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lundi, 15 juin 2020

BRICOLAGE

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« Où, teignant tout à coup les bleuités, délires

Et rhythmes lents sous les rutilements du jour,

Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,

Fermentent les rousseurs amères de l'amour.»

A.R.

dimanche, 23 septembre 2018

ÉTAIN

MON ART CONTEMPORAIN

Faites couler de l'étain fondu dans une casserole d'eau portée à température.

Observez le résultat.

C'est cuit.

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« Ithyphalliques et pioupiesques,

Leurs insultes l'ont dépravé ;

A la vesprée ils font des fresques

Ithyphalliques et pioupiesques ;

Ô flots abracadabrantesques,

Prenez mon cœur, qu'il soit sauvé !

Ithyphalliques et pioupiesques,

Leurs insultes l'ont dépravé. »

mardi, 13 octobre 2015

LES ÂNERIES DE TISSERON

 

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Nous sommes en compagnie de M. Serge Tisseron, psychanalyste qui, dans les colonnes du Monde, étrille les « intellectuels » en leur reprochant de n'être plus d'aucun poids pour influer sur l'époque.

2/2 

Comment le monsieur voit-il les choses ? A sa façon. Et ça vaut le coup de le citer en longueur : « Or le monde a changé. Il n’est justement plus binaire, il est devenu multiple, et fondamentalement instable. Ce ne sont plus seulement les idéologies qui se succèdent à un rythme accéléré, ce sont les situations économiques, politiques et militaires. Les idéologies suivent, s’adaptent, se métissent. Ce ne sont plus elles, et les intellectuels qui prétendent en être les garants, qui impulsent les actions. Aujourd’hui, l’extrême fragmentation des rapports de force entre entité politique ou idéologique rend impossible la délimitation d’affrontements entre des forces clairement identifiées et circonscrites ».

Si vous pouvez tirer une vision claire de ce joyeux mélange de clichés, faites-moi signe. J’apprécie particulièrement ces idéologies qui "se succèdent", "s’adaptent" et, surtout, "se métissent". Je pose la question : qu'est-ce qu'une idéologie métissée ? Et je passe sur la faute de français (« rapports de force entre entité » : quand quelque chose est "entre", ce qui suit est au moins deux, comme le montre l’occurrence suivante dans la citation), qui révèle au moins, disons ... un flou notionnel. 

Il évoque ensuite les « progrès technologiques qui évoluent à une vitesse exponentielle » (Tisseron aime tant le mot "exponentiel" qu'il le répète deux paragraphes plus loin). Est-ce la numérisation de tout, l’informatisation et la robotisation galopantes qu’il a en tête ? Il faudrait alors commencer par démontrer que ce sont des progrès, ce qui n'est pas sûr du tout.

De plus, affirmer que les progrès technologiques avancent à une vitesse exponentielle est une bêtise et un abus de langage : l'apparente évolution actuelle découle de l'exploitation tous azimuts et de l'application aux domaines les plus divers d'une innovation décisive (numérisation, puis robotisation). Quant à la « vitesse exponentielle », s’agissant du monde tel qu’il va, j’ai un peu de mal à l’envisager. Je vois surtout un bolide lancé à toute allure sur l’autoroute, de nuit et dans le brouillard. Mais ça ne l’inquiète pas : il est au spectacle. Dans le brouillard ! Trop fort, Serge Tisseron !

La preuve, c’est qu’il ajoute ensuite : « L’atomisation des rapports de force et le métissage des idéologies [encore lui !] sont d’abord à considérer comme un effet des bouleversements technologiques, de leur intrication croissante, et des nouveaux paysages économiques et politiques qui en découlent ». J’ai l’impression que Tisseron est installé dans son laboratoire et que, de là, il regarde le monde comme une gigantesque éprouvette dans laquelle est en train de se faire une expérience inédite, mais passionnante. Il est impatient d’en observer le résultat, tout en avouant dans le même temps qu'il ne comprend rien à ce qui est en train de se passer. A se demander s'il en pense quelque chose.

Puis il reproche à Régis Debray d’oublier dans le débat actuel une phrase qu’il a écrite, une des rares qui aient retenu sa considération : « … nous finissons toujours par avoir l’idéologie de nos technologies », et de : « … ne voir aucune idéologie de remplacement à celles que les naufrages du XX° siècle ont englouties, aucune nouvelle "religion" ne pointant son nez à l’aube du XXI° siècle ». D’abord, pour ce qui est de la religion, je ne sais pas ce qu’il lui faut : d’accord, l’islam n’est pas vraiment nouveau, mais l'élan conquérant qui l’anime actuellement est pour le coup une vraie nouveauté. 

Ensuite, je dirai juste qu'en matière d'idéologie de remplacement, l'humanité actuelle est servie : que faut-il à Serge Tisseron pour qu'il ne voie pas que la course en avant effrénée de la technique est en soi un idéologie ? Je rappelle que le propre d'une idéologie se reconnaît d'abord à ce qu'elle refuse de se reconnaître comme telle, ce qui est bien le cas du discours des fanatiques de l'innovation technologique. Et les « transhumanistes » (adeptes de la fusion homme-machine) vont jusqu'à ériger cette idéologie en utopie.

Quant aux idéologies du 20ème siècle (grosso modo communisme et nazisme, ajoutées aux grandes religions monothéistes), héritières des utopies du 19ème, il omet de préciser qu’elles contenaient et proposaient de grands projets pour l’humanité. Or l’humanité actuelle semble bel et bien avoir abandonné tout effort pour élaborer un quelconque projet lui dessinant un avenir. Pas forcément un mal, vu les catastrophes qui en ont découlé dans le passé. Mais pour laisser place à quoi ? Au libre affrontement des forces en présence.

Où prendrait place un tel projet, sur une planète qui est un champ de bataille autour des ressources ; un champ de bataille qui voit s'affronter des nations prises dans une compétition généralisée, sorte de « guerre de tous contre tous » ? Quand l'heure est à la lutte pour la conquête ou pour la survie, rien d'autre ne compte que le temps présent. Le temps de l'appétit ou de l'angoisse (manger pour ne pas être mangé). Et vous n'avez pas le choix. Comme dit Jorge Luis Borges, je ne sais plus dans laquelle de ses nouvelles : « Il faut subir ce qu'on ne peut empêcher ».

La seule idéologie, la seule religion si l’on veut, qui continue à faire luire à l’horizon une lueur d’espoir dans la nuit de l’humanité, c’est précisément la foi dans les technologies : « … la génomique, la robotique, la recherche en intelligence artificielle et les nanotechnologies ». Je crois quant à moi que les adeptes de cette religion sont des fous furieux, qui ne font qu'accélérer la course à l'abîme.

