samedi, 26 mars 2022
PAS DE "GRAND REMPLACEMENT", MAIS ...
... MAIS UN ISLAM CONQUÉRANT, PATIENT, RAMPANT, OBSTINÉ.
1 - Un remplacement a déjà eu lieu.
Je le dis d'entrée de jeu : les gens qui affirment, de façon sincère ou non, redouter le grand remplacement de la population française "de souche" par des hordes venues du Maghreb, d'Afrique noire ou du Proche ou Moyen Orient, se laissent leurrer par des fantasmes ou des mensonges. De toute façon, ma conviction est faite depuis longtemps : la seconde moitié du XXème siècle a déjà vu l'ancienne population française se laisser remplacer, année après année, par ses libérateurs de 1945.
Régis Debray, dans son livre Civilisation (Gallimard, 2017), raconte de façon lumineuse et probante « comment nous sommes devenus américains » (le sous-titre, c'est moi qui souligne). De son côté, Jean-Pierre Le Goff, en racontant dans le détail le quotidien de la France qu'il a connue de 1950 à 1968 (La France d'hier, Stock, 2018), dessine les traits d'un pays que la plupart des Français d'aujourd'hui qualifieraient d'épouvantablement ringarde, obsolète, rétrograde, presque archéologique.
Moyennant quoi, ils refusent d'admettre que la France, si elle garde malgré tout des traces de ce qu'elle fut en d'autres temps, a laissé plus ou moins joyeusement, plus ou moins consciemment, remplacer ses décors, son habitat, sa culture, ses traditions, ses façons d'être et de faire, sa psychologie et jusqu'à son âme, par les innombrables biens matériels et culturels venus des Etats-Unis. La France est devenue une cliente. Certains disent même un protectorat (mais ils exagèrent sûrement). Les Français sont quasiment gallo-américains, diraient Goscinny et Uderzo dans Le Combat des chefs.
Au point que, dès qu'une innovation plus ou moins innovante (je ricane), plus ou moins "historique" (je pouffe), plus ou moins "révolutionnaire" (je me gausse) pointe le bout de l'oreille sur le sol américain, nos chers journalistes, toujours prêts à gober la moindre "nouveauté", saluent avec enthousiasme son prochain débarquement en Normandie, je veux dire sur notre sol, allant même parfois jusqu'à préciser que la France, toujours à la remorque du navire amiral d'outre-Atlantique, n'est-ce pas, est en retard de dix ans sur les Etats-Unis. Au point que personne n'a oublié le cri du cœur de Jean-Marie Colombani paru en éditorial de "une" du journal Le Monde au lendemain du 11 septembre 2001 : « Nous sommes tous Américains ».
Remarquez qu'en 2003, le refus radical de Jacques Chirac et Dominique de Villepin d'entrer dans la coalition américaine (illégale) pour démolir le régime de Saddam Hussein, tend à prouver que nous n'étions pas si américains que ça. Et les journaux et médias américains ont alors si abondamment craché sur la France que cela a pu réconforter ceux qui avaient un reste de fierté nationale, sans forcément leur ouvrir les yeux sur la réalité ou la profondeur de l' "amitié" que nous portent les Américains.
Malheureusement, c'était juste un sursaut de fierté de la part de quelques attardés du gaullisme. La France vassale a vite repris ses droits. Nicolas Sarkozy (aah, ses footings avec les T-shirts floqués NYPD !) a même réintégré la France dans le commandement de l'OTAN (officine largement dominée par le suzerain américain), et sans contrepartie. En chemise et la corde au cou, pour ainsi dire.
Et tout aussi malheureusement, nous sommes devenus assez Américains pour que j'en veuille énormément à certains Français d'avoir importé des modes de pensée propres aux Etats-Uniens, à commencer par cette arrogance dans l'affirmation de l'identité (les "fiertés" qu'on fait défiler), qui fait d'une petite collection de "minorités" (raciales, sexuelles, religieuses, etc.) des prescripteurs de lois.
Ces minorités n'hésitent pas à calquer benoîtement sur la situation spécifiquement française (données historiques comprises) les problématiques particulières propres aux Américains. Ces minorités haïssent la liberté d'expression quand elle froisse si peu que ce soit l'épiderme de leur sensibilité, au prétexte qu'elles se sentent victimes de l' "oppression majoritaire" et des "stéréotypes" dominants, et ne pensent qu'à une chose : faire taire l'ennemi, et punir, punir, punir. Il faut ensuite être un mouton aveugle et sourd pour continuer à bêler sur le "vivre-ensemble" ou sur le "faire-société".
