigoler).
Le revers de la médaille, eh bien, c’est toujours ce foutu cordon ombilical qui nous lie à la société. C’est pénible à avouer, mais personne n’est vraiment arrivé à le couper. Les plus drôles, à cet égard, sont ceux qui reviennent régulièrement sur les plateaux de télévision pour dire qu’ils l’ont coupé, eux, le cordon ! Voyez le sieur Antoin, des lunettes je ne sais plus quoi, rescapé régulier des Maldives (à moins que ce ne soit des Marquises, de toute façon, il y a beaucoup trop d’eau pour moi).
C’est tout le débat qui eut lieu en Corse à une époque : à côté de ceux qui se contentaient de vivre comme ils pouvaient et de ceux qui étaient ravis d’engranger les subventions, il y avait les modérés, partisans de l’autonomie, et les jusqu’auboutistes, fervents défenseurs de l’indépendance.
Soit dit en passant, il y avait les cumulards, autonomistes ou indépendantistes, qui ne poussaient pas le militantisme jusqu’à refuser les subventions. Il a bien fallu en rabattre, sur les ambitions premières, et se contenter d’une autonomie relative. Les « moines-ermites » de l’écologie, ils en sont là.
Comme « il faut bien vivre, mon pauv’monsieur », on trouve un boulot dans le coin, dans le « milieu associatif », dans le secteur qu’il est convenu d’appeler « économie sociale et solidaire ». Je schématise, mais il y a de ça. Parce qu’un vrai métier, ça occupe de vraies journées bien remplies. Et ça suppose des répartitions des rôles moins consensuelles. Je suis méchant, je sais. J'ai mauvais fond, que voulez-vous. Mais ce n’est pas complètement faux, quand même.
Parce que, dans ce qui reste du cordon ombilical, le fluide vital qui circule et dont on n’aime pas parler, ce n’est rien d’autre que le salaire, indispensable pour se payer les allumettes en vue de la flambée du soir et les abonnements au réseau internet et au téléphone portable. Il y a aussi l’eau et l’électricité, sans doute l’essence, bref, les conditions du maintien sur place. L’argent, quoi.
Le choix du « Fils », ce choix de « descendre sur terre », de s’incarner dans la figure du « néo-rural », je le respecte. Ce n’est pas le mien, mais il ne me dérange en rien, puisqu’il ne me demande rien. Je le respecte d’autant plus qu’il suppose un tas de renoncements divers, sans doute coûteux. Ce qu’on appelle les « commodités » offertes par la ville, les facilités apparentes – il faudrait plutôt parler des tentations constantes. Le « mouvement », la vitesse, le bruit, le nombre, les meubles ikea, qui donnent l’impression d’être la vie, et qu’on a tendance à prendre pour la vie.
Je le respecte, ce choix, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’il consiste, d’une certaine manière, à biaiser. « Puisque je ne peux pas changer le monde, dit cet écologiste-là, je vais changer de vie ». Pourquoi pas ? Biaiser, je ne suis pas contre a priori. Comme le chante Boby Lapointe : « Ça ne me mettait pas à l’aise De la savoir Antib(i)aise, Moi qui serais plutôt pour ».
Mais que faire, quand se profile à l’horizon un aéroport pharaonique, comme par exemple, et depuis lurette, à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), sous les auspices du « socialiste » Jean-Marc Ayrault, camarade d’un certain autre « socialiste » du nom de François Hollande ? Le monde ne se laisse pas facilement oublier. La marée montante du « monde » guette le moindre « îlot de verdure ». Même si c’était une citadelle.
Moralité : l’écologiste du genre « moine-ermite », il fait rien qu’à biaiser.
Voilà ce que je dis, moi.
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mardi, 06 mars 2012
LA SAINTE TRINITE DES ECOLOGISTES
Aujourd’hui, le « Fils ».
L’écologiste, aujourd’hui, présente de multiples visages. L’écologiste est devenu, en quelque sorte, un « Janus multifrons ». Parmi ces fronts multiples, il y en a quelques-uns qui ont le don, sinon de me courir sur le haricot, parce que, dans le fond, « ça m’en touche une sans faire bouger l’autre » (je cite le raffiné JACQUES CHIRAC en personne), du moins de laisser absolument intact mon scepticisme naturel.
Bon, c’est vrai que la société dans laquelle nous sommes immergés ne fait aucune place à l’écologiste. C’est injuste, mais c’est comme ça. Ça oblige celui-ci à rester souple. Mais là, ce n’est plus la souplesse du yoga, c’est du contorsionnisme. Je propose d’identifier, dans la nébuleuse écologiste, trois archétypes. Appelons-les, par exemple et au hasard, le « Père », le « Fils » et le « Saint-Esprit ».
Aujourd’hui, penchons-nous, sérieusement et tendrement, sur le « profil » du « moine-ermite », en qui le « Père » a mis toutes ses complaisances (traduction par le chanoine CRAMPON de la scène du baptême par Jean-Baptiste).
Comme dans les Evangiles, ce sera donc le « Fils », celui qui est « descendu sur terre », ou plutôt qui est « retourné à la terre ». Mes bien chers frères : « Tu retourneras en poussière », est-il dit quelque part. Comme il est dit ailleurs : « Ashes to ashes, Dust to dust, When the women don’t, The liquor must ».
Cette aimable phrase ouvre une version ancienne de Did’nt he ramble, par LOUIS ARMSTRONG et son groupe (le « hot seven »?). Je veux bien traduire en français, pour ceux qui ignorent le karakalpak et le monégasque : « Des cendres aux cendres, de la poussière à la poussière, si ce n’est pas les femmes, c’est l’alcool qui s’en chargera ». Amen.
Pour l'écologiste retourné à la terre, l’important, c’est de vivre « en accord avec ses principes », mais quand même pas jusqu’à la crucifixion. Ça veut dire, sans couper tous les ponts avec la société honnie, où l’on compte peut-être encore des amis, des parents. On achète et retape donc une vieille crèche dans un coin perdu. On en fait un lieu agréable et convivial. Le soir, comme il fait frais, on allume une belle flambée dans la belle cheminée. Avec des allumettes achetées à l’épicerie du bourg. Ça va plus vite que deux Solex, euh non, deux silex. C'est benêt, je sais, mais ça se veut une fine allusion au « retour à l'âge de pierre », dont la bouche des anti-écolo est pleine.
L’écologiste est rejoint par quelques autres. Cela finit par former un « éco-village » (vérifiez, ça existe). Perdu au milieu de nulle part. Mais avec l’électricité. Pour la lumière quand il fait nuit, bien sûr, mais il faut pouvoir aussi rester en contact avec les autres « éco-villages » par internet. On est « modernes ». On a peut-être souscrit un abonnement « i-phone » si la « couverture » le permet. On a une forme de vie vraiment collective, tout simplement inimaginable en ville.
On cultive un sympathique potager qui fournit les légumes « bio ». On est peut-être végétarien, mais pas forcément. Certes, les paysans installés dans les alentours ne s’y sont pas encore mis, au « bio », mais à force d’en discuter avec eux, ils y viendront forcément. En attendant, ils aspergent leurs terres de saloperies, tout autour du potager « bio ». Il y a même l’eau courante. Sans doute fournie par Véolia ou Suez. Et puis, au cas où, on ne sait jamais, il y a un hôpital à distance raisonnable, une pharmacie, voire un supermarché.
Cela fait déjà quelques rudes concessions au système : on reste à part peut-être, mais pas trop loin quand même. De toute façon, difficile d’accoster à une île déserte dans un pays entièrement « civilisé », cartographié, quadrillé, n’est-ce pas.
Cela fait des concessions (des « contorsions » si l’on veut), mais en même temps, ça vous met, comme disent les conformistes, « en marge » de la société. C’est un « choix de vie », certainement. La distance ainsi prise avec, disons, le « monde connu », sans être infranchissable, est une séparation, et il faut la vouloir pour l’accepter. C’est évidemment une « cote mal taillée ».
Car il y a un cordon ombilical presque impossible à couper, c’est tout simplement le progrès technique : on est né et on a grandi dedans. Essayez de vous passer d’appuyer sur le bouton électrique quand vous rentrez chez vous, tiens. Pour voir ! Tant il est vrai que pour revenir à l’âge de pierre, il faudrait se dépouiller de tous ces choses qui, au cours du temps, se sont mises à nous entourer, au point de devenir indispensables. Indissociables même.
Voilà ce que je dis, moi.
A suivre.
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lundi, 05 mars 2012
PÊLE-MÊLE D'UN CARNET DE LECTURE (8)
Les Oreilles sur le dos, GEORGES ARNAUD
Le titre s'explique si l'on sait que c'est le lièvre qui couche les oreilles sur son dos quand il s'enfuit pour sauver sa vie.
L’action se passe en Amérique Latine. Un aventurier, à qui il arrive des aventures, et qui finit par s’en sortir. Par l’auteur du Salaire de la peur. Là aussi c’est une sorte de cavale. C’est un bon livre. Moins homogène que l’autre. Un gangster : Jack de Saint Simon, s’associe avec un autre qui veut lui faire des trous dans le bide. Ils ont piqué une fortune à une république improbable d’Amérique centrale. Le ton de la narration est cynique, froid, détaché. Une armée nulle aux trousses, les gars sont en fait achevés par la nature, la fièvre jaune.
C’est glauque, si on veut, mais froid : l’auteur refuse de s’identifier au personnage principal. On regarde plutôt qu’on ne vit. On ne quitte pas le bouquin. Je ne dirais même pas que ça ne marche pas. Mais, comment dire, globalement, on sent trop l’observation du vécu, et pas assez le vécu. Avec ça, un style formidable. Dur. Finalement c’est peut-être ça : c’est une livre qui n’est pas affreux, mais qui est dur, à tous les points de vue. Le style, les caractères, la vie, le destin. Il y a de l’absurde dans l’air. 8 / 10
Le Brave soldat Chveïk, de JAROSLAV HASEK
Livre réjouissant, pas si simple qu’il y paraît. Par certains côtés, le personnage m’a fait penser à Bartleby. Sa façon de rester inébranlablement lui-même, tout en se laissant emporter par toutes les volontés extérieures à la sienne. Des tableaux hilarants : l’autel de campagne du curé militaire ivrogne est époustouflant. Le personnage échappe à tous les mauvais traitements, toutes les persécutions, car le système ne sait pas comment l’atteindre. Je trouve ça génial.
