mardi, 12 novembre 2019
LA TERRE COMME UNE USINE 2
LA TERRE COMME UNE USINE.
Le projet d'Edgar Pisani, célèbre ministre de De Gaulle ? Envoyer un gros bulldozer pour tout araser et pour transformer la campagne française en usine à produire des aliments. La terre comme une usine : voilà l'essence du projet. C’est aussi simple que ça.
Et quels que soient les discours des présidents, quelques sympathiques que soient les Salons de l'Agriculture, quels que soient les résultats des Grenelle de l'environnement ou des Etats Généraux de l'alimentation, année après année, on le voit se réaliser, le projet de Pisani, comme une mécanique bien huilée poussée par un moteur en parfait état alimenté par un carburant performant. Quoi qu'il arrive, la logique industrielle étend son emprise, inexorablement. Parce que c'est elle qui est au cœur de tout le système. C'est elle, le moteur.
Il paraîtrait que Pisani ait fini par éprouver quelques remords. Trop tard !
Christin et Mézières, dans Bienvenue sur Alflolol (Valérian n°4, Dargaud, 1982), ne sont finalement pas tant que ça dans la science-fiction (c'est de la bande dessinée). Comparer avec ci-dessous la production bien actuelle des tomates bio en Andalousie (c'est une vraie photo publiée dans Le Monde le 3 septembre 2019).
Edgar Pisani ! Encore un qui ne s’est pas remis de son voyage aux USA (je parlais récemment des maires Pradel et Degraeve de retour de Los Angeles pleins de projets en béton pour leur ville) et qui, sans se poser de questions sur l’adaptabilité du système, a utilisé son pouvoir politique pour obliger l’agriculture à s’industrialiser – que dis-je : à devenir une industrie ! La mécanisation à outrance comme solution miracle ! Et à la cravache !
Pour cela, il faut de très grandes surfaces (remembrement, destruction des haies, ...), de très grosses machines qui coûtent très cher, donc de très gros emprunts (en français : un très gros endettement auprès du Crédit Agricole). Pour l'élevage bovin, la France traîne heureusement un peu la patte (la "ferme des 1.000 vaches" fait débat, alors qu'ailleurs - Chine, Canada, etc. - on parle d'établissements de 10.000 bovins, voire plus). Big is beautiful. Ne parlons plus de « fermes », mais d' « entreprises à vocation agricole » (on peut remplacer "agricole" par "nutritionnelle", biberonneuse", etc.). Hors du gigantisme, point de salut.
Je laisse la parole à Michel Houellebecq (ex-ingénieur Agro) : « Je connaissais parfaitement cet élevage, c'était un élevage énorme, plus de trois cent mille poules, qui exportait ses œufs jusqu'au Canada et en Arabie Saoudite, mais surtout il avait une réputation infecte, une des pires de France, toutes les visites avaient conclu à un avis négatif sur l'établissement : dans des hangars éclairés en hauteur par de puissants halogènes, des milliers de poules tentaient de survivre, serrées à se toucher, il n'y avait pas de cage c'était un "élevage au sol", elles étaient déplumées, décharnées, leur épiderme irrité et infesté de poux rouges, elles vivaient au milieu des cadavres en décomposition de leur congénères, passaient chaque seconde de leur brève existence – au maximum un an – à caqueter de terreur » (Sérotonine, p.160).
Pour couronner le tout, il faut une « organisation » qui englobe tout le personnel employé sur les terres agricoles. Ce sera la FNSEA, seul interlocuteur du gouvernement en matière agricole, sorte d’Etat dans l’Etat, qui fait la pluie et le beau temps, qui négocie avec le ministère de puissance à puissance, qui envoie à l’occasion un commando dévaster impunément les bureaux de la ministre de l’écologie (il me semble que c'était Voynet). Et qui est capable dernièrement d'organiser une manif de tracteur pour protester contre l' "agribashing" (encore une trouvaille de journaliste, je parie !) dont souffrent les agriculteurs. Situation absurde et rocambolesque quand on regarde l'évolution sur le long terme : qui a voulu cette industrie agricole ?
