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dimanche, 30 octobre 2011

L'ENFANT ÜBER ALLES (3)

EPISODE 3 : le « Monde » de l’ « Enfance »

 

 

Deuxième petite parenthèse (coruscante).

 

 

La grande HANNAH ARENDT dit, dans La Crise de la culture (chapitre V), que « l’enfance n’est qu’une phase transitoire ». Or, constate-t-elle, « ce qui précisément devrait préparer l’enfant au monde des adultes, l’habitude acquise peu à peu de travailler au lieu de jouer est supprimée au profit de l’autonomie du monde de l’enfance » (p. 236).

 

 

« L’autonomie du monde de l’enfance », ça veut dire qu’on fait de l’enfance un monde à part, qui a son existence propre, en dehors de la vie ordinaire, un peu comme une icône. En quelque sorte, on fait comme si l’enfant existait, non comme une future personne en construction, un être inachevé, comme une maison qui attend l’intervention du maçon et du plâtrier-peintre pour devenir habitable, mais comme un « en-soi » déjà abouti, immuable, distinct, définitif. HANNAH ARENDT dit même qu’on « tend à faire du monde de l’enfance un absolu ». Etant entendu qu’il s’agit de l’absolu du jeu.

 

 

Mais bande de malheureux, il n’y a pas de « monde de l’enfance » ! C’est l’invention d’adultes mal mûris, nostalgiques d’un temps qui ne leur paraît désirable que parce qu’ils l’ont oublié, comme ils ont oublié tout ce qu’ils vécurent alors  au quotidien. La frustration ou l’excès d’ « amour ». L’angoisse qui en découle. Le sentiment d’injustice, d’incompréhension. Le désir d’être « grand » tout de suite, pour avoir l’air aussi sûr de soi qu’ont l’air de l’être les « grands ».

 

 

Ou au contraire de ne pas grandir et de retourner là d’où on vient, quand on jouissait de l’évidence du bonheur sans savoir que c’était ça, le bonheur. Mais que même ça, et surtout ça, c’est une illusion et un mensonge, puisque après, ce n’est plus vrai, et que c’est fini à jamais.   

 

 

« Vivre son enfance », pour l’enfant, c’est le dernier de ses soucis. Il ne se préoccupe de rien d’autre que de vivre, de faire face, de jour en jour,  comme tout le monde, aux épreuves à son échelle qui l’attendent. L’enfant, il ne saurait pas qu’il est un enfant, si on ne le lui serinait pas. Il ne se vit pas comme tel, mais comme simple être vivant. « Enfant », pour lui, c’est un mot abstrait. Quasiment vide de sens.

 

 

C’est pour ça qu’il serait bon de gifler ou, au moins, de torturer à mort tous ceux qui, face à un bébé, à un enfant, se mettent à faire les niais, à bêtifier et faire des grimaces. Dans leur esprit, c’est ainsi qu’on « se met à la portée » : en devenant le singe et la caricature. Je pense à ces deux pages de GOTLIB, dans les Dingodossiers, où le tonton fait l’imbécile en train de fondre devant le berceau du poupon et dit : « Qu’il est mignon ! ». Le poupon en question se redresse, hilare, en pointant le pouce : « Qu’il est bête ! ».  

 

 

Fin de la parenthèse coruscante.

 

 

Cela donne lieu à des manifestations comiques. Je pense en particulier aux pages locales de la P. Q. R. (Presse Quotidienne Régionale), toujours très attentive à ce que les « grands » font pour les « petits ». Vous avez vu, ça se bouscule, c’est tous les jours, dans les pages locales. On les sensibilise à TOUT. AUCUNE des graves préoccupations  de l’âge adulte ne doit échapper à l’entreprise de sensibilisation. Parce qu’il se dit, l’adulte, dans sa candeur, que l’enfant ne le deviendra jamais assez tôt, adulte. Pourquoi, alors, lui épargnerait-on les questions graves ? 

 

 

Alors, pour « sensibiliser », comme ils disent, voilà de quoi on leur cause, aux petits : pollution,  tri des déchets (« sélectif » pour réviser la définition du pléonasme), souffrance animale, justice, tabagisme (et autres problèmes de santé publique), comment bien se nourrir (juste avant la faim dans le monde), gestion des affaires publiques (c’est le « conseil municipal des enfants », et il y eut même une opération « Sénat des enfants »), et j’en passe. Ici, on les fait courir en solidarité avec les enfants du Burkina Faso. Là, on leur fait « vendre-de-charité » des babioles contre le paludisme. Ça n’arrête pas.  

 

 

Vous trouvez que c'est des questions pour les enfants, vous ?

 

 

Le fin du fin ? « Monsieur le Maire, quelles actions envisagez-vous en direction des enfants pour les sensibiliser aux risques encourus au contact de pervers pédophiles ? » Ce n’était pas exactement formulé comme ça, mais il s’agissait quand même, dans cette information,  d’inciter les enfants (de primaire, il me semble) à la prudence face aux adultes dans le domaine sexuel. Je ne sais pas si vous « mordez le topo, les aminches » (San Antonio).  

 

 

On leur expliquait ce qu’ils risquaient si un adulte se montrait un peu trop « attentionné » envers eux. Vous avez vu la bombe que dissimule le joli mot de « pédophile ». C’est le mot à la mode. C’est parce qu’il est à la mode qu’il en impose, qu’il intimide, qu’il cloue le bec. En réalité, « pédophile », ça veut dire « qui aime les enfants ». Φιλία (philia), ça veut dire « affection », par exemple entre deux vieux époux. Quand il y a du sexe, on parle d’ερως (érôs), qui a donné « érotisme ». Que serait un instituteur qui ne serait pas « pédophile » ?

 

 

Pourquoi n’a-t-on pas gardé « pédéraste », mot qui s’applique exactement à l’adulte qui aime particulièrement les enfants pour ce qui est de ses jeux sexuels ? Ah, on me dit que son apocope (désolé, c’est comme ça qu’on dit), « pédé », est désormais une injure ? Mais à ce moment-là, il suffit que le code pénal criminalise non la « pédophilie » mais la « pédérastie ».

 

 

Ah, monsieur Grand Robert me dit dans mon oreillette que le mot désigne, « par ext. toute pratique homosexuelle masculine » ? Et celle-ci n’est plus punissable ? Dans ce cas, la seule question qui se pose est de savoir comment désigner un adulte qui aime vraiment les enfants. « Pédagogue » est déjà pris, mais surtout, il désigne celui qui « fait avancer » l’enfant. Non, vraiment, je ne vois décidément que « pédophile » pour qualifier le métier d’instituteur : « Qui fait preuve d’affection envers les enfants ».

 

 

Qu’est-ce que c’est, un adulte trop « attentionné », dans la réalité ? Et surtout qu’est-ce que ce sera dans la tête de l’enfant, après une telle « sensibilisation » ? Le parent qui embrasse son gamin sur la bouche, comme l’habitude semble s’en être maintenant généralisée ? L’adulte qui le prend familièrement sur les genoux ? Et qu’est-ce qu’elle fait, exactement et précisément, la mère, devant la table à langer, quand le lardon sort du bain tout propre et tout parfumé, qu’il lui prend l’envie de le croquer ? Franchement, va-t-il falloir mettre un flic derrière tous les parents pour guetter le moindre geste un peu trop « attentionné » ?  

 

 

Honnêtement, je me demande quelle image peut se former dans la tête de ces gamins  après une séance de « sensibilisation », et sous quel jour leur apparaîtra leur éducateur préféré. Si l’on voulait lui enseigner la peur de l’adulte (aux activités assimilées à une sorte de pourriture infecte), la méfiance généralisée et, en fin de compte, le refus pur et simple d’apprendre quoi que ce soit ; si on voulait le dégoûter de manifester la moindre ébauche d’envie d'apprendre, par peur de risquer gros dans ses parties les plus vulnérables et les plus intimes, on ne s’y prendrait pas autrement.

 

 

J’arrêterai là sur les « actions publiques en direction des enfants ». Ce que ne disent jamais leurs promoteurs, c’est que les dites actions leur servent exclusivement à se donner un peu de lustre, accessoirement à fabriquer des souvenirs pour les albums de famille, et à donner un peu de travail aux photographes de la presse régionale. Car si quelqu’un attend de ces actions une quelconque valeur éducative et formative, c’est que quelqu’un se fout du monde. Appelez ça « opérations de propagande », « événements publicitaires », « animations récréatives », tout ce que vous voudrez.

 

 

A la rigueur, cela pourrait avoir une valeur éducative s’il y avait ne serait-ce qu’un atome de continuité et de structure dans ces actions. Autrement dit, s’il s’agissait d’une matière d’enseignement. Là je veux bien. Mais un tel saupoudrage ! Autant en emporte le vent. De toute façon, rien ne rentre dans le crâne si ce n’est pas rabâché, c’est bien connu.

 

 

Finalement, les propos de HANNAH ARENDT cités au début apparaissent complètement paradoxaux : d’un côté, on fétichise l’enfance, on la met sur un piédestal, on la célèbre, on lui écrit une « Déclaration des droits de l’... » (texte ultra-juridique de l’ONU affiché dans toutes les salles de classe et aussi compréhensible que la défunte « Constitution Européenne »). Bref, on  idéalise l’enfance en tissant un cocon protecteur autour de son « espace enchanté ».

 

 

Et en même temps, on jure dur comme fer qu’on veut la préparer à devenir adulte et, ce faisant, on lui fait entrevoir l’âge adulte comme un monde difficile, voire impossible, angoissant, etc. Et je ne parle pas de ce que les enfants peuvent voir à la télévision ou sur internet. De toute évidence, la paroi censée isoler l’enfance est de plus en plus poreuse.

 

 

Et c’est le temps où, chez les adultes, on assiste à des séances de promotion de ceux qui ont « su garder une âme d’enfant », qui « laissent vivre en eux la part d’enfance » qui ne les a jamais quittés. Cette tendance est rendue visible, là encore, par des modes qu’il est difficile de critiquer sans passer pour un vieux con. J’assume bien entendu le risque, en me plaçant sous l’autorité et le haut patronage de saint ROLAND TOPOR, qui écrivit naguère Les Mémoires d’un vieux con.

 

 

Je ne peux m’empêcher de m’amuser au spectacle de toutes les roulettes sur lesquelles se juchent les vivants d’aujourd’hui pour se déplacer dans les villes, si possible sur les trottoirs, pour bien faire sentir au piéton que c’est lui, l’anomalie. Mais je pense aussi aux jeunes parents qui, ne pouvant se résoudre à délaisser le temps heureux et insouciant où ils étaient étudiants, traînent leur bébé et / ou leur mouflet au café, ce lieu éminemment éducatif, comme chacun sait. Encore plus net, je pense à l’empire exercé par le JEU sur la vie d’un nombre de plus en plus effrayant d’individus supposés « sortis de l’enfance ».

 

 

A suivre ...

 

 

 

vendredi, 28 octobre 2011

L'ENFANT ÜBER ALLES (1)

EPISODE 1 : la caisse du supermarché

 

 

Cette chronique n’abordant que les sujets les plus graves et les plus vastes, nous parlerons aujourd’hui de l’enfant (cette phrase se veut un petit hommage au grand ALEXANDRE VIALATTE). Et s’agissant de l’enfant, chacun conviendra qu’il n’y a rien de mieux que la caisse de supermarché pour l’observer « en action », dans la mission que lui a confiée le commerce industriel : vaincre la résistance de la ménagère, en général sa propre mère, ce qui en fait d'emblée un traître en puissance.    

 

 

Car si l’espace du supermarché, en soi, dévoile l’intention stratégique de son organisation (« coco, tu te débrouilles comme tu veux, mais à l’arrivée à la caisse, je veux que la longueur de la liste rédigée chez elle, sur un bout de papier et un coin de table, ait au moins triplé ! »), la caisse en est le couronnement. Cette cerise est bien vissée sur ce gâteau.

 

 

Vous savez sûrement que tout « bon musulman » doit impérativement accomplir au moins une fois dans sa vie le « hadj » (pèlerinage à La Mecque, dont le coût actuel, dans le bas de la fourchette haute, se monte à environ 5.000 euros par personne, je le sais de première main, c'est KHALED qui me l'a dit).

 

 

Le « hadj » du consommateur, c’est moins cher, mais c’est toutes les semaines, si possible le même jour de la semaine, pour garder les points de fidélité, de repère et de comparaison, et si possible le samedi matin, pour bien se souvenir que les autres ont une existence concrète, principalement au moment de faire la queue à la caisse. Ce voyage dans la Mecque de la consommation permet de révéler, à travers une petite scène du quotidien, le plus élaboré de tous les protocoles du commerce industriel, le plus prévisible, mais aux péripéties concrètes indéfiniment renouvelées : l’arrivée de la petite famille à la caisse.

 

 

Car la caisse est le piège, le cul-de-sac, la nasse, l’impasse, comme sont tous les péages. Arrêt obligatoire et patience vivement conseillée. Il faut l’avoir vue se dérouler, la scène : la maman (en général, c’est elle, mais on voit parfois un papa) pousse le chariot, qu’elle vide sur le tapis de caisse, après l’avoir rempli et avant de le remplir à nouveau pour le vider dans le coffre de la voiture (on ne s’en lasse pas, que ça devrait être considéré comme un loisir), et ce n’est pas fini. On ne le dit pas assez : le consommateur-en-supermarché est un manutentionnaire qui, non seulement travaille pour les beaux yeux de la princesse, mais en plus qui achète le droit de travailler.

 

 

Maintenant, mettez un gamin dans le siège du chariot (tout est prévu). Le gamin, son métier, c’est de regarder autour de lui. Et qu’est-ce qu’il voit, posé devant ses yeux, à portée de sa charmante et innocente  menotte potelée quand le chariot arrive à la caisse ? Evidemment bien sûr : LE TEST. Grandeur nature. Juste à la bonne hauteur. Bien en évidence dans des présentoirs avenants.

 

 

Donc des boîtes d’épinards ou de fayots, ça ne risque pas. Rien que des saloperies délicieuses, ou bien des cochonneries sucrées, ou alors des pacotilles suaves, et même des camelotes exquises, bref, des merdailles au goût délectable. Rien que des trucs défendus par le coran (euh non, aux dernières nouvelles, je me trompe ; sûrement un oubli du prophète, ce qui prouve d’ailleurs l'amateurisme de ceux qui se fient à lui). Rien que des trucs défendus par le docteur – mais celui-là je l’aime pas parce qu’il fait les piqûres.

 

 

Rien que des trucs défendus par papa et maman quand on les a pas encore trop épuisés, mais on va les avoir à l’usure, on n’est qu’au début de l’échauffement, ils vont voir à qui ils ont à faire.  « Rien que des trucs défendus », on a compris que ça veut dire : « Rien que des trucs éminemment désirables ». Dans « désirables », comprenez : « A saisir coûte que coûte ».

 

 

Poussant son chariot, la femme sait. Depuis l’entrée du magasin, elle tremble, car elle sait ce qui l’attend. Elle sait que le magasin « l’attend à la sortie », comme on dit. Autant dire qu’elle s’approche à regret de ce moment inéluctable de la corvée, de cette épreuve terrible et décisive pour les nerfs et l’autorité. Elle se prépare à résister : aujourd’hui je ne céderai pas, je ne céderai pas, je ne céderai pas.

 

 

Elle doit donc s’armer de fermeté pour résister à la coalition conclue entre son angelot et le magasin. Mais certains loupiots, même tout seuls, ils ont un pouvoir terrifiant. Il y en a qui ont un coffre, on ne se douterait pas à les voir. Le chérubin, quand il vient au supermarché, il vient armé. Et son arme, presque imparable, quand la mère affiche fermement sa décision de fermeté, c’est le DECIBEL.

 

 

Ça n’a l’air de rien, un décibel, comme ça, quand il est tout seul. « Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup que ça ne va plus. » Je cite monsieur BRICE HORTEFEUX, un homme très bien, malgré qu’il ait le teint rouge. Le décibel isolé, il a tellement peu de poids, autant dire qu’il n’existe pas. Mais attention, quand il vole en escadrille, c’est l’arme fatale. Et certains mioches ont un pont d’envol  particulièrement large, et ils arrivent à faire décoller cent ou cent dix décibels en même temps. Pas le seuil de douleur, mais pas loin.

 

 

J’en ai vu un, une fois, on l’aurait mesuré, je suis sûr qu’il était à cent douze ou cent seize. Virgule cinq. Essayez, pour voir : insoutenable. Le truc imparable du bourreau qui a derrière lui deux siècles d’expérience. Le blondinet qui découvre la puissance dévastatrice de son missile sonore embarqué, cette arme de destruction massive, il peut tout demander, ou presque. Il met la machine en route et, après un galop d’échauffement, envoie le projectile. Si le parent tient bon, c’est soit qu’il est héroïque, soit qu’il est un robot, soit qu’il est sourd. Disons-le, la plupart du temps, c’est la victoire en rase campagne, avant même qu’il ait envoyé ses mégatonnes.  

 

 

Mais il faut le comprendre, le lardon. Il sait que le magasin est de son côté. Il le lui a assez répété à la télévision : « Je suis ton ami, mon petit. Je fais tout pour te rendre heureux. Pas comme ces égoïstes de parents qui n’ont qu’une idée en tête : te restreindre, t’imposer des limites. Regarde toutes ces bonnes choses. Vas-y à fond, tu verras, c’est nous, toi et moi, qui sommes les plus forts ». Le merdeux, il n’aime pas ça, les limites. Pourquoi ça, des limites ? Ce qu’il déteste dans ses parents, ce sont les limites qu'ils lui imposent.

 

 

Alors, se dit le mouflet, toutes ces petites boîtes colorées, ces petits sachets amicaux, « toutes ces délicieuses petites choses en vente dans cette salle » (c’est ce qu’on entendait à l’entracte au cinéma, à l’époque des « bonbons, glaçons, chocolats » vendus par les accortes ouvreuses), toutes ces promesses de délices, tout ça, c’est exclusivement pour lui que c’est fabriqué.