C’est l’homme du peuple qui pète au nez de toutes les autorités : politiques, militaires, religieuses. Un livre joyeusement, et pourtant sagement anarchiste. A la différence de Bartleby, il est doué d’un tropisme vers l’extérieur : il maquille des chiens bâtards en chiens à pedigree, il vole des chiens pour les revendre. C’est un faussaire, un vrai petit gangster au quotidien, comme ce faux-monnayeur qui ne fabriquait qu’autant de billets de 1 dollar qu’il en avait besoin pour son usage personnel. Pas innocent, mais carrément inoffensif. Un livre où l’on rit, un livre jovial, et tout à fait juste. 10 / 10
Manhattan transfer, de JOHN DOS PASSOS
Tableau de New York, le vrai personnage principal, sur vingt et quelques années, avec, au milieu de la durée, la guerre de 14-18. Fresque d’un monde où finalement tout, absolument tout, ne fait que passer. Impression de voir dans ce livre une technique analogue à celle que Robert Altman a utilisée dans son film Short cuts. Un personnage revient avec insistance : Ellen, qui devient Elaine, puis Helena, à mesure que sa position sociale se renforce au gré de ses maris successifs : Jojo Oglethorpe, puis l’amant Stan (qui mourra brûlé dans l’incendie qu’il provoque après une cuite), puis le mari Jimmy, fils couvé d’une femme riche, mais qui tombe dans la débine. Et George Baldwin, le petit avocat, toujours sur le fil du rasoir financier, qui s’élève, s’enrichit, et devient district attorney. L’autre personnage récurrent et fouillé, c’est le nommé Jimmy, paumé, sans ambition ni raison de vivre, qui monte, à la dernière page, dans un camion pour aller … « assez loin ». 7 / 10
Le Jour avant le lendemain, de JØRN RIEL
Chez les Inuits du nord-est du Groenland. Histoire très forte, sur le thème « mort d’un peuple ». La vieille attend vainement que les autres viennent les rechercher, elle et son petit-fils. Elle comprend qu’il s’est passé quelque chose. Elle organise la survie. Il y a un ours, des loups. Ils échappent à tous les dangers. Un jour, le garçon tombe à l’eau. La vieille se précipite en disant : « Non, pas comme ça ! Pas comme ça ! » Elle le récupère. Il est tout bleu. Elle le frictionne. Il revient à la vie. Ils mangent dans la grotte, dont l’entrée est bouchée par une sorte de portière qu’elle a fabriquée. Puis, quand l’enfant dort bien, elle va à l’entrée de la grotte, enlève la portière. Le froid hivernal du pôle s’engouffre. Elle retourne se coucher. Poignant. 8 / 10
En Attendant le vote des bêtes sauvages, d’AMADOU KOUROUMA
Reçu pour la fête des pères 1999. Très bon roman, très « africain ». Le dictateur Koyaga se voit raconter sa vie par un narrateur qui s’adresse à lui, sans rien cacher. Le « chasseur » Koyaga, sanguinaire, sans pitié, rusé, bénéficie, pour conquérir le pouvoir, des pouvoirs magiques de Konoba, qui détient un très ancien Coran, et de sa mère Nadjama, qui détient un aérolithe. La sorcellerie, les sorts, les divinations, les conjurations sont permanentes, omniprésentes. Et permettent à Koyaga de se maintenir au pouvoir pendant 30 ans.
Il a pour coutume, quand il tue, de couper la queue, quand c’est un animal, ou le sexe avec les testicules, si c’est un homme, et de les enfoncer dans la gueule ou la bouche. Ainsi, l’âme du mort ne peut plus sortir, puisque la fin de l’être a pénétré dans son début, et forme ainsi une boucle fermée. En même temps que la biographie « griottée » du dictateur, il s’agit d’un panoramique sur l’ensemble de l’Afrique, avec la corruption, le clanisme, la sexualité, etc. En quelque sorte, un tableau historique de l’Afrique contemporaine. 7 / 10
La Peau du tambour, d’ARTURO PEREZ REVERTE
Un curé « nettoyeur » au service du Saint-Office papal est dépêché à Séville pour éclaircir une mystérieuse affaire. Une église, Notre-Dame des Larmes, tue pour se défendre. Un prêtre local qui vend des biens ecclésiastiques (ici des perles) pour restaurer l’église, qu’un promoteur plus ou moins mafieux veut détruire pour pouvoir construire, après avoir copieusement arrosé l’archevêque, des résidences de luxe. Un hétéroclite comité de soutien au curé : de la vieille noblesse enterrée dans la crypte à la nonne architecte.
Et puis le père Quart, du Saint-Office, en proie au doute, puis au démon de la chair (auquel il succombe). Les objets de l’énigme sont résolus en trois pages à la fin. L’affaire est finalement médiocre : bagarre minable avec les trois bouseux ravisseurs du curé. Toute l’histoire, en fait, c’est du toc. L’intérêt du livre devrait résider dans les analyses psychologiques, les caractères, l’affrontement des problématiques personnelles.
Ce livre trompe très habilement son lecteur, en lui faisant croire que la résolution de l’énigme est le ressort principal du livre, mais si celui-ci, confiant, va jusqu’au bout, attendant qu’on lui donne le fin mot de l’histoire, il en veut à l’auteur à l’arrivée de l’avoir égaré sur de multiples voies de garage, dans un livre qui n’est au bout du compte qu’une grande voie de garage. Vous noterez que je ne me suis pas permis de parler de "l'abbé Quart". 6 / 10
Voilà ce que je dis, moi, de ce qu'ils disent, eux.
09:00 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, lecture, les oreilles sur le dos, georges arnaud, le salaire de la peur, le brave soldat chveïk, jaroslav hasek, bartleby, manhattant transfer, john dos passos, robert altman, short cuts, le jour avant le lendemain, jorn riel, en attendant le vote des bêtes sauvages, amadou kourouma, afrique, la peau du tambour, arturo perez reverte
dimanche, 04 mars 2012
LES VERTS DE TERRE-A-TERRE
Peu de gens connaissent le nom de RUTH STEGASSY. C’est normal, son émission Terre à terre, sur France Culture, a été placée de 7 à 8, le samedi. En pleine grasse mat’, en pleins câlins du week end, en plein effort de repopulation de la France. On peut regretter la modestie, pour ne pas dire l’obscurité de cette tranche horaire. On peut néanmoins se consoler en se disant qu’internet permet d’écouter l’émission après-coup. Encore faut-il être au courant que ça existe.
SANS ENGRAIS AJOUTÉ
Je ne suis pas sûr que Terre à terre soit un bon titre pour cette excellente émission. L’expression « terre à terre » signifie « au ras des pâquerettes ». Le Robert indique « matériel et peu poétique ». Il y a là, visiblement, du péjoratif.
Et il me semble aussi que ça contredit la hauteur de vue à laquelle se situent quelques remarquables invités de RUTH STEGASSY. J’ajoute qu’elle n’a pas mal fait de supprimer les émissions publiques au « phyto-bar », qui faisaient vraiment ringard, avec les immanquables questions en pataugas de gens sûrement sympathiques mais pas très bien informés (j’essaie d’être gentil).
C’est le créneau « écologiste » de la station culturelle nationale. C’est la bonne conscience environnementale des radios publiques, plus ambitieuse et moins « consensuelle » (et dans un créneau plus secret), que CO² mon amour, gentille émission du sémillant DENIS CHEISSOUX, qui sévit sur France Inter le samedi après-midi, et qui donne à chaque fois la parole au très catholique JEAN-MARIE PELT, dont j’avais lu il y a fort longtemps le fort intéressant Drogue et Plantes magiques (et non pas « Drogues », comme indiqué dans la notice wikipedia). Mais CO² mon amour fait dans le « grand public ».
Tout ça pour parler de l’émission Terre à terre, de RUTH STEGASSY. J’évoquais très brièvement, il y a quelques jours, l’émission du 10 décembre dernier, où RUTH STEGASSY interroge MARIE GROSMAN et ROGER LENGLET, auteurs du livre Menace sur nos neurones, Alzheimer, Parkinson … et ceux qui en profitent (Actes Sud).
http://www.franceculture.fr/emission-terre-a-terre-maladi...
L’intérêt de cette émission est de faire découvrir quelque chose que les toxicologues professionnels connaissent sur le bout des doigts : des connaissances scientifiques extrêmement précises et documentées sur les corrélations entre la diffusion incontrôlée de substances neurotoxiques (arsenic, mercure, etc …) et l’explosion (il n’y a pas d’autre mot) des cas de maladies d’Alzheimer et de Parkinson.
L’intérêt de cette émission est d’être une sorte de bulle (bien modeste) qui éclate à la surface : en l’occurrence, l’énorme savoir accumulé par les toxicologues est totalement ignoré des politiques (ça, on savait), mais aussi, et plus bizarrement du corps médical dans son ensemble. Quand on fournit un peu de documentation à un médecin, il tombe de haut : « Quoi ? C’est aussi grave que ça ? ».
Une sorte de paroi étanche s’élève entre ceux qui savent et le corps social : c’est comme si ce savoir n’existait pas, alors même qu’il touche notre vie quotidienne d’on ne peut plus près. L’exemple de la présence de sels d’aluminium dans l’eau du robinet devrait à lui seul faire exploser les ventes d’eaux minérales, car les spécialistes ont prouvé qu’ils sont pour quelque chose dans la maladie d’Alzheimer.
Dans l’émission Terre à terre du 18 février, un Canadien (ALAIN DENEAULT, auteur de Noir Canada, de Offshore, paradis fiscaux et souveraineté criminelle et Faire l’économie de la haine) explique pourquoi toutes les entreprises de recherches et d’exploitation minières se font domicilier au Canada : le droit canadien est tellement généreux avec ce genre d’entreprise qu’aucune plainte pour dégâts irréversibles sur l’environnement n’aboutira jamais.
http://www.franceculture.fr/emission-terre-a-terre-noir-c...
Bref, je ne saurais trop recommander l’écoute de cette émission remarquable. Même si l’écolo folklo, genre « retour à la terre », n’est pas absent du paysage, du moins RUTH STEGASSY donne-t-elle la parole à des initiatives locales qui valent ce qu’elles valent. Je me rappelle une émission lointaine où un Africain racontait comment il avait monté un réseau destiné à reconstituer la mangrove par la plantation d’arbres (des palétuviers ?). Et ça marchait du tonnerre.
Quel est le pouvoir de ce genre d’émission ? Il vaut mieux ne pas se poser la question. Gardons l’idée simple que c’est juste un petit fenestron qui s’ouvre à date fixe sur une autre façon de voir, de concevoir et de faire le monde. Rien que pour ça, cette émission est indispensable.
Voilà ce que je dis, moi.
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samedi, 03 mars 2012
L'ECOLOGIE, C'EST VERT DE TERRE
Ce n’est pas parce qu’il y a désormais un « parti politique » dédié à l’écologie et à la défense de l’environnement, que l’état physique et moral de la planète a cessé de se dégrader. On pourrait même dire que, maintenant que les « verts » se sont constitués en « parti » (gaussons-nous, mes frères), c’est-à-dire en chose flasque inopérante, on va pouvoir enfin s’occuper de défendre l’environnement. Sans eux, surtout. Car il ne s’agirait pas que les gens qui ont à cœur de sauver leur petit bout de planète voient des « écologistes » venir leur marcher sur les arpions.
Nous sommes d’accord : EVA JOLY n’est une bonne candidate écologiste à la présidentielle, qu’elle se mette de face ou de profil. J’imagine que si elle posait de dos à la façon de LOUIS ARMSTRONG pour la pochette d’un vieux 33 tours vinyle que j’avais aperçu dans les bacs de La Clinique du tourne-disque, rue Joseph-Serlin, c’est-à-dire complètement à poil, son corps ressemblerait sans doute (de loin et dans le brouillard, au crépuscule) à celui, impressionnant, du trompettiste et chanteur.