On comprend bien que les paysans de l’ancienne France aient fini par disparaître : pris entre 1 - les mâchoires de l’étau politique d’un ministère qui propageait une vision totalitaire de l’agriculture du futur ; mais aussi 2 - entre les mâchoires de l’étau financier du Crédit agricole qui prêtait en masse pour inonder de machines les exploitations agricoles et pour tenir les exploitants dans le nœud coulant de leurs dettes ; et enfin 3 - entre les mâchoires de l’étau d’un « syndicat » monopolistique regroupant désormais des « entreprises agricoles », où les gros chefs d'entreprise pouvaient dicter leur loi aux petits.
Dans cette histoire de gigantismes juxtaposés (et soigneusement coordonnés), j'ai failli oublier 4 - le gigantisme de la distribution qui, soi-disant dans l'intérêt du consommateur, tire vers le plus bas possible ses prix d'achat aux producteurs, pour mieux les asphyxier et leur faire rendre gorge. Ce système répond à l'exigence capitaliste : produire en masse et au plus bas prix possible.
Je n'ai pas développé ici le côté "tout-chimique" impliqué par le choix de l'agriculture industrielle : la chimie est le corollaire forcé de l'option industrielle. Pour lutter contre les infestations de nuisibles qui font baisser les rendements à l'hectare, il est parfaitement logique de recourir à tous les poisons inventés par l'industrie chimique, cette frangine de l'industrie agricole. Et pour empêcher les rendements à l'hectare de baisser du fait de la raréfaction des nutriments naturels, il est parfaitement logique de recourir à tous les « intrants » providentiellement fournis par la même frangine. Quitte, comme le montrent les travaux de Claude et Lydia Bourguignon, à transformer le sol des terres agricoles en matière totalement inerte et stérile.
Alors dans ce paysage dominé par « du mécanique plaqué sur du vivant » (pardon, Bergson, pour le détournement, mais pour le coup, l'expression est à prendre au sens propre), dominé par le productivisme, par le quantitatif, par la standardisation, quelle place pour la bonne bouffe ? Oh c'est sûr, dans les discours, elle occupe une très belle place : Macron organise en grand tralala des "Etats Généraux de l'Alimentation" où les plus belles intentions s'étalent et font le spectacle. Résultat des courses ? Une guirlande multicolore de pets de lapin : Seigny Joan, le fou de Rabelais (Tiers Livre, 37), fait tinter la pièce du faquin pour payer « au son de son argent », la fumée du rôtisseur, au parfum de laquelle le faquin avait mangé son pain.
Le problème ne change pas. On a beau tourner autour en poussant des cris incantatoires et déchirants, c'est toujours le même. Je le formulerai ainsi : les initiatives individuelles, aussi nombreuses, courageuses et opiniâtres qu'elles soient, peuvent-elles infléchir la trajectoire globale d'une masse d'éléments étroitement interdépendants, et solidement organisés en SYSTÈME ? Je réponds clairement "non". En dehors de la satisfaction de pouvoir se dire qu'on est dans le vrai, on en reste aux pets de lapin.
Reiser 1976.
Prenons la biodiversité alimentaire : elle existe, oui, mais à quel prix ? Êtes-vous prêts à payer 3,85€ le délicieux pain de "petit épeautre" plein de qualités diverses (on trouve ça chez Caclin) ? Combien de variétés de pommes, il y a soixante ans ? Essayez de trouver des pommes "Calville" sur les marchés lyonnais, vous savez, ces excellentes pommes jaunes pleines de bourrelets sur le cul. Même chose pour tous les légumes et fruits.
Demandons-nous ce qui entraîne l'uniformisation des modes de vie, l'uniformisation des comportements, l'uniformisation des habitudes, l'uniformisation de l'alimentation. Certains appelleront ça la "mondialisation". Pas faux, mais la mondialisation est elle-même le résultat d'un processus plus vaste et plus ancien : l'industrialisation. Qu'est-ce que c'est, en réalité, la "grande distribution" ?
C'est la logique industrielle appliquée au principe du magasin de vente : automatisation des tâches, standardisation des produits, etc. Votre magasin de proximité s'agrandit, se rationalise, s'uniformise : vous y êtes presque. Nous sommes les fruits de cette logique industrielle, c'est elle qui nous a façonnés, corps et esprit, jusqu'à nous apparaître comme une évidence, comme une autre nature. C'est de la production industrielle que notre vie dépend, comme celle du drogué dépend de son dealer.