Bon, tout ça pour dire que le "grand remplacement" est un fait accompli depuis lurette : les Américains, appuyés sur leur "soft power" (cinéma, musique, etc.), ont fait en sorte que la France change de peuple. C'est une chose acquise, il n'y a plus beaucoup d'âme française chez les Français. Le Français d'aujourd'hui se sent très bien dans les oripeaux que lui a vendus l'Amérique, et va même jusqu'à qualifier d' "anti-Américains" tous ceux qui "crachent" dans la soupe.
Ceux qui s'intitulent "français de souche" devraient y réfléchir, car dans le tas des idées importées des USA, il en est une qui pourrait au moins susciter des interrogations : c'est le melting pot, ce "brassage et assimilation d'éléments démographiques divers, en partic. aux Etats-Unis, au XIXème siècle" (Larousse P.L.I. 2002). Pourquoi la France n'aurait-elle pas aussi importé cette magnifique innovation ? Pourquoi la France ne deviendrait-elle pas à son tour un gros tas de chouettes peuplades juxtaposées ? Pourquoi n'adopterait-elle pas pour étendard le drapeau arc-en-ciel des fiertés mondialisées ?
2 - Pas de "Grand Remplacement", mais une offensive opiniâtre et tranquille.
Je ne sais donc pas trop si ces Français de souche, qui pestent parfois violemment et de façon indiscriminée contre l'immigration, ont tort ou raison quand ils hurlent au "grand remplacement". Ce dont je suis sûr, c'est qu'ils devraient prêter davantage d'attention à un phénomène si discret qu'il passe largement au-dessous des radars de la vigilance ordinaire : le combat culturel mené au quotidien par un certain nombre d'activistes musulmans, en particulier des imams, pour se concilier, puis s'approprier l'esprit de tout un tas d'individus peu instruits, peu méfiants ou peu regardants. Car ces activistes sont assez habiles pour éviter de mettre en avant le djihad, la violence ou la guerre aux "croisés" de la chrétienté. On a à faire à des imams souriants et bienveillants : nulle trace d'hostilité déclarée dans leurs paroles et leurs attitudes.
En témoigne un homme qui fut d'abord un réfugié syrien admis sur notre sol. Omar Youssef Souleimane est un poète et un écrivain. Il est né dans une famille rigoureusement salafiste, le père, surtout. Aujourd'hui, il est Français depuis trois mois, et il vient d'écrire Une Chambre en exil (Flammarion). Il était l'invité de Marc Weitzman dans son émission "Signes des temps", sur la chaîne France Culture, dimanche 20 mars, pour en parler un peu.
Mon intention ici n'est pas de rapporter ses propos dans le détail. Je veux seulement relever quelques idées cruciales qui nous concernent, nous, qui nous sentons avant tout Français, Européens et de culture complexe à dominante chrétienne écrasante, quoique déclinante. Son aventure a commencé en 2012, lorsque, en compagnie d'une vingtaine d'autres "rêveurs" (c'est lui qui le dit), il a manifesté à Damas pour la liberté. Alors que six d'entre eux étaient arrêtés pour subir les traitements qu'on imagine, il a réussi à échapper aux sbires de Bachar al Assad.
Il raconte qu'il a été sauvé par la poésie, en particulier celle de Paul Eluard, mais aussi par la "vieille" poésie arabe, qui lui inspire cette belle pensée que la langue arabe, qui date de bien avant l'islam (Vème siècle ?), recèle des richesses infiniment plus vastes que la langue du Coran qui, quant à elle, a été figée autour du XIème siècle (ça fait quand même 1.000 ans) en tant que langue sacrée et à ce titre intouchable. Le rigorisme qui s'est alors abattu sur la langue des Arabes a empêché celle-ci d'évoluer avec le temps.
L'interlocuteur de Weitzman se désole alors à l'idée que beaucoup de ceux qui veulent apprendre l'arabe aujourd'hui, ne le font que pour lire le Coran dans le texte. J'ajoute que si le programme des écoles coraniques consiste vraiment à faire apprendre par cœur le texte du Coran, il y a du mouron à se faire sur le niveau de la culture ainsi transmise et sur la future ouverture d'esprit des élèves.
