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dimanche, 06 avril 2014

GIORGIO MORANDI PEINTRE

GIORGIO MORANDI ET LA NATURE MORTE

 

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lundi, 24 mars 2014

UN PEU DE RECUL

Préambule : je n'en suis pas particulièrement fier, ni particulièrement honteux. Simplement, hier, je me suis abstenu. Je n'ai pas voté. Je les laisse entre eux, moi qu'ils ne daignent promouvoir au rang de citoyen qu'à l'approche d'une échéance électorale. Là, ils tombent des nues : ils apprennent que j'existe. Le reste du temps, je suis fermement invité à fermer ma gueule. A croire qu'être élu, plus ça donne des pouvoirs, plus ça rend sourd.

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Voilà trois ans que je consacre une part de mon temps à l'alimentation de ce blog. Un bon millier de notes (1047 exactement). Cela commence à faire. Quasiment un travail. Pas à temps plein, quand même. Je me dis qu'une petite pause ne serait pas complètement imméritée.

Mais il y a autre chose. Peut-être en effet que je commençais à m'ennuyer. Peut-être suis-je fatigué d'ouvrir ma gueule. Fatigué de « m'exprimer » dans cette cacophonie qu'on appelle la liberté d'expression (« La dictature c'est "ferme ta gueule", la démocratie, c'est "cause toujours" » ; j'ai l'impression d'être celui qui "cause toujours").

Et puis je n'ai nulle envie de ressasser, de rabâcher, de bégayer, de radoter, de remâcher, de seriner. La politique, les mœurs, la société, Monsanto, l'Europe, le genre, l'égalité garçons-filles, Sarkozy, Parti socialiste, Copé-Fillon, la propagande effrénée des antiracistes, des féministes, des antisexistes, des antihomophobes, des antitabac, des antixénophobes enfin, tout ce qui me sort par les yeux, non, décidément, j'ai l'impression depuis quelque temps de tourner en rond. 

Ce qui me rassure, c'est de me dire que non, je ne serai jamais un militant : les hommes ne changent pas le monde. Pour cela, il aurait fallu que j'en fasse une raison de vivre. Et je n'ai pas non plus la foi d'un Don Quichotte. C'est trop pour moi. Réduire le sens de sa propre vie à la défense d'une cause (quand c'est sincère, je veux dire, quand ce n'est pas un vulgaire fromage), c'est au-dessus de mes forces. La vie est plus large.

Car il y a aussi Moby Dick et La Recherche du temps perdu. Paul Celan et Robert Musil. Fra Filippo Lippi et La Vierge au chanoine van der Paele. L'opus 132 (LVB) et l'andante moderato de la deuxième symphonie de Mahler. Les amis.

Et puis quand ils veulent changer le monde, les hommes ne mesurent pas les conséquences de leur volonté, et le résultat leur échappe nécessairement. Voyez l'état de la Libye et environs, après les coups de menton belliqueux de Sarkozy, qui a réussi à faire taire un témoin gênant de ses turpitudes passées. Et c'est un exemple microscopique. 

On me traitera de lâche ou de pusillanime, on me dira peut-être dépressif, mais regardez les forces en présence, les tendances lourdes, les processus historiques à long terme : quel individu peut prétendre par sa seule action avoir pesé en quoi que ce soit ?

En matière de liberté humaine, je fais partie du camp des pessimistes. Et j'aggrave mon cas en n'accordant qu'une confiance répugnée aux prétendus apports bienfaisants de la science. Mon pessimisme va jusqu'à voir dans le supposé progrès technique un simple transfert de liberté de l'homme vers les choses, qui permettra une prise en charge de plus en plus prégnante de celui-là par celles-ci. "Prise en charge", c'est pour ne pas dire "asservissement".

La politique ? Elle ne veut ni ne peut plus grand-chose. Il ne s'agit plus de gouverner, mais de gérer au mieux, d'organiser, d'administrer, sous l'œil féroce du service comptabilité. L'informatique permet quant à elle de porter à son comble d'efficience le contrôle des individus, avec leur consentement qui plus est. Mais il paraît que le monde est beau.