Mais Tisseron se garde bien de dire ce qu’il en pense. Que pense-t-il des théoriciens du « transhumanisme » et de leurs partisans, qui s’agitent fiévreusement quelque part dans la Silicon valley, en vue de l'avènement de l'homme programmable ? On ne le saura pas : l’auteur réserve pour une autre occasion l’expression de son jugement. 

« Car le monde est en train d’échapper aux intellectuels de l’ancien monde », affirme fièrement l’auteur de l’article. L’objection que je ferai à Serge Tisseron sera globale : à quel haut responsable politique, à quel grand scientifique, à quelle grande conscience morale le monde actuel n’est-il pas en train d’échapper ? Tout le monde, à commencer par les décideurs, a « perdu toute prise sur notre époque » (cf. titre). Le temps est fini des grands arrangements entre puissances. Plus personne ne sait quelle créature va sortir du chaudron magique, en fin de cuisson.

Pas besoin d’être un « intellectuel », qu’il soit de l’ancien ou du nouveau monde. Car ce qui apparaît de façon de plus en plus flagrante, c’est que plus personne n’est en mesure de comprendre le monde tel qu’il est. Le monde est en train d’échapper à tout contrôle. D’échapper à l’humanité. Ce que Serge Tisseron n’a peut-être pas très envie de regarder en face. La planète semble aujourd’hui, plus que jamais auparavant, un bateau ivre. 

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Le bateau ivre d'Arthur Rimbaud, vu par le grand Aristidès (Othon Frédéric Wilfried), dit Fred.

Serge Tisseron se trompe de cible. Cet intellectuel a donc perdu une bonne occasion de la boucler. 

Voilà ce que je dis, moi.

mercredi, 05 septembre 2012

DU NEUF ET DES NOUVELLES

Pensée du jour : « On dit que la Terre est ronde. Mais c'est une plaisanterie. Il n'y a d'ailleurs qu'à la regarder. Elle est toute couverte de bosses, de cicatrices, de gros furoncles, toute mal cuite et toute mal fichue ; ravinée de crevasses, de rides, de creux, de sillons, percée de trous comme un gruyère.  Des trous pleins d'eau. C'est ce qui permet de prendre des vacances. Si la Terre était ronde il n'y aurait pas de vacances ».

 

ALEXANDRE VIALATTE

 

 

 

Je lis dans le journal : « Hollande passe à la vitesse supérieure ». Voilà une bonne nouvelle. Bercé par l'allégresse, pour ne pas dire l'alacrité coruscante du message, tout d’un coup, voilà que me reviennent en mémoire quelques vers d’ARTHUR RIMBAUD :

 

« Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides

Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ».

 

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PAIX DES PÂTIS SEMÉS D'ANIMAUX

 

A croire qu’un autre HOLLANDE  était passé « à la vitesse supérieure » à l’époque d’ARTHUR. En apprenant cela, en effet, le viscère se détend ; le trait du visage gagne en plénitude ; l'orteil s'ouvre en éventail ; l'épiderme se déride ; la narine inhale un azur parfumé ; l’oreille jouit d'ouïr gazouiller l'onde pure ; l'esprit accède à la musique des sphères. C’est la félicité. C'est la rentrée. FRANÇOIS HOLLANDE passe à la vitesse supérieure.

 

*

 

La mort de MARION COTILLARD dans le dernier Batman met l’internet en joie : on ne compte plus les vidéos (plus ou moins réussies) postées sur Youtube, où des facétieux imitent l’actrice au moment où elle dit quelques mots avant de fermer les yeux en baissant brusquement la tête sur le côté.

 

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Quelle idée, en mourant, de fermer les yeux en baissant la tête sur le côté, aussi ! Je l’ai toujours fortement déconseillé. Je conseille quant à moi de "ne pas mourir du tout" (GEORGES BRASSENS, Funérailles d'antan). Mais on ne m’écoute pas.

 

*

 

Le collectif "Libération Animale" a manifesté le 1er septembre pour interpeller citoyens et élus : « Comme l’esclavage humain a été aboli [où ont-ils pris ça ? Ils rêvent, ma parole], l’esclavage animal doit aussi être aboli ». Pour cela, rejoignez l'ange ailé élu ci-contre.littérature,alexandre vialatte,poésie,françois hollande,arthur rimbaud,politique,parti socialiste,sonnet des voyelles,rentrée scolaire,marion cotillard,batman,libération animale,témoins de jéhovah,johnny halliday,bronzage,jeux paralympiques,handicapé,boson de higgs,cern

 

 

 

Un « mouvement généreux [on croit rêver] » doit faire « évoluer les consciences », et faire passer l’humanité « d’une société spéciste à une société antispéciste ». On ne se doute pas des ravages du spécisme, insecte récemment importé d'Uranus ou d'Alpha du Centaure. A ne pas confondre avec le charmant lépisme. Il n'empêche qu'il convient de libérer aussi le lépisme.littérature,alexandre vialatte,poésie,françois hollande,arthur rimbaud,politique,parti socialiste,sonnet des voyelles,rentrée scolaire,marion cotillard,batman,libération animale,témoins de jéhovah,johnny halliday,bronzage,jeux paralympiques,handicapé,boson de higgs,cern Comment ? Ce n'est pas mon problème.

 

 

 

On passe à côté de distractions décisives. J'admire le combat des vertueux et trop rares antispécistes contre les hideux spécistes. Je n’ai pas vu les manifestants, mais je ne saurais les imaginer autrement que portant sur la figure les signes de l’appétit de vivre, de l’épanouissement et de la gaieté débridée qu’on peut observer sur le visage longiligne et sérieux d’un Témoin de Jéhovah. Qu'on se le dise, si le Témoin de Jéhovah (il n'est pas le seul, hélas) veut réformer l'espèce humaine, c'est pour son BIEN. "Son", c'est bien sûr celui de sa secte.

 

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LÀ, C'EST A LVOV

 

Mes aïeux m'ont légué dans leurs gènes l'allergie à l'anti-spécisme, aux Témoins de Jéhovah et à tous les améliorateurs de l'espèce humaine. L'espèce humaine est largement surestimée, en général, j'en suis d'accord, mais j'y tiens. Telle qu'elle est. Avec ses monstrueux défauts, elle me suffit, n'allons pas lui en rajouter. Merci d'avance à tous ceux qui renonceront à Satan, à ses pompes, aux Témoins de Jéhovah et aux libérateurs des animaux.

 

*

 

JOHNNY HALLIDAY est passé de l’hôpital de Pointe-à-Pitre à celui de Fort de France, avant un gagner une clinique américaine.

