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jeudi, 23 juin 2016

HOLLANDE ET LES « RÉFORMES »

Avant de parler de François Hollande, rappelons quelques souvenirs cuisants du passage de Nicolas Sarkozy (le George W. Bush français, surnommé "le binaire", son esprit étant hermétique à la complexité du monde) à l’Elysée. Dans le bilan de ce sinistre individu qui menace la France de revenir au pouvoir pour finir de la vider de son contenu ancien, on peut compter (j’en omets, car on n’en finirait pas) :

- côté police, la désastreuse élimination de la « police de proximité » mise en place sous Jospin (il était encore ministre de l’Intérieur), qui avait montré son indéniable efficacité, mais surtout la dévastatrice fusion de la DST (Défense et Sécurité du Territoire, le contre-espionnage) et des RG (Renseignements Généraux, le renseignement intérieur « de terrain »), deux maisons aux « cultures » radicalement hétérogènes. Mohamed Merah fut le premier bébé né de cette fusion, avant beaucoup d’autres.

- la dévastatrice réforme de la carte judiciaire, menée non pas tambour battant, mais carrément au canon (et avec les dents), par Rachida Dati, qui avait vu descendre dans la rue d’inédits et impressionnants cortèges de robes noires, et même de robes rouges.

- et ce qui est à l’origine de ces deux naufrages des institutions françaises : l’immortelle RGPP (Réforme Générale des Politiques Publiques), qui refusait d’avouer dans son appellation qu’elle était vouée au but exclusif de saigner la Fonction Publique, toutes Administrations confondues, en ne remplaçant pas un fonctionnaire sur deux au moment de son départ en retraite. On a pu vérifier dans les faits des quelques dernières années l’effet miraculeux de cette politique sur l’état économique, éducatif, politique et sécuritaire de la France. Ce qui n'a pas empêché les dépenses de l'Etat de croître et embellir.

Après le démolisseur est donc venu un César au petit pied, qui n’est entré à l’Elysée que parce qu’il s’était fabriqué pour l’occasion le masque d’un « Monsieur Tout-le-monde », qu’il n’a pas tardé à jeter, une fois refermées les portes du Palais sur la légalité irréfutable de cette confiscation pour cinq ans de presque tous les leviers du pouvoir.

Je ne retiendrai ici, dans le bilan de ce sinistre individu (la France est-elle maudite ?), que quelques « réformes », prises dans leur chronologie (j'en omets, car on n'en finirait pas) :

- la loi introduisant dans la société et dans les mairies françaises le mariage des homosexuels mâles avec leurs pareils, même chose pour les homosexuelles femelles, à égalité avec le mariage normal, je veux dire d’un homme et d’une femme, au mépris de l’avis d’une bonne moitié de la population normale, clairement exprimé dans les rues de nos villes (quels que soient les sondages et les calculs qu’on pouvait percevoir derrière certaines indignations).

- la loi instaurant le redécoupage des régions définies lors du vote sur l’ancienne loi Defferre, au mépris de l’avis de beaucoup d’élus et de l’incompréhension ou l’indifférence d’une majorité de la population devant tant de hâte et de précipitation à présenter une telle réforme, informe et impensée, comme cruciale, urgente et indispensable.

- dernière en date : la réforme du Code du travail, qui balaie d’un coup violent les digues qu’un lent processus avait, dans des relations conflictuelles, patiemment élevées pour protéger la faiblesse inhérente au statut de ceux qui ne possèdent que leur force de travail pour subvenir à leurs besoins.

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais les modalités de ces trois réformes sont strictement identiques sur un point essentiel : il s’agit de trois coups de force. Trois putschs légaux. Notre président est un putschiste. François Hollande, on le savait bien avant 2012, n’est pas un Homme d’État, ce n’est même pas un petit boutiquier, c’est un arrière-boutiquier, qui n’a aucune prise sur les événements et qui, pour cette raison, en est réduit à se livrer à des petites ruses, à des calculs d’épicier pour voir quel avantage il pourra tirer ou quel désavantage il pourra éviter.

Ce tout petit homme, quand il n’est pas obligé de se retirer du jeu de quilles la queue basse parce qu’il s’est emmêlé les pinceaux dans une banale opération de communication (cf. le bazar autour de la « déchéance de la nationalité »), il est contraint, pour faire passer ses lois, de les parachuter d’en haut, en flattant ou intimidant ses godillots du Parti Socialiste, et quand ce n’est pas possible, il n’hésite pas à se passer de l’avis du Parlement : il tire au calibre 49,3 en disant à ses rebelles : « Même pas cap’ de voter une motion de censure ! ». Bien que ce ne soit pas passé loin la dernière fois, gageons qu'ils se montreront disciplinés : ils pensent à leur législative de 2017 et à la carotte de l'investiture que le bâton du parti leur met déjà sous le nez.

C’est ce tout petit homme qui s’était pourtant fait élire en promettant (« croix de bois-croix de fer-si je mens je vais en enfer ») de promouvoir en toute circonstance le « Dialogue », l’ « Echange » et la « Concertation ». Le résultat, on l’a vu : monsieur Hollande a vite versé dans l'autoritarisme des faibles, vous savez, ces petits tyrans domestiques qui se vengent le soir sur la maisonnée des avanies et humiliations que leur supérieur leur a fait subir dans la journée. Le débat ? Fi donc ! Hollande est un champion du débat par la méthode forte. Et même brutale.

Non, personne ne saurait vous prendre au sérieux, monsieur Hollande. Les nouvelles régions, par exemple, le gouvernement aurait pu lancer dès 2012 une vaste concertation programmée, je ne sais pas, disons sur deux ans, délai qui aurait permis à tous les acteurs de terrain de s’entendre et, pourquoi pas de faire des propositions, de déplacer des limites de territoire. Trop compliqué. Et puis ça aurait eu le fâcheux inconvénient de laisser l’initiative à la population. Même chose pour le mariage homosexuel. Même chose pour la « loi Travail ». Non, il vaut mieux trancher, sinon on va encore se faire taxer de passivité, se dit-il. 

L’improvisation à laquelle a donné lieu la « réforme territoriale » et le grotesque dans lequel ont plongé les sordides discussions de marchands de tapis au sujet de leurs contours et de leur nombre illustrent à merveille l’incompétence d’un homme dépourvu de toute vision de l’avenir, et dont toute l’action « politique » consiste à caboter sans trop s’éloigner des côtes et à opérer « à vue » de savantes et retorses petites manœuvres pour esquiver au dernier moment la menace du rocher à fleur d'eau, qu'il n'avait pas aperçu. 

L'improvisation fait rage : acte I : Valls-Hollande menace de « prendre ses responsabilités » si la CGT appelle de nouveau à manifester malgré la présence de « casseurs » (question : quelles consignes ont été vraiment données aux forces de l'ordre, qui identifient en quelques heures des hooligans russes, et qui mettent les violences sur le compte des syndicalistes eux-mêmes) ; acte II : Valls-Hollande déconseille à la CGT (sept syndicats signent l'appel) d'organiser une nouvelle manifestation ; acte III : les syndicats persistent dans leur intention de manifester ; acte IV : la sentence tombe, la manifestation est purement et simplement interdite par le préfet (le plus libre de tous les hauts fonctionnaires, comme chacun sait) ; acte V (coup de théâtre, qui a pris de court le journal Le Monde, ça s'appelle "deus ex machina") : une heure à peine après l'interdiction : la manif est autorisée, sur un parcours court. C'est la panique à bord, il n'y a plus de pilote. Le bateau qui prend l'eau file sur son erre, hors de contôle.

Embrassons-nous Folleville : c'était donc une FARCE. Déconsidérés, couverts de crotte et de ridicule, Hollande et Valls devaient encore avoir un œil sur les sondages : le sondage électronique quotidien du Progrès indiquait, mardi 21 juin, 80% d'opposants à toute interdiction de manifester. Je ne veux rien dire, mais je me demande si le titre d'un vieux feuilleton radiophonique ne devient pas de la plus urgente actualité. Cela s'appelait "Ça va bouillir". Je crains, hélas, que le pays ne s'approche irrésistiblement d'un tel seuil de température. Que va-t-il rester de vous, monsieur Hollande ?

Non, décidément, monsieur Hollande, ce n’est pas ça, un Homme d’État. 

Voilà ce que je dis, moi.

vendredi, 17 juin 2016

LONGTEMPS AVANT ORLANDO

LE MEURTRE, TRADITION FOLKLORIQUE AMÉRICAINE

L’Amérique est un fort beau pays, et les Américains sont de bien braves gens, comme le montrent très régulièrement les fusillades auxquelles ils se livrent, sans doute « pour se désennuyer un peu » (Tonton Georges, "Saturne"). On peut le vérifier en lisant dans Le Monde les statistiques établies par le site Shooting tracker ou l’organisation Gun Violence Archive. Cette dernière indique par exemple qu’en 2015, on dénombre 12.191 personnes tuées par balle au cours de 353 fusillades (une par jour ou peu s’en faut). En somme, pas de quoi s’inquiéter : dormez tranquilles, braves gens. Chers Américains : s'ils n'existaient pas, faudrait-il les inventer ? 

Le meurtrier d’Orlando, dont les médias soulignent, selon leur "orientation", les motivations terroristes, psychiatriques ou homophobes (mais on a du mal à comprendre ceux qui soutiennent cette dernière thèse, hormis le fait qu’elle leur permet de prendre la posture toujours hautement prisée et le statut quasi-sacré de la Victime - voir la longue plainte martyrologique - en fait un plaidoyer pro domo - de Jean Birnbaum dans Le Monde daté 17 juin 2016), comme tous les autres Américains, est venu d’ailleurs. Comme tous les autres Américains, il a pu acquérir une arme de guerre, grâce à la vigilance de la NRA, cette bienfaitrice de l’humanité qui monte une garde intraitable à l’entrée du deuxième amendement pour empêcher que des mains sacrilèges viennent bousiller le droit de porter des armes sur la voie publique. 

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Il suffit de se pencher sur l’histoire longue des Etats-Unis pour se rendre compte que le flingage philanthropique du prochain est une vieille tradition de cette nation d’une proverbiale piété chrétienne (quoique protestante). C’est ainsi que dans le numéro 376 du Journal des Voyages, daté du dimanche 21 septembre 1884, un certain Daniel Arnaud raconte la même manie des Américains de s’entretuer très chrétiennement. La scène se passe au « théâtre du Vaudeville » de San Antonio (Texas). Où l’on voit que les champions du progrès technique et de la prospérité matérielle à tout prix ne se lassent pas de ce passe-temps qui consiste à faire mourir autrui. 

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L’article dont l'image de « une » ci-dessus est le support et le motif est joliment et spirituellement intitulé « Les singularités américaines ». C’est vrai ça : quel peuple singulier ! Jugez plutôt : « Les Américains ont plus d’un côté original dans leur civilisation – qui est la civilisation anglo-saxonne avec une singulière exagération de la volonté individuelle. Ce qui les caractérise le mieux peut-être, c’est leur indiscipline sociale, se traduisant pas un manque absolu de déférence pour la justice, une excessive répugnance à avoir recours à sa protection et à s’abriter derrière ses décisions ». Pour l'exagération de la volonté individuelle, on serait assez d'accord, mais on se demande où l’auteur est allé chercher cette répugnance au juridique : les USA sont aujourd’hui le pays où le taux d’avocats par habitant constitue un record du monde, ce qui n'empêche nullement les armes de circuler et de faire entendre leurs aboiements. Passons. 

Il est vrai que Daniel Arnaud embraie sur l’histoire d’un Américain célèbre dont le nom propre a produit un nom commun : « C’est ainsi que, de l’autre côté de l’Atlantique, à l’exemple du juge irlandais Lynch, condamnant et exécutant de ses mains son fils coupable d’un meurtre, les populations ont pris l’habitude de se faire justice en dehors des tribunaux ».

Les sources de Daniel Arnaud sont discutées par de hautes autorités : au sujet de Lynch, qui a donné lynchage (après "Lynch's law", expression de 1782), l'encyclopédie en ligne indique « un certain Charles Lynch (1736-1796), "patriote" de l'Etat de Virginie », alors que le Robert historique explique que c'est le « Capitaine William Lynch (1742-1820) de Virginie, qui eut l'initiative de cette pratique ». Je n’ai pas cherché à en savoir davantage, même si je sais que le Journal des Voyages n'hésitait jamais devant une image un peu forte qui, à ses yeux, faisait plus « couleur locale » (et même "haute fantaisie", voir billet du 8 juin). 

Au Texas, qui est non seulement un Etat du Sud mais aussi un Etat de l’Ouest, les hommes de 1884 ne se séparent jamais de leur arme : « Les Yankees ne sauraient sortir de chez eux sans emporter dans leur poche un revolver chargé. Aussi dans la rue, dans un café, dans un théâtre, dès qu’une querelle s’envenime, des paroles on passe aux coups … de pistolet. Les passants recueillent quelques balles dans les pans de leurs habits ». Des habits en acier, sans doute. 

Le duel dont parle Daniel Arnauld n’est pas daté. La source, un journal américain, n’est pas nommée. Mais fi de ces vains détails ! Il suffit que l’essentiel soit préservé : Ben Thompson (quatre balles dans le buffet) et Ning Fisher (trois balles seulement : moralité, soit les deux visaient comme des pieds, soit les munitions manquaient de « puissance balistique ») se sont entretués alors qu’ils assistaient depuis les deuxièmes galeries au spectacle offert ce soir-là au théâtre du Vaudeville de San Antonio (Texas). Ben Thompson s’était illustré « le 18 décembre dernier », en assassinant Jack Harris, le propriétaire de la salle. Je note pourtant que personne ne lui en a interdit l’entrée le jour du duel fatal. 

Comment en est-on arrivé à ces extrémités ? Le récit est pour le moins elliptique sur les motifs de l’algarade : « Ils ont pris place dans la seconde galerie et, à peine assis, ils ont commencé à se quereller. Un autre spectateur, Joe Foster, a essayé de les apaiser et a reçu aussitôt une balle dans la jambe. Le premier coup de feu a été rapidement suivi de plusieurs autres, et la salle de spectacle fut bien vite évacuée avec précipitation, la plupart de ses occupants sautant sur le parquet et les autres s’élançant par les fenêtres dans la rue ». Un petit air de Bataclan, vous ne trouvez pas ?  

Je ne m’attarde pas sur le reste de l’article, où l’auteur évoque les bars (« sortes de boutiques de liquoristes installées à l’extérieur des grands hôtels américains », l'auteur ignorait tout du genre "western") et les « cafés chantants », où abondent les « tables de jeu », toutes circonstances si propices au langage de la poudre, surtout quand le bourreau alcool a fait son office. 

Omar Mateen, finalement, qu’il soit homophobe, mentalement dérangé, alcoolique (comme il semblerait), homosexuel (comme il semblerait) ou affilié à l’état islamique (je laisse les minuscules), est un digne héritier de cette magnifique tradition américaine qui fait de l’arme à feu un symbole absolu (il faudrait dire : "le fer de lance", voire "l'arme suprême") de la liberté individuelle. 

La définition américaine de la liberté individuelle a quelque chose d'effrayant.

Voilà ce que je dis, moi.

Note : in memoriam Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider, tués par un fou d'Allah, dans des conditions tellement terribles à voir que les propagandistes de l'état islamique ont supprimé de la vidéo faite par Larossi Abballa les images où apparaissait le petit garçon de trois ans. Une pensée pour lui, il en aura besoin.

mercredi, 15 juin 2016

LA PRESSE DANS UN SALE ÉTAT …

… OU LA GRANDE MISÈRE DU JOURNALISME AUJOURD’HUI

3/3 

Dans le livre de François Ruffin Les Petits soldats du journalisme, un mot m’a frappé parce qu’il apparaît à plusieurs reprises : c’est le mot « révolte », qui devrait selon lui fournir une sorte de guide moral à la pratique des métiers de la presse. Il s’insurge contre le fait que les jeunes journalistes qui entrent dans les écoles spécialisées (CFJ-Paris, ESJ-Lille, …) sont dressés à rendre compte du réel sans aucun recul, à s’en tenir au fait brut et à s’interdire tout commentaire et toute analyse.   

A faire comme si la réalité décrite était naturelle, donnée une fois pour toutes et immuable. Combien de fois se fait-il rabrouer par les enseignants pour être sorti de ces clous-là, et s’entend reprocher de n’être pas assez « fun » ou « léger », et trop « intello », mais félicité quand il corrige au moyen d’une « somme de poncifs » (p.252) ? 