Or entre la logique écologique et la logique industrielle, il n'y a pas d'entente possible. C'est rigoureusement incompatible. A l'ère industrielle, il y a les gentils "gestes" qu'on peut faire (bientôt les pots de yaourt dans la poubelle jaune : quel progrès!), pour se donner bonne conscience. Il y a les petites intentions louables qui nous font "trier nos déchets". Qu'est-ce que ça change à l'essentiel ? Et ça pèse quoi, le "zéro déchet" ?
Bravo à toutes les petites fourmis qui s'activent pour "vivre autrement" et de façon plus proche de la nature, mais je ne vois pas bien comment nous pourrions renier cet état de fait et changer de SYSTÈME.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans ECOLOGIE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : écologie, michel houellebecq, sérotonine, paysannerie française, agriculture, fermiers, paysans, fnsea, edgar pisani, charles de gaulle, permaculture, agriculture biologique, lydia et claude bourguignon, bande dessinée, mézières et christin, valérian et laureline, bienvenue sur alflolol, louis pradel lyon, jean degraeve chalons sur marne, crédit agricole, dominique voynet, journal le monde
lundi, 11 novembre 2019
LA TERRE COMME UNE USINE 1
« Ce qui se passe en ce moment avec l’agriculture en France, c’est un énorme plan social, le plus gros plan social à l’œuvre à l’heure actuelle, mais c’est un plan social secret. » Michel Houellebecq, Sérotonine, Flammarion, 2019.
La seule erreur de Michel Houellebecq, dans le constat des dégâts que son dernier roman Sérotonine dresse au sujet de l'agriculture, c'est l'expression "en ce moment". Phèdre (Racine) dirait : « Mon mal vient de plus loin » : un plan social, oui, mais un tsunami étalé sur cinquante ans. L'agriculture à la française (je précise) a été sciemment détruite par des crânes d’œufs lauréats des grandes écoles depuis que les grandes écoles font la loi en France.
Car il suffit de rappeler que le nombre des paysans (agriculteurs, exploitants agricoles, etc.) est passé de 4.000.000 dans les années 1960 à 400.000 aujourd’hui. On pourrait l’appeler aussi « extermination d’une population ». La brutalité avec laquelle le monde agricole a été massacré en un demi-siècle n’a d’égale que d’autres brutalités, que l’on a pourtant généralement coutume de considérer comme bien pires, parce que plus visibles. L'invisibilité, voilà bien le problème de l'extinction de l'agriculture à la française. Le système productiviste a inventé l'extermination en douceur (un suicide par jour, dit-on).
Bon, disons-le tout de suite : ce n’est pas la nostalgie qui m’inspire ici. Oui, j’ai passé de merveilleux moments chez le père Pic, à Tence (Haute-Loire) : voir poser le joug sur la nuque des bœufs (il y en avait souvent un qui avançait de biais) et passer le timon dans l’œil du joug, il me laissait seulement passer la goupille dans son orifice pour fixer l’attelage, et faire semblant de guider celui-ci en maniant une longue trique et en poussant des cris imités de par là-bas. Et puis l’énorme pain hebdomadaire que monsieur Pic cuisait dans le four en pierre, devant la ferme, avec deux petites miches qu’il avait bourrées de raisins secs à destination des deux galapiats qui venaient passer leurs journées de vacances dans sa ferme, et qu’il laissait jouer aux paysans.
Et puis c’est juste à côté, chez Joseph et Marie (je n’ai jamais su quel était leur nom de famille, mais c’était bien leurs prénoms), que j’ai appris à traire les vaches. Ils en avaient six, il faisait chaud dans l’étable, je buvais leur lait « bourru » et, monté dans la grange, je faisais, à la fourche, tomber dans leur râtelier leur ration de foin. Je ne sais pas si je saurais encore tirer sur les pis comme il convient. De toute façon, qui trait encore les vaches à la main ? Il y avait de la tendresse : je vois encore Joseph assis sur son « boute-à-cul », les mains au travail et la tête posée avec l’épaule contre le ventre tiède.
