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mardi, 05 novembre 2024

L'INFECT DUDUCHE

Le 16 avril 1973, dans le n°126 de la revue, Cabu emmène Duduche, son double ou peu s'en faut, visiter un établissement de l'Assistance Publique Hôpitaux de Paris (APHP). Voici quelques-unes des idées qui passent alors par la tête du dessinateur de Charlie Hebdo. Duduche, accompagné ou pas de son copain, est un très sale gosse. C'est même à ça qu'on reconnaît Cabu.

1973 04 16 C.H. N°126 APHP DUDUCHE SOEUR. .jpg

"Et les contacts avec le personnel hospitalier".

In illo tempore, beaucoup d'infirmières étaient des bonnes soeurs dans l'hôpital public (par exemple dans le défunt l'Hôtel-Dieu de Lyon).

1973 04 16 C.H. N°126 APHP DUDUCHE VIEUX. .jpg

"Aider à se rencontrer ceux qui ont des crêtes de coq en organisant des petits combats"

« Hippocrate dit : oui c'est des crêtes de coq,
Et Galien répond : non c'est des gonocoques ! », chante Tonton Georges.

1973 04 16 C.H. N°126 A.P.H.P. ESCARRES .jpg

"Et découvrir les escarres (les plus Paulette)"

Ici, j'aime beaucoup le mauvais jeu de mots.

***

On admire au passage le trait de Cabu, comme jeté d'un premier jet sur le papier.

Ceux que ça amuse peuvent aller voir mon billet du 20 juin 2015. Il verront que Cabu a montré très tôt (1959) son potentiel ravageur en montant avec quelques potes un énorme canular dans les rues de sa bonne ville de Châlons-sur-Marne, juste avant le passage des marcheurs du Strasbourg-Paris. 

dimanche, 01 septembre 2019

POUR CLORE LES VACANCES

PONT ARTS 7.jpg

Paris, 2014, le pont des Arts, à l'époque des cadenas d'amour.

jeudi, 15 février 2018

DRÔLES DE RUE DE LYON

"C'est pas seulement à Paris que ..." (c'est "L'Assassinat" de Georges Brassens qui commence comme ça).

RUES DE PARIS 1.jpgJ'allais dire : c'est pas seulement à Paris qu'il existe un dictionnaire desRUES DE PARIS 2.jpg rues, nous à Lyon aussi l'on a .... Mais ce n'est pas vrai. D'abord, à Paris, ils ont Jacques Hillairet, et personne ne pourra faire comme si : il existe un et un seul Jacques Hillairet. En plus, son extraordinaire ouvrage (deux volumes augmentés d'un supplément) s'intitule Dictionnaire historique des rues de Paris (Minuit), deuxième raison qui le rend incomparable.

RUES DE LYON MAYNARD.jpgTroisième raison : l'ouvrage de Louis Maynard ne se veut pas "Dictionnaire", encore moins "historique". Beaucoup plus modeste, il seRUES DE LYON VANARIO.jpg propose sous le titre Rues de Lyon (Jean Honoré, 1980), sans plus. Même l'ouvrage de Maurice Vanario, le continuateur de Maynard, ne s'est voulu ni "dictionnaire", ni "historique". Vanario, "Sous-Archiviste", « sous la direction de Henri Hours, Conservateur Municipal des Archives de la Ville de Lyon » a publié presque sous le même titre (Les Rues de Lyon à travers les siècles, LUGD, 1990), une sorte d'inventaire sérieux et complet de toutes les artères qui traversent, aèrent et desservent la cité (y compris les "voies privées").

Cela donne un livre de pas 300 pages in-octavo, dans lequel, hélas, revient comme une rengaine l'expression "origine inconnue", quand l'œuvre de Hillairet – trois volumes de grand format (on dit, paraît-il, "in-quarto"), dont deux très "robustes" (700 et quelques pages sur deux colonnes chacun) – va constamment tout au fond des choses. Si je prends au hasard la rue du Cardinal-Lemoine, voici comment s'annonce l'article : « V° arrondissement. Commence 17 quai de la Tournelle. Finit place de la Contrescarpe. Longueur 680 m. ; largeur 12 à 20 m. » (la rue de Vaugirard s'étale, elle, sur plus de 4km.). On ne saurait être plus précis.

Et l'auteur enchaîne sur un condensé de l'histoire de la voie, puis passe en revue tous les numéros dont il y a quelque chose à dire (parfois fort longuement, en fonction de). J'imagine volontiers que pour rédiger cette œuvre d'une vie, Jacques Hillairet a usé bien des pantalons sur des chaises de bibliothèques ou de salles d'archives. On le voit, le "cahier des charges" n'a rien à voir. Maynard puis Vanario se contentent d'un répertoire.