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ORCIVAL

Enfin, quand on voit l'acharnement que l'humanité met à dévorer la planète qui lui sert d'habitacle, sous prétexte de "développement" et de "croissance", il y a de quoi flipper. Plus je vais, plus me devient forte l'envie de « cultiver notre jardin ». Rouvrir mon Balzac. Revoir les œuvres de Giorgio Morandi. Retourner à Giverny. A Chartres, au lever du soleil. A Conques, pour le tympan et pour la « Majesté de Sainte Foy ». A Orcival, pour la beauté du site, plus secret que Saint-Nectaire.

Il faut cultiver notre jardin. C'est peut-être une séquelle marxiste, mais je crois au déterminisme historique.  Dans ces conditions, ç'aurait été dommage de persister. Ne sais quand reviendrai. A Pâques ou à la Trinité. Ou bien de temps en temps, pourquoi pas ? La même chose en moins astreignant. En attendant, voici quelques natures mortes (des eaux-fortes) de Giorgio Morandi comme je les aime. A plus tard.

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Montrez ça, je ne sais pas, moi, à Jeff Koons ou Damien Hirst. S'ils ne se coupent pas les couilles en pleurant de honte à genoux devant les œuvres de Giorgio Morandi, de deux choses l'une : soit ils n'en ont pas (cf. « Le Marché de Brive-la-Gaillarde » de Georges Brassens), soit ils ignorent totalement ce qu'est l'art véritable (mais ça, on le savait déjà, preuves à l'appui).

Voilà ce que je dis, moi.

samedi, 22 mars 2014

VARIATIONS LUMINEUSES

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Non, je ne me prends par pour Giorgio Morandi. Je ne suis pas peintre, moi. Ni un artiste. Ni même un photographe. Juste ceci, que mes quelques clichés ci-dessus, placés en alternance avec des aquarelles du maître italien, me font penser a posteriori à son obsession d'artiste, que je résumerais, pour ce que j'en sais, dans la notion de variation.

En musique, on sait ce que c'est, des variations : vous prenez le même, et vous en faites de l'autre, en vous disant qu'à force d'en creuser l'aspect, vous finirez bien par en percer le mystère. Ecoutez, mettons, la Gavotte et six doubles de la Suite en La de Rameau (avec sa mélodie absolument parfaite, qui finit dans la jubilation et la joie), si possible par Marcelle Meyer ou Natacha Kudritskaïa : certes vous ne le percez pas, mais vous vous approchez de diablement près de quelque chose qui y ressemble. Je ne parle évidemment pas des Variations Goldberg (je conseille la version de Steuermann chez Actes-Sud, ou celle de Perahia), ni des Diabelli (par Yves Nat).

En peinture, bien des artistes ont pratiqué la variation. Certains ont même eu pour ambition d'épuiser le sujet « pour qu'il ne puisse plus servir à personne » (Georges Brassens, « Une petite fleur dans une peau de vache »). Je pense aux trente représentations de la cathédrale de Rouen par Monet.

Plus près de nous, on trouve Gérard Titus-Carmel, Denis Laget, d'autres. Certes non, la variation n'est pas l'apanage de quelques-uns. Elle fait même partie des bases du métier. Mais Giorgio Morandi reste à part. Que diriez-vous d'un type qui s'acharnerait à poser sur une table toujours la même et à dessiner une douzaine toujours la même (souvent moins) de divers pots, bouteilles, flacons, vases, fiasques, etc., chaque fois dans un ordre et une disposition différents ?

On ne compte plus les gravures et peintures qui sont sorties de cette obsession-là. Pas de doute, pour épuiser les possibilités de vision et de représentation du réel, pas d'autre moyen que de multiplier les tentatives. Cet effort a quelque chose de désespéré. On est dans la quête d'infini.

L'infini pictural, Giorgio Morandi a tenté de l'atteindre, je crois, en effaçant, mais pas complètement, ce qui sépare le concret et l'abstrait, souvent en abolissant la profondeur entre les objets peints et le fond, entre les objets eux-mêmes, tentant de demeurer sur le seuil qui fait passer de l'un à l'autre, indécidable, comme on le voit ci-dessous. Comme quelqu'un qui ne saurait pas s'il fait partie du décor ou s'il joue un personnage dans la troupe d'acteurs. Et qui en éprouverait une sorte de jouissance rageuse et inquiète. Une méditation sur la dissolution du moi, dans un monde humain gagné par les brouillards.

