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jeudi, 21 février 2019

EMPREINTE 4

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Dans l'actualité.

Deux parutions du moment font particulièrement mal aux institutions officielles de l'Eglise catholique : le film de François Ozon (Grâce à Dieu) et le livre de Frédéric Martel (Sodoma). 

S'agissant du film, où les noms des victimes sont modifiés, mais où figurent les vrais noms des protagonistes diocésains (ça se passe à Lyon), je ne pensais pas, le 12 janvier dernier, être aussi près de la vérité en évoquant ironiquement ici le rôle d' « agence de recrutement de pervers sexuels » que jouerait l'Eglise catholique.

Comme le mal est mondialement partagé (Allemagne, Irlande, Chili, Etats-Unis, etc.), on se demande s'il n'y a pas lieu de généraliser la perversion à tout ce qui se présente comme "clergé catholique" ("catholique" veut dire "universel"). L'habileté du cinéaste est de s'être contenté, pour le scénario et les dialogues du film, du "verbatim" publié jour après jour dans la presse au fur et à mesure du développement de l'affaire Preynat : la justice n'a rien pu trouver à y redire, et le film est en salle.

Le livre de Frédéric Martel, quant à lui, ouvre la porte d'un sacré placard jusque-là secret : de la crème du haut clergé qui administre l'Eglise catholique mondiale au Vatican, jusqu'au curé "de base", le plus petit Etat du monde (594 habitants) présente la plus forte concentration d'homosexuels. Mieux que San Francisco !

Bon, Martel déconne quand il attribue l'extrême raréfaction des prêtres au fait que les homosexuels disposent aujourd'hui de bien d'autres moyens que la prêtrise pour trouver des "âmes sœurs" (l'efficacité de leur propagande suffit à entretenir la "visibilité" d'une minorité qui est à l'origine des lois qui l'arrangent) : la déchristianisation ne date certainement pas de la dépénalisation de l'homosexualité, et tous les curés ne sont pas forcément homosexuels (j'en ai connu d'excellents, et il y en a même qui se marient avec des femmes !).

Le livre du monsieur, qui se revendique homo (si j'ai bien compris), est le fruit d'une enquête de quatre ans en "immersion" dans les eaux troubles du Vatican. C'est dire le sérieux et le fouillé de la documentation. A sa seule lecture, Henri Tincq, l'intègre ancien chroniqueur religieux au journal Le Monde, en est resté baba-sur-le-cul-comme-deux-ronds-de-flan : à l'entendre l'autre jour aux "Matins" de France Culture, il est tombé de la lune ! Cela se peut-il ? Je n'ai pas de réponse. Le livre de Frédéric Martel s'appuie de toute évidence sur la réalité : Mgr Luigi Ventura, nonce apostolique du pape, ne vient-il pas de faire parler de lui en mettant la main aux fesses d'un employé de la mairie de Paris en pleine cérémonie ?

Quoi qu'il en soit, quoi qu'il arrive, tout ça ressemble à un furieux symptôme : non seulement l'Eglise catholique a un problème avec le sexe, ça on le savait (célibat des prêtres, culte de la chasteté, de l'abstinence, interdiction du préservatif : une négation de l'humanité, quoi), mais le sexe est aujourd'hui, au sein de l'institution, une splendide tumeur cancéreuse qui contamine tout ce qu'elle touche. Et la conclusion qu'on en tire, c'est que l'Eglise est dans un état avancé de décomposition : ça commence à sentir la charogne. L'Eglise catholique pue par où elle a péché !

Avec elle, c'est une clé de voûte de notre civilisation qui, en se descellant, voit s'effondrer sur elle-même une cathédrale. Fin de règne. Un bon sujet pour les "collapsologues" (étude "scientifique" des effondrements chère à Pablo Servigne).

Mais il y a d'autres clés de voûte et d'autres cathédrales. Quelle sera la prochaine à s'effondrer ?

