samedi, 11 février 2012
PÊLE-MÊLE D'UN CARNET DE LECTURE (2)
Famille, PA KIN (1933).
Un poète habité par une théorie sociale, qui cherche à démontrer, mais reste inspiré. Les douleurs semblent souvent très verbales, comme les joies. « Mais l’air continuait à vibrer d’échos plaintifs. Tout le jardin sanglotait à voix basse. » Trop de volonté de montrer des trajectoires, en particulier celle d’Eveil de l’Intelligence. Mais je lui suppose une tendresse pour l’amour contrarié et finalement malheureux de Prunier des Frimas et Eveil du Nouveau. Nostalgie ? La Tribu et les Conventions. Grand réalisme dans la peinture de la sincérité des sentiments comme liens familiaux. Le Devoir sacré. Les Fêtes. La Chine, même pré-communiste, c'est toujours plus complexe que ce qu'on croit.
La presqu’île, JULIEN GRACQ (1970)
Comment étirer le temps par la magie d’une écriture à la mesure de son ambition, mais obsédée par le végétal, l’élémentaire, qui se révèle comme la seule réalité, tout le reste des constructions humaines, l’amour en particulier, étant voué à la dérision, à l’absence, à l’indifférence ? Un homme obsédé par le pouvoir du songe, le songe épuisant la réalité, bien plus que la vie même. La Route : la route comme coupure d’avec le réel, la route comme fil du rasoir. La Presqu’île : une route tellement proche du songe et de l’homme qu’elle rend la vie inutile. Le Roi Cophetua : Lieu troublant d’une absence, absence de l’hôte, absence de l’autre, qui rend possible une coïncidence. La servante maîtresse, version nouvelle. Peuplé d’indifférence.
Mémed le mince, YACHAR KEMAL (1955)
La société rurale, féodale. Un rendu du verbe chez les hommes. Mélange incroyable de soumission fataliste et de passion. Tout ce qui est de l’ordre du discours, vraiment très spécial. Tout ce qui apparaît des relations entre les gens. Tout cela sur une grille de conventions verbales et gestuelles très dépaysante. Valeur exotique de ce récit, dans un pays encore analphabète où la parole est d’or, où les paroles sont les personnes. On est dans une région minuscule, alors que la lecture du livre donne l'impression de parcourir des espaces immenses, à la façon d'un explorateur parti à l'aventure. Récit symbolique : Mémed fait lever un nouvel ordre de justice, mais doit perdre sa femme Hatché et son fils pour rester lui-même. Moralité : rien n’est définitif.
Dormir au soleil, ADOLFO BIOY CASARES (1973)
Etude de l’écart entre les faits et un langage individuel. La réussite de l’auteur est d’arriver à faire sentir au lecteur la distance entre, d’une part, le monde intérieur d’un homme, la construction mentale de ce monde, l’organisation et l’agencement de ses éléments et, d’autre part, la description minutieuse d’une réalité objective, évidente à la lecture, et cela, sans jamais sortir du récit à la première personne. Ou : comment un homme parvient à se masquer la réalité. Le pouvoir féminin y est dépeint par quelqu’un qui en a sûrement souffert ou qui en a été un témoin proche. Lapsus d’Adriana Maria, qui dit « arbre gynécologique » pour « généalogique ». Une maison sans femmes (Aldini). La psychiatrie. Une intrigue qui tient debout, et qui plus est, passionnante variation sur le thème de la métempsychose.
Littérature, merci.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, société, pa kin, ba jin, julien gracq, yachar kemal, adolfo bioy casares, dormir au soleil, famille, mémed le mince, la presqu'île