Tout ça est vrai, mais je ne peux pas dire que c’était le bon temps : c’est juste une expérience inoubliable, gravée sur mon disque dur jusqu’à ce que mort s’en suive. Ce que je ne voyais pas, moi le petit citadin en vacances, c’était la dureté de toutes ces tâches qui me semblaient agréables ; c’était la dureté du métier de paysan, que je n’ai fait qu’effleurer dans l’insouciance, comme un jeu un peu plus sérieux, un jeu comme "pour de vrai". Bon, j'avoue que quand on m'a mis la fourche en main pour monter les bottes de la charrette à la grange, j'ai été rendu à mon pauvre état de novice : je n'étais pas encore taillé pour ça.
Cette dureté de la vie paysanne, je l’ai éprouvée beaucoup plus tard quand, étant à la croisée des chemins et n’ayant qu’une vue brumeuse sur mon avenir, j’ai prêté la main quelque temps à Georges R., lui-même fils de paysan, qui élevait dans une commune proche de Lyon une quinzaine de vaches (pour le lait) et qui cultivait quelques hectares pour le maraîchage. Je me souviens en particulier du jour où nous avons attaqué en même temps deux rangs de haricots et où le gars, ancien "polio" pourtant, m'avait « semé sur place » : manifestement, je n’étais pas fait pour un métier de la terre, mon rendement était pitoyable. C'est en arrachant des rangées d'oignons que j'ai répondu à la question existentielle.
Ce qui fait agir le paysan s'appelle Nécessité (le mot Ἀνάγκη, gravé dans un coin obscur de Notre-Dame de Paris, chez Victor Hugo). Georges était capable d’abattre en été ses quinze heures de boulot. Cette énergie quasi-désespérée, il la puisait dans la simple nécessité imposée par le rythme des bestiaux et par le rythme de la germination. Quand les vaches ont la mamelle pleine, y a pas : il faut traire, sinon vous allez les entendre. Quand les haricots, quand les oignons mûrissent, y a pas : il faut y aller, sans se poser de question, sinon vous perdez tout. Le boulot des paysans, il est là : c'est la nature qui dicte sa loi et qui impose sa nécessité.
J’ai su que ce n’était pas pour moi : pour cultiver les sols, pour élever des animaux, il faut s’éreinter, il faut se donner un mal de chien, il ne faut pas compter les heures, il ne faut pas compter sa peine, il ne faut pas compter sur d’éventuelles vacances pour « décompresser », et en plus, il ne faut pas trop compter ce qui tombe dans le porte-monnaie à la fin du mois. Qui serait assez fou pour mettre le doigt dans cet engrenage infernal ?
La FNSEA n’a pas complètement tort avec sa campagne de communication : les métiers de la terre sont largement ignorés (elle dit « mal aimés ») par une population de citadins et dans un pays qui a vu fondre comme neige au soleil les effectifs. Sans remonter à 1930 (et pour cause), j’ai connu à Frontonas (Isère) l’époque où les paysans étaient omniprésents dans la vie du village.
J’entends encore ces hommes du nord-Dauphiné, durs et drus, trapus et solides, occupant en demi-cercle le banc de pierre du chœur de l’église, jusque derrière l’autel, chanter – en latin, s’il vous plaît – le « Credo » et le « Gloria » en alternance avec les femmes, placées quant à elles sur les premiers bancs de bois, à droite dans la nef. Je vois encore, à la sortie de la messe leur groupe compact se diriger doucement vers le café de la place pour siffler quelques apéros – en chœur, s’il vous plaît. C’est encore eux qui formaient l’essentiel du conseil municipal : la vie du village, kermesse comprise, c'étaient les paysans.
Ils formaient ainsi pour le reste de la population (encore peu urbanisée) un paysage familier, quotidien. C’étaient eux, le « tissu social ». C'étaient eux, la base du "vivre-ensemble". Depuis, avec des effectifs divisés par 10 en cinquante ans, ils ont disparu. Qui connaît encore, qui fréquente encore des paysans, en dehors de ceux qui viennent vendre leur production sur les marchés des villes ? La vie dans les villages ne tourne plus autour de sa population paysanne, encore heureux quand il y reste une exploitation agricole.
Bizarrement, dans le même temps, la production agricole a augmenté démesurément. L’économiste ordinaire est content, saute sur sa chaise comme un cabri et s’extasie : quel bond spectaculaire de la productivité des travailleurs !!! Mais à quel prix, lui réplique le citoyen ordinaire !