Relisant cette question, le 17 juillet 2019, après la catastrophe du 15 avril, qui a vu s'effondrer la flèche de Notre-Dame de Paris ainsi que deux parties de la voûte, je suis pris d'un frisson.

De profundis morpionibus ! 

« A l'exception des plus trapus ! »

samedi, 12 janvier 2019

KATHOLIKOS = UNIVERSEL

Je n'aime pas trop les regroupements de "sensibilités" qui se cachent sous les apparences les plus vertueuses, du genre de "La Parole Libérée" (quelle que soit par ailleurs la gravité des faits). De fait, on pourrait énumérer toutes sortes de paroles qui se sont "libérées" depuis quelque temps : "libération de la parole raciste", à je ne sais plus quelle occasion, peut-être le fameux "débat sur l'identité nationale" cher à Sarkozy ; "libération de la parole fasciste", sans doute dans les même eaux troubles ; "libération de la parole des femmes" avec le mouvement "mitou" (traduction française : "balance ton porc"). C'est devenu une mode : la libération de la parole a le vent en poupe. La libération de la parole est en tête de gondole. C'est un excellent produit, authentifié comme tel par le grand usage que les journalistes font de l'expression.

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Dans l'actualité, il s'agit des anciens petits garçons (je connais au moins une ancienne petite fille qui pourrait témoigner) qui ont eu à faire au père Preynat, un fameux lascar qui consacrait toute son âme au "spirituel" et tout son corps au "temporel", sans doute pour apporter la preuve de la dualité essentielle formée par le tandem bien connu. 

Beaucoup de ces gens, abusés dans leur enfance par des hommes en soutane un peu trop "temporels", font des procès pour faire reconnaître leurs droits légitimes en même temps que la légitimité de leurs droits. Je m'étonne un peu quand même du vacarme médiatique auquel a donné lieu le procès du curé Barbarin : le monsieur (Devaux ?) qui est à l'origine de l'affaire, s'il est bien intentionné (admettons), a visiblement l'oreille de quelques journalistes (et peut-être quelques autorités) bien placés. On se demande un peu par quelles connivences, tant il trouve de micros bienveillants pour faire valoir sa cause.

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En gros et en détail, je ne supporte pas tout ce qui s'érige en "communauté" (en l'occurrence : ohé ami, si un curé a été trop « gentil » avec toi autrefois, rejoins nos rangs) et qui travaille tout le corps social en direction d'un communautarisme de plus en plus exacerbé. C'est-à-dire qui fragmente le corps social en autant de groupes défendant des intérêts particuliers, au préjudice de ce qui s'appelle de moins en moins la Société. C'est-à-dire qui installe entre les gens des relations faites de susceptibilité réciproque, de vigilance sourcilleuse, et de récriminations vite judiciaires.

En attendant, je contemple avec une certaine satisfaction l'Eglise catholique qui, sous le coup de divers scandales intervenus dans divers pays chrétiens, a de plus en plus de mal à demeurer, côté curés, une agence de recrutement (et pourquoi pas de centre de formation ? Je pose la question) de pervers sexuels.

lundi, 05 février 2018

LI-BÉ-REZ ! LA-PA-ROLE !

La façon dont certaines expressions se mettent à courir d'une bouche à une oreille, et puis de proche en proche de toutes les bouches à toutes les oreilles, a quelque chose de mystérieux, d'imprévisible. Regardez ce qu'il est advenu de "la libération de la parole" : une drôle de trajectoire, quand on y pense.

Si je me souviens bien, la première floraison médiatique de l'expression remonte au si judicieux débat que Nicolas Sarkozy avait cru bon de lancer pour définir une fois pour toutes ce que c'est que "l'identité française", donc entre 2007 et 2012. Je me rappelle avoir entendu, dans la bouche du journaliste de service, forcément bien intentionné, dire que le lancement, par un président malavisé, de ce grand débat national, avait "libéré la parole raciste". Et que le débat avait agi comme un électrochoc sur les couches les plus "réactionnaires" de la population (c'est ensuite qu'on avait entendu, dans les meetings du Front National, scander ces vibrants « On est-chez-nous ! On est-chez-nous ! »).