 

 

On a compris que la bataille qui se présente est foncièrement inégale. La mère part battue d’avance. C’est vrai que le moutard n’a pas toujours le dessus, pour finir. Mais en général, c’est le chiard qui gagne, que dis-je, qui triomphe, et il n’a jamais le triomphe modeste. La preuve, c’est que les présentoirs sont toujours là.

 

 

Maintenant que j’ai vu la scène (dans les manuels de polémologie, on appelle ça une « guerre-éclair »), je peux ranger le carnet, replier l’observatoire, remballer les cannes à pêche, placer la sangle de ma musette sur l’épaule avec les poissons dedans. Je me lève pesamment, je m’ébroue et m’achemine vers la sortie. Je suis content. Je suis venu. J’ai vu. J’ai vu qui a vaincu.  Pas  César, mais presque.

 

 

Moralité de l’histoire : pour venir à bout de la ménagère aventurée sur le terrain hostile de la grande consommation, il n’y a pas d’arme plus efficace que le sale gosse envoyé en mission. Un suspense comme dans Les Infiltrés.

 

 

A suivre ...


dimanche, 16 octobre 2011

"GENRE" ET BOURRE ET RATATOUILLE (2)

Je voudrais par ailleurs qu’on m’explique ce que le « genre » apporte de nouveau, et que l’humanité ignorait scandaleusement depuis toujours. Selon moi, il n’apporte RIEN qu’on ne sût déjà, d’un savoir dûment répertorié. Alors comme ça, tous ces gens empressés autour du « genre » découvrent stupéfaits qu’il faut vingt ans de socialisation pour rendre un humain assez autonome pour se prendre en charge.

 

 

Ils découvrent ahuris que le petit d’homme débarque dans une culture toute faite, dans une langue toute faite, et qu’il va passer 7300 jours (= 20 ans, sans compter les 29 février, réservés à La Bougie du Sapeur) à emmagasiner, à acquérir, à APPRENDRE. Quand je suis né, je n’avais pas demandé à apprendre le français. Et pourquoi pas l'ourdou, le tchouvache ou le khabardino-balkare ? Eh bien tenez-vous bien, j’ai été obligé ! Parfaitement ! C’est intolérable ! C’est fasciste ! Après tout, la langue aussi, c’est une « construction culturelle » ! La langue ? Une réserve inépuisable d’arbitraire. Pourquoi dit-on « table » pour exprimer une table, après tout ?

 

 

Je n’ai pas demandé non plus à marcher. Eh bien c’est pareil, on m’a forcé. Pourtant marcher, c’est encore une « construction culturelle » ! Après tout, on pourrait ramper, retourner à quatre pattes, non ? Il s’est passé la même saloperie pour « travailler », « écrire », « s’habiller », « manger » et un tas d’autres trucs : rien que des « constructions culturelles » ! Tout ça qu’on inculque (les « valeurs », les « manières » et tout ça), sans même demander l’avis du petit, franchement, vous voulez que je vous dise : c’est abuser. Ma parole, mais c’est le règne de l’arbitraire !

 

 

Alors tous ces gens, puisque ça les amuse de « déconstruire » les faits culturels, mais qu’ils y aillent carrément ! Pourquoi se limiter au sexuel ? J’ai parlé de la langue, mais tout est susceptible « d’y passer », à la casserole « déconstructionniste ». Oui, au fait, je ne l’ai pas dit : cela s’appelle « déconstruire ». D’ailleurs un des rares trucs que la France ait exportés aux Etats-Unis, en dehors de son « patrimoine immatériel de l’humanité », qui est la gastronomie, c’est le « déconstructionnisme » inventé par JACQUES DERRIDA et MICHEL FOUCAULT. Avouez que ce n’est pas de veine.

 

 

En gros, « déconstruire », ça consiste à couper les cheveux culturels en quatre, et si possible davantage. Il n’y a pas de limite au « déconstructionnisme ». Pour faire simple, on analyse les faits, les valeurs dont nous sommes faits, l’histoire dont nous sommes le résultat, et l’on s’efforce de démontrer « scientifiquement » que tout ce qui nous constitue est le résultat d’un conditionnement arbitraire, donc scandaleux. Dans le fond, nous aurions pu être tout à fait autres que ce que nous sommes si les choses avaient tourné autrement pour nous. C Q. F. D. (on ne peut qu’abonder à tant d’évidence). Si vous ne saviez pas ce qu’est un « truisme », en voilà un beau.

 

 

Car des « constructions culturelles », on en prend plein la figure et on en rend autant tous les jours comme s’il en pleuvait. On est encerclé, on baigne dedans, on en fabrique à tout moment de la journée. Et je me dis que s’il faut « déconstruire » tout ça, on n’a pas fini. Autant s’y mettre dès la naissance. Ah ! On me dit que ce n’est pas possible, qu’il faut attendre que quelque chose soit construit. Pas de chance !

 

 

Bon, je sais bien que les sectateurs sectaires du « genre » focalisent leur attention sur le sexuel. On ne sait jamais, l’obsession n’est pas loin. D’une manière générale, ils regardent, pour les « déconstruire », les codes sociaux. Pourquoi pas ? Mais ça ne change rien à la question de base : pourquoi vivons-nous comme nous vivons, et pas autrement ? Ni aux questions suivantes : pourquoi la société impose-t-elle ses conditionnements de façon autoritaire et stéréotypée ? Et pourquoi les jouets des filles sont-ils des poupées ? Et pourquoi les hommes ne s’habillent-ils pas en robe ?

 

 

Bon, un « code social », qu’est-ce que c’est ? Pour faire simple, c’est renoncer à flanquer ta main dans la figure du type dont la gueule ne te revient pas. Au final, c’est ce qui permet aux gens de ne pas s’entretuer. Et même, soyons fou, de rendre possible, voire agréable, la cohabitation avec des gens qu’on n’aime pas, ou du moins des gens qu’on n’a pas choisis. Au total, ça fait une somme astronomique. Mais ce n’est pas vraiment à ça que s’en prennent les furieux du « genre ».

 

 

Car ce qu’ils ont dans le collimateur, c’est situé plus profond. Ils dénoncent la façon même dont madame Lasociété (c'est la mère maquerelle du bordel ambiant)  façonne les gens à l’intérieur, leur impose une identité qui n’est pas la leur, les empêche d’ « être eux-mêmes ». « Deviens ce que tu es », c’était une publicité Lacoste. Pour tout dire, on conditionne les individus à se conformer, non à ce qu’ils sont en vérité, mais à un rôle tout fait, un modèle sur lequel ils doivent prendre exemple, dont ils doivent adopter les attitudes. Mais qu'est-ce qu'ils « sont en vérité » ?

 

 

Un schéma sexuel organise l’éducation du garçon, et lui impose de devenir quelque chose de masculin. Même chose en féminin pour les filles. Il y a du stéréotype dans la façon dont la société s’y prend pour fabriquer du masculin et du féminin. Moi, je dis : « Et alors, coco, qu’est-ce qui te chiffonne là-dedans ? ». « Deviens ce que tu es », finalement, c’est un drôle de mensonge. D’abord, à partir de quel moment peut-on dire de quelqu’un ce qu’il est ?

 

 

NICOLAS SARKOZY a bien essayé de lancer l’histoire de dépister les futurs délinquants avant trois ans, mais heureusement, cette offensive a fait long feu (enfin, pas tout à fait, aux denières nouvelles, puisqu'on en reparle pour l'école maternelle). En gros, si l’individu est en naissant ce qu’il sera, à quoi sert l’éducation ? C’est bien de l’argent et de la peine jetés par les fenêtres. Et si l’individu est façonné (y compris sexuellement) par son environnement, à quoi bon se faire du souci, puisque, si l’on voulait faire l’inventaire exhaustif du dit « environnement », il faudrait collecter, classer et interpréter quelques milliards de données. Bonne chance au « scientifique » !

 

 

Dans le dossier du Monde cité plus haut, la journaliste ANNE CHEMIN dresse un honnête historique de la théorie du « genre », donnant la parole aux thuriféraires et aux pourfendeurs de la notion, dans ce classique « essuie-glace » de la technique journalistique (un coup à droite, un coup à gauche, et moi journaliste au milieu).

 

 

Le drôle de son article est dans les deux dernières phrases : « Le genre masculin n’est pas neutre. On ne naît pas homme, on le devient ». Ces paroles d’une force à défoncer la porte ouverte sont dites par la sociologue MARGARET MARUANI. Finalement, c’est ce qui me semble le plus drôle dans la controverse : la stupéfiante naïveté feinte de ces gens qui découvrent que le rond n’est pas carré, et inversement.

 

 

Quant à la papesse de ce mouvement, JUDITH BUTLER, son propos s’adorne de considérations plus fleuries les unes que les autres. Elle répond à la question de FREDERIC JOIGNOT : « Voulez-vous dire que la France est en retard dans les études sur le genre ? – Oui, notamment à l’université. » J’ai publié ici une note le 27 mai pour dire tout le mal que je pense de cette sorte de « retard » : en « retard » sur qui ? Le Malawi, les îles Kiribati ? Indirectement, c’est une idée raciste à l’égard de ces sociétés « arriérées », où règne un obsolète « ordre patriarcal ».

 

 

« Ce qui gêne, c’est de dire que l’homosexualité n’est pas une anomalie, (…) », sauf que, ne serait-ce que statistiquement, ça reste une anomalie. « La question est donc de savoir si nous sommes plus attachés à classer et à définir les normes qu’à comprendre la complexité de la sexualité humaine », à ceci près que la norme, c’est comme la langue : elle transcende, elle n’appartient à aucun individu ou groupe de pression en particulier, elle s’impose d’au-dessus.

 

 

Ce qu’elle confirme plus loin : «  De l’autre, nous sommes ligotés par des normes et des obligations que nous n’avons pas choisies ». Bien sûr, que nous ne les avons pas choisies : une norme qui serait l’objet d’un choix est une magnifique contradiction dans les termes. Imaginons cela : chaque individu, en toute indépendance, se donne à lui-même les normes auxquelles il se conformera. Ce serait drôle, d'ailleurs, un supermarché dont les rayons seraient remplis de milliards de normes : on viendrait avec son caddie, on choisirait ses normes, avec leur qualité, leur prix, leur couleur, leur goût. Ce serait le bonheur, comme dans la chanson de CLAUDE FRANÇOIS. J’y vois déjà se profiler la silhouette d’un monde merveilleux, bienheureux.

 

 

Allons, calme-toi, et bienvenue dans le CHAOS.

 

 

samedi, 15 octobre 2011

"GENRE" ET BOURRE ET RATATOUILLE

Je vais vous dire, ça commence à me fatiguer. Voilà qu’ils remettent ça, les adeptes du « genre ». Ma parole, ils ont le feu quelque part. C’est pire que « un, deux, trois, soleil ! » : on n’a pas encore tourné le dos qu’ils ont déjà avancé de trois cases. L’offensive bat son plein. Comment ? Mais bien sûr, que c’est une offensive ! Ils ont déjà réussi quelque chose, c’est à mettre le bazar dans les points de repère. Remarque, peut-être qu’ils étaient suffisamment mal en point et que le bazar y était déjà.

 

 

Quand j’entends deux intellectuels (j’ai oublié les noms, mais ils sont forcément éminents, parce qu’ils étaient chez ALAIN FINKIELFRAUT, sur France Culcul Ture) se chicorner comme samedi dernier, je me dis que les gars ont fait très fort. Tout le monde s’y est mis, tout le monde place son mot (moi y compris). La dame, elle disait comme ça que le genre, hé ben le genre, mon gars, c’est pas une « théorie », c’est une « substance », comme j’te l’dis. Si c’est ça être philosophe, je pouffe.

 

 

Le Monde s’y est mis aussi, et pas qu’un peu : trois grandes pages, enfin presque, parce qu’une bonne part de la surface est occupée par les très seyantes photos d’une série pertinemment intitulée « Androgyne », de  THIBAULT STIPAL, qui confirme assez bien ce que je disais ici même le 5 octobre, et qui annonce très clairement la couleur de l’offensive en question.   

 

 

En un mot comme en cent : le « genre » est le char d'assaut de l'offensive homosexuelle. On est dans une guerre  idéologique. C’est, si je puis ainsi dire, le « coin » enfoncé dans la brèche faite à la normalité sexuelle (je ne mets pas de guillemets au mot normalité, qui effarouche tant certains). Le but de l’offensive, c’est évidemment la prise de la citadelle de la normalité et la promotion de l’homosexualité en norme. L’habileté de la chose, c’est évidemment qu’elle n’est pas annoncée comme explicitement d’origine homosexuelle, mais qu’elle se présente dans le décor et sous le masque neutres de la science et du discours objectif.

 

 

Or, si l’on considère la norme comme un outil statistique, l’hétérosexualité  est la norme de l’histoire de l’humanité. Je me permets d’ajouter que, en l’absence d’une norme hétérosexuelle, je me demande où en serait l’humanité. Par ailleurs, est-il tout à fait illégitime et incompréhensible que la norme statistique soit devenue normative, c’est-à-dire s’impose à tous ? Si c'est le cas, j'aimerais qu'on me l'explique autrement que par l'argument de l'odieux arbitraire que ferait peser l'ordre hétérosexuel sur l'humanité.

 

 

Bien sûr, TOUTES les institutions humaines, depuis qu'il y en a, sont essentiellement arbitraires dans leur conception, leur mise en place et leur mise en oeuvre, à commencer par la façon dont la sexualité est instituée. J'aimerais aussi qu'on m'explique par quels miracles l'humanité aurait pu éviter de procéder ainsi. S'agit-il d'autre chose que d'instaurer  des règles, des codes, des conventions, des institutions, pour rendre possible la vie avec les autres ?

 

 

Tous les peuples se sont donné à eux-mêmes leurs propres règles, fondées sur l'idée qu'ils se faisaient de leur identité. J'aimerais qu'on m'explique sur quels concepts universels on s'appuie pour contester cet arbitraire-là (et un universel qui ferait spontanément un adhésion unanime, évidemment). Existe-t-il une unité de mesure admise par tout le monde qui permette de mesurer la légitimité de cet arbitraire-là ? Non. Sinon, je ne sais plus ce que c'est que la différence avec l'autre, non plus que la tolérance. 

 

 

En fait, il est impossible de légitimer, dans l'absolu et selon la nature, l'institution humaine, parce qu'elle est d'ordre conventionnel, et qu'il ne saurait y avoir de convention naturelle. L'expression « convention naturelle » est un oxymore, une contradiction dans les termes. Vouloir remplacer le sexe par le « genre », c'est donc uniquement vouloir substituer un arbitraire à un autre.  

 

 

On aura beau argumenter, pérorer, ratiociner tant qu’on voudra, on aura beau inventer des utérus artificiels, des grossesses masculines et autres fantaisies « meilleurdesmondesques », la norme veut qu’un homme anatomique et une femme anatomique s’emboîtent pour se perpétuer. Le socle et la condition de l’humanité, c’est la différence des sexes. Cette réalité NATURELLE ne plaît pas à tout le monde. Et la norme elle-même est maintenant considérée comme épouvantable et philosophiquement rédhibitoire.

 

 

Le problème, avec le MILITANT (le conducteur du char d’assaut, Act Up, PIERRE BERGÉ, tout ce qu’on voudra), c’est qu’il n’a aucune envie de discuter de quoi que ce soit avec qui que ce soit. Lui, il a sa vérité, il combat pour une cause, et il n’aura de cesse que de l’avoir fait triompher de ses ennemis. Alors pour lui, l’habillage neutre de la « science » est une précaution très utile.

 

 

Car il faut que ça se sache : oui, ce sont des homosexuels qui ont inventé, et surtout diffusé le « genre », à commencer par la fondatrice des « études de genre », JUDITH BUTLER, qui s’inspire des travaux de MICHEL FOUCAULT. S’ils ne l’ont pas inventé à proprement parler, sans eux, il n’aurait jamais connu un tel succès.

 

 

JUDITH BUTLER ne s’en cache aucunement : elle est lesbienne depuis l’âge de quatorze ans. Quant à MICHEL FOUCAULT, cette Tour Eiffel de la pensée française exportée aux Etats-Unis, il était homosexuel et ne s’en cachait guère. C’est grâce à lui, par exemple, que MATHIEU LINDON (Ce qu’aimer veut dire, éditions P. O. L.) a « revendiqué son homosexualité, commencé à se rendre dans les backrooms et assumé ce que les méchantes langues disaient alors de lui : "pédé, drogué et ami de Michel Foucault" » (site bibliobs.nouvelobs).

 

 

Le « genre », à cet égard, c’est une trouvaille, dont la théorie (j’ai l’impression d’être bouché quand j’entends nier que c’en soit une) est fondée sur un truisme : le sexe psychologique ne correspond pas forcément au sexe anatomique. La belle affaire ! Quelle découverte majeure !

 

 

Il est vrai que la théorie du « genre » va plus loin : elle postule qu’il ne faut pas ériger en « donnée naturelle » ce qui n’est que l’effet d’une « construction culturelle ». C’est entendu, « on ne naît pas femme, on le devient » (c’est de l’affligeante SIMONE DE BEAUVOIR). C’est entendu, on ne naît pas homme, on le devient. La belle affaire ! Tous ces gens redécouvre le binôme « NATURE / CULTURE » ! Je leur fais remarquer qu’ils devraient séance tenante se pencher sur le cas du fil à couper le beurre, de l’eau tiède, et de tout un tas d’inventions à refaire.

