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lundi, 09 septembre 2024

jE RETOURNE A L'ABSTENTION ...

... MILITANTE.

Je n'ai pas voté aux dernières élections européennes. J'ai vu dans les résultats quelque chose qui m'a beaucoup déplu. Alors quand l'illuminé de l'Elysée a dissous l'Assemblée, j'ai décidé de retrouver ma carte d'électeur, soigneusement entretenue dans son immaculée virginité de Vestale depuis le référendum de 2005, vous savez, celui sur lequel Nicolas Sarkozy s'est assis pour faire passer en loucedé le Traité de Lisbonne, le copié-collé de la Constitution européenne rejetée par une nette majorité de citoyens français adultes et responsables.

Les 30 juin et 7 juillet derniers, oui, je l'avoue, j'ai voté. Mes motivations, j'en parsème les billets que je dépose ici, je n'y reviens donc pas. Résultat ? Je constate que l'avis des électeurs sert de fauteuil à un président qui veut rester maître du jeu, et qui assène sa Vérité comme si rien d'autre ne se passait. Je sais bien que la politique est l'art des possibles et qu'il faut tenir compte des situations créées. N'empêche que. Alors c'est décidé : je retourne à mon abstentionnisme militant, et sur des bases peut-être malsaines, mais.

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Couverture de Charlie Hebdo n°17, 15 mars 1971. J'attends qu'on me dise que ce n'est plus d'actualité.

dimanche, 01 septembre 2024

LE CAS MELENCHON

Tout commence le soir du deuxième tour des élections législatives, le 7 juillet 2024. Avant même les résultats définitifs, à peine la tendance générale estimée par les entreprises de sondages, voilà Jean-Luc Mélenchon qui se rue sur les micros et se met à crier victoire. Soi-disant au nom de toute la gauche. En réalité, il a sorti ça de son bonnet, sans demander l'avis de personne. 

Ce faisant, au nez et à la barbe de tout le monde, il prend de vitesse ses ennemis, ses adversaires, mais aussi et surtout ses amis, les "partis alliés" (écolos, socialos, cocos) qui forment avec L.F.I. le Nouveau Front Populaire. Et toc ! Un putsch ! Un droit de préemption sur toute la gauche ! Et pas avec le dos de la cuillère, s'il vous plaît !

Car ce qu'il faut retenir de la déclaration mélenchonnienne, ce sont les expressions suivantes : « Nous appliquerons tout notre programme, rien que le programme ». Disons que ça a au moins le mérite de la clarté : dans ce monde qui se voudrait toujours plus "inclusif" (mot d'ordre comminatoire et farcesque), Mélenchon est un partisan résolu et définitif de la primauté des idées qu'il défend, et de l'exclusion de toutes les autres. Les paralympiques de la politique, c'est pas pour lui !

Certains esprits, sûrement chagrins même si plus avisés, peuvent néanmoins, rétrospectivement, deviner dans ces paroles tout l'avenir des débats politiques en France. Nous serons intransigeants, proclame Jean-Luc Mélenchon. Ce qui veut dire en bon français : pas question de discuter avec qui que ce soit, c'est nous, nous seuls et personne d'autre. Le Guide Suprême ne s'abaissera pas : « Négocier, moi ? Jamais ! Passer des compromis, moi ? Fi donc ! Manants, passez au large ! »

Ma parole, on aurait dit que ce Conducator au petit pied était en train de refaire pour son propre compte le soir du 10 mai 1981, au moment où le visage de François Mitterrand s'était enfin hissé sur la plus haute marche du podium des écrans de télévision. Bon, c'est vrai que cette nouvelle mouture de l'union de la gauche est arrivée en tête. Mais on est loin d'être les vainqueurs : on n'est pas dans une course où c'est la "photo-finish" qui désigne le seul qui a gagné. On est dans une histoire de plus et de moins. Ce n'est qu'une étape sur un parcours long et plein d'obstacles. Mais Mélenchon, dans cette affaire, n'a pas compris l'essentiel.

Car il est indispensable de voir un peu plus loin, et se demander comment les nouveaux élus vont bien pouvoir faire adopter la moindre loi par des collègues dont les électeurs se situent à leurs antipodes, et aux antipodes les uns des autres. Il va falloir trouver des majorités, mon pote ! Et la suite montre abondamment que la Chambre issue de la dissolution décidée par le solitaire de l'Elysée dans un but (disait-il) de "clarification" a conduit le pays dans une impasse sans issue dont personne ne sait comment sortir.

Vous voulez que je vous donne mon sentiment ? Eh bien je vous le donne quand même : notre France est tellement fragmentée (en "archipel", formule de Jérôme Fourquet), tellement cloisonnée chacun dans son compartiment que sa population se trouve dans un état où les bornes de l'hétérogène et de la division ont été franchies.

Et que les opinions anciennement adverses, mais fondées sur un socle de consensus minimum d'acceptation de la controverse, sont devenues des animosités, des incompatibilités, voire des haines irréconciliables. Les gens-à-bons-sentiments auront beau glapir en chœur : « Le vivre-ensemble ! Le vivre-ensemble ! » et « Refaire société ! Refaire société ! », nul n'y peut plus rien, et plus personne ne veut parler avec quiconque. A cet égard, Mélenchon n'est qu'un symptôme. Mais un symptôme drôlement contagieux, en même temps que le point culminant du mal politique qui provoque la déchéance de la France.

Car la façon impérieuse qu'a Jean-Luc M. d'imposer ses vues est étrangement communicative. Même que ça a tendance à devenir épidémique en France. Je dirai que c'est un peu normal : quand tu as en face de toi quelqu'un qui démarre affirmatif, autoritaire et péremptoire, et qui ne semble chercher que la rupture, tu te rebiffes, c'est humain, et tu n'as pas envie de discuter. D'autant plus que chez Mélenchon, c'est dans ses habitudes, dans sa nature, et même dans son histoire personnelle : il est dans une confrontation de tous les instants. La bagarre ne lui fait pas peur, et même il la cherche !

C'est ainsi que Macron, qui se prétend lui-même "jupitérien" — et très sérieusement, alors que c'est tellement bouffon ! —, en même temps que "très à l'écoute" (là, je me bidonne), ne pouvait que se cabrer. Il dit "niet" à tout ce qui comporterait une trace de Mélenchon : « Tout, mais pas Castets ! », a-t-il donc proclamé, suivi en cela par ses adeptes, ses obligés et ses thuriféraires. Ainsi que par les chefs des autres partis que Mélenchon a le don de hérisser.

Mélenchon est donc le symptôme de la grave crise politique dans laquelle la France patauge depuis la déliquescence de Jacques Chirac, crise que Sarkozy, puis Hollande et enfin Macron n'ont fait qu'aggraver, chacun à sa façon. Mélenchon est comme un nez au milieu d'une figure dévastée, à cause du bruit qu'il fait. Son intransigeance domine le champ de bataille.

Qui, dans l'ensemble du personnel politique français, pourrait encore se « faire une certaine idée de la France » ? Qui, parmi tous ces politicards, place encore l'intérêt de l'Etat, de la nation, de la France au-dessus des intérêts particuliers, des objectifs partisans ? Au-dessus de lui-même ? Qui est prêt à se mettre sincèrement (sans arrière-pensées) au service de la France ? Des noms, si vous en connaissez. Wolinski avait ses idées là-dessus.

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Mais la France semble ne compter que des hyperactifs aux dents longues. La "culture du compromis" ne semble pas pour demain, et c'est terrible. 

***

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Journal Le Monde, 31 août 2024 (dans un sous-titre).

jeudi, 27 juin 2024

MACRON N'A RIEN COMPRIS

UN PRÉSIDENT "IN VITRO".

Emmanuel Macron est, selon la plupart des gens qui le connaissent, un homme d'une grande intelligence. Je suis enclin à reconnaître la haute altitude de cette intelligence. Je reconnais aussi ne plus subir ces hontes épouvantables que j'éprouvais chaque fois que François Hollande et Nicolas Sarkozy, ses prédécesseurs, prenaient la parole en public pour répondre à des questions de journalistes ou tenir des discours officiels. Emmanuel Macron détient les secrets d'une éloquence plus que convenable. 

Alors comment se fait-il que, chaque fois que j'entends aujourd'hui sa voix dans le poste, je coupe aussitôt le son ? Que s'est-il passé ?

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Dessin de Dutreix, Le Canard enchaîné, 26 juin 2024.

Selon moi, la réponse tient dans un seul mot : la faillite ! D'après ce que je peux percevoir de l'actualité et de l'actuelle situation politique, économique et sociale de la France, nous avons assisté, dans les temps récents, à la faillite de l'intelligence d'Emmanuel Macron. Tout le monde voit avec effroi et stupéfaction le président en exercice acheminer de plus en plus vite ce qui reste de ses mandats vers une issue de plus en plus sombre.

Pour commencer, je note que, non content de ne pas se taire, comme l'en conjurent même ses plus proches amis, il ne cesse plus, à chaque instant, de parler. Enfin, je dis parler, alors que je devrais dire baragouiner, jaspiner, bonimenter, phraser, dégoiser, rabâcher, improviser, haranguer, bref, tout le toutim. C'est une vraie colique. Une débâcle d'entrailles, hélas accompagnée de terribles flatulences, façon Michel Piccoli dans La Grande Bouffe (vous vous rappelez la scène chatoyante, sur le perron de la villa).

Partout, dans tous les médias, à tous les micros, dans toutes les oreilles vulnérables qu'il lui arrive de rencontrer. C'est une maladie dont il souffre depuis longtemps, mais de chronique, elle est devenue aiguë. 

Alors voilà, M. Macron n'a rien compris. Voyons d'abord la Nouvelle-Calédonie : voilà-t-il pas qu'il fait emprisonner en France métropolitaine des Kanaks, coupables d'avoir fomenté des troubles qui vont coûter très cher à la population du Caillou.

La réaction n'a pas tardé : les violences (qui ne s'étaient jamais vraiment arrêtées) ont repris de plus belle. Ah mais c'est qu'il écoute les gens, notre Macron national, et même mieux : il les entend, le plus souvent de loin, car il y a toujours beaucoup de casques, d'uniformes et de lacrymogènes entre lui et les foules déchaînées. Moralité : il n'y a pire sourd que Monsieur Macron. Quelle clairvoyance, monsieur le Président !!! Redoutable sourd, doublé d'un infernal aveugle. A moins qu'on voie en lui le simple touriste de l'excellent proverbe africain : « Le touriste est celui qui ne voit que ce qu'il sait ».

Une autre preuve qu'il n'a rien compris, je l'ai entendue sortir de sa propre bouche il y a quelques jours : « J'ai bien entendu le message que les Français m'ont adressé le 9 juin : ils auraient voulu que nous allions beaucoup plus vite et plus fort dans les réformes ! ». Je cite en substance, c'est globalement approchant, mais je garantit l'authenticité de "plus vite et plus fort".

Franchement, je finis par me demander de quelle planète cet infirme de la comprenette a débarqué chez nous. Franchement, je me demande quelle langue il parle, mais aussi quelle langue exotique il comprend. Visiblement, il passe dans la réalité — celle dans laquelle nous autres les gens ordinaires pataugeons en temps ordinaires — à la façon dont Pierce Brosnan en James Bond traverse une muraille de flammes : même pas décoiffé, le gars !!! Pas un hématome !!! Pas un froissement dans le costard trois-pièces !!! Le corps, l'esprit et les vêtements de Macron restent indemnes et intouchés après les pires confrontations avec la vraie réalité. C'est à se demander s'il peut vieillir.

Je me souviens d'avoir lu il y a quelques années un excellent livre que François Ruffin avait adressé à son ancien condisciple de lycée, devenu depuis Président de la République. Le titre en était particulièrement bien trouvé : Ce Pays que tu ne connais pas (Les Arènes, 2019, j'avais rendu compte ici de ce bouquin), et le sous-titre ne manquait pas de pertinence à l'époque tout en montrant une certaine empathie à son égard : "Bienvenue en France, Monsieur Macron".

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Ce que je me rappelle du propos, c'est, entre autres, que la connaissance qu'Emmanuel Macron a des diverses populations qui vivent en France est essentiellement une connaissance par ouï-dire, une connaissance indirecte, une connaissance exclusivement médiée par des dossiers, des chiffres et des concepts. Comme s'il évitait comme la peste de confronter à qui et à quoi que ce soit de concret par l'expérience personnelle la masse de ce qu'il a ingurgité, appris et cru comprendre.

En 2017, les Français ne savaient pas qu'ils avaient élu, en quelque sorte, un « président in vitro ». C'est d'ailleurs à cause de cette incapacité congénitale à s'incarner en « président in vivo » qu'un nombre toujours croissant d'électeurs et même de responsables politiques le supplie de fermer sa gueule.

Il ne sait pas, le pauvre homme, que les pratiques de laboratoire, de recherche et d'éprouvettes, ont toujours, dans les bonnes pratiques scientifiques, besoin de subir contrôles divers et vérifications multiples en grandeur nature avant d'être validées. Il aurait peut-être l'impression de se salir les mains ? Il préfère peut-être respirer l'air abstrait des idées supérieures (vous savez, celles qui n'aiment ni la boue, ni le vent, ni les intempéries).

Le problème de Macron, c'est que les gens auxquels il croit s'adresser ne sont pas des abstractions, mais des êtres de chair et d'os, qui existent, s'efforcent de persévérer dans leur être, savent ce que c'est que de prendre des coups et qui, quand la moutarde leur monte au nez, sont capables de manifester leur désaccord, leur réprobation ou leur colère : dans la rue, sur les ronds-points ou dans les urnes. Avec les européennes, ils ont voulu donner un coup de poing à Macron (jab ou uppercut, je n'ai pas de préférence). 

Le malheur veut qu'en l'occurrence et en même temps que le président, ma propre gueule ait pris une partie de ce coup. Mais ça ne se passera pas comme ça, Monsieur Macron : vous êtes un maillon de la chaîne de responsabilités. Vous avez une dette envers la France.

mardi, 04 juin 2024

TRENTE-HUIT

38

NON, IL N'Y A PAS D'ERREUR, VOUS NE RÊVEZ PAS : IL Y AURA BIEN TRENTE-HUIT PANNEAUX D'AFFICHAGE.

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Ce qui pose évidemment des problèmes insolubles aux maires de nombreuses petites (et parfois toutes petites) communes. « Vous nous voyez, ici à Saugy (Cher), 69 habitants au recensement de 1990 [vous pouvez vérifier], dépenser des sommes déraisonnables pour simplement nous conformer aux règles impérieuses du code électoral ? » Quelle idée aussi ! Trente-huit listes de candidats aux fauteuils d'élus au Parlement européen !!!

Tout le monde disait 38, alors moi, je suis allé sur le site du Ministère de l'Intérieur, je n'en ai trouvé que 37, dans l'arrêté du 17 mai 2024 paru au Journal Officiel, vous savez, celui où sont enregistrés les listes et chacun des individus figurant sur ces dernières.

En fait, il faut aller voir la "version consolidée" pour apercevoir la liste n°38 ("Liberté démocratique française"), celle menée par un nommé Patrice Grude. Parenthèse : l'ordre des listes (et des bulletins sur les futures tables) résulte du tirage au sort. J'avoue que j'ai passé un curieux moment à transcrire à la main (mon ordi ne "reconnaît" plus mon imprimante) le titre de toutes ces listes puis le nom de tous ceux et celles qui figurent en tête.

On se demande quand même ce qui ne va pas en France pour que tant de vocations politiques surgissent tout d'un coup, jusqu'à envahir le paysage de leurs appellations souvent énigmatiques, et parfois de leurs professions de foi nébuleuses ? 

Car pour les principales têtes de listes, au moins, c'est clair : on identifie sans problème les bobines de Marie Toussaint (liste n°6 : "Europe écologie"), Raphaël Glucksmann (liste n°27 : "Réveiller l'Europe"), Jordan Bardella (liste n°5 : "La France revient ! avec Jordan Bardella et Marine Le Pen"), Manon Aubry (liste n°4 : "France insoumise"), et même Valérie Hayer (liste n°11 : "Besoin d'Europe") ou François-Xavier Bellamy (liste n°18 : "La droite pour faire entendre la voix de la France en Europe"). 

Mais qui a entendu parler d'Edouard Husson (liste n°25 : "Non ! Prenons-nous en main") ? De Jean-Marc Governatori (liste n°35 : "Ecologie au centre") ? De M. Fidèl' (sic ! Liste n°1 : "Pour une humanité souveraine") ? Et ne parlons pas de Guillaume Lacroix (liste n°31 : "Europe Territoires Ecologie"), de Selma Labib (liste n°22 : "Pour un monde sans frontières ni patrons urgence révolution"), de Michel Simonin (liste n°16 : "Paix et décroissance") ou d'Olivier Terrien (liste n°9 : "Parti révolutionnaire communiste").

Cet ensemble polychrome et plein de bigarrures me ferait rire s'il n'avait pas un aspect carrément pathétique, voire désespérant. Du coup, je me demande ce que c'est, l'Europe, pour que, dans un de ses pays fondateurs, se produisent de telles aberrations. 

Bon, c'est vrai, cela fait bien longtemps que cette Europe, telle qu'elle s'est bricolée, d'abord à six, aujourd'hui à vingt-sept, ressemble davantage, à mes yeux, à une bicoque biscornue qu'à un bâtiment harmonieux. D'abord à cause de tout le personnel politique français et de la frilosité maladive qui le saisissait dès qu'il s'agissait de désigner les candidats à l'instance supranationale. 

Rappelez-vous la façon dont Rachida Dati avait réagi quand son copain Sarkozy, alors président, l'avait bombardée tête de liste pour les européennes. Elle l'a très mal pris. C'était un mauvais coup, une punition, un exil ! Et pas seulement elle : tout le monde ou presque y allait à reculons, à Bruxelles et à Strasbourg.

Tout le monde ou presque préférait l'eau trouble du bocal parisien à l'effectivité d'un vrai travail collectif de construction internationale. Tout le monde ou presque se sentait une âme territoriale et nationale et repoussait ce qui se présentait à tous les yeux comme une vague abstraction lointaine et sans consistance.

Les hommes (et femmes) politique français ne se sont que très rarement sentis personnellement concernés et engagés dans la "construction européenne". La population française elle-même ne savait pas trop à quoi se raccrocher, elle qui entendait de hauts responsables accuser le monstre froid et anonyme qui bombardait la nation de ses oukases bruxellois. 

Qui est en mesure de citer les noms de politiciens français, en dehors des sempiternels Jean Monnet, Robert Schuman, Simone Veil et Jacques Delors, qui soient partis flamberge au vent à la conquête joyeuse de l'Europe communautaire ? Les députés allemands, plus habitués sans doute au travail sérieux et de longue haleine, étaient tout étonnés quand, d'une mandature à l'autre, ils retrouvaient des visages de Français.

Aussi ne nous demandons pas pourquoi la France n'arrive plus à influer sur la marche du véhicule européen autant que par le passé. Disons en gros que la France dans son ensemble n'a jamais vraiment cru à une Europe où elle a eu très tôt l'impression de se dissoudre.

On comprend un peu mieux, dans ces conditions, la floraison foisonnante de la ribambelle de listes qui se soucient fort peu d'être ou non complètement hors-sujet. Qui, parmi les trente-huit têtes de liste, se trouve à ce point en manque de "visibilité" qu'il juge nécessaire ou vital de se montrer un peu pour capter un peu de la lumière que procure l'événement.

Par exemple, que vient faire dans les élections européennes une liste "Free Palestine" ? Elle porte le n°7 et est conduite par M. Nagib Azergui et est pour l'essentiel composée de gens aux noms à consonance "orientale". On me dira : "L'occasion [Gaza, la guerre, le Hamas] fait le larron". Soit, mais tout cela est-il bien sérieux ?

Ce que je comprends le moins, pour finir, dans ces élections et dans la façon dont s'est déroulée la campagne, c'est qu'elles consistent en la juxtaposition de vingt-sept élections nationales. Comment voulez-vous que le citoyen lambda, dans chacun des pays, discerne quelque enjeu européen collectif et communautaire dans le cercle limité de son horizon national ? Conserver des élections nationales pour nourrir des institutions supranationales, avouez qu'il y a de quoi rendre la chose incompréhensible.

Est-il absolument inenvisageable de changer le mode de scrutin ? Est-il impossible d'obtenir de la part des politiciens européens qu'ils s'entendent en amont des élections pour constituer les futurs groupes qui auront la charge de gérer au mieux les intérêts du "vieux continent" ?

Imaginez seulement tous les aimables politiciens obligés de se rencontrer, de se parler et de se comprendre, de faire connaissance en dehors de toute institution avec des gens parlant toutes les langues de l'Europe, de confronter idées et projets et de s'entendre par affinités politiques ou personnelles. Alors ça, je vous parie que ça aurait une autre gueule. Imaginez un réseau Erasmus au Parlement européen !

Et ça nous éviterait, en France (pour les autres pays, je suis dans l'ignorance), le ridicule achevé de voir arriver l'invraisemblable pullulation de candidatures plus fantaisistes les unes que les autres.

Beaucoup de raisons au total pour que je reste à la maison dimanche prochain.

samedi, 01 juin 2024

OÙ EN EST L'ÉCOLOGIE ?

OUI, AU FAIT, OÙ EN EST L'ÉCOLOGIE ?

Eh bien, à lire la presse non spécialisée (= généraliste), non seulement elle ne va pas fort, mais il y a tout lieu de penser qu'elle recule, pour ne pas dire qu'elle régresse. Je parle évidemment de la place infinitésimale qu'a occupée le thème écologique dans la campagne pour les élections européennes, mais aussi et en particulier d'un certain nombre de décisions qui ont été prises récemment par différents responsables ou institutions politiques ou économiques. Ci-dessous quelques titres d'articles parus dans les journaux Le Monde et Le Progrès au cours du mois de mai.

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Le Monde daté 8 mai 2024. Pour commencer, voilà l'affichage des Bonnes Intentions. On s'aperçoit déjà que c'est un peu timide. Disons que certains se permettent d'émettre quelques réserves.

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Car on comprend très vite que ça ne va pas être facile.
Journal Le Monde, 8 mai 2024. Conclusion n°1 : il ne faut pas trop compter sur les institutions européennes pour favoriser, et même seulement accompagner la "transition écologique" (comme ils disent).

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Journal Le Monde, 14 mai 2024. Conclusion n° 2 : on peut se faire une idée du genre d'agriculture qui sera pratiqué dans l'avenir, lorsque les fonds de pension, les fonds spéculatifs, voire les fonds vautours, auront posé leurs griffes sur les terres agricoles. Pas de place pour les précautions sanitaires et autres colifichets touchant la qualité des aliments, quand il faut produire bon an mal an de 10% à 15% de retour sur investissement, n'est-ce pas.