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Cette manière de concevoir l'art et le monde me parle. Car c'est une façon pour l'art de dire quelque chose de ce que le monde est en train de devenir.

Voilà ce que je dis, moi. 

 

dimanche, 23 octobre 2011

MUSIQUE, PEINTURE ET SALMIGONDIS

Regardez en peinture, comment ça se passe : il y a longtemps, c’était du temps de la Galerie K (quai de Bondy, non loin de la salle Molière) et de Colette Kowalski, veuve du poète lyonnais Roger Kowalski, mort trop tôt, je m’étais permis de faire remarquer à Régis Bernard (qui avait repris l’atelier de Henri Vieilly, place Antonin-Poncet, il me semble) que sa peinture me faisait tout à fait penser à celle de Giorgio Morandi. Dans mon esprit, c’était plutôt flatteur, car Morandi est un tout grand artiste. Il n’avait pas donné l’impression d’être démesurément flatté de ma remarque. Et pourtant, Régis Bernard est un vrai bon peintre.

 

Cela montre peut-être combien est grande, sur l’artiste (poète, musicien, peintre), la pression d’une exigence : apporter du nouveau, en particulier un « style » qui devienne sa « patte » reconnaissable et irréfutable. Qui n’appartienne qu’à lui. Une condition sine qua non. Faire ce que personne avant lui n’a  fait. D’une manière qui ne fut celle de nul autre avant lui. Mathématiquement impossible : vous imaginez sept milliards d’artistes, tous individués de manière nette et sans bavure ?

 

Drôle d’exigence quand même, et dans un drôle de monde. C’est vrai quoi, pendant des millénaires, le nouveau a fait peur, et pour une raison bien simple : ce qui est nouveau est inconnu, et ce qui est inconnu est dangereux, et c’est dangereux, parce que ça risque d’ébranler l’ordre établi, le mode de vie, les points de repère, que sais-je ? De tout foutre en l’air, si ça se trouve.

 

Nous, on est des drôles d’animaux, par exemple. Même pas peur ! Pas peur du nouveau. C’est même le contraire : on guette, on est à l’affût. On est malades d’innovation. Besoin d’inscrire son nom dans la déjà interminable liste des innovateurs. Tiens, c’était quoi, le nom de cet « artiste », et en quelle année c’était, qui avait rempli un camion-benne de balles de ping-pong, qui avait été amené en marche arrière au sommet de la Montée de la Grand’Côte ? Le chauffeur avait actionné la benne. L’ « artiste » avait ouvert le battant arrière, et contemplé en riant et battant des mains les milliers de petites baballes débaroulant jusqu’à la place des Terreaux, tout au moins jusqu'au local de la secte scientologique.

 

Mais au moins, ce geste dérisoire a la gentillesse amusante de l’enfantillage. Et ça n’a pas la prétention hargneuse et hautaine de certains qui se disent « hartistes » (avec « h » violemment aspiré). Je pense à ce niais prétentieux qui avait cru intéressant de suspendre au plafond, en un quadrilatère régulier de 10 sur 10, une centaine de traversins de couleur écrue au bas de chacun desquels il avait inscrit au feutre noir le prénom de la fille supposée y avoir une nuit posé sa tête.

 

C'est quoi, ce monsieur ? Ni la vigueur, ni le savoir-faire pour donner aux dames l'envie de s'attarder plus d'une nuit sur son oreiller ? Eh bien je le dis : je le plains. En plus, cette exposition de l'intimité a quelque chose de prétentieux dans l'indécence, ou d'indécent dans la prétention. Il y a certes plus prétentieux. Cela se passait hélas au Centre d’Arts Plastiques de Saint-Fons, dirigé par l’excellent Jean-Claude Guillaumon. Lequel m’avait fait l’amitié trop généreuse de m’inviter à y intervenir en 1988, moi qui n’y avais guère de titres. J'avais platement lu mon Manifeste de Babelthérapie. Je n'ai aucun sens de la mise en scène.