 

 

Là où les militants d’Act Up et autres chars d’assaut du « genre » deviennent des prestidigitateurs, c’est quand ils font tout simplement disparaître le socle « naturel » derrière la « construction culturelle ». Désolé, le « genre » n'abolit pas le sexe. Désolé, les gars, l’humain a beau être un produit de plus en plus raffiné et élaboré de nos « constructions culturelles », il reste quelque chose, tout au fond. Ben oui quoi : l’animal, la bête, enfin ! La Nature. L’ACQUIS n’a pas encore éliminé totalement l’INNÉ. Ça viendra peut-être. On en sera alors arrivé à la conclusion des Particules élémentaires de MICHEL HOUELLEBECQ.  

 

 

A suivre …

 

 

mardi, 09 août 2011

TOUS ACCROS A L'ADDICTION DE LA DEPENDANCE

Donc, je disais que se droguer, c’est manquer de sincérité. Ben oui, quoi : c’est tricher avec l’existence. Se réfugier dans son fantasme, c’est refuser de voir la réalité, et sa propre réalité dans le monde réel. Mais jouer au loto, c’est aussi avoir envie de tricher avec l’existence, c’est faire le premier pas dans cette direction. Quand tu reçois sur le crâne 285.000.000 d’euros comme ça s’est passé récemment à l’euromillion, tu viens de tricher. Tous ceux qui jouent au loto sont des tricheurs en puissance. Disons, tout simplement, des tricheurs.

 

 

De toute façon, notre monde est celui de la triche généralisée, il n’y a qu’à regarder sur les terrains de football, dans le peloton du Tour de France, en politique, en économie. Tout le monde a envie de tricher. Beaucoup y arrivent (voyez BERNARD TAPIE) sans que ça leur retombe dessus. Allez, ne niez pas. La preuve, le nombre de ceux qui jouent aux jeux de hasard. Et ce n’est pas pour rien qu’à ce propos, précisément, on parle d’ADDICTION. Mais dans les rangs, il faut différencier les gros et les petits, je dirai même les énormes et les minables.

 

 

Dans toute la tradition anthropologique, la drogue avait une véritable fonction, aussi bien sociale que religieuse. Dans notre civilisation déboussolée, perdue dans un univers désormais vide de sens, de deux choses l’une : chacun consomme une drogue dont il attend avant tout une ANESTHESIE, qui lui permet de continuer à vivre.

 

 

Il faut dire que le quotidien n’est pas triste : il est catastrophique. D’abord, il se définit presque exclusivement par la marchandise, il est essentiellement marchandise. L'homme, la femme eux-mêmes deviennent des marchandises. Je fais exprès d’exagérer. Ils sont définis par le travail ou par son absence, c'est-à-dire par leur capacité à acquérir des marchandises. Bon, je ne vais pas énumérer : tout cela n’est pas fait pour remonter le moral, quel que soit le résultat des sondages qui cherchent où en est le « moral des ménages ». Tout le monde a besoin de compensation, n’est-ce pas, c’est humain.

 

 

« Il faut subir ce qu’on ne peut empêcher », écrit JORGE LUIS BORGES dans une nouvelle. HENRI LABORIT donne un autre conseil, lui : quand on ne peut faire face à un environnement et à des conditions excessivement difficiles, il faut FUIR (Eloge de la fuite, Laffont, 1976). C’est lui, en passant, qui a introduit les neuroleptiques, s’il ne les a pas inventés lui-même. Or, quel meilleur moyen de fuir la réalité pour rendre la vie acceptable qu’une bonne drogue ?

 

 

Là, il faut le dire nettement : pourquoi cette discrimination qui renvoie dans l’illégal les substances immigrées ? D’abord le pavot à opium, le « papaver somniferum », à partir duquel on obtient la morphine, qui permet elle-même d’obtenir la diacétylmorphine, ou héroïne. Mais il n’y a pas que le pavot, dans la vie, car la nature ne manque pas de moyens : peyotl (mescaline), coca (cocaïne), khat, cannabis, évidemment, sous ses différentes formes (feuilles, résine, pollen), psilocybe, enfin, n’en jetez plus, la cour est pleine. Toutes ces substances ont en commun d'être exotiques.

 

 

Notre supermarché planétaire offre donc toutes sortes de produits capables de tendre, entre l’individu et le monde, un voile de sensations permettant au premier de supporter le second. Mais à tant faire de criminaliser ces drogues, si on était logique, il faudrait bannir TOUTES les drogues, c’est-à-dire TOUT ce qui, dans notre monde, donne un rêve aux gens pour un moment pour le rendre supportable. Car tous les moyens sont bons pous s'ANESTHESIER.

 

 

Alors il y aura évidemment l’alcool (« Géraaaaard ! ») et le tabac, mais ils seront entourés d’innombrables amis, à commencer par toutes ces substances chimiquement susceptibles de transformer la perception des choses par l’esprit, et que notre chère médecine française « deale » à qui mieux-mieux. C’est bien la France, paraît-il, qui détient le pompon en matière de consommation de tranquillisants, somnifères, anxiolytiques, hypnotiques, narcotiques, enfin tous les frères, cousins, neveux des substances PSYCHOTROPES. Si on interdit tout ça, ça va faire du monde. Et ça va faire du monde dans les asiles de fou et dans les prisons.

 

 

Mais il ne faudra pas s’arrêter en si bon chemin. La recherche technologique, au 20ème siècle, a produit par milliards ces instruments qui introduisent le fameux voile de sensations agréables qui permet d’oublier la réalité. Je veux parler des écrans. Oui, il faudra interdire, supprimer, détruire TOUS les écrans : cinéma, télévision, console de jeu, smartphone, téléphone portable. Au fait, je signale que le mot « écran », à 50 %, renvoie à quelque chose qui s’interpose entre vous et le monde, il n’y a qu’à regarder les gens dans la rue : même quand ils sont ensemble, ils ne sont pas ensemble, les yeux rivés à un rectangle plus ou moins coloré, lumineux, animé.

 

 

Le résultat de toutes ces interdictions ? C’est à prévoir, il faudra inscrire la REVOLUTION au programme. Quand chacun de ceux qui vivent dans la dépendance d’une (ou de plusieurs, car diverses addictions peuvent se combiner, c’est bien plus drôle) de ces drogues mettra le nez sur la vraie réalité, vous croyez qu’il va l’admettre ? Quelques hauts responsables risquent fort d’en souffrir. Ce ne sera que justice.

 

 

Le professeur BELPOMME avait publié en son temps La Société cancérigène. Il avait bien raison. Tiens, à propos, en Argentine, une des patries de ADOLF MONSANTO (voir ma note du 11 juin), et qui s'est convertie aux plantes "roundupready" (un O. G. M.) sur 17.000.000 d'hectares, les cancers ont augmenté de 30 % en dix ans (à San Jorge). Et dans la province de Chaco, le quartier d'Ituzaingo déplore 200 cas de cancer pour 5000 habitants. 

 

 

Cette merveilleuse société qui nous procure tant de constant et pur bonheur, cette société enthousiasmante et si profondément désintéressée ne serait rien sans sa petite soeur : j'ai bien l'honneur de vous présenter la SOCIETE HALLUCINOGENE.

 

 FIN

 

 

 

 

 

 

mercredi, 03 août 2011

DECLARATION D'EXTRÊME OPINION

Jean-Marie Le Pen vient de faire parler de lui en évoquant la « naïveté » du gouvernement norvégien, après la tuerie d’Utheia, sous les coups de feu de Anders Behring Breivik. Cette « naïveté » est, selon le papa de mademoiselle Le Pen, plus grave que la tuerie, qu’il considère comme un « accident ».

 

Voulez-vous que je vous dise ce que j’en pense ? – Eh bien, je vais vous le dire quand même. Monsieur Pascal Perrineau (c’est un « politologue », donc c’est grave, docteur) juge qu’il s’agit d’un « retour du refoulé ». Mais contrairement à ce monsieur, je crois que, d’une part, c’est politiquement nul, et que, pour le simple bon sens d’autre part, c’est tout simplement une belle connerie. Monsieur Le Pen a tout simplement du mal à renoncer à faire parler de lui. Et pour ça, le meilleur moyen, c’est la provocation. Et ça marche.

 

Car c’est un commentaire qu’il destinait à ce que Raymond Barre appelait du très joli nom de « marigot », ce petit milieu parisien, aussi médiatique que politicien. Effet garanti, évidemment. Tous les chiens du quartier se sont jetés sur l’os qu’il a daigné leur jeter, tous rongent à qui mieux-mieux, grognent en retroussant les babines et en montrant les dents.

 

Et c’est à qui grognera le plus fort pour …, pour quoi, au fait ? Tout simplement pour se faire décerner le plus beau brevet possible de « vertu républicaine » par l’ « opinion publique ». Alors que le simple bon sens dicte, dans ces cas-là, de laisser dire. Malheureusement, il y a toujours des fouinards de journaleux qui traînent dans les parages, dans l’espoir de se faire un peu de gras. Ces gens n’ont pas encore bien compris à quoi ils servent.

 

La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, adoptée en 1948, affirme le principe de la liberté d’opinion (article 19). En gros, n’importe quel individu peut penser ce qu’il veut, même si c’est totalement contraire à ce que pense la majorité. Par voie de conséquence, n’importe quel individu peut exprimer ses opinions, en quelque lieu que ce soit et quelles que soient les circonstances. Supposons maintenant que Monsieur Le Pen était sincère (on peut cependant en douter) lorsqu’il a parlé de Anders Behring Breivik. Eh bien, quoi qu’il pense et quoi qu’il déclare, Jean-Marie Le Pen a le droit de le penser et de le déclarer. Bien sûr, tout le monde a le droit de ne pas être d’accord avec ce qu’il pense et déclare, et de le faire savoir.

 

« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire. » Voltaire

 

Je ne suis pas voltairien, mais cette phrase constitue une assez bonne définition de la démocratie, meilleure en tout cas que « le pire des régimes, à l’exception de tous les autres » (Winston Churchill). Le mot central de la citation, c’est le verbe "dire". « Je me battrai », ça signifie « avec des mots », bien sûr. D’ailleurs Voltaire n’aurait pas satisfait aux critères physiques pour se faire admettre dans quelque armée que ce soit pour commettre des actes guerriers. Il était bien plus dangereux avec sa plume.

 

Voilà, je le déclare solennellement : je suis d’extrême opinion. Chacun d’entre nous détient le droit de penser et de dire ce qu’il veut. Même si ce qu’il pense et dit est le pire imaginable. Aussi longtemps que cela reste de l’opinion et de la parole. A cet égard, je trouve hallucinant le consensus pseudo-républicain qui a jailli comme un geyser après la déclaration de Le Pen. Et comment s’appelle-t-il, ce membre que le Front National, qui n’est pas un parti interdit, je le signale, vient d’exclure pour la même raison ?

 

Et je trouve encore plus hallucinant que la loi française crée des délits de parole. Cela veut dire qu’il existerait chez nous des délits d'opinion ? Donc des délits de pensée ? Et ça se passe au pays dans lequel a été adoptée la Déclaration de 1948. Et qui l’a signée. Il est donc interdit de contester, par exemple, même à l’encontre des preuves les plus irréfutables et des témoignages les plus incontestables, l’existence des chambres à gaz ? C’est vrai qu’il y a les preuves et les témoignages, mais justement, pourquoi interdire une telle aberration, puisqu’on sait que c’est faux ? Au nom de quel tabou d'opinion ?

mardi, 02 août 2011

QU'AS-TU FAIT DE TES FRERES ?

CLAUDE ARNAUD est l’auteur du livre qui porte ce titre. Editions Grasset, paru en 2010. Mon ami R. T. m’en avait dit grand bien. Comme c’est un vrai connaisseur, je l’ai cru. H. C., elle, a été emportée par l’enthousiasme. Littéralement. Même C. m’en a dit le plus grand bien. Il est libraire, c’est dire. Trois avis valent mieux qu’un, c’est certain. J’ai donc été convaincu que le livre était bon avant même de l’avoir ouvert.

 

 

Influencé par trois avis autorisés, je l’ai donc ouvert. J’aurais aussi bien fait de ne pas (vous savez, le célèbre « I would prefer not to » du Bartleby de MELVILLE). D’abord, qu’est-ce qui lui a pris d’appeler ça « roman » ? Le personnage principal, celui qui dit « je », s’appelle CLAUDE. Les deux frères, comme dans la vraie vie, s’appellent PIERRE ARNAUD et PHILIPPE ARNAUD. Le père, comme dans la vraie vie, s’appelle HUBERT ARNAUD.

 

 

Qu’est-ce qu’ils ont tous à étaler leur vie, celle de leurs proches, et surtout à appeler ça littérature ? Ce bouquin, c’est à la rigueur un récit de vie, récit autobiographique, ça va de soi. Mais pas un roman. Est-ce même de la littérature ? Pas sûr. J’en ai assez de la « littérature » française contemporaine. J’avais fait confiance au prix Goncourt, attribué en 1996 à Le Chasseur zéro, d’une certaine PASCALE ROZE. Une épouvantable nullité littéraire. Ce fut la dernière fois.

 

 

J’ai feuilleté MARIE DARRIEUSSECQ, CAMILLE LAURENS, CHRISTINE ANGOT et quelques autres. Même AMELIE NOTHOMB me « thombe » des mains. C’est moi qui dois être trop difficile. Parlez-moi de Moby Dick : je grimpe au rideau illico ! Au-Dessous du volcan, je plonge. Ulysse, je m’enflamme. Parlez-moi de littérature, enfin, ça marche.

 

 

La question qui se pose est : comment des livres nuls sont-ils achetés en masse ? « Nuls », pour moi, c’est le plat récit autobiographique de quelqu’un de peu intéressant qui trouve intéressant de raconter sa pauvre vie. « Nuls », c’est aussi le livre fabriqué selon un recette de cuisine bien huilée (ou bien beurrée, si vous préférez), comme sait si bien faire le cuisinier MARC LEVY. Pourquoi des masses de lecteurs se ruent-ils pour remplir le compte en banque de ce genre d’ « écrivain » ? Ce sont peut-être les mêmes qui regardent la télévision, allez savoir ?

 

 

Je renvoie au livre de PIERRE JOURDE et ERIC NAULLEAU : Le Jourde et Naulleau, Mango éditeur, 2008, pour les autres têtes de turc à démolir. Les auteurs alignent très correctement les gens cités précédemment, et ajoutent à la liste PHILIPPE SOLLERS et BERNARD-HENRI LEVY, ALEXANDRE JARDIN et MADELEINE CHAPSAL, et quelques autres. J’avais beaucoup aimé quelques livres du père JARDIN, PASCAL. Mais le style n’est pas dans les gènes.

 

 

Le problème actuel de la littérature en France, ou plutôt de sa diffusion, c’est la confusion des trois acteurs : écrivain, éditeur, critique littéraire. Et je ne parle pas de la « politique éditoriale », qui va au plus rentable. L’écrivain est souvent directeur de collection chez un éditeur. Le « critique » est souvent écrivain. Enfin, dans ce petit monde, qui fonctionne un peu comme le peloton du tour de France, sur base d’OMERTA et de service rendu, tout le monde sert la soupe à tour de rôle aux autres. Ils se tiennent tous par la barbichette. 

 

 

En fait, ce qui manque à tous ces gens qui règnent, au moins médiatiquement, sur la littérature en France, c’est bien sûr le STYLE. Alors, peut-être est-ce tout à fait délibéré et volontaire de la part de CLAUDE ARNAUD, mais son récit est linéaire, chronologique, et les faits s’y succèdent selon le principe de l’absence de structure que constitue la juxtaposition des faits. Si l’auteur cherchait la platitude du style, alors son entreprise est couronnée de succès.

 

 

Alors maintenant, qu’est-ce que ça raconte ? En gros, les ravages accomplis sur toute une famille par les « événements » de mai 1968 et la suite. Le père est « à l’ancienne » (ça veut dire rigide, voire ringard). La mère, tiens, j’ai déjà oublié la figure de la mère. Pierre, l’aîné, est une « tête » brillantissime promise au plus brillant avenir. Philippe, c’est l’aventurier de la famille qui aura parcouru le monde en envoyant des « cartoline » à la famille « par à-coups ». Claude se définit lui-même comme un « Gavroche planant ».

 

 

Pierre, l’ « aventurier mental », finira mal, après avoir troqué les bibliothèques savantes pour des squats de plus en plus miteux, dans une espèce de long suicide social, qui deviendra suicide personnel du deuxième étage de l’hôpital psychiatrique où il a échoué. Philippe, le « penseur global », finira mal, lors d’une baignade où il se noie mystérieusement. Voilà pour l’explication du titre du bouquin. Mais même le père et la mère finissent par mourir ! Etonnant, non ? Qu’as-tu fait de ton père et de ta mère ?

 

 

Quant à Claude, il découvre la vie avec exaltation, et va goûter à tous les râteliers. Le râtelier sexuel d’abord, qui le conduit dans tous les lits possibles et imaginables, où il joutera avec les garçons et les filles, mais de préférence les garçons, si j’en juge par le nombre de pages (voir le chapitre « La chanson de Roland »). Le râtelier politique, évidemment, qui le conduit des trotskistes à la Gauche Prolétarienne, dont il vend la propagande sur les marchés. Le râtelier culturel et intellectuel, enfin, avec toutes les modes de l’époque.

 

 

Tout cela est exposé sérieusement, comme transcrit d’un journal tenu au jour le jour, et, je crois, honnêtement. Pour quelqu’un né au milieu des années 1950, il peut être rigolo de retrouver l’ambiance d’une période qui a marqué les esprits, de même que les vrais noms dont on parlait dans les années 1970 : ROLAND BARTHES, JEAN-FRANÇOIS LYOTARD, FREDERIC MITTERRAND et un certain nombre d’autres. Voilà, s’il vous manque un « tableau » de ce que furent mai 1968 et la suite, ce livre est fait pour vous.

 

 

Mais s’il vous faut un livre vraiment « écrit », passez votre chemin. C’est le gros reproche que je lui fais. Ce n’est donc certainement pas un « roman ». Je dirais presque que ce n’est même pas un « récit ». Ce serait plutôt le « compte-rendu » établi au cours même de la réunion du conseil d’administration par le secrétaire de séance. Reste la photo du bandeau, rigolote finalement, où l’on voit un homme souriant couché en travers des rails, mais rassurez-vous, la voie est désaffectée et l’herbe folle passe abondamment le nez à travers le ballast.