A quel prix ? C’est vite vu. Mettons tout de suite de côté la vieille agriculture de type familial, l’agriculture biologique, la permaculture et toutes les variantes nouvelles de l’agriculture à taille humaine : on en a très vite fait le tour. Le poids de ces façons de produire des aliments est négligeable par rapport au total. Je ne connais pas les chiffres exacts, mais il ne me semble pas que la tendance de fond de l’agriculture française ait beaucoup changé depuis le grand projet du ministre Edgar Pisani du temps de De Gaulle.
A suivre.
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jeudi, 19 avril 2018
LES MALHEURS D'ADOLF OGM
4 mai 2012
Résumé : les multinationales des OGM ont peut-être du souci à se faire [Pas tant que ça, en fin de compte, bien au contraire, que c'en est même à désespérer du genre humain. Ajouté le 18 avril 2018.]
Mille paysans indiens de l’Etat d’Andra Pradesh (ainsi que du Madhya Pradesh) ont obtenu d’un tribunal le versement, par BayerCropScience, de 850.000 euros d’indemnités, parce que la récolte 2011 (coton transgénique) a été inférieure de moitié à ce qu’elle aurait dû être. De MOITIÉ. C’est ce qui s’appelle déchanter.
C’est une excellente nouvelle, car une firme OGM est une entreprise de vol, que dis-je : de racket organisé, et qui plus est de racket légal, puisque la brevetabilité du vivant a été avalisée (par qui précisément, au fait ?), au moyen d’arguties juridiques subtilissimes.
Et c’est d’autant plus du vol que le paysan qui s’est converti à la religion OGM est juridiquement contraint d’acheter chaque année ses nouvelles semences, au lieu de faire ce qu’on a toujours fait de tradition immémoriale, réserver 10 % de la récolte pour la semaison suivante (pour la simple raison que les 10% qu'il serait tenté de prélever pour échapper à cet impôt forcé ont été fabriqués spécialement pour rester stériles : c'est pas des cons qu'on a en face : c'est des vrais capitalistes, ils sont allés aux écoles).
M. Adolf « OGM » Monsanto a été obligé de reconnaître, en 2009, que son coton Bollgard est désormais totalement vulnérable au ver rose, dans le Gujarat. Du coup, je raffole du ver rose. Des chercheurs indiens pensent que le coton transgénique résiste très mal aux bactéries, ce qui va faire forcément baisser la productivité. Le potentiel des semences hybrides va baisser.
Une certaine « frisolée » (un virus) est apparue sur les nouvelles semences hybrides OGM. Depuis que je sais ça, je ne peux plus me passer de frisolée. Les « parasites suceurs » s’en donnent à cœur joie, alors même que les semences traditionnelles y résistaient très bien. Sans compter que les semences transgéniques consomment plus d’eau que les autres, ont besoin de plus de nutriments, et conduisent par là à l’épuisement des sols, d’où la nécessité d’un surcroît d’engrais.
Tout ça coûte cher au paysan : en 2006, des milliers d’entre eux, acculés à la faillite, se sont suicidés en avalant des pesticides (voir là-dessus le très instructif film de Marie-Monique Robin, Le Monde selon Monsanto, 2008, disponible en DVD).
En plus, techniquement, il semble que le maniement de ces semences soit compliqué et nécessite un savoir-faire spécifique, car chacune des 780 variétés OGM distribuées en Inde est conçue pour un sol précis, et doit accepter une proportion précise de semences non OGM pour éviter les résistances aux gènes insecticides des OGM. J’espère que vous suivez. Comme dirait SEMPÉ : « Rien n’est simple, et tout se complique ».
Il a donc fallu dix ans pour que les gens ordinaires et quelques autorités indiennes mesurent les problèmes que posent les semences OGM, dont on promettait, dans les publicités massives qui ont permis d’installer le marché, qu’elles étaient justement faites pour les résoudre, les problèmes.