EVA JOLY EN 1505
PORTRAIT PAR ALBRECHT DÜRER
Mais ce n’est pas parce qu’EVA JOLY ne ressemble pas à l’idée qu’on se fait des candidats à la présidentielle et des trompettistes de jazz qu’il faut cracher sur l’écologie. J’ai, quant à moi, été un écologiste à l’époque où la société se mettait l’index sur la tempe en disant « toc-toc » chaque fois qu’elle assistait à des actions menées au nom de la défense de l’environnement.
Je ne sais pas si l’expression « pylône de Heiteren » va dire quelque chose au lecteur. Pour situer dans le temps et dans l’espace, ça se passait avant la pose de la ligne à haute tension qui partait d’une modeste installation industrielle située dans un modeste patelin du nom de Fessenheim.
Ça vous revient, maintenant ? Cela pose un homme, n’est-ce pas ? Je suis rapidement devenu beaucoup moins écologiste, quand je me suis dit qu’il aurait fallu se mettre à militer. Et ça, c’est plus fort que moi : je ne peux pas. Et Fessenheim ne sait plus quoi faire du fric que lui rapporte la centrale.
Pour être militant, il faut être militaire (la seule différence consiste en l’uniforme, et encore, il y a des militants, on les dirait sous les drapeaux), et ça, c’est au-dessus de mes forces. Il y a les œillères à se mettre, la discipline à se soumettre, la réduction du monde à opérer en l’une, toute petite, de ses parties. Tout militant réduit le monde à la dimension de son obsession. Tiens, ça pourrait faire un bon proverbe bantou, non ?
Travailler à faire triompher une « cause », quelle qu’elle soit, c’est rendre le monde plus étroit, et en même temps, se donner à soi-même la dimension démesurée du monde et de tous ceux qui « y croient ». Et j’ai perdu très tôt toute aptitude à la croyance, au point que ceux qui « y croient » me paraissent au mieux pitoyables, au pire dangereux.
Depuis le « pylône d’Heiteren » et la centrale nucléaire de Fessenheim, il faut pourtant bien dire que la situation globale de l’environnement naturel ne s’est pas améliorée, loin s’en faut. Tiens, savez-vous que dans l’Etat de Coahuila, au Mexique, région aride s’il en est, certains gros entrepreneurs n’ont rien trouvé de mieux que d’élever 300.000 vaches laitières, qui produisent annuellement 7.000.000 de litres de lait ?
Pour fabriquer des prairies en zone quasi-désertique, on tire en masse la flotte du sous-sol. Mais il faut savoir que celui-ci est naturellement riche en arsenic. Ensuite, c’est mathématique : vu la surexploitation agricole de la ressource, la baisse du niveau des nappes phréatiques fait monter le taux d’arsenic dans l’eau que les gens boivent.
Résultat, il a fallu couper une jambe à MANUEL SUNIGA : « L’arsenic dans mon sang a d’abord affecté l’ongle de mon pied, puis ma jambe est devenue noire ». En plus, les vaches mexicaines sont des pisseuses de lait de la race Holstein.
LA PISSEUSE VOUDRAIT REVOIR SA NORMANDIE
Je ne vais pas parler de la déforestation, du réchauffement climatique, de l’empoisonnement des sols par les industries « agro-alimentaires », de l’empoisonnement de l’air et de l’eau, des conséquences de l’usage des somnifères sur la durée de vie (voir la presse, ces derniers jours).
Je fais seulement observer que l’évolution vers un monde de plus en plus radicalement invivable (et pas seulement en restant dans le registre environnemental) s’est faite envers et contre tout, posément, pas à pas, implacablement. L’action des écologistes, de ce point de vue, débouche sur un échec retentissant. Cuisant si vous voulez.
Les écologistes sont la petite cuillère qui a pour ambition de vider la mer. Ou alors, pour reprendre un petit conte que j’ai beaucoup entendu ces temps-ci, ils sont le colibri qui se démène comme un malade pour aller jeter sa goutte d’eau sur l’incendie qui fait rage. Je ne crois ni à la petite cuillère courageuse, ni au colibri sauveur.
Je ne suis pas non plus de ceux qui traitent les écologistes de « khmers verts » (je crois bien que c’est GERARD COLLOMB, le « grand-maire » de Lyon) ou d’ « ayatollahs de la nature ». Il y a bien, parmi eux, des tendances à vouloir faire régner une sorte d’ « ordre naturel », à vouloir régenter la vie des autres. Mais si l’on veut faire l’inventaire de toutes les vocations policières qui ont aujourd’hui le vent en poupe, on n’a pas fini. En tout cas, le poids qu’ont pesé les écologistes dans la marche du monde depuis quarante ans, c’est « peau de balle et balai de crins ».
C’est très logique. Le « petit village gaulois qui résiste encore et toujours à l’envahisseur », c’est rigolo, ça fait plaisir, ça fait même rire. Mais dans le monde réel, il n’y a pas de potion magique. La logique veut – car nous sommes dans le monde capitaliste – qu’une complicité de nature fasse de l’argent et du pouvoir des alliés indéfectibles.
A cet égard, l’accès de NICOLAS SARKOZY, l’ami du Fouquet’s et du yacht de BOLLORÉ, à la présidence n’a rien d’incompréhensible. Si c’est particulièrement caricatural, c’est aussi pleinement logique. Même le très écologiste JACQUES CHIRAC n’avait pas beaucoup d’amis qui fussent pauvres. C’est d'ailleurs pour ça que, après avoir sans discontinuer, squatté les palais de la République (et je ne compte pas les entourloupes autour du château de Bity), il est en train de finir ses jours dans le luxueux appartement de la famille HARIRI.
L’écologie, c’est sûr, il y a à boire et à manger, à prendre et à laisser. Il y a de la chèvre et du chou. On ne peut pas tout avoir. A chaque jour suffit sa peine. Après la pluie le beau temps. On va le payer. Je ne vous le fais pas dire. Ainsi soit-il.
Voilà ce que je dis, moi.
A suivre...
* NOTE-A-BENNE : j'espérais ici même, le 1 mars, que l'humain resterait à jamais hors de la brevetabilité, c'est-à-dire hors de l'appropriation privée. Il faut croire que je suis encore un grand idéaliste, autrement dit, un naïf. Les laboratoires du monde entier, en réalité, sauf le Généthon, sont lancés dans une concurrence effrénée pour des séquences synthétiques d'ADN humain. Du vendable qui rapporte. Le champion de ce type de recherche s'appelle JOHN CRAIG VENTER. A suivre aussi.
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vendredi, 02 mars 2012
PÊLE-MÊLE D'UN CARNET DE LECTURE (7)
L’Alchimiste, de PAULO COELHO
LE SOURIRE SATISFAIT
DE L'HOMME D'AFFAIRES QUI A REUSSI
C'est tout simplement un roman de secte, en tout cas de mentalité sectaire, conte infantile, écrit de façon relâchée : initiation à la vérité de soi, à un ailleurs que le héros finit par trouver, comme son trésor, en or bien réel, d’ailleurs, ce qui contredit toute la quête. C’est mystico-machin, avec un vocabulaire de pseudo-initié, avec des majuscules pour les concepts comme Aventure Personnelle, avec la présence du Maître, et doté de pouvoirs avec ça, et des épreuves à franchir. Bref… Ce qui est bien, heureusement, c’est qu’on n’a pas à se torcher quand on a fini. Quoique ...
Les Contrefeux de l’amour, d’ALGERNON CHARLES SWINBURNE
Roman par lettres. La redoutable Lady Midhurst tisse la toile du conformisme conjugal victorien : les sentiments des individus risquent de déranger l’ordre et de ternir les réputations. Patiemment, le venin fera son œuvre et l’ordre sera maintenu. Les ébauches d’adultères (les feux) seront effacées. Excellent.
Risibles amours, de MILAN KUNDERA
Très fort, stylistiquement et techniquement. Humainement, c’est moins sûr. Constante distance ironique et jugements de l’auteur sur ses personnages (on pense à Stendhal, mais ici en plus ironique). Ils sont des marionnettes. Sans doute volontairement, mais j’ai du mal. Grande hauteur de vue par ailleurs. Impression qu’on est dans l’essentiel (comédie humaine). Amoralisme. Il y a la loi qui reste en façade : les cellules communistes, grotesques par ailleurs. Pour le reste, tout le monde ment sur l’essentiel. Sauf peut-être Edouard, qui fait au dernier chapitre son initiation à l’âge adulte en perdant le sens de ce qu’est l’amour : il baise sa petite amie si chrétienne, et en même temps la directrice laide de son école.
Un Roi sans divertissement, de JEAN GIONO
Autour du gendarme, le capitaine Langlois, ancien de Napoléon, vit et gravite la société d’un petit village, où, chaque année, un membre de la communauté est tué. Le capitaine, dont on a déjà rencontré le caractère spécial dans Les Récits de la demi-brigade, finit par trouver le meurtrier, et le tue sans autre forme de procès, en lâchant simultanément les coups de ses deux pistolets. Puis c’est un loup qui menace. Tout le monde est terrifié. Le capitaine Langlois organise un grande chasse pour le rabattre vers le Jocond, au pied d’une muraille où le capitaine l’exécute de la même manière : deux coups de pistolets à bout portant.
Puis le capitaine se met en tête de se marier, déniche une femme, et finit par fumer un soir, non pas son cigare, mais une cartouche de dynamite, qui lui emporte la tête. Le personnage est évidemment fascinant, non pas tellement par son aspect héroïque que par l’impression de tout comprendre des gens et des choses qui l’entourent. Les faits semblent arriver comme simples résultats de cette interprétation. Grégoire est présenté comme celui qui sait tout. Récits et dialogues pleins d’ellipses. On ne traîne pas. Mais ce n'est pas fait pour un lecteur paresseux.
Deux Cavaliers de l’orage, de JEAN GIONO
Deux frères, Marceau et Ange « mon cadet » Jason, qui s’aiment. Vingt ans de différence. Marceau est un hercule, si si, c'est vrai : il tue un cheval en folie, qui sème la terreur dans un ville de la région, d’un seul coup de poing qui fracasse le crâne de la bête. L’histoire finit par se répandre. Un lutteur professionnel, « Clé des cœurs », le provoque et se fait battre. Il battra encore deux professionnels.
Il sauve ensuite la vie de « mon cadet » en empêchant, avec une petite tête d’oignon, les membranes de se constituer au fond de la gorge de son frère et de l’asphyxier : c’est la diphtérie ? Mais ça finit mal : « mon cadet » le provoque en combat et domine son frère aîné, qui le tuera à coups de serpe dans les tripes, pour aller ensuite mourir quelque part dans la montagne. « Il est mort de la vie qui a refusé d’aller plus loin ».
Ça me fait penser au terrible Jour avant le lendemain, de JØRN RIEL, quand la grand-mère repêche in extremis son petit-fils, devenu rapidement tout bleu, car il est tombé dans l'eau de l'Arctique. Elle s'écrie affolée : « Pas comme ça ! Pas comme ça ! ». Elle le ramène à la vie en le frottant vigoureusement. Mais c'est elle qui ira un soir, pendant qu'il dort, faire tomber la "porte" de la grotte, pour que le froid glacial pénètre jusqu'à eux. Les hommes de la tribu les ont, croit-elle, oubliés, alors qu'ils ont été juste massacrés par des blancs.