 

 

Maintenant, un question reste : pourquoi ce livre a-t-il été publié ? Première hypothèse : il dessine les traits d'une époque (mai 1968 et après) que NICOLAS SARKOZY a mise à la mode, et c'est ce tableau qui attire le lecteur avide de se faire une idée de ce qu'elle fut, voire de se replonger dans une ambiance qu'il a lui-même connue de près ou de loin.

 

 

Deuxième hypothèse : je note le tir groupé que forme la publication quasi-simultanée de plusieurs livres traitant approximativement du même sujet. Il y a d'abord le livre de MATHIEU LINDON, Ce qu'Aimer veut dire, que je n'ai pas lu, et où il raconte, paraît-il, son "amitié" passionnée avec le philosophe MICHEL FOUCAULT, dans son appartement de la rue de Vaugirard.

 

 

Il y a ensuite le livre de JEAN-MARC ROBERTS, François-Marie, où l'auteur s'adresse à son "ami" FRANÇOIS-MARIE BANIER, pour prendre sa défense. Même si celui-ci n'a jamais pu coucher avec celui-là, ils "fréquentaient main dans la main les boîtes gays de la rue Sainte-Anne" (site bibliobs).

 

 

Le tir groupé en question, le voilà : les années 1970 ont été celles de la fin du tabou homosexuel. Cela n'invalide pas du tout la première hypothèse. En fait, elles se télescopent. La mode, aujourd'hui, est à la "gay pride". J'ajoute que le Nouvel Observateur désigne JEAN-MARC ROBERTS comme un "membre influent" du milieu littéraire parisien (c'est-à-dire français).

 

 

Il convient donc que cela se sache : la "communauté homosexuelle" a désormais pignon sur rue, et sans doute pas seulement dans le milieu littéraire. Et ce n'est pas monsieur PIERRE BERGÉ qui me contredira.

 

 

 

 

 

 

 

samedi, 30 juillet 2011

DE LA PROPRETE DANS LE TOUR DE FRANCE

Le Tour de France est enfin fini. Ils ont fini par visiter « la plus belle avenue du monde », qu’on se le dise.

 

 

C’est génial, le Tour de France : c’est une vraie légende, c’est entendu. Depuis 1903 exactement. Au passage, je signale que, si une étape de 250 km est considérée aujourd’hui comme quasiment inhumaine, les cyclistes de 1903 étaient des surhommes. Pensez : seulement six étapes, dont la première, Montgeron – Lyon, fait 471 km. Et les vélos n’étaient pas les mêmes : plus de onze kilos (aujourd’hui, moins de sept).

 

 

Alors la légende, il y a ceux qui la font vivre, qui la propagent et la perpétuent. Ceux-ci se divisent deux groupes : les gros lards qui mangent leur casse-croûte sur le bord de la route, autrement dit les spectateurs, on pourrait aussi bien dire les « croyants » : ils vont comme à la messe. Les autres, ce sont tous ceux qui ont intérêt à ce que la légende perdure et se renforce : organisateurs, journalistes sportifs, cyclistes. Car plus elle perdure, plus ça leur rapporte.

 

 

Et puis il y a ceux qui ne peuvent pas supporter la farce de cet héroïsme en mie de pain, et qui se postent dans la côte du col des Montets pour que les coureurs aient bien le temps d’entendre les injures qu’ils leur décochent, au risque de prendre des coups de la part des fanatiques rangés le long de la route. C’est évidemment au dopage que je pense.

 

 

Alors, dopés ou pas dopés, les coureurs ? La réponse est claire : dopés, mon général ! Et CABU a raison de les dessiner avec plusieurs seringues plantées dans le dos. Et cela dès les débuts de la compétition. Les frères PELISSIER donnent la recette du « pot belge » au journaliste ALBERT LONDRES dès les années 1920. Son livre Les Forçats de la route paraît en 1924. Il paraît même qu’on utilisait un mélange à base de café et de strychnine (poison de formule C21 H22 N2 O2, stimulant à très faible dose).

 

 

Et pendant un demi-siècle, il valait mieux ne pas crier trop fort que le dopage était une honte : une nette majorité de gens était favorable à l’usage de substances capables d’ « aider » le sportif. DE GAULLE lui-même s’en fichait éperdument. La seule chose qui comptait pour lui, c’était la Marseillaise à l’arrivée. JACQUES ANQUETIL disait : « Laissez-moi tranquille. Tout le monde se dope. Pour savoir si je me dope, il suffit de regarder mes fesses et mes cuisses : de véritables écumoires. ». C’est à se demander pourquoi, aujourd’hui, le dopage est devenu un scandale inadmissible. Et punissable.

 

 

Allez, je m’offre une petite parenthèse sur JACQUES ANQUETIL, le crack des cracks. « Le crack », c’est le titre d’une délicieuse petite nouvelle qu’on trouve dans Les Athlètes dans leur tête, de PAUL FOURNEL (éditions Ramsay, 1988). L’action se passe à Yssingeaux. On est dans les critériums d’après Tour, « ces épuisantes et lucratives balades ».

 

 

Mais quelque chose cloche. « Il était livide, les yeux bordés de noir, les lèvres blanches. » L’équipier est aussi catastrophé que les organisateurs : « le grand Jacques », dans cet état pitoyable ! Lamentable ! Il est convenu que Jacques abandonnera discrètement, conduit par lui jusqu’à son hôtel. Il n’a jamais tant transpiré. Il vacille sur son vélo. Les gars du peloton viennent à tour de rôle contempler l’épave.

 

 

Mais à 500 mètres du but fixé, « je sentis son souffle et il vint se placer à ma hauteur. Je n’oublierai jamais le regard qu’il me lança : un regard glacé, tranchant, plein. Et il me posa cette question ahurissante : T’as pas deux sucres ? ». « Bien entendu, je ne le revis qu’après l’arrivée. Il gagna le critérium après avoir offert un festival au peloton médusé. Il volait. » La conclusion n’est pas triste : « Tout le monde apprit ce jour-là que le vrai crack, c’est celui qui est capable de cuver en pédalant une cuite à coucher un bataillon. Je m’en doutais déjà. ». PAUL FOURNEL est fondu de vélo. Je ferme la parenthèse.

 

 

Suite et fin au prochain numéro.

mardi, 05 juillet 2011

VICTIME : UN METIER D'AVENIR !

« Le premier des droits de l’homme, c’est le droit des victimes ». Voilà : c’est carrément du lourd. On prend le boulet en pleine gueule ! Et apparemment, ELLE était à jeun quand elle a proféré l’énormité ci-dessus. ELLE était « à jeun » et « en fonctions » qui plus est. Qu’on se le dise, « Liberté », « Egalité », « Fraternité », c’est de la foutaise. Soyons modernes, que diable ! Désormais c’est : « Priorité aux victimes ! ». Mais on peut être « à jeun », « en fonctions » et complètement frapadingue en même temps.

 

 

ELLE ? Si vous suivez ce blog, reportez-vous à ma note du 3 mai dernier   intitulée SAINTE RACHIDA SCHOLASTIQUE. Oui, c’est bien elle, RACHIDA DATI en personne. Celle de quelques lapsus mémorables. Et quand elle a prononcé la phrase citée ci-dessus, elle était « sinistre de la justice », elle-même sinistrée par ses soins. Vous me direz qu’en prenant ostensiblement parti pour les victimes, elle n’a fait que suivre la voie tracée par NICOLAS SARKOZY lorsqu’il était « sinistre de l’Intérieur ».

 

 

Bon, victime, je n’aime vraiment pas, mais alors pas du tout. Je sais par exemple et par expérience ce qu’on ressent quand la maison est cambriolée, vidée de tout un tas de choses qui, à force de constituer le décor quotidien, sans même parler de leur valeur, finissent par constituer une partie des personnes qui habitent là, et pour qui c’est aussi violent qu’une amputation. Pour les autres façons d’être victime, je ne peux qu’imaginer.

 

 

La loi française fait d’ailleurs une place à la victime. Cette place s’appelle « partie civile ». Et la partie civile peut être représentée au procès, quand il a lieu, bien sûr, c’est-à-dire quand l’auteur présumé des faits a été retrouvé et qu’il comparaît. Et si les faits ne peuvent évidemment pas être effacés sur l’ardoise, la victime, tout en restant victime, peut demander réparation du tort causé.

 

 

Mais alors, puisque la loi définit le statut de la victime et prévoit le dédommagement, la question qui me vient est : « Pourquoi NICOLAS SARKOZY fait-il du bruit autour du mot ? ». La réponse est trop facile : parce que, pour être élu, il faut attirer le plus grand nombre, et que le plus grand nombre ne sait pas trop ce qu’il y a déjà dans la loi. Cela porte un nom vieux comme la démocratie : démagogie. Il s’agit de flatter. Donc de caresser dans le bon sens le pelage du bon chien qui va bientôt voter.

 

 

Alors, pourquoi RACHIDA DATI, maintenant ? Disons que, à part le fait qu’elle a des talonnettes A LA FOIS aux chaussures et à la mâchoire supérieure, rien ne la différencie du patron. C’est « copie conforme ».

 

 

Réponse au prochain numéro.

 

 

 

lundi, 04 juillet 2011

LE DELIRE HUMANITAIRE

FIN DE LA CONCLUSION 

 

Donc, les associations « humanitaires », très souvent rebaptisées du si joli titre d’O. N. G. (un gros euphémisme, un de plus, pour ne pas dire « Entreprises de Charité Privées ») sont à considérer comme des sparadraps sur les blessures du monde, qui les empêchent de saigner ou de suppurer de façon trop insupportable aux yeux, aux oreilles et aux narines de la planète « civilisée ». N'empêche qu'à Port-au-Prince, le caca des ONG a bel et bien ajouté au caca ambiant.

 

 

L’ « humanitaire » altruiste, c’est le décor peint sur un mince contreplaqué de théâtre, qui masque les cuisines et les coulisses où se concoctent pour de vrai les saloperies qui se commettent. Pendant que les caméras sont braquées sur les camps de réfugiés, on oublie de regarder les massacreurs et les profiteurs. Passez muscade.

 

 

L’humanitaire a toujours un raisonnement d’urgentiste débordé : « Si personne ne fait rien, qu’est-ce qu’ils vont devenir ? On ne peut rester sans rien faire. ». Et son cœur saigne, si possible en direct. Car il faut "sensibiliser", n'est-ce pas, cela n'a donc rien à voir avec une simple propagande. Mine de rien, au passage, le fait qu'aujourd'hui il y ait l'image a beaucoup fait pour l'explosion humanitaire de l'humanité.

 

L'humanitaire est un mélange paradoxal de chevalier blanc et de fataliste. D’un côté, Don Quichotte au secours de la veuve et de l’orphelin. De l’autre, le résigné qui accepte que le système qui organise le monde reste irrémédiablement aussi moche. S’il voulait vraiment, intimement, profondément changer quelque chose au système, même un tout petit quelque chose pour l’améliorer, il s’y prendrait autrement.

 

 

Il essaierait par exemple de construire un raisonnement politique. Non, son discours est exclusivement, désespérément moral. S’il était tant soit peu politique, il prendrait conscience qu’il n’est qu’une marionnette, un fantoche entre les mains des pouvoirs et que, par définition et par principe, il est INSTRUMENTALISÉ par ces pouvoirs. C’est ainsi, en toute naïveté coupable, qu’il façonne lui-même sa statue de Commandeur, de sonnette d’alarme, de lanceur d’alerte. Le rôle inattaquable par excellence. Le rôle intenable de la VERTU défendant l’OPPRIMÉ.

 

 

C’est ainsi que l’U. R. S. S. commençante, avec le tyran LENINE et ses successeurs, tissa chez les intellectuels d’Europe et d’Amérique des réseaux de sympathisants qui organisaient bénévolement des manifestations de « soutien » (de PROPAGANDE, évidemment). LENINE le cynique appelait ces gens des IDIOTS UTILES.

 

 

L’ « humanitaire » est l’ « idiot utile » au service des pouvoirs qui font tout pour garder le pouvoir. Et qui, en tout état de cause, n’ont strictement rien à redouter de leurs « idiots utiles ». Et qui peuvent même les remercier. L'humanitaire est un bon rideau de fumée, parce qu'il se place volontiers, de lui-même, au premier plan, face à la caméra.

 

 

Au reste, qui veut changer quoi que ce soit à la façon dont le système fonctionne ? Il n’y a qu’à regarder les suites de la crise financière de 2008, et surtout les suites de toutes les grandes déclarations des « politiques » (je pouffe !) sur la nécessité de mettre fin aux paradis fiscaux, aux délires de la finance mathématique, mondialisée et déconnectée de toute « économie réelle », pour se rendre compte que les forces des « politiques » (je me gausse !) ne sont rien comparées à celles, démesurées, de tous les appétits insatiables qui veulent se goinfrer sans limite de tout ce qui, sur la planète, se mesure et se compte sous forme de pouvoir et de richesses matérielles. Là les « politiques » (je m’esclaffe !) sont restés totalement IMPUISSANTS.

 

 

Il y aurait bien une solution pour changer quelque chose à la marche absurde du système vers la consommation (au sens propre : disparition) de la planète. Mais vous allez encore dire que c’est moi qui délire. Il faut un petit effort d’imagination.

 

 

Oui, imaginez que tout ce qui est « humanitaire », tout ce qui « vient au secours des populations », tout ce qui est « altruiste » et « généreux », et ça fait énormément de monde, dans ce monde qui dégouline d’ « humanitaire », tous, en même temps de cette minute à la prochaine, cessent brutalement d’intervenir, arrêtent d’un seul coup de « secourir ». Qu’est-ce qui se passe ?

 

 

Vous voyez le tableau : camps de réfugiés du Darfour, du nord Kivu,  « banques alimentaires », « restaurants du cœur », « Médecins sans frontières », « Amnesty », associations qui installent des pompes à eau au Burkina Faso ou qui aident à la construction d’une école au Bénin, jusqu’aux Foyers de Notre-Dame des Sans abri : tout ça qui ferme la porte et avale la clé. Des dizaines, des centaines de millions de gens sur le carreau, voués à la mort, à la famine, à tout le Mal du monde.

 

 

C’est complètement impensable, n’est-ce pas ? Bien sûr. Je rêve. Mais en même temps, ça pose le problème, et le problème, il est principalement POLITIQUE (et là, je ne ris plus). Ben oui, quoi : on aurait là un excellent moyen de « réhabiliter » (mais pour de vrai, cette fois) le POLITIQUE. Car qu’est-ce qu’ils font, les « humanitaires » ?

 

 

Ils accomplissent exactement les tâches qui incombent en priorité aux Etats : s’occuper des populations. Ce faisant, ils agissent pour dépolitiser la vie collective : d'un côté l'action, de l'autre la politique, bien séparées. C'est bien sûr marcher sur la tête. Eh bien c'est l'illusion qu'ils entretiennent dans l'esprit de tous ceux qui donnent ou qui font (ah, cette obsession de faire quelque chose !). Eh bien pour une fois, qu’ils les mettent au défi de faire ce pour quoi ils existent ! Qu'ils les mettent au défi de prendre leurs responsabilités !

 

 

Si les « politiques » (pour de rire) voulaient redevenir efficaces et agir concrètement sur la réalité du monde, ils chasseraient tous les « humanitaires » du paysage, pour reprendre à leur charge tout ce qui est du ressort de la puissance publique, ce qui est de sa responsabilité. Mais je crains beaucoup qu’ils ne le veuillent en aucun cas. Pensez donc, c’est tellement plus facile, pratique, et surtout, ça coûte beaucoup moins cher au budget de l’Etat.

 

 

Tout simplement parce que les « associations humanitaires » sont des entreprises privées, financées par des fonds privés : tous les gens qui ouvrent leur porte-monnaie dans la rue quand ça quête ou chez soi quand Adriana fait campagne (contre la faim dans le monde, contre le paludisme, etc.). Et quand je dis « entreprises », certaines ont vraiment le même fonctionnement qu’une grosse PME, et ça va jusqu’à la multinationale. Et il y a des « bac + 5 » qui s’y font des « plans de carrière ».

 

 

Et l’ « humanitaire » surabonde, l’ « humanitaire » pullule, l’ « humanitaire » se reproduit comme la vermine parce que les Etats, donc les « politiques » (pour du beurre) se désengagent toujours plus par souci d’économies budgétaires. C’est exactement proportionnel : plus les Etats se désengagent, plus on est sûr de ne plus pouvoir faire trois pas sans tomber sur un « humanitaire ».  Puis deux. Puis un seul. On sera assailli, encerclé.

 

 

Le tableau final de ce monde-là, c’est une vraie bouillie picturale, et une épouvantable caricature. D’un côté, une poignée de vraiment puissants (des tyrans, des milliardaires détenant les vrais leviers du pouvoir : on appelle ça l’ « oligarchie »). D’un autre, des « personnels politiques » (pour de faux) achetés par les premiers et chargés de faire diversion en faisant croire à la télévision et dans les journaux qu’ils ont la situation bien en main. Ça, c’est pour la partie « les criminels et leurs complices ».

 

 

D’un troisième côté, la matière humaine prête à se faire bouffer ou écraser par la machine conduite par la poignée de criminels : mettons quelques milliards d’individus. Enfin, le quatrième côté du tableau est composé des autres quelques milliards d’individus moins défavorisés que les précédents, et vivement invités, encouragés à « porter secours aux populations ». Ça, c’est pour la partie jetable de l’humanité.

 

 

« Camarade blogueur, là c’est toi qui délires. – J’espère que tu dis vrai. Mais dis-moi au moins quelque chose qui pourrait me faire changer d’avis, je t’en prie. »

dimanche, 03 juillet 2011

NON, NE NOUS REPENTONS PLUS !