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Journal Le Monde, 19-20 mai 2024. Conclusion n°3 : le législateur en personne tombe le masque des belles et grandes intentions à propos des nourritures saines promises aux populations crédules. L'environnement et la biodiversité peuvent aller se rhabiller.

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Journal Le Monde, 26-27 mai 2024. Conclusion n°4 : le changement climatique a fait alliance avec la tendance inflationniste lourde. Le cercle vicieux accélère la rotation du nœud coulant autour du cou des populations les plus précaires. Je salue en passant Stéphane Foucart, en même temps que toute l'équipe qui s'occupe de nourrir la rubrique "Planète". Bravo et merci.

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Journal Le Monde, 30 mai 2024. Conclusion n°5 : « L'écologie, ça commence à bien faire ! » (Nicolas Sarkozy).

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Journal Le Progrès, 26 mai 2024. Alors ça, c'est carrément une merveilleuse trouvaille. Cette phrase tant soit peu hallucinée est sortie de la bouche d'un responsable d'une entreprise spécialisée dans la collecte des déchets. Je tenais à finir sur ce point, parce que je viens de lire un petit bouquin tout à fait instructif : J. Cavé, "chercheur en écologie territoriale", Y. P. Tastevin, anthropologue et A. De Pin, illustratrice, ont uni leurs efforts pour proposer cette Civilisation du déchet (Les Arènes, 2024, 150 pages très abondamment illustrées).

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On y lit par exemple ceci : « 1 / 20 : C'est l'échelle de notre empreinte matière. Derrière chaque kilo d'ordures ménagères, se cachent 20 kilos de déchets, tous types confondus : de l'extraction de ressources à la fabrication du produit, puis à sa consommation, jusqu'au déchet ultime. Ainsi chaque kilo de déchets ménagers en a créé 20 ». De quoi déculpabiliser les gens ordinaires qui subissent les propagandes officielles, qui exigent de chacun des "petits gestes". Et de quoi les convaincre de rétorquer aux bourreurs de crânes : « Arrêtez le foutage de gueule !!! » Un livre rempli à ras de données, de faits, de constats et d'analyses percutantes.

Je recommande chaudement le bouquin, même si, en le refermant, on constate que les lueurs qu'on croyait apercevoir au fond du tunnel ont eu une fâcheuse tendance à s'évanouir. Ce qui n'était sans doute pas dans les intentions des auteurs au départ de leur travail.

J'en reste pour ma part à ce diagnostic : économie ou écologie, il n'y a pas de place pour deux, ce sera l'une ou l'autre. D'un côté, les "on devrait", les "il faudrait", les "il est urgent de" et autres intentions louables. De l'autre, les intérêts très concrets, hargneux et jaloux  des entrepreneurs, des actionnaires et des pouvoirs en place. Sans oublier le vulgum pecus de l'humanité souffrante qui doit boucler ses fins de mois sans sauter trop de repas.

Et selon toute probabilité, si j'en crois les titres de la presse, je crains fort que les grands vainqueurs de ce combat soient les facteurs économiques, qui ne laisseront pas d'éventuels régulateurs téméraires  limiter leurs appétits féroces sans mordre — et peut-être pire. 

samedi, 20 mai 2023

ÇA COMMENCE A BIEN FAIRE

Voici le texte intégral d'un petit article de Jean-Luc Porquet, journaliste au Canard enchaîné et (entre autres) fervent lecteur de Jacques Ellul, immortel pourfendeur du Système technicien et dénonciateur du Bluff technologique.

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Article impeccable de Jean-Luc Porquet paru dans Le Canard enchaîné du mercredi 17 mai 2023. On note particulièrement le nombre d'occurrences du mot 

LIMITES,

et autres expressions équivalentes. Je retiens en particulier cette phrase : « Notre système économique ne se maintient que par la destruction sans frein de la nature ». Le journaliste pose ainsi le doigt directement dans la plaie qui fait que le corps du monde actuel suppure d'infectes sanies nauséabondes et répand autour de lui toutes sortes de poisons — violents ou pernicieux.

Occasion pour moi de renouveler une fois de plus, sans me faire d'illusions, du fond de mon terrier et dans le désert sourd où les lanceurs d'alerte se succèdent à un rythme soutenu avec le succès que l'on sait, un appel à la rédaction d'une

DÉCLARATION UNIVERSELLE DES LIMITES HUMAINES.

Car je persiste à voir dans l'inépuisable, perpétuelle et souvent hargneuse revendication d'ouverture de nouveaux droits (pour les Etats, pour les individus, pour la collection des minorités aboyantes, pour les entreprises et les entrepreneurs, etc.) un décalque exact de la façon vorace, violente et suicidaire dont fonctionne et se nourrit le système économique actuel. Dans la doctrine de ce "libéralisme" (sic !), tout ce qui vient de l'Etat ou d'ailleurs pour restreindre l'initiative, freiner l'innovation, contrôler ou réglementer la libre expression des désirs et des pratiques s'apparente à la volonté diabolique d'une figure du Mal absolu.

***

Dans Le Premier homme, p.66, Albert Camus fait dire à son personnage de Cormery, qui réagit vivement face à Levesque à la façon ignoble dont les insurgés algériens traitent les cadavres de leurs ennemis : « "Peut-être. Mais ils ont tort. Un homme ne fait pas ça." (...) "Non, un homme ça s'empêche. Voilà ce qu'est un homme, ou sinon..." ». Cormery ne finit pas sa phrase.

Grande leçon à destination de tous nos soi-disant progressistes — qui se proclament à l'avant-garde du Progrès quand ils ont assené leur péremptoire : « Pas de limites à l'extension de nos droits ». 

samedi, 26 mars 2022

PAS DE "GRAND REMPLACEMENT", MAIS ...

... MAIS UN ISLAM CONQUÉRANT, PATIENT, RAMPANT, OBSTINÉ.

1 - Un remplacement a déjà eu lieu.

Je le dis d'entrée de jeu : les gens qui affirment, de façon sincère ou non, redouter le grand remplacement de la population française "de souche" par des hordes venues du Maghreb, d'Afrique noire ou du Proche ou Moyen Orient, se laissent leurrer par des fantasmes ou des mensonges. De toute façon, ma conviction est faite depuis longtemps : la seconde moitié du XXème siècle a déjà vu l'ancienne population française se laisser remplacer, année après année, par ses libérateurs de 1945.

Régis Debray, dans son livre Civilisation (Gallimard, 2017), raconte de façon lumineuse et probante « comment nous sommes devenus américains » (le sous-titre, c'est moi qui souligne). De son côté, Jean-Pierre Le Goff, en racontant dans le détail le quotidien de la France qu'il a connue de 1950 à 1968 (La France d'hier, Stock, 2018), dessine les traits d'un pays que la plupart des Français d'aujourd'hui qualifieraient d'épouvantablement ringarde, obsolète, rétrograde, presque archéologique.

Moyennant quoi, ils refusent d'admettre que la France, si elle garde malgré tout des traces de ce qu'elle fut en d'autres temps, a laissé plus ou moins joyeusement, plus ou moins consciemment, remplacer ses décors, son habitat, sa culture, ses traditions, ses façons d'être et de faire, sa psychologie et jusqu'à son âme, par les innombrables biens matériels et culturels venus des Etats-Unis. La France est devenue une cliente. Certains disent même un protectorat (mais ils exagèrent sûrement). Les Français sont quasiment gallo-américains, diraient Goscinny et Uderzo dans Le Combat des chefs.

Au point que, dès qu'une innovation plus ou moins innovante (je ricane), plus ou moins "historique" (je pouffe), plus ou moins "révolutionnaire" (je me gausse) pointe le bout de l'oreille sur le sol américain, nos chers journalistes, toujours prêts à gober la moindre "nouveauté", saluent avec enthousiasme son prochain débarquement en Normandie, je veux dire sur notre sol, allant même parfois jusqu'à préciser que la France, toujours à la remorque du navire amiral d'outre-Atlantique, n'est-ce pas, est en retard de dix ans sur les Etats-Unis. Au point que personne n'a oublié le cri du cœur de Jean-Marie Colombani paru en éditorial de "une" du journal Le Monde au lendemain du 11 septembre 2001 : « Nous sommes tous Américains ».

Remarquez qu'en 2003, le refus radical de Jacques Chirac et Dominique de Villepin d'entrer dans la coalition américaine (illégale) pour démolir le régime de Saddam Hussein, tend à prouver que nous n'étions pas si américains que ça. Et les journaux et médias américains ont alors si abondamment craché sur la France que cela a pu réconforter ceux qui avaient un reste de fierté nationale, sans forcément leur ouvrir les yeux sur la réalité ou la profondeur de l' "amitié" que nous portent les Américains.

Malheureusement, c'était juste un sursaut de fierté de la part de quelques attardés du gaullisme. La France vassale a vite repris ses droits. Nicolas Sarkozy (aah, ses footings avec les T-shirts floqués NYPD !) a même réintégré la France dans le commandement de l'OTAN (officine largement dominée par le suzerain américain), et sans contrepartie. En chemise et la corde au cou, pour ainsi dire.

Et tout aussi malheureusement, nous sommes devenus assez Américains pour que j'en veuille énormément à certains Français d'avoir importé des modes de pensée propres aux Etats-Uniens, à commencer par cette arrogance dans l'affirmation de l'identité (les "fiertés" qu'on fait défiler), qui fait d'une petite collection de "minorités" (raciales, sexuelles, religieuses, etc.) des prescripteurs de lois.

Ces minorités n'hésitent pas à calquer benoîtement sur la situation spécifiquement française (données historiques comprises) les problématiques particulières propres aux Américains. Ces minorités haïssent la liberté d'expression quand elle froisse si peu que ce soit l'épiderme de leur sensibilité, au prétexte qu'elles se sentent victimes de l' "oppression majoritaire" et des "stéréotypes" dominants, et ne pensent qu'à une chose : faire taire l'ennemi, et punir, punir, punir. Il faut ensuite être un mouton aveugle et sourd pour continuer à bêler sur le "vivre-ensemble" ou sur le "faire-société".

Bon, tout ça pour dire que le "grand remplacement" est un fait accompli depuis lurette : les Américains, appuyés sur leur "soft power" (cinéma, musique, etc.), ont fait en sorte que la France change de peuple. C'est une chose acquise, il n'y a plus beaucoup d'âme française chez les Français. Le Français d'aujourd'hui se sent très bien dans les oripeaux que lui a vendus l'Amérique, et va même jusqu'à qualifier d' "anti-Américains" tous ceux qui "crachent" dans la soupe.

Ceux qui s'intitulent "français de souche" devraient y réfléchir, car dans le tas des idées importées des USA, il en est une qui pourrait au moins susciter des interrogations : c'est le melting pot, ce "brassage et assimilation d'éléments démographiques divers, en partic. aux Etats-Unis, au XIXème siècle" (Larousse P.L.I. 2002). Pourquoi la France n'aurait-elle pas aussi importé cette magnifique innovation ? Pourquoi la France ne deviendrait-elle pas à son tour un gros tas de chouettes peuplades juxtaposées ? Pourquoi n'adopterait-elle pas pour étendard le drapeau arc-en-ciel des fiertés mondialisées ?

2 - Pas de "Grand Remplacement", mais une offensive opiniâtre et tranquille.

Je ne sais donc pas trop si ces Français de souche, qui pestent parfois violemment et de façon indiscriminée contre l'immigration, ont tort ou raison quand ils hurlent au "grand remplacement". Ce dont je suis sûr, c'est qu'ils devraient prêter davantage d'attention à un phénomène si discret qu'il passe largement au-dessous des radars de la vigilance ordinaire : le combat culturel mené au quotidien par un certain nombre d'activistes musulmans, en particulier des imams, pour se concilier, puis s'approprier l'esprit de tout un tas d'individus peu instruits, peu méfiants ou peu regardants. Car ces activistes sont assez habiles pour éviter de mettre en avant le djihad, la violence ou la guerre aux "croisés" de la chrétienté. On a à faire à des imams souriants et bienveillants : nulle trace d'hostilité déclarée dans leurs paroles et leurs attitudes.

En témoigne un homme qui fut d'abord un réfugié syrien admis sur notre sol. Omar Youssef Souleimane est un poète et un écrivain. Il est né dans une famille rigoureusement salafiste, le père, surtout. Aujourd'hui, il est Français depuis trois mois, et il vient d'écrire Une Chambre en exil (Flammarion). Il était l'invité de Marc Weitzman dans son émission "Signes des temps", sur la chaîne France Culture, dimanche 20 mars, pour en parler un peu. 

Mon intention ici n'est pas de rapporter ses propos dans le détail. Je veux seulement relever quelques idées cruciales qui nous concernent, nous, qui nous sentons avant tout Français, Européens et de culture complexe à dominante chrétienne écrasante, quoique déclinante. Son aventure a commencé en 2012, lorsque, en compagnie d'une vingtaine d'autres "rêveurs" (c'est lui qui le dit), il a manifesté à Damas pour la liberté. Alors que six d'entre eux étaient arrêtés pour subir les traitements qu'on imagine, il a réussi à échapper aux sbires de Bachar al Assad. 

Il raconte qu'il a été sauvé par la poésie, en particulier celle de Paul Eluard, mais aussi par la "vieille" poésie arabe, qui lui inspire cette belle pensée que la langue arabe, qui date de bien avant l'islam (Vème siècle ?), recèle des richesses infiniment plus vastes que la langue du Coran qui, quant à elle, a été figée autour du XIème siècle (ça fait quand même 1.000 ans) en tant que langue sacrée et à ce titre intouchable. Le rigorisme qui s'est alors abattu sur la langue des Arabes a empêché celle-ci d'évoluer avec le temps.

L'interlocuteur de Weitzman se désole alors à l'idée que beaucoup de ceux qui veulent apprendre l'arabe aujourd'hui, ne le font que pour lire le Coran dans le texte. J'ajoute que si le programme des écoles coraniques consiste vraiment à faire apprendre par cœur le texte du Coran, il y a du mouron à se faire sur le niveau de la culture ainsi transmise et sur la future ouverture d'esprit des élèves.

Omar Youssef Souleimane raconte comment, arrivé en tant que réfugié à Bobigny, il a fait la rencontre d'un imam redoutable, non parce qu'il portait un poignard, ni parce qu'il voulait exterminer les maudits "koufars", mais parce qu'il montrait un visage "doux, intelligent, sympathique, intellectuel" (ce sont ses mots). Cette stratégie enveloppante et insinuante lui fait dire que ce genre de personnage est beaucoup plus dangereux pour la France à long terme que n'importe quel djihadiste ou terroriste. Et surtout il sait que ce genre d'imam n'est pas un cas isolé, mais qu'il a tendance à pulluler dans les cités de Seine-Saint-Denis et d'ailleurs, là où les musulmans sont nombreux, et parfois ultra-majoritaires. Il ajoute que ces imams sont bien rémunérés (par l'Arabie saoudite ou la Turquie). Cool Raoul ! A l'aise, Blaise ! Facile Mimile !

Selon lui, ce qui se prépare dans ces "territoires perdus de la République" (titre d'un bouquin bien inspiré), c'est une "France séparée", n'en déplaise à une certaine extrême gauche, prompte à lancer ses glapissements antiracistes dès que quelqu'un tente d'alerter sur les dangers de l'offensive islamique tranquille à l'œuvre depuis quelques décennies. Une extrême-gauche qui sort à tout bout de champ ses refrains, du risque de "récupération par l'extrême droite" à la "discrimination". Selon Souleimane, le voile soi-disant islamique est avant tout un drapeau identitaire, car pour ces imams, aussi étonnant que cela puisse paraître, l'islam est moins une religion qu'une identité : l'identité d'une communauté. Et une communauté fermée sur elle-même.

Le plus terrible dans cette affaire, c'est l'incroyable complicité de certains politiciens français qui, pour de simples raisons électoralistes, se mettent cul et chemise avec ces responsables religieux. Certes des gens qui leur font peur, mais dont ils ont un besoin vital, pour une excellente raison : l'influence décisive que leur parole possède sur la communauté dont ils sont la voix. On voit, dit Souleimane, dans certaines municipalités (Bobigny ?), des imams assister à des réunions avec des édiles qui tiennent par-dessus tout à rester en bons termes avec eux et tremblent à l'idée de se les mettre à dos. Et, continue Omar Youssef Souleimane, la police laisse faire l'imam qui tolère le dealer de drogue, au motif qu'ainsi l'ordre règne. Et le maire se frotte les mains, parce qu'il pense que son mandat suivant est déjà dans la poche. Comprendre : "dans la poche de l'imam", bien sûr.

Bien entendu, quand il est dans son cercle de proches, l'imam ne cache rien de son véritable objectif final : instaurer la charia. Face au bon peuple, le discours malin, enjôleur et manipulateur ; face aux initiés, la vérité des intentions. 

Pour conclure, on ne peut évidemment pas effacer un demi-siècle de remplacement de ce qui fut autrefois les valeurs des Français par les "valeurs" spectaculaires et marchandes de nos "amis" américains, mais qu'on y réfléchisse bien : cette transformation a été obtenue en prenant son temps, par la douceur et sans violence, avec le consentement parfois enthousiaste des Français, à commencer par leurs élites. Pourquoi la même patience, la même douceur et la même non-violence n'obtiendraient-elles pas le même résultat, mais cette fois en faveur de l'islam ?

Pendant que toute l'opinion publique et toute la vigilance officielle et officieuse (D.G.S.I.) ont les yeux et les micros braqués sur les événements sanglants, d'autres activistes mènent une offensive d'autant plus subtile, discrète et silencieuse qu'elle est souriante et pacifique. Je dirais presque que les attentats, vus de cette manière, font office de diversions (que les victimes veuillent bien pardonner cette audace de langage) par rapport à l'objectif final.

Il faudrait que les hautes autorités politiques et les pouvoirs municipaux des communes concernées réfléchissent à leur lourde responsabilité dans les progrès accomplis par l'islam "normal" sur le territoire français. Oui, je sais : "il faudrait", ... Mais ne sont-ils pas trop lâches pour cela ? Que ne ferait-on pas pour garder son fauteuil ?

Je récuse quant à moi la différence que certaines bonnes âmes s'obstinent à faire en "islamique" et "islamiste". C'est une question de civilisation. 

Voilà ce que je dis, moi.

Note : Pour ceux qui voudraient savoir un peu mieux à quel adversaire ils ont à faire, je conseille la lecture d'un livre tout à la fois délicieux à la lecture et redoutable à la réflexion, qui permet de pénétrer dans une certaine mesure dans ce qui fait l'esprit de la civilisation des Arabes. Ce livre, c'est Le Livre des Ruses, collection d'anecdotes plus ou moins conséquentes, mais toujours spirituelles, une collection qui aide à comprendre pourquoi les Arabes (les musulmans ?) ont longtemps été considérés en Occident comme des êtres fourbes et sans parole.

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J'ai longtemps tiré de la lecture de ce livre la conviction que si l'Occident médiéval se méfiait de la lettre, il accordait un grand prix à la parole donnée et que, inversement, les Arabes utilisaient les subtilités du verbe pour tromper l'ennemi, ce qui revient à prendre l'adversaire à son propre piège : ce n'est pas mentir que de prononcer des paroles subtiles qui bernent l'attention d'un autrui trop confiant dans une hypothétique similitude des façons de penser, pour mieux pouvoir lui renvoyer, s'il proteste contre la mauvaise foi de la personne, l'exactitude des paroles prononcées.

Et ce n'est qu'une des milles facettes de cet art du langage développé au fil des pages de cet ouvrage tout à fait étonnant. La différence des civilisations arabe et européenne me semble résider là, au creux de la parole : chez nous la ligne droite de la parole donnée (oui, je sais, "les écrits restent" etc., mais), qui fait apparaître comme une félonie la moindre infraction à la loyauté ; chez eux l'admiration qui s'adresse à celui qui, à force d'habileté et de subtilité langagière, a réussi à embrouiller la raison de l'homme à circonvenir.

***

Il faut les voir s'embrasser, se congratuler, sauter de joie, les moukères de Grenoble, à l'annonce de la décision qui autorise (en termes alambiqués) le burkini comme tenue pour les ébats aquatiques en territoire municipal. « ON A GAGNÉ !!! », ont-elles triomphé. Et maintenant qu'elles ont gagné à Grenoble, les associations d'activistes musulmans comptent bien ne pas s'arrêter là, et faire tout ce qui est en leur possible pour accrocher de plus gros gibiers à leur tableau de chasse. L'objectif ? Très simple : grignoter, mètre après mètre, le terrain occupé par l'adversaire en se servant des moyens mêmes offerts par ce dernier. Leur horizon ? Faire avancer, mètre après mètre, la cause de l'islam sur des terres qui ne sont presque plus chrétiennes jusqu'à occuper tout le terrain (ajouté le 19 mai).

dimanche, 20 mars 2022

VALERIE PÉCRESSE : L'INTELLIGENCE POLITIQUE

Ce n'est pas facile du tout d'être candidat à une élection présidentielle. Un vrai calvaire, un sacerdoce, une mission impossible. Quand on est un homme, c'est déjà éprouvant : regardez Jean Lassalle, purement et simplement ignoré par les grand médias, tout juste un petit dessin dans Le Canard enchaîné où le caricaturiste lui a fait un tarbouif façon pomme de terre extraterrestre !

Alors pensez : une femme en campagne ! Vous avez envie de la suivre, Valérie Pécresse, sur son chemin semé d'épines vers une déplorable crucifixion ? Et ce salaud de Nicolas Sarkozy qui, au dire de ses anciens amis et cotisants, est en train de "trahir sa famille" en ne déclarant pas son soutien plein et entier à cette femme à l'impeccable courage, à l'intrépidité de tous les instants ! Pire encore : il paraîtrait qu'il s'apprête à passer à l'ennemi et à soutenir Emmanuel Macron, dont il déclarait d'ailleurs, quelque temps après son élection de 2017 : « Macron, c'est moi en mieux ! ».

Pauvre Valérie Pécresse, en vérité ! Si injustement attaquée qu'elle finit par en perdre le sens de l'orientation. On l'a en effet entendue accuser Emmanuel Macron de lui piquer plein d'idées de son programme, et puis dans la foulée déclarer avec hauteur et fierté devant une assemblée conquise : « Le programme de Macron, ce n'est pas mon programme ! ». Il faudrait savoir.

Mais Madame Pécresse n'en est pas à une bévue près, si j'en crois une information entendue sur les ondes. Elle aurait en effet lancé, dans des circonstances que je ne connais pas, que si elle était élue présidente, elle nommerait le général De Villiers ministre de la Défense, l'écrivain Leila Slimani ministre de la Culture et Teddy Ryner, le champion de judo, ministre des Sports.

Le seul problème, c'est qu'elle aurait pu demander leur avis aux personnes concernées, avant de leur bombarder des portefeuilles en peau d'ours pas encore tué. Or ce n'était visiblement pas le cas, puisque le premier aurait répondu : « Je ne serai jamais le ministre de la Défense de Madame Pécresse ! » ; puisque la deuxième aurait rétorqué que la simple idée de cette nomination la remplissait d'horreur ; quant au troisième, il se serait contenté, en réponse à la candidate, de diffuser sur les réseaux sociaux une icône du genre "émoji hilare". J'ignore si l'intention de l'une et les répliques des trois autres sont authentiques, mais je trouve l'histoire divertissante. 