Le Chasseur Zéro, de PASCALE ROZE
Qu’est-ce qui m’a pris d’ouvrir ce livre, qui est lamentable et d’une affreuse nullité, mais qui a obtenu le prix Goncourt 1996 ? Il faut le faire. Dans ce livre, il n’y a rien, mais rien. Le vide. Pour moi c’est un effroyable nanar littéraire. Incroyable que le jury fasse encore à ce point illusion. Plus plat, tu meurs. Et qu’on ne me dise pas que l’effet de platitude est voulu, recherché. Caca. Tirons la chasse d'eau.
Le Tableau du maître flamand, d’ARTURO PEREZ REVERTE
Un bon livre d’énigme. L’antiquaire esthète et pédé, ami de la jeune restauratrice de tableaux, est l’assassin (quelques crimes abominables). Un bon rouage de mystère, mais pas de suspense. Quelques bons caractères. Un bon dépaysement dans la fin du moyen âge. C’est très documenté. L’antiquaire est atteint du sida et veut de toute façon mourir. Il aime bien la jeune femme, un peu comme un “oncle”. Sur le plan littéraire, c’est d’une platitude affreuse. Tout repose sur la mécanique. Aucun style, sinon policier, ne doit détourner l’attention de la mécanique.
Le Maître d’escrime, ARTURO PEREZ REVERTE
Nettement plus satisfaisant, sur un plan esthétique, que Le Tableau du maître flamand. Je crois que c’est dans la forme générale, en particulier, cette quête du coup parfait par le maître, et qui aboutit précisément à la fin : un fleuret, certes, mais moucheté, et contre l’épée nue de l’ancienne élève, qui oblige le maître à se surpasser et à trouver le coup qui s’enfonce dans le crâne à travers l’œil.
Cette quête qui trouve un aboutissement esthétique aussi net et gratuit donne une unité à l’ensemble. Alors que le « tableau », dans sa conclusion, défait quelque chose : il est de l’ordre de la défaite (perte des illusions de l’héroïne sur son protecteur et ami). Il y a donc plus de maturité dans le « tableau » que dans « le maître ». Au moins psychologiquement. Le combat final du maître est un petit bijou littéraire.
Le seul qui dépasse ce récit est le combat de Bussy d’Amboise (ah, les « gants de buffleterie » !), dans je ne sais plus quel roman d’Alexandre Dumas, peut-être La Dame de Montsoreau, contre 14 adversaires qu’il tue méthodiquement. Mais il est à terre, et cherche à fuir. Arrive le Duc d’Anjou, le commanditaire du guet-apens : est-ce lui ou son compagnon qui donne le coup de pistolet fatal ? Et encore, il me semble que Bussy combat en tenant son épée à même la lame.
Chez PEREZ REVERTE, le maître finit par trouver la combinaison des gestes qui lui permettent d’enfoncer brutalement la pointe mouchetée du fleuret, à travers l’œil, et jusqu'au cerveau de la fille, son ancienne élève, devenue spadassine stipendiée.
Comme quoi, ne fait pas qui veut de la bonne, de la vraie littérature.
Voilà ce que je dis, moi.
* Si je n'ai pas mis de photo de JEAN GIONO, c'est tout simplement qu'avec JEAN GIONO, le livre n'a plus besoin de l'image de son auteur pour exister en personne.
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mercredi, 29 février 2012
N'OUBLIEZ PAS LA BOUGIE DU SAPEUR
Nous sommes le 29 février. Le n° 9 de La Bougie du sapeur est sorti. N'oubliez pas de vous procurer un numéro forcément "collector" de cette revue quadriennale qui rend hommage au vaillant et facétieux Sapeur Camember, né un certain 29 février 1844 à Gleux-lès-Lure (Saône-Supérieure), des amours légitimes d'Anatole Camember, cultivateur, et de Polymnie Cancoyotte, son épouse. Voici la physionomie du n° 8, paru le 29 février 2008.
La biographie de François-Baptiste-Ephraïm Camember a été méticuleusement retracée et, disons-le, magnifiée par CHRISTOPHE, alias GEORGES COLOMB de son nom de baptême, lui-même né en 1856 à Lure (Haute-Saône), et qui ne fut pas que facétieux, puisqu'il intégra brillamment l'Ecole Normale Supérieure et sera professeur à la Sorbonne.
Longue vie à La Bougie du sapeur.
Voilà ce que je dis, moi.
Sans faute, à demain les OGM. Il n'y a pas que ça dans la vie, n'est-ce pas ?
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le sapeur camember, la bougie du sapeur, humour, christophe, georges colomb, bande dessinée
lundi, 27 février 2012
DU POILU DANS TOUS SES ETATS
La Grande illusion est d’autant plus un grand film que l’illusion est partagée par des gens très opposés. Les uns vont voir la magnifique illusion de la fraternité de deux aristocrates poussés à se combattre par des raisons étrangères à leur monde. Les autres vont voir la grandiose illusion de la fraternité de Maréchal et Boïeldieu, l’aristocrate et l’homme du peuple, que tout, dans leurs « rapports de classes », oppose. Bref, le film est extraordinairement polysémique, et donc inépuisable quant aux interprétations possibles. On dit que c’est une des caractéristiques des chefs d’œuvre.
C'EST JULIEN CARETTE QUE JE PRÉFÈRE
(juste à côté du casque à pointe) :
PAS DE PLUS BEL ACCENT PARIGOT
La guerre de 14-18 a cependant des à-côtés étranges. On ne visite hélas pas assez le champ de bataille du « Mont Linge ». C’est vrai qu’il « parle » moins au visiteur depuis qu’il a été, en quelque sorte, « restauré », voire « reconstruit ». Je l’ai visité « en l’état », comme on dit à propos d’un livre assez amoché qu’on veut vendre, en général à bas prix. C’est un souvenir inoubliable.
Il y avait une espèce de baraque branlante, qui faisait office de musée, dans laquelle un personnage incertain faisait office de gardien. Dans une pièce assez vague faisant office de lieu d’exposition, on pouvait voir, posés simplement sur une sorte d’établi ou d’étagère faisant le tour, une incroyable diversité d’objets faisant office de collection permanente. Aucune institution n’avait encore mis son nez ou son argent dans ce qui est désormais un, tenez-vous bien, « site touristique ».
L’aspect le plus spectaculaire de tout le lieu était cependant situé à l’extérieur : ce qui restait des tranchées de 14-18. La partie allemande bien à l’abri des pentes plongeant vers la plaine du Rhin, avec ses redoutes maçonnées, ses grottes aménagées et ses tunnels, et tout juste la crête de coq d’une avancée au sommet, pour empêcher les Français de dévaler.
La partie française, la sommitale donc, était bien plus dégagée, avec des vallonnements si l’on veut, mais, somme toute et dans l’ensemble, bien plus praticable. Et plus mortifère, sur le plan stratégique. Et pas besoin de connaître les lois de la balistique pour se rendre compte que l’artillerie allemande, dissimulée dans la pente ou hors de portée dans la plaine, avait de bonnes chances de toucher au but à tout coup, alors que les canons français faisaient courir bien peu de risques aux soldats « ennemis », naturellement abrités par la forte déclivité de la pente.
Le côté spectaculaire et saisissant de ce théâtre des opérations, c’était à l’époque où je l’ai découvert, ce qui restait des tranchées, de vagues sillons creusés dans le sol, entremêlés de barbelés complètement rouillés. L’essentiel n’est pourtant pas là, mais dans l’infernale proximité de la première ligne française et de la première ligne allemande. Dans leur point le plus rapproché, je n’exagère pas en disant que quatre-vingts centimètres les séparaient.
Maintenant rassurez-vous : l'office du tourisme a pris tout ça en main, a soutiré des subventions. Tout est désormais bien maçonné et visitable : c'est comme à Oradour-sur-Glane, on veille à ce que les ruines ne tombent pas en ruine au carré. Pas comme les pentes du Hartmannswillerkopf, où Monsieur SAX, l'instituteur de Hartmannswiller, m'avait emmené en expédition, et où tout est certainement resté « en l'état ».
Le Mont Linge, avec sa ligne de front en papier à cigarette, il faut le voir pour le croire. En tendant le bras, les soldats « ennemis » pouvaient se serrer la main. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les chefs, des deux côtés, faisaient « tourner » les régiments en présence à cadence accélérée, tant il est vrai qu’on tue plus difficilement quelqu’un dont on voit le visage et dont on connaît le prénom, la région, le métier. Rien de plus facile aussi, les longues nuits de veille, que de faire franchir la frontière à quelques cigarettes.
On a appelé ce genre de « problème » (d’un point de vue militaire) des « fraternisations ». Le soldat GERVAIS MORILLON, par exemple, raconte comment il a vu des Allemands sortir de leur tranchée sans armes, officiers en tête, et venir serrer la cuillère aux Français, échanger à boire, à manger, à fumer. D’autres racontent la trêve du 24 décembre 1914, et la partie de football disputée entre les deux tranchées.
Il va de soi que de tels « problèmes » furent passés sous silence, et rigoureusement interdits. Sans doute pour « atteinte au moral des armées ». Comme quoi on peut en conclure que la guerre sert l’intérêt des chefs qui, se connaissant, ne s’entretuent pas, au détriment des troufions, qui auraient fait de même si on les avait laissé faire.
Certains monuments aux morts, en particulier ceux qui ne sont pas sortis des usines spécialisées, mais ont été confiés au savoir-faire des artisans locaux, immortalisent des gestes ou des attitudes, et donnent vie à des moments précis de la « vie des tranchées ».
IL FAUT IMAGINER LE BONHOMME ENTIER
(COTIGNAC, recto)
Je pense au monument de Cotignac (83570) : on voit dépasser la tête de la sentinelle, mais en allant voir la « face cachée », le verso, on découvre la personne entière du bonhomme, tout absorbé dans son « devoir » de surveillance. Sauf erreur, je ne crois pas qu’il y en ait un seul analogue sur le territoire français. Je pense au monument de Canchy (80150), où l’on voit une sentinelle assise, le regard fixé sur les lignes adverses, qui semble dire : « Qu’ils y viennent ! ».
CANCHY - 80150
Mais évidemment, on ne peut pas empêcher certaines communes (la vie à l’arrière ne s’est évidemment pas arrêtée) d’exalter le courage des poilus. Je pense au « Hardi les gars ! » de Beuvillers (14100), à son cousin de Beaugency (45190) et à quelques groupes, comme ceux d’Aigurande (36140), de Pau (64000) ou de Pierrefonds (60350).
LE MYTHE
BEAUGENCY (45)
BEUVILLERS (14) : HARDI LES GARS !
Voilà, je me retournerai encore, de temps en temps, sur ces traces trop élégantes de ce qui n’est rien d’autre que la plus grande boucherie volontaire des temps modernes. Ceux qui veulent en voir un aspect plus « réaliste » peuvent se plonger dans plusieurs œuvres de JACQUES TARDI, en bandes dessinées (C’était la Guerre des tranchées, Varlot soldat, Putain de guerre !, …). J’espère que le lecteur ne m’en voudra pas trop.