On peut ne pas être d’accord avec lui : la révolte ne saurait être érigée en principe. Il suffit de décrire la réalité du bagne de Cayenne en 1923 dans une série d’articles retentissants pour qu’une prise de conscience s’opère. Le célèbre « porter la plume dans la plaie » d’Albert Londres, ça ne veut pas dire passer son temps à porter des jugements sur ce qu’on voit et clamer qu’on en est scandalisé. Cela veut dire rendre compte avec précision et exactitude de la réalité. 

Le journaliste n’a pas à vouloir faire partager sa révolte à son lecteur : la réalité qu’il met en mots doit se suffire à elle-même, le grotesque ou l’insupportable d’un personnage ou d’une situation, correctement formulés, n’ont pas besoin de l’appui péremptoire de celui qui écrit. Et je dois dire que cet aspect du livre me fatigue. 

C’est ainsi que Ruffin aurait utilement pu se contenter de montrer comment de très nombreux articles sont écrits dans l’urgence (délais très courts exigés) ce qui est en soi un très mauvais signe. Même chose en ce qui concerne la copie qu’il faut « pisser » à jet continu : « produire » est un Graal. Même chose pour la futilité des sujets que le « petit soldat » est obligé de traiter : Ruffin cite un Edmond, de RFI (Radio France Internationale), qui fait le siège pendant des mois du directeur de la FAO, et une fois l’entretien obtenu, se voit imposer par ses chefs « une interview sur la pluie et le beau temps » (p.230). 

En revanche, le point fort de ce livre est de s’appuyer sur une base bibliographique d’une solidité à toute épreuve : les auteurs ne manquent pas pour ajouter une critique méthodique et, souvent, universitaire, à celle, disons plus « spontanée » de Ruffin. Il cite, entre trente auteurs, Serge Halimi (Les Nouveaux chiens de garde), Yves Roucaute (Splendeurs et misères des journalistes), des thèses, des enquêtes sociologiques, etc. La documentation personnelle et l’observation in vivo sont irréprochables. 

Ce qui ressort avant tout, au sujet de l’exercice de la profession, c’est son extrême précarisation au fil du temps, et j’imagine que ça ne s’est pas arrangé depuis 2003. C’est ainsi qu’un journaliste en exercice a enchaîné plus de 20 CDD, avant de se voir éjecté au moment de signer le fameux CDI tant promis. Et ce n’est pas le seul exemple cité par François Ruffin. Cette situation éminemment fragile fait du journaliste un jouet manœuvrable à merci entre les mains des pouvoirs qui s’exercent au sein des rédactions. 

Il faut savoir qu’à la date de publication, le taux de « journalistes précaires » (titre d’un livre du sociologue Alain Accardo) dépassait les 50%. Combien de journalistes sont aujourd’hui assez assurés de leur poste pour bénéficier de l’indépendance d’esprit et de la liberté suffisante pour choisir leur sujet et écrire leurs articles comme ils l’entendent ? Cette organisation du métier, tout à fait méconnue, devrait susciter une méfiance accrue de la part des lecteurs. 

Mais le pire de tout ce qu’on découvre dans le livre de François Ruffin, même s’il se défend de tout règlement de compte, c’est l’image que son livre donne du Centre de Formation des Journalistes (CFJ), cette école d’élite dont sortent les grands noms qui brillent aujourd’hui au panthéon de la profession : Pierre Lescure, Laurent Joffrin, Patrick Poivre d’Arvor, Franz-Olivier Giesbert, Paul Amar, etc. 

C’est en effet une élite : « Deux mille journalistes, en tout, sont issus du Centre entre 1947 et 2002. Deux petits milliers, à peine. Une goutte d’eau dans l’océan des 32.758 titulaires d’une carte de presse. Mais cette frange-là compte dans les supports qui comptent : plus de cent à l’AFP, une soixantaine au Monde, quarante à Libération, une trentaine à TF1, cinquante à France 2, une vingtaine au Figaro, à L’Express, à Europe 1, etc. Et dans leurs entreprises, ces diplômés stagnent rarement à la base » (p.14). Et c’est cette élite qui, jouant les interfaces entre les sphères du pouvoir (politique, industriel, financier, etc.) et les structures hiérarchiques des journaux (tous médias confondus), formatent en direction des populations consommatrices les représentations du monde qu’il convient qu’elles adoptent. C’est cette élite qui donne à la vie du plus grand nombre le sens qui sert le mieux les intérêts du tout petit nombre qui en profite. 

La situation dans laquelle se trouve le CFJ en 2003 est assez particulière. L’école a déposé le bilan, et doit s’adapter aux « nouvelles nécessités ». Les bailleurs de fonds qui ont permis au CFJ de perdurer posent évidemment leurs exigences. 

On ne s’étonnera donc pas que les futurs employés des entreprises de presse soient formatés selon le cahier des charges fixé par eux. Cela fonctionne comme tout système : l’investisseur (Dassault, Lagardère, Drahi et Cie) achète un médium (journal, magazine, radio, télé, web) qu’il fait fonctionner grâce à une équipe de rédaction qu’il paie, composée de journalistes qui auront été formés par une école au financement de laquelle ils contribuent. 

On ne s’étonnera donc pas que les murs de l’ « indépendance » des journalistes soient de plus en plus lézardés, d’autant plus qu’ils sont battus en brèche par les chantages éventuels des annonceurs, qui n’aiment pas qu’un rédacteur se permette dans un article de contredire les bienfaits d’une marchandise vantée par l’encart publicitaire avec lequel il voisine. 

Bref, sale temps sur la planète « Journalisme ». Comme le dit le titre d’un livre de Bernard Morrot, cité par Fraçois Ruffin : France, ta presse fout le camp (L’Archipel, 2000). De profundis clamavi ad Te, Capital. Le vrai journalisme, celui qu'on idéalise (Albert Londres !...), contredit par sa nature même, de plus en plus, l'évolution irrésistible de la société spectaculaire-marchande. On sait à peu près quelles salades les marchands se proposent de nous vendre. Quant à eux, ils savent exactement de quel genre de journalistes ils ont besoin pour bonimenter le bon peuple : il suffit de les obliger, en les précarisant, à venir quémander leur pitance dans la main des bailleurs de fonds.

Les Petits soldats du journalisme : que voilà un petit livre diablement utile pour vous désenchanter de la lecture de la presse ! Ma foi, malgré ses aspects contestables, François Ruffin y propose un vrai travail de bon journaliste !

Voilà ce que je dis, moi.

mardi, 14 juin 2016

LA PRESSE DANS UN SALE ÉTAT …

… OU LA GRANDE MISÈRE DU JOURNALISME AUJOURD’HUI 

2/3 

Donc, dans ses Pointes sèches, Philippe Meyer laissait entendre, par la phrase que j’ai citée hier, que la profession journalistique actuelle était essentiellement moutonnière, puisqu’il proposait qu’elle adoptât pour saint patron le personnage rabelaisien de Panurge. Précisons que, dans le Quart livre de maître Alcofribas, Panurge est celui qui se contente de mettre en lumière, en dramatique et en burlesque, la nature moutonnière du mouton. 

Dindenault, ce marchand méprisant et imbu de lui-même, lui vend une bête hors de prix (« trois livres tournoys », soit le prix de quatre ou plus), sans se douter une seconde de l’intention du pendard qui contrefaisait l’idiot pour mieux provoquer sa perte (« Jamais homme ne me feist desplaisir sans repentance, ou en ce monde, ou en l’aultre », déclare-t-il ensuite à Frère Jean). Dindenault et ses moutons périssent noyés misérablement. 

Car c’est l’un des prodigieux effets de la mise en concurrence, si chère au cœur des djihadistes du libre-échange : tout le monde copie tout le monde, puisque tout est mesuré, pesé et calibré à l’aune de la sacro-sainte audience. Dans Les Petits soldats du journalisme, François Ruffin raconte en détail les dégâts que produit une telle conception mimétique du métier, une conception qui oriente impérieusement la façon dont les écoles de journalistes l’enseignent aux futurs praticiens. 

Et ce sont ces troufions taillables et corvéables à merci, employés dans des entreprises de presse possédées par les cadors et tycoons de l’entreprise, de l’économie et de la finance (Bolloré de Canal+, Lagardère de Elle, Paris-Match et quelques autres, Dassault du Figaro, Drahi de Libération, Bergé-Niel-Pigasse du Monde, et combien d’autres ?), qui confectionnent inlassablement, jour après jour, les images et les mots dont il faut que les lecteurs, auditeurs et téléspectateurs des différents médias se convainquent qu’ils nous disent le monde tel qu’il est de façon authentique et véridique. 

Quelles sont les caractéristiques des métiers actuels (selon le médium pratiqué) du journalisme, selon François Ruffin ? Je viens de parler de la première : l’uniformisation de l’information provoquée par le mimétisme, lui-même induit par la concurrence féroce que se livrent des médias en proie à la frénésie de la course à l’audience. Résultat : tous les canaux d’information racontent les mêmes choses, d’où l’effet de masse provoqué par ce rétrécissement saisissant de la réalité du monde : « Le ratage, c’est de ne pas publier la même chose que les autres au même moment », déclare Georges Abou, cité par l’auteur (p.78), intervenu dans le livre de Sylvain Accardo Journalistes au quotidien (Le Mascaret, 1995). 

Ruffin conclut : « C’est un réel réduit à une peau de chagrin que nous offrons à l’opinion » (p.67). Il ne s’agit plus de raconter le monde, mais de « satisfaire » un « besoin ». Il faut servir au public ce que les journalistes « pensent que "leur public" a envie d’entendre » (p.131), c’est-à-dire servir la soupe : « On s’intéresse d’abord au lecteur : de quoi veulent-ils qu’on parle ? De quoi parlent-ils avec leurs amis ? C’est ça qui doit faire la une du lendemain » (p.134, un rédac-chef adjoint du Parisien). 

« Tonalité identique chez un cadre du groupe Prisma : " On met dans le journal ce que le lecteur souhaite avoir" » (ibid.). L’auteur va même jusqu’à parler de « dictature du lectorat ». Moi j’appelle ça la servilité de la presse envers les préoccupations les plus futiles et les plus basses que ses responsables imaginent et cultivent chez les lecteurs, avec une seule obsession : vendre, créant un vortex où le pire ne peut qu’appeler le pire. Voilà ce que les écoles de journalistes donnent comme consignes aux jeunes. Voilà ce que les journaux offrent au lecteur comme représentation du monde tel qu’il est. Il s’agit de satisfaire le consommateur avant de lui raconter et expliquer ce qui se passe dans le monde. 

Même le « journal de référence » s’y est mis. J’ai récemment été halluciné que Le Monde consacre deux grandes pages à l’interview de Satan Ibrahimovic : c’est ça, la « référence » ? Soyons sérieux. Inutile de dire ce que j’ai fait de ces deux pages : elles ne s’en sont pas remises. Qu’un tel personnage puisse même faire débat au sein de la rédaction du Monde (chronique « Ainsi parlait Zlatan Ibra » de Benoît Hopquin datée 14 juin 2016) est proprement ahurissant. 

Si la presse française est en crise grave, c’est peut-être aussi à cause de cette logique mercantile, qui tire la qualité de l’information vers le caniveau. La population est-elle à ce point décérébrée que les journaux renoncent à ce point à l’instruire correctement sur les parties les plus nobles de la réalité ? Après tout, ce n’est pas impossible. Si c’est le cas, c’est très mauvais signe. 

Un autre trait dominant de la presse quotidienne : rester constamment à l’affût de l’événement. Que seraient le tâcheron, que serait le soutier de l’information dans le « fil AFP » ? François Ruffin décrit les journées des étudiants du CFJ (Centre de Formation des Journalistes), passées à attendre l’événement : on ne sait jamais, il faut être prêt, il faut rester vigilant et pouvoir réagir à tout instant. Résultat : on s’ennuie, on tue le temps autour de la machine à café. 

Au surplus, garder la truffe dans le gazon de l'événement, c'est le meilleur moyen de s'interdire tout analyse d'une situation, de porter un regard tant soit peu critique et distancié sur le monde. C'est le meilleur moyen de ne rien comprendre à ce qui se passe. Un événement chasse le précédent. Cette presse-là est une presse de l'oubli permanent, une presse de sable mouvant, une presse de conduit d'évacuation du réel.

Pauvres apprentis journalistes, vraiment. 

Voilà ce que je dis, moi.

lundi, 13 juin 2016

LA PRESSE DANS UN SALE ÉTAT ...

... OU : LA GRANDE MISÈRE DU JOURNALISME AUJOURD’HUI 

RUFFIN FRANCOIS.jpg1/2 

Je me rappelle avoir choqué un professeur d’université lors d’une conférence, quand je lui avais posé cette question : « Qu’est-ce que vous pensez du pouvoir journalistique ? ». Il m’avait répondu, péremptoire, avec une prestesse et un ton catégoriques : « Il n’y a pas de "pouvoir journalistique". Question suivante ? ». Ce n’est qu’ensuite que j’ai appris qu’il avait une relation, disons, privilégiée avec une journaliste qui travaillait dans la ville (initiales B.B.). Cela pouvait expliquer. 

Pourtant, il est incontestable que, pour un journaliste, voir publier un article signé de son nom constitue, en même temps que la reconnaissance d’une maîtrise professionnelle, l’affirmation d’une sorte de « droit à dire le monde » qui, par « l’effet de présence » que produit la publication d’un document, manifeste l’exercice d’un pouvoir sur la représentation du monde qui en découlera pour le lecteur. Mais je ne vais pas faire mon Bourdieu.

On me dira que le lecteur ne mange que l'avoine qu’il a envie de trouver dans sa mangeoire, et que le picotin du Figaro n'a rien à voir avec le brouet que le lecteur trouve dans sa gamelle avec Libération, et réciproquement. Cela, certes, n’est pas faux. Mais nul ne peut nier qu’un article de journal, quelle que soit sa teneur, est en soi un cadrage d’une portion de réalité sur laquelle l’attention du lecteur est forcément attirée. Même si le signataire de l’article est forcé d’obéir aux consignes de son supérieur hiérarchique et de couler ce qu’il écrit dans le moule qu’il lui impose, l’effet au dehors ne change pas d’un iota, puisque produit par le simple fait d’être officiellement consacré au travers de la publication. 

Mais je n’ai pas l’intention de supplicier davantage les petites mains qui noircissent les pages de nos quotidiens et magazines (en évitant de franchir les lignes du cadre qu’on leur a fixé), tant l’exercice de cette profession devenue misérable doit davantage attirer la commisération que le sarcasme. Et ce ne sont pas les grandes gueules d’éditorialistes qui me feront changer d'avis, eux dont les affirmations péremptoires toujours pleines de certitude et de suffisance truffent jour après jour des « revues de presse » qui rivalisent de complaisance envers les « confrères » haut placés dans la hiérarchie et qui, pour cette raison, ont le droit d'asséner leurs analyses comme autant de Vérités révélées. 

Depuis l'Orphée aux enfers d'Offenbach, on a une idée de ce qu'est « l’Opinion Publique » (cf. ci-dessous). Offenbach a tout compris du dieu Sociologie et de ses prophètes Pierre Bourdieu et Patrick Champagne (cf. Faire l'opinion, de ce dernier).


 

Les insupportables « Grand Editorialistes » (Laurent Joffrin, Yves Thréard, Franz-Olivier Giesbert, Claude Imbert, Jacques Julliard, Nicolas Beytout et quelques autres), qui prétendent détenir les secrets de cette « Opinion Publique », sont en réalité les porte-voix en personne, les ministres plénipotentiaires de Sa Majesté le Système, qui a abattu ses griffes sur le monde.

S'il existe un vrai pouvoir journalistique, ce sont les "grands éditorialistes" nommés ci-dessus qui l'exercent. C'est par eux que passe le discours dominant, répercuté en longs échos dans tous les médias, en intime copinage avec les puissants des mondes politique et économique qu'ils côtoient très régulièrement, voire qu'ils tutoient (cf. le célèbre couple Anne Sinclair-Dominique Strauss-Kahn). Ignacio Ramonet, du Monde diplomatique, avait inventé une expression géniale pour désigner la chose : « La Pensée Unique » (titre l'article qui avait lancé la formule) qui, mise à toutes les sauces et réutilisée à satiété, à tort et à travers, fut malheureusement très vite vidée de son sens pour devenir un poncif éculé. 