Résurgence de l'expression sous François Hollande, quand ce tout petit monsieur nous avait fait "le coup du père François", armé de sa contondante et haineuse Christiane Taubira : la loi ouvrant tout grand les bras de l'antique institution du mariage à la clientèle homosexuelle (entre parenthèses, on traitait Sarkozy de "clivant", mais dans le même genre, Hollande-Taubira, ce monstre à deux têtes, avait montré qu'il était capable de cliver autant, si ce n'est davantage). Le journaliste habituel, toujours avide de ces formules appelées à un bel avenir de stéréotype, avait lancé la notion de "libération de la parole homophobe". 

Plus récemment, c'est un individu un peu plus louche (lié semble-t-il au ministère de l'intérieur) qui avait lancé une association intitulée "La parole libérée", censée regrouper tous les anciens enfants dont des prêtres catholiques étaient supposés avoir plus ou moins abusé dans des temps déjà un peu anciens. Sur la lancée de la dénonciation des agissements du père Preynat (ne pas confondre avec le "Père peinard"), un certain nombre d'anciennes victimes de prêtres pédophiles se sont manifestées, déposant des plaintes plus ou moins fondées, certaines carrément farfelues ou injurieuses (je pense à l'estimable père B., le même qui officiait à Saint-Denis à la Croix-Rousse). Le journaliste formaté avait longuement fait écho à "La Parole Libérée". 

Enfin, la petite dernière venue, mais pas le moins croustillant des membres des "Libérations-de-la-parole", cette famille de plus en plus nombreuse et bigarrée : la moitié de l'humanité. J'ai nommé "La Femme", du moins celle qui porte plainte contre "L'Homme" (ça réduit déjà le champ d'application), ce porc immonde qui a l'audace de désirer des personnes désirables, et qui se débrouille pour le leur faire savoir. A noter que les dites personnes ont préalablement abattu, librement et sans y être forcées, bien de la besogne pour se donner une apparence agréable et attirante.

Oui, ils sont patauds, importuns, lourdauds et tout ce qu'on veut. Ils sont primaires (« rustres, agrestes et grossiers », faisait dire Claudel à ceux qui allaient brûler Jeanne à Rouen) et manquent de la plus élémentaire subtilité quand ils s'efforcent d'approcher les innombrables Célimène qui passent dans leur champ de vision. Ceux qui dépassent les bornes sont-ils la monnaie la plus courante ? Pour parler franchement, j'ai du mal à le croire. Les pimbêches et les allumeuses méritent-elles qu'on leur coure après ? Qu'importe : l'histoire retiendra cette expression digne d'être gravée dans le marbre : La Libération de la Parole des Femmes. 

Drôle de parcours quand même pour une drôle de formule très vite devenue toute faite. Bientôt un néo-stéréotype qui se sera longuement baladé : des racistes aux femmes, en passant par les "homophobes" et les pédophiles. Ce serait drôle si ce n'était pas si moche. Mais un stéréotype comme neuf, comme James Bond après une vache bagarre : en pleine forme, costume et mise en plis impeccables et pas une égratignure. 

Bon courage aux linguistes du futur pour reconstituer la logique de l'enchaînement. Je note quand même que la formule est passée du camp du Mal au camp du Bien. La porte sur le Mal a été heureusement refermée. Et tout sera fait pour qu'elle le reste, soyons-en sûrs. Accessoirement, je note aussi que, des racistes et des "homophobes", autrement dit du camp des méchants et des coupables, la "parole libérée" a migré vers le camp des victimes. 

Ouf, on est rassuré : la morale est sauve. Justice est faite !

La seule question que je me pose est, à présent : « Où y a-t-il encore des paroles à libérer ? ». Dépêchez-vous, Paroles Prisonnières, de vous signaler : le créneau est porteur, mais pour combien de temps encore ? Il y a des marchés à prendre, mais cela durera-t-il ?