Quoi qu'il en soit et qu'il arrive, j'ai l'impression que l'avenir politique de Valérie Pécresse ne se présente pas sous les meilleurs auspices (j'ai failli écrire "hospices") parce que, à force d'accumuler les baffes et les gaffes, ses joues vont finir par ressembler à des tranches d'aloyau persillées et saignantes. Pauvre Valérie Pécresse, si seule et si abandonnée, cuite façon cramée dans la dernière ligne droite d'une épreuve où rien ne lui aura été épargné !

Quel talent ! Quel tempérament ! Quelle intelligence politique ! Quelle perte hypothétique pour la France !

Voilà ce que je dis, moi.

Note : après vérifications auprès de diverses sources, il semblerait que tout soit vrai.

Note ajoutée le 25 mars : on a appris que Madame Pécresse a été déclarée positive au Covid. Décidément, quand on a la poisse ... Chirac avait raison quand il déclarait : « Les emmerdes, ça vole en escadrille ».

samedi, 05 mars 2022

LE CHOIX DU CHÔMAGE (suite)

HISTOIRE (PRESQUE) SANS PAROLES.
Le Choix du chômage, B.D. de Benoît Collombat, journaliste d'investigation, scénariste, et Damien Cuvillier, dessinateur (Futuropolis, 2021).

LUTTER 1974 GISCARD.jpg

Lui, c'est le mensonge de base, sans fioritures, tranquille. Mais peut-être qu'à l'époque la croyance était encore répandue que le politique peut avoir une action sur la réalité ?

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Un peu de sincérité ? Etonnant quand même. Rétrospectivement, "modernisation" peut faire peur : derrière le mot, on voit poindre les "usines sans ouvriers" dont certains rêvaient. Ah, que voulez-vous, les nécessités de la compétition économique internationale ...

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Là, on frise l'aveu d'échec, non ? Mais c'est moins de "lutte contre le chômage" que de désindustrialisation ("délocalisation", ça vous dit quelque chose ?) qu'il faudrait parler.

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Lui, il y va au flan, carrément, comme Matamore : façon grosse caisse et fanfare. Genre "kärcher" ou "casse-toi pauvre con".

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LUTTER 2016 HOLLANDE.jpg

Lui, ce n'est pas cet état d'urgence-là qu'il a finalement retenu. De toute façon, cet ancien de l'ENA est un converti de longue date à l'économie de marché, à la primauté de la sphère économique sur la sphère politique et au rétrécissement des possibilités d'action des responsables politiques. Le roi de la "gauche molle", quoi (voir ci-dessous le tout jeune François).

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Moralité : au fait, elle est de qui, la chanson, vous savez : « Encore des mots, toujours des mots, rien que des mots, paroles, paroles, paroles » ?

Je suggère de poser à tous les imaginatifs pleins de projets ou de revendications qui raisonnent (se gargarisent) à coups de « IL FAUT » tout au long de leurs discours une seule question :
« COMMENT ON FAIT ? ».

Parce que c'est bien joli de se fixer des objectifs. Encore faut-il avoir une idée de la méthode, de la manière et des moyens. Appelons ça réalisme, pragmatisme ou ce que vous voudrez.

lundi, 01 novembre 2021

A MORT L'HÔPITAL PUBLIC !

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Faut-il que la situation apparaisse enfin catastrophique à un responsable du journal pour que Le Progrès lui-même s'y mette et en fasse un (tout petit) titre de "Une", mais deux pleines pages en pp. 2 et 3 (ci-dessus le titre de p.2) !!! Attention, Le Progrès n'est pas un "journal de référence" et n'y a aucune prétention. Le Progrès tient à rester un bon petit soldat de la P.Q.R. (Presse Quotidienne Régionale), qui rapporte fidèlement les petits événements de la vie des gens, piétons renversés par des chauffards, voyous voleurs d'Iphones, cambriolages de restaurants où le bandit a été retrouvé ivre-mort le matin, rodéos sur la place des Terreaux sous le nez du maire écologiste, bref : rien que des choses importantes. 

Parlons sérieusement : l'hôpital est au bord de l'effondrement. Le Progrès n'a rien inventé. Cela fait longtemps que les plus fins connaisseurs de la question lancent dans le désert des cris d'alarme : « Au secours ! La citadelle hospitalière se lézarde ! » Et ça ne date pas de la pandémie : on ne compte plus les manifs d'infirmières, d'aides-soignantes, de sages-femmes, etc. qui ont parcouru les rues. Plus fort : il n'y a pas si longtemps, on a vu des centaines et des centaines de "mandarins", médecins des hôpitaux, professeurs connus et reconnus démissionner de toutes leurs tâches administratives.

A l'initiative de quelques-uns, un "Collectif Inter-hôpitaux" a été créé, qui envoie régulièrement en mission devant les micros et les caméras que la presse consent à consacrer au problème, pour décrire la progression du mal qui gangrène l'hôpital. Tout dernièrement, j'ai entendu Mme Agnès Hartemann, qui ne fait, la malheureuse, que redire, rabâcher, ressasser les mêmes horreurs (cf. sa conférence de presse de janvier 2020, mais aussi d'autres interventions).

Guillaume Erner, qui anime les Matins de France Culture, a aussi invité François Salachas, neurologue à La Pitié-Salpêtrière. Lui aussi ne mâche pas ses mots, il y va même carrément : l'hôpital est en train de crever. Il y a des signes qui ne trompent pas, à commencer par la désertion de tout un tas de personnels qui, dégoûtés, saturés, surmenés, ne supportant plus d'être ainsi malmenés par l'institution elle-même, filent dans le privé ou le libéral, voire changent de métier. Au point que dans certains services (pédopsychiatrie et autres), 20% des lits restent inoccupés par force, faute de compétences disponibles. Comme quoi la fermeture de lits par les hautes autorités n'est pas le seul problème.

Et ce n'est pas seulement une question de rémunération. Ce qui pourrit la vie professionnelle de tous les gens qui travaillent dans le secteur du soin à l'hôpital public, c'est l'inflation de la bureaucratie hospitalière, qui exerce son pouvoir au détriment du SOIN, la seule et finale raison d'être de tout établissement médical. Pensez : il y a à l'hôpital autant de gens dont la mission est de soigner que de gens dédiés à l'administration. Les témoignages abondent pour dire que le COVID a été providentiel en même temps qu'il a mis en lumière la mainmise des administratifs et comptables : au plus fort de la crise, l'administration s'est d'un seul coup mise au service des personnels soignants, qui n'en revenaient pas. On a même vu des taxis amener et ramener chez elles des aides-soignantes, aux frais de la princesse.

Mais qu'on ne s'y trompe pas, une telle situation idyllique ne pouvait pas durer, comme l'a signalé l'excellente Agnès Hartemann quand elle a vu revenir en force tous les réflexes de la bureaucratie hospitalière, qui a recommencé à dicter sa loi, au mépris de toute logique de soin. Comme si la pandémie ne devait être considérée que comme un incident de parcours, en attendant que les affaires puissent reprendre leur cours normal. Disons-le : c'est maintenant chose faite.

Le retour de la situation mortifère dans laquelle se trouvait déjà l'hôpital public avant la pandémie me fait dire, à tort ou à raison, que tout cela résulte d'un plan à long terme. Concocté par qui, je n'en sais fichtre rien. Mais il est toujours permis d'émettre quelques hypothèses. La mienne tient en un sigle : H.P.S.T. C'est celui auquel se résume une loi voulue, votée et promulguée sous la présidence de Sarkozy, Mme Roselyne Bachelot étant l'exécutrice des hautes œuvres (je ne vois pas de meilleure expression) en tant que ministre de la Santé. HPST, ça veut dire Hôpital-Population-Santé-Territoire. Cela sent à plein nez le concept produit par un crâne d'œuf, une engeance toujours fertile quand il s'agit de produire des machins sur papier qui ravissent les politiques et qui martyrisent les gens qui connaissent le terrain parce qu'ils y vivent et travaillent. 

Pour s'en tenir aux données cruciales en évitant de se lancer dans des circonvolutions philosophiques, cette loi veut faire de l'hôpital une entreprise comme les autres, et pour atteindre ce noble objectif instaure le "paiement à l'acte". Voilà, c'est aussi brutal, direct et simple que ça. Sans connaître dans le détail le texte de cette loi (qui ne comporte pas, selon certains, que des aspects néfastes, ce que je veux bien croire), je me dis que nous voici, onze ans après le début de son application, devant l'effarant résultat, littéralement catastrophique, qu'a entraîné cette loi scélérate. Je me dis aussi que Bachelot-Sarkozy devraient au moins être accusés, à l'encontre de l'hôpital public, de "coups ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Et encore, sur l'"intention", ne suis-je pas entièrement convaincu. Vous ne vous dites pas ça, vous ?

Quoi qu'il en soit, si Emmanuel Macron veut vraiment sauver l'hôpital public, comme il l'a plusieurs fois laissé pressentir dans ses discours, il a une première tâche qui lui tend les bras : en finir avec la loi H.P.S.T, en finir avec le "paiement à l'acte".

***

Note : j'en ai assez de citer la promesse faite à Mulhouse par Macron à l'hôpital public en 2020. Cet homme est un homme de grands mots, d'intentions vertueuses et d'envolées lyriques. Il ne mérite plus qu'on prête attention à l'air qu'il brasse. Laissons donc toutes ses paroles s'envoler au vent et disparaître à l'horizon. 

dimanche, 22 août 2021

LI-BER-TÉ ! LI-BER-TÉ ! LI-BER-TÉ !...

... MAIS POUR QUOI FAIRE ?

J'irais volontiers manifester avec tous ces soi-disant braves gens, contrefaits "gilets jaunes", antisémites brevetés, adeptes confirmés de Florian Philippot, d'Eric Zemmour, du Rassemblement National ou du professeur Raoult, anti-vaccin ou anti-pass sanitaire qui, avec une unanimité finalement très fragmentaire (quatre défilés à Paris le 21 août), se promènent dans les rues de nos villes au cri de « Li-ber-té ! Li-ber-té ! ». Oui, j'irais bien. Seulement voilà : à force de raisons valables d'être en colère, on ne sait plus à quelle colère adhérer. Du coup, dans ce salmigondis disparate, l'idée même de colère en a pris un coup.

Car j'aurais bien aimé, de la part des révoltés qui extériorisent des mécontentements aussi diaprés et chatoyants que polymorphes, quelque soulèvement bruyant lorsque, par exemple, il n'y a pas si longtemps, plusieurs mesures exceptionnelles de l'état d'urgence mis en place sous le gouvernement de François Hollande après les attentats de 2015 ont été insérées sans trop de vagues ni de récriminations dans le droit commun (en particulier les transferts de compétences de la sphère judiciaire à la sphère administrative, entre autres "perquisitions" rebaptisées je crois "visites domiciliaires" ou "administratives").

De même, il semblerait qu'Emmanuel Macron, après avoir décrété l'état d'urgence sanitaire, en ait fait à son tour insérer dans le droit commun plusieurs mesures exceptionnelles par sa majorité aux ordres, et cela sans trop de tapage. Et je passe sur le paquet de lois sécuritaires ou antiterroristes votées pendant le règne de Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur puis à la Présidence de la République (on se souvient : un fait divers tragique = une loi). Des lois dont aucune, considérées une à une, n'avait un air attentatoire à quoi que ce fût mais qui, prises dans leur ensemble et mises bout à bout, deviennent autant de clous fichés dans le cercueil de nos libertés fondamentales.

Le pass sanitaire, vu dans cette perspective, n'est qu'un pas de plus dans la direction d'une société de surveillance et de contrôle des individus. Ce que je reproche aux actuels manifestants, c'est donc de ne réveiller leurs ardeurs combatives qu'au moment où l'on touche, par de nouvelles restrictions de liberté (censées se justifier par le bien de tous), à leur envie personnelle de bouger, à leur petit besoin de festoyer, à leur fringale de divertissement. Où le pouvoir ose s'en prendre à la petite tasse dans laquelle ils touillent leurs petits plaisirs. 

Au fond, je vais vous dire le fond de ma pensée : les manifs d'aujourd'hui - antivax et anti-pass sanitaire - ne sont en aucun cas des manifs de citoyens conscients et responsables (appartenance à une collectivité), mais des manifs (monômes ?) d'enfants gâtés, de gosses de riches qui pensent que la Liberté n'est plus cette figure grandiose capable de guider tout un peuple vers la Grande Emancipation (qui reste après tout à définir), mais une liberté au petit pied et au tout petit périmètre qui fournit un Nord exclusif à la boussole de leurs désirs tyranniques.

Qu'ils appellent "dictateur" le président Macron serait comique si ce n'était dérisoire. Qu'il vienne, le dictateur, et ils verront ce que ça veut vraiment dire. Ces manifestants m'apparaissent aujourd'hui comme des clowns pas drôles. 

Voilà ce que je dis, moi.

mardi, 29 juin 2021

POURQUOI L'ABSTENTION ?

C'EST A CAUSE DE LA PAROLE.

DISQUALIFIÉE, IMPUISSANTE ET INUTILE.

Depuis le 20 juin 2021, j'écoute les propos des politologues, les calculs des sondeurs, les analyses des sociologues, tous spécialistes plus savants les uns que les autres et se fondant sur des études toutes plus fouillées, rigoureuses et méthodiques les unes que les autres. Une seule question : pourquoi l'abstention ? Pourquoi ces deux tiers de Français qui semblent avoir dit adieu à l'expression légale de leur citoyenneté ? 

Mon analyse est peut-être un peu sommaire, mais elle prétend aller droit au but. Ce que plusieurs décennies de Vème république n'avaient fait qu'ébaucher, les trois dernières présidences l'ont achevé.

Nicolas Sarkozy, admettons-le, a joué à l'homme d'action et ce qu'il a fait a pu ressembler à de l'action politique, si ce n'est que celle-ci a été en réalité bien souvent destructrice. Justice ? Il a envoyé le soldat Rachida Dati ratiboiser ce qui dépassait : il ne devait pas rester une "boîte de petits pois" (son expression) dans le stand de tir. Il a liquidé la très salutaire et utile police de proximité mise en place sous Jospin. Côté police encore, il a détruit le renseignement de terrain en fusionnant les RG et la DST. Laissons de côté quelques autres méfaits annexes et néanmoins collatéraux.

Je retiens de la présidence de François Hollande une sorte de volonté mollassonne et peureuse d'imposer des lois clientélistes, comme le mariage homosexuel, qui ont radicalement clivé la population française de façon presque aussi profonde que les manières de faire de son prédécesseur. Il ne faut pas oublier aussi l'usage immodéré de l'article 49-3 pour parvenir à ses fins, qui avait réussi à dresser contre lui un groupe non négligeable de parlementaires bientôt baptisés "frondeurs".

Ces deux présidents ont largement montré aux Français qu'il n'était plus possible de faire confiance dans leur parole, qu'ils avaient malaisée, maladroite ou brutale, quand ce n'était pas carrément mensongère. Ils ont aussi montré que leur capacité d'action — autre que destructrice — sur les choses pour les améliorer était à peu près nulle, même s'ils gardaient encore un certain pouvoir sur les symboles (au hasard : le mariage).

Emmanuel Macron a porté le coup de grâce à ce qui fait une bonne partie de la confiance qu'une population peut avoir dans la politique qu'il subit, par choix ou non. Ah lui, on ne peut pas lui reprocher de ne pas savoir parler. C'est même tout ce qu'il sait faire, mais il le fait avec un savoir-faire consommé. Au point qu'il a impressionné tout le monde : qu'il s'agisse de tenir sept heures à tchatcher face à des dizaines de maires plus ou moins remontés, de proposer avec emphase et enthousiasme un Grand Débat National pour étouffer le mouvement des Gilets Jaunes ou de monter de toutes pièces une Convention Citoyenne pour le Climat avec cent cinquante "vrais citoyens", on a de toute évidence à faire à un maître en matière de discours. On a trouvé en 2017, peut-être pas un "maître des horloges", mais un maître de la parole. 

Le problème, justement, c'est que ce Niagara d'éloquence, qui promettait pour très bientôt le "retour des jours heureux", s'est très vite révélé un pauvre pipi de chien sur un trottoir étroit. Je ne sais pas trop où en sont les maires de France avec le pouvoir central depuis l'étalage de leurs bisbilles avec lui, mais ce dont je suis sûr, c'est que la baudruche du "Grand Débat National" gonflée à l'hélium en accéléré s'est dégonflée encore plus vite. Quant à la Convention Nationale pour le Climat, on a vu de quel souriceau décharné a accouché la Montagne, que dis-je, l'Olympe du haut duquel Jupiter lançait la foudre de ses promesses. Je n'oublie surtout pas « le plan massif d'investissement pour l'hôpital public » sorti en pleine pandémie de la bouche oraculaire d'Emmanuel Macron. Celui-là, quand il s'entend parler, il s'enflamme, enivré de lui-même.

La conséquence de tout ça ? C'est très simple : la parole politique dans son ensemble est proprement, salement et complètement DISQUALIFIÉE. Ne cherchez pas plus loin la raison pour laquelle votre fille est devenue aussi muette que les urnes. La parole politique est disqualifiée. Et cette tragédie (c'en est une) française ne résulte de rien d'autre que de l'IMPUISSANCE des politiques à faire en sorte que les vœux, souhaits, volontés et promesses dont ils abreuvent les médias et les oreilles des citoyens se concrétisent concrètement dans la réalité réelle de la vie des populations dont ils se targuent d'avoir le pouvoir d'améliorer le sort (pardon pour la complexité de la phrase). 

Je serais même tenté de généraliser mon propos et d'affirmer que toutes les paroles au sujet de l'état préoccupant du monde et des moyens de remédier à ses maux sont devenues impuissantes et inutiles. Ce que je dis ici n'empêchera certes pas les sociologues et autres spécialistes de toutes sortes de spécialités "scientifiques" dites "humaines" d'émettre des Niagaras d'hypothèses, de formuler des montagnes d'analyses, voire de construire des labyrinthes de théories (mais ça, qui oserait une telle audace aujourd'hui ?). 

Disons la chose plus brutalement : plus personne ne comprend quoi que ce soit à ce qui est en train de se produire et surtout plus personne n'est capable d'opposer à la fatalité des faits, des événements et des processus l'efficacité d'une volonté. Et plus personne n'est en mesure de poser sur la complexité des faits, des événements et des processus une parole pertinente. C'est la validité même de la rationalité de la parole que le monde actuel, tel qu'il fonctionne, annule. Elle est là, la tragédie.

A titre personnel, je peux dire que je ne supporte plus le ton de certitude joyeuse sur lequel s'expriment bon nombre des savants invités sur la chaîne de France Culture. De même, les pages "Tribunes" ou "Débats" du journal Le Monde me laissent béat d'amusement à la lecture des colliers de "Il Faut" que les intervenants passent au cou d'une réalité qu'ils voudraient étrangler dans le licou de leurs concepts, et qui leur échappe comme l'eau dans les doigts.

Les sciences humaines, ainsi que leur savoir patiemment et méthodiquement édifié, passent leur temps à pérorer dans le vide. La parole qui se dit, se veut et se prétend rationnelle n'est plus d'aucune utilité. Les explications, les analyses entrent en collision. Comme toujours, me dira-t-on, mais aujourd'hui avec un tel souci de se mésentendre avec les autres, avec une telle haine des points de vue opposés au sien que toute collectivité se scinde, se fragmente, se pulvérise en blocs opposés et irréconciliables, comme les gauches de Manuel Valls.

Et Geoffroy de la Gannerie peut, sans se faire ratatiner la figure au coin d'un bois, appeler à la censure des opinions (Marcel Gauchet) qui ne ressemblent pas assez aux siennes (parce qu'il assume et argumente, le bougre !). Cela dans une époque où les humains sont en train de mettre la dernière main à la reconstruction de la Tour de Babel, mais en ayant cette fois en leur possession tous les moyens terrifiants que leur offre la technique. Et cela dans une époque où la France ne cesse de perdre des forces et du terrain sur ses "concurrents" dans le champ de bataille qu'est devenue la planète.  Dans ces conditions, quel espace respirable reste-t-il à la parole ? 

Et c'est ce que comprennent de mieux en mieux les populations auxquelles on demande de donner de temps en temps leur avis sur les capacités respectives d'individus qui se présentent tout fiérots à leurs suffrages de changer quoi que ce soit à quoi que ce soit. Pour ma part et à tort ou à raison, je ne cherche pas ailleurs la raison de l'abstention de plus en plus massive des citoyens aux élections françaises. Ils ont compris que leur parole ne vaut plus rien. La mienne comme la leur, évidemment. La démonétisation de tout ce qui se dit, de ce qui se parle, de ce qui se communique, est flagrante (voir fake news, complotisme et autres fariboles).

Et ce ne sont pas les savants linguistes, inventeurs des "actes de parole" ou les psychanalystes (Jacques Lacan, Denis Vasse, etc.), inventeurs du "sujet de la parole", qui me convaincront du contraire.  

Voilà ce que je dis moi.

Note : on me dira que la parole rationnelle n'est en réalité, depuis Platon, Socrate, Aristote et quelques autres esprits éminents, qu'une aimable fiction que les esprits éminents se colportent de génération en génération et de bouche de druide à oreille de druide, le soir au coin du feu comme on fait pour les contes de fées. Je veux bien. J'ai cependant la lourde impression que, pour tout ce que nous disons et dans l'âge que nous vivons, quelque chose se passe qui ne ressemble en rien à tout ce qui a été vécu auparavant. Mais c'est peut-être une simple forfanterie, allez savoir.

mercredi, 02 décembre 2020

ANNE SYLVESTRE ET VIOLENCES POLICIÈRES

Anne Sylvestre (Beugras de son vrai nom, ça ne s'invente pas, et ça explique le pseudo : dans la Bible, il me semble qu'on sait ce qui arrive au bœuf gras au retour du fils prodigue, non ? – Oui, je sais, ce n'est pas « léger comme du duvet ») est morte, paraît-il. Ben oui, et alors ? Pourquoi en faire une affaire ? Je vais vous dire : j'ai rarement entendu une voix (je parle exclusivement du timbre et de mon oreille à moi) respirant à ce point-là la bêtise. Dans mon entourage immédiat, pas toujours très charitable, j'ai entendu souvent "niaise", "gnan-gnan" et toute cette sorte de choses. C'est subjectif et assumé comme tel.  Je ne parle pas du reste.