Ce sont des "grands éditorialistes" qui avaient appelé unanimement, en 2005, a voter « oui » au référendum, Serge July et Philippe Val compris. On a vu deux ans plus tard ce que Sarkozy faisait de la véritable opinion publique, celle qui s’exprime dans les urnes : il a posé son derrière sur le "Non" majoritaire pour l’étouffer sous le poids de son mépris. Pour se convaincre de la déliquescence de la corporation, il suffit de lire un petit livre paru en 2003 : Les Petits soldats du journalisme (Les Arènes, avec des dessins explicitement complices de Faujour) de François Ruffin. 

François Ruffin, si l’on veut, est davantage militant que journaliste, mais ne chipotons pas : son livre vaut le coup d’être lu, ne serait-ce que pour les innombrables citations qu’on y trouve, et qui sont autant de proclamations de la nouvelle fonction que les grands organes de presse assurent, une fonction que je résumerais volontiers dans une formule du genre « dithyrambe en l’honneur de l'ordre établi, de la marchandise et de la société qu’elle engendre ». L'opération « Nuit Debout » et les actuelles grèves de la CGT et de FO ont été pour eux l'occasion de produire un nouveau festival de considérations haineuses sur des initiatives prises par d'impudents audacieux qui osaient agir en dehors des cadres définis par les gens en place.

Attention, je ne suis pas « Nuit Debout ». Il m’est arrivé d’entendre très récemment François Ruffin : c’était dans une émission de radio, lors d’un reportage place de la République, au cours d’une « Nuit Debout » parisienne. Pour être franc, la partie de son discours choisie pour diffusion par France Culture m’a bien fait rire. Me tapotant la tempe de l'index, je me suis dit que ce garçon prenait ses désirs pour des réalités et profitait de la « Nuit Debout » pour rêver tout éveillé et tenir des propos à tenir debout. 

Il y a longtemps que les discours militants me laissent froid, quand ils ne me glacent pas. Les slogans du genre « Le monde doit changer de base, Nous ne sommes rien, soyons tout » ont amplement prouvé que, non seulement ils sont porteurs d’illusions, mais que ces illusions acquièrent à l’occasion une nocivité massacrante. Je n’ai pas vu Merci patron !, le film de François Ruffin qui est en train de faire un carton au box office. Ce canular aux dépens du milliardaire Bernard Arnault ne peut que me réjouir, mais de là à tirer de ce succès et de la "popularité" de « Nuit Debout » des conclusions anticipant quelque Grand Soir, non merci : je ne connais pas le magasin de chaussures où l'on vend les bottes de sept lieues capables de franchir le pas. 

Ce qui m’a donné l’idée de relire le livre de François Ruffin, c’est une phrase que j’ai trouvée dans un vieux livre de Philippe Meyer, Pointes sèches (Seuil, 1992) : « Ne le répétez pas, mais il m’arrive de me demander si Panurge ne devrait pas être le saint patron des journalistes », qui regroupe des chroniques où l’auteur dresse le portrait de politiciens, en s’efforçant de faire sourire le lecteur sans trop écorcher les gens visés. Plusieurs furent lues à la télé ou à la radio, en présence de leur cible. La phrase me semble un résumé concentré de la situation actuelle de la profession. C'était bien vu, et même bien tapé.

"Mouton de Panurge", tout le monde sait à peu près ce que c'est. Vous connaissez l’histoire de ce navire bourré de touristes : à un moment, l’un d’eux, situé à tribord, s’écrie : « Oh, regardez ! ». Evidemment, tous ceux qui étaient accoudés au bastingage de bâbord se précipitent. On connaît la suite : le navire chavire. Le journalisme, en particulier politique, est spécialement atteint par ce cancer qui le ronge. On se souvient du char à foin camarguais où s’entassaient des dizaines de clampins, tous armés de micros ou d’appareils photo braqués en direction de Nicolas Sarkozy en train de parader tout fiérot sur son cheval blanc, lors de la campagne de 2007. 

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Bande de pauvres types ! Quel naufrage ! Quel troupeau ! Quelle lâcheté ! Quel avilissement ! Quelle misère, en vérité ! 

Voilà ce que je dis, moi.

jeudi, 28 avril 2016

ENFANT APRES TCHERNOBYL

SÉQUELLES

Il paraît que les autorités biélorusses et ukrainiennes poussent les populations qui habitaient la région de Tchernobyl à retourner chez elles. Selon elles, tout risque est désormais écarté. La vie naturelle a repris comme avant. Animaux et plantes prospèrent. On n'attend plus que les hommes. Ben voyons.

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Il semblerait surtout que ce qui prospère dans les endroits désertés, c'est la mafia. On raconte qu'une entreprise clandestine située à 150 mètres du site récupère l'acier irradié et l'introduit dans le commerce officiel du métal. On raconte même que l'Europe a donné le feu vert à des aciers contenant "un certain taux" de métal irradié.

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Pour les Biélorusses et Ukrainiens, c'est-à-dire les humains, qu'est ce qui se passe en réalité ? Pour le savoir, il faut regarder les photos que Paul Fusco a prises dans des établissements recueillant des enfants ayant subi les effets des radiations (j'ignore si c'était ou non "in utero").

paul-fusco-chernobyl-multiple-sclerosis1.jpg

La tératologie étudiait autrefois les individus atteints de monstruosités découlant d'aberrations chromosomiques ou génétiques, individus dont le seul avenir se situait dans les cirques, où ils se produisaient comme "phénomènes de foire". Le dépistage prénatal a globalement permis de prévenir de telles naissances.

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Paul Fusco nous assène la démonstration de la nocivité de l'atome. On s'en doutait un peu. Photos terribles. Il en a même fait un montage (ci-dessous 11'16"), intitulé Chernobyl legacy (héritage de Tchernobyl). J'invite les âmes sensibles à surmonter leur répugnance.


Bienvenue à Tchernobyl. Et bonne année ! Et meilleurs vœux ! Et la santé surtout !

Voilà ce que je dis, moi.

mercredi, 27 avril 2016

EUROPE TTIP : LES COMPLOTEURS

Après la Russie atomique, l'Amérique. Ainsi, Obama a rendu visite aux Européens. Le président des Etats-Unis est bien bon. Les Européens devraient lui savoir gré de sa bonté ? En réalité, monsieur Obama est venu faire la leçon (le gros titre du Monde daté d'aujourd'hui) à la vieille Europe. Première leçon : le « Brexit », c’est caca, il ne faut pas. Il y tient. Deuxième leçon : les accords de libre échange (TTIP ou TAFTA, au choix) en cours de négociation, c’est du miel délectable, il faut. Il y tient. Qu’on se le dise : Barack Obama sait mieux que les Européens ce qui est bon pour l’Europe. 

C’est évidemment un mensonge pur et simple, gros comme une maison (blanche). Obama est venu nous rendre visite en VRP de première classe des intérêts des Etats-Unis. Le Royaume Uni ? Une tête de pont des USA, et ça embêterait beaucoup les Américains de ne plus avoir un espion à leur disposition en plein cœur des institutions européennes. 

Mais ne parlons pas de la Grande Bretagne : s’ils veulent récupérer leurs billes, après tout, libre à eux. Qu’ils soient dehors ou dedans, ça ne change rien du tout à la vie quotidienne des Européens, même si le monde des affaires et de la finance peut en pâtir. Mais pour ce qui est du TTIP, c’est une tout autre sauce qu’on est en train de nous concocter. Et les Allemands sont apparemment les seuls à se cabrer un peu devant la menace. 

Qu’est-ce que c’est, en effet, ces accords de libre échange ? Jugez plutôt : pour avoir accès aux informations, il faut être soit un député ou un sénateur national, soit un député européen. Vous avez alors accès à un immeuble parisien. Avant d’entrer dans une pièce sans aucune fenêtre, vous êtes dépouillé de tout appareil électronique qui risquerait de transmettre quoi que ce soit, et vous signez un papier qui vous menace de poursuites pénales si vous dévoilez quoi que ce soit de ce que vous avez découvert. Une fois dans la pièce, vous consultez la documentation sous le regard d’un vigile vigilant. Vous ne trouvez pas que cette façon de procéder pue la charogne ? Que ça sent les comploteurs à cent kilomètres ? Cela a tout d'une assemblée générale de gangsters.

Rien que pour cette raison, l’Europe aurait non seulement dû claquer la porte depuis longtemps, mais elle n’aurait jamais dû l’ouvrir pour venir s’asseoir en face de gens sûrement très malintentionnés, vu la gravité de mystérieux secrets qu’ils ont de toute évidence à cacher. Attendez-vous à savoir (comme disait la désopilante Geneviève Tabouis aux époques héroïques de la radio) que les Européens doivent s'apprêter à "l'avoir dans l'os" !

Moi, je dégage de ce théâtre d’ombre une information : des gens très puissants – des Américains pour l’essentiel – sont en train de fomenter un complot pour accroître encore la vassalisation de l’Europe et pour en faire un terrain de jeu et de profit pour les grands groupes industriels d’outre-Atlantique. La visite d’Obama n’est pas celle d’un allié, c’est celle d’un suzerain. 

A moins que ce ne soit celle d’un « parrain ».

Qui aura les noix assez bien accrochées pour lui dire merde, à ce « parrain » ? François Hollande ? 

Ne me faites pas rire, j’ai les lèvres gercées. 

Voilà ce que je dis, moi.

CORRECTIF de dernière minute : Manuel Valls a déclaré qu'il est hors de question pour la France de signer l'accord de libre-échange en l'état. Alors acceptons-en l'augure. L'avenir futur nous dira ce qu'il en est.

mardi, 26 avril 2016

TCHERNOBYL, TRENTIÈME

On commémore le trentième anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl. La plupart des gens pensent que la catastrophe a eu lieu une fois pour toutes. Que, l’événement étant arrivé, ça y est, c’est fini. Pauvres gens, en vérité, s’ils savaient … La catastrophe, c’est tous les jours depuis trente ans. Alors bien sûr, elle fait moins de morts. D’abord, les « liquidateurs », c’est fini, s’ils ne sont pas tous morts, ces gens qui sont intervenus directement sur les lieux tout de suite après l’explosion du réacteur n°4 (combien ? 60.000 ? 100.000 ?), cela ne vaut guère mieux. 

TONDEUR 3 LIN.jpgMoins de morts aussi parce qu’une bonne part de laTONDEUR 10 BYRSONIMA.jpg population du coin (« zone d’exclusion ») a été virée de chez elle (les 50.000 habitants de Pripiat, la ville spécialement construite en 1974 pour les travailleurs du site nucléaire), qu’à part quelques vieux revenus parce qu’ils voulaient « mourir chez eux », seuls quelques touristes (si, si !) et les nettoyeurs et autres constructeurs du sarcophage définitif s’aventurent autour de la centrale. Enfin, il paraît que bien des gens sont tentés à leur tour de revenir « chez eux », et qu’il y aurait un mouvement depuis quelque temps dans ce sens. Mais il paraît aussi que 700 villages ont été "enterrés" (je me demande ce que ça peut vouloir dire concrètement), et que, pendant les travaux, les enterrements continuent. Ma foi, allez savoir.

Moins de morts donc, mais des conséquences sanitaires, ça c’est sûr. Les atteintes de la thyroïde ont été multipliées par cinq. Il paraît que les médecins ont beaucoup de maladies cardio-vasculaires à soigner. Divers handicaps et malformations touchent les nouveau-nés : « A Brahine, un petit centre pour invalides accueille des enfants handicapés moteurs ou retardés. Ils sont huit en ce début avril autour d’une table, occupés à faire des poupées russes en origami. Ils connaissent un chant qui vous serre la gorge : "La vie est pleine de röntgens" [ancienne unité de mesure de l’exposition à la radioactivité] » (Isabelle Mandraud, dans Le Monde daté 26 avril 2016). Bref sur le plan sanitaire, ce n'est pas la joie. Et ce n'est pas fini.

TONDEUR 7 MONADELPHIA.jpgLa catastrophe continue parce que la radioactivité continue, tout simplement, cette
TONDEUR 12 ESPECE INCONNUE.jpg chose invisible, inaudible, inodore, impalpable. Au point que des artistes s’intéressent à ce qui se passe encore aujourd’hui sur le terrain. C’est ainsi que l'artiste Anaïs Tondeur vient de réaliser toute une série de « rayogrammes » en se servant des plantes de la région frontalière entre Ukraine et Biélorussie dont un spécialiste a étudié l’évolution et les mutations génétiques après la catastrophe. Esthétiquement, le résultat est très surprenant.  

TONDEUR 6 GERANIUM.jpgLe photographe surréaliste Man Ray a beaucoup pratiqué (s'il ne l'a pas inventé) leTONDEUR 14 DOLICHOS.jpg rayogramme, qui consiste à disposer sur une feuille de papier photo divers objets, puis d’exposer un certain temps le tout à une source lumineuse :

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c’est vrai que l’image qui apparaît dans le révélateur a de quoi surprendre et séduire un esprit aussi avide d’expérimentation que l’était Man Ray.

Anaïs Tondeur, elle, a fait la même chose, mais avec des végétaux trouvés autour du site de Tchernobyl. Et plus fort que Man Ray, qui se passait déjà de l’appareil photo, elle se passe de toute source lumineuse : elle laisse le papier avec sa plante dans le noir. C’est la radioactivité qui se charge du reste (elle indique que le rayonnement est mesuré à 1,7 microsievert/heure). On en voit ici quelques exemples (dans le désordre : lin, géranium, monadelphia, dolichos, byrsanima, espèce inconnue). Elle a appelé son travail (avec Michael Marder ou Damien McDonald, je n’ai pas bien compris la répartition des rôles) Chernobyl herbarium. 

Le travail accompli par le photographe Alain-Gilles Bastide est tout différent. Lui, il est allé se balader du côté de Pripiat et du village de Tchernobyl pour en saisir, si possible,  « l’invisible ». Il montre les photos qu’il a ramenées de là-bas dans une exposition intitulée « Tchernobyl forever ».

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Le livre qui les rassemble, sous-titré "Carnet de voyage en enfer", montre l’image d’une tête de poupée vue sur place, qui donne une idée de la curieuse ambiance qui doit régner par là-bas. 

On ne voit plus Tchernobyl, on n’en entend plus parler si ce n’est aux « anniversaires ». C’est ce que les journalistes appellent « marronnier » dans leur jargon. Mais Tchernobyl continue son travail invisible. 

A cet égard, le titre Tchernobyl forever est excellent.

Voilà ce que je dis, moi.

jeudi, 17 mars 2016

HARO SUR LE CARDINAL

C'est entendu, la pédophilie est répugnante. Immonde, la main baladeuse (et plus si affinités) du curé dans la culotte de l'enfant de chœur. Ignoble, le geste du confesseur qui détourne à son plaisir la pénitence qu'il prescrit à la pénitente. Repoussant, l'usage de l'autorité, par l'aumônier, pour tirer une basse satisfaction personnelle de la confiance que l'enfant ou l'adolescent accorde spontanément à celui qui s'occupe du groupe.

Je note à ce propos que le journal Libération a retourné sa veste pour coller à l'ambiance d'ordre moral qui régente l'époque : il fut un temps, en effet, où il regardait avec attendrissement et complaisance certains adultes qui ne se cachaient pas, voire se vantaient d'éprouver du désir amoureux pour les enfants (Guy Hocquenghem, Gabriel Matzneff, Tony Duvert, Daniel Cohn-Bendit, ...). Comme par hasard, à peu près l'époque des faits que la clameur publique reproche au cardinal Barbarin d'avoir ignoblement couverts. Avant le spectaculaire retournement de tendance, disons-le, un singulier consentement couvrait certaines pratiques de son approbation, muette ou non.

Cela dit, je ne peux pas m'empêcher de m'interroger au sujet de la stupéfiante offensive que les médias lyonnais (plusieurs doubles pages dans Le Progrès ces derniers temps) mènent contre l'Eglise catholique, bientôt relayés par les médias nationaux (Le Monde s'y est mis à son tour), au point que tout le monde connaît ces jours-ci le nom du cardinal Barbarin, primat des Gaules. Même une ministre de l'Education, même le premier parmi ceux-ci participent à la curée contre les curés. Voilà un nom jeté en pâture, de quoi faire une belle chantilly, de quoi faire saliver les téléspectateurs. 

Loin de moi l'intention de défendre la soutane et la calotte, mais je trouve que cette soudaine montée en mayonnaise d'un "scandale" sent mauvais, pour ne pas dire qu'elle pue, et a quelque chose de tout à fait suspect. Pour commencer, comment se fait-il qu'une "association" dont personne n'avait entendu parler ("La Parole libérée") se soit fait, du jour au lendemain, une telle place dans le journal local ? Qu'est-ce qui a poussé Le Progrès à donner un tel écho à ses deux fondateurs ? Qu'est-ce qui a pu leur ouvrir les colonnes du journal ? Qu'on m'excuse, mais la foudre journalistique qui s'abat en ce moment sur les turpitudes supposées du cardinal Barbarin me laisse perplexe. Et même dubitatif.