 

Je ne partirai pas en guerre contre les moulins à vent de l’art contemporain qui se prennent pour des géants attendant en vain leur Don Quichotte pour en acquérir un petit lustre. Cela ferait trop plaisir à Daniel Buren, fossilisé avant  d’être mort dans les innombrables strates marneuses de ses milliers de bandes alternées de 8,7 centimètres de largeur. On en retrouvera les traces dans quelques milliers d’années, et les paléontologues interloqués se gratteront le crâne devant ces étranges manifestations de rituels religieux : à quoi de même pas intelligent, mais simplement sensé auraient bien pu se référer des éléments aussi secs, malhabiles et rudimentaires, qui avaient tout d’un académisme  bégayant et guindé ?

 

Je ne partirai pas en guerre contre Bertrand Lavier, qui « interroge les rapports de l’art et du quotidien », et qui modifie et hybride, au sein même du musée, « des objets de la vie courante, de façon à ce que leur statut même s’en trouve mis en question » (wikipédia). Je lui laisse ses porte-manteaux et autres accessoires accrochés en biais, en diagonale ou de guingois.

 

Je me garderai de partir en guerre contre les carreaux blancs de Jean-Pierre Raynaud, qui transforme tout en décor de salle de bains, dont  une « stèle pour les droits de l’homme », à Barcelone (ne pas oublier les joints noirs comme constitutifs de l’œuvre d’art). Je ne m’en prendrai pas davantage à la maison qu’il a mis plus de 20 ans à édifier pour des « études spatiales », et qu’il a décidé de détruire et de réduire en morceaux, pour vendre ceux-ci empilés dans de très gros pots de fleurs.

 

Ne me parlez pas non plus de Claude Viallat, immortel inventeur du quadrilatère flasque, forme qu’il a déclinée sur toutes sortes de supports textiles et dans toutes sortes de couleurs (des « toiles non tendues », s’il vous plaît), et dont il a défiguré l’église Notre-Dame des Sablons à Aigues-Mortes en en faisant le motif des vitraux.

 

Remarquez, tout le monde s’extasie devant le champion du monde du noir, Pierre Soulages, mais regardez l’effet visuel que donnent maintenant les vitraux de la fabuleuse église de Conques (avec son tympan du jugement dernier à se relever la nuit du dernier jour). Vu de l’extérieur, un effet d’acier mat, vu de l’intérieur, des diagonales relativement incompréhensibles.

 

Ce qui fait qu'on supporte qu'Erik Dietman fasse partie de la bande des truqueurs, c’est une sorte de jubilation noire et ricanante. Ma foi, pourquoi pas ? Mais le tableau de Christian Zeimert « Le monde riant » est juste fait pour s’esclaffer (hi hi, Piet Mondrian (1872-1944), la bonne blague). Orlan, la masochiste, a transféré très tôt son atelier dans un bloc opératoire, ce dont on voit les effets sur son propre corps. Elle est très fière des « cornes » qu’elle s’est fait greffer par un chirurgien, et ce n’est pas sa farce du « Baiser de l’artiste » qui peut sanctifier le naufrage (le slogan « Ceci est mon corps », était déjà pris).

 

Au fond, ce qui me donne la nausée, dans une bonne partie de l’art contemporain, c’est que ceux qu’on appelle par abus de langage des « artistes » se sont fait un nom sur une seule idée, qui devient leur marque de fabrique, qu’ils rentabilisent à tout va, et qu’ils déclinent ensuite de toutes les façons de formes, de couleurs, de lieux, de conditions temporelles possibles et imaginables : César et ses compressions, Andy Warhol et ses multiples, etc.

 

Cette unique idée, elle devient explication et synthèse du monde, « cymbalum mundi », système philosophique, grille de lecture pour les grands mystères de l'humanité. Elle est érigée en dogme. Les prêtres de leur Eglise le proclament. Les fidèles s'inclinent et s'agenouillent pour communier, et se mettent àat ventre pour leur baiser les orteils.

 

Vraiment, peut-on dire que Keith Haring ou Robert Combas ont développé un « style » ? Non : ils ont créé du « visuel ». C'est de la publicité. C’est de l’image de marque, et rien d’autre. Peut-on dire que Ben Vautier possède un style, avec ses formules à la noix qu’il a vendues contre monnaie sonnante à la marque Clairefontaine, et qui « habillent » à qui mieux-mieux les cartables et agendas des collégiens et lycéens ?