Je préfère écouter les propos éminemment sensés et pondérés que quelques connaisseurs ont échangés à propos de la police française : Anthony Caillé, syndicaliste CGT ; Valentin Gendrot, journaliste infiltré dans un commissariat du 19ème arrondissement de Paris, auteur de Flic (éditions Goutte d'or). Cela se passait mardi 1er décembre dans l'émission Les Matins (cliquer) de Guillaume Erner sur France Culture (39 minutes).

Le troisième invité serait plutôt un intrus : Alain Bauer est criminologue à ce qu'on dit, mais il était (est toujours ?) copain comme cochon de Stéphane Fouks (pub et com') et Manuel Valls, tous anciens poulains préférés de Michel Rocard. Bauer, par-dessus le marché, fut un temps Grand Maître du Grand Orient de France et, à l'époque de Sarkozy, était arrivé à se voir offrir sur un plateau, taillée sur mesure, une chaire universitaire de professeur de criminologie, au grand scandale de quelques-uns, plus légitimes. Oui, tout ça est vrai, mais il se trouve que ce matin-là il a dit des choses plutôt de bon sens.

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Bauer, Rocard, Valls, Fouks.

Au total, j'ai trouvé en Caillé, Gendrot, et même Bauer, non des militants défendant mordicus une cause à coups de langue de bois d'un côté, de propagande de l'autre et d'omerta d'un troisième, mais des gens plutôt raisonnables, et surtout très informés.  Et ça, ça fait du bien, parce que ça vous redresse la comprenette. Oui, il y a des cinglés de la matraque, de la baffe et du coup de poing dans les rangs de la police. Oui, la hiérarchie tend à couvrir les abus, ou à la rigueur ferme les yeux (une anecdote dans le livre de Gendrot : une commissaire ouvre la porte d'une pièce où un gardé à vue est en train d'en prendre plein la figure : « Holà, je repasserai »). Oui, le temps de formation est très insuffisant. Non, les policiers de base n'ont pas "peur" des images.

Une bonne émission.

Bien mieux qu'une petite chanteuse qu'on essaie aujourd'hui de faire passer pour une grande.

vendredi, 27 novembre 2020

VERS LE RÉGIME AUTORITAIRE

1 - Y a-t-il des violences policières ?

La réponse est OUI.

2 - Y a-t-il des violences à l'encontre des policiers (et autres cibles) ?

La réponse est OUI.

Le pékin moyen que je suis commence par se dire : « Tout ça, c'est violence contre violence. Entre les deux, qu'est-ce que je deviens, moi ? ». Car il est aussi injustifiable pour un policier (chargé, paraît-il, de "protéger" la population) de crever des yeux à coups de LBD et d'arracher des mains à coups de grenades de désencerclement que, pour un "révolté", de lancer sur le policier pavés ou cocktails Molotov, voire, plus prosaïquement, de casser des vitrines et de se livrer à des razzias sur les ordinateurs, les sapes ou les Iphones.

Ce qui est certain, c'est qu'on ne peut renvoyer dos à dos les deux violences sous prétexte de leur apparente symétrie. Il n'y a pas de symétrie, l'une des deux violences est largement soutenue par la loi, l'autre est illégale, même si, en réalité, les "black blocks" et autres "casseurs de flics" et de vitrines se font les complices objectifs, les serviteurs de la politique du pouvoir. S'ils ne sont pas là pour disqualifier le peuple (je veux dire payés pour ça comme agents provocateurs), un gouvernement tenté par l'autoritarisme voit dans leur action une magnifique aubaine. Les casseurs justifient l'usage de la violence par les policiers lors des manifestations. Ils sont un alibi pour le pouvoir.

L'essentiel n’est donc pas là. Il suffit de visionner l'infernal tabassage de Michel Zecler, un producteur de musique (rap), par trois policiers déchaînés, pour se rendre compte que les violences policières ne se réduisent pas aux abus commis pendant des manifestations, à cause des "black blocks" ou pas, mais qu'elles imprègnent de façon assez large l'état d'esprit des corps policiers (voir, dans Flic, de Valentin Gendrot, le comportement sidérant du brigadier surnommé « Bison » qui, certains soirs, veut à tout prix « se payer » un « bâtard » = casser la gueule à un basané), les collègues étant soumis à une pesante omerta. Quelque chose de plus profond dysfonctionne gravement dans la police nationale française.

Car partout en Europe, on assiste à une pacification relative des rapports entre la population et les forces de l'ordre. Dans ce paysage qui a plutôt tendance à s'apaiser, la France se distingue par leur utilisation disproportionnée et parfois féroce par les gens au pouvoir : M. Lallement, préfet aux ordres, Gérald Darmanin, incontestable intégriste de l'usage du bâton, sans oublier le chef de Darmanin, Emmanuel Macron, qui semble avoir fait de l'ordre à tout prix un point cardinal de sa politique.

A Londres, une manifestation est "encadrée" par au moins quatre-vingts ou cent policiers. Guère plus en Allemagne (sauf exception). A Paris, il en faut toujours plusieurs milliers, le plus souvent habillés en Robocops parés et armés pour la bataille. L'Anglais, l'Allemand se disent : les Français sont bien dangereux. On les comprend. Le citoyen français ordinaire, quant à lui, l'individu lambda, monsieur tout-le-monde assistent parfois, vaguement incrédules, par voie de médias trop complaisants au spectaculaire et goulus d'audiences gonflées à bloc, à de véritables scènes de guérilla urbaine. Alors, comme beaucoup de téléspectateurs ahuris d'Europe et d'outre-Atlantique, je pose la question :  que se passe-t-il en France ?

J'ai tendance à répondre que c'est depuis le passage de Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur que les rapports entre police et population ont commencé à se brutaliser. Certes, on pourrait remonter à la loi Peyrefitte ("Sécurité et Liberté", 1980), aux idées soutenues par Charles Pasqua en son temps (« terroriser les terroristes ») et autres moments intéressants. Mais pour en rester aux vingt dernières années, je tiens Sarkozy pour un véritable malfaiteur. Avec lui, a fait irruption en France la conception américaine de l'ordre public : on ne rigole pas, on fonce (Sarko : « Pendant la course, je fonce, dans la dernière ligne droite, j'accélère », cité de mémoire).

Les méfaits ont commencé avec la suppression brutale de la "police de proximité", pour la raison que celle-ci avait été mise en place par le gouvernement de Lionel Jospin, et sous le prétexte fallacieux que les policiers ne sont pas payés pour jouer au football avec les jeunes des banlieues défavorisées, alors même que son efficacité en matière d'apaisement des tensions sociales, en particulier dans les "quartiers" était prouvée et reconnue.

Tout ce qu'il a trouvé à mettre à la place de cette sage invention du socialiste, c'est la malédiction de la "politique du chiffre", qui subordonnait la rémunération des responsables policiers au nombre des affaires découvertes, puis résolues. On voit ce que ça donne dans Flic de Valentin Gendrot (éd. La Goutte d'Or), où "Le Major", le supérieur de l'auteur, part plus souvent à la chasse aux "sauvettes" qu'aux vrais malfaisants. Cette politique pervertit les objectifs de l'action policière et a des effets ravageurs.

Non content de détruire une structure intelligente, il s'est attaqué à une autre, plus discutable et trouble, mais très utile : les Renseignements Généraux, qu'il a dissous en même temps que le contre-espionnage (DST) dans un gros gloubiboulga nommé DGSI. Or les RG, en dehors de leur côté louche, avaient le mérite de se mouvoir à même le "terrain" et de nager jusque dans les eaux troubles, faisant remonter toutes les informations capables de donner aux hauts responsables de la nation une idée des odeurs, des sons, de l'atmosphère qui se respirait au ras du bitume : source irremplaçable de véritable "renseignement". Hop ! Balayés, les RG ! Une belle cause de "déconnexion" entre le très haut et le très bas de l'échelle.

Sarkozy ministre de l'Intérieur, puis Premier ministre, puis Président de la République a continué sur sa lancée, obéissant à cette loi souveraine quoique non écrite : "un fait divers => une loi". Inutile d'insister sur le fait que la notion même de loi s'en est trouvée démonétisée. Sans tomber dans le même travers, Hollande a mis ses pieds dans les mêmes pantoufles. Il n'a pas fait prendre une autre direction au système policier : il a tout laissé en place et parfois ajouté quelques ingrédients aux recettes de son prédécesseur. Peut-être ai-je oublié quelques entourloupes dues à ce sous-chef de bureau fanatique de la "synthèse politique", de l'indécision et du consensus mou.

Emmanuel Macron, lui, a innové : ses députés disciplinés ont voté sans sourciller l'insertion dans le droit commun de plusieurs des mesures d'exception contenues dans l'état d'urgence (transfert de diverses compétences judiciaire vers les autorités administratives). Il s'apprête sans doute à récidiver avec l'état d'urgence sanitaire. La loi sur la Sécurité globale, que le Parlement – docile au point d'être servile, voire inexistant – est en train de voter, fait un pas de plus dans la direction de la Sécurité à tout crin. Avec Gérald Darmanin aux manettes de la place Bauveau, on peut s'attendre à ce que ne soit pas sous Macron que les rapports entre la police et la population vont se détendre.

Là où je veux en venir, c'est au fait que ce problème remonte, disons à deux décennies, et que, au fil du temps, les mesures s'ajoutant aux mesures, ces rapports police / population n'ont fait que s'aggraver dans le sens d'une brutalité toujours plus affichée (cf. réactions à la loi El Khomri, où les syndicats ont scandaleusement accepté de tourner en rond autour du bassin de l'Arsenal, entre Seine et Bastille). 

Mais à mon avis, cette brutalisation des rapports est la face la plus visible d'une autre brutalisation : qu'il s'appelle Sarkozy, Hollande ou Macron, chaque président a eu à cœur de laisser son nom attaché à quelque grande réforme de la France. Le point commun de la plupart de ces réformes est que leurs promoteurs ont finalement été obligés de les faire passer en force. Les unes parce qu'elles scindaient gravement la population française en deux moitiés opposées, les autres parce qu'elles ne réunissaient pas en leur faveur assez de composantes politiques.

Parmi celles que Sarkozy était fier de mettre en place, je me souviens de la RGPP (non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite). Il voulait sabrer dans les effectifs des fonctionnaires, ces paresseux, ces inutiles. L'autre réforme voulue par le gnome à talonnettes qui se prend pour Superman est celle de la "carte judiciaire". J'ai encore en mémoire les marches du palais de Justice de Lyon couvertes des robes noires ou rouges des magistrats (des magistrats !) en colère comme jamais on n'avait vu. Les seules réformes voulues par Hollande que je citerai ici sont celles du mariage homosexuel et celle du Code du Travail : on sait qu'elles ne sont pas passées facilement, c'est le moins qu'on puisse dire. Quant à Macron, on sait de quels accidents est jalonné son mandat, et quel sort a été réservé à certaines de ses "réformes" (retraites, etc.).

Ce que je veux dire en faisant ces rapprochements, c'est que la brutalité presque systématique et croissante de la police dans ses missions de maintien de l'ordre ressemble fort à la brutalité devenue assez coutumière aux plus hautes autorités de l'Etat dans la façon dont ils font passer des lois impopulaires. On se rappelle l'usage addictif que les différents gouvernements de Hollande ont fait de l'article 49-3 (adoption sans vote, s'il n'y a pas de motion de censure). Dans le même esprit, on se demande pour quelle raison impérieuse tant de lois ces dernières années ont été examinées en "procédure accélérée" (un seul aller-retour entre les deux Chambres).

Sarkozy, lui, ne s'embarrassait guère d'entrechats : "droit au but" était sa méthode et son credo. Quant à Macron, il n'a rien à craindre de la chambre des députés où, malgré quelques défections sporadiques, il dispose encore d'une solide majorité obéissante et prompte à se contenter d'enregistrer les textes directement ou indirectement inspirés des desideratas exprimés par le chef de l'Etat (cf. la loi "Sécurité Globale", qui serait déjà promulguée s'il n'y avait pas eu des protestations venues de divers bords et, dernièrement, le tabassage de "Michel", qui a suscité des cris unanimes).

Le point commun de ces trois présidents si dissemblables en apparences : le passage en force. Les élites politiques, quand elles sont au pouvoir, subissent la tentation de la force, et tendent de plus en plus à y succomber. Et certains se demandent gravement à quelles causes attribuer le discrédit dans lequel se trouvent les politiques. Quant aux Français, ils vivent insouciants, dans un pays où les libertés se restreignent de jour en jour. 

L'autre point commun, c'est la relation que chacun des trois entretient avec la notion de concertation. Où sont-ils, ces bons pays où les dirigeants, avant de prendre des décisions cruciales ou de faire voter des lois concernant l'avenir de tout le pays, sont prêts à consacrer deux ou trois ans jusqu'à ce que se dégage un véritable consensus national ? Je n'ai guère de souvenir d'une quelconque concertation avec les forces sociales du temps de Sarkozy. Je peux me tromper.

Peut-être Hollande admettait-il davantage de demander leur avis aux différentes composantes de la société, mais il ne me semble pas que cet avis ait modifié autrement qu'à la marge les textes finalement adoptés. En revanche, ce dont je suis certain, c'est qu'on peut sacrer Emmanuel Macron roi du bluff, avec son "Grand Débat National", puis sa "Convention Nationale pour le Climat". Cet homme est un homme de mot, de discours, de verbe, et même de verbiage. Cet homme sait incontestablement parler, malheureusement, il ignore les choses. Et plus grave, il ignore les hommes qui en suent, les travailleurs, les "premiers de corvée" : il préfère l'air des altitudes.

Ce que j'observe donc, au terme de ces quelques remarques superficielles, c'est que l'existence politique des citoyens français est de plus en plus niée – et de façon de plus en plus brutale : voir gilets jaune, migrants et autres – entre deux périodes électorales, et que les corps policiers sont de plus en plus utilisés comme masses de manœuvre pour réprimer dans l'œuf tout ce qui regimbe. C'est que l'idée de répression est devenue un guide pour les dirigeants, qui ont aussi vite fait de dégainer le prétexte de « trouble à l'ordre public », que les flics celui d' « outrage et rébellion ». C'est que la soi-disant concertation n'est qu'un leurre qui ne satisfait que les acquis à la cause.

C'est que la société française entre de plus en plus dans un régime autoritaire : il faudrait faire le décompte exact des mesures qui ont été prises depuis vingt ans et qui convergent toutes vers le durcissement des relations entre les gouvernements en place et la population française. L'évolution des mœurs de la police se calque sur l'attitude de nos dirigeants depuis vingt ans, toujours plus sourds et aveugles aux appels de la société souffrante. Gouverner sans le peuple, voire contre le peuple est devenu un Nord sur la boussole des dirigeants successifs. Il ne faut donc pas s'étonner de voir se multiplier et s'aggraver les violences policières.

Et c'est que, par voie de conséquence, il ne reste plus qu'un petit nombre de pas à franchir pour arriver à un régime authentiquement policier : ce n'est pas un hasard si la loi "Sécurité Globale" a été rédigée, entre autres, par Jean-Michel Fauvergue, ancien patron du RAID devenu député "La République en Marche" (un sacré indice !). Cette loi est là pour préparer tous les esprits. Certains, à l'extrême droite, tout en faisant profil bas, se lèchent déjà les babines et affûtent leurs griffes en prévision de 2022 (suivez mon regard).

Des avocats comme Patrice Spinosi ou Arié Halimi, infiniment plus compétents que moi en matière de droit, ça va de soi, tentent de sonner le tocsin : « Alerte !!! Les libertés sont en danger !!! ». Qui les écoute ? Qui les entend ? Ah les Français veulent de la Sécurité (il paraît, c'est les sondages qui le disent) ? On va leur en donner ! De toute façon, la Liberté, c'est pour quoi faire, se disent-ils ? « Liberté, Liberté chérie », c'est fini.

Il va être temps de commencer à avoir peur.

Voilà ce que je dis, moi.

***

Note : Si le titre de ce billet n'est pas suivi d'un point d'interrogation, il n'y a ni erreur, ni oubli. C'est tout à fait intentionnel.

samedi, 13 juin 2020

MAINTENANT J'AI PEUR DE LA POLICE

Post-post-scriptum (13 juin, voir mes billets des 10 et 11) :

Aujourd’hui, je peux dire que la police française me fait peur. Jusqu’à maintenant, je me disais, avec raison à ce que je croyais, que le pouvoir utilisait la police française comme une masse de manœuvre contre les éruptions volcaniques qui secouent le peuple quand il n’en peut plus ou que la marmite se met à bouillir, et qu’ayant usé et abusé de cette masse de manœuvre (mobilisations policières monstres, heures supplémentaires à l'infini et non payées, ...), il avait tellement poussé à bout les policiers qu'ils avaient manifesté sur les Champs-Elysées toutes sirènes hurlantes et gyrophares allumés.

Maintenant, ça a changé. Petit rappel des épisodes.

1 – Dans la foulée de la mort épouvantable de George Floyd à Minneapolis, une manif à Paris profite du rapport d’expertise qui innocente la gendarmerie de la mort d’Adama Traoré en 2016 pour rassembler 23.000 personnes (comptage policier) qui protestent contre, disent-elles, l’iniquité.

2 – Dans la foulée des manifestations qui se répandent dans le monde pour dénoncer le racisme institutionnel de la police américaine, on apprend, en France, que 8.000 policiers se retrouvent sur « facebook » pour échanger des propos très souvent racistes, sexistes et homophobes.

3 – Les manifestations françaises se mettent alors à dénoncer aussi bien le « délit de faciès » et les discriminations qui orientent les interpellations des policiers que la méthode d’immobilisation au sol des individus "récalcitrants" (conseil : faites attention au risque de "délit d'outrage et rébellion").

4 – Le sociologue Sébastian Roché (De la Police en démocratie, Grasset) rappelle sur les ondes de France Culture les innombrables études qui établissent la réalité d’innombrables faits de discrimination : « On  a maintenant depuis plus de dix ans un grand nombre d'enquêtes sur la manière dont la police travaille, sur les contrôles d'identité et sur le traitement des personnes pendant les contrôles et les sanctions à l'issue des contrôles. On a observé les comportements policiers avec une méthodologie très précise. (…) Et aujourd’hui, on a un énorme corpus de données qu'on n'avait pas il y a dix ans. Et toutes ces études montrent une chose simple : dans toutes les villes où on a fait les enquêtes, la police en France a des comportements discriminatoires. ». La question que je me pose : ont-ils des ordres de leurs chefs ? A priori, je réponds : probable ("politique du chiffre" oblige).

5 – Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, en concédant aux manifestants que s’il y a « suspicion » de racisme de la part de la police, cela mérite sanction. Cette petite concession suscite aussitôt les hurlements de colère du corps policier tout entier qui clame que « son » ministre le lâche et lui retire sa confiance. Castaner a commis le "crime" d'infraction à la sacro-sainte "omerta" qui lie tous les membres de la "famille" dont il est le "parrain". Ce refus violent de toute remise en question d'une composante majeure de la république par cette composante même est tout simplement scandaleux.

6 – Politisation du problème : j’entends à quelques rares reprises dans les médias que pas loin de 50% des policiers (Mélenchon prétend 75%) votent très habituellement Front National (maintenant Rassemblement National) aux élections présidentielle, législatives et municipales. Dans le même temps, Christian Jacob (Les Républicains) et Marine Le Pen (je ne parle pas du préfet Lallement) prennent publiquement la défense de la police en affirmant haut et fort que non, « la police n’est pas raciste » (ce qui est vrai si l'on s'en tient au statut du corps constitué, mais pas forcément si l'on fait une enquête sociologique sur l'orientation politique majoritaire des personnels).

7 – Pendant que le ministre de l'Intérieur bat sa coulpe, se convertit à la reptation ventrale et opère un savant "repli sur des positions préparées à l'avance" en espérant colmater les brèches, Marine Le Pen se démène comme un beau diable pour draguer les faveurs des policiers en allant sur le terrain visiter un commissariat et faire quelques selfies en compagnie de quelques uniformes.

***

Voilà les données du problème telles que j’ai cru pouvoir les rassembler en me fiant aux informations reçues. Les conclusions que j’en tire ne sont pas rassurantes du tout. Car je me permets de faire le lien avec l’éternisation sur le territoire français de la notion d’ « état d’urgence » : d’une part directement avec la déclaration et la prolongation de l’ « état d’urgence sanitaire » pendant des mois ; d’autre part indirectement il y a déjà quelque temps, lorsque Macron a obtenu de ses députés-godillots que soient insérées dans le droit commun certaines des mesures d’urgence que Hollande avait prises après les attentats terroristes de 2015. Or, qui dit "état d'urgence" dit restriction des libertés publiques telles que définies par la Constitution. Le pire, c'est que cet état de choses semble n'inquiéter que très peu de Français.

Tout ça mis bout à bout, je trouve que la situation devient fort inquiétante. Je n’oublie pas que Marine Le Pen figurait au 2ème tour de la dernière présidentielle, qu’elle aspire au pouvoir et que, peut-être, elle y accédera un jour. Je poursuis le scénario : supposons Marine Le Pen présidente de la République française. Elle dispose d’une police dont environ la moitié lui est politiquement acquise. Vous vous rendez compte ? Une tête de pont de l’extrême-droite en plein cœur des institutions de la république ? Une garde prétorienne composée de gens sur-armés, entraînés et dévoués ? C'est alors qu'on pourrait s'attendre au pire.

Conclusion : pour moi, les problèmes liés à l’exercice de la fonction de policier ont cessé d’être purement institutionnels, administratifs ou même moraux. Le problème est principalement politique. Les problèmes de racisme, de sexisme et d'homophobie en sont de simples corollaires : s'il y a du racisme dans la police, c'est seulement parce qu'il y a une proportion peut-être majoritaire de la police qui flirte avec l'extrême-droite. Cette seule idée me terrifie.

D'autant que je note par ailleurs une certaine convergence entre les décisions prises par le gouvernement et la majorité du président Macron (mesures d'état d'urgence maintenues dans le droit commun) et l’envie de pouvoir qui tenaille l’état-major du Rassemblement national de Marine Le Pen. Comme si l'actuel président préparait benoîtement la venue de la seconde.

Oui, vous allez peut-être me dire que j'ai tort de me monter ainsi la tête, mais je le dis : aujourd’hui, je suis résolument républicain, mais j’ai peur de la police.

Voilà ce que je dis, moi.

PS ajouté le 15 juin : j'apprends incidemment, comme au détour d'une phrase, que l'équivalent britannique de notre IGPN est composée exclusivement de membres non policiers. Macron pourrait s'en inspirer.

jeudi, 11 juin 2020

POLICE : 8.000 BREBIS GALEUSES ?

Post-scriptum à mon billet d’hier (11 juin) : Il fallait s’y attendre : les déclarations très modérées de M. Castaner, ministre de l’Intérieur, admettant que s’il y a du racisme dans la police il doit être sanctionné, ont immédiatement suscité une levée de boucliers dans les rangs de la police. Le chœur est unanime : « Nous sommes désavoués ! Au secours ! ».