Ensuite, je trouve incroyable que Valls et Vallaud-Belkacem soient descendus en personne dans l'arène pour y jouer les fauves. Valls, surtout. C'est alors que me revient à l'esprit le lien que Manuel Valls entretient avec les milieux francs-maçons. Me revient aussi l'amitié qui unissait, sous la houlette de Michel Rocard, trois jeunes loups de la politique et de la communication : Manuel Valls, Alain Bauer, Stéphane Fouks. Ci-dessous une photo de quand ils étaient jeunes.

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De gauche à droite : Alain Bauer, Michel Rocard, Manuel Valls, Stéphane Fouks.

Manuel Valls, n'en parlons pas. Stéphane Fouks est le communicant de la bande. Quant à Alain Bauer, en dehors de ses magouilles avec Sarkozy pour devenir quelque chose dans l'université française au mépris de toutes les règles en la matière, on se rappellera qu'un des couronnements de sa carrière eut lieu quand il fut élu Grand Maître du Grand Orient de France. Valls et Fouks, sans être montés aussi haut, sont restés ses "frères", à ce qu'il me semble. Je veux dire francs-maçons.

Je continue à raisonner : lors du vote de la loi scélérate sur le mariage homosexuel, grâce aux aboiements de madame Christiane Taubira, qui appartient à la même confrérie (elle est GdS - ne me demandez pas - de la Grande Loge De France), le cardinal Barbarin n'a pas été le dernier à monter au créneau pour défendre une conception traditionnelle (catholique) de la famille. Et voilà, deux ans plus tard, qu'est déclenchée une offensive sans précédent contre le prélat. On sait la dent que les francs-maçons aiguisent jour après jour pour la planter dès qu'ils le peuvent dans les mollets du catholicisme.

Je ne veux pas tomber dans le complotisme, mais je ne peux m'empêcher de faire le lien : les "frères" ne pardonnent pas. Je l'ai dit : cette affaire sent très mauvais. Pour ne pas dire qu'elle pue.

Voilà ce que je dis, moi. 

lundi, 07 mars 2016

MAUDIT CODE DU TRAVAIL !

Qu’est-ce qui se passe autour du Code du travail ? Quel est l’enjeu des luttes féroces qui se livrent en haut lieu et en bas lieu à propos de ce « Code, l’unique objet de mon ressentiment » ? Un million et plus de signatures pour la pétition qui réclame le retrait du texte. Effervescence en ligne, panique du timonier, reculade gouvernementale, bref, encore une fois le même lamentable spectacle de la panouille intégrale qui sert de ligne directrice à François Hollande, depuis que l’inconséquence des Français l’a porté au pouvoir. 

Je me moque de savoir ce qui se passe sous les jupes et dans les dessous peu affriolants des calculs politiques à court terme autour de cette affaire. Quelles seront les modifications acceptées par Manuel Valls ? Peu importe : ce qui compte, c'est le mouvement général dans lequel s'inscrivent toutes les remises en cause des "droits" des travailleurs, un peu partout en Europe et dans le monde. La consigne est partout la même : il faut s'aligner sur le plus bas.

Car on peut deviner ce qui se trame derrière les clameurs de Gattaz, du patronat et de tous ceux qui poussent, soit à la démolition pure et simple de ce monument de tracasseries qui empêche les chefs d’entreprise d’embaucher et de licencier à leur gré ; soit, ce serait un minimum, de simplifier les procédures, de garantir les droits des salariés tout en injectant du lubrifiant dans les rouages des entreprises. 

On nous sort à tout bout de champ l’épaisseur du Code du travail, ses obscurités, ses contradictions, ses jurisprudences alambiquées, et on le compare au Code suisse, limpide, lui, et réglé comme un coucou.

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Gaston Lagaffe en train de repeindre le coucou de son coucou suisse.

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Gaston Lagaffe n'a rien compris au marché du travail.

Je veux bien croire qu’en matière d’emploi, un effort de clarification et de simplification des règles est nécessaire. Mais pour embêter les entreprises, il n’y a pas que ce maudit Code : il me semble que les normes (françaises, européennes) auxquelles elles doivent se conformer ne sont pas pour rien dans les tracasseries qu’elles subissent. 

Et puis quand on nous parle de chômage et d’emploi, on nous raconte beaucoup de bobards. Le premier est que la complexité du Code est la cause du chômage : le Code a bon dos. Et si, Code ou pas Code, la France perdait des emplois, tout simplement, à cause de la diminution du travail productif ? Et puis Hollande gave le MEDEF de cadeaux. Et puis on nous serine : « Plus de flexibilité sera favorable à l’emploi ». Rien n’est moins sûr, monsieur Gattaz : où est-il votre million de créations ? Perdu en route.

Et puis prenez le déficit "astronomique" (paraît-il) de l’UNEDIC. Deux solutions simples pour résoudre le problème : primo, cesser de l’obliger à participer au financement de Pôle emploi ; deuxio, pénaliser les entreprises qui recourent abusivement aux contrats précaires pour occuper des postes indispensables, ce qui alourdit notablement sa barque. 

Non, moi, ce que je vois se profiler derrière la guerre faite au Code du travail, c’est autre chose, et c’est plus grave. Car il faut savoir que, partout où ont été menées de « courageuses réformes du marché du travail » (Allemagne et Grande-Bretagne pour commencer), partout où l’on a « assoupli les règles », le nombre de travailleurs pauvres a explosé, et les inégalités se sont démesurément accrues. Et les "journalistes" perroquettent la doctrine officielle : ces pays ont un taux de chômage remarquablement faible. Moi, les statistiques, je n'admets que "celles que j'ai moi-même trafiquées" (Churchill).

Il ne suffit plus d’avoir le privilège de bénéficier d’un emploi pour espérer échapper à la pauvreté. Travailler plus pour gagner moins ! Sarkozy n'avait pas pensé à ça. Remarquez, il y avait déjà les éleveurs français qui payaient pour travailler, parfois jusqu’à ce que mort s’ensuive. Ça montre la voie. Moralité : les dirigeants français sont en train d’admettre, de programmer et d’administrer l’appauvrissement des populations européennes. Les peuples ont perdu la guerre.

Ce qui se profile derrière la réforme du Code du travail, c’est ce que pointe Alain Supiot dans son excellent bouquin : La Gouvernance par les nombres (Fayard, 2015). Le message principal de l’ouvrage, enfin, ce que j’en retiens d’essentiel, c’est que le système économique que l’ultralibéralisme a installé (l’économie financiarisée au profit des seuls actionnaires) prévoit tout simplement d’abolir les lois qui régulent encore, pour un temps, la production et les échanges. Comme le dit le dirigeant d’une grande entreprise : « La régulation est un obstacle à l’innovation ». Ah, chère humanité, que serais-tu sans la déesse « Innovation » ? 

Tout ce qui régule l’économie est considéré par les grands acteurs qui interviennent sur les « Marchés » comme un obstacle à la bonne marche des affaires. Il faut « déréguler », on vous dit, dans un régime de « concurrence libre et non faussée ». L’Europe qui est  en place, pour le plus grand malheur de ses citoyens, est une illustration exacte du processus en cours. Les négociations secrètes qu’elle est en train de « conduire » avec les Etats-Unis (TAFTA ou TTIP) sont un pas de plus vers la disparition de toute régulation de la production et des échanges. Devinez au profit de qui ça se fera.

Comme le dit Alain Supiot, la loi (ce qu’il appelle « hétéronomie » : pourquoi pas ?) est ce qui s’impose indistinctement à tous les acteurs : elle surplombe, parce qu’elle a plus d’autorité et de pouvoir que tous les acteurs privés réunis. Tout le monde est contraint de s’y soumettre, et les infractions sont, en théorie, punies par les tribunaux. Or, dans le système que les plus grands acteurs privés de la production et des échanges sont en train d'installer, il est entendu que ce ne seront plus des lois qui gouverneront, mais des contrats. Kolossale finesse ! Vous avez compris : plus de règles qui s'imposent à tous indistinctement ! Tout est négociable ! Et comme dans toute négociation, on prévoit déjà de quel côté penchera la balance : celui du plus fort. 

La grosse différence entre une loi générale et un contrat, c’est que la loi est universelle (dans la limite des territoires où elle s’applique), alors que le contrat se négocie : vous mordez le topo (comme dit San Antonio) ? Le contrat en lieu et place de la loi, cela signifie que ce qui se trame, autour du Code du travail (qui est une loi), c’est la Grande Privatisation de Tout. C'est la Grande Confiscation des Richesses par une élite minuscule. Cela signifie, par conséquent, la disparition du bien public, l’élimination de ce qui s’est appelé dans le passé le "bien commun". Cela signifie aussi l’effacement de ce qu’on appelle encore, par abus de langage, la « puissance publique ». Cela signifie que les populations seront mises aux prises avec les « forces du Marché », mais pieds et poings liés. Et avec la complicité active de ceux qui gouvernent. 

Sale temps pour les humains en perspective. 

Voilà ce que je dis, moi.

Note : j'entends à l'instant un nommé Pierre Cahuc, chercheur en économie, accuser son contradicteur de ne pas lui répondre sur le terrain de l'économie, mais de la politique. Il lui reproche de se référer à des articles parus dans des revues non académiques : « Lisez les revues académiques, jeune homme ». Eh, espèce de foutriquet, ravale tes mensonges. Tu crois vraiment que l'économie est une science exacte ? Tu crois qu'on va la gober, cette fable d'une pure discipline de laboratoire ? Et sur le plateau de France Culture, tout le monde a l'air d'accord pour ne pas parler de politique au moment où l'on parle d'économie. Le mensonge est là : il n'est pas possible de faire de l'économie sans faire en même temps de la politique. S'intéresser à l'économie, c'est se demander quel modèle de société on veut. Si ce n'est pas de la politique, ça !

Si l'économie n'est pas de la politique, je ne sais plus ce que parler veut dire !

samedi, 20 février 2016

I'M A POOR LONESOME COWBOY

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SUR LA PISTE DES DALTON (N°17)

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Réforme de l’orthographe, donc ? Les gens savants et les gens instruits s’étripent. D’un côté (lequel ?), il faut enseigner les règles, et il est impardonnable qu’une langue écrite qui a donné au monde et à la civilisation des œuvres qui font de la France un élément irremplaçable du patrimoine de l’humanité. 

De l'autre, le français étant une langue compliquée, c’est entendu : simplifions-la. Modernisons-la. Réformons-la. Mettons-la à la portée des paresseux. Pourquoi se casser la tête avec les noms composés, les adjectifs de couleur et les accords du participe passé ? 

Ce qui est inadmissible, dans la langue française, c’est que, dans son ensemble, elle est constituée de façon totalement arbitraire. Comment un esprit rationnel peut-il supporter les aberrations constatées dans son orthographe ? Et ce ne sont pas les esprits rationnels qui ont manqué pour proposer d’en finir avec l’arbitraire orthographique, comme la nation avait mis fin à l’arbitraire royal en zigouillant sa principale figure. 

Je pense évidemment à Raymond Queneau, qui ouvre son roman célébrissime Zazie dans le métro sur cette phrase mémorable : « Doukipudonktan, se demanda Gabriel excédé ». Et je signale que dans ses Essais, Montaigne, orthographie l’expression « A cette heure », selon les moments ou selon l’humeur : « A cette heure, … asteure, … voire asture ». 

Ceci dit, cet étripage médiatique entre sans-culottes et réactionnaires me semble typiquement ce que Le Canard enchaîné appelle des « paroles verbales », parce que, sans rien dire à personne, l’orthographe du français se réforme tous les jours. On peut en effet compter sur l’ingéniosité et la créativité orthographiques des collégiens et lycéens, pour inventer avec persévérance un français qu’on ne trouve pas dans les dictionnaires. 

C’est ainsi qu’il existe des « tâches ingrasses » ; que « Pierre et Marie Curry » sont de grands savants ; que certaines musiques font entendre un « quincophonie » ; que les enfants, à force de jouer à la playstation, « ne savent plus jouer à colamaya » ; que les « téléspacteurs » passent trop de temps devant la « télévion » ; qu’on admire l’œuvre du sociologue « Pierre Bondieu » ; que « le mariage est représentateur de l'esclavitude » ; qu'un « cinémaste » filme à partir de « sénariaux »… etc. On n'en finirait pas. Autant de suggestions pour les réformes futures de l'orthographe.

A suivre « Ali Bitume » : tout un chacun serait à même de réécrire à sa façon La Foire aux cancres, cet énorme succès de librairie. C’était en 1962. 

C’était le bon temps. Depuis, tranquillement, tous les jours, le progrès orthographique fait rage. 

Rien ne sert de s'insurger : les grandes douleurs sont muettes.

Voilà ce que je dis, moi.

jeudi, 04 février 2016

DÉCHÉANCE FRANÇAISE

Qu’elle était belle, la patrie des droits de l’homme, du temps de … du temps de … de quel temps, au fait ? On n'arrête pas de parler de déchéance de la nationalité, sans se poser aucune question au sujet de la légitimité de la double nationalité. Pourquoi cette possibilité est-elle offerte ? Il y aurait motif à y voir une injustice. Ben oui : à l'égard des pauvres Français qui n'en ont qu'une. Les Franco-Français, quoi.

Déchéance de nationalité, donc. Un moyen de communication très commode pour jeter un brouillard opaque sur la question fondamentale : l'installation durable de la France dans le régime de l'état d'exception. Quelques voix s'élèvent pour alerter sur la fin de l'état de droit que ce coup de force entraîne. On ne les entend guère. C'est toute l'idée que les Français devraient se faire de la France qui, par le fait, déchoit. 

Français, prenons plutôt exemple, une fois n'est pas coutume, sur Tarek Oubrou, l'imam de Bordeaux, qui a reçu des menaces de mort parce qu'il n'est pas assez "islamique", mais que ça n'a pas empêché de refuser la proposition d'une "protection rapprochée", avec gardes du corps. Ne changeons rien à notre façon de vivre. Les "Sentinelles" doivent retourner dans leurs casernes. Et tous les services (police, renseignement, ...) doivent faire leur boulot. Qu'on leur en donne les moyens par autre chose que des pouvoirs accrus.

Regardez-la, aujourd’hui, la patrie des droits de l’homme. L’œil sur les résultats de sondages massivement (paraît-il) favorables aux mesures d’exception, le chien Cerbère (Hollande-Valls-Cazeneuve), depuis le 13 novembre 2015, de ses trois gueules béantes, gronde, aboie, mord tous les "suspects" qui passent à portée de ses crocs. 

Pierre Grimal, dans son irremplaçable Dictionnaire de la mythologie, écrit : « Cerbère est le "chien de l'Hadès", l'un des monstres qui gardaient l'empire des morts et en interdisaient l'entrée aux vivants ».

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Cerbère s’apprête a pérenniser l’état d’urgence en l’inscrivant dans la Constitution. Mais ça ne lui suffit pas : il s’apprête à faire voter une loi sécuritaire – une de plus – destinée à transférer toujours plus de pouvoirs et de liberté d’action des instances judiciaires vers les instances administratives. 

Et s’il faut vraiment croire que les sondages ne sont pas si fantaisistes que j’ai tendance à le croire, les Français applaudissent, réclament toujours plus de sécurité, de répression préventive. Les Français préfèrent les flics à la justice.

J'en conclus que, les Français, en conséquence, méritent Cerbère. Ils ne se rendent pas compte que Cerbère fut le gardien des Enfers. Je leur rappelle malgré tout comment finit la phrase de Pierre Grimal citée plus haut : « ... et en interdisait l'entrée aux vivants mais surtout, il empêchait d'en sortir ». A bon entendeur.

Et je crains que les trois têtes de son actuel descendant s’apprêtent à bouffer ce qui reste de leur âme. Et nul Héraclès aux alentours pour museler le monstre.

Cette France-là n’est pas la mienne.

Voilà ce que je dis, moi.

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vendredi, 22 janvier 2016

MORT AU CUMUL DES MANDATS !

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Dans Le Progrès du mercredi 20 janvier 2016.

Eh oui, Gérard Collomb : difficile de se multiplier. Sénateur, maire de Lyon, président de la Métropole : trois métiers, trois vies, trois rentrées d'argent. Si ce n'est pas une preuve qu'il faut en finir avec le cumul des mandats !