 

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AUTOPORTRAIT RECENT DE JOHNNY HALLIDAY

 

Une idée du dernier chic à suggérer aux tour-opérateurs : plutôt que quelque temple grec et autre antiquité, proposez un panorama complet des temples modernes de l’efficience médicale. Succès assuré.

 

 

Tout ça pour une « vieille bronchite » mal soignée ! N'empêche qu'il a fallu aller la récupérer, la vedette, quand ça lui a pris de faire quelques brasses dans la mer. Le fan s'inquiète. Il y a peut-être de quoi.

 

*

 

Les méfaits du soleil commencent à être bien connus. On le vérifie une fois de plus dans le 13ème arrondissement de Paris. Est-ce un réglage excessif des appareils ? Un étui à lunettes négligemment abandonné sur une lampe à bronzer ? Toujours est-il qu’on a retrouvé le corps sans vie d’un habitué, une fois le salon dévasté par l’incendie.

 

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DESOLE, JE N'AI PAS LE SALON DE BRONZAGE,

ON SE CONTENTERA DE L'ABATTOIR DE CORBAS EN PLEINE ACTION

 

*

 

Un handicapé au moins ne participait pas aux Jeux Paralympiques : à 52 ans, il a été retrouvé chez lui lardé d’une dizaine de coups de couteaux. Le parquet de Grenoble exclut l’hypothèse du suicide. Il me vient à l'esprit qu'il est sans doute raisonnable de considérer qu'il n'a pas complètement tort.

 

*

 

En dernier lieu, je porte à la connaissance du public que, après la découverte du boson de HIGGS (aussi nommé "particule de Dieu"), au CERN, vous savez, le circuit automobile souterrain à cheval sur la frontière franco-suisse (réservé aux véhicules ultra-luminiques), j'ai eu le bonheur de mettre au jour la première bosonne. Il fallait bien une nouvelle Eve pour tenir compagnie à ce nouvel Adam. Il y a fort à parier qu'il ne va pas s'ennuyer, le lascar.  

 

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ELLE S'APPELLE PENNY HIGGS.

APPAREMMENT, ELLE A PLUSIEURS BOSONS A SON ARC,

VU LA FAÇON QU'ELLE A DE LE BANDER (SON ARC)

 

Il paraît que la particule appelée boson est celle qui donne de la masse à toutes les autres. Partant de ce principe simple et on ne peut plus sain, personnellement, je ne demande pas mieux que les autorités sanitaires me déclarent carrément "à la masse".

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

vendredi, 24 août 2012

LA METHODE VIALATTE 3/5

Pensée du jour : « Tout y est dans le ton, dans le timbre, dans l'accent. C'est une immense leçon de style. Il n'est que style. Mais cherchez-y le style et vous ne l'y trouverez pas. C'est un serviteur invisible. Il a dressé la table, allumé les lumières, ordonné les fleurs dans les vases. Il est parti, ne nous laissant que la fête. Elle tient toute dans un éclairage. Le style est une fête donnée par un absent ».

 

Alexandre Vialatte, parlant de Jacques Chardonne (la  formule magique est soulignée par moi). 

 

***

 

Résumé : les livres, c’est comme les voyages. Certains écrivent des sommes écrasantes comme des systèmes solaires. D’autres se contentent de musarder au gré des chemins creux. Le véritable dilettante (c'est celui qui aime avant tout se délecter, comme son nom l'indique) est capable de bouleverser son programme à cause du son lumineux de la cloche qu’il vient d’entendre au loin, alors que la nuit va tomber. 

 

Je dirai, pour introduire mon introduction (je ne veux pas fixer de date pour la conclusion, parce que, finalement, tant qu’on est en vie, on ne se croit jamais arrivé à la conclusion), que la digression est la vie, parce que la vie, à tout prendre, est une plus ou moins longue digression entre deux points d’une histoire qui la dépasse par tous les bouts.

 

Finalement, combien de gens arrivés à l’article de la mort ont l’impression de n’avoir pas vraiment achevé l'introduction, encore moins ébauché le développement ? Tout au moins de ne pas les avoir écrits comme ils auraient voulu, rétrospectivement ? Et qui voudraient tout réécrire ? Combien de paragraphes de leur vie voudraient-ils corriger ? Combien de phrases à supprimer ? Combien de vocables à mieux choisir ? 

 

Dans le fond, chacun de nous n’est-il pas, en soi, une digression ? Une digression qui se déroule à son insu et qui ne se voit dans son entier (et encore, par temps clair : il faut au moins qu’on puisse voir le Mont Blanc depuis le Gros-Caillou, 154 km exactement en ligne droite, j'ai mesuré, moi-même en personne) qu’au moment où elle s’achève ?

 

C’est pourquoi, en attendant que se referme sur moi-même la parenthèse ouverte depuis lurette par l’homme et la femme qui m’ont occasionné, je ballotte aujourd’hui avec une sérénité somme toute appréciable au gré de mon petit cours d'eau, en me cramponnant à ma coquille de noix : « La tempête a béni mes éveils maritimes. Plus léger qu’un bouchon, j’ai dansé sur les flots Qu’on appelle rouleurs éternels de victimes, Dix nuits, sans regretter l’œil niais des falots ». Ceci pour dire que s’il y a errance, c'est le bateau qui est ivre. Je me sens accompagné par quelque autorité en la matière. Cette compagnie me tient. 

 

Je ne sais pas si mon rafiot avance dans le courant principal, ou si, rejeté sur le côté du fleuve, paralysé par divers courants et tourbillons, je ne finirai pas comme les conquistadors montés sur l’un des radeaux d’Aguirre (Klaus Kinski), dans le sublime film de Werner Herzog, Aguirre, la colère de Dieu (1972).

 

La digression, c’est la vie : « Va petit mousse, Où le vent te pousse, Où te portent les flots. Sur ton navire, Vogue ou chavire, Vogue ou chavire jusqu’au fond des flots » (Planquette, Les Cloches de Corneville). Louis-Ferdinand Céline aimait cette opérette. 

 

Vous voulez en trouver une preuve en vous-même ? Par vous-même ? Souvenez-vous juste du moindre de vos repas entre copains ou en famille : à table, on cause, non ? Au bout d’une demi-heure, quelqu’un s’avise de se demander d’où on est parti.

 

Vous vous rappelez forcément ces moments : vous êtes partis du président Fallières (supposons), et vous en êtes arrivés au tigre du Bengale (ou à la pomme de Newton), après être passés par vos dernières vacances au camping de Sisteron, la folie de Khadafi, les « allées couvertes » du Cap Sizun, le prix du carburant, l’irruption de loups des Abruzzes dans le parc du Mercantour et l’invention de Lucy par Yves Coppens en 1974, au son d'une chanson des Beatles. Peut-être même l'entrée de René Caillé à Tombouctou le 20 avril 1828, qui vaut celle d'Alexandra David-Néel à Lhassa, le 28 janvier 1924. Presque cent ans plus tard. C'est normal, c'est une femme, et on est au 20 ème siècle.