Ah c’est sûr, faut pas les chatouiller. Le corps policier ne tolère pas la plus petite réserve, le plus léger accroc, le moindre écart au soutien entier et massif du pouvoir à tous les faits et gestes de ses personnels. Quoi, on ose leur demander d'être irréprochables ? De ne pas être racistes ? Quel culot, ce ministre ! Le corps policier est tout entier en colère. Pas touche ! C'est tout ou rien : « Love me or leave me ! ». Qu'on se le dise : le corps policier est un et indivisible. Attaquer un élément, c'est les critiquer tous.

Et bien sûr pas question de se désolidariser des collègues suspects de dérive raciste ou violente : la surface de la cuirasse ne tolère aucun défaut, le vernis doit rester absolument intact. Et bien sûr pas question d’un « mea culpa » qui donnerait raison aux ennemis déclarés de la police (suivez mon regard). Allez, circulez ! Je me dis que certains loulous ne demandaient pas d'autres encouragements pour alimenter leur haine des flics.

Il n'est pas né, le décideur politique qui osera changer quoi que ce soit aux petites habitudes de la gent policière à la française. Le pouvoir avait déjà renoncé, devant la menace, à toucher à son système de retraites. Il faudrait un Samson, un Héraklès, un « Jupiter » pour l'amener à « se réinventer » (n'est-ce pas, M. Macron ?), mais on n'en a plus en magasin : rupture de stock. Circulez, on vous dit ! 

On n'a pas plus le droit de critiquer la police sans se faire accuser d'atteinte à son moral qu'on n'a le droit de critiquer Israël sans se faire traiter d'antisémite. Et tant pis pour les gens ordinaires. On dirait que la police ne conçoit les relations avec ces derniers que sous l'angle du rapport de forces.

Voilà ce que je dis, moi.

***

Pour se faire une idée des raisons de se méfier de la police, il suffit d'écouter (ici, 9') Sébastian Roché, auteur de De la Police en démocratie (Grasset). On a pu l'entendre en direct le 12 juin sur l'antenne de France Culture, interrogé par Guillaume Erner. Il dit surtout que dans toutes les études fondées sur des observations précisément localisées (gares, entre autres), les discriminations à la couleur de peau sont abondamment documentées et tout à fait incontestables. Il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.

mercredi, 10 juin 2020

POLICE : 8.000 BREBIS GALEUSES ?

Quelques questions que se pose un citoyen ordinaire.

1

Les journaux en sont pleins : le ver est dans le fruit policier. Les uns crient aux « violences policières » en brandissant la photo d’Adama Traoré. Les autres dénoncent, sur la base d’informations sur un « groupe facebook » plus ou moins secret, le racisme, le sexisme et l’homophobie qui règnent en douce dans les rangs de la police. Vous avez dit "violence", "racisme", "sexisme", "homophobie" ? C’est curieux, ces quatre accusations : ce sont les mêmes que les « modérés » lancent traditionnellement contre l’extrême-droite. Quand j'ai fait le rapprochement, je me suis dit : « Bon sang, mais c'est bien sûr ! ». Dis-moi ce qu'on te reproche, je te dirai qui tu es. Alors, police et extrême-droite dans le même sac ?

Qu’est-ce qui a fait élire Macron en 2017 ? Est-ce son charisme de jeune premier porté par un bagou de première classe ? Non : c’est le rejet viscéral du parti de Marine Le Pen, considéré en général comme raciste, sexiste et homophobe, et dont on pense qu’il tolère volontiers dans son voisinage des groupes peu connus pour leur pacifisme ou leur non-violence.

Donc ils seraient 8.000 membres des forces de l’ordre à se retrouver dans un « groupe facebook » dédié pour lâcher des insanités en toute confidence auprès des collègues. S’ils sont vraiment 8.000, on ne peut plus parler de « brebis galeuses » ou de problème conjoncturel lié à des individus isolés : le problème est bel et bien structurel. C’est le corps policier dans sa globalité qui est touché.

La vraie question à poser selon moi est donc celle-ci : la police française est-elle d’extrême-droite ? Ou du moins noyautée par l’extrême-droite ? Car se demander si la police française est raciste ou s’il y a des « violences policières », c’est répondre « non » à la question avant même de l'avoir posée.

C'est parler comme Marine Le Pen, le préfet Lallement et Christian Jacob, président du parti Les Républicains : "Non, la police n'est pas raciste !". Le seul fait que Marine Le Pen s'érige en défenseur de la police est en soi révélateur d'une certaine complicité. J'ai entendu – je ne sais pas si c'est vrai – que la dernière présidentielle a vu 50% des policiers voter pour Marine Le Pen. Si c'est vrai, c'est grave.

C’est aussi biaiser avec cette question autrement essentielle : dans quels milieux sociaux et politiques, sur quels critères la police recrute-t-elle ses membres ? De quelle idéologie sont porteurs les jeunes qui présentent leur candidature aux écoles de police ? Quelle idée se font-ils de l'ordre ? Des rapports sociaux en général ? J’attends les études sociologiques qui nous éclaireront sur ce point, mais il y a déjà de quoi nourrir quelques soupçons.

2

Une autre question qui se pose à propos de la police française est de savoir quel est le fond de la doctrine qui sert de base à la formation des futurs policiers. Je serais très curieux de découvrir le « référentiel » où sont détaillés les éléments qu’ils doivent ingurgiter avant d’être admis dans les rangs des forces de l’ordre. Même question à propos des cadres : à part le Code de Procédure Pénale dans ses moindres détails, que leur demande-t-on de savoir avant de les autoriser à distribuer ordres et consignes à leurs futurs subordonnés ?

Ce dont j’ai peur peut se formuler ainsi : quelle représentation des gens ordinaires diffuse-t-on parmi les gens en uniforme au cours de leur formation et après ? Quelle image se font-ils de « monsieur-tout-le-monde » ? J’ai bien peur que là aussi, quelque chose n’aille pas du tout. Je crains en effet que le fond de la doctrine construise l'image d'une population a priori inexistante ou hostile.

Par « inexistante », j’entends une des principales règles des bidasses de base au temps où tous les jeunes Français faisaient leur service militaire : surtout ne pas se faire remarquer, pas de vague, passer entre les gouttes. Quand tu commences à exister aux yeux de l’adjudant, c’est mauvais pour toi, voilà ce qu'il se disait, le bidasse. Si le citoyen ordinaire commence à exister aux yeux du policier, c’est que le citoyen pose problème, voire qu’il est potentiellement dangereux.

C’est ce que j’entends par vision « hostile » : je me demande si, dans le corps de la doctrine inculquée aux forces de l’ordre, la population n’est pas considérée comme un réservoir de menaces multiples. D’où, par exemple, le recours banal aux clés d’étranglement : j’ai entendu un syndicaliste de la police utiliser l’argument de Margaret Thatcher (TINA : There Is No Alternative) et affirmer qu’il n’y a pas d’alternative à cette « clé » pour maîtriser un individu potentiellement dangereux. La question est : est-ce que, dans leurs écoles, les futurs policiers apprennent à voir les citoyens ordinaires comme un danger potentiel permanent ? Cela n’explique-t-il pas, surtout si l’on tient compte de la droitisation globale des forces de police, le recours bien trop fréquent à la violence ?

3

Dernière question que je poserai ici mais sans y répondre, faute d’éléments d’analyse suffisants : quelle stratégie les décideurs politiques (gouvernement) et administratifs (préfets) adoptent-ils en matière de police ? Comment usent-ils de cet outil ? Rien qu’à voir la façon dont les manifestants contre la loi travail (El Khomri) ont été traités, puis les manifestants contre la réforme des retraites, puis les manifestants portant un gilet jaune, on se dit que la stratégie des décideurs est claire comme de l’eau de roche : répression, répression, répression. Les décideurs politiques et administratifs usent et abusent de l’argument d’autorité, sans doute parce qu’ils pètent de trouille à l’idée du schproum qui pourrait se produire s’ils ne réprimaient pas. C’est juste une hypothèse, bien sûr.

Conclusion.

Quoi qu’il en soit, il est sûr que notre police dysfonctionne gravement, et pas seulement du fait de quelques brebis galeuses, mais parce qu’elle est fondée en tant que système sur des conceptions erronées : la société ordinaire est vue en haut lieu comme un pays étranger, a priori hostile, contre la menace duquel il faut se prémunir (on se rappelle Macron inscrivant dans le droit commun des mesures d'urgence prises par Hollande à l'époque des attentats). Alors qu'il faudrait que la police puisse être dans la société comme une catégorie parmi d'autres.

D’une part, si je compare avec les polices allemande et anglaise, je conclus que la violence policière peut parfaitement n’être utilisée par les pouvoirs qu’en tout dernier recours, et non en premier réflexe. D’autre part, je me dis que Jospin avait tout compris quand il a fondé la « police de proximité », qui visait à insérer les policiers dans la vie quotidienne des citoyens ordinaires comme des poissons dans l’eau. Il a fallu qu’un misérable bousilleur du nom de Nicolas Sarkozy détruise cette trouvaille formidable, sous le prétexte qu’un policier, c’est seulement un bâton. Non, les policiers sont des citoyens ordinaires parmi les autres, et devraient se considérer comme tels.

Policiers, rendez-vous compte que votre vie professionnelle pourrait être infiniment plus tranquille et moins conflictuelle, si vous acceptiez, en citoyens ordinaires porteurs de loi, d’uniformes et d’armes, de côtoyer d’autres citoyens ordinaires en qui vous ne verriez pas, a priori, des dangers potentiels ou a priori hostiles. Débrouillez-vous pour être parmi les gens ordinaires comme des « poissons dans l’eau ». Vous avez un sacré chemin à faire pour vous faire aimer par la population, comme cela s’est produit après l’attentat de Charlie Hebdo et après le Bataclan. Vous savez que c’est possible. A vous de voir.

Voilà ce que je dis, moi.

lundi, 25 mai 2020

VOUS DITES ? "SÉGUR" DE LA SANTÉ ?

C'EST QUOI, ÇA ?

Le peuple les a applaudis, soir après soir, pendant toute la durée où le tocsin a sonné le "branle-bas ! Tout le monde sur le pont !" dans tous les hôpitaux de France. Aux yeux de certains, ils étaient des "héros".  Sans compter, ils ont donné l'énergie, les soins, le sommeil, le temps. Beaucoup ont fini sur les genoux – parfois pire, je pense au Dr Boeglé, première victime d'une longue série – ce parcours du combattant.

La plupart d'entre nous n'ont aucune idée de la réalité de ce qui s'est passé dans la tête de ces soignants aux pires moments de la pandémie, ni de l'ambiance terrible qui a régné dans certains établissements atteints de surchauffe, où l'on voyait l'état de certains patients se dégrader à vue d’œil sans avoir les moyens de les maintenir en vie. Quel effet ça vous a fait de voir ainsi "votre" malade vous échapper ? Qui pourra mesurer ça ?

Tout le monde est d'accord : ce que l'hôpital public de France a fait dans ces circonstances hors du commun, aucune bête au monde ne l'aurait fait. On frise le surhumain. C'est dire le formidable potentiel des forces capables de se déployer en cas de nécessité. Tout le monde est d'accord : la France ne saurait se passer d'un hôpital public à la hauteur de toute menace sanitaire. Tout le monde est d'accord pour le dire avec des mots.

Et maintenant ? 

Le moment est crucial, Monsieur Macron. Vous le savez aussi depuis que des pontes de La Pitié-Salpêtrière vous ont copieusement engueulé : l'attente est extraordinaire. Vous savez ce qu'il vous reste à faire. Alors soyez à la hauteur.

Ordonnez à Olivier Véran votre commis à la santé, qui ouvre aujourd'hui cet énorme chantier dans son ministère de l'avenue de Ségur, de rendre aux personnels soignants les leviers de commande de l'hôpital public. Ordonnez aux bureaucrates qui y ont été placés pour le transformer en entreprise rentable de se mettre au service des médecins, des infirmières et des aides-soignantes. Ordonnez au service administratif de se placer sous l'autorité des personnels voués au soin. Ordonnez à vos godillots du Parlement d'abolir la règle du paiement à l'acte et d'en finir avec la loi HPST (Bachelot-Sarkozy).

Donnez à l'hôpital les moyens de son plein exercice : des lits, du matériel, des gens de l'art. Et donnez des motivations concrètes à ceux qui voient dans l'hôpital public un beau moyen de mettre en œuvre leurs aspirations.

***

Ajouté le 26 mai.

Interviewée par Léa Salamé le 25 mai, voici ce que le professeur Agnès Hartemann (voir ici mon billet du 9 mai) déclare (citation textuelle) :

« Pendant la période Covid, on a goûté à ce que pourrait être l’hôpital public, et on ne veut pas revenir en arrière. Ou la colère serait terrible. »

Et quand on voit Agnès Hartemann s'exprimer avec cette douceur et cette détermination, on sait qu'elle ne plaisante pas. 

Vous êtes prévenu, monsieur Macron.

samedi, 02 mai 2020

« JE VOUS L'AVAIS BIEN DIT, SKRONYONYO ! »

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*****

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La revue "Le Un" du mercredi 29 avril dernier : « Et maintenant on change quoi ? ». Mais on ne change rien, mon bon monsieur ! Qu'allez-vous imaginer ?

***

Mais non, voyons, malgré le titre que j'ai trouvé, je n'ai nullement l'intention de faire la leçon à qui que ce soit. Je me permets juste de constater. Et de m'effrayer. Ce qui me terrasse dans cette crise dite « du coronavirus », c’est qu’on savait. On savait tout. On savait tout depuis très longtemps. On ne savait pas quand, on ne savait pas par où ça arriverait, mais on savait que ça arriverait. Depuis combien de décennies les lanceurs d’alerte font-ils retentir le tocsin ? Je suis sûr que des "collapsologues" comme Yves Cochet et Pablo Servigne jubileraient d'avoir eu raison si vite si l'actuel coup de Trafalgar mondial ne les laissait pas hébétés comme je l'ai été.

Où l'on constate que l'ennemi public n°1 de notre civilisation a trouvé sans hésiter le défaut de la cuirasse : plus elle ressemble au Colosse de Rhodes, plus le marbre de ses pieds se transforme en sable. On avait tout prévu, TOUT, sauf ... Depuis, tous les Grands Manitous de la planète se demandent comment on doit apprendre à se préparer pour prévoir l'imprévisible. Prévoir l'imprévisible ? Ah les sinistres comiques !!! Les guignols ! Le phénomène "gilets jaunes" était un sacré coup de semonce, monsieur Macron ! Descendez de votre perchoir, monsieur Macron ! Ouvrez les oreilles, monsieur Macron ! Prenez des décisions justes, monsieur Macron !

Ce dont je suis sûr, c’est que depuis l’ouverture du présent blog le 25 mars 2011, les billets publiés ici par votre serviteur n’ont pas cessé de pleuvoir concernant l’écologie, la protection de la biodiversité ou de l’environnement ; mais aussi la dénonciation de la logique ultralibérale, de la colonisation de toute la sphère économique par des malades et des aveugles lancés dans une course effrénée vers l’abîme, de l’empoisonnement des sols, de l’air, de l’eau et des hommes par une industrie chimique démesurée, de l’industrialisation à outrance des moyens de nourrir l’humanité, etc., etc., etc…

Ce qui me terrifie, c’est aussi qu’en un clin d’œil (disons du jour au lendemain) tous les pays industrialisés et l’ensemble de leurs populations ont pu abandonner leur criminelle insouciance pour renoncer brutalement et sans hésiter à tout ce qui n’était pas rigoureusement indispensable à la préservation de la vie. Brutalement convertis au survivalisme le plus caricatural (des stocks d'huile, de sucre et de PQ, mais la télé et les réseaux sociaux pour se "tenir au courant" : on sait jamais). On fait le dos rond en attendant que les choses se calment, mais il ne faudrait pas que ça tarde trop, les "jours meilleurs".

Alors je suis parti à la pêche dans les sables mouvants où se sont engloutis aussitôt écrits tous les billets que j'ai pondus sur le sujet depuis le début. Je n'ai pas eu à chercher bien profond. Je n'ai eu aucun mal à réunir quelques paragraphes où tentait de se dire une vérité explosive qui, depuis, nous a pété à la gueule : la façon dont l'humanité vit aujourd'hui nous entraîne collectivement vers la mort. Je n'ai pas voulu surcharger la barque. Et je n'ai pas sélectionné les plus significatifs.

Nous venons d'entendre de nombreux appels pressants à fonder un système économique mondial qui soit viable pour tous, moins inégalitaire et plus respectueux de l'environnement. Il était temps. Je rappellerai seulement qu'au cours de la crise financière de 2007-2009, nous avions déjà entendu vociférer tous les vertueux de la dernière heure convertis à la sagesse économique (Sarkozy ?) appelant à la régulation de la finance folle, et qu'on a hélas vu ce qu'il en est resté quand la fièvre est retombée. 

Je propose ici une petite piqûre de rappel, oh, presque rien, juste de quoi se souvenir que nous n'ignorons rien de l'enfer qui nous pend au nez et que nous fabriquons consciencieusement, jour après jour, de toutes pièces. Rassurez-vous, c'est à peine quelques pets de lapin sur une pente verglacée : c'est sans douleur. Autrement dit : c'est à pleurer.

***

16 novembre 2017

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Célèbre "une" du journal Le Monde du 14 novembre 2017. Célèbre et déjà aux oubliettes.

7 février 2018.

Le monde va-t-il bien ? Le monde va-t-il mal ? Le débat fait rage (un de plus, dira-t-on, voir au 2 février). Les uns ne voient, selon les autres, que le côté heureux des choses, sont heureux du monde dans lequel ils vivent et disent pis que pendre de Michel Houellebecq. Les autres souffrent, selon les uns, d’une sinistrose chronique aiguë, trouvent inquiétant tout ce qui arrive et sont allergiques à Michel Serres, le « ravi de la crèche » qui s’émerveille du génie et de l’inventivité de l’espèce humaine. [Au vu des circonstances, qui a raison, à votre avis ?]

23 mars 2018

Ils [les écologistes] rassemblent donc informations et documents, mais c'est pour en faire quoi ? Ils ne savent pas toujours bien. On trouve une documentations copieuse, mais éparse en provenance des forêts qui disparaissent ; des glaces du grand nord qui fondent plus vite que leur ombre, menaçant de submersion tout ce qui vit à proximité du littoral ; des eaux de surface des océans qui s’acidifient et se peuplent de continents de plastique ; de l’air que nous respirons dans les villes, qui améliore sans cesse le rendement de la mortalité humaine prématurée ; des camps d'extermination des insectes ouverts en plein air par les tenants de l'agriculture industrielle et productiviste ... j’arrête l’énumération. 

24 mars 2018

A part ça, aucun voyageur du train fou qui nous emporte ne pourra dire que le signal d’alarme était en panne : les sentinelles font leur boulot et ne cessent d’actionner la sirène. Ce qui inquiète, c’est plutôt qu’il n’y a pire sourd que celui qui refuse d’entendre, et que le signal d’alarme donne massivement l’impression de pisser dans un violon des Danaïdes, ce qui est, on l'admettra, peu convenable. 

25 mars 2018

Quel avenir ce tableau sommaire des préoccupations écologiques laisse-t-il entrevoir pour la planète ? J’ai envie de dire que, s’il y a une indéniable prise de conscience au sein de la communauté scientifique et parmi un certain nombre de voix en mesure de résonner dans les médias (je n'ai pas dit : en mesure de faire bouger les choses), le rapport des forces en présence et la lenteur pesante de l'évolution des consciences (ne parlons pas des intérêts en jeu, qui font résolument barrage) laissent mal augurer de nos lendemains.  

4 septembre 2018 (en rapport avec la "une" du Monde reproduite ci-dessus).

Les cris d'alarme se suivent et se ressemblent. Parions qu’ils figureront un jour en bonne place dans la série "Ronds dans l'eau". Les appels ont une efficacité – on le constate tous les jours – de plus en plus nulle. Non, je le reconnais, je ne suis pas optimiste. Le pire, c'est que je crois que j'ai raison.

Il n'y a rien de plus urgent que de changer tout le système, mais rien ne sera fait : les USA quitteront les accords de Paris, Nicolas Hulot prendra acte de sa complète impuissance à influer sur le cours des choses et quittera spectaculairement le gouvernement d'Emmanuel Macron.

Il n'y a en effet rien de plus urgent. Je dirai même que c'est la seule et unique urgence qui devrait mobiliser toutes les énergies (renouvelables). C'est peut-être infiniment vrai, mais les chars d'assaut de la politique (lieu des rivalités de pouvoir) et de l'économie (lieu privilégié de l'exercice de la rapacité) – les vrais pouvoirs – ne s'en laisseront pas conter : « Les affaires sont les affaires ».

Sans compter que les populations qui bénéficient d'un mode de vie confortable (moi compris) refusent toute perspective de régression matérielle. Et que les populations qui n'en bénéficient pas encore ont la volonté farouche d'y parvenir à leur tour.»

***

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"Notre humanité délire." Tu l'as dit, bouffi ! Extrait de la une du "Un" ci-dessus.

***

La crise du coronavirus me met en rage : on sait tout, on a maintenant la preuve que nos façons de procéder avec le monde qui nous entoure sont guidées par la folie, et on ne fera rien, sinon serrer encore la vis à ceux qui ont le moins de pouvoir.

Je dois avouer que je n'ai moi-même pas très envie de changer de mode de vie. Les gens, à la Croix-Rousse, se sont déjà remis à se répandre dans les rues comme aux plus beaux jours de l'insouciance. La population dans son ensemble ne voit pas comment on pourrait faire autrement qu'avant. Qui accepterait plus qu'hier de se voir imposer des limites à ses désirs ? Et toutes les forces existantes n'attendent que le moment de reprendre leur existence comme avant. Le monde entier attend de pouvoir retrouver une

VIE NORMALE.

***

Au fond, je vais vous dire :

le présent blog ne sert strictement à rien.

Dit autrement : on ne convainc que les convaincus.

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« Plus de fric pour le service public ». Il y en a qui ne doutent de rien.

Les individus qui ne sont pas d'accord sont rigoureusement impuissants face au système dont ils ont perçu l'aberration fondatrice. 

La crise actuelle me renvoie à mon quasi-néant.

mercredi, 15 janvier 2020

2020 : VIVE LA CENSURE !

2

POUR LE DROIT DE HEURTER TOUTES LES SENSIBILITÉS

La même déconvenue a touché Keira Drake, auteur américain de romans pour adolescents. Sa faute à elle ? « Dans un monde futuriste, une jeune femme se retrouvait prise au piège au milieu d’une guerre entre deux peuples ». Quand des extraits sont publiés, la furie embrase Twitter : « Raciste ! ». La description des deux peuples, trop « stéréotypée », fait de l’un des Amérindiens et de l’autre des Japonais. Finie la « belle peau bronzée », finie la « peau brun rougeâtre » : la dame accepte que son livre soit réécrit sous l’œil d’un « sensitivity reader ». Capitulation en rase campagne : elle « présente ses plus plates excuses ».