LA REALITE
JACQUES TARDI
C'ETAIT LA GUERRE DES TRANCHEES
(notez les deux modèles de casques,
et la similitude des uniformes)
J'aime bien les histoires, les contes, les légendes, les mythes en général, mais je crois que TARDI, en montrant ces morceaux d'hommes éparpillés, ces intestins pendant aux barbelés, ces crânes qui éclatent, nous raconte bien mieux la réalité du suicide de notre continent européen que n'importe quelle commémoration plus ou moins militarisée, plus ou moins héroïsée.
Voilà ce que je dis, moi.
dimanche, 26 février 2012
PÊLE-MÊLE D'UN CARNET DE LECTURE (6)
JEUX POUR ACTEURS ET NON ACTEURS, Augusto Boal.
Je ne suis pas homme de théâtre, ça commence à se savoir, je me fais une raison. Mais enfin, il m’est arrivé de mettre le nez dans la question. Je retiens de ce bouquin deux anecdotes. Ou : « Comment se mettre dans la peau du personnage ? ». L’auteur est un metteur en scène brésilien.
Une jeune actrice n’y arrive pas, mais alors pas du tout. Elle est censée avoir passé une nuit à jouir sexuellement avec son amant, elle est dans le plaisir absolu et absolument assouvi. Le metteur en scène lui demande ce qui ne va pas. Elle est embarrassée, puis finit par avouer qu’elle est encore vierge. L’auteur lui suggère alors de se souvenir de quelque chose qui lui a donné un immense bonheur. Elle joue la scène à la perfection. L’auteur lui demande comment elle y est arrivée : « Je me suis souvenue du moment où, sur la plage d’Itapuan, j’ai mangé trois glaces à la suite, sous un cocotier ».
Un acteur fait pleurer tout le monde en jouant un personnage qui est sur le point de se tirer une balle dans la tête. Il explique qu’il se souvient de son enfance, vécue dans une banlieue excessivement pauvre. Chaque fois qu’il prenait une douche, celle-ci était tellement froide, voire glacée, qu’il fixait avec une horrible angoisse la pomme de douche.
KAPUTT, Curzio Malaparte.
Un livre sur la guerre. L’auteur est correspondant pour un journal italien, quelque part entre Pologne et Finlande. Il côtoie les Allemands de près. Un ton de tristesse noble, de compassion pour l’humanité. L’auteur montre, par sa façon de décrire les Allemands, pourquoi ils ne pouvaient que perdre la guerre.
Histoire du Général qui pêche le saumon dans une rivière, mais tombe sur un poisson qui ne se laisse pas faire, et qui dicte même sa loi. Sur les deux rives, son escorte militaire. Lui, au milieu de la rivière, est irrésistiblement entraîné par la force de l’animal. Et le combat dure, dure. Au bout du compte, il ordonne à son aide de camp d’abattre le saumon à coups de pistolet : « Hermann, erschiess ihn ! ». Belle image de l’Allemand en guerre, bientôt défait.
De même, la scène du banquet auquel participent des dignitaires nazis (dont HIMMLER, je crois bien) qui finissent, complètement ivres, par sombrer dans le ridicule en se conduisant ni plus ni moins que comme des porcs.
LA PEAU, Curzio Malaparte.
Souvent baroque et excessif, mais le sens certain de la création littéraire (la littérature est plus forte que la réalité). Est littérature ce que je dis et fais être littérature. Par rapport à Kaputt, le livre est plus centré sur quelques scènes magistrales, particulièrement travaillées.
A Naples, la grande dame qui, dans son palais, se déshabille pour parer de ses vêtements une jeune fille morte. La scène de la « sirène » dans un aquarium, lors d’un repas plus ou moins protocolaire, avec une Américaine puritaine étriquée.
Et puis la scène de la peau du Juif, qui donnes son titre au livre : sur une route d’Ukraine, où des juifs en pagaille ont été mis en crois, un juif a été écrasé par un char. Les habitants du village viennent, la nuit, décoller la peau de l’homme, et retournent au village en la portant, toute sèche, au bout d’une fourche, comme un drapeau (drap-peau).
Sur le champ de bataille de Monte Cassino, repas des officiers : cet homme qui montre, dans son assiette, les os d’une main qu’il vient de manger. Ce sont des os de poulet. Mais, en les disposant de manière très particulière, il fait croire aux autres que c’est la main d’un zouave qui vient d’être arrachée par un éclat d’obus, et que la déflagration a projetée dans la marmite ou mijotait le repas, et qu’il a consciencieusement dépiautée et dégustée.
LA CHANSON DES GUEUX, Naguib Mahfouz.
Une narration « à l’arabe », peu soucieuse de cartésianisme. Une recherche de symbole assez simple : 10 chapitres, 10 générations d’une lignée familiale. Un fondateur, bâtard sublime, qui disparaît mystérieusement, inaugurant la légende. L’hésitation entre le bien (vertu, pauvreté, droiture) et le mal (pouvoir, argent, concupiscence). Lutte où le mal triomphe souvent. Versatilité de l’opinion, vénalité des uns, cruauté des autres. La vie livrée au vent et aux humeurs. La main de la fatalité. Le cycle de la vie et de la mort. L’auteur réussit à faire d’un petit quartier d’une ville le centre d’un microcosme entier de la société humaine. Livre qui surprend, déroute et surprend nos habitudes de lecture.
LA MORT ME VIENT DE CES YEUX-LÁ, Rexhep Qossia (Redjep Tchossia). 1974
Livre déroutant et fort, structuré en 13 « contes » (chapitres). L’auteur a cherché à placer son récit à la lisière de l’individu et de la collectivité. Le Kossovo apparaît en tant qu’entité, et entité niée. La narration met en scène des individus, mais jamais ils ne sont qu’individus, et portent toujours avec eux l’idée de nation.
LES TAMBOURS DE LA PLUIE, Ismaïl Kadaré.
Admirable, l’art avec lequel Kadaré, en parlant du 15ème siècle, et de la tentative de conquête de l’Albanie par les Ottomans, évoque de façon nette le 20ème siècle. Peut-être les communistes. Il évoque en effet la lutte de l’Ouest contre l’Est : Skanderberg détruit les caravanes d’approvisionnement de Venise ; en face, le but est de pervertir l’identité nationale. Cette armée turque qui se fait littéralement « manger » par la ville ! Jeu entre l’intérieur et l’extérieur (défense et attaque).
Je ne comprends pas que l'on n'aime pas la littérature.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : augusto boal, théâtre, brésil, malaparte, kaputt, la peau, pologne, finlande, monte cassino, la chanson des gueux, naguib mahfouz, égypte, arabe, littérature, société, albanie, littérature albanaise, ismaïl kadaré, les tambours de la pluie
samedi, 25 février 2012
DU TEMPS QUE L'EUROPE SE SUICIDAIT
DU POILU DANS SES DIVERS ETATS
(Les joyeux suicides du continent européen)
Je ne suis certes pas historien, mais ce n’est pas une raison pour ne pas se forger quelques idées pour son propre compte. Sur l’histoire, par exemple, il y en a quelques-unes qui prennent du temps pour sortir de la forge. Par exemple, j’ai commencé, quand j’étais tout gosse, par éprouver des frissons au son de la sonnerie « aux morts », tous les 11 novembre.
ARVIEUX - 05350
Et puis, un jour, j’ai commencé à lire les noms gravés sur un monument « aux morts ». J’ai aussi fait un « service militaire ». Ça finit par relativiser le sens de certains mots, comme « héros », « gloire », « patrie », et quelques autres.
J’ai vu des cimetières militaires : le tout « petit » de la Doua ; celui de Colleville-sur-Mer, avec son horizon de croix blanches américaines ; celui de Douaumont, avec sa haute marée de croix blanches – françaises, pense-t-on en général, mais comment déterminer la nationalité des os ?
Dans deux ans, c’est le centenaire d’un début, mais aussi le début d’un centenaire. Un centenaire qui devrait durer exactement d’août 2014 au 11 novembre 2018. Vous avez déjà compris qu’il s’agit de la « grande », de la « der des der », de « celle que je préfère » (GEORGES BRASSENS) : la Guerre de 1914-1918.
PLEURTUIT - 35730
Je voudrais ici, par avance, apporter ma petite pierre – oh, un minuscule gravier – au plantureux monument que ne manqueront pas d’édifier les sûrement grandioses cérémonies qui ne manqueront pas de marquer les quatre ans de l’anniversaire de ce jour mémorable où l’Europe, lasse de régner sans partage sur le monde connu, se résolut à laisser la place à d’autres et à procéder, sans plus attendre, à son suicide.
Je ne trouve guère d’autre mot que « suicide » pour désigner l’égorgement de masse sciemment commis par des élites fanatisées sur des jeunesses intoxiquées et embrigadées. Disons-nous bien que 1.400.000 Français sont morts de ce virus, cela fait 27 % des jeunes hommes âgés de 18 à 27 ans.
ERQUY - 22430
Ce ne fut guère moins chez quelques nations amies et ennemies. FALKENHAYN, le concepteur de la bataille de Verdun en 1916, crut, jusque sur son lit de mort, que « sa » bataille avait « saigné » l’armée française et épargné l’allemande. On dira que c’est moins que la grippe espagnole de 1918, dont mourut le bon GUILLAUME APOLLINAIRE.
Ce suicide ne fut que le premier d’une longue série. Pour situer les choses, l’épisode de prospérité matérielle apparente et de réelle exténuation morale progressive, que les économistes appelèrent pompeusement les « Trente Glorieuses », se situe un peu après le deuxième suicide du continent européen.
Le suicide européen auquel nous assistons sans doute présentement, qui porte comme marques de fabrique, parmi bien d’autres, l’obsession de la REPENTANCE et le RENONCEMENT à exister, est peut-être le dernier. Mais va savoir à quels autres suicides futurs nous sommes promis, grâce à l’audacieux, ferme et total aveuglement de nos pilotes actuels.
Restons-en pour le moment à ce suicide « fondateur » que constitue cette guerre de quatre ans et quelque, et à la façon dont les vivants ont ensuite arrangé les choses. En particulier ce qu’on appelle aujourd’hui les « monuments aux morts », ces édifices de pierre devant lesquels, tous les 11 novembre, viennent s’incliner le maire, les enfants des écoles, quelques anciens combattants, un peu de population.
J’attends, quant à moi, que la cérémonie commémorative annuelle, d’une part, se démilitarise, et d’autre part, fasse la plus large place aux NOMS gravés. Pour moi, le 11 novembre devrait consister en ceci : lire à haute et intelligible voix, l’un après l’autre, les noms des citoyens de la commune qui ont disparu dans le massacre. Rendre ainsi aux morts leur nom parmi les hommes, je ne vois pas de plus bel hommage.
GRIGNAN - 26230
En particulier, je ne comprends pas que certains monuments portent fièrement des inscriptions du genre « Gloire à nos héros », par exemple celui de Caluire (69). Je préfère de loin, même s’ils semblent trop modestes, ceux qui parlent des « enfants » du lieu. « Morts pour la France », à la rigueur, même si on pourrait discuter.