 

Vous vous dites que vous tenez, dans ces errances conviviales, un compendium de l’histoire humaine, que je résumerai par une seule question : « Comment en est-on arrivé là ? ». C’est sûr, une conversation de table résume à chaque fois, à sa manière, l’histoire de l’humanité. Pour peu qu’on insiste un peu. Qu’on sache remonter au point de départ (pour Vialatte, le point de départ, c'est forcément « la plus haute antiquité »). Qu'on ait le souci de retourner dans les détails de la chose.

 

Que voulez-vous ? L’homme, dans sa caverne comme devant son poste, en a une vive conscience. Il aime à se demander comment il en est arrivé là. Et il tente laborieusement de reconstituer la trajectoire sinueuse, le cheminement biscornu observable depuis qu’il est parti. Parfois. Pas toujours. Parions que cette tentative de reconstitution est à l’origine de la littérature. Mais ne nous laissons pas impressionner par les plus lourds que l’air.

 

J’entends à l'instant dans mon casque une interpellation vibrante : « Bon alors, blogueur à rallonge, ta "méthode Vialatte", elle va finir par arriver, ou il faut aller la chercher ? », (je cite textuellement, bien sûr, je ne me permettrais pas, pensez). Sache, lecteur pressé d’arriver au bout (au bout de quoi, je le demande ?), que le fleuve, dans ses méandres les plus acrobatiques et ses détours les plus sophistiqués, ne perd jamais de vue la mer dans laquelle il jettera tôt ou tard son être tout entier.

 

Mon propos étant intitulé La Méthode Vialatte, j’ose affirmer que ce n’est pas pour rien, et que je n’ai garde de l’oublier. C’est pour demain, la révélation. Je le jure. A moins que … une digression se présente. De toute façon, Alfred de Musset l’a dit : Il ne faut jurer de rien (1836). J'obtempère : je jure donc de ne jurer de rien.

 

Voilà ce que je dis, moi.

mercredi, 04 janvier 2012

QUI VEUT SAUVER RENE MAGRITTE ?

Résumé : je continue et persiste à dire du mal de MAGRITTE. 

 

La lourdeur de MAGRITTE vient de ce qu’il veut péter plus haut que son cul, en prétendant insuffler du SENS. Il veut faire croire que ses facéties picturales sont la quintessence de l’art. Ce faisant, il procède comme tous ceux qui, en s’appuyant sur les techniques les plus modernes, prétendent imiter dans des objets fabriqués les structures biologiques du cerveau vivant, de l’A. D. N. ou de je ne sais trop quoi : à l’arrivée, ça donne quelque chose de pauvre, que dis-je, d’infirme, voire de peu humain. En plus, c’est tellement simple que c’en est aride comme le Kalahari. 

 

Somme toute, la peinture de RENÉ MAGRITTE est la peinture THEORIQUE d’un peintre INTELLECTUEL. Comme le dit le même « docte » déjà cité auparavant : « L’œuvre de Magritte est certainement l’un des rares exemples de peinture intellectuelle de notre époque ». Tu l’as dit, bouffi ! Autrement dit, qu’on se le dise, nous voici devant de la « peinture à message ». C’est didactique, et chiant comme tout ce qui est didactique. 

 

Le bouffi en question met sur le même plan RENÉ MAGRITTE et MAX ERNST. Il faut l'être jusqu'à la moelle, bouffi, pour confondre un fabricant de gags picturaux et un artiste véritable qui offre à voir un monde dont, la plupart du temps, il ne donne pas la clé (je pense à ses séries de collages La Femme 100 têtes et Une Semaine de bonté, mais aussi aux Jardins gobe-avions, et à tant d’autres). C’est bête, mais avec MAGRITTE, on arrive tout de suite au but. Regardez plutôt ce Jardin gobe-avions :

 

Et dans le genre « gag » visuel, un type comme ROLAND TOPOR pète infiniment plus haut, plus loin et plus profond que cet intello de salon. Chez TOPOR, un seul truc reste insupportable : son rire. Moins horripilant depuis qu’il est mort (mais il y a Youtube). Tout le reste est rigoureusement impeccable, même quand il se met à quatre pattes pour faire le tour du plateau de télé en gruïkant comme un cochon qu’on assassine. Je recommande en particulier la série de dessins dont il a illustré l’édition des Œuvres Complètes de MARCEL AYMÉ.

 

Un dernier truc qui ne me revient pas, chez RENÉ MAGRITTE, mais alors pas du tout. Il fait partie de la cohorte surréaliste, et ça c’est impardonnable, et pour une raison très précise. ANDRÉ BRETON, le pape de cette secte devenue une religion, considérait ARTHUR RIMBAUD comme « coupable devant nous d’avoir permis, de ne pas avoir rendu tout à fait impossibles certaines interprétations déshonorantes de sa pensée, genre Claudel » (Second Manifeste du Surréalisme). 

 

Eh bien, franchement, on serait en droit d’accuser BRETON du même chef. Car à force de fouiller dans le subconscient, à force de déterrer de la « beauté convulsive » dans les tréfonds de l'âme humaine, à force d'en appeler aux ressources freudiennes de l'inconscient, le surréalisme a ouvert à la PUBLICITÉ une autoroute. Le minerai précieux de l'imagination enfouie a été amené à la lumière, et la PUBLICITÉ s'est ruée sur le magot, et s'en est servie comme d'un cheval de Troie pour envahir en retour les tréfonds de l'âme humaine avec de la MARCHANDISE sublimée par la métaphore plus ou moins poétique. 

 

Sans même parler de ce qu’il y a d’absolument ahurissant dans le reproche adressé à RIMBAUD par ANDRE BRETON, sans même parler de SALVADOR DALI, alias Avida Dollars (comme disait A. B. en personne), le surréalisme des peintres est devenu le principal PROXENETE PUBLICITAIRE.  

 

MAGRITTE est l'archétype du fournisseur de la filière prostitutionnelle qui exploite les pauvres PUTAINS de l'imagination, sous le couvert même de la liberté. Il a apporté à la PUBLICITE l'aliment idéal de la putasserie, qui peut se formuler ainsi : « Tout est dans tout, et réciproquement ». 