Il n'est d'ailleurs pas sûr que la capitale des Gaules mériterait que quelqu'un s'engageât dans une telle besogne, d'autant qu'aucun baron Haussmann n'est venu compliquer la tâche en bouleversant à ce point les traces du passé, et que le nombre des gens dignes de figurer dans l'histoire pour y avoir vécu reste d'une modestie provinciale, une fois jetés les noms de Louise Labé, Rabelais, Herriot, Henri Béraud ou Albert Londres. Inutile de nier le pouvoir d'attraction de la capitale. Il y a aussi des Rastignac en puissance chez les "bons gones", et même ches les "mamis que sont pas de cogne-mous" (voir il y a quelques jours).

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Nos rues, avenues, places, boulevards, quais, impasses, montées portent, comme partout ailleurs, des noms en général ordinaires (je veux dire préfet normal, philanthrope obscur, député honnête (!), martyr de la Résistance, aviateur lyonnais, fabricante d'étoffes de soie épouse de Jacques Ray, professeur de minéralogie et géologie, sixième adjoint au maire, imprésario bienfaiteur des œuvres laïques, maître imprimeur, navigateur et autres célébrités mémorables) avec, ici ou là, des curiosités bien propres à appâter l'amateur de couleur locale (rue du Manteau jaune, rue des Quatre chapeaux, rue du Plâtre, etc...).

Je suis cependant curieux d'apprendre s'il existe, dans une seule des 36.000 communes de France, une "Rue des Actionnaires". Oh, ce n'est vraiment pas grand-chose, cette rue : un pâté de maison, tout au nord de la Croix-Rousse, tout en bas des pentes, presque à la limite de Caluire. Bon, c'est vrai, c'est une église dotée de son jardin (Saint-Eucher), mais est-ce que ça justifie ? Et en face, on ne voit aucune entrée d'immeuble. Ça ne fait quand même pas beaucoup d'habitants au mètre linéaire. Je n'ai pas fait attention, mais il n'est pas impossible que la rue des Actionnaires ne comporte aucun numéro ! L'Histoire est une vieille dame cynique, quand on voit la place gargantuesque qu'ont prise les actionnaires (fonds de pension, fonds souverains, fonds spéculatifs, fonds vautours, etc.) dans la marche du monde actuel.

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La voilà, la rue des Actionnaires.

Voici ce que nous indique Maurice Vanario à l'article "Actionnaires" (rue des, 4°) : « Tenant : rue Eugène Pons. Aboutissant : rue Mascrany. En souvenir de la compagnie financière constituée, sous la Restauration, pour créer le quartier Saint-Eucher. Attesté en 1849 (dél. C. M.). Devenue rue du Tribun en 1849 (dél. C. M. 17 janvier). Redevient rue des Actionnaires en 1852 ».

C'est un peu court, vieil homme,

On pouvait dire, oh dieu, bien des choses en somme.

Edmond Rostand (enfin presque).

Mais n'est pas Edmond Hillairet qui veut. 

mercredi, 04 mars 2015

MORT DE LA MÉLODIE

5

 

Car disons-le : c’est la musique qui est faite pour l’oreille, et pas l’inverse. L'oreille, elle est faite pour saisir les bruits du monde, les voix des hommes, le chant du merle au printemps juste avant le lever du jour. Quand quelqu'un juge assez satisfaisante pour autrui la suite de sons qu'il vient d'inventer, alors oui, il les fait entendre à bon droit à ses semblables. C'est en vue de leur procurer un plaisir. 

 

De quel droit les compositeurs de musiques d'avant-garde maltraitent-ils l'oreille des gens ordinaires ? Car la mélodie, selon moi, a une affinité particulière avec l’oreille. Et il ne me semble pas être, parmi les amateurs de musique, un cas exceptionnel. Et s’il faut lâcher des gros mots, en voici un : cette affinité de la mélodie avec l’oreille est naturelle. Je veux dire : fondée sur des lois de la nature (consonance, intervalles, harmonie, ...).

 

Je sais, cette affirmation ne va pas précisément dans la même direction que l’air du temps, vous savez, cet air qui vous serine la rengaine : « Tout ce qui est humain est culturel. Rien de ce qui est humain n’est naturel ». Ben si ! Désolé ! Peut-être que c'est ça, après tout, qu'ils ont derrière la tête, les "transhumanistes" de la Silicon Valley, qui sont en train de préparer l'avènement de "l'homme augmenté" ?

 

Jusqu'à plus ample informé, je reçois tout ce qui me vient de l'univers sonore de mes organes de perception sensorielle. A chacun d'en perfectionner l'usage s'il le peut. J'aime que la musique, aussi poussée que soit sa complexité technique,  ne devienne pas un pur concept : on observe à suffisance les dégâts du purement conceptuel dans les arts plastiques. J'aime que la musique n'oublie jamais qu'à l'origine, elle ne sort pas d'un pur esprit, mais du plaisir physique d'une expérience sensorielle. 