La France en a marre des sangsues ! Merci au Progrès ! Merci à Geoffrey Mercier, qui ne doit pas beaucoup l'aimer, le Gégé ! Il a raison : Gérard Collomb est un symbole de l'agonie de la vie politique en France, et de sa confiscation par une caste monopolistique.

Après les "printemps arabes", c'est pour quand le "printemps français" ? Allez, reprenez après moi : « Dégage ! ».

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jeudi, 21 janvier 2016

NÉO-RÉAC ET FIER DE L’ÊTRE

Double page « Débats » dans Le Monde daté 19 janvier : « Les néoréacs ont-ils gagné ? ». Ah, que l’intention est belle et noble ! Nicolas Truong, journaliste, fait précéder son article de présentation du « chapeau » suivant : « Le succès d’audience politique et l’hégémonie médiatique des antimodernes ou des néoconservateurs est-il le signe d’une dérive droitière en France ou provient-il de leur capacité à nommer le mal qui ronge nos sociétés ? ». L’alternative proposée a un air d’honnêteté à première vue. A ceci près que je m’étonne de l’expression "audience politique" : je ne savais pas que Finkielkraut, Onfray ou Zemmour (portraiturés en la compagnie bizarre de Patrick Buisson) avaient été nommés conseillers de nos plus hauts responsables politiques, dont ils ne pensent en général pas beaucoup de bien. 

Quant à "hégémonie médiatique", je suis très mal placé pour en juger, dépourvu que je suis de cet appareil qu’on appelle « télévision », pour un motif que je persiste à estimer crucial, déterminant, vital, prépondérant, bref : capital. Comme Günther Anders et Guy Debord, je pense en effet qu’avec le poste de télévision installé en bonne place au salon, est juridiquement constitué le délit d’atteinte à la liberté individuelle. Je ne suis donc pas en mesure d’évaluer la force de l’emprise des « néoréacs » sur les plateaux. Contrairement à Philippe Sollers, qui osait dénier à Louis Althusser la qualité de "penseur" du seul fait qu'il n'avait pas la télévision, je crois qu'il est plus facile de continuer à penser quand on n'est pas encombré de cet objet intrusif. Je préfère m'en remettre au concept de "spectacle", élaboré par Guy Debord (voir mon billet du 18 janvier).

A voir l'armée des boucliers qui se lèvent dès qu’un de ces individus suspects ouvre la bouche, j'ai plutôt l'impression que le mot d’ordre est très généralement de faire taire les "néoréacs" sous le déluge des réactions scandalisées. On peut faire confiance au chœur des flics de la pensée pour veiller comme des vestales vigilantes sur le consensus moral, moralisant et moralisateur, dans lequel ils s’efforcent de bétonner toute l’époque, à coups de glapissements. Voir par exemple la façon dont Michel Onfray, qui a été récemment vomi par les cent bouches de la déesse dont parle Georges Brassens dans "Trompettes de la renommée" (« Pour faire parler un peu la déesse aux cent bouches, Faut-il qu'une femme célèbre, une étoile, une star, Vienne prendre entre mes bras la place de ma guitare »), s'est senti obligé de fermer sa page fesse-bouc et son « fil twitter ». 

La haine de ces sentinelles de la "Nouvelle Vertu" pour ceux qui commettent des infractions à l’ordre qu’ils veulent faire régner a quelque chose de stupéfiant, et pour tout dire d’incompréhensible. Dans ses pages « Débats », Le Monde se garde bien entendu de trancher, et Nicolas Truong veille soigneusement à ne pas déroger à la sacro-sainte règle de neutralité, qui maintient la ligne du journal dans un juste-milieu de bon aloi, équidistant des extrêmes. Inattaquable.

Enfin, quand je dis "soigneusement", j’exagère. Certes, Nicolas Truong donne la parole à Alain Finkielkraut, et son interview peut donner une impression d’impartialité. Mais il ouvre dans le même temps les colonnes du journal à deux guerriers de la "Nouvelle Vertu" : l’historien Daniel Lindenberg et la sociologue Gisèle Sapiro, qui font jaillir, du haut des chaires universitaires où ils vaticinent, le venin capable de renvoyer l’ennemi déclaré dans le néant dont il n’aurait jamais dû sortir. Comptez : un neutre, un pour, deux contre. Le combat était inégal avant même la publication.

Le point commun, dans l’argumentation de ces deux mercenaires, c’est de ranger les intellectuels « néoréacs » parmi les responsables de la montée de l’extrême-droite : Sapiro fait référence au mouvement allemand « Pegida », Lindenberg à l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson. Lindenberg accuse même les « néoréacs » de véhiculer « une authentique rhétorique d’extrême-droite », quand Sapiro fait mine de s'alarmer de leur succès médiatique « alors que le FN est en pleine ascension ».  L’intention, au moins, est claire : disqualifier l’adversaire en le faisant complice de supposés fascistes. Finkielkraut faisant le jeu de Marine Le Pen, l'hypothèse est tellement courge que je ne la discute même pas.

Ce qui apparaît de façon lumineuse, en tout cas, c’est la dissymétrie entre les argumentaires des uns et de l’autre. Alain Finkielkraut porte un regard sur l'ensemble de l'époque : « Je cherche seulement à penser le présent selon ses propres termes. Je le dépouille ainsi des oripeaux dont le revêt la prétendue vigilance et je suis traité de néoréac parce que je dis : "Le roi est nu" ». Finkielkraut mène une analyse du monde tel qu’il va. Il se contente de dire, à la suite de Guy Debord et de Philippe Muray, que le monde et l'humanité vont très mal. Il a quitté les rangs des choristes de l’Empire du Bien, c’est ce que ceux-ci ne lui pardonnent pas. 

Car la dissymétrie est là : autant Finkielkraut parle du monde, autant Sapiro et Lindenberg parlent de Finkielkraut. Je veux dire que, si l'un parle du monde, les autres parlent de la personne qui a parlé. Quand celle-ci développe une argumentation « ad rem », ceux-là se déchaînent « ad personam ». Le coup classique : quand un argument t'embarrasse, il suffit d'attaquer la personne qui l'a proféré. Dans la plupart des cas, ça marche, devant les badauds.

Daniel Schneidermann avait utilisé la même ficelle, en son temps, dans Le Monde diplomatique (mai 1996) contre Pierre Bourdieu (que je n'aime pourtant guère), en réponse à l’article où celui-ci tirait les conclusions de son passage dans son émission Arrêt sur images, article intitulé « Peut-on critiquer la télévision à la télévision ? ». Schneidermann, dont j’estime le travail par ailleurs, n’avait pas aimé du tout, et s’en était pris à son invité en l’accusant, entre autres, en jouant sur son nom, de se prendre pour Dieu, si je me souviens bien. J'avais trouvé ça assez bas.

En gros, les « néoréacs » posent un diagnostic sévère sur l’état actuel du monde, alors que leurs accusateurs insultent les personnes qui osent un tel diagnostic. Coup classique, certes, mais infâme. Nicolas Truong pose d’ailleurs la question : « … et si ces néoconservateurs avaient raison ? ». Passons sur les qualifications d' "antimodernes" et de "néoconservateurs", bien qu'il y eût eu à dire. Eh oui, pendant que le sale gosse Alain Finkielkraut est le seul à dire que le roi est nu, alors que la foule des courtisans fait semblant de s’extasier sur la somptuosité de ses vêtements transparents, Daniel Lindenberg et Gisèle Sapiro intiment l’ordre au sale gosse de se taire : il ne faudrait pas, en disant la vérité, désespérer le peuple, on ne sait pas ce dont il serait capable. Cela pourrait créer du désordre.

Cela n’empêche pas Gisèle Sapiro d’avouer sa niaiserie profonde. Devinez comment elle conclut sa diatribe imbécile. Tout simplement en posant la question qu’elle n’aurait jamais dû oser poser. Car après avoir déversé son venin, voici ce qu’elle écrit : « Ils "passent" bien à la télévision ou à la radio. Cela contribue-t-il à expliquer ce qui n’en demeure pas moins un mystère, à savoir, pourquoi ils suscitent un tel intérêt auprès du public ? ». C'est un aveu de défaite, en même temps que d'incompétence fielleuse. Traduction : si le gars a du succès, la teneur de ses propos n'y est pour rien, c'est juste parce qu'il est télégénique.

Traduction bis : pourquoi les gens en redemandent, de ces salauds de « néoréacs », au lieu de nous écouter religieusement, nous qui savons ("de toilette", réplique Boby Lapointe) dire les mots qu'il faut pour rassurer ? Daniel Lindenberg et Gisèle Sapiro ne sont pas des menteurs professionnels. Ils haïssent seulement les porteurs de vérités désagréables. Et le "public" représente à leurs yeux un insondable mystère. J’imagine que leur gagne-pain est lié à la conviction qu’ils affichent dans l’entreprise systémique de dénégation du réel. Sapiro n'est pas près de se faire écouter du peuple. Non, je ne crois pas, contrairement à ce que nous serinent les sondages, que les gens "ont peur", "sont angoissés", et tout ça. J'ai plutôt l'impression que les gens se disent, jour après jour : quel sale monde que le monde qui s'annonce ! Et tous ces guignols qui font semblant de le trouver radieux !

Car Sapiro avoue ici, ingénument, son ignorance de l’essentiel, à savoir ce qu’attendent les gens. Ce qu’ils attendent ? Que ceux qui causent dans le poste leur disent enfin la vérité sur le monde réel. Oui, monsieur Truong, ils attendent des responsables un peu de courage, celui qu’il faut pour « nommer le mal qui ronge nos sociétés », comme vous écrivez. "Nommer le mal" ! Et je peux vous dire que ce mal s’appelle le Mensonge. Et les gens n’en peuvent plus : si on ne leur donne pas la vérité, c’est normal qu’ils préfèrent mettre la tête sous l’aile et s’abstenir aux élections. Leur taux d’abstention est proportionnel au mensonge que les pouvoirs leur servent jusqu'à la nausée. Qui ose aujourd'hui "nommer le mal" ? Je ne vois que les « néoréacs ».

Car la vérité du monde aujourd’hui n’est pas belle à voir. Economie ? Le travail manuel remplacé par des robots, le travail intellectuel remplacé par des logiciels et des algorithmes : c'est promettre la fin du travail et le chômage de masse à perpétuité. Finances ? Soixante-deux bonshommes possèdent autant à eux seuls que la moitié de l’humanité. Politique ? Extinction des idées et des projets, omniprésence de la soif quasi-mafieuse de pouvoir. Ecologie ? Sale temps pour la planète. Et je laisse de côté les migrants, l’islam, Daech, la violence, les guerres en cours, les guerres à venir, …. Franchement, il est dans quel état, le monde ? Ceux qui causent dans le poste ne sont visiblement pas de ce monde-là. Ils doivent péter de trouille en envisageant le jour où les yeux des foules s'ouvriront.

Car il faut rester optimiste, se cramponner au "tout va bien, nous avons les choses bien en main". Alors exterminons les oiseaux de mauvais augure. Mettons à mort le messager porteur de mauvaise nouvelle. A la lanterne, les lanceurs d’alerte. On peut compter sur Daniel Lindenberg et Gisèle Sapiro pour leur passer le nœud coulant. 

Je ne remercie pas Le Monde d'avoir donné la parole à deux faussaires, tout en faisant mine d'apporter sa contribution à un grand "débat de société". Qui peut encore croire que c'est le discours des « néoréacs » qui domine toute la scène intellectuelle ? Le Monde apporte ici la preuve du contraire.

La réponse à la question du début, c'est : les « néoréacs » ont perdu. Et ce n'est pas une bonne nouvelle.

Voilà ce que je dis, moi.

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mercredi, 30 décembre 2015

LA DEMI-NATIONALITÉ

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LE BI-NATIONAL ET LE FRANCO-FRANÇAIS

La nationalité, en gros, je sais ce que c’est. Droit du sol : tu as l’identité du pays où tu es né. Droit du sang : tu as la nationalité des parents dont tu es né. Mais la « double nationalité », ça veut dire quoi ? Que tu as deux « demi-identités ». Moitié chèvre, moitié chou. 

Je me demande si un Normand répondrait « p'têt ben qu'oui p'têt ben qu'non », si on lui demandait s'il est Français. A prendre les choses de façon purement arithmétique, un Français qui a la double-nationalité, en toute logique, est un Français "à moitié".

Remarquez, il y a bien des « bisexuels » (et pourquoi pas tri-, il y a bien des triporteurs ?), pourquoi pas des bi-nationaux ? Dans ces conditions, je me demande un peu ce qui leur prend, à ceux qui se sont mis à hurler, quand Hollande, dans un de ses habituels calculs sataniques pour emmerder les adversaires politiques, a dégainé la « déchéance ». 

Soutenir, comme le font plusieurs au PS, que tous les bi-nationaux pourraient se sentir visés et considérés comme des citoyens de seconde zone est purement et simplement farcesque. D'abord parce que nul n'est obligé d'opter pour la double nationalité (34% chez les gens d'origine algérienne, 48% chez ceux d'origine turque). Ensuite parce que s'ils se sentent visés, c'est qu'ils ont de mauvaises intentions. 

Après tout, ce ne serait jamais que la déchéance d’une demi-nationalité. Car les bi-nationaux, qu’on m’excuse, ne sont que des « demi-nationaux ». Atteinte au « droit du sol ! », hurlent certains. Qu’on m’excuse, mais la déchéance, dans ce cas, ne serait qu’une « demi-déchéance », ou plutôt une agression contre le droit du « demi-sol ». Mais c'est quoi, au juste, un demi-sol ?

Mais si : un pied sur le sol français, un pied sur un sol étranger. A la rigueur, on pourrait considérer ça comme l’amputation d’un pied. Car il resterait l’autre pied. La personne pourrait rentrer dans son autre demi-patrie. A cloche-pied, certes, mais. 

Je trouve déjà que la France est assez bonne fille, en accordant à des demi-nationaux les mêmes pleins droits qu’aux Franco-Français. Les Franco-Français n’auraient-ils pas quelque raison de se sentir lésés ? Quelque raison de réclamer l’estampille « doublement-français » ? Soyons bon prince : je me contenterai de "Franco-Français". 

Moralité : je ne vois aucun inconvénient à déchoir de sa demi-nationalité un demi-Français qui prendrait les armes contre l'un de ses deux demi-pays.

Un pays qui n'est que sa demi-patrie. 

Et si c'était la double-nationalité qui était une aberration ?

Voilà ce que je dis, moi.

Note : je n'en démords pas. Pendant que la « gôche » s'étripe sur la déchéance de nationalité, plus personne ne parle de l'essentiel : l'état d'urgence, et sa prochaine inscription dans le marbre de la Constitution. Il faut le reconnaître : Hollande a joué ce coup-là de main de maître. Parce que franchement, jeter aux chiens un bel os à ronger pendant qu'il commet son effraction dans la grande demeure nationale, cela devrait lui valoir le titre glorieux de "Roi de la Cambriole".

Plus fort qu'Arsène Lupin ! Mais Maurice Leblanc avait au moins fait d'Arsène Lupin un grand patriote, comme il le raconte dans L’Éclat d'obus (1915), où Arsène campe un soldat intelligent et intrépide, et dans Le Triangle d'or (1918), où il fait cadeau à l'Etat français de l'énorme trésor qui dormait à ciel ouvert dans le dit "triangle".

samedi, 26 décembre 2015

HALTE À L’ÉTAT D’URGENCE !

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Ainsi, le président « Degôche » travaille activement à l’avènement d’un Etat policier en France. « Il faut répondre aux gens, à leurs angoisses, à leur besoin de sécurité », soutient mordicus le président « Degôche ». Il ne faut pas "répondre aux gens", crâne de piaf ! Il faut répondre à la réalité ! La meilleure com', c'est l'action concrète.

Alors, cette « déchéance de la nationalité », ça vient ? Attendez d’avoir compris, nous dit le président « Degôche » : Je fais un pas en arrière, sous la poussée de l’aile gauche du PS ? La droite se dresse sur ses ergots : « Nous ne voterons pas la modification constitutionnelle ! ». Fausse alerte ! Parce que ma vraie intention, c'était de forcer la droite à voter ma loi en faisant un nouveau pas en avant ! Je décherrai donc de leur moitié française de nationalité les mauvais sujets qui se seront retournés contre la Nation pour la poignarder. Et pan dans les gencives de la droite, qui réclamait cette mesure ! Il y aura du déchet dans les rangs de la gauche ? Pas assez pour ne pas atteindre la majorité des 3/5èmes au Parlement réuni en Congrès. Je prends le pari. Fin de "citation". 