 

RENÉ MAGRITTE, que ce soit comme surréaliste ou comme fabricant de gags visuels, est de ceux qui ont fourni en chair fraîche les « créatifs » de toutes les agences de publicité, à commencer par l'idée d' « images à idées ». Je me souviens d’une publicité pour les appareils Hi-Fi pour automobile Pioneer, réalisée de main de maître, montrant une très belle voiture en forme de violon, pour bien convaincre que la voiture, grâce à Pioneer, était devenue musique. C'était du MAGRITTE tout craché. 

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ANDRÉ BRETON ne tresse-t-il pas des couronnes de laurier à MAGRITTE ? « Il a abordé la peinture dans l’esprit des "leçons de choses" et sous cet angle a instruit le procès de l’image visuelle dont il s’est plu à souligner les défaillances et à marquer le caractère dépendant des figures de langage et de pensée. Entreprise unique, de toute rigueur, aux confins du physique et du mental, mettant en jeu toutes les ressources d’un esprit assez exigeant pour concevoir chaque tableau comme le lieu de résolution d’un problème. » Si je m’appelais ANDRÉ BRETON, je m’enlèverais les mots de la bouche.

 

Dire que j’ai trouvé fréquentable un type comme ça ! Enfin, à chacun ses erreurs de jeunesse ! Je ne lui concède qu’une seule vertu : ANDRE BRETON écrit dans un français d’un classicisme irréprochable. Pour le reste, il y a du LENINE dans les oukases de cet homme. Dire toutes ces belles paroles pour finir sur des affiches 4 x 3, le long des routes, quel avilissement !

 

Et je passe sur les élucubrations philosophico-machines de MICHEL FOUCAULT : « Magritte noue les signes verbaux et les éléments plastiques, mais sans se donner le préalable d’une isotopie ; et tralala… ». C’est sûr, il devait être bien défoncé, le MIMI. N'empêche que "isotopie", fallait y penser. Voyez, on n'en sort pas, du gag. 

 

Et je passe sur les divagations délirantes de RENÉ MAGRITTE lui-même, où il attribue aux choses un autre nom, appelant une « feuille » (d’arbre) un « canon ». Ou pas de nom du tout, comme cette barque qui vogue sur la mer. Le fait que ça se passait en 1929 (La Révolution surréaliste n° 12) peut-il constituer une excuse ? Une circonstance exténuante ? Un délit de non-assistance à personne engrangée ? Un cas non répertorié de grippe aviaire ?

 

Pour conclure, une petite charge sabre au clair contre l’ « art conceptuel ». Vous voyez déjà le lien, non ? Je sais bien que MARCEL DUCHAMP est considéré comme le grand ancêtre, avec ses ready-mades et quasi-ready-mades (hérisson porte-bouteille, urinoir transformé en « fontaine », trois « stoppages-étalons », etc.), mais MAGRITTE arrive pas loin derrière.

 

 

D'ailleurs, des artistes encore vivants ont réglé son compte à DUCHAMP. Ils s'appellent GILLES AILLAUD, EDUARDO ARROYO et ANTONIO RECALCATI. Et leur oeuvre (anecdotique, disons-le) s'intitule Vivre et laisser mourir ou La Fin tragique de Marcel Duchamp. Cela date de 1965. Certains ont appelé cela « réhabilitation du figuratif » ou postmodernité. Quand il n'y a plus de concept, il en vient encore.

 

Mentionnons tout de même ce magnifique cadre doré digne des salons de la grande bourgeoisie, où FRANCIS PICABIA avait, je crois que c’était en 1919, à l’occasion d’une exposition, suspendu par une ficelle un vrai morceau de macadam noirâtre comme seule et unique « œuvre ». C’était aux beaux jours de Dada.   

 

Il me semble que MAGRITTE est, plus que DUCHAMP, le précurseur de cette cinglerie qui s’appelle « art conceptuel », auquel il prépare le chemin. Pour prendre une comparaison, je dirais que RENÉ MAGRITTE est à l’art conceptuel ce que SAINT JEAN-BAPTISTE fut à JESUS CHRIST. « L’objectif de l’art conceptuel est d’affirmer de façon radicale la prééminence de l’idée, de la conception sur la réalisation. » Ce n’est pas moi qui le dis. 

 

Attendez, c’est pas fini : « De plus, l’œuvre pouvant se réduire à un énoncé, sa matérialisation n’est plus intrinsèque à l’acte artistique ». Si, si, je vous jure, à midi, une tranche de ça entre deux tranches de pain, et je vous garantis que vous n’avez plus faim de toute la journée. Même que JOSEPH KOSUTH l’a dit : « Art as idea as idea ». L'étape suivante, on s'en souvient très bien, c’est l’équation de la relativité générale à résoudre en milieu subaquatique par deux pingouins à lunettes demandant la nationalité daghestanaise en plein blocus continental. 

 

Je continue : « La démarche se veut essentiellement intellectuelle [et toc !], analytique et critique ». Le grand mot est lâché (il faudrait dire le « gros mot » : intellectuel). L’auteur que je cite concède quand même : « Une part de la critique s’est plu à voir dans ce mode d’expression extrémiste, austère, parfois immatériel et paradoxal, souvent ennuyeux, la mort de l’art (…) ». Eh bien écoutez, franchement, parfois, ça fait du bien à entendre. « La mort de l'art ». Et ce n'est même pas moi qui le dis. 

 

Voilà ce que je dis, moi. 

 

Ça suffira pour cette fois.

mercredi, 23 novembre 2011

PROGRES TECHNIQUE ET BATEAU IVRE

J'inscris cette note dans l'aura de l'auréole de SAINT ARTHUR RIMBAUD, comme le laisse suppposer le titre ci-dessus. N'est-il pas, en effet, le poète par excellence de l'ère technique ? De l'enthousiasme industriel ? De la créativité concrète ? Quand VERLAINE lui écrit de Paris : « On vous attend, on vous espère ! », n'est-ce pas parce qu'il a la certitude intime de s'adresser à ce messie technologique rêvé par tout le dix-neuvième siècle, comme le pressent PHILIPPE MURAY dans son XIXème siècle à travers les âges ?

 

 

2

 

Résumé de l’épisode précédent : la technique vient de flanquer une gifle à l’humanité. La situation est tendue.

 

 

Face à la gifle, il y a deux réactions. Soit tu tends la joue gauche, si tu es européen, donc chrétien, soit tu lui envoies un bon uppercut dans la figure, ce qui implique que tu es resté un « primitif ». A cet égard, les Chinois, les Egyptiens, les Grecs, les Romains, les Mayas, ils sont tous des « primitifs ». Quand l’animal technique se rebiffe et regimbe contre le maître qui le nourrit, le « primitif » commence par bien l’assaisonner à coups de trique, et surtout, il le tient à la niche, avec une laisse courte.