Tout ça se passe en Amérique, dira-t-on. Soit, mais les éditeurs français ont déjà pris le pli. Sigolène Vinson a écrit un livre où elle décrit un petit garçon de 12 ans, en s’efforçant de donner une existence concrète et sensible à son personnage. Le manuscrit lui revient avec dans la marge ce commentaire de l’éditrice : « Erotisation du corps d’un enfant ». Par les temps qui courent, c’est plutôt dangereux. 

Résultat ? Sigolène Vinson s’arrache méthodiquement les cheveux, « parce que je n’arrive pas à me résoudre à ne lui donner que deux bras, deux jambes ». Ce qu’elle voudrait, c’est décrire « ses pieds », « sa nuque, son odeur de sel, de sueur surtout ». L'odeur corporelle. Ni une silhouette, ni un schéma, ni un stéréotype : une vraie personne qui vit et qui respire, quoi.

Alors que fait l’écrivain ? « Mais voilà, j’efface de mon roman toute trace d’un désir que je n’ai pas pour les petits garçons. Ma confiance sapée, je m’interroge sur mes autres personnages. Ai-je le droit d’en avoir un gros alors que je ne le suis pas ? Une mère alors que je ne connais rien du bonheur ou de la souffrance d’en être une ? Un vieux alors que je suis encore jeune, heureusement plus pour très longtemps ? Un Algérien alors que je ne suis que la petite fille d’un porteur de valise du FLN ? ». Elle est là, la censure ! La censure, c'est ce que dessine le même Foolz (?) (voir hier et ci-dessous).

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Sigolène Vinson cite dans son article Manon Fargetton, qui écrit pour les adultes et la jeunesse : « Comment refléter le réel dans sa complexité. J’ai une vraie  envie de diversité dans mes romans. J’ai envie que des lecteurs s’y retrouvent, et en même temps, j’ai toujours peur de voler l’espace d’une communauté ou d’une autre. Et s’imposer des quotas n’aurait aucun sens ».

Vous vous rendez compte : « voler l’espace d’une communauté » ! Jusqu’où ira cette dégringolade de la qualité des relations sociales et des conditions de la vie en collectivité ? Dans quelle misère vivons-nous, quand un auteur se sent coupable parce qu'il se dit, en écrivant sa littérature, qu'il est en train de "voler l'espace d'une communauté" ? Pour les quotas, je suis entièrement d'accord : c'est absurde en toute circonstances, élections comprises (vous savez, "parité" obligatoire, "visibilité" des minorités, etc.).

Quel monde, quand l’auteur d’un ouvrage d’imagination se demande s’il a le droit d’imaginer ? Quand les auteurs d’œuvres littéraires craignent par-dessus tout de déplaire à telle ou telle catégorie de la population à laquelle ils ont oublié de penser ? Quand tous les gens normaux commencent à faire dans leur tête la liste de tous les gens dont il faut se garder de heurter la sensibilité ? La liste de tous ceux qui ont l’épiderme tellement sensible qu’à la moindre allusion dont ils peuvent se froisser, ils voient leur petite personne envahie par une urticaire narcissique géante ? La liste de tous ceux qui trouvent ça si insupportable qu’ils crient à l’assassin et appellent Police-Secours ?

C’est cela que Riss, dans son éditorial, dénonce, même s’il met des guillemets, c’est cela qu’il n’ose plus proférer sans guillemets, même si ça le démange : « "couille molle, enculé, pédé, connasse, poufiasse, salope, trou du cul, pine d’huître, sac à foutre" ». Hélas, Riss lui-même semble se garder de heurter de front ces épidermes ultrasensibles qui le dégoûtent. Trop dangereux, se dit-il peut-être. Il n’a pas tort de se méfier : le Code Pénal veille, grâce à la surveillance méticuleuse des "associations" féministes et des "associations" homosexuelles.

Le vrai Charlie, le grand Charlie se foutait pas mal de « heurter les sensibilités ». Il les piétinait, les sensibilités, et joyeusement, et férocement. C'est notre époque qui a inventé ce geste ridicule censé mettre des guillemets à ce que la personne qui parle est en train de dire. Vous l'imaginez, Cavanna, vous l'imaginez, Choron, en train de plier vite fait deux doigts de chaque main pour atténuer la brutalité des mots qu'ils éructaient ?

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Ça, c'est quand Sadate a rendu visite à Begin (1977), et c'est en "une". « Raciste ! », « Antisémite ! ».

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"Le journal qui n'a pas peur des bombes. Les Corses sont des cons ! " Il fallait oser, parce que ça pétait à l'époque (1975) !

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Un tel dessin (Wolinski, 1978) serait-il seulement possible aujourd'hui ?

Elle est là, la liberté ! Le grand Charlie balayait d’un revers de la moustache de Cavanna les foutaises du genre : « La liberté des uns s’arrête où commence celle des autres ». Quelle ineptie et quelle sottise !! Mais pauvre pomme, répliquerait Cavanna, tu ne vois pas que les gens, dans la vraie vie, n’arrêtent pas de se frotter aux autres ? De se griffer l'épiderme ? De se frictionner le pelage ? De se piétiner les godasses du matin au soir ? D’empiéter sur l’espace des autres et de voir violer leur propre espace aérien par des missiles envoyés par autrui ? De se jauger ? De s'épier ? De se juger les uns les autres ? Le quotidien, si on sort un peu de chez soi, ce n'est que heurts, cognements, attractions, répulsions, intersections, transactions, rencontres. Ce n'est rien d'autre que la vie.

La liberté d’expression est en train d’étouffer sous le poids de la sottise abyssale d’un crétinisme jaloux de ses prérogatives mortifères : le droit de chacun à vivre dans sa bulle, dans le cocon de l' « identité » sacralisée qu'il s'est tissée, sans que quiconque ose formuler le moindre propos qui effleure sa sensibilité particulière à rebrousse-poil. Le droit de chacun à vivre en chien montant une garde féroce devant son petit lopin. A vivre dans un monde où il règne, obligeant les autres à se rogner les griffes. Un monde où ils mordent quand les autres ont été contraints de se limer les dents. "Incitation à la haine en raison de ..." vous confisquera la parole.

Cavanna et Choron ? Ils passaient beaucoup de temps à se voler dans les plumes, à s'invectiver, à s'injurier, et tout ça fraternellement. Pour ça qu'ils se proclamaient « BÊTES ET MÉCHANTS ». Ils ne concevaient pas leur propre vie lisse et fluide, mais bourrée de rudesses et d'aspérités. Et bourrée de vitupérations, d'éclats de rire et d'une intense joie de vivre. Vous les imaginez, Cavanna et Choron, en éteignoirs ? En rabat-joie ? En employés des pompes funèbres ? En chœur des pleureuses ?

Dans cette exigence de "ne pas être heurté dans sa sensibilité", j'entends comme un caprice d'esthète, une commination d'Ancien Régime : « Manants, passez au large ! Du respect pour mon auguste personne, mille diables ! ». Dans cette conception fliquée de la vie en société, je vois des gens dont la vie se déroule selon des parallèles qui ne se rencontrent que provisoirement ou par l'effet d'un "clinamen" (potassez votre Lucrèce). C'est ça, une société ? Peut-être, mais c'est une société éteinte : encéphalogramme plat.

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Dessin de Fournier, Charlie Hebdo n°2, 30 novembre 1970.

La liberté d’expression est en train de crever de cette folle exigence des individus d’être bien à l'abri des interpellations, épargnés par le tumulte du monde et par les avis non autorisés que les autres (tous les autres) portent sur eux, leurs opinions, leurs façons de faire et de vivre. Autrement dit d’être épargnés par la liberté d’expression des autres (tous les autres). Le projet secret de toutes ces petites communautés qui portent plainte à la moindre « atteinte à leur dignité », c’est d’abord et avant tout de faire taire les avis divergents. Plus personne n'accepte d'être jugé par ses semblables, mais tout le monde s'érige en juge de ses semblables : « J'ai tous les droits ». Comme dit André Marcueil quelque part dans Le Surmâle : « Il faut du bruit pour les faire taire ! ».

Et le Charlie Hebdo du 7 janvier 2020 a beau écrire en grosses lettres sur son plastron « Nouvelles censures … Nouvelles dictatures », ce n’est pas Charlie Hebdo qui sauvera la liberté d’expression. Tout simplement parce que Charlie Hebdo n’ose pas (n'a plus les moyens de ?) poser des noms précis sur ces « nouvelles dictatures ». Cela m’écorche la bouche de le dire, mais c’est Nicolas Sarkozy qui, quand il était président, fustigeait la « dictature des minorités ». C'était Sarkozy, mais c'est lui qui avait raison.

Il ne s'agit pas de revendiquer le "Droit au Blasphème". Qui, en dehors des musulmans, se soucie du blasphème ? Il faut proclamer bien haut le droit imprescriptible de chacun à heurter toutes les sensibilités, à commencer par celle des « associations tyranniques » et des « minorités nombrilistes » (tout le monde a compris dans quelle direction porter son regard, mais chut !). Il faut maintenant penser très sérieusement à rédiger une

DÉCLARATION DU DROIT DE HEURTER TOUTES LES SENSIBILITÉS.

Y compris celle des handicapés, des mongoliens, des pains de sucre, des présidents de la république, des pédés, des yaourts aux fruits, des ministres, des juifs, des huîtres de Cancale, des gonzesses, des musulmans, des curés, des mémés, des tickets de métro usagés, des pépés, des mourants, des immigrés, des poulets aux hormones, des noirs, des SDF, des victimes d'attentats, des affamés du tiers-monde, des blocs opératoires, des noyés de la Méditerranée ... et des ratons laveurs.

Car si je vous disais tout ce qui heurte MA sensibilité, on serait encore là à Noël. Mais ça, tout le monde s'en fout.

Voilà ce que je dis, moi.

Note : comme hier, je me refuse, par compassion, à dire quoi que ce soit du travail des dessinateurs de l'actuel Charlie Hebdo. Mais franchement, qu'est-ce que c'est laid !

vendredi, 20 décembre 2019

MACRON ET LES RETRAITÉS :

(Pour le calendrier de l'Avent, mais au palais de l'Elysée : si Macron a sa réforme, ce sera le "Petit Jésus en culotte de velours" pour lui et la grimace pour tout le monde.)

« FEU A VOLONTÉ ! »

Pour la réforme des retraites, quelles sont au juste les intentions de Macron ? Elles sont très claires, et depuis fort longtemps : en finir avec le « modèle social à la française ». On trouve cette confidence dans la bouche de l'intéressé en personne, dans le livre du journaliste indépendant Marc Endeweld, L'Ambigu Monsieur Macron (Points, 2015). Il n'était pas encore Président. Il n'emberlificotait pas encore la Vérité dans les tortillons de ses lubies ultralibérales. Bon, c'est vrai que la Vérité ne risquait pas grand-chose : il n'était pas aux commandes.

Ce qu'il veut ? Son Nord Cardinal ? Son Projet Général ? Diminuer à toute force la « Dépense Publique ». Pour cela, réduire l'envergure des interventions de l'Etat à ses seules fonctions régaliennes (défense, police, justice, ...) et laisser tout le reste aux « forces du marché » (en français : privatiser tout ce qui formait le Bien commun depuis la Libération). Moyennant quoi, tout de même, c'est sous Macron que la dette publique de la France vient de franchir le seuil des 100 % : on ne fait pas toujours ce qu'on aurait voulu.

En pensée, il se situe dans la droite ligne des intentions de Nicolas Sarkozy, qui avait entrepris, entre autres et sans compter son invention des ruineux PPP (Partenariats Public-Privé), la « Réforme de l'Hôpital », dont on voit les brillants résultats dix ans après sa mise en œuvre : six cents médecins viennent de lancer un appel : « L'hôpital se meurt ». Et ce n'est pas Agnès Buzyn (que je crois finalement de bonne foi) qui l'empêchera de mourir : elle ne fait qu'obéir aux ordres et ne pouvoir que ce qu'elle peut dans un jeu politique qui la dépasse.

Pour Macron, 13,8% du P.I.B. pour supporter le poids des retraités, c'est insupportable. Son obsession cardinale s'est fixée sur ce chiffre diabolique. Il s'est fixé pour mission de l'abaisser drastiquement. Moins cher coûteront les retraités, mieux le pays se portera, semble se dire monsieur Macron. Leur paupérisation figure dans son programme.

Pour préparer l'opinion à ce coup de sabre, il a mitonné quelques « éléments de langage ». D'abord présenter le système des retraites à la française comme un maquis inextricable. Pensez : quarante-deux « Régimes Spéciaux », dont chacun est doté d'avantages spécifiques concernant l'âge de départ, la durée de cotisation ou le "taux de remplacement", sans compter les clauses "idiosyncrasiques". 

Soit dit en passant, on reste ébahi d'ahurissement en entendant le chroniqueur Brice Couturier accuser les différentes corporations d'utiliser leur « Pouvoir de Nuisance » pour arracher des avantages particuliers dans les négociations sociales : ce chien de garde consciencieux de ses maîtres fait purement et simplement abstraction des conditions concrètes d'exercice de la profession (amplitudes journalières, pénibilité, vie de famille, etc.).

S'ajoute à cela une belle imposture qui consiste à dénoncer le maquis inextricable des "régimes spéciaux" en passant sous silence le fait qu'ils représentent, en tout et pour tout, 10 % du montant total des pensions de retraite. Dix pour cent !!!!!! Je vais vous dire : le tintouin magistral orchestré autour du "scandale" que représentent les régimes spéciaux m'apparaît ridicule tant il est disproportionné.

Autre « injustice » (deuxième élément de langage) dénoncée par Macron et consort : l'inégalité de traitement, suivant que l'on a travaillé dans le "privé" ou dans la bienheureuse "Fonction Publique", ce repaire bien connu de tous les privilégiés qui vivent en parasite aux frais de la princesse en en foutant le moins possible.

C'est vrai qu'a priori, entre un calcul sur les six derniers mois d'activité et les vingt-cinq meilleures années, on a tendance à se dire que les travailleurs du privé subissent un horrible sort qu'ils n'ont pas mérité. Mais on passe allègrement sur les différences salariales entre les deux secteurs.

Pour vous dire, moi qui fus fonctionnaire mais qui ai travaillé dans le privé au cours de mes études, je touche royalement 30,74 € tous les deux mois de la Sécurité sociale pour les huit trimestres que me valent tous les "petits boulots" accomplis. Bon, c'est ça ou rien, alors ...

Alors la « Retraite par Points » maintenant. La solution miracle ? Oui, on vous dit : tout le monde sera traité de la même manière. Fort bien. Moi je ne peux pas m'empêcher d'entendre l'adjudant qui vocifère : « Je ne veux voir qu'une tête ! ».

D'abord, on nous dit que ce système définitivement juste, il est universel. Moi je dis qu'il y en a qui sont plus universels que d'autres. La preuve ? Les policiers ont déjà obtenu la promesse qu'il ne sera rien changé à leur régime à eux.

Bon, mettons cela sur le compte de leur « Pouvoir de Nuisance » (Brice Couturier). Mais va-t-on toucher au régime des sénateurs, qui ont déjà prévenu que ça ne se passerait pas comme ça ? Et les routiers ? Bon, je ne vais pas énumérer : le "répertoire opérationnel des métiers et des emplois" (R.O.M.E.) comprend plus de 10.000 appellations de métiers et d'emplois (14 familles de métiers, 110 domaines professionnels). Est-il seulement raisonnable de croire qu'il est possible de "ne voir qu'une tête" ?  

Reste la question du « point ». Là, on entre dans le crucial. D'accord, toutes les heures travaillées seront comptabilisées et rapporteront quelque chose, mais quelle sera la valeur du point ? Et sera-t-elle constante ? Et qui la fixera ? En appliquant quelle règle ? Je n'évoque même pas l'avenir promis aux "pensions de réversion".

Ma conviction intime est la suivante : le gouvernement, guidé par le fringant premier de la classe qui nous sert de président, a la volonté farouche de faire passer son système universel de la retraite par points pour faire du montant des retraites de toute la population une   

VARIABLE D'AJUSTEMENT.

Tous les bavardages à propos de tel ou tel aspect de la réforme ne sont que des "paroles verbales" destinées à détourner l'attention générale de cet objectif ultime de Macron : faire dépendre le montant des retraites futures des circonstances du moment.

En clair : rendre ce montant modulable à volonté.

Fini le montant fixe assuré jusqu'à la mort de la personne. Si la réforme voulue par Macron passe, ce que toucheront les futurs retraités suivra les variations de la courbe suivie par la conjoncture. Qu'une crise survienne, que la situation économique de la France se dégrade, qu'une force politique intolérante accède au pouvoir, quoi de plus facile que de raboter comme il faut la valeur du point ?

Je signale qu'en ce qui concerne la fonction publique, que beaucoup de gens envient, et même jalousent, le salaire des fonctionnaires dépend de la valeur du point d'indice, qui n'avait pas cessé d'augmenter depuis la Libération. Je ne sais pas depuis quand ce point d'indice est au point mort, mais il ne faut pas se demander pourquoi le pouvoir d'achat des fonctionnaires a diminué.

Quand la valeur du point est laissée à la discrétion d'une autorité, il ne faudra pas s'étonner que l'autorité se serve de ce pouvoir pour faire des économies sur le dos des personnes concernées. Et je ne vois pas pourquoi il n'en serait pas de même pour la valeur du point de retraite dans l'avenir.

En réalité, il y a fort à parier que Macron, en mettant en marche son bulldozer de la retraite par point, s'en tient à un pur raisonnement comptable. Ce n'est pas pour rien que ce phraseur talentueux mais impénitent est passé par la banque et par le ministère de l'économie. 

Je me souviens que René Haby (ancien ministre de l'Education) avait mis en route (1975) sa réforme du « Collège unique » pour promouvoir l'égalité des chances et pour que soit aboli l'injuste système des « filières » : il fallait à tout prix « réparer l'ascenseur social ». Plusieurs dizaines de réformes (Legrand, Devaquet, et toute la kyrielle) ont proclamé qu'elles étaient destinées à atteindre ce noble objectif.

Quand ce n'était pas celui-ci, elles promouvaient et promettaient de « travailler autrement » pour « apprendre à apprendre » (réformes "pédagogiques", autrefois chères à Philippe Meirieu, qui s'en est bien repenti depuis). 

Résultat ? D'une part, l'école française, quarante ans après, n'a jamais été aussi inégalitaire (chaque individu est vissé à vie à son statut social d'origine). D'autre part, en ce qui concerne la transmission des savoirs, jamais l'école française n'a été autant à la dérive. La cause ? Derrière la noblesse des buts recherchés, cherchez le comptable (le crâne d’œuf de Bercy : c'est lui qui décide). Affichez avec ostentation la noblesse des intentions, mentez sur tout le reste.

Du côté de l'hôpital, inutile de revenir sur la loi HPST voulue en son temps par Sarkozy et défendue par Bachelot. Le but affiché ? Rationaliser l'organisation de l'hôpital. Résultat ? L'étranglement financier, la suppression des lits, les personnels en "burn out" qui quittent le navire.

Cherchez le comptable, vous aurez le coupable.

Pourquoi en serait-il autrement avec la réforme des retraites ? La noblesse du but affiché ? Instaurer un régime où il n'y ait pas de place pour l'injustice. La réalité du but visé ? Faire des économies. Le résultat ? Pas besoin de vous faire un dessin.

CHERCHEZ LE COMPTABLE, VOUS AUREZ LE COUPABLE.

Hollande était un sous-chef de bureau sournois. Sarkozy était un caporal teigneux. Macron, lui, est un comptable sourcilleux : il veille à l'équilibre des comptes, quelle que soit la réalité tangible.

Voilà ce que je dis, moi. 

POST SCRIPTUM : Il ne fait guère de doute qu'il entre une autre donnée dans les calculs de monsieur Emmanuel Macron : quand, dans la population générale, on aura pris conscience que les retraites "statutaires", les retraites ordinaires et normales sont destinées à laisser la place à ces retraites restreintes, les plus prudents, les plus prévoyants accepteront de consacrer un partie supplémentaire de leur rémunération en période d'activité à augmenter ce "pactole". Devinez qui sera le plus en mesure de sacrifier une partie de sa rémunération pour cela. Devinez dans quel genre de poches ira ce supplément. Et devinez qui se frotte les mains et se lèche les babines dans cette perspective. C'est humain : quand il y a du pognon à se faire ...

MACRON ET LES RETRAITÉS :

(Pour le calendrier de l'Avent, mais au palais de l'Elysée : si Macron a sa réforme, ce sera le "Petit Jésus en culotte de velours" pour lui et la grimace pour tout le monde.)

« FEU A VOLONTÉ ! »

Pour la réforme des retraites, quelles sont au juste les intentions de Macron ? Elles sont très claires, et depuis fort longtemps : en finir avec le « modèle social à la française ». On trouve cette confidence dans la bouche de l'intéressé en personne, dans le livre du journaliste indépendant Marc Endeweld, L'Ambigu Monsieur Macron (Points, 2015). Il n'était pas encore Président. Il n'emberlificotait pas encore la Vérité dans les tortillons de ses lubies ultralibérales. Bon, c'est vrai que la Vérité ne risquait pas grand-chose : il n'était pas aux commandes.

Ce qu'il veut ? Son Nord Cardinal ? Son Projet Général ? Diminuer à toute force la « Dépense Publique ». Pour cela, réduire l'envergure des interventions de l'Etat à ses seules fonctions régaliennes (défense, police, justice, ...) et laisser tout le reste aux « forces du marché » (en français : privatiser tout ce qui formait le Bien commun depuis la Libération). Moyennant quoi, tout de même, c'est sous Macron que la dette publique de la France vient de franchir le seuil des 100 % : on ne fait pas toujours ce qu'on aurait voulu.

En pensée, il se situe dans la droite ligne des intentions de Nicolas Sarkozy, qui avait entrepris, entre autres et sans compter son invention des ruineux PPP (Partenariats Public-Privé), la « Réforme de l'Hôpital », dont on voit les brillants résultats dix ans après sa mise en œuvre : six cents médecins viennent de lancer un appel : « L'hôpital se meurt ». Et ce n'est pas Agnès Buzyn (que je crois finalement de bonne foi) qui l'empêchera de mourir : elle ne fait qu'obéir aux ordres et ne pouvoir que ce qu'elle peut dans un jeu politique qui la dépasse.

Pour Macron, 13,8% du P.I.B. pour supporter le poids des retraités, c'est insupportable. Son obsession cardinale s'est fixée sur ce chiffre diabolique. Il s'est fixé pour mission de l'abaisser drastiquement. Moins cher coûteront les retraités, mieux le pays se portera, semble se dire monsieur Macron. Leur paupérisation figure dans son programme.