CAMPAN - 65710
Autre aspect important de « l’art patriotico-tumulaire » (JEAN-MARIE DE BUSSCHER, chronique régulière et illustrée dans Charlie-Mensuel) : la représentation. L’essentiel des monuments français, disons-le, consistent en un simple obélisque, augmenté éventuellement d’une croix de guerre, d’une tête de coq, d’une palme ou autre.
Pour les monuments représentant des hommes, un certain nombre d’entreprises ont constitué de véritables catalogues, dans lesquels les conseils municipaux pouvaient choisir un modèle adapté à leur budget, le « poilu sentinelle » (diffusé à des centaines d’exemplaires) pouvant être livré en bronze, en pierre, en pierre reconstituée, en plâtre, etc.
Plus rares furent les communes qui firent appel à un sculpteur local, ce qui a donné des résultats variés, de l’art naïf au grand art. Je me suis efforcé, sur kontrepwazon, de rendre hommage à ces efforts municipaux, parfois maladroits, parfois bouleversants, le plus souvent simplement émouvants.
MONTFAUCON-EN-VELAY - 43290
Voilà ce que je dis, moi.
09:47 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : guerre 14-18, monuments aux morts, art patriotico-tuymulaire, jean-marie de busscher, charlie-mensuel, commémoration, souvenir, guerre, douaumont, georges brassens, guillaume apollinaire, europe, montfaucon-en-velay, erquy, campan, grignan, pleurtuit, arvieux
vendredi, 24 février 2012
SAINT FIACRE HOLLANDE
LA VERITABLE ENFANCE DE NOS SAINTS POLITIQUES
INTRODUCTION
En cette période d’élections prochaines, il est bon de revenir sur la véritable carrière de quelques candidats qui briguent quelque poste exposé mais avantageux, et se présentent pour cela, courageusement, devant le tribunal du suffrage universel. Notons que, sans s’être donné le mot, tous ces candidats gardent sur une partie méconnue de leur carrière un silence de tous les instants.
Disons même qu’ils se gardent bien de s’en vanter. Allons-y carrément : de même que des héros célèbres (Tristan, Hercule, Gargantua, …) ont vécu ce qu’on appelle des « enfances », la plupart de nos saints politiciens, avant de tenir le haut du pavé médiatique, ont eu, eh oui, une sainte enfance.
L'ENFANCE D'UN CHEF (nouvelle d'un certain J.-P. S.)
Mais à la différence de ces saints héros (preuve qu’ils n’en sont sûrement pas), ils semblent l’avoir reniée, comme s’ils la considéraient comme une existence antérieure, sur laquelle la plus extrême prudence de parole doit être observée. A croire que cette existence première les couvrirait de honte si son déroulement effectif venait à être connu.
S’ils savaient, pourtant, toute la sympathie, toute l’empathie, toute la compassion, et disons-le toute la pitié qu’ils pourraient s’attirer de la part des foules, si celles-ci étaient mises au courant de la toute première partie édifiante de leur éminente carrière, ils ne tarderaient pas à commanditer de célèbres agences de communication publicitaire pour établir à leur juste valeur les « galops d’essai » qui préfigurent à jamais, à n’en pas douter, l’excellence future de leur parcours.
SAINT FIACRE AVEC SA PELLE ET SON LIVRE
(à Saint Germain d'Auxerre)
Ayant déjà évoqué ces « galops », quoique trop allusivement, brièvement et fragmentairement, nous nous sentons le devoir de revenir, en les approfondissant, sur des trajectoires exceptionnelles, marquantes pour le genre humain tout entier, et pour tout dire, définitives. Des trajectoires aujourd’hui couronnées de la sainte appellation catholique de SAINT, même si les impétrants (mot désormais à la mode) se désistent de l’orgueil d’en réclamer le titre (toute fausse modestie mise à part, je trouve que cette phrase est assez bien tournée).
AUJOURD'HUI : SAINTE ENFANCE DE FRANÇOIS HOLLANDE
Nous commencerons la revue de ces célébrités trop modestes, par un coup d’œil jeté du côté du petit FRANÇOIS HOLLANDE, devenu sur le tard le désormais irremplaçable SAINT FIACRE HOLLANDE, que certains calomniateurs ont (heureusement en vain) tenté de faire passer pour un « fromage de Hollande ».
L'AIR (FROID) DE LA CALOMNIE
Le petit HOLLANDE naquit sans doute au début du 7ème siècle, quelque part en Irlande. Il est mort en Seine-et-Marne, en un lieu qui lui était prédestiné, puisqu’il s’agit de la commune bien connue de Saint-Fiacre-en-Brie. Cet événement funeste serait intervenu autour de 670 de notre ère (on sait qu’on ne peut être promu au grade de « SAINT » patenté avant l’ère qu’on appelle « chrétienne »).
Grâce à Saint Faron, lui-même fils d’une biche, d’où, évidemment, vient l’expression « faon Faron », dont la célébrité a atteint la Côte d’Azur puisqu’on a donné son nom à une montagne qui domine la ville de Toulon, SAINT FIACRE HOLLANDE fut autorisé à devenir ermite en forêt de Brie.
On ne sait comment grandit sa renommée. Toujours est-il qu’il reçut des visiteurs qu’il récompensait, en quelque sorte, en priant sur eux, et en distribuant consolations et bons conseils (je n’invente rien). Il lui arrivait de les guérir.
NON , LE SUPPLICE DU PAL, C'EST PLUS GRAVE
Il les guérissait principalement des hémorroïdes, l’usage étant que le pèlerin qui souffrait précisément de ce « mal de SAINT FIACRE HOLLANDE » (parfois appelé « fic », on se demande pourquoi) s’asseyait sur la pierre où le saint s’était lui-même assis. On ne sait pas vraiment à quel épisode de sa vie se rattache cette tradition. Les archives ne disent pas tout. Mais en tout cas elles disent : « Loué soit Dieu, SAINT FIACRE HOLLANDE guérit les hémorroïdes. Après l’annus horribilis, l’anus hollandibilis ».
Il nourrissait en cas de besoin les pèlerins des légumes de son jardin, souvent des haricots. Ces jours-là étaient jours de fête. C’est vraisemblablement la raison pour laquelle les jardiniers ont, le 30 août 1237, élu pour leur saint patron SAINT FIACRE HOLLANDE en personne. A l’unanimité. Toute parenté avec quelque hémorroïde que ce soit serait purement fortuite.
Principalement, il savait sur quel ton il fallait parler aux gens : toujours suave, toujours caressant, presque tendre, il atteignait ses auditeurs au fond de leur cœur, imperméable aux propos de quelques vilains jaloux qui ne se privaient pas de le brocarder de diverses expressions qui se seraient voulues blessantes.
LE VERT BAVEUR
Heureusement, FIACRE HOLLANDE (qui n’était pas encore décrété saint), était au-dessus de cette bave crapaudesque, et allait son chemin vaillamment. Si certains lui auraient vu les manches de lustrine et le « rond de cuir » dont Courteline et Maupassant ont fait le symbole de la bureaucratie fin-de-siècle, il se voyait quant à lui sur la plus haute marche du podium électoral.
Malheureusement, un journal d’opposition déterra une malheureuse affaire où un de ses ancêtres, QUINTIANUS HOLLANDUS, avec lequel il offre d'ailleurs une ressemblance de visage tout à fait spectaculaire, avait fait torturer celle qui devint plus tard SAINTE RITA ROYAL. Cette affaire lui coûta le poste de premier consul en 1798. Ce qui n’empêcha pas Anne d’Autruche, bien connue pour avaler n’importe quoi, d'avoir recours à ses miracles pour accoucher (enfin !) de LOUIS XIV.
LE CENTURION (ADJUDANT) QUINTIANUS HOLLANDUS
C’est d’ailleurs de cette curieuse circonstance que s’autorisa un certain Monsieur SAUVAGE qui, en 1640, investit dans une compagnie de taxis (ça ne s’appelait pas ainsi, mais c’est pour donner l’idée), qu’il baptisa « voitures de Saint-Fiacre », tout ça parce qu’elles étaient attachées à l’hôtel de Saint-Fiacre. Les sceptiques, s’ils prennent la précaution de vérifier l’information, en seront pour leurs frais. Bien fait ! « Heureux celui qui croit sans avoir vu ». Ce n’est pas moi qui le dis.
Un auteur, savoureux autant que méconnu, ajoute même, sur un ton qui fait penser à ALEXANDRE VIALATTE, que « les fiacres étaient tirés par un vieux cheval désabusé, que conduisait un cocher haut-perché, armé d’un fouet, surmonté d’un gibus ».
Il va de soi que la plupart des données figurant dans cette note ont été puisées aux meilleures sources, même s'il est possible que se soient glissées, ici ou là, quelques approximations susceptibles de gauchir la stricte vérité.
Voilà ce que je dis, moi.
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jeudi, 23 février 2012
DE L'ELECTEUR SPONGIEUX (suite et fin)
LE FLÉAU DU DROIT DE VOTE, ÉPISODE 6
Proverbe tibétain : « En période électorale, l'anus du candidat se pare de ses plus beaux atours ».
DES ELECTEURS SPONGIEUX
Résumé : seul un effort massif dans l’éducation est à même de faire naître une véritable société démocratique et de rendre les individus imperméables à la propagande.
Au lieu de la noble aspiration de CONDORCET, qu’est-ce que nous voyons ? Du côté de l’instruction, nous ne voyons hélas pas grand-chose, parce qu’il n’en reste pas grand-chose. Sans nous appesantir sur le débaptême de l’ « instruction » en « éducation », sur lequel il y aurait pourtant à dire, contentons-nous d’observer un savant et constant démantèlement de l’institution chargée de transmettre aux jeunes tous les savoirs nécessaires. [Voix off : « mission accomplie ».]
Constatons l’opiniâtreté de certaines forces qui, sous couvert d’égalité, ont arasé, appauvri et uniformisé le niveau des matières contenues dans les crânes. Ecoutez, ça fait floc-floc. Pour détruire un système éducatif, commencez par le réformer à tout bout de champ. En gros, je vous conseille de conduire une réforme par an pendant cinquante ans : à la fin, vous êtes sûr que plus personne ne sait qui fait quoi, ni qui doit faire quoi. [Voix off : « mission accomplie »].
Reléguez les enseignements techniques au fond de la cour à côté des WC, puisque vous avez prévu la future division internationale du travail, que vous supputez les travaux sales en Chine, et que vous pensez attirer tous les emplois à « haute valeur ajoutée » – ah zut, ça délocalise à tout va ! Vite, clamez qu’il faut « réindustrialiser » ! Ah zut, on a déjà eu le temps de perdre les savoir-faire (aciéries, industrie textile, ...) ! Mondieu, mondieu, que de malchances successives ! [Voix off : « mission accomplie ».]