 

 

Alors l’animal technique, empêché de folâtrer à son plaisir et de poser la truffe sur toutes les odeurs prometteuses qui se présentent pour en tirer on ne sait quelle invention, il cesse d’avancer, il se couche au pied de son maître plus fort que lui, et il attend.

 

 

C’est à ce moment-là que la société « primitive » peut prendre toute son ampleur, et exister à fond, avec toute la force et la plénitude des lois qui la font fonctionner. C’est la Chine ancienne et l’incroyable raffinement de ses « lettrés » et de ses porcelaines. C’est les Mayas et l’incroyable raffinement de leur astronomie. C’est le royaume Ashanti et l’incroyable raffinement de son artisanat d’or.

 

 

Cet animal technique rendra les services pour lesquels il a été conçu et fabriqué : point barre ! Et il a pas intérêt à se montrer trop gourmand ou trop curieux, l’animal technique ! Gare à lui s’il lui prend l’envie de pointer l’oreille. Et l’animal technique, là, il se tient coi. Sans doute pour la raison qu’il y a beaucoup de sacré qui flotte dans l’air. La force n’est pas de son côté. Eh oui, il y a le sacré !

 

 

En effet, dans le combat que se livrent le prêtre et l’ingénieur, c’est l’ingénieur qui, chez les « primitifs », baisse le nez, courbe le front et s’incline devant le maître des forces obscures de l’univers. Une sainte horreur saisit l’animal technique quand le sourcil du prêtre s’arque furieusement avant que s’abatte la colère du dieu. L’ingénieur reste un humble serviteur de l’ordre. Tout le monde craint la fin du monde. Et tout le monde a raison.

 

 

Car il faut parler d’ordre, et même d’ordre du monde : tout cela se passe dans un monde – ça nous paraît inimaginable aujourd’hui – HOMOGÈNE, un monde qui A DU SENS. Le monde du « c’est comme ça ». Un monde où personne ne parle d’individu, d’égalité entre les hommes, de liberté humaine. Un monde où chacun a sa place, même le lépreux ; où chacun est à sa place et a intérêt à y rester. Un monde où seule la Nature (ou le Cosmos) est éternelle. Où les hommes admettent qu’ils ne font que passer.

 

 

Dans un monde comme ça, on préfère la permanence à l’innovation. On sait ce qu’on perd, on ne sait pas ce qu’on gagne, dirait le brave Sancho Pança, qui parle par proverbes. La gifle « innovation », c’est même diabolique. Pour une raison très simple : ça modifie les relations entre les gens, ça perturbe le lien social, donc ça fait vaciller l’ordre du monde. Rien de moins. Tout ce qui est inconnu est redouté, parce que redoutable pour tout le monde.

 

 

Il suffit de voir comment les tribus « primitives » se sont elles-mêmes détruites au simple contact des conquistadors, cette nouveauté radicale pour elles, cette gifle. Entre la guerre et la déliquescence interne, leurs chances de sauvegarder leur être organisé sont dès le départ bien minces. N’était-ce pas chez les Sioux Oglalas qu’il suffisait de toucher l’ennemi du bout de je ne sais quel bâton pour que celui-ci soit considéré comme hors de combat ? Bizarrement, les Blancs, avec leurs pétoires ô combien modernes, sont restés imperméables à cette symbolique « primitive ».

 

 

Tout ce qui est nouveau est maudit, parce que ça rompt l’harmonie. C’est pour ça qu’ici et là, les hommes qui considéraient que leur harmonie personnelle était rompue pouvaient se suicider sans sourciller, ce qui effraie et horrifie tant nos sensibilités occidentales. Tout ce qui appartient à cette mentalité est rigoureusement hors de notre compréhension. Une sorte d’ « Alien », quoi. C’est pour ça que l’occidental qui vire bouddhiste ou « primitif » me fait bien marrer. Même RENÉ GUÉNON ou JÉROMINE PASTEUR. L’occidental illuminé par la lumière orientale ou « primitive » n’a aucune chance.

 

 

Dans ce « primitif »-là, qui peut donc être très savant, raffiné et subtil, tout ce qui est nouveau est donc porteur d’une malédiction. Pour tous les peuples du monde, depuis le début. Il faut les comprendre : quelle société peut survivre au chamboulement permanent des points de repère ? N'y a-t-il pas quelque sagesse à concevoir le changement comme une désintégration ? L'innovation comme un cancer ?

 

 

A cet égard, que penser de ce slogan dont on nous rebat les oreilles, dont on nous transperce les tympans, qu'on nous serine à longueur de pages de journaux, dont les émissions de radio et de télévision sont bourrées à craquer ? CHANGEZ ! BOUGEZ ! DEVENEZ ! REMETTEZ-VOUS EN QUESTION ! Et tout ça au prétexte fallacieux que, quand on ne bouge pas, c'est qu'on est mort !

 

 

 

A suivre vaille que vaille ...

 

 

vendredi, 11 novembre 2011

HYMNE A LA POLITIQUE

(FANTAISIE INACTUELLE)

 

Il était une fois, au pays des plaisirs,

Des tables très bien mises et des mille loisirs,

Un roi qui s’ennuyait, qui, pour tromper le temps,

Tel un vibrion fou, bougeait à chaque instant.

 

Tout, en lui, frétillait, bronchait, se démenait,

Tout se contorsionnait, courait, ruait, piaffait.

L’épaule s’agitait, l’œil roulait sur lui-même,

Le corps entier sautait de problème en problème.

 

Oui, tel un étalon ivre de sa puissance,

Il battait la campagne et parcourait la France,

C’était son obsession, son hobby, sa marotte.

Discourant en usine, ou bien dans les popotes,

 

Il haranguait la foule en prêchant la vertu,

Pérorant d’abondance en homme convaincu.

Postillonnant ses vérités catégoriques

 Il était plein d’orgueil, et un brin fanatique.

 

« Quoi ! Nous avons élu ce pitre, ce fantoche ! »,

Se lamentait le peuple, indigné du cinoche

Auquel se complaisait le président français,

Se promettant bientôt, après tant de méfaits

 

Commis en peu de temps par l’odieux personnage,

De le renvoyer paître en ses verts pâturages.

Hélas, trois fois hélas, personne face à lui

Ne semblait en mesure, ou trop peu aguerri,

 

Ou trop peu sérieux, de pouvoir lui contester

Le fauteuil principal, la place de premier.

Une Marine aura le « front » de la briguer,

Forte de l’oncti-on paternelle héritée.

 

Mais peut-on se fi-er, sans traumatisme aucun,

A la main inexperte, aux choix inopportuns,

A la vindicte, aux préférences nationales,

Aux xénophobes, aux replis, aux mercuriales ?