On reconnaît bien là l’habileté manœuvrière du tacticien, digne héritier de Mitterrand, vous savez, cet inoubliable intrigant florentin, son maître en manigances machiavéliques : la « recomposition politique » a commencé. L’objectif : pouvoirAUGUSTE FRANCOTTE.jpg immortaliser la photo de François Hollande en chasseur de safari, avec en main sa 600 Nitro Express de la maison Auguste Francotte à Liège (ah, ces "Big Five", si finement gravés), poser la botte victorieuse sur le cadavre de la droite française, réduite à un champ de ruines. 

Si j'ai bien compris, on observera donc bientôt une « recomposition », il y aura, selon les vœux du président, dans le paysage, là-bas tout à gauche du tableau, toutes sortes d’inoffensifs menus fretins qui brailleront de plus en plus fort à mesure qu’ils deviendront plus infinitésimaux et groupusculaires ; un ensemble un peu plus consistant de « socialistes frondeurs » qui formeront l’aile « gôche » du PS ; un gros marécage où se retrouvera tout ce qui est rose pâle, centriste et « républicain », qui rassemblera une majorité capable d’enjamber, allègrement et en souplesse, la frontière qui séparait jusque-là la « gauche » de la « droite » ; et puis là-bas tout à droite du tableau, un nouveau parti auquel tous les responsables, depuis trente ans, se seront donné la main pour faire la courte échelle, et qui ne demandera qu’à croître et embellir. 

Etant entendu qu’il n’est nullement question, dans ce tableau, de changer quoi que ce soit aux vieilles pratiques politiciennes en vigueur, celles précisément qui auront créé cette situation d’un genre nouveau. Les abstentionnistes ? Tous des cons ! Que des non-citoyens ! Qu’ils crèvent ! J'en ai rien à faire ! 

Chapeau l’artiste ! Et tant pis pour la France ! Le raisonnement de François Hollande, quand il pense à la France, si mon analyse n’est pas trop éloignée de la réalité, est une inversion radicale de l’inscription que Mathias Grünewald place devant la bouche de Saint-Jean-Baptiste désignant le Christ martyrisé, dans le Retable d’Issenheim (« Illum oportet crescere, me autem minui »). En version corrigée, ça donne : « Illam oportet minui, me autem crescere » (traduction libre : qu’importe que la France crève, pourvu que je croisse). 

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Suprême habileté du chef de bord : pendant que la bataille de chiffonniers agite son chiffon rouge dans les partis, faisant monter l’ « actualité » comme une mayonnaise chantilly très prisée par les médias toujours avides de produire de cette bonne « thèse-antithèse-foutaise » qui abreuve et aveugle les gogos, on ne discute plus de l’essentiel : le passage dans la Constitution de la normalisation de l’état d’urgence. C’est tellement bien joué qu’il n’y a plus que quelques juristes renommés et modérés que personne n’écoute pour s’inquiéter de la chose : qui, à part Mireille Delmas-Marty et Dominique Rousseau ? 

Car le nœud de l'affaire, l'objectif essentiel de François Hollande, c'est d'occuper tout le monde avec l'os de la déchéance de nationalité, pour que plus personne n'ait présente à l'esprit la saloperie première que constituera en France l'état d'urgence éternisé. L’état d’urgence au quotidien, l’état d’urgence ordinaire, l’état d’urgence à demeure, c'est un chien dangereux qu’on serait forcé de garder à domicile pour garder les enfants.

Et dire que la « Gôche » fulminait contre Sarkozy chaque fois qu’il faisait une loi à la suite d’un fait divers tragique ! Mais Hollande fait pire : il instrumentalise une Constitution dont il n’a, sur le fond, rien à faire, pour donner au peuple français (pour ce qu’il en reste) un coup de poing communicationnel dont il espère sans doute qu’il le mettra KO. 

C’est bien cet état d’urgence banalisé, celui qui risque de placer toute la population française sous la coupe administrative de la police et des préfets, c’est-à-dire livrée à l’arbitraire, aux abus et à la violence de forces de l’ordre qui se plaignaient depuis trop longtemps d’avoir les mains liées par l’état de droit (car c’est à ça que ça revient : l’urgence contre le droit). 

Il suffit pour s’en convaincre d’observer le bilan des presque 3000 cassages de portes (alias « perquisitions administratives », en version médiatique) et la taille des poissons ramenés dans leurs filets par les flics. Comme dirait l’inspecteur Charolles au commissaire Bougret (Rubrique-à-brac, Gotlib) : « Comme indice c’est plutôt maigre ».

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La plupart des poissons ne font pas la maille. Pensez, 51 incarcérations ! Et je voudrais bien avoir la liste de toutes les armes que les perquisitions ont permis de saisir : 39 « armes de guerre », ça fait 10%. Et combien d’armes de chasse non déclarées ? Combien d'opinels ? Combien de pistolets à bouchon ? Je te dis qu'il faut du chiffre, coco !

La population devrait s’en convaincre : il faut avoir peur de l’état d’urgence. Ce n’est pas à coups d’état d’urgence et de « perquisitions administratives » que Hollande empêchera le prochain attentat meurtrier sur le territoire français. En démocratie – si le mot veut encore dire quelque chose – l’état d’urgence n’est acceptable que sur une durée extrêmement courte (c’était parti pour douze jours au départ). Sa prolongation « ad libitum », et bientôt « ad perpetuum », une fois gravée dans le marbre constitutionnel, est une infamie pure et simple. 

Qu'est-ce que c'est, ce protecteur, qui commence par abolir la liberté de celui qu’il protège ? Qu'est-ce que c'est, ce loup qui s'érige en gardien des agneaux ? Qu'est-ce que c'est, ce renard qui promet de raccompagner chaque poule à son poulailler après minuit sonné ? Qui veut croire à la fable ? Ceux qui voudraient nous faire croire au père Noël du "Nous sommes tous frères" ? 

Sans compter le linge sale.

Qui peut croire, aujourd’hui en France, que l’état d’urgence le protègera ? Pas moi. 

Voilà ce que je dis, moi.

jeudi, 24 décembre 2015

GÉNÉRATION BATACLAN ?

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C’est entendu, Le Monde n’est plus ce qu’il fut. Mon Monde à moi n’accueillait pas de publicité, restait soigneusement déconnecté de la mode, du luxe et de la volupté, débranché des cours de la bourse, vierge de toute pollution photographique : le langage régnait en maître, en prince impérial, avec une concession dédaigneuse, de loin en loin, au dessin humoristique. Le Monde était imbattable pour la quantité et la densité du contenu. Je ne dirai pas quand j'ai commencé à lire Le Monde, ce serait avouer mon âge. A chacun sa pudeur. C’était la haute exigence de l’intègre et austère Hubert Beuve-Méry qui avait édifié ce bâtiment. 

Ce n’est hélas plus le cas, et depuis longtemps, du « journal de référence » : surfaces largement consacrées à vanter toutes sortes de marchandises, à faire l’éloge du « Style », des Montres (Bréguet, Blancpain, Patek Philippe, ...) et du Luxe, un magazine « » hebdomadaire presque totalement insignifiant, futile et creux (à la notable exception du dernier), tout cela joint à une pagination soumise à un régime amaigrissant qui nous fait friser l’anorexie et à un prix inversement proportionnel. 

Bref, pour être resté lecteur du Monde, il faut avoir une foi bien chevillée et considérer l’action de s’informer comme un devoir, et même un militantisme. Et ne pas prêter une attention excessive aux errements auxquels mène parfois la stratégie de « juste-milieu » appliquée par la rédaction en chef aux contenus. Je laisse par ailleurs de côté la question de la présence du fade Plantu en « Une », que je laisse pisser la neutralité de son eau tiède dans son violon quotidien. 

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Heureusement, il n’y avait pas de Kalachnikovs au Festival de Fourvière en juillet 1978, il journal le monde,hubert beuve-méry,journal de référence,plantu,13 novembre paris,attentats paris,bataclan paris,charlie hebdo,cabu,wolinski,bernard maris,frères kouachi,café la belle équipe,café le carillon,rue de charonne,père hervé benoît,basilique de fourvière,little bob story,festival fourvière 1978,kalachnikov,duke ellington,sun ra,queens,jacques higelin,frank zappa,thomas ayad,franck pitiot,erouat,françois-xavier prévost,madeleine sadin,antoine mary,marie lausch,mathias dymarski,eagles of death metaln’y avait que les Bijou, les Spions (un truc hongrois ravageur), les Olivensteins («journal le monde,hubert beuve-méry,journal de référence,plantu,13 novembre paris,attentats paris,bataclan paris,charlie hebdo,cabu,wolinski,bernard maris,frères kouachi,café la belle équipe,café le carillon,rue de charonne,père hervé benoît,basilique de fourvière,little bob story,festival fourvière 1978,kalachnikov,duke ellington,sun ra,queens,jacques higelin,frank zappa,thomas ayad,franck pitiot,erouat,françois-xavier prévost,madeleine sadin,antoine mary,marie lausch,mathias dymarski,eagles of death metal  Euthanasie papy, euthanasie mamy »), les Cimarrons qui faisaient danser le théâtre antique et Little Bob Story qui faisait scander « Barbe noire » parce que, mis en colère que le groupe ait été rejeté en fin de nuit, celui-ci (le batteur ou bassiste) refusait de revenir sur scène. Pas de Kalachnikovs à la Salle des Sports de Villeurbanne aux concerts de Duke Ellington ou de Sun Râ. Pas de Kalachnikovs au Palais des Sports de Lyon aux concerts des Queens, de Jacques Higelin ou de Frank Zappa (j’ai encore dans l’oreille : « The poodle bites, the poodle choose it » - repris dans "Apostrophe", je crois). 

Juste pour dire que j’ai été comme ça. Si ce n’avait pas été l’âge et la correction de trajectoire, j’aurais peut-être journal le monde,hubert beuve-méry,journal de référence,plantu,13 novembre paris,attentats paris,bataclan paris,charlie hebdo,cabu,wolinski,bernard maris,frères kouachi,café la belle équipe,café le carillon,rue de charonne,père hervé benoît,basilique de fourvière,little bob story,festival fourvière 1978,kalachnikov,duke ellington,sun ra,queens,jacques higelin,frank zappa,thomas ayad,franck pitiot,erouat,françois-xavier prévost,madeleine sadin,antoine mary,marie lausch,mathias dymarski,eagles of death metal journal le monde,hubert beuve-méry,journal de référence,plantu,13 novembre paris,attentats paris,bataclan paris,charlie hebdo,cabu,wolinski,bernard maris,frères kouachi,café la belle équipe,café le carillon,rue de charonne,père hervé benoît,basilique de fourvière,little bob story,festival fourvière 1978,kalachnikov,duke ellington,sun ra,queens,jacques higelin,frank zappa,thomas ayad,franck pitiot,erouat,françois-xavier prévost,madeleine sadin,antoine mary,marie lausch,mathias dymarski,eagles of death metalété là, au Bataclan. Est-ce que j'aurais fait de mon corps un rempart pour mon amoureuse de l'époque ? Ai-je le droit de juger ces personnes au seul motif que mon regard a changé du tout au tout en matière de culture, de musique, de civilisation ? Je me mépriserais si je le faisais. J'ai laissé tomber les concerts de cris hystériques, de batteries furieuses et de guitares électriques saturées. Mais je n'ai pas le droit d’oublier ce que j'ai été, ce que j'ai fait, ce que j'ai aimé, ce que j'ai dit. Je n'ai pas le droit de jeter l’anathème sur des gens qui en passent aujourd’hui par des étapes où nous autres, plus âgés, passâmes un jour, quoi qu'il en soit de l'itinéraire qui a été le nôtre. De la vie que j'ai menée, que je le veuille ou non, je suis obligé de garder tout, y compris les choses, les œuvres, les êtres et les femmes que j'ai cessé d'aimer.

journal le monde,hubert beuve-méry,journal de référence,plantu,13 novembre paris,attentats paris,bataclan paris,charlie hebdo,cabu,wolinski,bernard maris,frères kouachi,café la belle équipe,café le carillon,rue de charonne,père hervé benoît,basilique de fourvière,little bob story,festival fourvière 1978,kalachnikov,duke ellington,sun ra,queens,jacques higelin,frank zappa,thomas ayad,franck pitiot,erouat,françois-xavier prévost,madeleine sadin,antoine mary,marie lausch,mathias dymarski,eagles of death metalJe veux dire : je n'étais pas meilleur à leur âge que ne l'étaient : Thomasjournal le monde,hubert beuve-méry,journal de référence,plantu,13 novembre paris,attentats paris,bataclan paris,charlie hebdo,cabu,wolinski,bernard maris,frères kouachi,café la belle équipe,café le carillon,rue de charonne,père hervé benoît,basilique de fourvière,little bob story,festival fourvière 1978,kalachnikov,duke ellington,sun ra,queens,jacques higelin,frank zappa,thomas ayad,franck pitiot,erouat,françois-xavier prévost,madeleine sadin,antoine mary,marie lausch,mathias dymarski,eagles of death metal Ayad (Bataclan), Franck Pitiot (Bataclan), Estelle Rouat (Bataclan), François-Xavier Prévost (Bataclan), Madeleine Sadin (Bataclan), Antoine Mary (Bataclan), Marie Lausch (Bataclan) et son amoureux Mathias Dymarski (Bataclan). Ce sont les noms qui closent la liste des morts dressée par Le Monde, dans son « Mémorial du 13 novembre », infiniment plus estimable que l'exécrable spectacle donné aux Invalides par lejournal le monde,hubert beuve-méry,journal de référence,plantu,13 novembre paris,attentats paris,bataclan paris,charlie hebdo,cabu,wolinski,bernard maris,frères kouachi,café la belle équipe,café le carillon,rue de charonne,père hervé benoît,basilique de fourvière,little bob story,festival fourvière 1978,kalachnikov,duke ellington,sun ra,queens,jacques higelin,frank zappa,thomas ayad,franck pitiot,erouat,françois-xavier prévost,madeleine sadin,antoine mary,marie lausch,mathias dymarski,eagles of death metal "Freluquet en chef". A cette liste, il faudrait ajouter les vingt noms des morts dont les familles n’ont pas souhaité participer, et les trois familles qui « refusent que le nom de leur proche soit cité ». Respect !  

journal le monde,hubert beuve-méry,journal de référence,plantu,13 novembre paris,attentats paris,bataclan paris,charlie hebdo,cabu,wolinski,bernard maris,frères kouachi,café la belle équipe,café le carillon,rue de charonne,père hervé benoît,basilique de fourvière,little bob story,festival fourvière 1978,kalachnikov,duke ellington,sun ra,queens,jacques higelin,frank zappa,thomas ayad,franck pitiot,erouat,françois-xavier prévost,madeleine sadin,antoine mary,marie lausch,mathias dymarski,eagles of death metalLe deuil qui est le mien ne m'appartient pas. Mon deuil appartient à un organe dontjournal le monde,hubert beuve-méry,journal de référence,plantu,13 novembre paris,attentats paris,bataclan paris,charlie hebdo,cabu,wolinski,bernard maris,frères kouachi,café la belle équipe,café le carillon,rue de charonne,père hervé benoît,basilique de fourvière,little bob story,festival fourvière 1978,kalachnikov,duke ellington,sun ra,queens,jacques higelin,frank zappa,thomas ayad,franck pitiot,erouat,françois-xavier prévost,madeleine sadin,antoine mary,marie lausch,mathias dymarski,eagles of death metal j'ignore le nom. Un organe qui me dépasse, qui palpite et qui bat comme un cœur, un cœur sur lequel je n'arrive plus à mettre un Nom : « Suis-je Amour ou Phébus ? Lusignan ou Biron ? ». France ? Patrie ? Nation ? Civilisation ? Dans les circonstances présentes, les mots, les noms manquent, pour désigner ce qu'il faudrait pouvoir désigner : « Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache noire et froide où, vers le crépuscule embaumé, un enfant plein de tristesse lâche un bateau frêle comme un papillon de mai ». 

journal le monde,hubert beuve-méry,journal de référence,plantu,13 novembre paris,attentats paris,bataclan paris,charlie hebdo,cabu,wolinski,bernard maris,frères kouachi,café la belle équipe,café le carillon,rue de charonne,père hervé benoît,basilique de fourvière,little bob story,festival fourvière 1978,kalachnikov,duke ellington,sun ra,queens,jacques higelin,frank zappa,thomas ayad,franck pitiot,erouat,françois-xavier prévost,madeleine sadin,antoine mary,marie lausch,mathias dymarski,eagles of death metalRespect aux morts ! Honneur aux hommes qui se sont jetés entre leurs compagnesjournal le monde,hubert beuve-méry,journal de référence,plantu,13 novembre paris,attentats paris,bataclan paris,charlie hebdo,cabu,wolinski,bernard maris,frères kouachi,café la belle équipe,café le carillon,rue de charonne,père hervé benoît,basilique de fourvière,little bob story,festival fourvière 1978,kalachnikov,duke ellington,sun ra,queens,jacques higelin,frank zappa,thomas ayad,franck pitiot,erouat,françois-xavier prévost,madeleine sadin,antoine mary,marie lausch,mathias dymarski,eagles of death metal et les balles (ils sont plusieurs, morts de leur amour pour une femme) ! Oui, ma réaction est peut-être naïve et très "premier degré", je n'y peux rien. Ce qui est sûr, c'est que je remercie le journal Le Monde, pour une fois, pour avoir édifié ce monument aux morts de haute valeur et d'intense luminosité ! 