 

J’ai vu il y a fort longtemps une « installation » de Jean Clareboudt à la maison de la Condition des Soies : que voulez-vous, les bras m’en tombent. Même chose pour cette « performance », vue au Centre d’Arts Plastiques de Saint-Fons, je ne sais plus quand, où une femme parcourait un quadrilatère en versant du sable en quatre petits tas, pendant qu’un collègue équipé pour l’escalade parcourait un mur lui-même équipé pour ça, et qu’un troisième larron poussait à intervalles réguliers de petits cris, assis dans une baignoire suspendue au plafond dont il s’échappait par la bonde un liquide jaunasse comme  de l’urine. Y a-t-il quelque chose à ajouter à ce petit descriptif neutre et objectif ?

 

Mon but n’est évidemment pas de faire l’inventaire de toutes les colifichets que des camelots d’art ont cru de leur devoir d’encombrer la réalité existante. Ce serait plutôt de glisser une remarque dans l’oreille des « artistes expérimentaux ». Monsieur Daniel Dezeuze, reconnaissez que vous vous êtes livré à un bon gros foutage de gueule, avec votre « Echelle en bois souple déroulée au sol ». Monsieur Robert Malaval, avouez le mensonge moral que constitue  votre « Germination d’un fauteuil Louis XV » (d’ailleurs vieux comme L’Enigme d’Isidore Ducasse. Empaquetage, de Man Ray (1920), ou le Couvert en fourrure, de Meret Oppenheim (1936)).

 

Tout le monde a en mémoire les spectaculaires empaquetages de Christo. Mais quand il a empaqueté le Pont Neuf et le Reichstag, qui a dit qu’il a purement et simplement piqué l’idée, en l’amplifiant, à Man Ray qui, lui (en 1920, s’il vous plaît !), rendait hommage aux Chants de Maldoror, de Lautréamont (« beau comme la rencontre fortuite d’une machine à coudre et d’un parapluie sur une table à dissection »), ce qui avait tout de même un peu plus de gueule, quoi qu’il faille penser de son paquet ficelé ?

 

Trop de démarches « artistiques » modernes sentent la rentabilisation effrénée d’idées toujours déjà précédentes, la recherche de notoriété et de fric, dont Andy Warhol est la caricature paroxystique. Ou alors tout simplement, ça sent le manque d’inspiration. « Qu’est ce que je pourrais trouver, qui n’ait jamais été fait ? Une idée qui marche ? » Surtout « qui marche ». Et si tous les fabricateurs d'oeuvres et les imposteurs d'art ne souffraient pas, tout bien considéré, de radicale pauvreté, de totale absence d'inspiration ?

 

Mais heureusement, il reste de la vie dans le désert de l’art contemporain.

 

Parlez-moi du travail de Bernard Réquichot, alors là, moi, je marche à fond. C’est tout ce que vous voulez, ces traits qui s’enroulent sur le papier, qui s’entrelacent, se recouvrent, se développent comme des tentacules ou des pseudopodes, qui me font penser aux monstres qui naissent sous la plume de Franquin (oui, le même que celui de Gaston Lagaffe). Quelque chose de complètement allumé, certainement, et de vaguement inquiétant, j’en suis d’accord. Mais tout à fait fascinant. Quoi, c’est confidentiel ! Bien sûr que c'est confidentiel !

 

Mais c’est justement pour ça que c’est intéressant, Bernard Réquichot. Pourquoi ? Parce qu’on sait tout de suite qu’on a à faire à un individu, et non pas à un marchand ou à un clone. C’est un vrai problème : comment se distinguer de la masse, c’est-à-dire comment devenir ou rester un individu, quand il y en a six milliards d’autres aussi légitimes à y prétendre ? Et comment le faire sans user de « trucs » et procédés dont la seule vertu est de frapper à l’estomac ? Le seul moyen, c’est de rester dans son coin à cultiver son lopin, comme Bernard Réquichot.

 

Mais du coup, qui connaît Bernard Réquichot ?

 

A suivre, avec un vrai peintre, cette fois, promis.