CONCLUSION

 

Il est très clair que les repentances de JEAN-PAUL II et de BARACK OBAMA sont des opérations de communication, histoire de faire une concession qui, après tout, ne coûte rien, sans doute pour obtenir quelque chose en échange. BOUTEFLIKA, en Algérie, en réclamant une repentance à la France, fait aussi de la « com », tout en faisant politiquement pression. C’est de bonne guerre.

 

 

A propos de l’Algérie, les dirigeants, depuis l’indépendance, évitent de crier sur les toits un aspect resté méconnu de la « libération » du pays. En effet, quand le mouvement « de l’intérieur » a prétendu, au nom du terrible combat mené, avoir une vraie place dans le nouveau pouvoir, c’est bien l’armée « de l’extérieur », venue du Maroc, qui a, disons, « remis les choses en place », qui a, en clair, écrasé les rebelles officieux,  et avec la brutalité qu’on imagine. Toujours l’histoire de la paille et de la poutre.

 

 

Franchement, à quoi sert concrètement de demander pardon au continent noir pour l’esclavage séculaire qu’ont pratiqué les méchants blancs ? A faire du symbole symbolique (c’est aussi fort que les paroles verbales).

 

 

Parlons du Libéria, par exemple. On parle peu de l’installation, à partir de 1822, d’esclaves noirs affranchis, aux frais de l’American Colonization Society, une société « philanthropique », paraît-il. La capitale a été appelée Monrovia en hommage à JAMES MONROE, l’homme politique et président des Etats-Unis.

 

 

Eh bien, les ESCLAVES libérés deviennent, du jour au lendemain, des MAÎTRES. Et les « autochtones », du jour au lendemain, de libres qu’ils étaient, deviennent les esclaves. Quand le pays devient une république, en 1847, le suffrage censitaire permet aux noirs « importés » de garder le pouvoir pendant un siècle. Et ils contraignent les « autochtones » au travail forcé, pour engraisser les multinationales du caoutchouc, au point que la SDN s’en émeut en 1931.

 

 

Ce n’est pas fini : en 1971, WILLIAM TOLBERT devient président, et fait tout ce qu’il peut pour accroître le clivage avec les autochtones. C'était hier. Voilà à quoi conduit la philanthropie. Voilà, entre autres, à quoi conduisent les « bonnes âmes », avec leurs « bons sentiments » et leurs infernales associations « humanitaires ». Je ne vois dans toute leur « générosité », dans tout leur « altruisme » qu’une manière de se donner le beau rôle, le rôle noble.

 

 

Vous avez compris ce qu’a de profondément répugnant l’idée seule de repentance. Il est frappant de constater la complète désynchronisation entre les deux mains de ce personnage paradoxal qu’on appelle l’Occident. La main « droite », c’est la prédatrice, celle qui colonise, qui tue, qui réduit en esclavage ; celle qui n’a qu’une obsession : en mettre le maximum dans la poche droite. C’est une main aussi dure que l’acier le plus dur. Une main impitoyable. Demandez à Goldman Sachs de vous montrer sa main droite.

 

 

Quant à la main gauche, c’est évidemment la main faible, celle du « cœur », celle des « sentiments », pardon, des « bons sentiments ». C’est une main molle. C’est une main tellement moite que ça dégouline. La « main gauche humanitaire » de l’Occident, personne d’autre, jamais et nulle part, n’avait inventé ce monstre. BERNARD KOUCHNER l’a inventé en 1968, pour le Biafra, et voyez maintenant la pourriture morale qui a commencé à lui sortir par les oreilles.

 

 

En 1973, l’immense GOTLIB (MARCEL GOTTLIEB) publiait La Rubrique-à-brac, tome 4. Dans l’intégrale, c’est à la page 366, sous le titre désamorçage. La guerre fait rage au Biaffrogalistan. « Chaque jour, des centaines d’enfants meurent de faim. » C’est la une des journaux, « en corps très gras ». C’est vrai que GOTLIB critique aussi l’ébullition médiatique, bientôt suivie de l’oubli complet (une salade chasse l’autre). Tout le monde s’est mobilisé. Avant de passer à la suite.

 

 

Pour être juste, il faut restituer la paternité de ce business à son véritable inventeur : HENRI DUNANT. Et le premier bébé à son papa s’appela la « Croix-Rouge ». C'est vrai que BARTOLOMÉ DE LAS CASAS avait commencé bien avant.

 

 

En plus, la « main gauche humanitaire » de l’Occident, aucun des plus grands salopards que la planète continue à porter n’aurait osé rêver un moyen aussi efficace de continuer à exercer leurs saloperies (exploiter,  tuer, massacrer, torturer, et autres pratiques hautement humanistes).

 

 

Ben oui, rendez-vous compte : vous avez une dictature sur le feu ? Un génocide ? Vous faites la loi à votre profit, mettons au DARFOUR ? Pourquoi verriez-vous un inconvénient à ce que Médecins sans frontières récolte des fonds pour organiser des camps de toile pour les réfugiés qui espèrent échapper au massacre ?

 

 

Vous êtes un spéculateur, un énorme financier, genre WARREN BUFFETT ou GEORGES SOROS ? Pourquoi verriez-vous un inconvénient à ce que MICHEL COLUCCI fonde les « Restaurants du cœur » pour venir en aide aux victimes des délocalisations industrielles et de la rentabilité à tout prix des capitaux ?

 

 

Une épidémie ? Un tremblement de terre ? Une catastrophe ? Une tragédie ? La « main gauche humanitaire » de l’Occident se précipite au secours des populations. Et allez dire du mal de gens qui se portent au secours des populations…  C’est pour le BIEN, on vous dit. C’est parce qu’ « on ne peut pas rester sans rien faire », voyons !

 

 

Pendant ce temps, les vrais responsables de tout le MAL qui se produit se bidonnent, ils se boyautent, se fendent la margoulette, se tirebouchonnent ; que dis-je, ils hennissent de joie. Il faut comprendre leur raisonnement : « Puisqu’il y a tous ces cons pour atténuer les conséquences de mes saloperies, pourquoi arrêterais-je ? ». Et ils redoublent d’énergie.

 

 

Car le responsable de tout le MAL dans le monde, il a compris à la virgule près le texte qu’écrit en douce la « main droite » de l’Occident, et le tranchant de l’acier de la plume qu’elle manie. Il a appris la leçon. Il sait son rôle. Il connaît la musique. On ne la lui fait pas. Lui aussi, il est du côté de la « main droite », il est la « main droite ». Et il se dit qu’il y aura toujours la « main gauche ». Il ne s’en fait pas. Et il continue à veiller à ses intérêts (le pouvoir, le territoire, l’argent,…).

 

 

Dans le fond, tous ces sparadraps sur les blessures du monde, ça permet au système tout entier de perdurer. L’homme vertueux, celui des « bons sentiments », le généreux, l’altruiste, il n’est rien d’autre qu’un complice de tous ceux qui veulent avant tout que RIEN NE CHANGE dans la marche du monde. Sous les dehors rutilants du costume de cirque des « bons sentiments », l’humanitaire est un salopard, une « main gauche » qui permet à la « main droite » de continuer à semer la mort et la ruine.

 

 

 

 

 

mercredi, 29 juin 2011

SI LE MARIAGE EST GAY, RIS DONC ! (FIN)

Je ne connais pas monsieur JEAN BIRNBAUM. Il tient une chronique dans un magazine. Cela s’appelle « pop’philosophie ». Je ne sais pas pourquoi. C’est du « journalisme », peut-être ? Bref, tout ça pour dire que « ça pense » mais que c'est « branché » quand même. Il ne dit pas toujours des conneries. Mais là, sous le titre « A qui profitent les folles ? », je me pose la question.

 

 

Rendez-vous compte : le navire « civilisation » fait eau de toute part, les calottes glaciaires ont « le foie qu’est pas droit », les forêts tropicales ont « le ventre qui se rentre », la finance mondiale « a la rate qui s’dilate », KHADAFI « a le gésier anémié », ASSAD a « l’estomac bien trop bas », le Japon a « l’épigastre qui s’encastre », l’eau des océans a « les hanches qui se démanchent », le climat a « le nombril tout en vrille ». Bref, la planète peut chanter comme OUVRARD : « je ne suis pas bien portant ».

 

 

C’est le moment choisi par la « Gay Pride » pour avancer la revendication d’ « ouverture » de l’institution du mariage aux homosexuels. Entre parenthèses, je n’ai jamais bien compris comment on pouvait être « fier » de sa sexualité, quelle qu’elle soit. Ni « fier », ni « honteux », il me semble plutôt que « c’est comme ça », et puis c’est tout. C'est vrai qu'il vaut mieux en être content, sans ça c'est triste, mais fier ? Je trouve aussi louche le matamore qui étale sa collection de conquêtes féminines que l’homosexuel qui crie sur les toits qu’il est homosexuel, « coming out » ou pas.

 

 

BIRNBAUM, dans son article, aborde le thème du rapport entre homosexualité et ordre social. Attention, c’est du lourd. Il cite deux auteurs. JULIAN JACKSON a étudié un mouvement homosexuel français. Il s’y intéresse en relation avec la « normalité », et se demande ce qui est le plus subversif (il parle de « menace ») : « Le couple gay convenable qui fait ses courses au supermarché ? Ou le gay en cuir ? Ou le couple de gays en cuir au supermarché ? ». Moi je réponds, comme SARKOZY : "Ensemble, tout devient possible !"

 

 

BIRNBAUM évoque ensuite MICHEL FOUCAULT. Selon l'article, FOUCAULT affirmait une « dimension séditieuse de l’homosexualité ». Il se demandait ce qui « rend "troublante" l’homosexualité ». « Longtemps, les militants ont répondu en affirmant la portée révolutionnaire du désir homosexuel. » Dans ces conditions, le mariage est-il « un signe de ralliement au conformisme dominant ? ». « (…) Pour troubler l’ordre « hétérosexiste », mieux vaut-il radicaliser la différence gay ou, au contraire, se battre pour l’égalité, le droit de vivre comme tout le monde ? »

 

 

L’auteur ajoute : « Aujourd’hui, les choses ont évolué, et nombreux sont ceux qui pensent que pour perturber le modèle familial tel qu’il existe, il faut chercher à l’intégrer et à le bousculer plutôt qu’à le dynamiter ». C’est pour ça que les homosexuels veulent « investir l’institution matrimoniale et la diversifier en inventant de nouveaux styles de vie, bref s’emparer des symboles dominants (…) ». Voilà, on a à peu près tout.

 

 

Tout, ici, c’est quoi ? Eh bien vous l’avez sous les yeux : l’homosexualité est une menace ; l’homosexualité a une « dimension séditieuse » ; elle est « troublante » ; le désir homosexuel est « révolutionnaire » ; le mariage est un « signe de conformisme » ; l’ « ordre hétérosexiste » règne ;  il s’agit de « perturber le modèle familial », en le bousculant plutôt qu’en le dynamitant ; et il s’agit d’ « investir l’institution matrimoniale » et de « s’emparer des symboles dominants ».

 

 

Qu’on se le dise donc : être homosexuel, c’est éminemment POLITIQUE. Mais ça commence à se savoir : MICHEL FOUCAULT est un escroc. On pourrait l'appeler MICHEL FAUX-CUL. Mine de rien, tout ça est intéressant, parce que ces idées (c’est tellement innocent, une idée), mises bout à bout, ont quelque chose de LENINISTE et ressemblent fort à un programme en vue d’une prise de pouvoir. On critique d'abord l’existant, présenté comme une sorte de régime dictatorial qui fait régner un ordre intolérable, où les insupportables dominants sont les odieux hétérosexuels. 

 

 

Ensuite, qu’est-ce que ça veut dire, « s’emparer des symboles dominants » ? Il est frappant de remarquer que le point de départ de BIRNBAUM est une affiche pour la « Gay Pride » représentant « un coq dressant fièrement sa crête, le cou orné d’un élégant boa de plumes écarlates ». Si ce n’est pas du symbole, ça ! Bon, une association homosexuelle a obtenu très rapidement son retrait. Mais derrière tout ça, quelqu’un continue à pousser pour que ça tombe.

 

 

Qui pousse ? Parmi les homosexuels, car je ne suis pas sûr que le milieu soit politiquement homogène, des gens qui sont organisés (pas encore, toutefois, aussi bien que les bolcheviks de LENINE), qui disposent apparemment d’argent, d’organes de presse, qui obéissent à une logique, qui accèdent à des postes d’influence, principalement médiatiques et politiques, et qui développent une stratégie. Cela ressemble à ce qu’on trouve dans les bibles politico-militaires que sont SUN TSU, MACHIAVEL ou CLAUSEWITZ, vous ne trouvez pas ?

 

 

Cela ressemble à un programme de prise du pouvoir, au moins symbolique. Bon, pas d’affolement, ce n’est pas encore fait. Et ce ne le sera sans doute jamais. Car ce qui est tout à fait rigolo, dans l’affaire, c’est que « l’institution matrimoniale » n’a aucun besoin des homosexuels pour s’écrouler. Elle tombe toute seule, comme une grande, bien fatiguée, arrivée en bout de course, toute percluse de rhumatismes.

 

 

Et il n’y aura pas eu besoin d’offensives militaires ou politiques pour en venir à bout. Je l’ai dit, et ça se sait partout, on ne se marie pas, on se marie, on se démarie, on divorce, on revorce, on monoparentalise, on biparentalise provisoire, en couple à court terme, on se pacse (principalement des hétérosexuels, d’ailleurs), on se dépacse,  on est demi-frère et demi-sœur (multiple à l’occasion), beau-père et belle-mère, on est FLUIDE (pas "glacial"), on est MODERNE, on est « dans le tourbillon de la vie » (JEANNE MOREAU). On est dans L'Empire de l'éphémère (GILLES LIPOVETSKY).

 

 

Bref : le mariage a du plomb dans l'aile (et dans la cuisse). Et l'offensive homosexuelle n'y sera pour rien, ou pour pas grand-chose. Il s'effondre sans que personne en particulier l'ait poussé, bousculé ou dynamité. Il n'y aura eu besoin d'aucune "sédition", d'aucune révolution. Il se dissout dans une sorte de consentement général. A l'instar de ce qu'on appelait des NORMES. Tiens, à propos de norme, dernier exemple en date : la mère qui reproche à sa fille de 10 ans (dix ans!) de ne pas s'habiller "assez sexy" (authentique).

 

 

Une norme comme le mariage, elle accepte de se laisser dissoudre,  parce que, elle, elle n'a pas à s'exprimer en tant que norme pour s'exercer : une norme, c'est IMPLICITE. Une norme qui a besoin pour s'exercer de s'exprimer, ça s'appelle un règlement, un loi ou la police.  Et cet implicite profond est la définition même de l'identité culturelle. Pourquoi croyez-vous que le "débat" sur l'identité nationale a foiré comme une bouse ? Parce que ce qui est implicite a quelque chose à voir, excusez le grand mot, avec le sacré.

 

 

Ils me font bien marrer, JULIAN JACKSON et MICHEL FOUCAULT : ils ont bonne mine. Ce qui me fait marrer, c’est que c’est à ce moment-là que des (pas « les » : je ne généralise pas) homosexuels partent à l’assaut de cette « institution matrimoniale » mal en point (mais pas moribonde, il ne faut pas exagérer). A la limite, c’est au moment où plus personne (j’exagère) n’en veut que les homosexuels veulent « s’emparer du symbole dominant ». Cela ressemble à une ironie.

 

 

Cela risque de devenir cocasse, voire comique. Vous imaginez ça ? Plus aucun mariage entre un homme et une femme devant monsieur le maire. Qui, devant monsieur le maire ? Plus que des hommes, par deux, et des femmes, par deux. Ce serait pas rigolo ? Ce serait eux les conformistes. Et on pourrait enfin se moquer d'eux, sans être accusé d'homophobie ! Et qui serait le plus libre ? Qui le plus subversif ? Comme chantait CLAUDE NOUGARO il y a fort longtemps : « Ce serait LA MUTATION ! (c'est le titre : 1967) ».

 

 

Allez, hétérosexuels mes frères, hétérosexuelles mes sœurs, soyons FIERS à notre tour, désertons en masse le « symbole dominant » du mariage et laissons benoîtement l’homosexualité s’en emparer. 

 

 

Au fait, à quand une hétéro-pride ?

 

 

 

lundi, 27 juin 2011

PROFESSION MENTEUR (4)

EMMANUEL TODD qui, à ma connaissance, n’a pas dit beaucoup de conneries, déplorait il y a quelque temps l’extrême médiocrité des personnels politiques occidentaux en général, et français en particulier. Par exemple, au moment de la crise des « subprimes » en 2008, les éditorialistes, ces KLAXONS enchaînés à l’actualité, ont claironné au grand retour du politique, à la reprise en main de l’économique par le politique, et je ne sais quelle autre fadaise. On allait voir ce qu'on allait voir, scrogneugneu !!!

 

 

Eh bien trois ans après, on voit : les financiers en train de finir de racler la Grèce jusqu’à l’os, les politiciens grecs passant sous leurs fourches caudines, et tous les politiciens européens courant pour monter dans la remorque tirée par le char des actuels maîtres du monde, j’ai nommé les MARCHÉS. La vérité sur les politiciens, en plus de leur médiocrité, c’est que ce sont dorénavant des IMPUISSANTS.

 

 

Tous les discours masquant cette vérité sont des MENSONGES. Or, aucun politicard qui aspire au pouvoir (pléonasme) ne déclare qu'il sera complètement ligoté et qu'il ne pourra pas agir, parce que les obstacles sont infranchissables. S'il espère être élu, il a tout intérêt à FAIRE CROIRE qu'il fera quelque chose. Et ce ne sont pas les incantations à coups de « il faut » qui y changeront un iota.