Mettez l’accent non plus sur les contenus et les disciplines d’enseignement, mais sur les méthodes pédagogiques de ces salauds d’enseignants crispés sur leurs privilèges exorbitants et engourdis dans leurs routines crasseuses et paresseuses. Simultanément, faites comprendre aux élèves qu’ils ont eux aussi, après tout, des droits, et qu’il serait bon qu’ils le fissent sentir aux enseignants trop imbus de leurs personnes. [Voix off : « mission accomplie ».]
Vous aurez partie gagnée quand le cours commencera par une longue invocation au silence des élèves et se poursuivra par une harangue destinée à convaincre les dits élèves que ce qui sera dit pourra ne pas leur être complètement inutile. Certains esprits mal tournés pourraient penser que c’est le chaos ? [Voix off : « mission accomplie ».]
[Mine de rien, sous le masque habile de l’avocat du diable, l’auteur de ces lignes, pourtant en général d’un naturel épais, rustique et grossier, parfois même vulgaire, synthétise fort subtilement trois des nombreux problèmes qui ont commencé à envahir les enceintes scolaires – enceintes dont on ne sait trop de quelle catastrophe future elles accouchent – et à ébranler les fondations d’un système éducatif « que le monde entier nous envie ». Note de l’éditeur.]
CE QUI SORT DE L'ANUS DU CANDIDAT
(merda d'artista, piero manzoni, 1961)
Conclusion : avec un système éducatif dans un état toujours plus flageolant, branlicotant et vacillant depuis une quarantaine d’années, si même il n’est pas déjà à l’état de ruine prémonitoire ou imminente, comment croire encore au talent de la mentalité française collective ?
Avec la télévision comme outil perfectionné de propagande à formater les esprits et machine à réduire les têtes, comment croire à la qualité de jugement collectif d’une population soumise à ce bombardement ? En quel honneur spécial, le Français échapperait-il à l'état spongieux qui caractérise tous les électorats démocratiques ?
Comment le « corps électoral » serait-il, dans ces conditions, autre chose qu’un niais, un gobe-mouche béat ? Comment le « corps électoral » pourrait-il ne pas être frappé de la crédulité médusée de la grenouille happée par la couleuvre ? Comment le « corps électoral » pourrait-il échapper à cet état spongieux qui fait tout avaler ? Sinon, SARKOZY aurait-il été élu ? Remarquez que, si ç’avait été SEGOLENE, je n’aurais eu que le nom propre à modifier.
GOBE-MOUCHE BEAT SANS COLLIER
(EN BEATITUDE)
A ceux qui m’accuseraient de partialité, je réponds en citant l’avis porté par EMMANUEL TODD sur les classes politiques occidentales en général : même s’il n’est pas une autorité infaillible, son point de vue reste intéressant. Il considère que, globalement, les personnels politiques du monde occidental sont d’une MÉDIOCRITÉ affligeante. Je pose donc la question : si les hommes politiques sont médiocres, cela ne vient-il pas du fait que les populations sont elles-mêmes médiocres ?
Un corps électoral à l'état spongieux.
L’un des facteurs de cette médiocrité foncière des « élites » censées être à même de gouverner serait donc la médiocrité des gouvernés eux-mêmes. Un autre facteur pourrait être l’extrême verrouillage du système politique, avec ses aiguillages, ses tiroirs, ses cases déjà toutes étiquetées, avec son fonctionnement désormais institutionnalisé, ses rouages trop bien huilés, en « carrières » dûment répertoriées.
Pourtant, malgré l’état de délabrement de ce « corps électoral », selon la stricte légalité, ce sont les membres de cette population progressivement décervelée qu’on persiste à appeler, contre tout bon sens, des citoyens. Et ce sont eux, gavés d’images publicitaires vantant des produits politiques, qui vont accomplir leur « devoir électoral ».
Comment voulez-vous, dans ces conditions, que le meilleur soit élu (au cas où ce « meilleur » existerait, ce qui n’est nullement avéré, voyez le sort réservé à EVA JOLY, celle qui n’a visiblement pas été coulée dans le moule, et quelque discutable que soit la personne) ?
Ce sont eux qui, en 2007, ont élu NICOLAS SARKOZY, sur la foi d’images et de discours méticuleusement manufacturés, ciselés, chantournés, limés, rabotés dans des ateliers de communication publicitaire de haute performance. Le quinquennat leur a ouvert les yeux. Mais en 2012, même « déçus du sarkozysme », auront-ils compris comment ça marche ?
Soumis au pilonnage en règle des médias qui vont nous faire bouffer de la présidentielle jusqu’à l'écoeurement, jusqu'à l’occlusion intestinale, leur esprit, réfugié au fond de la tranchée, saura-t-il résister au bombardement, aux nouveaux discours, aux nouvelles images qui vantent à longueur d’ « informations » le FRANÇOIS HOLLANDE nouveau et le NICOLAS SARKOZY, jeune perdreau qui vient de naître, bref, les « nouvelles » marchandises « politiques » ?
Voilà ce que je dis, moi.
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mercredi, 22 février 2012
DE L'ELECTEUR SPONGIEUX (début)
LE FLÉAU DU DROIT DE VOTE, ÉPISODE 5
Proverbe bantou : « A électeur spongieux, élection flasque ».
Commençons par le rappel d’un petit fait historique. Dans la nuit du 4 au 5 août 1789, dans un grand élan de fraternité et d’égalité, que la mythologie révolutionnaire a consacré en le magnifiant au fronton des temples de la République, les députés des trois ordres adoptèrent une loi abolissant les privilèges hérités de l’ère féodale. Ce fut grand, ce fut beau, ce fut généreux.
ELECTEUR SPONGIEUX
Ce qu’on sait moins et qu’on oublie, c’est que, d’une part, ce ne fut pas, dans la réalité, aussi grandiose et aussi soudain que la légende l’a colporté, et d’autre part que, dans les semaines qui suivirent cette nuit mémorable, et jusqu’au mois d’octobre, il y eut dans les campagnes françaises le plus grand massacre de gibier qu’on eût jamais vu.
C’est tout simplement que tous les roturiers, petits propriétaires et paysans de France se vengeaient sur la faune sauvage de siècles de répression du moindre lièvre larronné, de la moindre perdrix soustraite au privilège seigneurial pour améliorer l’ordinaire. Voilà, aurait dit MONTESQUIEU, où ça mène, d’accorder, dans la précipitation et sans précaution, des droits à la « canaille ». A commencer par le droit de vote.
ELECTION FLASQUE
(à moins que ce ne soit l'élu en personne)
Il aurait ajouté que la démocratie n’est ni viable, ni souhaitable en l’absence de la vertu. La vertu, parfaitement. Franchement, on se demande à quoi il pensait. Je préfère de loin un homme comme CONDORCET.
De cet homme, laissons violemment de côté le génie qui rêvait d’appliquer les mathématiques à la gestion des sociétés humaines (il a travaillé sur « l’arithmétique politique » ou « mathématique sociale »), et à ce titre le concepteur des techniques totalitaires de la « gouvernance » sociale et l’initiateur du développement déraisonnable des statistiques comme outil d’administration du « parc humain » (Règles pour le parc humain, livre (2000) du philosophe PETER SLOTERDIJK).
CONDORCET, lui-même victime de la Terreur mise en place par ROBESPIERRE (il s’est suicidé dans sa cellule après avoir été arrêté, fuyant un ordre de comparution qui aurait de toute façon mal fini), est l’auteur, entre de nombreux ouvrages, de Cinq mémoires sur l’instruction publique.
Sa grande idée politique repose sur l’idée d’instruction (il refuse, à raison, de confondre « instruction » et « éducation ») : la nation entière peut progresser vers les « Lumières » si elle prodigue à tous ses membres sans distinction une instruction suffisante. Pour cela, dit-il, il convient de donner davantage à ceux qui sont moins éclairés (= pas encore), et moins à ceux qui le sont davantage (= déjà).
ELECTEUR DOUBLEMENT SPONGIEUX
CONDORCET rêvait, comme tous les hommes des Lumières, de mettre tout le monde en état de juger des qualités et des défauts. Il rêvait en quelque sorte de rendre chacun imperméable à toute forme d'oppression. A toute forme de propagande. Il devait se dire que, pour qu'elle fût en mesure d'élire les meilleurs parmi elle, il était nécessaire que la population entière acquît les plus grandes capacités possibles de DISCERNEMENT.
Disons que cela pourrait s’appeler « redistribution des lumières » et que le but visé s’appelle « égalité ». L’idée des « Lumières », elle est là : pour que la nation tout entière progresse et s’élève parmi les nations, elle doit permettre à chacun d’élever son esprit. Je l'avoue, il fut un temps où je me disais, à la façon de FRANÇOIS VILLON : « En cette foi je veux vivre et mourir ». Et je crois toujours que cet horizon, l'homme peut l'atteindre, s'il le décide. Mais bon, nous traversons, semble-t-il, des vents contraires.
ELECTION DOUBLEMENT FLASQUE
Seul un effort éducatif massif de la collectivité est à même de favoriser l’avancée de celle-ci. Et c’est un raisonnement à soixante ans de portée, à deux générations de terme. Signalons en passant que la Chine actuelle a parfaitement assimilé cet impératif. L'occident, semble-t-il, n'en a plus les moyens.
Au lieu de cette belle idée généreuse, la Révolution, au prétexte d’éradiquer les derniers germes de la féodalité et d’éliminer les derniers adversaires de l’ordre nouveau, après avoir promu des couches toujours plus basses, finit par promouvoir des couches de la population qu’on appellerait aujourd’hui la « racaille ».
Vous imaginez, aujourd’hui, des petits salopards ignorants, issus des bas-fonds, se mettre à jouir de tutoyer le roi en l’appelant « Capet », à toiser de haut les gens ordinaires, à tenir le haut du pavé et à faire la police (ah, vous avez vu de telles scènes ? Que me racontez-vous là ?) ? Quel genre de gouvernement aurait le culot de donner de l’autorité publique à des individus issus de ce qu’il y a de pire dans la population ?
C’est un peu ce qui a été fait en France, en 1793, et jusqu’au 9 Thermidor. C’est ce que les Allemands ont méticuleusement appliqué dans les camps de concentration en faisant des prisonniers de droit commun les plus violents ou les plus serviles des « kapos » de sinistre mémoire.
MAO TSE TOUNG a beaucoup étudié cette séquence historique, et quand on lit Les Habits neufs du président Mao, de SIMON LEYS, on se dit qu’il en a pris de la graine, puisqu’il a su faire face à la légion de ses ennemis pour se maintenir férocement (« Feu sur le quartier général » et la « Grande Révolution Culturelle Prolétarienne ») au pouvoir jusqu’à sa mort.
Donc il ne saurait y avoir de vraie démocratie représentative sans un peuple également éclairé, également instruit, également élevé vers les lumières de la Raison. Elire un homme pour diriger les affaires de la ville, du département, de la Région, de l’Etat, suppose obligatoirement que les électeurs ont tous reçu un niveau d’instruction leur permettant de distinguer l’individu possédant les plus hautes qualités pour occuper la fonction.
Pour qu’une démocratie vive réellement, il faut impérativement faire ce qu’il faut pour que, collectivement, le niveau de l’esprit dans le peuple s’élève. Ce fut l’ambition et l’espoir avortés de CONDORCET.