 

Quant à ce triste « Sir », FRANÇOIS quand il lui plaît,

HOLLANDE quand le vent, carrément retourné

Comme un gant de cuir jaune, ou bien comme une couette,

Lui souffle allègrement des airs de girouette,

 

Voulez-vous faire fond sur ses patelinages,

Ses airs de bon élève, à l’œil de racolage ?

Socialiste aujourd’hui mais libéral demain,

Comment faire confiance à ce Français moyen ?

 

Flanby, homme propret, conviendrait à merveille

Pour diriger demain l’école maternelle.

Mais lui confier la France ? Perdîtes-vous l’esprit ?

Reprenez-vous, de grâce, admettez mon avis.

 

Alors voterons-nous pour JEAN-LUC MELENCHON

(Est-il descendant de PATERNE BERRICHON ?*),

Le tribun, l’orateur, le foudre d’éloquence,

Qui jure ses grands dieux de redresser la France ?

 

La redresser ? Quoi donc ? Mais tous, ils y aspirent.

Tous, ils chantent très fort, rêvent de rebâtir

La Nation forte en gueule et riche de jurons.

Qui leur ferait crédit ? Souffleurs de mirlitons !

 

Tous porteurs de postiche ! Et tous vrais arlequins !

Prestidigitateurs flétris ! Tous cabotins !

Ils nous la baillent belle, avec leurs grands serments,

Leurs mots définitifs, leurs mirifiques plans !

 

Pour moi, j’ai dès longtemps délaissé leurs estrades,

Leur grimace à l’air faux et leurs fanfaronnades :

« J’irai chercher Croissance en jouant de mes dents »,

Disait l’autre avorton, ce nouvel Artaban.

 

Electeur déniaisé, crois-en mon expérience,

Si l’un qui veut la place y voit l’unique chance,

Pour lui, enfin, de naître à la seule existence

Valant d’être vécue, vois, c’est sans importance.

 

Avec raison, dis-toi qu’il est bien malheureux,

L’homme qui court sans cesse après le fallacieux.

Qu’il entre dans l’histoire, ou qu’il en soit chassé,

Que t’importe sa course ? Que te chaut sa pensée ?

 

Laisse courir son ambition avec la poudre

Du chemin, vois cette poussière se dissoudre.

Reste chez toi, ferme les yeux sur le spectacle.

Reste bien en repos, nul ne fait des miracles.

 

Dis-toi : « La vie qu’il a choisie n’est pas la mienne ».

Dis-toi qu’il n’y a pas de promesse qui tienne.

Et la prochaine fois qu’à grands coups, la trompette

T’appelle vers une urne qui fait la coquette,

 

Crois-moi, reste chez toi, ou bien va à la pêche.

Il faut aussi te cuirasser contre le prêche.

Pour cela, rien de mieux que le lit conjugal,

Donne et prends du plaisir au degré maximal.

 

Car c’est jusqu’à présent l’un des plus sûrs moyens,

Sans vouloir être un poids pour ses contemporains,

D’accéder au bonheur simple d’être vivant.

En attendant la mort, profitons du bon temps.

 

 

* PATERNE BERRICHON fut le beau-frère et l'éditeur d'ARTHUR RIMBAUD.

 

 

NOTE À BENNE : en ce 11 novembre, ayons une pensée pour les victimes du génocide européen de 1914-1918. Vous pouvez faire un petit détour par les articles que je leur ai consacrés en 2007 sur mon blog KONTREPWAZON. Vous cliquerez sur la catégorie Monuments aux morts (colonne de gauche).

 

 

On peut aussi s'arrêter dans les villages, pour voir le nombre de noms de la même famille qui sont gravés sur le flanc ou sur la face du monument. Il y eut, en tout et pour tout, dix-sept communes qui n'eurent pas à graver les noms des garçons du patelin sur le monument aux morts. Ils n'érigèrent même aucun monument. Parce qu'aucun garçon, ou bien ne fut appelé, ou bien ne fut tué.

 

 

Certains grands généraux français firent pilonner la tranchée française de première ligne, pour obliger les poilus à attaquer. Il leur suffisait de donner l'ordre à l'artillerie (française) de raccourcir ses tirs. Ce sont autant de CRIMES DE GUERRE. 

 

 

Le souvenir de ces criminels qui ne furent jamais jugés me fait irrésistiblement penser aux grands généraux européens qui, en cet instant même, dirigent les opérations, dans la guerre qui se mène aujourd'hui contre l'Europe. Ils sont en train d'ajuster les tirs de l'artillerie financière sur les tranchées où se sont réfugiés les peuples. 

 

 

Quel avenir pour les peuples européens ? Jugera-t-on les criminels ?

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

 

 

jeudi, 10 novembre 2011

L'EUROPE EST UNE SALOPE (1)

0 – L’EUROPE TELLE QU’ON LA RÊVAIT

 

 

ARTHUR RIMBAUD cite deux fois l’Europe dans un poème que j’ai su par cœur, il fut un temps (oui, les vingt-cinq strophes, parfaitement !) :

 

« Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues

Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,

Fileur éternel des immobilités bleues,

Je regrette l’Europe aux anciens parapets ! »

(vers 81 à 84)

 

« Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache

Noire et froide où vers le crépuscule embaumé

Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche

Un bateau frêle comme un papillon de mai. »

(vers 93 à 96)

 

Mesdames et Messieurs, avant de poursuivre notre cahotant chemin, nous allons observer une minute de silence et nous incliner avec immense respect et profonde affection devant l’évocation de ce chef d’œuvre.

 

 

La pendule compte jusqu’à soixante.

 

 

A présent, reprenons.

 

 

1 – L’EUROPE, MAIS PAS LES PEUPLES

 

 

Jusqu’où il faut remonter pour y être, à la source des saloperies qu’on nous déverse dessus depuis quelque temps ? A la fin de la guerre ? Au Traité de Rome ? Au couple HELMUT KOHL / FRANÇOIS MITTERRAND ? Est-ce que c’est le bon, le digne, le traître JACQUES DELORS qu’il faut couvrir de nos excréments les plus frais ? Est-ce que c’est toute la bureaucratie bruxelloise qu’il faut brûler ? Ceux qu’on appelle les « eurocrates » ? 

 

 

Pour crier dans les rues : « MITTERRAND salaud ! Le peuple aura ta peau ! », c’est trop tard, toute la peau est déjà partie. Ce n’est pas un mal d’ailleurs, même si je sais que ça me viendra aussi, les vers, et que je ne trouve pas ça désopilant. Pourquoi ai-je voté oui à Maastricht, aussi ? C’est là qu’on aurait pu faire quelque chose, peut-être ? Même ça, ce n’est pas sûr. Mais Maastricht, c’est malgré tout un bon point de repère.