Voilà ce que je dis, moi.

Note : les seules photos correspondant à des noms cités dans l'avant-avant-dernier paragraphe de ce billet sont les sept dernières. Que la mémoire de tous les autres me pardonne.

mercredi, 23 décembre 2015

ÉDUCATION : LE PROGRÈS FAIT RAGE !

Allons, tout va de mieux en mieux en France.

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Cette fois, ça se passe dans l’Education Nationale.

Tout le monde s’était gaussé, il y a quelque temps, du baragouin pédagogiste qui faisait du ballon un « référentiel bondissant », de la piscine un « milieu aquatique profond standardisé », du badminton une « activité duelle de débat médiée par un volant », du kayak une « activité de déplacement d'un support flottant sur un fluide » et des parents d’élèves des « géniteurs d’apprenants », même si cette dernière formule apparaît davantage comme une blague, caustique mais parfaitement ajustée, de Régis Debray. 

Mais le Progrès ne saurait s’arrêter en si bon chemin. On en trouve un exemple probant dans le billet d’Offshore (cliquer colonne droite : "blogs à visiter") du 19 décembre. Son auteur a lu une chronique de Jean-Paul Brighelli dans Le Point, qui évoque certains effets de la dernière réforme des collèges éructée par madame Belkacem et sa cohorte de crânes d’œuf sur les pratiques des enseignants. Ce n'est pas une raison pour acheter Le Point.

Quant à Brighelli, je n'avais pas été épastrouillé par sa Fabrique du crétin, malgré la justesse de l'analyse. Au motif que tout ce que les praticiens du métier d'enseignant peuvent dire, leurs paroles sont inopérantes, impondérables, et à jamais vaines. La machine avance, mue par on ne sait trop quel carburant. Le "bon sens" a beau s'insurger aussitôt qu'on entreprend de l'éviscérer, la machine avance.

La « réforme » en question a inventé des EPI (Enseignements Pratiques Interdisciplinaires) qui visent à abattre les cloisons qui compartimentent abusivement les disciplines et les empêchent de "communiquer". Il ne pourra plus en être ainsi, grâces soient rendues aux innovateurs de la pédagogie. 

Voici ce qu’écrit Philippe Nauher (une variante de Erehwon ?) dans Offshore :

« Ainsi évoque-t-il la mise en place des EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires). Et de nous dégoter un bijou de transversalité proposé le 10 novembre dernier par un énergumène de l'académie de Lyon, afin de lier littérature et SVT. Voici l'intitulé : 

"Madame Bovary mangeait-elle équilibré ? Vous analyserez le menu proposé à son mariage, en expliquant en quoi ce sommet de la gastronomie normande ne satisfait pas les exigences d'une alimentation saine et respectueuse de l'environnement». 

"Madame Bovary mangeait-elle équilibré ?" Il fallait oser. J'invite le lecteur à découvrir dans Offshore quelques sujets "interdisciplinaires" gratinés improvisés vite fait sur le gaz par l'auteur.

On me dira ce qu'on veut, voilà du sérieux dans les nouvelles façons d'aborder (d'exécuter) la littérature. Ça intimide. De quoi clouer le bec à tous les ennemis de l’innovation pédagogique ! 

Attention, Najat, j'arrive. Accroche-toi au pinceau, j’enlève l’échelle ! 

Voilà ce que je dis, moi.

samedi, 05 décembre 2015

I'M A POOR LONESOME COWBOY

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L'ESCORTE (N°28)

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COP 21

Le dilemme est d'une simplicité angélique : si Rodrigue venge son père, il perd Chimène. S'il veut garder Chimène, il perd l'honneur de son père et de sa famille, il se déshonore lui-même. Ayant perdu son honneur, il devient alors haïssable aux yeux de Chimène. Sale temps pour l'amoureux.

Même choix cornélien pour le changement climatique : ce sera la croissance ou la planète. Pas les deux. Personne ne sauvera la planète en sauvant la croissance. A Paris, ils sont tous à tortiller du croupion pour ne pas nommer l'obstacle, pour tourner autour de cette réalité. Ah, que le « Développement durable » est joli ! Ah, l' « Economie décarbonée » ! Ah, les « Energies renouvelables » ! Quels beaux contes de fées pour grands enfants ! Que de jolies fables n'inventerait-on pas pour éviter d'affoler les foules !

Quelques illuminés, stipendiés des entreprises transnationales, clament aux quatre vents que c'est de la technique que viendra le salut. Ils ont lancé le concept époustouflant de « Géo-ingénierie » : ensemencer les océans avec du fer, envoyer dans l'espace des particules de je ne sais plus quoi pour diminuer le rayonnement solaire, ....

Ils ont raison : une seule solution pour résoudre les problèmes engendrés exclusivement par la technique et l'industrialisation à outrance :

LA FUITE EN AVANT.

Surtout, ne changeons rien au système !

Allons, enfants de la planète, le jour de gloire est arrivé ...

vendredi, 04 décembre 2015

I'M A POOR LONESOME COWBOY

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LE 20ème DE CAVALERIE (N°27)

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COP 21 

J'ai déjà eu l'occasion de dire ici tout le bien que je pense des positions défendues par Fabrice Nicolino (voir billet du 22 février, à propos de son livre Un Empoisonnement universel). La tribune qu'il publie dans Le Monde daté du 4 décembre (aujourd'hui même) confirme qu'on peut lui faire confiance pour ce qui est de faire tomber les masques d'hypocrisie de tous les faux curés qui officient lors de la grand'messe qui se donne depuis une petite semaine au Bourget.

Que dit-il, Fabrice Nicolino, dans sa tribune ? Pour résumer, il dit : "Pour avoir une idée de la sincérité des négociateurs du climat, regardez qui a été placé aux manettes". Or, dit-il, c'est là qu'on pressent la catastrophe. En effet, qui trouve-t-on au sommet du premier Sommet de la Terre à Stockholm en 1972 ? Il s'appelle Maurice Strong.

Sa carte de visite ? Né en 1929, mort en novembre 2015. Mais aussi et surtout : « Côté pile, il a été le vice-président, le président ou le PDG de firmes transnationales nord-américaines : Dome Petroleum, Caltex (groupe Chevron), Norcen Resources, Petro-Canada, Power Corporation. Au cœur l'énergie. Au cœur le pétrole ». Vous ne trouvez pas bizarre, vous, qu'un haut responsable de l'industrie la plus polluante devienne le grand manitou de la lutte pour la défense de l'environnement ? Disons-le : ça ne sent pas très bon.

Pour le Sommet de la Terre à Rio en 1992, Maurice Strong choisit comme bras droit Stephan Schmidheiny, une très belle carte de visite lui aussi : il est héritier d'une grande dynastie industrielle, qui a fait fortune avec l'amiante, à la tête de l'entreprise Eternit. Un très beau défenseur de la nature et de la santé humaine (3000 ouvriers italiens morts de l'amiante). 

Après Rio, Schmidheiny fonde le « Conseil mondial des affaires pour le développement durable ». Autant dire que c'est l'incendiaire qui se déguise en pompier. Y participent des entreprises aussi soucieuses d'environnement et de santé humaine que Syngenta (OGM), BASF, DuPont, Total, Dow Chemical : n'en jetez plus. Dans un livre, il va jusqu'à faire l'éloge de l'action de Shell dans le delta du Niger, pourtant « martyr écologique ».

Nicolino cite aussi le cas de Brice Lalonde, ce grand défenseur de la nature favorable au gaz de schiste : « Le gaz de schiste, il est bon aux Etats-Unis, pourquoi est-ce qu'il serait mauvais en France ? ».

Le cas de Laurence Tubiana est un peu différent. Elle ne loupe aucune conférence climatique. Elle a dirigé un think tank (IDDRI) qui a célébré le roi brésilien du soja transgénique. Les membres fondateurs ? EDF, GDF Suez, Lafarge, Saint-Gobain, Veolia Environnement. Quant à EPE (Entreprises pour l'environnement), c'est une association composée de Bayer, BASF, Vinci, Total, Solvay, Thales : que du beau monde, que d'éminents écologistes.

Paul Jorion a sans doute raison : si sauver l'humanité peut rapporter, l'humanité garde une chance.

Cliquez ci-dessus pour "Le temps qu'il fait le 4 décembre 2015".

Je cite pour finir la conclusion de Fabrice Nicolino : « L'heure est arrivée de mettre concrètement en cause la voiture individuelle, les écrans plats, les iPhone, le plastique, l'élevage industriel, le numérique et ses déchets électroniques, les innombrables colifichets - jouets, chaussures, cotonnades et vêtements, cafetières, meubles - venus de Chine ou d'ailleurs, les turbines, centrales, avions, TGV, vins, parfums partant dans l'autre sens.

N'est-il pas pleinement absurde de croire qu'on peut avancer en confiant la direction à ceux-là mêmes qui nous ont conduits au gouffre ? ».

Il faudrait placer la toute dernière phrase en lettres capitales au fronton de la grand'messe planétaire désormais connue sous le nom de COP 21. 

dimanche, 29 novembre 2015

PANIQUE À BORD !

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En janvier, ce fut un massacre : l’équipe de Charlie Hebdo, les clients de l’Hyper Cacher, tous des innocents qui ont payé de leur vie le fait d’être ce qu’ils étaient : des caricaturistes, des juifs, des polémistes, des vigiles, des rubriquards, des clients d’un magasin, … Le 11 janvier, une manifestation monstre de tous les révoltés par cet attentat. Au premier rang, un minuscule président de notre république, et un ex-président qui, toujours aussi hystérique, tente en vain de se frayer un chemin vers le premier rang et la grande photo inoubliable des acteurs de l’événement. 

Tout sera fait pour « assurer la sécurité des Français », fut-il assené dans la foulée de ces meurtres. On ajouta au déjà immémorial « plan Vigipirate » le « plan Sentinelle » qui devait «  assurer la sécurité des Français », nous fut-il seriné. Depuis le 13 novembre, on sait ce que nous a valu cette empilement de plans de sécurité, qui devaient théoriquement « assurer la sécurité des Français » (désolé de la répétition, c’est pour rendre l'incantatoire de la chose). Pour donner l’impression qu’il agit, le politichien moderne affiche des « mesures » destinées à figurer, une fois imprimées en photos martiales dans les journaux et dans l’esprit des gens, autant de preuves de l’efficacité du politichien. 

Malheureusement pour notre misérable « chef des armées », ce petit curé balbutiant, cet orateur larvaire, ce lumignon éteint, ce panache gris dépourvu de panache, les attentats du 13 novembre lui ont fait éclater à la figure les preuves de son incompétence et de son ignorance. Mais comment cette catastrophe a-t-elle été rendue possible ? 

Au risque de me répéter, bien que je ne sois pas spécialiste des questions de sécurité, et en m’appuyant sur ce que la mode correcte interdit désormais qu’on appelle le « simple bon sens », la France disposait d’un service de renseignement très efficace et performant : les RG ou Renseignements Généraux. Ce service était honni par tout ce que le pays comptait de gauchistes, il n'avait pas forcément les mains propres, mais il quadrillait le territoire à la façon d’un filet à mailles fines. Les hommes connaissaient bien le terrain, peu de poissons échappaient à leur vigilance, les informations remontaient. 

Le frénétique-à-tics qui a gouverné la France pendant cinq ans, non content de sa fabuleuse invention de la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques – en clair : non-remplacement d’un retraité sur deux dans la fonction publique d’Etat, qui a coûté 50.000 bonshommes à la police, à la gendarmerie et à l'armée), s’est mis en tête, sans doute pour gratter sur les budgets, de faire fusionner les RG (renseignement intérieur) et la DST (contre-espionnage). Le résultat le plus sûr de cette fusion forcée fut une désorganisation complète des services désormais placés sous l’étiquette DGSI. Les « cultures professionnelles », les façons de procéder des deux services étaient tellement différentes qu’il ne pouvait pas en être autrement. Comme de l'huile avec de l'eau, le mélange des deux n'a pas fait une mayonnaise, à peine une vinaigrette : si vous mettez de la vinaigrette dans un moteur, le moteur casse. Les autorités ont tout misé sur la « collecte des données » (moyens techniques, électroniques, informatiques). On voit ce qui en est sorti. 

Or le point commun de tous les types qui flinguent depuis Mohammed Mehra, c’est qu’ils étaient bien fichés, mais qu’il n’y avait plus personne sur le terrain pour tirer le signal au moment où une action se préparait. J’en conclus que la décision de Nicolas Sarkozy de fusionner RG et DST a eu des conséquences criminelles. Je sais bien que si cette décision est une cause indéniable, elle n’est pas la seule, mais on peut être sûr qu’elle est pour une bonne part responsable des tragédies de 2015 en France. 

Alors maintenant, est-ce que le minuscule Hollande a fait mieux ? La réponse est clairement « Non » !  Qu’est-ce qu’il a fait, après Charlie Hebdo ? Après l’Hyper Cacher ? Il a mis plein de soldats et de policiers (Sentinelle + Vigipirate) dans les rues, dans les gares, devant les églises et les synagogues. Il a transformé l'armée française en un corps de plantons. Là encore, on a vu le 13 novembre le résultat de ce déploiement ostentatoire des forces de l’ordre et des forces armées, on a constaté l’efficacité de ce dispositif impressionnant, qui n’était là en vérité, une fois de plus, que pour que les journaux publient des photos permettant aux lecteurs de croire qu’ils étaient protégés par les mesures prises par les « autorités ». 

Qu’est-ce que c’est, une « collecte des données », quand il n’y a personne sur le terrain, personne pour les analyser, personne pour en tirer des conclusions pertinentes ? Ils sont très beaux, les moyens techniques dont disposent les services de renseignement, surtout depuis le vote récent de la loi qui porte ce nom, mais il n’empêche que le récipient où on les entasse est tellement plein de trous qu'une ménagère appellerait ça une passoire. Personne n’a rien vu venir. Pas plus que les Américains n’ont vu venir les pilotes-suicides des avions jetés sur le WTC. Mais il fallait rogner sur les moyens humains, sur les budgets, faire confiance aux experts du numérique. Ah, la technique, que c'est beau, la technique !

Alors maintenant l’état d’urgence. Je dis que l'état d'urgence est l'ultime branche à laquelle se raccrochent des gouvernants aux abois, dans une ultime tentative de dissimuler leur incompétence et leur lâcheté. Je ne peux m’empêcher de me référer au livre de Mireille Delmas-Marty Libertés et sûreté dans un monde dangereux (Seuil, 2010, voir mon billet du 3 mai 2015), où elle s’inquiète de ce que les lois pénales tendent à substituer à la répression d’infractions dûment constatées une répression préventive, fondée sur la dangerosité potentielle et supposée des individus. Ça permet de ratisser très large, au risque de "dommages collatéraux" contre des gens qui n'ont rien à se reprocher.

Une démocratie est un milieu ouvert à tous les vents, un « open space ». La verrouiller, c'est la mettre à mort. Je ne dis pas qu'elle ne doit pas se défendre, je dis que pour se défendre elle doit se doter de bons outils : monsieur Hollande, ne commencez pas par faire disparaître l'état de droit, commencez par remettre ces outils (armée, police, renseignement) en état.

Dans Le Monde du 6 juin 2015, Delmas-Marty enfonçait le clou : « En France, le grand tournant remonte à la loi de 2008 sur la rétention de sûreté, adoptée par une "droite décomplexée" qui n’hésite pas à copier le modèle d’une loi allemande de la période nazie ». Tiens, encore un coup de Sarkozy (notez que le nom rime avec le dernier mot de la citation, regrettable hasard). De quoi se faire du mouron : l’état d’urgence est l’ennemi de l’Etat de droit. Les bien nommés passe-droits qu’il autorise sont autant de menaces en direction de la liberté. 