 

Non, tout n'est pas, dans l'homme, façonné par la culture : il y a dans l'homme un noyau de nature irréfragable. J’en veux percevoir un indice probant dans le fait que, si les révolutions dans le langage musical opérées par le 20ème siècle étaient exclusivement des faits de culture, l’oreille de monsieur tout le monde s’y serait habituée au fil du temps, tout comme elle s’est habituée aux "dissonances" du quatuor du même nom de Mozart, aux plus abstruses des Variations Diabelli, aux longueurs de Lohengrin et Parsifal, etc.

 

Or on est obligé de constater qu’un siècle après les innovations radicales de Schönberg, Berg et Webern, l’oreille de monsieur tout le monde est à peine moins rétive à supporter le résultat de leurs cogitations révolutionnaires. J'ai l'impression qu'il reste assez de nature dans l'humanité pour penser que celle-ci « résiste encore et toujours à l'envahisseur ».

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Si les musiques d’avant-garde du 20ème siècle étaient de même nature que celles, dans le passé, qui se sont fondues dans l’ensemble des styles précédents pour constituer ce qu’on désigne communément sous l’appellation extensive « Musique Classique », Renato, le ténor italien, sur son échafaudage à repeindre la façade, chanterait avec sa joie et son exubérance coutumières les aberrations dodécaphoniques de Schönberg et les autres ou, pire, de l’école de Darmstadt (Boulez, Stockhausen et toute la bande).

 

Darmstadt, vous savez, ce sont ces commissaires du peuple et autres staliniens qui n’avaient rien de plus pressé que d’ « organiser la totalité de l’espace sonore en dehors de toute subjectivité » (autrement dit d’éliminer de la musique jusqu’au souvenir de l’humain). Quelle terrible chose, quand on y réfléchit ! Une musique scientifique, quoi ! "Surtout ne me parlez pas de plaisir", nous dit toute la chimie sonore sortie du laboratoire de Pierre Boulez ! Pierre Boulez traîne le boulet de sa haine de la subjectivité - hormis de la sienne, c'est entendu.

 

Dans un monde de plus en plus déshumanisé, pas d'autre solution qu'une musique déshumanisée ! Les sciences cognitivo-comportementales dissèquent bien le cerveau pour y traquer les sièges des sentiments, des émotions ! Pourquoi le physico-chimisto-mathématicien Pierre Boulez ne pourrait-il prétendre plonger l'auditeur moderne dans les éprouvettes de la paillasse où il officie ? Eh bien non.

 

Que Renato, le ténor napolitain, se refuse encore « avec entêtement » (tonton Georges, « Le Cocu », mais c'est à propos du « port de la feuille de vigne ») à mémoriser et vocaliser l'aberration dodécaphonique, que l’oreille d’une telle masse de gens ordinaires, résolument non-scientifiques, freine des quatre fers et s’interdise obstinément de calquer le rythme de ses pas sur celui des grands innovateurs de la musique moderne, cela devrait au moins poser question aux plus lucides et aux moins doctrinaires d’entre eux. Je ne suis pas sûr que la question soit parvenue à leur conscience.

 

Et ce n'est pas faute d' « éducation », si une majorité de la population reste aujourd'hui imperméable aux théories modernes de la musique : qu'est-ce que les responsables de France Musique, de festivals "Présence" (Paris), de salles de concerts lui en ont fait bouffer, de la contemporaine, à la population ! En tranches, en pâtés, en sauce, en ragoût, à la broche ! La tactique est bien connue : pour que l'oreille du vulgum pecus s'habitue, il suffit de glisser une tranche de John Cage entre deux symphonies de Mozart ! Eh bien non, le gavage forcé, l'endoctrinement, le bourrage de crâne, ça ne suffit pas : on ne change pas comme ça les lois de la nature (tonalité, consonance, intervalles, harmonie ...).

 

Et ce n'est pas davantage en essayant d'instiller un sentiment de culpabilité dans cette population arrogamment qualifiée de retardataire qu'on y arrivera : quand un humain ordinaire, normalement constitué, écoute son sentiment profond à l'écoute des élucubrations de John Cage ou de Pierre Boulez, il se dit que non, là, impossible de s'y retrouver. 

 

Peut-être s'est-il passé dans la musique la même chose qu'en politique ? Vous savez bien, tous ces poissons rouges, dans leur bocal. Le public qui déserte les salles de concerts où l'on joue Luciano Berio, Takemitsu Toru, John Cage, André Boucourechliev, Pascal Dusapin, Elliott Carter, Georges Aperghis, Gilbert Amy, Jean Barraqué, Claude Ballif, Henri Dutilleux, Witold Lutoslawski, Philippe Manoury, Klaus Huber, György Kurtag, (je fais courte la liste des nuisances) ..., ce public n'a-t-il pas quelque ressemblance avec le public qui, les jours d'élections, vote avec les pieds en allant à la pêche, refusant de s'entendre chanter plus longtemps les vieilles rengaines, par des hommes politiques aux discours usés jusqu'à la corde ? N'y a-t-il pas là un autre exemple (inattendu) de fracture séparant le peuple des élites qui le gouvernent ?