Ben ça tombe bien, parce que figurez-vous qu’en dix ans, les semences locales ont eu le temps de disparaître, ou peu s’en faut. Vous voyez que ça sert vraiment à quelque chose, de déclencher des « controverses scientifiques » ! Dix ans pour que le masque commence seulement à tomber. Tout ce qui peut nuire aux OGM, en particulier l’observation de leurs effets pervers, doit être considéré comme une bonne nouvelle. Mais tout ce temps perdu, quel gâchis !
Pendant ce gâchis, que se passe-t-il aux Etats-Unis, berceau de cette avancée scientifique décisive que sont les OGM ? Eh bien, il semble qu’on y suive un chemin analogue. Le rendement stagne. La rentabilité de la culture du coton baisse, parce que les coûts augmentent. On se heurte au mur de la connaissance technique, alors qu’on promettait la plus grande facilité d’emploi.
Et puis on se rend compte que, si le coton « Bt » est efficace contre une chenille spécifique, il reste plusieurs dizaines de ravageurs. Le coton « Bt » a laissé le champ libre à ces derniers, qu’on connaît beaucoup moins bien, donc contre lesquels il est plus difficile de lutter. On recourt donc de nouveau aux pesticides classiques, dont les OGM devaient précisément nous débarrasser. Bref, les OGM n’ont rien amélioré, et en plus, ils ont semé le souk. Et en plus, ils ont foutu par terre une filière traditionnelle efficace. Encore bravo, monsieur Adolf OGM !
Voilà ce que je dis, moi.
Note ajoutée le mardi 17 avril 2018 : on apprend dans Le Monde daté mercredi 18, dans les pages "normales" du journal, que des scientifiques, très versés dans l'étude de ce qui se passe très précisément dans le domaine très précis qu'est celui des fongicides utilisés en agriculture, lancent un cri d'alarme parce que les autorités européennes en charge de la santé ont autorisé la mise sur le marché, au motif qu'il n'est pas mutagène, d'un fongicide qui, non content de remplir sa tâche auprès des champignons indésirables, s'avère tout prêt à remplir auprès des humains exactement le même rôle – qu'on ne lui demande pas du tout, au motif qu'il aurait l'indésirable effet de favoriser l'apparition de certains cancers et de certaines maladies neurodégénératives.
Dans le "supplément Sciences et médecine" du même n° du Monde, la plume de Stéphane Foucart (le responsable de la rubrique "Planète") en personne détaille les biais qui auraient tendu à minimiser, dans l'étude parue récemment et déjà assez alarmante, l'effet des produits phytosanitaires utilisés dans l'agriculture qui seraient à la base de la raréfaction des oiseaux ordinaires (oiseaux des haies, oiseaux des champs, des oiseaux des bocages) dans les campagnes françaises. Figurez-vous que, parmi les commanditaires de l'étude "scientifique", on trouve des sociétés produisant des intrants phytosanitaires. Vous avez dit "conflit d'intérêt" ? Moi je dis qu'on pourrait appeler ça, tout simplement, "corruption".
09:00 Publié dans L'ETAT DU MONDE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : biotechnologies, manipulations génétiques, ogm, monsanto, inde, paysans, mon 810, coton bt, marie-monique robin, le monde selon monsanto, sempé, journal le monde, le monde stéphane foucart, le monde rubrique planète, industrie agroalimentaire, produits phytosanitaires, fongicides
mardi, 20 mars 2012
LA SAINTE TRINITE DES ECOLOGISTES (suite)
Résumé : l’auto-flagellation de l’écologiste occidental croise avantageusement les erreurs magistrales d’analyse des économistes occidentaux, et tout ce petit monde prêche sa bonne parole sur les ondes.
Tout ça est excellent pour la croissance mondiale, le commerce mondial, les affaires mondiales. Et au passage, désastreux pour la planète. Dans ces conditions, je me demande ce qu’il y a à « réparer ». Où est-elle la « DETTE ECOLOGIQUE » ? Dès que j’entends qu’il s’agit de « réparer », je ferme les écoutilles.
Pour une première raison relativement simple : on ne fera croire à personne que les classes dirigeantes et possédantes (il y en a dans tous les pays du monde) sont dans l’ignorance de l’état de misère dans lequel vivent leurs concitoyens. Que les dirigeants et possédants de tous les pays commencent par redistribuer les richesses dont bénéficie leur pays, alors oui, mais alors seulement, on pourra parler de « dette écologique ». Eventuellement.