 

 

NICOLAS SARKOZY a beau jouer les fiers-à-bras en promettant d’aller « avec les dents » chercher le 1 % de croissance qui manque, on voit bien que la réalité n’est pas docile. « Un président qui en a et qui s’en sert », se vantait-il de façon tellement raffinée au moment de ses affaires conjugales et de sa « love story » avec CARLA. A l’arrivée, ça donne quoi, le fier-à-bras ?

 

 

Dans ces conditions, je ne comprends pas que la politique puisse être considérée comme un METIER, et même faire  l’objet de PLANS DE CARRIERE (dont la trajectoire de NICOLAS SARKOZY est l’exemple archétypal et la caricature), exactement comme les premiers de la classe qui font prépa, puis X-Mines-Ponts-HEC. Il y a en particulier quelque chose de proprement FEODAL dans l’établissement de DYNASTIES de politiciens.

 

 

Il faut savoir : si la politique est un METIER et que l’action politique repose sur la notion de compétence professionnelle, il n’y a plus de CITOYENS. Si la politique est un métier, il ne faut plus d'élections, mais un recrutement d'individus repérés par un bureau de chasseurs de têtes et par un directeur des ressources humaines. Si la politique est un métier, ceux qui parlent encore de démocratie au prétexte que des scrutins sont régulièrement organisés, eh bien ils MENTENT, c'est aussi simple que ça.

 

 

Ben oui quoi, être citoyen, ce n’est pas, tous les cinq ou six ans, « choisir ses représentants », et puis fermer sa gueule jusqu’à la prochaine élection. Il n'y a qu'à voir la façon dont les gouvernants s'assoient sans vergogne sur les protestations de rue ("ce n'est pas la rue qui gouverne") en prenant argument de leur (non, ne rions pas) "légitimité démocratique".

 

 

Etre citoyen, si le mot a encore un sens, c’est, d’abord et avant tout, être un acteur à part entière dans la vie de la cité (je rêve, je sais). Et ce n’est pas votre présence aux réunions d’un « comité de quartier » qui va vous rendre acteur : on discute du jour de ramassage des poubelles vertes (l’inénarrable « tri sélectif »), et autres sujets aussi graves. Tout juste les politicards consentent-ils à vous laisser ce strapontin au bout de la rangée.

 

 

Tant qu’il s’agit de serrer des mains pour draguer les suffrages, ça va. Mais c’est comme au restaurant : on n’entre pas facilement dans la cuisine. Il faut montrer patte blanche, je veux dire signer une acceptation de tous les codes, obligations et devoirs qu’on reconnaît avoir envers le « mentor » auquel on a choisi de prêter allégeance, en espérant que ce soit le cheval gagnant. Et jurer de ne jamais cracher dans la soupe. Et jurer de respecter la loi de l’OMERTA (exemple JUPPÉ payant pour CHIRAC).

 

 

Si la politique est un METIER, la population doit, et c’est ce qu’elle fait de plus en plus, refuser mettre son nez (son bulletin de vote) dans les affaires (l’urne) de l’entreprise, et laisser faire les « professionnels ». Mais en fait, il est faux de prétendre qu’on demande à un politicien d’être compétent comme un professionnel : ça c’est le rôle, précisément, des professionnels (personnels techniques,  administratifs, juridiques, etc.). On demande (enfin, on devrait demander) au politicien, une fois éclairé par les professionnels compétents, de PRENDRE LA BONNE DECISION. Point. Ce n’est pas un problème de compétence, mais de « vision », de « choix ».

 

 

Autrement dit, la population doit cesser de croire à ce MENSONGE : « C’est trop compliqué pour vous, laissez faire ceux qui savent. Faites-nous confiance ». Justement : NON. Aucune confiance.

 

 

Mais le meilleur moyen de réhabiliter la politique, aujourd’hui tombée dans un état de délabrement tellement écoeurant que c’en est écoeurant, le meilleur moyen de m’inciter à voter à nouveau : QUE LES ELUS SOIENT TIRES AU SORT. Les modalités seraient bien sûr à préciser : on ne peut guère imaginer 40.000.000 de candidats en France, c’est techniquement infaisable. Il faudrait creuser.

 

 

Mais je pose la question : « Pourquoi pas le TIRAGE AU SORT pour la désignation de nos élus ? » Après tout, c’est bien le mode de désignation (tempéré) des citoyens qui deviennent juges le temps d’une session de Cour d’Assises. Pourquoi ce qui est obligatoire dans un cas (on ne peut se soustraire à son devoir de juré) resterait-il totalement impensable et interdit dans l’autre ?

 

 

« Voilà, maintenant j’ai posé mes conditions. J’attends. – Ben tu peux attendre longtemps, gros malin. – Je sais. »

 

 

samedi, 25 juin 2011

PROFESSION MENTEUR (3)

Revenons à ceux qui font la pluie et le beau temps politiques en France : le P. S. (le Prout Socialiste) et l’U. M. P. (l’Union Merdique des Pompes). Aux frais de la République, tous ces larrons en foire s’entendent à merveille pour se partager le gâteau (ou le fromage) républicain et pour jouer les adversaires quand un plateau de télévision les met en présence. Car ils jouent, en essayant de faire croire qu’ils ont des « idées », et qu’elles n’ont rien à voir avec celles de l’ « adversaire ».

 

 

Chacun est prié de vendre sa salade avec conviction, et de faire preuve de la plus grande pugnacité dans l’ « affrontement » avec l’ « adversaire ». Ça, c’est la partie la plus variable : certains tandems sont très doués, je dois dire, dans la façon dont ils font semblant de se donner des claques,  pour faire croire qu’ils ne s’aiment pas du tout à cause de divergences de vue abyssales. Chacun est prié d’habiter le mieux possible son rôle : continuer à faire croire qu’une opposition franche sépare gauche et droite de façon irréconciliable.

 

 

Une fois les caméras arrêtées et les micros fermés, le politicien, son « adversaire », le « journaliste » (si si ! Il paraît que c'en est un !) qui organisait la « confrontation »  se remettent à se tutoyer comme d’habitude, comme les vrais copains qu’ils sont dans la réalité, et à se taper sur l’épaule, avant de se retrouver dans une gargote, autour d’une table, et à dégoiser leurs propos « off the record ». Le rideau est tombé, le public est parti, satisfait ou non du spectacle (on attend le sondage pour le lendemain), tout le monde peut enfin « se lâcher ».

 

 

Mais ce théâtre-là, j’ai à présent cessé d’y acheter mon billet d’entrée. Vient un moment où la parodie saute aux yeux, et où la nausée vous monte. Quand j’entends l’un, quelconque, de ces politiciens, je vois trop, sous le plastron, le comédien qui s’efforce de gagner sa croûte. Une des banderoles des « indignados » espagnols proclamait tout récemment, s’adressant à leurs politiciens : « Vous ne nous représentez pas ». Donc, ça commence à se savoir. L’abstention de masse est pour demain.

 

 

Je recommencerai à « accomplir mon devoir civique » (tu parles !) et à glisser mon bulletin dans l’urne à quelques conditions. Par exemple, le jour ou le bulletin blanc comptera comme suffrage exprimé. Ce serait déjà un progrès. Si aucun des pignoufs qui mendient ton vote, ce serait une bonne manière de le faire savoir.

 

 

Par exemple, aussi, le jour où la règle « un homme, un mandat » s’appliquera sans aucune restriction : comment se fait-il que GERARD COLLOMB puisse être à la fois sénateur et maire de Lyon ? La peste soit de ceux qui sont favorables à l’ « ancrage local » de représentants nationaux. Ce qu’on appelle le « cumul des mandats ». Et certains cumulards dépassent allègrement le double mandat. Quelques-uns trustent littéralement.

 

 

Mais « un homme, un mandat », cela voudrait dire aussi que la personne élue, une fois achevée la durée de celui-ci, RETOURNE A LA VIE CIVILE, et laisse définitivement la place. « Un mandat, une seule fois », oui, une fois pour toutes. Cela aurait l’immense mérite de dégager et d’élargir l’horizon, et potentiellement de faire vraiment, authentiquement, participer la masse des citoyens à la vie du pays.

 

 

Il faudrait encore que cesse l’impunité de fait dont jouissent en général les politiciens. Je pense au scandaleux cadeau dont CHRISTINE LAGARDE a fait bénéficier BERNARD TAPIE.

 

 

Un homme, un mandat, cela signifie accessoirement (si j'ose dire) que les politiciens MENTENT, quand ils parlent de la politique comme d'un METIER. Si vous exerciez une profession, on vous laisserait gérer votre entreprise entre vous, mesdames et messieurs.

 

 

Suite et fin au prochain numéro. Plus que quelques gnons à donner.

 

 

 

vendredi, 24 juin 2011

PROFESSION MENTEUR (2)

L’expression « langue de bois » avait sans doute trop servi : est-elle devenue obsolète pour autant ? La langue de bois, on sait, c'est la leçon que le politicard vient réciter plus ou moins bien, et débiter avec un air de conviction plus ou moins vraisemblable devant micros et caméras. En général, c'est très bien rodé. La langue de bois, c'est le mensonge-à-tout-faire, le mensonge-prêt-à-l'emploi, la leçon permanente de mensonge.

 

 

 La différence, c’est qu’elle ne dépend pas des circonstances,  forcément variables : tout politicien est conditionné, il l'a apprise par coeur, longuement, et il est prêt à la dégainer dès que se présente un micro ou une caméra. Il faut reconnaître d’ailleurs que certains sont passés maîtres dans l’art de la manier. Quand tu as pris ta carte du parti, que tu as vaillamment gravi les échelons pour arriver à une position « en vue » (au fait, comment elle a fait RACHIDA DATI ?), il convient que tu prennes conscience de tes devoirs, et surtout des restrictions qui vont avec.

 

 

C’est le vieux principe énoncé par HENRI LABORIT dans Eloge de la fuite : la hauteur de la position que tu conquiers t’est accordée en échange de l’adhésion à la structure qui te la confère, et de la force de légitimation que tu lui donnes. En clair : plus tu donnes de légitimité au parti (en démontrant tes aptitudes et compétences), plus le parti te le rendra en reconnaissance sociale. Et plus tu seras puissant (par exemple chef de « courant » au Parti Socialiste). Et plus ta bouche devra être close sur tout ce qui est à « ne pas dire ».

 

 

C’est pourquoi il faut cesser de voter. Je suis désormais un abstentionniste militant. J’ai personnellement cessé de voter après 2005 : vous vous rappelez ? Ce pavé que certains essayaient de vendre sous le nom de « traité constitutionnel » pour l’Europe. Je regrette même d’avoir cru que ça servirait à quelque chose, de voter « non ». Naïf, je me baladais même avec, épinglé à mon revers, le petit rectangle de plastique rouge frappé d’un très joli « non » au-dessous du sigle d’ATTAC. J’ai donc voté. Je m'en veux. Je n’avais pas encore compris. Enfin, je voulais encore y croire.

 

 

Car, quand NICOLAS SARKOZY a été élu, j’ai vu que j’avais eu tort. On n'a surtout pas demandé aux Français de revoter : le traité a été adopté entre gens « responsables », qui ont encore le culot de s’appeler les « représentants du peuple ». Les Hollandais ont revoté, et dans le « bon » sens, cette fois. Les Irlandais ont aussi revoté, me semble-t-il. Et tous ceux qui avaient dit « merde » à cette Europe-là l’ont eu dans le cul. Excusez-moi, je me laisse aller. En Italie aussi, les députés viennent de voter la confiance à BERLUSCONI, au mépris des deux condamnations populaires dont il vient d’être l’objet dans les urnes.

 

 

Le sinistre individu N. S. dont je viens de parler a fait campagne, en 2007, sur le thème « Je ne vous mentirai pas ; je ne vous trahirai pas ». Quand il a prononcé la première phrase, il avait déjà enfreint sa promesse. On a vu, là encore. Tant qu’il restera un bout de mur debout de ce qui s’appela naguère « la France », ce monsieur continuera infatigablement à conduire son TRACTOPELLE, qu’il ose appeler « REFORME », pour tout abattre et araser. Il ne restera rien de ce que quelques nostalgiques appellent « service public » (santé, éducation, justice, etc.). Et il ose, en plus, prétendre que ce n’est pas une trahison.

 

 

Quand je regarde vers la gauche, qu’est-ce que je vois ? Le dernier en date qui fut aux « responsabilités », comme on dit, était LIONEL JOSPIN. Ce triste sire, en cinq ans de « responsabilités », a davantage privatisé que ses prédécesseurs ALAIN JUPPÉ et EDOUARD BALLADUR réunis ! Si ce n’est pas trahir, cela ! Mais il a suivi l’exemple de FRANÇOIS MITTERRAND. Ce n’est pas une excuse pour autant.

 

 

Je ne parle pas de mademoiselle LE PEN, que je refuse d'appeler par son prénom, produit incompétent d’un marketing politique échevelé. Je ne parle pas du parti des marionnettes écologistes, qui va sans doute donner à l’invraisemblable NICOLAS HULOT le titre de « candidat vert » (comme mensonge, difficile de faire mieux). Je ne parle pas de JEAN-LUC MELANCHON, qui est enfin parvenu à ratiboiser ce qui restait du moignon du Parti Communiste. Je ne parle pas des divers trotzko-trotzkistes dont on voit encore de loin en loin éclater les bulles de gaz intestinaux à la surface du marigot médiatique.

 

 

Tous ces petits poissons bavards (un comble !) savent bien qu’ils ne seront jamais aux « responsabilités ». La raison pour laquelle ils bataillent, ce sont les « postes » qu’ils pourraient décrocher après avoir négocié avec les puissants la cession de leurs « parts de marché », je veux dire leur « score » aux élections. Ils ne sont certainement pas en train de combattre pour la réalisation de leurs idéaux. Chacun est dans sa cuisine à réchauffer son plat principal, les entrées et desserts étant sujets aux « variations saisonnières ». Et puis à essayer de caser sa marchandise sur le marché.

 

 A suivre. Il y a encore quelques comptes à régler.

jeudi, 26 mai 2011

HITLER AUJOURD'HUI ?

DE L’EUGENISME EN DEMOCRATIE « AUGMENTEE »

 

Tout d’abord, je signale aux lecteurs de ce blog que la présente note prolonge celle  du 12 mai, intitulée « Eugénisme : HITLER a gagné ». En fait, ceci est un simple codicille, dont l’actualité me fournit le prétexte. Bon, c’est vrai que ce numéro du Monde date déjà du 25 (hier, au moment où j’écris : ça commence à se faire vieux). C’est au bas de la page 11. C’est intitulé « Alarmiste face au projet de loi de bioéthique, l’Eglise catholique dénonce un recul de civilisation » (en gras, les mots placés entre guillemets dans l’article). C’est signé Stéphanie Le Bars (est-elle la famille d'Hugues Le Bars, qui a habillé de musique des paroles de IONESCO : « Eh bien, Monsieur, Madame, Mademoiselle, je suis bien fatigué, et je voudrais bien me reposer » ? Morceau étonnant.). Le nom sonne breton.

 

Monseigneur Vingt-Trois (il paraît que la réserve des noms de famille en France est en train de se vider, mais avec un nom pareil, on s’est surpassé, presque autant que les Chevassus-à-l’Antoine ou Chevassus-au-Louis (authentique évidemment)), Monseigneur Vingt-Trois, disais-je, vient donc de réagir à un projet de loi. Déjà, on sent de quel côté penche Le Monde : « Alarmiste », ça pointe déjà quelqu’un qui crierait avant d’avoir été touché. En gros, « alarmiste », c’est juste avant la pathologie. L’article aborde d’entrée la tentative de « lobbying politique » de  l’Eglise. Et ça continue avec : « Quitte parfois à forcer le trait ». On voudrait faire sentir que cet individu à nom de nombre a tendance à exagérer, on ne s’y prendrait pas autrement.

 

Qu’est-ce qu’il dit, l’archevêque de Paris ? D’abord la citation de ses propos mise en gros caractères au milieu de l’article : « On ne peut pas dire : "Les handicapés, on les aime bien, pourvu qu’ils ne viennent pas au monde" ». Voilà pour la référence à ma note du 12 mai (pour ça que je passe sur les détails du projet de loi, qui feraient ici double emploi). Le reste ? « Eugénisme d’Etat », « instrumentalisation de l’être humain ». La loi discutée à partir du 24 mai constitue « un recul de civilisation », et « une certaine conception de l’être humain serait très gravement compromise ». Qu’est-ce que je dis d’autre, le 12 mai ? Le président de la Conférence des évêques de France s’inquiète de « la systématisation juridique du diagnostic prénatal ». Il s’interroge : « Les faibles, les vulnérables auront-ils encore leur place dans notre société ? ». Il dénonce un « paradoxe », dans « cette instrumentalisation de l’être humain au moment où la Commission européenne travaille à la protection des embryons animaux ».

 

Rapidement : diagnostic prénatal (qui va évidemment de pair avec le remarquable avortement thérapeutique), recherche sur les cellules souches embryonnaires, extension à tous les couples de la P. M. A. (procréation médicalement assistée, dans la langue de bois officielle), proposition défendue pas les associations de défense des familles homoparentales : voilà des aspects de la loi abordés par le prélat. La journaliste écrit ensuite (en son nom propre, donc) : « En creux, le cardinal a salué le travail des députés catholiques et de la Droite républicaine, qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour défendre les idées de l’Eglise sur ces questions ». Ben voilà, il fallait que ce fût dit : Monseigneur Vingt-Trois est un sale vieux RÉAC. Mine de rien, voilà comment s’exerce la sacro-sainte neutralité d’une journaliste du « journal de référence » Le Monde. Mine de rien, il s’agit, à dose homéopathique, d’amener le lecteur à ranger l’Eglise dans le camp des vilains : les « réactionnaires », Le Monde étant bien entendu dans celui du Bien. Personnellement, je parlerais plutôt du camp des « bien-pensants » (au sens de Bernanos). Et "en creux", j'avoue que c'est à savourer longuement.