 

Peut-être aussi ces compositeurs et la légion de leurs affidés sont-ils trop savants. Je leur dis simplement : rendez-nous la mélodie. Faites simple, soyez sympas : pensez à l'auditeur futur. Nous ne demandons pas grand-chose, finalement. Ne laissez pas une science musicale purement théorique, abstraite, voire déshumanisée, aussi avancée soit-elle, régner en despote totalitaire sur votre musique : réhumanisez vos sources d'inspiration. Destinez vos compositions à des auditeurs concrets, aux gens qui existent, qui ont des sens affûtés, qui ont envie d'éprouver du plaisir quand ils vont au concert. Rendez-nous le plaisir simple de la perception sensorielle des sons musicaux.

 

Donnez-nous envie de chanter votre musique. Est-ce demander l'impossible ?

 

Voilà ce que je dis, moi. 

 

Fin (pour le moment)

 

samedi, 10 janvier 2015

POUR CHARLIE HEBDO

IN MEMORIAM

 

Frédéric Boisseau, Agent d’entretien.

Franck Brinsolaro, Policier du Service De La Protection (SDLP).

Jean Cabut, Dessinateur.

Elsa Cayat, Psychanalyste et Chroniqueuse.

Stéphane Charbonnier, dit Charb, Dessinateur et Directeur de CH.

Philippe Honoré, Dessinateur.

Bernard Maris, Economiste et journaliste.

Ahmed Merabet, Policier.

Mustapha Ourrad, Correcteur.

Michel Renaud, ex-Chef de cabinet du maire de Clermont Ferrand, Organisateur d’une exposition de dessins de Cabu, à qui il rapportait ses œuvres à ce moment précis.

Bernard Verlhac, alias Tignous, Dessinateur.

Georges Wolinski, Dessinateur. 

 

*******************************************

Je n’aime pas trop le Niagara de larmes de crocodile qui vient de se déverser sur les douze morts de Charlie Hebdo. Chez les alligators, surtout les gros responsables, on a le cuir épais, l'œil sec, et l'on a appris par cœur les « éléments de langage », et l'on s'est entraîné à les proférer avec l'air de la conviction et l'œil humide les plus authentiques.

 

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Cabu, n°361 de Charlie Hebdo, 1977.

Beaucoup de gens disent tout bas, et parfois même tout haut, qu’avec leurs provocations, les agitateurs de Charlie Hebdo « l’ont bien cherché », ce qui traduit sans doute l’arrière-pensée que, somme toute, ils « l’ont bien mérité ».

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Wolinski, n°380 de Charlie Hebdo, 1978. Cécile Duflot avait trois ans.

La vérité oblige à dire que le Charlie Hebdo de Philippe Val (celui de 1992), après avoir convenablement enrichi ses actionnaires (Philippe Val, Cabu, Bernard Maris, et deux ou trois autres), le journal ne se vendait plus assez pour assurer les fins de mois et faire vivre toute une équipe.

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In memoriam Reiser (mort en 1983).

Tout le monde sent bien que quelque chose de gravissime vient de se produire, mais qu’est-ce qu’un journal que plus personne ne lit ? Pour avoir du succès, il faut : 1-Avoir quelque chose à dire. 2-Le dire avec talent. 3-Renifler l'air du temps. On me dira ce qu'on voudra : Cabu, Wolinski et Reiser, non seulement ils avaient les trois, mais en plus, dans leur genre, ils avaient du génie.

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Je ne sais même pas qui est l'auteur de ce dessin.

Ça avait bien changé. Qu'est-ce qu'on parie que, une fois retombé le flot émotionnel de solidarité, après le brandissement pathétique et impuissant de forêts de bougies et de crayons, Charlie Hebdo ne tardera pas à quitter les "unes" de la presse nationale ? Et j'entends déjà l'épitaphe murmurée par les crocodiles entre leurs crocs : « Bon débarras ! ». Qu'est-ce qu'un symbole, face à la réalité concrète et brutale d'un acte ?

Pour que le symbole symbolise, il faut une réalité réelle derrière.

Tout ce qui me reste, c'est le minuscule hommage que je peux rendre ici à trois dessinateurs, trois clowns qui ont marqué leur temps en portant sur lui leur œil pertinent, rigolard et pointu.

Voilà ce que je dis, moi.

dimanche, 28 juillet 2013

JOURNAL DES VOYAGES 14

Je suis en vacances jusqu'au 16 août, mais j'ai laissé Médor dans sa niche, avec des provisions de pâtées et d'os à ronger pour accueillir le visiteur éventuel, pour qu'il ne trouve pas porte close. Je précise qu'il ne mord pas (je parle du chien et du visiteur, cela va de soi).

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Pour ne pas laisser vacant tant d’espace pendant les vacances, mais le remplir de façon bien sentie, je me suis dit que la collection 1876-1899 du Journal des Voyages était parfaitement idoine. Puisse l’illustration quotidienne remplir l’office du poisson rouge quand on est seul et qu’on n’a personne à qui parler : on peut toujours s’adresser au bocal.