Pour préparer l'opinion à ce coup de sabre, il a mitonné quelques « éléments de langage ». D'abord présenter le système des retraites à la française comme un maquis inextricable. Pensez : quarante-deux « Régimes Spéciaux », dont chacun est doté d'avantages spécifiques concernant l'âge de départ, la durée de cotisation ou le "taux de remplacement", sans compter les clauses "idiosyncrasiques". 

Soit dit en passant, on reste ébahi d'ahurissement en entendant le chroniqueur Brice Couturier accuser les différentes corporations d'utiliser leur « Pouvoir de Nuisance » pour arracher des avantages particuliers dans les négociations sociales : ce chien de garde consciencieux de ses maîtres fait purement et simplement abstraction des conditions concrètes d'exercice de la profession (amplitudes journalières, pénibilité, vie de famille, etc.).

S'ajoute à cela une belle imposture qui consiste à dénoncer le maquis inextricable des "régimes spéciaux" en passant sous silence le fait qu'ils représentent, en tout et pour tout, 10 % du montant total des pensions de retraite. Dix pour cent !!!!!! Je vais vous dire : le tintouin magistral orchestré autour du "scandale" que représentent les régimes spéciaux m'apparaît ridicule tant il est disproportionné.

Autre « injustice » (deuxième élément de langage) dénoncée par Macron et consort : l'inégalité de traitement, suivant que l'on a travaillé dans le "privé" ou dans la bienheureuse "Fonction Publique", ce repaire bien connu de tous les privilégiés qui vivent en parasite aux frais de la princesse en en foutant le moins possible.

C'est vrai qu'a priori, entre un calcul sur les six derniers mois d'activité et les vingt-cinq meilleures années, on a tendance à se dire que les travailleurs du privé subissent un horrible sort qu'ils n'ont pas mérité. Mais on passe allègrement sur les différences salariales entre les deux secteurs.

Pour vous dire, moi qui fus fonctionnaire mais qui ai travaillé dans le privé au cours de mes études, je touche royalement 30,74 € tous les deux mois de la Sécurité sociale pour les huit trimestres que me valent tous les "petits boulots" accomplis. Bon, c'est ça ou rien, alors ...

Alors la « Retraite par Points » maintenant. La solution miracle ? Oui, on vous dit : tout le monde sera traité de la même manière. Fort bien. Moi je ne peux pas m'empêcher d'entendre l'adjudant qui vocifère : « Je ne veux voir qu'une tête ! ».

D'abord, on nous dit que ce système définitivement juste, il est universel. Moi je dis qu'il y en a qui sont plus universels que d'autres. La preuve ? Les policiers ont déjà obtenu la promesse qu'il ne sera rien changé à leur régime à eux.

Bon, mettons cela sur le compte de leur « Pouvoir de Nuisance » (Brice Couturier). Mais va-t-on toucher au régime des sénateurs, qui ont déjà prévenu que ça ne se passerait pas comme ça ? Et les routiers ? Bon, je ne vais pas énumérer : le "répertoire opérationnel des métiers et des emplois" (R.O.M.E.) comprend plus de 10.000 appellations de métiers et d'emplois (14 familles de métiers, 110 domaines professionnels). Est-il seulement raisonnable de croire qu'il est possible de "ne voir qu'une tête" ?  

Reste la question du « point ». Là, on entre dans le crucial. D'accord, toutes les heures travaillées seront comptabilisées et rapporteront quelque chose, mais quelle sera la valeur du point ? Et sera-t-elle constante ? Et qui la fixera ? En appliquant quelle règle ? Je n'évoque même pas l'avenir promis aux "pensions de réversion".

Ma conviction intime est la suivante : le gouvernement, guidé par le fringant premier de la classe qui nous sert de président, a la volonté farouche de faire passer son système universel de la retraite par points pour faire du montant des retraites de toute la population une   

VARIABLE D'AJUSTEMENT.

Tous les bavardages à propos de tel ou tel aspect de la réforme ne sont que des "paroles verbales" destinées à détourner l'attention générale de cet objectif ultime de Macron : faire dépendre le montant des retraites futures des circonstances du moment.

En clair : rendre ce montant modulable à volonté.

Fini le montant fixe assuré jusqu'à la mort de la personne. Si la réforme voulue par Macron passe, ce que toucheront les futurs retraités suivra les variations de la courbe suivie par la conjoncture. Qu'une crise survienne, que la situation économique de la France se dégrade, qu'une force politique intolérante accède au pouvoir, quoi de plus facile que de raboter comme il faut la valeur du point ?

Je signale qu'en ce qui concerne la fonction publique, que beaucoup de gens envient, et même jalousent, le salaire des fonctionnaires dépend de la valeur du point d'indice, qui n'avait pas cessé d'augmenter depuis la Libération. Je ne sais pas depuis quand ce point d'indice est au point mort, mais il ne faut pas se demander pourquoi le pouvoir d'achat des fonctionnaires a diminué.

Quand la valeur du point est laissée à la discrétion d'une autorité, il ne faudra pas s'étonner que l'autorité se serve de ce pouvoir pour faire des économies sur le dos des personnes concernées. Et je ne vois pas pourquoi il n'en serait pas de même pour la valeur du point de retraite dans l'avenir.

En réalité, il y a fort à parier que Macron, en mettant en marche son bulldozer de la retraite par point, s'en tient à un pur raisonnement comptable. Ce n'est pas pour rien que ce phraseur talentueux mais impénitent est passé par la banque et par le ministère de l'économie. 

Je me souviens que René Haby (ancien ministre de l'Education) avait mis en route (1975) sa réforme du « Collège unique » pour promouvoir l'égalité des chances et pour que soit aboli l'injuste système des « filières » : il fallait à tout prix « réparer l'ascenseur social ». Plusieurs dizaines de réformes (Legrand, Devaquet, et toute la kyrielle) ont proclamé qu'elles étaient destinées à atteindre ce noble objectif.

Quand ce n'était pas celui-ci, elles promouvaient et promettaient de « travailler autrement » pour « apprendre à apprendre » (réformes "pédagogiques", autrefois chères à Philippe Meirieu, qui s'en est bien repenti depuis). 

Résultat ? D'une part, l'école française, quarante ans après, n'a jamais été aussi inégalitaire (chaque individu est vissé à vie à son statut social d'origine). D'autre part, en ce qui concerne la transmission des savoirs, jamais l'école française n'a été autant à la dérive. La cause ? Derrière la noblesse des buts recherchés, cherchez le comptable (le crâne d’œuf de Bercy : c'est lui qui décide). Affichez avec ostentation la noblesse des intentions, mentez sur tout le reste.

Du côté de l'hôpital, inutile de revenir sur la loi HPST voulue en son temps par Sarkozy et défendue par Bachelot. Le but affiché ? Rationaliser l'organisation de l'hôpital. Résultat ? L'étranglement financier, la suppression des lits, les personnels en "burn out" qui quittent le navire.

Cherchez le comptable, vous aurez le coupable.

Pourquoi en serait-il autrement avec la réforme des retraites ? La noblesse du but affiché ? Instaurer un régime où il n'y ait pas de place pour l'injustice. La réalité du but visé ? Faire des économies. Le résultat ? Pas besoin de vous faire un dessin.

CHERCHEZ LE COMPTABLE, VOUS AUREZ LE COUPABLE.

Hollande était un sous-chef de bureau sournois. Sarkozy était un caporal teigneux. Macron, lui, est un comptable sourcilleux : il veille à l'équilibre des comptes, quelle que soit la réalité tangible.

Voilà ce que je dis, moi. 

POST SCRIPTUM : Il ne fait guère de doute qu'il entre une autre donnée dans les calculs de monsieur Emmanuel Macron : quand, dans la population générale, on aura pris conscience que les retraites "statutaires", les retraites ordinaires et normales sont destinées à laisser la place à ces retraites restreintes, les plus prudents, les plus prévoyants accepteront de consacrer un partie supplémentaire de leur rémunération en période d'activité à augmenter ce "pactole". Devinez qui sera le plus en mesure de sacrifier une partie de sa rémunération pour cela. Devinez dans quel genre de poches ira ce supplément. Et devinez qui se frotte les mains et se lèche les babines dans cette perspective. C'est humain : quand il y a du pognon à se faire ...

jeudi, 17 octobre 2019

MON POINT DE VUE SUR LA POLICE ...

... FRANÇAISE. (2/2)

3 – La police de proximité.

Je crois que ce préjugé défavorable au peuple, soigneusement entretenu par les autorités, explique l’incroyable élargissement du fossé qui sépare la population des forces de police. Récemment, sur France Culture, un gradé de rang moyen, proche de la retraite (le même que précédemment), rappelait que, lors de la cohabitation Chirac-Jospin après 1997 (la dissolution), ce dernier avait eu cette trouvaille admirable : la « police de proximité », et que sa disparition avait été une catastrophe (voir plus bas).

Qu’est-ce que c’était, pour Lionel Jospin et son entourage, la police de proximité ? C’était l’occasion inespérée de répandre dans la population l’idée que, quand la police est là, c’est pour venir à son aide, la secourir, faire en sorte que règne, en fin de compte, un ordre qu’on puisse qualifier de républicain. Jospin a réussi, avec la police de proximité, à installer des postes de police jusque dans des quartiers où, aujourd’hui, les policiers ne peuvent plus s’aventurer sans prendre cailloux ou cocktails Molotov, sans provoquer des émeutes. On peut se demander naïvement pourquoi : la réponse fait hurler de rage le simple bon sens.

La police de proximité, c’étaient des policiers en quelque sorte chargés d’une mission de haute sensibilité : établir entre la population et les forces représentant la loi des relations de confiance réciproque. Des flics destinés à vivre si possible dans les mêmes conditions réelles d'existence que les vrais gens, dont ils auraient une vraie « connaissance de terrain » et aux yeux desquels ils étaient chargés de représenter la loi en action et en présence.

La loi, certes, en uniforme, mais avec un visage d’individu reconnaissable et familier. La police dans la population comme un poisson dans l’eau : la voilà, la police républicaine. Des personnes au milieu d'autres personnes. Et qui pouvaient, selon les moments, taper dans un ballon dans les "quartiers" ou taper sur les voyous, les délinquants et les dealers. L'ordre qu'ils représentaient était admis par la population, et ils n'oubliaient jamais leur mission première : incarner la loi. 

Avec la police de proximité, Lionel Jospin avait mis en place les conditions de la paix civile sur tous les territoires de la république. Cela devait paraître insupportable à certains.

4 – La politique du chiffre : le policier est un gros bâton. Un poing, c'est tout.

La police de proximité commençait juste à porter ses fruits, quand elle a été supprimée d’un simple trait de plume, au motif qu’ « un flic, c’est pas payé pour jouer au football ». Celui qui tient alors la plume (et l’auteur de la citation, qui en a d'autres belles à son actif : "kärcher", "casse-toi pauvre con", etc. ...) est un voyou que les Français ont eu la niaiserie de porter à la présidence (en fait, à ce moment-là – avant 2007 – il n'était que le ministre de l'Intérieur de Chirac). Croyant élire un homme d’action, ils ont élu un casseur. Le bilan de Nicolas Sarkozy (c’est lui, tout le monde avait compris) est un bilan de casse : la justice, l’hôpital, la police, tout y passe.

La justice ? On compare les magistrats à des rangées de boîtes de petits pois sur des rayons, et on envoie Rachida Dati tirer dessus comme à la foire et faire des gros trous dans la carte judiciaire. L’hôpital ? On tient en laisse un molosse du nom de Roselyne Bachelot, qu'on lâche un jour avec pour mission de dévaster le service public de santé en imposant la rémunération à l’acte, mesure qui transforme illico l’hôpital en entreprise "prestataire de services", dirigée par un patron chargé de veiller, sinon à la rentabilité, du moins à l’équilibre des comptes (c’est la loi « HPST », dont on admire aujourd'hui les fabuleux résultats, entre autres, dans les services d’urgence et la filière psychiatrique).

La police ? Le bilan de Sarkozy est encore plus brillant. On commence par bousiller tout le service de renseignement « de terrain » (les « Renseignements Généraux », vous savez, ces policiers qu'on disait chargés des basses besognes des gouvernements, qui se baladaient incognito dans tous les syndicats, partis, groupes et milieux (mais aussi églises, synagogues et mosquées), en laissant traîner les yeux et les oreilles, pour prendre et "faire remonter" en temps réel la température de la population) en le fondant brutalement dans un nouveau service (DGSI) où on le mélange en touillant bien avec la DST, qui avait un oeil sur les étrangers séjournant en France. Or ce sont deux métiers distincts. RG et DST n'ont jamais pu additionner leurs compétences. Je parierais volontiers que Mohamed Merah (2012) est le brillant résultat de l'opération.

Et surtout, on va transformer la police en entreprise en y appliquant la même politique du « paiement à l’acte » qu’à l’hôpital, sauf que là, ça prend le nom de « politique du chiffre ». Pour Sarkozy, un policier est seulement un gros bâton entre ses mains. Une trouvaille ! Fallait y penser ! Plus nombreux sont les « constats », plus nombreuses les « affaires traitées », et plus le commissaire est content. Il a de quoi. Car pour « motiver » les troupes, on introduit dans la rémunération du commissaire une variable liée aux résultats de ses services sur le terrain : plus il coche de cases, plus il se sent confortable et plus il tire d’oreilles, à la façon de notre "petit caporal" national, pour dire sa satisfaction à ses "grognards".

Résultat des courses ? On laisse courir la réalité triviale, fatigante et salissante pour fabriquer des statistiques en pur papier dont le pouvoir peut se gargariser, et où apparaissent, grâce à Sarkozy, les formidables gains de productivité et d’efficacité de la police républicaine. Concrètement, faire du chiffre, ça veut dire qu'on envoie les bidasses agrafer des « baba cools » en uniforme (dreadlocks et rouge-orange-vert), confisquer leur barrette de « shit » et les envoyer en comparution immédiate : c’est ça, le « chiffre ». J’ai oublié le terme employé par le flic gradé de rang moyen proche de la retraite, sur France Culture, mais c’est à peu près ça. La réalité réelle ? Elle fout le camp. Les plus gros poissons ? Ils courent à toutes jambes et à tire d’aile, jamais inquiétés.

La voilà, la police de Sarkozy : c’est une police qui a sorti les mains du cambouis, c’est une police propre, une police en pur papier de statistiques.

J'exagère évidemment, mais c'est pour faire comme Günther Anders : c'est à visée pédagogique. Le malheur, c'est que ni Hollande, ni Macron n'ont fait quoi que ce soit pour rectifier le tir après le décès politique du voyou. Ah si, pourtant : il semblerait que, avec les "brigades de sécurité du quotidien", le régime actuel veuille faire revivre d'une certaine manière l'idée de Jospin. Espérons.

5 – Le policier obéit aux ordres.

Le dernier point sera pour souligner un aspect souvent minimisé dans les comptes rendus de la presse : rien de ce que font les policiers lors des manifestations ne se fait sans avoir été autorisé ou ordonné par la hiérarchie. Le gradé de rang moyen proche de la retraite, déjà cité, le confirme : si on lui dit de reculer d’un mètre, le policier de base recule d’un mètre en disant : « Oui chef ! Bien chef ! ». La police est un outil mis à la disposition des gouvernants par la Constitution, c'est-à-dire par l'Etat.

Je ne vais pas me lancer dans l'historique impossible de la confusion presque permanente entre "intérêt de l'Etat" et "intérêt du gouvernement" au fil de la Cinquième République : je veux juste rappeler la fonction d'utilité publique de la Police nationale et de la Gendarmerie nationale. C'est un instrument au service de la chose publique. Ce qu'on appelle la "chaîne de commandement" va du ministre en charge jusqu'au bidasse du dernier rayon, où chaque échelon inférieur est supposé obéir aux ordres qu'on lui donne, et chaque échelon supérieur censé donner des ordres conformes aux intérêts de la nation. C'est au moins la théorie.

Cela veut dire que le flic de terrain, lorsqu’il tire une « balle de défense » avec son LBD, c’est qu’on lui a dit de le faire. Même chose pour les gaz lacrymogènes, même chose pour les « grenades de désencerclement ». Même chose pour les manœuvres destinées à couper toutes les issues à une foule de manifestants, pour les enfermer comme dans une nasse, qu'on arrose ensuite de "lacrymos" pour leur apprendre les bonnes manières. Même chose pour les manœuvres consistant à laisser les "black blocks" se fondre au milieu des marcheurs, ce qui permet de ne plus distinguer ensuite le bon grain de l'ivraie. Même chose, évidemment, quand il s'agit de "foncer dans le tas" (après sommations d'usage).

Cela veut dire qu’il faudrait moins parler de « violences policières » que de « violences d’Etat » : s’il y a des dégâts sur le terrain (un œil, une main en moins, des blessures diverses), c’est que cela entre dans le cadre des ordres donnés par la hiérarchie policière. Et la hiérarchie policière, elle n'a qu'une pensée : appliquer les consignes données par le ministère de l’Intérieur (ou par celui qui en tient lieu en région : le préfet). L’œil crevé, la main arrachée, autant de trophées que le ministre pourrait à bon droit exposer aux murs de son bureau : c'est lui qui lance la meute à l'attaque. 

En matière de violences policières, il y a manifestement une parfaite adéquation entre les dégâts infirmiers et médicaux et les intentions politiques dans le cadre desquelles ils s'inscrivent. En haut lieu, on peut certes "déplorer" et "compatir", mais on ne désavouera pas l'action et on ne sanctionnera personne : ce serait se punir soi-même. Dit autrement : les violences policières sont pensées, voulues, prévues par quelqu'un qui ne descend pas sur le terrain, et qui laisse les "manards" en prendre parfois plein la gueule. Si les policiers sont violents, c'est sur ordre, mais à leurs risques. C'est, dit le ministre, le résultat qui compte : peu importent les "dommages collatéraux". Cela explique pour une bonne part monsieur Castaner, "droit dans ses bottes" quand il est devant les caméras, soutenant la légitimité de l'emploi des LBD.

Tout ça pour dire que, si l’on s’indigne à raison en visionnant des images de smartphone faites « sur le terrain » des manifs, où l’on voit une matraque s’abattre sur un piéton déjà à terre, où l’on entend le long cri de douleur d’un homme qui a reçu une balle de défense dans les couilles, on devrait s’en prendre de façon beaucoup plus directe à toute la chaîne de commandement (jusqu'au ministre) qui a permis d’aboutir à ces dommages corporels. Les policiers n'ont fait qu'obéir aux ordres. Dommages stupéfiants dans un pays si fier encore de se considérer comme une démocratie exemplaire.

Voilà, en gros, les réflexions qui me viennent quand je pense à l’exercice de la police en France. Pour moi, une police démocratique et républicaine devrait pouvoir se déplacer dans la population, dans les quartiers, dans les territoires comme un poisson dans l’eau. Or je constate que tout est fait pour que le corps policier apparaisse comme un « corps étranger » qui n'est nulle part le bienvenu, et violemment conspué dans certains endroits.

L'hostilité qui entoure les apparitions et les actions de la police dans les manifs est sans doute le but recherché par le pouvoir. Quand on pense à la « police de proximité » patiemment mise en place sous Jospin (la greffe avait commencé à "prendre"), et brutalement rayée de la carte par Sarkozy, on reste effaré devant le gâchis : quelle perte imbécile ! 

J’en attribue la responsabilité à Sarkozy bien sûr, mais plus généralement à tous les pouvoirs en place, qui tiennent à garder sous le coude des solutions concrètes et "fortes" à tous les « problèmes », au cas où : la formation des policiers, l’organisation policière, la définition des missions de la police, le contrôle des forces de l'ordre, la hiérarchie policière, tout cela serait à refondre dans un esprit authentiquement républicain.

Je ne sais pas tout de la question, mais en l’état actuel des choses, il ne me semble pas qu’on puisse qualifier la police française de « républicaine ». Or la police est telle que la veulent les pouvoirs, qu'ils soient de droite ou de gauche. Il semble évident que la faute en incombe à tous les gradés de rang supérieur et à tous les "hauts fonctionnaires" qui les chapeautent, mais plus encore à tous les politiques qui, au gré des élections, sont mis à la tête de tout ce petit monde pour "mettre en œuvre" la politique des présidents qui les ont nommés. Et je n'oublie pas les noms de Squarcini et Péchenard qui, au ministère de l'Intérieur, furent des exécutants disciplinés des ordres fangeux donnés par Nicolas Sarkozy.

Je plains les policiers eux-mêmes. En particulier les gradés de rang moyen proches de la retraite.

Je plains les services publics en général.

Voilà ce que je dis, moi.

Note : il reste bien des sujets à traiter : les taux de suicide dans les rangs de la police et de la gendarmerie ; le positionnement politique très à droite de beaucoup de policiers ; les millions d'heures supplémentaires de service non rémunérées ; les difficultés du recrutement ; etc. 

mardi, 04 juin 2019

MON POINT DE VUE SUR LE "GENRE"

Je ne sais pas vous, mais moi, j’en ai ma claque des « grands débats de société » en général, et de ceux en particulier qui tournent autour de la notion d’ « identité ». Prenez celui sur l’identité nationale lancé en son temps par Nicolas Sarkozy : un champ de bataille où les acteurs du « débat » ont failli en venir aux mains, si ce n’est aux armes. Qu’en est-il sorti ? Des pets de lapin et de l’amertume.

 

Je me dis en passant que ce débat a au moins montré quelque chose de sûr : c’est que s’il y eut un jour une identité française, je veux dire une adhésion spontanée de la grande majorité des citoyens français à l'idée (peuple, nation, ...) qui les rassemble, ce n’est plus le cas. L'appartenance à la France est devenue plus que problématique, au point que ça tire à hue et à dia, bien pire que "la France coupée en deux".

 

Prenez le « Grand Débat National » orchestré par Emmanuel Macron pour patienter jusqu’aux européennes et, en attendant, pour détourner l’attention sur autre chose que les sempiternels et horripilants « gilets jaunes ». Ah ça, pour l’emphase, le blabla et les crottes de chèvre, on a été servi. Notez que Macron, une fois embarqué dans la campagne des européennes et aussitôt les résultats connus, s’est empressé d’enfourcher le canasson (en fait, la Rossinante) de la rénovation des institutions européennes et de glisser sous le tapis la poussière des « grandes décisions » qu’il promettait au départ.

Mais un autre débat, tantôt très sournois et rampant, tantôt tonitruant, s’est introduit dans la société française comme un ténia dans un intestin bien nourri : le débat sur l’identité sexuelle (il paraît qu’il faut dire « genrée »). Il semblerait que la grande hantise contemporaine qui touche les jeunes générations est le gros point d’interrogation qu’elles posent sur les attributs qu’une nature odieuse leur a collés d’office entre les jambes (et ailleurs sur/dans le corps) et en a fait d'une part des hommes, d'autre part des femmes.

Et tous ces jeunes se demandent anxieusement si ce que l'on voit d'eux correspond à leur être authentique tel qu'ils le sentent et le vivent tout au fond de leur intimité. Tout est possible, doivent-ils se dire, mais du coup, ils se retrouvent tout au bord de l'abîme de l'embarras du choix. Je n'aimerais pas avoir leur âge.