 

 

Déjà et d’une, c’est Maastricht qui nous a fait la monnaie unique. Si j’ai bien compris, hein ! Parce que pour comprendre le sac de nœuds, on a intérêt à se lever avant le jour et à faire provision d’aspirine. Et même là, il faudrait un traducteur.

 

 

Tiens, regardez ça ! Oui, oui, je l’ai gardé mon exemplaire. Je ne l’ai pas jeté dans la cheminée. Bon, c’est vrai, je n’ai pas de cheminée. Mais à la limite, c’est dommage : ça m’aurait peut-être fait plaisir de le voir brûler. Quoi ? Mais le « Traité », voyons : Traité établissant une Constitution de l’Europe, exactement. Pendant un mois avant le vote, je m’étais baladé avec le rectangle en plastique rouge d’ATTAC au revers de ma veste. Pour ce que ça a servi, de voter non.

 

 

Les Irlandais, ils ont été obligés de manger leur chapeau électoral. Il faut les comprendre : vous vous voyez aller au bureau de vote tous les dimanches quand il fait grand soleil et que les poissons vous attendent dans le petit étang sympa de Saint Quentin ? Autant vous en débarrasser une bonne fois. Et les Danois, combien de fois ils avaient voté, avant de… de quoi, au fait ? N’est-ce pas trois fois, qu’on les avait obligés ?

 

 

Vous voyez, on oublie même les fois où on nous a demandé notre avis. Ça veut sans doute dire une chose : mon avis, il a autant de valeur que la queue de ce vairon perdu dans la friture que Jeannot vient de me servir. Vas-y, Jeannot, comme disait GUY BEDOS ! La preuve, c'est que NICOLAS SARKOZY ne s'est pas gêné pour passer par-dessus le NON au référendum et l'avis de la majorité des Français et faire adopter Lisbonne aux béni-oui-oui de la chambre des députés. Je me dis que la démocratie représentative en est une autre, de belle saloperie.

 

 

2 – LE CHAR D’ASSAUT DES TEXTES

 

 

Donc le « Traité constitutionnel », vous vous souvenez ? Cent quatre-vingt-onze pages sur papier bible. Quatre-vingt-sept, rien que pour le Traité proprement dit. Quatre cent quarante-huit articles musclés, en pleine forme, surentraînés, pleins de jus, et prêts à vous expédier au tapis au début du premier round, l’arrêt de l’arbitre faisant foi.

 

 

Et des articles que je peux comprendre au premier coup d’œil, il n’y en a pas beaucoup. Par exemple : « Le présent traité est conclu pour une durée illimitée » (c’est l’article IV – 446). Ça, ça va. Il y en a quelques autres, mais à vue de nez, ça fait 0,5 % du total. Pour les 99,5 % restants, vous avez bien un petit meuble à caler, non ?

 

 

Parce que moi, pour citer l’académicien, le si élégant et mondain JEAN D’ORMESSON : « Ce patagon, j’y entrave que pouic ! ». J’aime bien citer JEAN D’ORMESSON. Ce que j’aime avec lui c’est qu’on est bien servi et qu’on est sûr de la qualité de la viande … euh non, de la langue. Toujours cette maudite langue qui fourche !

 

 

Quoi qu’il en soit, une langue riche en saveurs populaires, si proche des gens, si pure de toute sophistication maniérée, si éloignée de toute afféterie salonnarde, si dénuée de tout gongorisme mignard, si châtiée de tout byzantinisme esthétisant, que c’en est un vach’te plaisir.

 

 

Pour revenir au « Traité », prenez l’article II – 68, qui traite de la « protection des données à caractère personnel ».

 

1. Toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel le concernant.

 

2. Ces données doivent être traitées loyalement, à des fins déterminées et sur la base du consentement de la personne concernée ou en vertu d’un autre fondement légitime prévu par la loi. Toute personne a le droit d’accéder aux données collectées le concernant et d’en obtenir la rectification.

 

3. Le respect de ces règles est soumis au contrôle d’une autorité indépendante.

 

 

Eh bien me voilà rassuré, n’est-ce pas ? Mais moi je ne veux pas de « rectification ». Je veux l’effacement pur et simple. Mais bon, on ne va pas chipoter sur des détails. Je me demande seulement ce que ça veut dire, juridiquement, « loyalement ».

 

 

Pareillement, je me demande ce que ça peut bien recouvrir, « autorité indépendante ». Est-ce qu’on demande au C. S. A. d’être indépendant ? Ce qui serait drôle, c’est que la loi qui l’a créé soit respectée ! Et je n’ai pris qu’un article pratiquement pas subdivisé. Est-ce que vous connaissez le III – 282 ? Le III – 404 ? Bref, pas la peine d’insister, je pense.

 

 

En tout cas, l’Europe, c’est bien avant ce « Traité » que tout le monde aurait dû dire STOP. Le premier jour où on a commencé à NE PAS COMPRENDRE ce qui se passait. Le grand tort des six premiers peuples de l’Europe communautaire, c’est qu’ils ont laissé faire. Quelle que soit l’occasion, il faut REFUSER de ne pas comprendre.

 

 

Dès que les peuples, dans les premiers grands cols, ont été lâchés par le peloton de tête (les crânes d’œuf des « concepteurs » de l’Europe), ils auraient dû se mettre en travers de la route, et crier : « STOP ! On veut comprendre. On bougera pas de là avant que vous ayez tout bien expliqué ! ». FRANÇOIS MITTERRAND a bien roulé le « peuple français » dans la farine, avec son Maastricht ! Personne n’y a rien compris, à Maastricht, excepté le quarteron de sournois qui avait son projet bien ficelé dans la tête.

 

 

3 – LE CHAR D’ASSAUT EN ACTION

 

 

Ce que j’en ai compris, je vais essayer de l’expliquer. En gros, ce projet, je le résumerai de la façon suivante : « Aller le plus vite possible, le plus loin possible de la comprenette des peuples, pour aboutir au « machin » le plus compliqué possible, pour qu’il ne soit précisément plus possible, d’une part, de revenir en arrière, et d’autre part, d’y comprendre quoi que ce soit ».

 

 

Suite et fin après-demain à 9 heures.

Parce que demain, c'est le onze novembre, jour férié.

Demain, ça s'appellera "hymne à la politique". A la fin, je donnerai rendez-vous, à tous ceux qui penseront comme moi à l'auto-génocide européen de 1914-1918, devant les monuments aux morts de la Grande Guerre. Avec un aiguillage vers mon blog de 2007 KONTREPWAZON, et clic, dans la colonne de gauche, sur la catégorie "Monuments aux morts". Merci pour eux.