 

Un petit tour au pays du hara-kiri. On va me dire : « Encore des têtes coupées ! ». Eh oui, mais ici, c'est inscrit dans le rituel, et les samouraïs se sentiraient déshonorés si aucun ami serviable ne consentait, à la fin de la cérémonie, à leur décoller la tête du reste du corps.

 

On est presque chagriné de savoir que l'immense (et prix Nobel de littérature 1968, s'il vous plaît) Kawabata Yasunari ait choisi le moderne et vulgaire gaz pour en finir avec cette civilisation vulgaire et sans honneur qui avait déjà fait disparaître le Japon auquel il se rattachait comme par des racines, et qui seul était capable de lui rendre l'air respirable.

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L'AUTEUR DE LIVRES TRES BEAUX : LE LAC, PAYS DE NEIGE, LE MAÎTRE OU LE TOURNOI DE GO, KYÔTO, ETC.

Mishima Yukio, en revanche, ce romancier exalté et nostalgique du Japon des samouraïs et de l'honneur, a décidé d'en finir dans la grandeur et la dignité de la tradition. Il est vrai que sa harangue belliqueuse adressée à des jeunes troupiers médusés, rassemblés dans la cour de la caserne, fit un flop magistral. Mais ceux-ci étaient déjà contaminés jusqu'au coeur par la civilisation du hot dog, du gadget et du technicolor. Son ami lui coupa toutefois la tête selon le rite antique. Je trouve que ça conserve une certaine gueule, même dans le dérisoire.

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ENCORE UNE FOIS, C'EST VRAIMENT "L'IMAGINATION AU POUVOIR"

On sait maintenant qu'il ne faut pas dire « hara kiri », mais « seppuku», parce que ça fait tout de suite plus "informé". Je signale en passant que l'opération du seppuku consiste à entailler la bedaine d'abord verticalement en partant du bas, puis à compléter la figure du T horizontalement, en partant de la gauche, sous les côtes. Et que ce n'est qu'au moment où l'opérateur aperçoit le « Torii » (ce portail sacré du shinto qui lui annonce son entrée dans le monde spirituel) que, d'un geste, il fait signe à son ami de lui trancher le cou. Ce genre de chose réclame une précision qui fait défaut à bon nombre, hélas !

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LE TORII DE MIYAJIMA

Il restera au dessinateur du Journal des Voyages à se documenter un peu mieux sur l'exactitude du rituel : essayez de saisir par la poignée (au-dessus de la "tsuba", = la "garde") une lame de plus d'un mètre de long, et de vous la planter dans l'abdomen, comme on le voit sur l'image ci-dessus. Un enfant de cinq ans sait différencier un "katana" (105 cm.) d'un "wakizashi" (72) et d'un "tanto" (43). « Amenez-moi un enfant de cinq ans», disait Groucho Marx. 

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Je mentionne seulement pour le plaisir (« only for fun ») et en guise de conclusion le délit de fantaisie que fut à l'égard de cette haute tradition japonaise la fondation de la revue Hara-Kiri, par une bande de joyeux fouteurs de merde,

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ET PATRIOTES AVEC ÇA ! EN L'HONNEUR DES JO DE 1976.

au centre de laquelle oeuvra et se dépensa sans compter le regretté Georges Bernier, alias Professeur Choron, qui prit ce nom par respect envers le personnage sûrement respectable dont avait été baptisée (en 1868) la rue où l'équipe avait son local.

 

Pour les amateurs de précisions plus érudites, il est bon de situer dans le IXème arrondissement de Paris cette rue longue de 230 mètres et large de 12 (entre le 11 de la rue de Maubeuge et le 18 de la rue des Martyrs). Alexandre Choron (1771 ou 1772 [selon les sources] -1834) fut professeur de musique, mais surtout un théoricien reconnu, auteur d'un remarqué Dictionnaire historique des musiciens, et autres oeuvres notables. Je doute que Georges Bernier savait tout ça, quand il allait sodomiser la vieille qui finançait la revue. J'affirme qu'aucun terme de ce paragraphe n'est le fruit de mon invention.

 

 

samedi, 25 août 2012

LA METHODE VIALATTE 4/5

Pensée du jour : « Voilà un homme [à propos du Prince de Ligne]. Le reste est plèbe et fibre épaisse, imbécile, et nous vivons dans cet affreux malaise d'une affreuse civilisation qui sécrète elle-même les poisons dont elle mourra, par voie de suicide évidemment, sans trop tarder. Par auto-intoxication. Comme le scorpion qui se pique la nuque avec sa queue ».

 

Alexandre Vialatte

 

***

 

Résumé : je disais donc que la vie n’est qu’une digression. Mais j’en viens à mon sujet initial.