 

Je ne suis pas catholique. Je ne suis ni croyant, ni incroyant. Pour parler franc : je m’en fous. Mais, suite à la petite analyse que je proposais le 12 mai, je ne peux que confirmer ma conclusion : HITLER, qui a voulu promouvoir l’eugénisme au rang de politique d’Etat, a bel et bien GAGNÉ. L’Eglise, quoi qu’elle dise, a d’ores et déjà subi une défaite. L’atmosphère est au consentement général (ou à l’indifférence). Et ça se passe sous la pression de groupes minoritaires, qui réclament des « droits », « à égalité avec les autres citoyens ». Comme si ces groupes étaient composés d’autres individus que des citoyens !

 

Est-ce que ce projet de loi est bon ou mauvais ? Je ne sais pas. Ce que j’observe, de nouveau, c’est qu’il adopte de façon fervente et militante des principes qu’avait commencé à mettre en œuvre quelqu’un dont il suffit de citer le nom pour faire naître dans l’oreille qui l’entend un écho immédiat du MAL ABSOLU. C’est évidemment ADOLF HITLER. Et dès lors, je m’interroge : sommes-nous sûrs, dans cette société dépourvue d’autre ennemi que l’infâme terrorisme ; somme-nous sûrs, dans ce monde qui a définitivement versé dans le camp du BIEN, qui a, en quelque sorte, « basculé du côté LUMINEUX de la Force » ; sommes-nous absolument sûrs d’avoir choisi le parti de l’humanité ? Monseigneur Vingt-Trois, qu’il soit catho, je m’en tape : son inquiétude devrait être celle de TOUS.  

 

Qu'y a-t-il de faux dans la phrase : « Les handicapés, on les aime bien, pourvu qu'ils ne viennent pas au monde. » ? Et qu'est-ce que ça a de RASSURANT, je vous prie ?

 

Le corps d'ADOLF HITLER est certainement mort. Mais ses idées ? Son PROGRAMME ? "Rassurez-vous" : tout ça est en cours d'exécution.

 

Le Meilleur des mondes est parmi nous.

 

 

 

L'IMPOSTURE ECONOMISTE

Dans le zoo fou qu’est devenue la planète, l’économiste occupe une pace de choix. Que dis-je : l'animal tient le haut du pavé du centre de l'échiquier. Comme ils disent eux-mêmes, ils sont « incontournables ». Ce sont, disent-ils, des « spécialistes ». Leur spécialité, c’est l’économie. Une « science », paraît-il. Drôle de science quand même. La science, on sait ce que c’est, le Grand Robert le dit : « connaissance exacte et approfondie ». « Exacte » ? Alors l’économie N’EST PAS UNE SCIENCE. Qu’il y ait des invariants, c’est certain : plus on fabrique de la monnaie, plus les prix augmentent ; quand on détient un monopole, on s’enrichit plus que quand la vraie concurrence fait rage ; etc. J'ai quelques notions quand même, faut pas croire. Mais un des caractères infaillibles qui définit une science, c’est qu’elle est capable de PREDIRE les phénomènes (si tu es à 0 mètre, et si tu mets de l'eau sur du feu, elle bouillira à cent degrés Celsius, par exemple).

 

Ça crève donc les yeux : l’économie n’est considérée comme une science que par un abus de langage, un mensonge soigneusement entretenu par la corporation des économistes. Drôle de corporation, à vrai dire. Il se trouve que j’écoute de temps en temps l’émission du samedi matin à 8 heures sur France Culture, intitulée « L’Economie en questions ». Ils sont quatre ou cinq, ils sont appelés des « experts », ils discutent de deux sujets principaux. Et s’il y a un invariant, il est ici. Pendant une quarantaine de minutes, ces « experts », tous très savants, c’est certain, débattent. Oui, parfaitement : il DEBATTENT. C'est précisément là qu'est l'os. ILS DEBATTENT. Suivant les sujets, il leur arrive même de s’engueuler. Voilà l’abus de langage : ces « experts » dans la « science économique », ils sont rarement d’accord, d’une part sur l’analyse à faire d’un phénomène, d’autre part sur les solutions à apporter aux problèmes et les perspectives. Si c'était une science, il n'y aurait pas de débats aussi vifs (et ce ne sont pas les vitupérations du bibendum plein de suffisance arrogante CLAUDE ALLEGRE qui peuvent me convaincre du contraire). Ecoutez un peu, un jour où vous n'avez rien de mieux à faire, ça devient toujours assez drôle, quand ce n’est pas franchement burlesque, quand ces grands spécialistes attaquent la partie « IL FAUT » du débat.

 

NOURIEL ROUBINI, cet économiste américain d’origine iranienne, s’est terriblement singularisé, début 2008, en prédisant la catastrophe des prêts hypothécaires aux Etats-Unis (« subprimes »). Tous ses collègues l'appelaient Cassandre : à présent, c'est plus un Cassandre, c'est un grand savant. Combien sont-ils dans le monde ? En France, on connaît maintenant PAUL JORION (l’homme au blog), qui avait aussi prévu la crise de 2008. Il prédisait hier la désintégration de l’Europe. Faut-il espérer qu’il se trompe ? De tels économistes, il doit y en avoir quelques autres dans le monde. Mais ils sont l’exception : dans l’ensemble, la profession se trompe régulièrement, incapable de seulement anticiper les événements. Or la profession, ce sont les « experts », et les « experts », ils sont où ? Ils enseignent l’économie, pardi. Ils forment de futurs économistes. Certains deviendront profs à leur tour, et la boucle est bouclée. C’est comme le poisson rouge dans son bocal : il tourne en rond. On serait dans les biotechnologies, on appellerait ça le « clonage ». On n’est pas près d’en sortir.

 

Je ne m’attarderai pas sur la folie furieuse de l’économie financière, sur la dictature des marchés et des « agences de notation », sur la récente et la peut-être future catastrophe. Je ne suis pas « expert », moi. Je me contente de regarder (et de subir, comme tout un chacun) la voracité de ce tout petit monde qui fait la loi au reste du monde. Je m’intéresse quand même à son fonctionnement, après tout, je suis concerné. J’ai donc mon mot à dire. Des gens plus qualifiés s’y intéressent aussi. ALBERT JACQUARD : J’Accuse l’économie triomphante ; VIVIANE FORRESTER : L’Horreur économique ; EMMANUEL TODD : Illusion économique ; et j’ajoute, pour faire bonne mesure, l’économiste JOHN KENNETH GALBRAITH : Les Mensonges de l’économie. Il n’a pas été Prix Nobel d’économie, celui-là ? Sauf qu’en fait de Prix Nobel (c’est-à-dire ceux fondés par ALFRED NOBEL en personne), il y en a CINQ et pas un de plus : médecine, chimie, physique, paix, littérature. Prix Nobel d’économie : inconnu au bataillon ! Oui, il existe un Prix d’économie, décerné (depuis 1968 ?), par la Banque de Suède, que les journalistes traduisent (faut-il qu’ils soient paresseux !) Prix Nobel. Là encore, donc, un simple ABUS DE LANGAGE. L'économie est bourrée d'abus de langage.

 

Bref, les quatre auteurs ci-dessus (dont un Prix « Nobel » donc) s’en prennent à l’économie en tant que telle. Todd, par exemple, parle en 1998 du « projet d’une impossible monnaie européenne » (c’est moi qui souligne). Lui aussi, il croit que l'Europe va se désintégrer ? Peut-on parler d’économie quand on n’est pas un « expert » ? La réponse est définitivement OUI ! C’est comme en psychanalyse, où vous avez JACQUES LACAN d’un côté, et de l’autre des gens comme DIDIER ANZIEU. L’un jargonne à qui mieux-mieux, et ça intimide, et ça impressionne les gogos. L’autre explique des choses complexes dans une langue claire qui cherche avant tout à être comprise. La plupart des économistes jargonnent, avec l’intention bien arrêtée de maintenir le profane hors du cercle des initiés. Mais tous ces gens, finalement, n’ont aucune certitude, mais aussi aucun compte à rendre (mais quel responsable, aujourd’hui a des comptes à rendre ?). Ils peuvent, crise après crise, continuer à SE TROMPER (soyons indulgents : en CHANGEANT D'ERREUR à chaque fois, en adoptant une erreur différente, parce que nous, on a oublié la précédente, et c'est bien, parce  que, comme ça, tout le monde croit ce qu'ils disent A PRESENT) dans les mêmes médias : voyez le petit ALAIN MINC qui, en tant que « consultant » (ça veut dire « expert » je suppose) grassement rétribué, continue à « conseiller » les puissants.

 

Moi, ce que je comprends, dans les diverses (et opposées) théories économiques, c’est que le fait même qu’il y ait des théories économiques est en soi une IMPOSTURE. (Je ne reviens pas sur celle que constitue le mot « science ».) Parlons de DOCTRINE, ce sera plus honnête. Le mot « théorie » est fait pour impressionner, rien de plus. En fait, ce que ne disent pas les « experts », c’est que dans leurs « théories », il y a moins d’ ECONOMIE que de POLITIQUE. Les fantoches « politiques » (vous direz que j’abuse des guillemets, mais il les faut) qui défilent sur les écrans et dans les journaux sont précisément cela : des FANTOCHES. Ils nous font croire qu’ils font de la politique, alors que la politique, elle se fait aux derniers étages des GOLDMAN SACHS et autres multinationales, elle se fait dans ces merveilleux endroits répartis sur toute la planète, monde sur lequel l’argent ne se couche jamais (bien content de ma formule). On appelle ça les « bourses » (c’est cruel pour les mâles, mais il est vrai qu’une bourse, ça se remplit et ça se vide : pardon. Il y a bien dans ma belle ville une rue Vide-bourse !).

 

Sarkozy et ses complices du G 8 font semblant d’être des acteurs, d’avoir du pouvoir, pire : ils nous font croire qu’ils savent ce qu’il font, et qu’ils feront ce qu’ils disent. En réalité, ils courent derrière, en essayant de nous convaincre que « la politique a repris le dessus », et qu’ils sont les meneurs de cet Amoco Cadiz. C’est à cette tâche constante (marteler, bourrer le crâne) que se consacre l’industrie télévisuelle et une bonne part de la presse papier (presse-papier ?). Quand, le soir même de son élection, NICOLAS SARKOZY va passer la soirée au désormais célèbre Fouquet’s, ce n’est pas parce qu’il est ami de quelques milliardaires. Il n’est pas le chef, ce soir-là : il est le LARBIN. Les gars autour de la table, disent : « C’est bien que tu sois élu. Maintenant, tu vas pouvoir faire NOTRE POLITIQUE ». Dites-moi si je me trompe : est-ce que ce n’est pas comme ça que ça s’est passé effectivement ?

 

Allez : la vie est belle et c’est tant mieux (il faudra que je trouve une formule plus personnelle. « Et c’est ainsi qu’Allah est grand », par exemple. Ah mais je m’aperçois qu’ALEXANDRE VIALATTE me l’a ôtée de la bouche, il y a déjà quelques décennies).

lundi, 23 mai 2011

APRES LE SEXE, LE SPORT

LES COÏNCIDENCES QUI TUENT

 

C’est parfois drôle, la tyrannie de l’actualité, pas souvent, mais de loin en loin. Voyez, moi, ce matin, je poste ce billet sur le sexe comme addiction. Eh bien, tu le crois ou tu le crois pas, mais dans Le Monde de ce soir (daté demain), je tombe, en page 2, sur « Quand la relation au sport devient pathologique ». Oui c’est drôle, la tyrannie de l’actualité. Je cite : « besoin irrépressible et compulsif de pratiquer régulièrement et intensivement une ou plusieurs activités sportives ». Les conséquences à long terme sont redoutables. « 10 à 15 % des sportifs ayant une pratique intensive souffrent en réalité d’une véritable addiction. » Est-ce que par hasard nous vivrions dans une SOCIÉTÉ D’ADDICTION ? (Cela veut dire une SOCIÉTÉ DROGUÉE.) Je pose juste la question.

dimanche, 22 mai 2011

LES MOTS POLICIERS : PHOBIE

HARO SUR LES PHOBES !

Tout au long de ses Essais (Les Belles lettres, 2010), le grand Philippe Muray tape dès qu’il peut sur ceux qui tapent sur tous les « malades » atteints de diverses « phobies ». Il tape dessus pour une raison bien précise : les dénonciateurs de « phobies » font tout ce qu’ils peuvent pour que des lois interdisent d’être atteint de « phobies », et pour que des lois punissent impitoyablement toutes les manifestations publiques des « phobies » ainsi stigmatisées. Philippe Muray s’attaque ce faisant à la tendance de l’époque qui consiste à faire entrer toutes sortes de vides juridiques dans le Code pénal.

Il est vrai que c’est devenu une véritable manie : quand un fait divers tragique se produit, Nicolas Sarkozy sort sa loi, mais que l’absence de décrets d’application, ou tout simplement parce qu’elle est inapplicable, rend inapplicable. Un fait appelle une loi. Comme des faits, il s’en produit quelques milliards à chaque seconde, je ne sais pas si la distance de la Terre à la Lune suffirait pour calculer l’épaisseur du code pénal qu’il faudrait écrire pour la sécurité de la planète. La moitié de l’humanité serait alors chargée de commettre des faits (autrement dit de vivre). L’autre moitié serait composée de juristes, de juges, de procureurs et d’avocats. On appellerait ça la division du travail pénal.

Trêve de plaisanterie : par curiosité, je suis allé voir ce qui se trame derrière l’écran du mot « phobie ». Le détour est intéressant, et le spectacle est croquignolet. Si l’on s’en tient à la définition médicale, voici ce qu’on trouve dans le Dictionnaire de la psychanalyse d’Elisabeth Roudinesco : « Utilisé en psychiatrie comme substantif vers 1870, le terme désigne une névrose dont le symptôme central est la terreur continue et immotivée du sujet face à un être vivant, un objet ou une situation ne présentant en soi aucun danger ». Je retiens « névrose » et « terreur continue et immotivée ».

Un exemple ? J’ai connu une femme (Mme L.) qui souffrait de deux phobies véritables. Tout le monde connaît la claustrophobie, non ? Elle en souffrait à ce point que prendre l’ascenseur était pour elle, tout simplement, inenvisageable. Elle revenait donc du supermarché le coffre de la voiture plein, mettait tout dans l’ascenseur, appuyait sur le bouton et montait à pied. Bon, elle n'habitait qu'au troisième. Plus grave : elle m’a raconté qu’elle souffrait de « colombophobie », soit, en clair, la terreur des oiseaux. Un jour, elle traverse le pont Lafayette, au-dessus duquel passent et repassent les mouettes. L’une d’elles a le malheur de la frôler. Mme L. ne se souvient rigoureusement de rien, sinon que, lorsqu’elle a repris connaissance, elle était étendue au milieu de la chaussée, au milieu du pont.

Voilà ce que c’est, une vraie phobie, et voilà ce que ça donne : une panique totalement impossible à maîtriser, à réprimer ; une perte de conscience en présence de l’objet d’horreur. C'est ça la maladie qu'on appelle phobie. L’usage du mot, aujourd’hui, dans les médias, est tout simplement abusif. C’est une malversation. Ceux qui en parlent sont des faussaires. On accuse quelqu’un de « phobie » au même titre que Sarkozy accuse les socialistes d’ « immobilisme » et d’ « archaïsme ». Le mot phobie range illico celui qui en est atteint parmi les malades mentaux, atteint des mêmes « maladies mentales » qui servaient de prétexte aux Soviétiques pour  enfermer leurs dissidents en asile psychiatrique, où a été inventée la "torture blanche". Rien de mieux pour disqualifier. On appellera ça un hold-up. Cela veut dire accessoirement que l’accusation de « phobie » à tout bout de champ fonctionne aujourd’hui, exactement, comme un argument politique, et que la toile de fond totalitaire sur laquelle l’argument se détache n’a rien de rassurant.

C’est au même genre de malversation que, en 1984, toute la gent à soutane et à crucifix avait kidnappé le mot « libre » pour faire retirer la loi Savary qui stipulait que l’argent public irait désormais à l’enseignement public, l’enseignement privé (l’enseignement dit libre) devant se démerder pour trouver des fonds privés. Le tout, pour arriver à ses fins, comme ce fut le cas en l’occurrence puisque la loi fut retirée par François Mitterrand, le tout, c’est d’arriver à convaincre le plus de monde possible qu’on est, dans l’affaire, la victime. C’est très important, d’être la victime. Ce fut une belle imposture : être libre, cela signifie qu’on ne dépend de personne. Or l’enseignement catholique, puisqu’il faut l’appeler pas son vrai nom, dépend pour son existence de l’argent alloué par l’Etat français. Il est maintenu en vie grâce aux transfusions permanentes et importantes dans ses veines de l'argent du contribuable. Il est parvenu à ses fins en faisant subir aux mots la même inversion que Big Brother dans 1984 du grand George Orwell : « L’esclavage, c’est la liberté ». C’est ça, la Novlangue.

En consultant divers dictionnaires sérieux, j’ai trouvé une vingtaine de phobies dûment répertoriées, médicalement repérées. Une vingtaine, tout mouillé de chaud. Bon, on doit pouvoir en dénicher quelques autres dans les coins ou dans les placards : allons jusqu’à trente. Ensuite, vous allez voir sur l’incontournable Wikipédia. Là c’est du grand spectacle. Que dis-je ? C'est un feu d'artifice. A ce jour, la notice se divise en 9 parties. Je vous épargne l’énumération : disons qu’il y a les phobies au sens restreint, et les phobies au sens étendu (c’est évidemment dans ces dernières qu’il faut chercher l’imposture). J’exclus pour l’instant les mots de la chimie et de la biologie qui désignent des propriétés de corps ou d’organismes.