Je sais bien que les gens ont peur, je sais bien que Daech et ses sbires ne sont pas des plaisantins, mais je n’ai pas l’intention de changer d’un iota ma façon de vivre du fait du risque terroriste. S'il y a un risque, tant pis : j'assume. Et faites bien attention à ceci : qui m’expliquera pourquoi des militants écologistes ont reçu des assignations à résidence ? Et quid de l’arbitraire et de la violence gratuite commise par les forces de l’ordre au cours des « perquisitions administratives » (voir les articles paraissant ces jours-ci dans l’excellente rubrique « Observatoire de l’état d’urgence » du Monde) ? 

Dans l’état d’urgence, ce qui me fait peur, ce qui nous menace tous, ce sont les abus qui se commettent sous son couvert, ce dont des policiers eux-mêmes reconnaissent qu’ils profitent comme d’autant d’ « effets d’aubaine ». Je n’ai pas confiance dans des policiers qu’on laisse les mains libres et la bride sur le cou. Les terroristes ont d’ores et déjà gagné : la panique règne, au moins en haut lieu. Rien de pire qu’un régime qui règne en laissant régner la peur, et en appuyant sur ce redoutable accélérateur. Gardons-nous de céder à la panique. Quel espace va-t-il rester pour les partisans de la liberté ? Quel espace pour la liberté ? Faire face au danger, ça commence par ne rien changer à notre façon de vivre. A y changer quoi que ce soit, nous avons tout à perdre.

Oui, je suis inquiet : j'ai peur que les terroristes ne réussissent à nous rendre semblables à eux-mêmes (écoutez ici la remarquable explication (15' environ) de Tobie Nathan à ce sujet : il parle du Cambodge de Douch et du Berlin de Goebbels). De gauche, Hollande ? De gauche, Valls ? Ne me faites pas rire.

Voilà ce que je dis, moi.

vendredi, 27 novembre 2015

TOMBEAU DE V.R.

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Préambule : un "Tombeau" était, en poésie ou en musique, une œuvre dédiée à un grand homme disparu, une œuvre écrite en son honneur, une œuvre en forme d'éloge funèbre. V. R. aurait peut-être été un grand homme, si on lui en avait laissé le temps. On ne le saura pas. Je lui dédie ce tout petit billet.

***********

Le visiteur de ce blog ne trouvera plus ce billet tel qu'il se présentait depuis le 27 novembre. Ce qu'il trouvera est la correspondance imprévue à laquelle, quatre-vingts jours après, il a donné lieu. Voici le courriel que j'ai reçu le 11 février 2016.

Bonjour Monsieur, 

Je ne vous connais pas et ce que vous écrivez sur V. R., mon grand frère, me déplaît et m'attriste, surtout quand je vois que c'est l'un des premiers liens sur lequel on tombe lorsque l'on tape son nom sur internet.Vous ne le connaissiez pas, vous ne connaissez pas Eva et visiblement vos sources sont fausses.


Evidemment vous ne vous en êtes pas rendu compte ou du moins je l’espère mais en voulant faire un éloge de V. vous écrivez en fait des phrases culpabilisantes pour E. " Pour moi, elle aura eu la chance, non : le privilège de rencontrer un homme, un vrai, qui, au moment du danger de mort, n'a pas songé un instant à son propre sort.J'ignore tout de ce qu'on peut ressentir, quand on sait que la personne la plus chère à vos yeux est morte en voulant vous protéger : c'est au-delà de la raison". 

Mon frère n'a pas besoin que vous lui "rendiez hommage" et encore moins besoin que vous fassiez souffrir son amoureuse à l'idée qu'elle est encore en vie. 

Bref, tout cela pour vous dire que je souhaite vivement que vous supprimiez cet article de votre blog. 
J'espère que vous comprendrez. 

Cordialement,

 

-- Léa R.

 

Et voici la réponse.

 

Madame, 

Je ne m’attendais certes pas à recevoir un courriel comme le vôtre, qui me stupéfie et suscite mon incompréhension. Je me demande encore comment il est possible d’interpréter à mal le modeste billet que j’ai consacré à V. R. le 27 novembre. Vous me dites que mes sources sont fausses. Ma source est pourtant mentionnée dans le billet : Le Monde du 26 novembre. 

Je me suis contenté de réagir à une information : Pascale Robert-Diard, journaliste expérimentée, consacrait un article – dont j’ai oublié le reste du contenu – aux attentats de Paris. J’ai seulement, dans mon blog, cité trois phrases de cet article. Je marquais ensuite mon admiration pour la beauté du geste instinctif noté par la journaliste, et ce n’est pas moi, mais elle, qui a écrit : « Elle lui doit la vie ». Je suis donc surpris que vous vous en preniez à moi : en quoi mes phrases sont-elles « culpabilisantes » ? Voilà ce que je ne comprends pas. 

J’ai été, comme tout le monde je crois, bouleversé par les attentats de Paris. J’ai suivi dans Le Monde, jour après jour, les récits poignants faits par les journalistes dans une suite intitulée « Mémorial du 13 novembre ». Je continue à lire, le cœur serré, les articles que le journal consacre encore aux rescapés, gravement blessés ou non, des attentats. 

Profondément désolé que mon billet puisse avoir ajouté à une douleur, du fait d’une interprétation que je persiste à considérer comme erronée, j’accepte bien volontiers de retirer la partie du billet qui concerne la personne disparue, et de faire figurer en son lieu et place cette petite correspondance, à laquelle je pense pouvoir ainsi mettre fin. 

Croyez bien que je partage la douleur des familles, des proches, des survivants. 

F. C. 

Note : J'apprends dans Le Monde du 27 novembre que V. R. n'est pas le seul. Gilles Leclerc était lui aussi présent au concert des Eagles of death metal au Bataclan, le 13 novembre. Sa famille et ses proches ont dû attendre le lundi à 17 heures pour apprendre qu'il ne reviendrait plus jamais. Sa chérie à lui s'appelait Marianne. Pascal Galinier, auteur de la notice qui lui est consacrée, écrit : « Nul n'est étonné d'apprendre comment il aurait sauvé Marianne en se jetant sur elle, au Bataclan ». Honneur à Gilles Leclerc !

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jeudi, 26 novembre 2015

ÉCRIRE SANS TREMBLER

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Une semaine après les attentats de Paris, Le Monde a eu une très bonne idée, pour son supplément littéraire du vendredi. Il a adressé à des écrivains une demande, joliment formulée : « … vous dont la langue est le métier, prenez la plume, aidez-nous à nommer l’innommable ». Vingt-huit ont répondu à l’appel. Cela donne ce "numéro spécial", sobrement intitulé « Ecrire sans trembler ». Bien entendu, une telle anthologie, faite de pièces et de morceaux hétérogènes, est incapable de produire une impression générale homogène. 

Il est évident que les lecteurs marqueront des préférences, et que les textes entreront en plus ou moins vive résonance avec la perception subjective de la réalité qu’ils ont développée, mais aussi avec leurs goûts littéraires : le style de chaque auteur, la sensibilité avec laquelle chacun a vécu les événements, l’angle sous lequel il envisage de répondre à la demande du journal, tout cela est forcément déterminant. 

Je n’échappe pas à la règle. Ainsi, si on me demande quel est l’intrus qui se cache parmi les invités, je répondrai du tac au tac : c’est une intruse. Mais pourquoi Jean Birnbaum a-t-il prié Christine Angot de se joindre à ce numéro spécial du « Monde des livres » ? Sa présence défigure à elle seule la manifestation, comme une verrue sur la perfection d’un nez grec. 

Je ne vais pas énumérer les interventions, encore moins dresser en deux colonnes tableau d’honneur contre tableau de déshonneur. Tout juste puis-je dire que j’apprécie particulièrement les textes de Jean-Claude Milner (« Le Califat a des lettres »), qui explique pourquoi le choix de Daech s’est porté sur Paris, symbole de civilisation et d'histoire ; d’Olivier Rolin (« Bref dictionnaire des idées reçues »), qui reprend une à une, pour les contester, certaines idées générales complaisamment colportées par des journalistes, des associations, des hommes politiques ; de Laurent Mauvignier (« Regarder la mort en face »), qui explique que continuer à écrire des livres est nécessaire, pour faire vivre l’idée de complexité du monde, contre les simplificateurs mortifères ; de Zurya Shalev, l’Israélienne qui a failli laisser la vie dans un attentat suicide et qui donne un texte d’une grande dignité (« La lamentation de la beauté enterrée sous les cendres »). J’arrête là : il y a quelque chose de beau dans toutes les contributions. A des degrés divers.

Alors, la grosse verrue sur le nez grec ? J'ai vraiment cru à une hallucination en lisant ça. Angot commence par raconter un fait divers de 1822, qui n’a rien à voir, et que raconte Stendhal en 1823 (il écrit : « L’année dernière … ») dans Racine et Shakespeare : le soldat en faction dans la salle d'un théâtre de Baltimore où l’on donne Othello tire sur l’acteur à la fin et lui casse le bras, tout ça parce qu’il n’allait pas laisser un nègre étrangler une blanche ! 

Tout faux, madame Angot. Le soldat a simplement confondu la réalité et la fiction. Il ignorait sans doute en quoi consiste une scène de théâtre, un pièce de théâtre, des acteurs de théâtre. Cela n'empêche pas la dame d'affirmer : « La même chose a eu lieu chez nous, amplifiée, et préméditée ». Quelle niaiserie, madame Angot. Dans quelle réalité mirobolante êtes-vous allée pêcher ce délire ? Alors les tueurs de Daech, selon vous, confondent la réalité et la fiction ? Mais enfin descendez de ce nuage d’autofiction sur le terreau duquel votre prose prospère depuis trop longtemps et sortez de votre bulle narcissique : la réalité est là, atroce, madame. Daech, c’est de la mort bien compacte et bien concrète. 

Je passe sur l’étrangeté de beaucoup d’assertions fumeuses en rapport avec la «civilisation», qui découlent sans doute de la bizarrerie des incroyables lunettes mentales que la dame a adoptées. Pour finir, je citerai le dialogue (intégralement cité par l'auteur, sans doute par souci d'authenticité) par textos dans lequel elle échange avec sa cousine Valérie, « qui habite Châteauroux » : « "Après ce qui s’est passé à Paris, dis-moi simplement si vous allez bien." J’ai répondu : "Oui, Charly et moi étions à la maison, Léonore chez un ami dans le 10°, on lui a dit de ne pas bouger. Aujourd’hui, je devais faire une lecture à la Maison de la poésie, mais tous les établissements de la ville de Paris vont rester fermés. C’est horrible." Elle : "Comme tu dis, c’est horrible. Je ne comprends plus ce monde de fous. C’est lamentable." Moi : "C’est une guerre, Valérie. Daech est en guerre contre nous." Elle : "Oui, je sais, et ça fait peur." Moi : "Il ne faut pas avoir peur, ils vont perdre, faire beaucoup de dégâts mais perdre." Et elle, à ce moment-là : "C’est ce que je me dis aussi. Ils ne peuvent pas dominer le monde et enlever ce que les gens ont dans leur cœur." Moi : "Exactement." ». Alors là, bravo pour la hauteur de l'échange ! A noter que l'utilisation du mot "horrible" par madame Angot vient juste après la fermeture de la Maison de la poésie. Juste après, elle signale « le mail d'une amie » qui regrette de ne pouvoir venir l'entendre faire sa lecture. Juste après, elle parle d'un documentariste : « David Teboul m'a filmée dans le centre-ville de Châteauroux ». N'en jetez plus : on est content pour elle. Je lui ferai simplement remarquer qu'un monde existe autour d'elle, en dehors d'elle.

A noter plus généralement que la dame a tenu à faire figurer dans son intervention la totalité de ce dialogue riche et percutant, cette éclairante et profonde analyse de la situation. Au scalpel. Elle tente de se rattraper dans son dernier paragraphe, en déclarant inaudible l’appel général des politiques à ne pas faire d’amalgame. Mais ça ne sauve pas un texte qui sonne si creux, qui sonne si replié sur soi, qui sonne si niais. 

Quelqu’un qui ressent les attentats de Paris comme un deuil personnel en même temps que national peut-il ne pas sortir de là complètement écœuré ? Monsieur Birnbaum, Le Monde est un journal réputé sérieux. Mais inviter madame Angot après le 13 novembre, alors là non, ce n’est vraiment pas sérieux. 

Si j'avais voulu être méchant, j'aurais regretté que madame Angot ne soit pas assez amatrice de hard rock.

Madame Angot écrit comme on fait pipi.

Voilà ce que je dis, moi.

NB : Il paraît que Un Amour impossible, le dernier livre de Christine Angot, s'est déjà vendu à 100.000 exemplaires. Ma parole, dans quel état moral et intellectuel se trouve une population qui fait ainsi fête à un auteur de cet acabit ? Pauvre littérature française, jusqu'où tomberas-tu ?

mercredi, 25 novembre 2015

CABU CHEZ LA VOYANTE

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On reconnaît Cabu à sa coupe de cheveux. On reconnaît Wolinski à son gros cigare. Les deux autres, j'ai du mal à les identifier. Bernard Maris ? Tignous ? Charb ? Ils sont morts en janvier dans les locaux de Charlie Hebdo, assassinés par les frères Kouachi. J'avoue que ce dessin de Dutreix m'avait échappé en janvier. Mais aujourd'hui, il me saisit à la gorge : je le trouve d'une justesse, d'un tragique et d'une drôlerie absolus. Il y a avant, et puis il y a après, sur le thème de : si on leur avait dit ...

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Quelle poilade, les copains !

Ce dessin, republié dans "Le Monde des livres" du 20 novembre fait aujourd'hui écho à ce que déclare Laurent Camax, époux de Claire, morte au Bataclan. Voici ce qu'écrit Fabrice Lhomme, rédacteur de la notice : « Laurent Camax évoqua avec sa femme le risque terroriste : "J'étais dans le déni total de ce fléau, raconte-t-il. Je me souviens avoir dit à Claire qu'on avait autant de chances de mourir à cause du terrorisme que de gagner au Loto sans y jouer. Aujourd'hui, elle se moquerait bien de moi ..." » (Le Monde, 23 novembre, pour son "Mémorial du 13 novembre"). Il y a avant, et puis il y a après.

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Claire Camax est morte, assassinée, au Bataclan, le vendredi 13 novembre 2015. Le couple avait deux enfants, de trois et sept ans.

Et merde !

Voilà ce que je dis, moi.

 

mardi, 24 novembre 2015

UN MONUMENT AUX MORTS

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Le Monde, sous le titre « Mémorial du 13 novembre », vient de prendre une initiative magnifique : ouvrir ses colonnes à l’édification d’un monument aux morts de ce maudit vendredi 13. Le site Médiapart avait commencé, en offrant au visiteur la liste de tous les noms des victimes, avec leur âge et quelques précisions sur leur métier et leur existence. 

Le Monde va plus loin : il entreprend de publier les « portraits » de tous les hommes et les femmes assassinés : « Les journalistes du Monde se sont donc rassemblés pour écrire ce mémorial du 13 novembre. Systématiquement, ils ont pris contact avec leurs proches, membres de leur famille lorsque cela a été possible, amis ou collègues, pour les aider à dresser ces portraits de gens qu’ils n’avaient jamais vus. Pour chacun, nous leur avons aussi demandé de nous prêter une photo, l’image du visage qu’ils voulaient que l’on conserve dans ce souvenir collectif ». 

Le numéro du Monde daté de mardi 24 novembre présente donc les neuf premiers portraits : Christophe Lellouche (« Un vrai charmeur »), Mathieu Hoche (« Curieux de tout »), Véronique Geoffroy de Bourgies (« Généreuse et engagée »), Hugo Sarrade (« Epris de liberté »), la Lyonnaise Caroline Prénat (« Un rayon de soleil »), Yannick Minvielle (« Un fou riant »), Fabrice Dubois (« Un grand enfant »), Jean-Jacques Kirchheim (« Un roi de la fête »), Raphaël Ruiz (« Un fiévreux du rock »). Saisissant comme chaque personne apparaît à la fois comme unique et ressemblant à vous ou moi. 

Inutile de dire que je ne manquerai aucun des numéros à paraître sous cette bannière maculée de sang. 

Voilà ce que je dis, moi.