 

Oui, il s’agit bien d’en venir, enfin, à Alexandre Vialatte. Au sourire désolé qu’il pose sur l’époque dans laquelle il est obligé de vivre, à l’angle des rues Léon-Maurice Nordman et de la Santé (l’hôpital Cochin n’est pas loin à droite, la prison est en face). Quand il n'est pas dans son Auvergne. C’est à Paris. Il parle plus de la prison (qu’il a sous ses fenêtres) que de l’hôpital (un peu à l’écart de son champ de vision). On est dans le 13ème, au seuil du 14ème

 

« Les pigeons de Paris, au vol lourd, tournent autour des toits de la Santé et se posent sur le rebord des fenêtres des cellules ; peint en blanc. Et numéroté : 128, 129, 130, ... Seraient-ce les colombes de la Paix ? Sur l'un des rebords il y a un petit pot bleu. En bas tournent les C.R.S., les sergents de ville, ou la garde mobile, la mitraillette braquée. En haut rêvent les détenus.

Ils rêvent, ils font des songes. »

 

Oh, l’époque où il vit, il la voit, il l’entend, il la renifle, il l'ausculte, il en a examiné les moindres coutures, et à son gré, le tissu se découd un peu trop vite. Il voudrait ralentir la chute. La culture, la civilisation (« La civilisation ne cesse de s'effondrer sous l'énergique poussée des hommes »). La langue (« Il ne faut pas de h à Nathalie »). La grammaire, ah, la grammaire (« Pas de subjonctif après après que ») ! La création littéraire. Son éloge incessant du labeur de moine pieux du bon écrivain. L'exaltation de l’artiste peintre maître de son art. La profondeur de son regard sur l’homme qui, par son travail, fait aux hommes le don d'une oeuvre. 

 

Et l'acuité du regard qu'il porte sur la défaite humaine face à l’avènement du règne intraitable des recettes, des concepts et des coups de pub. Devant la victoire de l’idée sur l’œuvre, et du coup de pub sur le talent. L’idée, on la doit à Marcel Duchamp. L’art confondu à la publicité, à Andy Warhol. Les deux meurtriers en chef de tout ce qui, en d’autres temps, s’est appelé « art ». C'est grâce à tout ça qu'on lui doit cette célèbre phrase :

 

« ON N'ARRÊTE PAS LE PROGRES : IL S'ARRÊTE TOUT SEUL ». 

 

La défaite devant le merchandising et le packaging. Le parking et le pressing. Le profiting et le n’importequ’ing. La cotation en bourse. La veuve écossaise. Les valeurs sonnantes. La Rolex à cinquante ans, le bling-bling. Accessoirement la tyrannie exercée par le succès des fausses gloires. L’inconsistance de la « surface médiatique », une surface sans profondeur, ça va de soi. La vanité des sunlights et le toc des plateaux de télévision. Ce qu'il appelle quelque part le « règne du faux ». A son époque, ce n’étaient déjà plus seulement des vues de l’esprit ou des anticipations, mais les stigmates incontestables d'une avancée irrésistible. 

 

Vialatte a observé tout ça. Et nommé. Et envoyé à la poubelle. Avec la souveraine élégance de l’esprit dont il ne s’est jamais départi. C’est de là que lui vient le sourire désolé qui ne quitte jamais sa prose. Il sait que Rome assiégé ne pourra rien contre les barbares qui se pressent sous ses murs. Mais qu'on ne compte pas sur lui pour les laisser entrer : tout ce qu'il écrit a de la tenue.

 

Aucune brèche dans la muraille du style. Cette colonne vertébrale sert à se tenir bien droit. Mais en même temps une bonhomie dépourvue de prétention. Les fureurs injuriantes d’un CÉLINE ne sont pas de sa planète à lui, mais son pessimisme n'a rien à lui envier. Rien que lorsqu'il définit l'homme : « Animal à chapeau mou qui attend l'autobus 27, au coin de la rue de la Glacière ». 

 

Je vais vous dire un truc définitif : Vialatte est un sourire désolé posé sur le monde sinistré qui l’entoure.

 

L’Amérique domine ? Il s’en attriste, certes, mais il refuse obstinément de le laisser paraître. Si, bien sûr, les bulles de colère éclatent à la surface, mais c'est difficile à repérer, car c’est toujours une colère courtoise, civilisée, exprimée dans les formes. Littéraires, évidemment. Et surtout qui n’a jamais l’air d’une colère.

 

Il se sait impuissant contre le « mouvement de l’histoire » et contre la régression tant redoutée vers la barbarie. De ce point de vue, il me fait penser à Claude Lévi-Strauss, celui de Regarder, écouter, lire (en 1993, il a 85 ans, et il meurt centenaire en 2009, il a eu le temps d'en voir). 