Au sens restreint, on trouve, attention, tenez-vous bien, quatre-vingt-onze (91) « phobies » (connaissiez-vous la « triskaïdekaphobie » ? Moi non plus. C’est la peur du nombre 13. Et la « plangonophobie », ou peur des poupées ?). Bref, c’est vous dire qu’avec Wikipédia on est dans le sérieux, vous ne trouvez pas ? Là, je me marre. Non, vous avez compris qu'on est dans le grand n'importe quoi. Je suis sûr qu’on peut en ajouter toute une liste, même en ne cherchant pas trop. Au sens étendu, on entre dans ce que la notice appelle « préjugés et discriminations », malheureusement sans dire s'il y a une parenté, et laquelle, avec la vraie phobie (voir l'exemple de Mme L. plus haut). On y trouve l’ « hispanophobie » (oui, pour introduire le paragraphe), puis, dans l’ordre alphabétique (juste quelques-uns, pour goûter) : « biphobie », « christiannophobie », « éphébiphobie », « gérontophobie », « hétérophobie », « homophobie », « islamophobie », etc. Il y en a douze, vous pouvez vérifier dès maintenant. Au total, ça fait cent trois (103) : une phobie de moins que les symphonies du grand Joseph Haydn. On est clairement dans la fantaisie, l’improvisation et l’imagination. C'est le grand n'importe quoi. On est clairement dans l’imposture.

Cette liste me fait penser à un article déjà ancien paru dans Le Monde diplomatique, intitulé « Pour vendre des médicaments, inventons des maladies », où l’auteur dénonçait la frénésie purement commerciale des firmes pharmaceutiques, désireuses de mettre en application le principe énoncé par Jules Romains, en 1923 s'il-vous-plaît, par la bouche du personnage central de sa pièce Knock : « Tout homme bien portant est un malade qui s’ignore ». Knock rêve en effet de transformer la petite ville dans laquelle il exerce en un vaste hôpital. De même, les inventeurs de « phobies » rêvent de transformer les gens normaux : « Toute personne normale est un phobique qui s’ignore ». On invente des « phobies » pour en faire tomber le maximum sous le coup de la loi, et punir les coupables.

Le mot qu’on met sur la chose découle souvent d’un choix idéologique. Entre 1940 et 1945, on savait dans quel camp vous étiez suivant que vous disiez « terroriste » ou « résistant ». Les mots qu’on utilise révèlent quelque chose de la personne qui les prononce. J’ai parlé ici le 10 mai de l’accusation de racisme portée contre Laurent Blanc. En voilà, un mot qu’on met à toutes les sauces, comme si quelqu’un, en l’appliquant à n'importe quoi, voulait en finir avec la notion même de racisme en la diluant tellement, comme dans les médicaments homéopathiques, qu’elle perd à l’arrivée toute signification.

Reste un mécanisme et une structure. Il faut trois acteurs : un accusateur déguisé en victime, un accusé, et le Code pénal. L’exemple récent des prières, le vendredi, dans certaines rues de Paris et de Marseille l’a bien montré. L’accusateur déguisé en victime, ce sont les musulmans de France, l’accusé, c’est Claude Guéant, coupable en l’occurrence d’ « islamophobie », et le levier, c’est bien le Code pénal. Je me garderai de prendre la défense du ministre de l’Intérieur. Houellebecq s’en est pris un jour à « la religion la plus bête du monde ». Un professeur de philo, Robert Redeker, a pris en 2006, une volée médiatique de bois vert quand il a osé dénoncer la violence prônée dans le Coran. Le fait seul qu’il ait aussitôt reçu des menaces de mort prouve qu’il avait raison. L’Islam en France est d’abord un fait. Même chose pour la judéophobie : celui qui en est taxé devient ipso facto un dégueulasse antisémite, parce qu’il a osé, comme Edgar Morin il y a quelque temps, critiquer la politique des Israéliens envers les Palestiniens. Même chose pour une des « phobies » qui ont le vent en poupe en ce moment : l’ « homophobie ».

Loin de moi l’idée d’approuver Guéant, Houëllebecq ou Redeker. Quant à l’homosexualité, elle est aussi vieille que l’humanité : elle est un fait. Il n’est évidemment pas question de persécuter les musulmans, les juifs ou les homosexuels : persécuter est un acte, et comme tel, il est intolérable. Ce qui est inquiétant dans toute cette affaire de mots, c’est qu’on a l’impression qu’ils sont assiégés, guettés, surveillés étroitement par des gardes-chiourme. Or, si les mots sont l’expression de la pensée, ils ne sauraient être considérés comme des actes, et encore moins jugés au même titre que des actes. Est-on sûr que développer à outrance la surveillance policière des mots soit le meilleur moyen de faire définitivement disparaître les actes contre les mosquées ou les tombes musulmanes, contre tel cimetière juif, contre les homosexuels ? Je suis très loin d’en être convaincu.

Quand la police prend le pouvoir, on peut voir ce que ça donne, par exemple en ce moment, dans la Syrie de Bachar el Assad.

lundi, 16 mai 2011

VOUS AVEZ DIT PSYCHANALYSE ?

Quoi que puisse en dire le nouveau pape auto-proclamé de la philosophie Michel Onfray dans Le Crépuscule d’une idole (sous-titré « l’affabulation freudienne »), la théorie freudienne n’a pas disparu, submergée, paraît-il, par ses « affabulations ». En passant, de même que Nicolae Ceaucescu était de son vivant immortalisé dans la formule « Danube de la pensée », on pourrait surnommer Michel Onfray « Amazone de la philosophie », si j’en juge au débit du fleuve éditorial qu’il fait couler : wikipédia indique, depuis l’an 2000, pas moins de 49 titres d’ouvrages. Cet homme-là doit être quadrumane et insomniaque : il faut des mains au bout des bras et des jambes et travailler 24/24, 7/7.  Six titres en 2008, cinq titres en 2010 : Comment fait-il ? Ce n’est plus de la pensée. On appelle ça « logorrhée ». C’est une pathologie.  Mais revenons à Sigmund Freud.

 

L’effort d’Onfray pour abolir la psychanalyse est pathétique, et peut-être pathologique : je ne me prononce pas (enfin : presque pas). Il est sûr que Freud, avec la psychanalyse, aura réussi à contrarier, à emmerder le maximum de monde, et les tentatives d’annulation sont innombrables, indénombrables et insubmersibles. Aussi insubmersibles que la psychanalyse elle-même. Je me souviens du chapitre que le grand René Girard consacre au freudisme dans son grand ouvrage La Violence et le sacré (Grasset, 1972) : il estime que sa théorie du « désir mimétique » englobe et invalide celle du « complexe d’Œdipe ». Je n’entre pas ici dans le débat.

 

Ce qui m’intéresse, c’est l’incomparable succès, l’invraisemblable prospérité, l’inimaginable fortune accumulée par la théorie psychanalytique : je n’exagère pas. C’est une véritable caverne d'Ali Baba. Si un lecteur frotté de psychanalyse découvre cette affirmation, il doit déjà être en train de se tapoter la tempe droite avec l’index (s’il est droitier). Certes, il y a de l’argent, dans les circuits, tous « psys » confondus (y compris la saloperie importée d’Amérique qu’on appelle « cognitivo-comportementale », dont la principale finalité est de fonctionner comme les « camps de réadaptation » mis en place en Chine sous Mao, sauf que là, il faut, en plus, payer le tortionnaire), mais moins que dans la poche de Zinedine Zidane. Et puis surtout, la caverne est métaphorique et même involontaire. C’en est au point que Sigmund Freud lui-même n’aurait pour rien au monde voulu ça, s’il avait pu le prévoir (enfin j’espère).

 

C’est comme Pierre et Marie Curie : s’ils avaient pu prévoir quels usages seraient faits du « radium » et de la radioactivité, peut-être auraient-ils laissé en plan leurs travaux, un demi-siècle avant Hiroshima. S’ils avaient pu deviner les dégâts que causerait, du vivant même de Marie, un médicament comme le Radithor (on lit distinctement sur l’étiquette : « radioactive water »), ils auraient sans doute fermé leur laboratoire. C’est la même chose pour la psychanalyse : quel cerveau de psychanalyste malade, qu’il fût orthodoxe ou hétérodoxe, aurait pu imaginer que quelques piliers de la théorie serviraient un jour à la plus gigantesque entreprise de domestication des peuples ? J’exagère à peine, comme je vais essayer de le montrer.

 

On n’est jamais si bien trahi que par les siens, et personne n’est parfait : Sigmund Freud a un neveu, et plutôt deux fois qu’une, puisque fils de sa sœur et du frère de sa femme (une variante, sans doute, de la double peine). Freud épouse Martha Bernays. Monsieur Bernays épouse Anna, sœur de Freud. Naîtra de cette union, en 1891, le petit Edward, Eddy pour les intimes, qui portera donc, et pendant 103 ans, le nom d’Edward Bernays (il est mort en 1995 : y a de la veine que pour la canaille). Cela valait le coup de s’attarder un peu : vous allez voir. Je ne sais pas quand sa famille a émigré en Amérique. Toujours est-il qu’il a eu le génie d’organiser un drôle de mariage entre les Etats-Unis et la vieille Europe, un mariage d’une originalité inouïe, jugez plutôt.

 

D’un côté, la théorie révolutionnaire d’un Autrichien qui dévoile les petits secrets bien cachés de l’âme humaine (c’est de tonton Freud que je parle). De l’autre, l’industrieuse et industrielle Amérique, en plein processus d’invention de la future « société de consommation ». D’un côté, la découverte de l’inconscient, du subconscient, bref, des motivations secrètes des individus. De l’autre, la découverte du moyen le plus moderne de s’enrichir : produire en masse, donc vendre en masse. D’un côté, une connaissance qui ira en s’affinant et se perfectionnant sans cesse des ressorts secrets du psychisme. De l’autre, le besoin pressant des industriels de convaincre le plus de gens possible d’acheter toutes affaires cessantes les marchandises produites.

 

Edward Bernay est encore bien jeune quand il fait partie d’un groupe mis en place par le président américain, chargé de trouver les moyens de convaincre la population du bien-fondé d’une entrée des Etats-Unis dans la 1ère guerre mondiale. Très tôt donc, il est mis en face de la question : comment amener une masse de gens à changer d’avis sur des questions importantes ? Autrement dit : comment agir sur l’esprit et le comportement des hommes, sans que ceux-ci s’en rendent compte ? Dit encore autrement : comment manipuler les esprits ? Et il était malin, le bougre, et s’était fait une doctrine solide sur les masses, considérées comme incapables de penser, tout juste capables d’exprimer des pulsions. C’est là que les idées de son tonton vont lui être très utiles : pour agir sur les foules, il ne faut surtout pas s’adresser à la Raison, par un Discours. C’est peine perdue.

 

Bon, c’est vrai qu’il n’est pas tout seul à penser ainsi : Walter Lippmann, par exemple, qui se demande, on est dans les années 1920, comment « fabriquer du consentement » (manufacture of consent, en langue originale). Années 1920 : c’est dire combien tout cela a été mûrement, longuement réfléchi, mis au point dans les moindres détails, et combien le travail sur les effets attendus a été minutieusement conduit, longtemps avant Patrick Champagne (Faire l’opinion, 1990) qui, lui, se contente de « décrypter » les données d’une pratique (les sondages) qui s’est tellement banalisée qu’elle en a acquis la force de l’évidence. Alors que des gens comme Lippmann et Bernays, entre autres, ont établi les codes qui servent encore de base à tout ce qui travaille sur l’opinion.

 

Bref : l’idée est certainement dans l’air, comme on dit. Donc, il s’agit de s’adresser tout de suite à l’en-deçà de la conscience, qu’on appelle le « subconscient ». On ne va pas construire des raisonnements et des discours comme dans l’ancien temps (vous savez, les vieilles lunes de la rhétorique classique : « inventio, dispositio, elocutio »). On va montrer des images, des formes symboliques : c’est d’autant plus facile que les moyens de communication sont en train de faire un véritable bond technologique (les « médias de masse »). Par exemple, Bernays, qui travailla pour l’industrie de la cigarette, va utiliser le « symbole phallique » (merci tonton Freud) pour étendre l’usage de ladite cigarette à l’autre moitié de la population américaine, celle pour laquelle fumer était très vilain, autrement dit à ce « gisement inexploité », ce « marché potentiel » constitué par les femmes. Et ça marche ! A coups de défilés de jeunes et jolies fumeuses (« les torches de la liberté », selon la notice wikipédia) : la femme aussi est libre de se goudronner les poumons.

 

C’est donc ça, la publicité ? Oui : ni plus ni moins. Et ça marche. Et depuis toutes ces dizaines d’années. Public opinion de Walter Lippmann date de 1922. Edward Bernays publie son ouvrage principal en 1928, sous le titre Propaganda.  Propagande : le mot sert aujourd’hui dans les petites joutes politiques pour accuser l’adversaire de « bourrer le crâne », ou alors il est censuré, rhabillé en « publicité », en « communication », en « communication politique » : cela s’appelle des euphémisme (vous savez : « non voyant », « à mobilité réduite », etc.). J’ai déjà parlé de la « propagande », dont un pape fut l’inventeur en 1622, quand il s’agissait de propager la « vraie foi » (autrement dit de convertir les mécréants). Il n’y a aucun hasard si Joseph Goebbels, « ministre du Reich à l’éducation et à la Propagande », s’inspirera de la théorie d’Edward Bernays, de même que Staline.

 

Cela veut dire quelque chose de finalement assez simple : En quoi, aujourd’hui, se différencient régime de terreur et régime « démocratique » ? Dans l'un comme dans l'autre, le principal problème d’un gouvernement, c’est de savoir comment diriger une population (on ne parle évidemment plus du tout de « peuple ») : susciter son adhésion, spontanée ou imposée, à ceux qui gouvernent, lui faire admettre la domination des dominants. Face à la « nécessité » d’adapter l’idée démocratique à la complexité du système économique, donc à la « nécessité » de gérer les foules, Edward Bernays et Walter Lippmann, par des chemins différents, ont abouti aux mêmes conclusions : il est indispensable de façonner les esprits, de manipuler les gens, de les amener à penser et à agir dans le sens voulu par les dirigeants. C'est pour avoir compris ça que le capitalisme a triomphé du communisme.

 

Cela veut dire aussi que la « démocratie » repose aujourd’hui sur une industrie qui, grâce à la psychanalyse, s’est développée en allant débusquer dans la tête des gens le moindre détail de leurs désirs plus ou moins secrets et de leurs motivations intimes : l'industrie de la propagande, tant dans la politique que dans le commerce marchand (pardon pour le pléonasme). Il n’y a plus aucun secret pour ceux qui gouvernent (président d’un pays ou d’une grande société commerciale) : après leur enquête dans les tréfonds autrefois obscurs de l’individu (le « subconscient »), ils élaborent en laboratoire des produits qui sont ensuite vendus au même gogo, qui ne se demande même pas : « Mais comment ont-ils fait pour deviner ce dont j’avais envie ? », et qui paie pour se procurer la marchandise qu’on a, en réalité, tirée de lui-même (à la caisse du supermarché ou dans l’urne électorale : le processus est strictement le même, et Edward Bernays, le père du marketing, vendra ses « conseils » aussi bien aux hommes politiques qu’aux grandes entreprises). Faut-il vous l’envelopper, votre « idéal du moi » ? De quelle couleur la voulez-vous, votre « libido » ? Nos créatifs ont fait de gros efforts sur le packaging de votre « refoulé ». Mes yaourts sont-ils assez « narcissiques » ?

 

Cela veut dire, enfin, qu’une découverte majeure du 20ème siècle, la psychanalyse, même si elle reste tout à fait controversée dans ses principes, ses modalités, son efficacité, son prix, tant qu’on se limite à son domaine (thérapeutique des névroses), s’est répandue très concrètement dans tous les aspects et tous les moments de la vie quotidienne, tout simplement parce qu’Edward Bernays (et quelques autres) ont compris à quoi elle pouvait très concrètement servir : gérer les masses humaines. Et je me demande pour finir, si ce n’est pas exactement la même chose pour toutes les disciplines qu’on appelle « sciences humaines ». Il ne s’est passé rien d’autre dans les sciences « dures » : aurait-on eu la bombe H sans la physique ? La dernière catastrophe financière sans les mathématiques ? Le contrôle social le plus dur sans la puce électronique ? L’explosion démographique sans la médecine ? Aurait-on eu l’infamie publicitaire sans Sigmund Freud (c’est vrai qu’il est loin d’être tout seul) ?

 

Le savant est tout à fait inoffensif, dans son laboratoire, avec sa blouse blanche, son air gentil, tout obsédé de compréhension et de connaissance, et pour qui le monde dans lequel il vit est une entité vague et vaguement abstraite. Mais il y a son double démoniaque : l’aventurier, l’explorateur, l’homme d’action, tout avide de richesse, de gloire et de puissance, qui guette tout ce qui va sortir de ce « bureau d’études » pour en tirer le maximum, très concrètement. C’est un médecin, le docteur Freud, qui a inventé la psychanalyse, dans le but de soigner l’homme, peut-être même de le guérir. C’est un homme d’action, son neveu Edward Bernays, qui va mettre à profit (au sens plein du terme) la découverte, très concrètement. D'un côté, la connaissance, qu'on nous vend comme le bien suprême. De l'autre, l'action, mot dont les médias regorgent dans le registre positif. Mais soigeusement séparés : on appelle ça la division du travail : que ma main gauche, surtout, ignore ce que fait ma main droite. La "main gauche" (Freud) s'appelle la science. La "main droite" (Edward Bernays) s'appelle la technique.  

 

C’est Edward Bernays qui déclara : « L’ingénierie du consentement est l’essence même de la démocratie, la liberté de persuader et de suggérer ». Et « La propagande est l’organe exécutif du gouvernement invisible ». C’est cet homme qui est souvent considéré comme un des personnages les plus influents du 20ème siècle.

 

Elle est pas belle, ma « démocratie » ? Allez, quoi : achetez !!!

 

A suivre …