Voilà ce que je dis, moi.
Suite et fin demain.
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mardi, 21 février 2012
PÊLE-MÊLE D'UN CARNET DE LECTURE (5)
L'Epidémie, ANDREAS FRANGIAS (1927 - 1971)
Magnifique livre parlant sur un ton posé d’années terribles passées dans une « île de concentration » pour détenus politiques en Grèce pas si ancienne que ça. Ton volontairement neutre, apaisé, où l’on peut projeter plusieurs sortes de valeurs. Le livre décrit l’horreur du système, et par son détachement apparent, fait ressortir la dérision, l’absurde, non pas sous une forme déclarée, déclamative, mais la suggère dans l’esprit du lecteur.
Il n’y a guère de haine apparente, seulement de temps à autre, des bulles d’émotion éclatent à la surface des phrases, surtout dans les échanges entre les hommes, un regard furtif, une phrase discrète, une étreinte fraternelle. Ce n’est pas pour autant un livre serein, ni un livre de souvenirs. On est dans l’organisation d’un monde, comme ci et comme ça. D’où vient-on ? Où va-t-on ? Ce sont les questions de tous, ici et là-bas, comment s’adapter le mieux possible à l’environnement, au chef, aux dangers, aux voisins. Comment faire pour s’élever socialement ?
Questions des plus banales et universelles. Simplement, les problèmes posés sont absurdes (le pont, les mouches, la chaux, la hiérarchie), les relations sont écorchées, prises dans les tenailles de la perversion. Il faut impérativement maintenir en vie l’homme dans l’horreur, pour le briser, pour le tuer intérieurement.
Tristesse et beauté, KAWABATA YASUNARI
Deux lesbiennes, qui sont aussi deux peintres, dont une célèbre : Otoko, voient surgir Oki, ancien amant, amour fini, jadis, en tragédie. La plus jeune, pour venger celle qu’elle aime, décide de porter le malheur dans la famille d’Oki, en provoquant la mort du fils. Intériorité fascinante, interpénétration de l’extérieur très ritualisé du Japon, et d’un monde intérieur toujours fluctuant. Des surprises, des fils inextricables, un mystère, qui ne tient pas qu’à la japonitude du roman.
Le Bal du comte d'Orgel, RAYMOND RADIGUET
Jusqu’à la moitié, le récit paraît empreint de naïveté, tant la transposition de l’Œdipe semble flagrante. Un jeu qui se met en place lentement, posément, classiquement, dans des descriptions des personnages. Paul Robin, François de Séryeuse, puis les Orgel, enfin Madame de Séryeuse. Retour sur Mahaut d’Orgel, l’objet de l’amour de François, puis retour sur la mère de celui-ci.
MORT A 20 ANS
Tout se déroule comme un panoramique, sur un arrière-fond d’éléments fixes, comme un manège bien rodé. Puis tout le livre se cabre dans la fin, ou pique du nez dans un mouvement accéléré, qui semble devoir bouleverser le monde entier, tant la tempête intérieure des êtres est grande. L’ordre vacille. Présence de Naroumof. La morale, la rectitude du devoir vacillent. Des tourbillons intérieurs en présence les uns des autres semblent promettre, dans leur choc inévitable, une douleur durable pour bien des gens.
On s’achemine donc tranquillement, puis cavalièrement, vers ce qu’il est convenu d’appeler une catastrophe. Au moment où tout doit basculer, lors de l’aveu de Mahaut d’Orgel à son mari, la réaction de celui-ci, en quelques mots, réinstalle l’ordre, réinaugure la tranquillité comme si elle n’avait jamais rien risqué, comme si l’amour mutuel, enfin avoué, de deux êtres, un amour interdit par le lien conjugal de l’un, n’avait aucune chance de faire dévier une trajectoire qui ne dépend pas des individus en action.
Ceux-ci, pourrait-on dire, sont « renvoyés à leurs sentiments » : le bal se tiendra. Dans cette bataille entre extériorité et intériorité, c’est la première qui gagne. Elle seule gouverne, au fond, et ce n’est pas l’intériorité des sentiments qui doit pouvoir la modifier par ses modestes incidences, finalement négligeables. Sûrement pas un roman naïf, donc, mais un grand roman, bien clos sur lui-même, un grand roman de la dérision.
Le Roi Bohusch, RAINER MARIA RILKE
Ce n’est qu’une nouvelle, mais c’est du RILKE. Bohusch fut un enfant et reste un adulte contrefait, complexé par rapport à tous les autres, méprisé. Tout le contraire de son père, M. Bohusch, à l’attitude et à la sture altières et majestueuses. Voilà-t-il pas que le jeune Bohusch fait un seul et unique rêve. Je donne juste cette citation, le rêve du Roi Bohusch le contrefait.
C'EST LA BEAUTÉ INTERIEURE QUI COMPTE
« Un instant s’écoula avant que le bossu comprît clairement pourquoi, à cet instant, il pensait justement à son père. Il le voyait : dans son immense paletot de fourrure à tresses, dont le col semblait se confondre avec sa grande barbe, M. Bohusch marchait d’un pas large et assuré dans le haut vestibule crépi de lumière du vieux palais de la rue de l’Eperon. Le pommeau d’or de sa crosse touchait presque les franges dorées du rebord de son chapeau sous lequel ses yeux veillaient, graves et attentifs.
» Et l’enfant maladif se postait souvent derrière la porte de la loge du portier, et par une fente regardait son père dont la stature était plus haute que celle des tous les autres hommes et du vieux prince lui-même, devant lequel le père se découvrait respectueusement sans cependant s’incliner très bas. D’un baiser ou d’un sourire de cet homme, Bohusch, si loin qu’il cherchât, ne pouvait se souvenir, mais sa stature et sa voix faisaient partie des impressions les plus nettes de son enfance.
» Et c’est pourquoi il se rappelait toujours son père, chaque fois qu’il enviait au défunt l’un de ces deux avantages et qu’il se disait : "L’un et l’autre restent en somme maintenant inutilisés ; il n’a besoin ni de sa voix ni de sa grande taille. Pourquoi a-t-il emporté tout cela ?" Et lorsque le bossu y pensait, il se sentait chaque fois emporté, entraîné. Ses pensées n’étaient plus en lui, elles couraient devant lui, et il devait les poursuivre pour les reprendre. Pouvait-on ainsi les laisser courir ? Hors d’haleine, il les rejoignait chaque fois au même endroit.
» C’était une belle nuit d’automne avec des nuages rapides. La lumière incertaine était juste assez patiente pour permettre à Bohusch de reconnaître une plaque de marbre sur laquelle, entre les branches foisonnantes, il pouvait lire : Bitezlaw Bohusch, portier ducal. Et chaque fois que le petit lisait cela, il commençait à creuser avec des ongles avides dans l’herbe et la terre, jusqu’à ce qu’il se sentît de plus en plus fatigué, et que l’haleine de la terre humide devînt de plus en plus lourde et plus nébuleuse, et que ses ongles commençassent à crisser sur le bois lisse du grand cercueil jaune.
» Et alors il se voyait à genoux sur le cercueil, dans la fosse sombre, rester indécis durant quelques secondes. Jusqu’à ce que, enfin, il trouvât une solution : on devait pouvoir briser cette planche en cognant de la tête, de même que l’on pouvait briser une vitre. Ne l’avait-on pas toujours raillé à cause de la dureté de son crâne ? Il allait donc du moins être bon à cela. Crac ! La planche cède comme une vitre, et Bohusch étend sa main brûlante, retire de cette obscurité moite la poitrine de son père, en revêt comme d’une cuirasse ses épaules timides, étend encore la main, cherche et cherche de ses doigts convulsés, s’aide de l’autre main, et ne parvient pas à comprendre pourquoi ses deux mains sanglantes ne trouvent pas la voix de son père. »
On ne se remet jamais d'être seul dans l'existence. Quelques livres, par bonheur, aident à supporter cette solitude.
Voilà ce que je dis, moi.
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lundi, 20 février 2012
CARLA BRUNI NE FAIT PAS DE POLITIQUE
C’est entendu, une femme de candidat ne fait pas de politique. C’est sûr. On le croit volontiers. La preuve, c’est qu’on la voit en une d’un certain nombre de « news magazines ». Je ne suis pas sûr que TV magazine en soit un. En tout cas, CARLA BRUNI y a droit à quatre pages, dont une et demie d’une grande photo avec elle regardant la télé, une autre assise derrière un poste cathodique sur lequel elle s’appuie, et une feuilletant TV magazine. Sur toutes les photos, elle est très habillée, et décontractée. Que cela paraisse le jour même du premier grand meeting de campagne de monsieur BRUNI, c’est forcément un hasard, n’est-ce pas ?
MAIS ÇA, C'ETAIT AVANT
(notez la cicatrice)
L’agence de com a donc fait son boulot : CARLA BRUNI est parfaite dans le rôle, qu’elle joue avec un sens très élevé de l’engagement personnel – le rôle de la pétasse de moins de cinquante ans, « téléspectatrice attentive » de surcroît. « Oui, j’ai souvent regardé Plus belle la vie avec ma fille dans les bras ces derniers temps. (Rires.) » On est content de l’apprendre.
Je vous révèle les émissions qu’elle aime et a aimé regarder : L’amour est dans le pré, Nouvelle star, Star Academy, et d’autres encore. Non, tout ça me tombe déjà des mains, et j’ai assez vu le minois. Laissons-la bêtifier. En fait, je voulais vous parler de cette personne pour une seule raison, un propos qu’elle tient dans cette interview de TV Magazine. Sachez quand même qu’elle rêve de participer à Rendez-vous en terre inconnue, qu’elle l’a dit à son mari, « qui a levé les sourcils en signe d’étonnement ». Avouez qu’il fallait que ce fût dit.
A la question de N. VOLLAIRE : « Avez-vous un projet précis en tête ? », elle répond cette chose concernée, sublime et généreuse : « Oui, il s’agit d’une série de programmes courts, qui traite de la prévention contre l’illettrisme chez les tout-petits ». Pour ceux qui ne se taperaient pas déjà le derrière par terre, la formule à relever est « l’illettrisme chez les tout-petits ». En matière d’oxymore, c’est une vraie innovation.
GRAND LECTEUR, ET DEJA ILLETTRÉ
Je ne sais pas qui lui a déniché la trouvaille, mais n’est-elle pas d’une saveur exceptionnelle ? Je ne sais pas ce qu’est un « tout-petit » pour CARLA BRUNI, je dirai simplement qu’elle en a une vue éminemment extensive. Il me semblait que les enfants apprennent à lire autour de 5 ou 6 ans, qu’ils ont quelques années d’école ensuite, et que l’illettrisme concerne ceux qui, sortis de l’école, ont perdu la lecture faute d’un enracinement par la pratique. Sont-ils encore des « tout-petits » ?
Bref, CARLA BRUNI (c’est-à-dire la personne qui a rédigé les réponses) a perdu une excellente occasion de se taire.
Voilà ce que je dis, moi.
18:30 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carla bruni, nicolas sarkozy, presse, journaux, tv magazine, illettrisme, propagande, campagne électorale, élection présidentielle