Pour cette autre raison simple que nul ne saurait réparer l’histoire. Les occidentaux ont fait ceci, cela et encore autre chose. Ce sont les faits, dont la chaîne interminable forme l’histoire. Et j’ajoute que si les peuples anciennement colonisés n’avaient pas, sous une forme ou sous une autre, tiré quelque bénéfice de la colonisation, ils ne seraient pas en mesure de réclamer repentance.
Ce n’est pas pour rien que les classes dirigeantes africaines s’empressent d’envoyer leurs rejetons dans les plus grandes universités américaines ou anglaises. SAIF AL ISLAM KHADAFI est sorti de Cambridge, si je ne me trompe.
Et puis franchement, vouloir juger et condamner les crimes commis au cours de l’histoire, ce serait vouloir remplir le tonneau des Danaïdes. Qui réclame aux Romains des dommages et intérêts pour la colonisation de la Gaule ? Faudra-t-il punir les descendants de Catherine de Médicis, qui a ordonné la Saint-Barthélemy ? Les crimes écologiques commis depuis « les indépendances » (comme il faut dire) le sont, que je sache, par des Africains d’Afrique, des Brésiliens du Brésil et des Indonésiens d’Indonésie.
Ils sont bien péruviens de naissance, les dirigeants contre lesquels se battent les Péruviens d’origine indienne, parce qu’ils autorisent l’implantation de mines d’or épouvantablement polluantes à proximité de leurs réserves d’eau potable. Qui vend aux Chinois, Coréens, Japonais, les terres cultivables de Madagascar, du Gabon, du Cameroun, au détriment de leur propre population paysanne ?
A cet égard, il serait bon de réviser la terminologie employée dans les médias et les organisations internationales : « colonisateur », de toute évidence, c’est du passé. C’est fini, y en a plus. Mais les baux de location de 99 ans des terres de pays du sud par les riches pays émergents ont un aspect léonin qui ne devrait échapper à personne.
Si l’on ne parle plus de « colonisateurs », on pourrait bien parler des « prédateurs » modernes, qui font exactement la même chose que l’Occident au temps des colonies, mais, d’une part, avec la bénédiction de l’Organisation Mondiale du Commerce, au motif que ce sont des transactions établies « librement » entre Etats souverains ; et d’autre part dans des dimensions incomparables avec l’ancien temps.
Le présent PILLAGE de la planète n'a pas de précédent. Et le présent PILLAGE de la planète n'a jamais été aussi LEGAL. Et entre nous (et entre parenthèses), ce que beaucoup, d'un air gourmand, appellent la mondialisation, n'a jamais été aussi légalement injuste.
On pourrait même dire que, somme toute, les crimes écologiques commis par les occidentaux du temps de la colonisation honnie (qui avait au moins la décence de faire l'effort de justifier l'injustifiable) doivent être considérés comme tout à fait anodins et dérisoires par rapport à ce qui se pratique depuis « les indépendances » (environ cinquante ans), et se pratique aujourd’hui à échelle infiniment plus grande, puisque tout le monde veut « vivre à l’occidentale ».
Or c’est une banalité (à la limite du ressassement) de dire que si sept milliards d’humains vivaient un jour « à l’américaine », la Terre ne suffirait pas, que c’en est au point qu’il faudrait quatre autres planètes. Et si même il était possible de mettre à profit quatre autres planètes, elles seraient l’objet de la même voracité et de la même prédation. L’échéance ne serait que retardée. Lamentable, évidemment.
A ce titre, parler de « dette écologique » est une pure et simple fumisterie. Ce genre d’écologiste, avec ses « bons sentiments », se livre à une très belle imposture. La vérité, c’est que, de deux choses l’une : soit le monde entier a le « droit » de vivre à l’occidentale, et dans ce cas la planète est dans de sales draps ; soit les sept milliards d’humains arrivent à s’entendre pour répartir équitablement et redistribuer les richesses produites dans un esprit de justice.
Je vous laisse deviner ce qui va arriver.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : écologie, france culture, terre à terre, ruth stegassy, dette écologique, tiers-monde, chine, corée, japon, madagascar, gabon, cameroun, paysans, péruviens, terres cultuvables, colonisation, organisation mondiale du commerce, pillage de la planète, pollution