 

Comme Vialatte, Lévi-Strauss voit. Sur la fin, il sait toute la saloperie qui est en train d’arriver et qui réduit à néant tout l’effort d’élévation qui fut celui de l’homme depuis ses origines. Il ne joue pas les prophètes. Il voit agoniser un monde qui fut beau. Pas que beau (excusez-moi, mais là, c’est justifié), mais non sans grandeurs diverses. Et voyant cela, il se tourne vers l’essentiel de ce qui constitue SA culture (la mienne aussi), à lui qui a tant œuvré pour les cultures des autres, des « primitifs », comme on disait. 

 

Dans Regarder écouter lire, Lévi-Strauss se tourne vers Poussin, Rameau, Diderot. Il ne se désole pas de l’état du monde tel qu’il est ou sera. Simplement, lui, l’anthropologue et l’ethnologue de peuplades en voie de disparition (et souvent déjà disparues) choisit de s’incliner devant trois statues en or massif, dont chacune figure à elle seule la majesté, la puissance, le génie de l'art français classique, dans la peinture, la musique et la littérature : Poussin, Rameau, Diderot. 

 

Oh, nulle contrition dans son propos. Il assume toujours (hélas !) Roman Jakobson, l'aridité, la sécheresse universitaires de la linguistique et de l’anthropologie structurales. Mais je veux être convaincu que, en écrivant ce livre, Lévi-Strauss s’est rendu compte du destin tragique de SA culture (la mienne aussi), et qu’il y a, dans Regarder écouter lire, au moins en négatif, la manifestation d’un regret

 

 

Sa façon de célébrer, pour finir, trois génies français d'un lointain passé désigne, au moyen même de tout le reste qu'il ne dit pas, le délabrement qu'il ressent de la culture de son époque. La célébration de cet art français vaut condamnation de ce qui se répand au présent sous le nom de culture.

 

Le problème, c'est qu'il a participé à la démolition structuraliste. Rien que le fait de décider que, grâce aux structures des contes, de la parenté ou de je ne sais quoi, on va pouvoir mettre l'humanité entière dans un grand sac unique, ce n'est finalement qu'une idéologie. Et je veux me dire que Lévi-Strauss s'est rendu compte de ce à quoi à servi le structuralisme : le nivellement de tout. La destruction de tous les critères (parce qu'un critère permet un jugement). Il ne faut plus juger. Cela veut dire qu'il ne faut plus différencier. L'autre est devenu le même. Le Mal, c'est le critère de jugement. Il faudra bien que j'y revienne, à cette folie.

 

Alexandre Vialatte lui, n’a jamais été structuraliste : il a donc eu moins à se faire pardonner. Il n'a jamais été un homme de la théorie englobante. Disons que, s’il a souri désolément, c’est d’une autre manière, plus directe et franche peut-être. La "pensée du jour" qui ouvre cette note espère en être une vive illustration. Il lui arrive même, à Vialatte, d'être terrible de noirceur.

 

On ne peut pas lui donner tort, tant le vingtième siècle a détruit : la première guerre de destruction des hommes (14-18), la première guerre de destruction des femmes et des enfants (39-45), mais aussi, tout au long du siècle, et de plus en plus arrogante, la première guerre de destruction américaine, pacifique et commerciale des racines des peuples, et le rouleau compresseur n'a pas fini d'avancer.

 

Pas de théorie donc chez Vialatte, certes, mais une méthode. Et sa méthode, il en fait cadeau : « Je ne vends pas la recette, je la donne ». Ecrivain, il a prouvé aux éclairés qu’il sait écrire des romans (Battling le ténébreux, et surtout Les Fruits du Congo, si vous ne connaissez pas, jetez-vous). Peu connu, mais estimé de confrères qui comptent, il livre donc sa recette à tous ceux – et ils sont nombreux – qui se proposent d’écrire : « Commencez par n’importe quoi », dit-il martialement.

 

Et plus loin : « Pour la conclusion, même principe : concluez sur n’importe quoi ». Ainsi, vous avez votre première page et la dernière. Quant au reste : « Mais que doit-on mettre entre la préface et l’épilogue ? Qu’on ne me le demande jamais, car je ne l’ai jamais su ». Voilà qui a le mérite de la netteté, même si ça n’arrange pas le débutant. Et l’on peut être sûr qu’il est sincère.

 

Voilà ce que je dis, moi.

mercredi, 25 janvier 2012

ALORS, GORGON OU ZOLA ?

EPISODE 2

 

 

Je passe rapidement sur Pot-Bouille, sorte de La Vie mode d’emploi avant l’heure. Le « projet », évidemment, n’a rien à voir avec celui de GEORGES PEREC. On voit le jeune Octave Mouret avant son irrésistible ascension sociale, passer comme un ludion d’un étage à l’autre de cet archétype de l’immeuble bourgeois haussmannien, au gré de ses conquêtes féminines. L’idée est assez rigolote.

 

 

 

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PHOTO PRISE PAR ZOLA (EXPO 1900 ?)