D'où une hostilité déclarée envers la dite nature, un effort prodigieux pour en minimiser la présence (animale) dans l'homme, désormais façonné, sur décision de l'air du temps, presque exclusivement par la « Culture », après manipulations idéologiques. D'où une attitude accusatrice envers toutes les structures et institutions sociales nées sur la planète de la fantaisie des imaginations humaines, attitude inspirée des fameux philosophes « déconstructeurs » offerts au monde par la France pour prêcher urbi et orbi l'arbitraire quintessentiel des institutions humaines et des structures et conventions sociales, d'où la nécessaire et absolue liberté de l'individu de déterminer lui-même ses priorités et déterminations, sans tenir aucun compte de l' « ordre dominant », forcément générateur des pires « stéréotypes ».

Cette déconstruction de systèmes sociaux dénoncés comme purement arbitraires (on ne voit pas comment ils pourraient ne pas l'être, c'est le cas de toutes les constructions humaines) a ouvert la voie à l'invention du concept de « genre » par une militante homosexuelle américaine (Judith Butler), qui l'a offert à toute sa « communauté », qui en a fait une arme d'une efficacité redoutable, calquée sur les combats spécifiques des noirs aux Etats-Unis.

A ceci près que les noirs avaient quelques vraies raisons historiques valables de se considérer comme des victimes. Et le combat tenace de la minorité sexuelle en question a fini par ouvrir un énorme créneau sur le marché de la sexualité : une propagande efficace a par exemple centuplé le nombre des lieux de rendez-vous à San Francisco en une vingtaine d'années. Beaucoup de mecs ont dû se dire : "Tiens, et pourquoi pas ? Si j'essayais ?", et autres produits de l'ennui existentiel. On me dira que la propagande n'y est pour rien et qu'il faut voir là le "mouvement de l'histoire". Je n'en crois rien.

N’a-t-on pas entendu, sur un plateau de télévision, un individu de belle taille et à la barbe fournie s’en prendre à l’animateur : « De quel droit m’appelez-vous "Monsieur" ? ». Je crois qu’arrivé là, il n’y a plus qu’à tirer l’échelle et à conseiller au gars de bien s’accrocher au pinceau. Je me rappelle aussi un gars qui, interviewé sur une chaîne publique de radio, s'était fixé très tôt comme but dans la vie d'aller se prostituer à Central Park. Oh, le bel idéal ! Cette innovation dans la civilisation, qui s’orne dans le débat de toutes sortes de fioritures et de festons dont se parent les militants de ces nouvelles « causes », me donne l’impression d’avoir quitté le navire dans un frêle esquif en proie à l'hostilité des vents dominants. Et je n'ai pas trop envie de retourner à bord de ce bateau ivre.

 

Il y a des limites aux désirs des individus, et des limites liées d'une part à la nature, d'autre part à la nécessité de faire de la société un ensemble qui fasse corps, et non une collection d'individus autonomisés et en compétition, ou de communautés bien délimitées et concurrentes entre elles, à la manière anglo-saxonne. J'ajoute que tout cela se passe au moment même où la notion d'individu a acquis une importance de virgule de queue de cerise, une consistance plus que vaporeuse et un poids infinitésimal aux yeux du système économique qui met la planète en coupe réglée.

Moi, je suis resté du côté des archaïques, des désuets, des obsolètes. J'accepte aussi : amorti, antédiluvien, arriéré, cacochyme, caduc, croulant, décati, décrépit, démodé, dépassé, hachesse, has been, hors service, moyenâgeux, révolu, sénile, suranné, vermoulu, vétuste, vioque ... : il y a deux sexes, et ils sont faits pour se compléter. Indécrottable. Mais on peut dire aussi que j'ai conservé des points de repère stables.


 

Qu'on est bien
Dans les bras
D'une personne du sexe opposé
Qu'on est bien
Dans ces bras-là
Qu'on est bien
Dans les bras
D'une personne du genre qu'on n'a pas
Qu'on est bien
Dans ces bras-là

C'est la vraie prière
La prochaine aime le prochain
C'est la vraie grammaire
Le masculin s'accorde avec le féminin

{au Refrain}

Certains jouent quand même
Les atouts de même couleur
Libre à eux moi j'aime
Les valets sur les dames les trèfles sur les cœurs.

{au Refrain}

Les creux sur les bosses
Tout finit par se marier
Les bons sur les rosses
Et même les colombes avec les éperviers

{au Refrain}

Qu'on est bien
Dans les bras
D'une personne du sexe opposé
Qu'on est bien
Dans ces bras
 
*****
Georges Brassens est du même avis.

Sonneraient-elles plus fort, ces divines trompettes, 
Si, comme tout un chacun, j'étais un peu tapette, 
Si je me déhanchais comme une demoiselle 
Et prenais tout à coup des allures de gazelle ? 
Mais je ne sache pas que ça profite à ces drôles 
De jouer le jeu de l'amour en inversant les rôles, 
Que ça confère à leur gloire une once de plus-value, 
Le crime pédérastique, aujourd'hui, ne paie plus.

C'est dans Les Trompettes de la renommée.

*****

Vous n'en avez pas assez, de toutes les "minorités" qui font aujourd'hui la loi (comble de la démocratie !) dans les médias et dans le Code pénal ? Vous n'en avez pas assez de tous ces petits flics qui, après avoir été longtemps criminalisés, se sont débrouillés, par toutes sortes de jeux d'influence et de manœuvres en coulisses, pour criminaliser la population normale (sans guillemets) en imposant, sous l'appellation de "phobie", un vocabulaire autrefois réservé à la psychiatrie et à l'aliénation mentale, désormais relevant de la police et des tribunaux correctionnels ? Et tout cela, au nom de leur Liberté (particulière), de leur Égalité (très spécifique) et de cette redoutable anti-Fraternité qui trouve son origine dans un communautarisme de secte, toujours empreint de fièvre obsidionale (mot savant qui veut seulement dire que la personne est assez parano et qu'elle voit des ennemis partout, excepté au sein de son clan).

Ils ont fait de leur marginalité même et de leur faible nombre (mais beaucoup sont animés d'un prosélytisme aux dents longues et à l'appétit puissant) une forteresse inexpugnable et même une force invincible d'occupation de l'espace public. Et malgré toutes les possibles "marches des fiertés", s'ils étaient si fiers qu'ils nous le font croire, ils n'auraient pas besoin de recourir à ce point à l'intimidation et à la répression des gens qui ont le toupet de situer encore, sur des critères dont l'invalidité n'est pas démontrée, la limite entre ce qui est normal et ce qui est déviant. S'ils veulent être considérés comme normaux (c'est-à-dire s'ils veulent se fondre dans la masse et qu'on ne fasse plus attention à eux), ils n'ont qu'à s'abstenir de crier leur différence sur tous les toits en exigeant par-dessus le marché un total respect sous peine de.

Si pour eux les convictions intimes de la population majoritaire étaient à prendre en compte autrement que comme des archaïsmes à jeter à la poubelle, s'ils ne narguaient pas les gens normaux considérés comme autant d'ennemis potentiels, s'ils cessaient de leur faire la leçon en tant que détenteurs de la nouvelle Vérité, s'ils ne la ramenaient pas, s'ils n'étaient pas arrogants, s'ils cessaient leur propagande, s'ils essayaient seulement d'envisager l'hypothèse que la population a le droit légitime d'être choquée par leur affichage exacerbé, ils n'auraient pas à redouter autant les violences commises à l'encontre des "LGBTIQ...", et toute la kyrielle des variantes de la sémantique sexuelle.

Ces violences sont évidemment exécrables et odieuses, elles sont surtout la marque de gens assez bornés pour penser qu'ils peuvent changer le cours de l'histoire en se faisant, croient-ils, justice. A tout prendre, je préfère l'attitude de vieillard résigné mais pacifié d'un Régis Debray, dressant son Bilan de faillite (Gallimard, 2018), et contemplant, triste mais fataliste, la disparition de ce qui faisait la spécificité de la civilisation européenne, complètement phagocytée, digérée et excrétée aujourd'hui par l'organisme démesuré et insatiable de l'Amérique matérialiste (Civilisation, Gallimard, 2017).

Mais Debray a encore le sens de l'histoire. Il a tiré un trait sur son passé de militant parti pour changer la face du monde. Je me dis que c'est plus sage. Houellebecq le dit aussi très bien dans Sérotonine : « Je compris que le monde ne faisait pas partie des choses que je pouvais changer ». La société actuelle est ce que l'histoire en a fait : ce n'est pas moi non plus qui vais la changer.

Ce qui me reste cependant en travers, et avec une violence insultante pour la raison, c'est le détestable couvercle policier que le côté obscur de l'ultralibéralisme sexuel a abattu sur la société et qui, à la moindre inattention dans une formulation, peut aujourd'hui valoir aux imprudents ou aux étourdis les pires ennuis (interdit de critiquer X sous peine de). Les lobbies moralisateurs du désordre sexuel moderne, après avoir travaillé à mettre la loi de leur côté, manient cette matraque avec délectation, tout en le faisant sur un argumentaire de la « tolérance », du « respect », de la « libération », de l’ « émancipation » et du « progrès ».

Ce raisonnement s'adresse aussi aux femmes, aux musulmans, etc. (toutes les "communautés" en faveur desquelles le Code pénal définit désormais des "phobies" punissables) : c'est quand ils sont provoqués dans les fondements de leurs croyances, qu'ils se sentent humiliés ou impuissants devant une situation que les hommes peuvent devenir violents. 

Voilà ce que je dis, moi.

mercredi, 08 mai 2019

L'EUROPE ET NOS POLITICIENS

Notes sur l'état européen de la nation française.

Les journalistes français, les politiciens français, les politologues et autres politistes français, tous gens de jugement très sûr, nous ont rebattu les oreilles avec un grand mythe fondateur de l’idée d’Europe : « le couple franco-allemand ». Ah ça, on peut dire que tous ces braves gens, forcément bien intentionnés, n'en doutons pas, nous l'ont fait bouffer, le foin du mythe franco-allemand. Mais aujourd’hui, c’est fini. La grande réconciliation, c’était De Gaulle-Adenauer, ensuite nous avons eu la belle entente Giscard-Schmidt, puis le spectacle de la belle entente Mitterrand-Kohl (ah, Mitterrand capturant par surprise la main de Kohl ! était-ce à Douaumont ?).

Depuis, plus rien, ou plutôt plus personne. Visiblement, il y a quelque chose de pourri dans l’étroite union des piliers qui, à eux deux, formaient le socle granitique sur lequel allait s’élever l’astre resplendissant de l’idée européenne : l’Allemagne et la France. Les deux pays ne sont plus sur la même longueur d’onde, le « moteur de la construction européenne », après avoir toussé et hoqueté, s’est arrêté, l’Europe est en panne.

Je ne vais pas me lancer dans une analyse fouillée des raisons politiques, économiques ou idéologiques qui expliquent cette mise au point mort : je laisse aux « spécialistes », « experts » et tous les Diafoirus de profession le soin de développer ce genre de considérations savantes. Je veux juste, en citoyen ordinaire, exposer quelques observations qui me sont venues au fil du temps, en particulier sur la façon dont l’ensemble de la classe politique française considère l’implication de la France dans le processus de construction européenne. Je précise tout de suite que je ne me suis pas trop embarrassé de nuances. Que le lecteur ne soit pas trop scandalisé s'il me trouve quelque peu injuste.

Ma première remarque est pour observer que la construction européenne, et depuis fort longtemps, n'intéresse pas nos politiciens. On peut dire que, pris dans leur globalité, ils ne brillent pas par leurs motivations européennes. L'Europe, ils n'ont pas grand-chose à en faire. Peut-être, après tout, parce qu'ils ne se préoccupent guère du fait que la France ait ou non un destin. "D'accord pour envoyer à Bruxelles des sous-fifres ou des "seconds couteaux", mais ces raisins sont trop verts pour moi, tout juste bons pour agacer mes dents de grand fauve : je laisse la besogne à plus humble que moi." Qu'on se le dise, le politicien français considère la construction européenne de tout le haut de sa hauteur.

Si les politiciens français avaient pris au sérieux la construction européenne, il y aurait eu depuis fort longtemps un ministre d'Etat aux affaires européennes, et un ministre inamovible quelles que soient les alternances, et non pas de vagues secrétaires d'Etat obscurs et interchangeables. Il y aurait eu des luttes féroces et des rivalités épiques entre les ambitieux "cadors" de la politique française pour occuper cette place prestigieuse. Et les "ténors" de notre classe politique n'auraient pas eu la politesse exquise de laisser la place aux pauvres diables obligés de s'y coller en leur disant : "Après vous s'il en reste".

Accessoirement, les électeurs ne bouderaient peut-être pas autant les urnes s'il y avait eu dès le début des listes internationales de candidats pris dans tous les pays. Le fait que les listes de candidats soient nationales pour l'essentiel n'a pu qu'ajouter de la distance entre les populations et la nouvelle institution.

Il me semble que la raison de ce désintérêt des politiques est assez simple : ils ne trouvent aucun intérêt à s'engager dans un travail qu'ils considèrent avant tout comme fastidieux, et surtout où ils ne voient aucun moyen de faire carrière. Au contraire, en réduisant leur activité à l'hexagone, même sans parler de cursus fulgurant, juste en rendant le plus de services possible à des gens bien placés, après avoir bien usé leurs genoux dans les prosternations devant les puissants réels ou pressentis, ils gardaient l'espoir que ceux-ci auraient l'honnêteté de leur "renvoyer l'ascenseur" en leur procurant une sinécure confortable : Conseil d'Etat, Cour des Comptes, CSA, Conseil Economique et Social, jetons de présence dans des conseils d'administration, une direction à l'Institut du Monde Arabe (cas de Jack Lang : à qui cet ami de tout le monde n'a-t-il pas rendu de "petits services" ?), etc. : il n'y a pas que les parachutes qui soient dorés, il y a aussi beaucoup de pantoufles. Non, l'Europe n'intéresse nos politiciens en aucune manière, sinon à l'approche d'échéances électorales.

Cette façon de voir et de faire, dont je crois que le caractère principal est la médiocrité  insigne, n’est pas pour rien, à mon avis, dans l’éviction progressive de la France des instances de décision dont procède l’orientation que doit prendre la construction collective. Car si la France pèse si peu aujourd’hui dans l’Union européenne, ce n'est pas seulement parce que celle-ci est passée de 6 à 28, c’est aussi parce que, à quelques notables exceptions près (Delors, Barnier, Moscovici, …), l’immense majorité de nos politiciens professionnels considèrent depuis très longtemps d’éventuelles responsabilités à Bruxelles ou Strasbourg au mieux comme des exils provisoires ou des punitions imméritées, au pire comme des oubliettes, en tout cas comme une tache sur leur CV de professionnels de la politique. Et ce n'est pas le choix de têtes de listes comme Loiseau ou Bellamy qui va pouvoir convaincre du contraire.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que la réputation globale des députés français au Parlement européen n’est pas bonne, beaucoup d'entre eux n'ayant pour seul souci que de revenir à Paris au bout d'un seul mandat. Au point que leurs collègues des autres pays (en particulier les Allemands) sont tout étonnés d’en revoir certains après l’élection suivante, et c’est seulement alors (et à la longue) que quelques-uns finissent par être pris au sérieux par les autres députés. La plupart, n’ayant aucune considération pour le travail d’édification des règles communes, sont tenus pour des jean-foutre (pour autant que je puisse m'en faire une idée).

Pour une majorité de politiciens français, en effet, être élu aux européennes signifie cinq ans de purgatoire, et cinq ans pour lesquels je serais curieux de consulter la feuille de présence aux assemblées et aux commissions. On se rappelle quelle avait été la rage de Rachida Dati quand Nicolas Sarkozy, pour je ne sais quelle raison profonde, l’avait bombardée tête de liste pour les Européennes de je ne sais plus quelle année (ça doit être facile à retrouver). Je signale en passant que la dame, en course pour la Mairie de Paris, touche toujours son indemnité européenne (j'imagine qu'elle est toujours une élue, bien qu'elle se garde d'en faire état). Je n'ai pas vérifié son taux d'absentéisme aux assemblées et réunions de Bruxelles ou Strasbourg (c'est que le 7ème arrondissement de Paris est si vaste !).

Combien sont-ils, ceux qui ne se représenteront pas le 26 mai après vingt ans de bons et loyaux services (quatre mandats, s'il vous plaît) dans les rangs de l’Assemblée européenne ? C’est le cas, paraît-il, de Pervenche Bérès et Alain Lamassoure, sûrement quelques autres : belle performance. J’ai bien l’impression que ces rares individus somme toute hors du commun font exception, dans un ensemble de personnes qui se jugent sûrement trop importantes sur le territoire national pour aller perdre leur temps et gâcher une belle carrière potentielle en allant s’enterrer à Bruxelles.

L’impression étrange que produit cette situation particulière, c’est d'abord l'incroyable confinement hexagonal de l'esprit qui habite l'ensemble de la classe politique française, mais c'est aussi la remarquable ambivalence qu'elle manifeste à l’égard de l’Europe. Car c’est une double unanimité chez les hauts responsables et autres personnels politiques : d’une main (souverainiste), quand le besoin (électoral) s’en fait sentir, ils dénoncent la bureaucratie tatillonne de Bruxelles, ses réglementations ridicules et ses décisions juridiques qui s’imposent au droit français (la Commission vient de mettre en demeure la France de privatiser tous ses barrages pour les mettre en concurrence) ; de l’autre main, ils ont tous, et à l’unanimité (le plus souvent sans le crier sur les toits), signé et fait ratifier les traités successifs qui engagent la France dans toujours plus de perte de souveraineté. Et la seule fois où ils ont demandé aux Français ce qu’ils en pensaient, ils se sont assis sur l’expression du vote populaire (2005). Je me trompe : il y a eu le "oui" à Maastricht (en 1992 ?). 

L’Europe est mal foutue, c’est sûr. Elle n’est pas démocratique : on élit les députés, mais le Parlement a des pouvoirs limités : c’est la Commission (avec ses 34.000 fonctionnaires – c'est-à-dire non élus – grassement payés) qui a l’initiative des propositions. Elle se réduit à un simple espace de libre-échange économique dominé par une logique ultra-libérale implacable, où prospèrent impunément quantité de lobbies financièrement surpuissants au service de toutes sortes de firmes privées, mais aussi quelques paradis fiscaux qu'aucune discipline collective ne tracasse. De plus, la sacro-sainte règle de la « concurrence libre et non faussée », terrible aberration, outre qu’elle incite chaque pays à entrer en concurrence avec tous les autres, interdit au continent européen de devenir une véritable puissance capable de se doter elle-même de tous les attributs de la puissance.

Mais l’Europe que nous avons, cette Europe qui révolte le bon sens, ne serait peut-être pas ce n’importe quoi vaguement monstrueux, si les hommes politiques français avaient consenti à se donner un peu de mal pour édifier une autre Europe, plus conforme aux aspirations spécifiques et à l'histoire particulière des Français. Mais il aurait fallu pour cela qu'ils soient motivés et qu'ils se battent, il aurait fallu qu’ils travaillent, qu'ils se donnent de la peine, qu'ils déploient des efforts, enfin qu'ils acceptent de faire quelque chose pour leur pays. Qu'ils soient animés par le désir de le servir.

Là n’est peut-être pas la seule raison de la dilution, et même de la dissolution de la France dans le gloubi-boulga informe et ingouvernable que l'Europe est devenue. Mais il y a fort à parier que si les hommes politiques français avaient considéré la construction européenne comme une ouverture sur de belles et prometteuses perspectives et comme le champ de réalisation pour des projets enthousiasmants pour le pays et non comme un lieu de relégation pour politiciens ratés, le pays pèserait (et aurait pesé) davantage dans la définition des objectifs à atteindre et dans les orientations collectives. Et les électeurs français auraient des raisons de se rendre en masse aux urnes (on peut rêver), pour célébrer une Europe qui leur ressemblerait alors un peu plus.

Au lieu de ça, nous avons vu des pléiades de velléitaires sans caractère et sans énergie aller à Bruxelles à reculons et faute de mieux. Il aurait fallu que toutes les élites politiques du pays se mobilisent, se saisissent vigoureusement de la nécessité d’aller à Bruxelles pour conserver à la France la place éminente qu’elle occupait en Europe, de même que De Gaulle, après la guerre, avait conquis de haute lutte (grâce aussi à la mort de Roosevelt) le siège permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU qu’elle occupe encore (beaucoup se demandent comment ça se fait).  

Dépourvus du minimum de fierté nationale et de combativité, ils ont été incapables de convaincre leurs partenaires que, en dehors du « modèle allemand », du « modèle suédois » et autres rengaines journalistiques complaisantes, il y avait peut-être une place pour le « modèle français ». L’incroyable répugnance préalable, le défaitisme objectif qui a guidé la classe politique française est sans doute pour quelque chose dans la destruction méticuleuse et longuement programmée de tout ce qui ressemblait à un « service public à la française ». Prompte à célébrer l'héroïsme de ses "Résistants" de la Guerre mondiale (1% de la population ?), la France, s'agissant de l'Europe, s'est mise à plat-ventre et a accepté sans combattre de se dissoudre, de renoncer à ce qui la rendait unique dans "le concert des nations", avant même d'avoir eu l'idée de lutter pour défendre son identité (allons, j'ose le mot).

La question qui me vient est de savoir à quel mystérieux facteur les Français doivent l'abyssale médiocrité de leur classe politique. Des administrateurs compétents, des gestionnaires habiles, des comptables scrupuleux, mais pas d'hommes d'Etat : voilà en résumé la composition du personnel qui gouverne le pays. Comme Diogène en d'autres temps, la France cherche en vain un homme qui sache vraiment ce que ça veut dire, la Politique (au sens noble du terme). Un homme qui serait en mesure de "se faire une certaine idée de la France". Et qui ne serait pas obsédé par les opportunités personnelles et par le "calcul de ce qui est possible" (petites ambitions médiocres de sous-chefs de bureau), mais habité par une véritable volonté de faire quelque chose de plus grand que soi (au hasard : la France).

Si les Français n'aiment guère l'Europe, c'est sûrement parce qu'ils ont compris que ce gros machin compliqué, administratif, inaccessible et incompréhensible a été fabriqué en dehors d'eux, loin d'eux, au-dessus de leurs têtes, malgré eux et de façon à bouleverser ou détruire leurs traditions les plus ancrées et leurs manières de voir, mais c'est aussi à cause de l'attitude craintive, équivoque et finalement décourageante d'une classe politique française, à qui l’Europe apparaissait sans doute comme une nécessité souhaitable, mais surtout comme un épouvantail qui ne méritait pas qu'on y investisse un maximum d'énergie et d'intelligence. 

Voilà ce que je dis, moi.