 

 

 

On voit la société qui occupe la scène (l’escalier principal) et la société qui reste en coulisse (l’escalier de service). Je me rappelle qu’au 5 de la rue Valentin-Haüy, l’escalier principal était recouvert jusqu’au dernier étage d’un superbe tapis rouge, solidement maintenu en place, à chaque marche, par une tringle de cuivre ou de laiton, et que l’escalier de service ouvrait dans la cuisine.

 

 

On fait connaissance avec Mme Josserand, personnage superbe, peut-être le foyer romanesque. On renifle les remugles qui montent de la cour, décrite comme un pur fantasme d’énorme poubelle. Mais on se lasse vite de quelques obsessions lexicales : « débâcle », « débandade », « massacre » (qu’on retrouve constamment aussi dans Au Bonheur des dames).

 

 

***

 

 

Au Bonheur des dames me rase passablement. La seule chose qui retient mon attention, c’est l’ensemble des observations d’ordre économique touchant l’essor du commerce de grande distribution, comme naissance d’une industrie tout entière fondée sur la production et la consommation de marchandises. Voilà quelque chose de lucide et moderne.

 

 

On y voit le petit artisan Bourras, qui sculpte amoureusement ses pommeaux de parapluie, se faire balayer impitoyablement par les entreprises qui produisent en grande série des objets standardisés et sans grâce, dans une logique d’accumulation et d’empilement. Tout cela est très juste, y compris la perte de l’amour du travail bien fait.

 

 

C’est d’autant plus juste que le projet de l’ambitieux Octave Mouret est de réduire la femme en esclavage. Pour moi, ce livre, qui n’est pas un bon roman, est en revanche un excellent documentaire, qui n’a rien perdu de son actualité. Tout ce qui y est romanesque est comme un dahlia artificiel dans un bouquet de roses fraîches.

 

 

Ce qui est difficile à supporter, là encore, c’est l’intention démonstrative, le schématisme des situations et des personnages, à commencer par le conte de fées qui clora le roman : Denise Baudu, petite employée héroïque qui élève ses deux frères, tapera dans l’œil d’Octave Mouret, qui la suppliera de l’épouser. Commencée avec les excavateurs, l’histoire se termine dans le sirop.

 

 

Ce qui est proprement insupportable, en cours de route, ce sont les trois visites éprouvantes, épuisantes, ennuyeuses, assommantes, etc. que l’auteur inflige sans pitié au lecteur, au fur et à mesure qu’Octave Mouret installe, dans le paysage économique en général et urbain en particulier, le triomphe du commerce industriel. Trois fois un interminable tour du propriétaire qui ne nous épargne aucun détail.

 

 

***

 

 

Ensuite, entrons dans Le Ventre de Paris. Franchement, qui peut considérer ce livre comme un chef d’œuvre de la littérature ? La littérature selon ZOLA est une entreprise. Si l’on veut, une entreprise picturale : il s’agit de composer un tableau. Attention, un tableau complet. Un tableau littéraire, si l’on veut, mais un tableau scientifique. On ne plaisante pas. La différence entre ZOLA et FLAUBERT, c’est que celui-ci efface méticuleusement les traces de son travail, alors que celui-là laisse les ficelles bien visibles.

 

 

Un détail est à prendre en compte : les Halles de Paris, ce sont celles de VICTOR BALTARD. Il faut garder ça présent à l’esprit pendant la lecture, qui en sort un peu sauvée par ce filigrane, cette perspective virtuelle. Qu’est-ce qui m’a rasé, dans ce livre ? Je le dis tout de go : la conception purement théorique et démonstrative de la trame. On sent l’esprit de système à l’œuvre.

 

 

 

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HALLES DE BALTARD

 

 

 

Je passe sur les accumulations de boustifaille, petit 1, les légumes, petit 2, les volailles, petit 3, les poissons, et le reste défile à l’avenant. Si, quand même, je garde la scène où les femmes qui bavassent ont percé à jour le bagnard évadé dans le personnage de Florent, au milieu de l’odeur puante des fromages. Bon, d’accord, c’est rigolo. Mais ZOLA, ayant eu l’idée de son roman, développe tout ça avec une application scolaire horripilante.

 

 

Florent et Gavard sont si peu crédibles en républicains comploteurs et insurrectionnels que le retour de Florent au bagne est comme inscrit sur sa figure. Sa naïveté est si éclatante que, même comme outil romanesque, elle ne tient guère la route. Et le Gavard qui exhibe tout fiérot son pistolet devant les femmes ! Les ficelles du romancier sont trop grosses. L’intrigue finit par apparaître comme un simple prétexte à l’exposé documentaire.

 

 

Un beau personnage, cependant : la charcutière Lisa Macquart, dont on pressent que l’auteur la « sent » mieux. La belle Normande, future Mme Lebigre (le cafetier), fait à ce personnage symbolisant la satisfaction et la majesté de la réussite, un pendant honorable. Ne parlons pas de toute la symbolique assenée par ZOLA autour du gras et du maigre. C’est simplement épais.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre. Une fois, pas plus.