Omar Youssef Souleimane raconte comment, arrivé en tant que réfugié à Bobigny, il a fait la rencontre d'un imam redoutable, non parce qu'il portait un poignard, ni parce qu'il voulait exterminer les maudits "koufars", mais parce qu'il montrait un visage "doux, intelligent, sympathique, intellectuel" (ce sont ses mots). Cette stratégie enveloppante et insinuante lui fait dire que ce genre de personnage est beaucoup plus dangereux pour la France à long terme que n'importe quel djihadiste ou terroriste. Et surtout il sait que ce genre d'imam n'est pas un cas isolé, mais qu'il a tendance à pulluler dans les cités de Seine-Saint-Denis et d'ailleurs, là où les musulmans sont nombreux, et parfois ultra-majoritaires. Il ajoute que ces imams sont bien rémunérés (par l'Arabie saoudite ou la Turquie). Cool Raoul ! A l'aise, Blaise ! Facile Mimile !
Selon lui, ce qui se prépare dans ces "territoires perdus de la République" (titre d'un bouquin bien inspiré), c'est une "France séparée", n'en déplaise à une certaine extrême gauche, prompte à lancer ses glapissements antiracistes dès que quelqu'un tente d'alerter sur les dangers de l'offensive islamique tranquille à l'œuvre depuis quelques décennies. Une extrême-gauche qui sort à tout bout de champ ses refrains, du risque de "récupération par l'extrême droite" à la "discrimination". Selon Souleimane, le voile soi-disant islamique est avant tout un drapeau identitaire, car pour ces imams, aussi étonnant que cela puisse paraître, l'islam est moins une religion qu'une identité : l'identité d'une communauté. Et une communauté fermée sur elle-même.
Le plus terrible dans cette affaire, c'est l'incroyable complicité de certains politiciens français qui, pour de simples raisons électoralistes, se mettent cul et chemise avec ces responsables religieux. Certes des gens qui leur font peur, mais dont ils ont un besoin vital, pour une excellente raison : l'influence décisive que leur parole possède sur la communauté dont ils sont la voix. On voit, dit Souleimane, dans certaines municipalités (Bobigny ?), des imams assister à des réunions avec des édiles qui tiennent par-dessus tout à rester en bons termes avec eux et tremblent à l'idée de se les mettre à dos. Et, continue Omar Youssef Souleimane, la police laisse faire l'imam qui tolère le dealer de drogue, au motif qu'ainsi l'ordre règne. Et le maire se frotte les mains, parce qu'il pense que son mandat suivant est déjà dans la poche. Comprendre : "dans la poche de l'imam", bien sûr.
Bien entendu, quand il est dans son cercle de proches, l'imam ne cache rien de son véritable objectif final : instaurer la charia. Face au bon peuple, le discours malin, enjôleur et manipulateur ; face aux initiés, la vérité des intentions.
Pour conclure, on ne peut évidemment pas effacer un demi-siècle de remplacement de ce qui fut autrefois les valeurs des Français par les "valeurs" spectaculaires et marchandes de nos "amis" américains, mais qu'on y réfléchisse bien : cette transformation a été obtenue en prenant son temps, par la douceur et sans violence, avec le consentement parfois enthousiaste des Français, à commencer par leurs élites. Pourquoi la même patience, la même douceur et la même non-violence n'obtiendraient-elles pas le même résultat, mais cette fois en faveur de l'islam ?
Pendant que toute l'opinion publique et toute la vigilance officielle et officieuse (D.G.S.I.) ont les yeux et les micros braqués sur les événements sanglants, d'autres activistes mènent une offensive d'autant plus subtile, discrète et silencieuse qu'elle est souriante et pacifique. Je dirais presque que les attentats, vus de cette manière, font office de diversions (que les victimes veuillent bien pardonner cette audace de langage) par rapport à l'objectif final.
Il faudrait que les hautes autorités politiques et les pouvoirs municipaux des communes concernées réfléchissent à leur lourde responsabilité dans les progrès accomplis par l'islam "normal" sur le territoire français. Oui, je sais : "il faudrait", ... Mais ne sont-ils pas trop lâches pour cela ? Que ne ferait-on pas pour garder son fauteuil ?
Je récuse quant à moi la différence que certaines bonnes âmes s'obstinent à faire en "islamique" et "islamiste". C'est une question de civilisation.
Voilà ce que je dis, moi.
Note : Pour ceux qui voudraient savoir un peu mieux à quel adversaire ils ont à faire, je conseille la lecture d'un livre tout à la fois délicieux à la lecture et redoutable à la réflexion, qui permet de pénétrer dans une certaine mesure dans ce qui fait l'esprit de la civilisation des Arabes. Ce livre, c'est Le Livre des Ruses, collection d'anecdotes plus ou moins conséquentes, mais toujours spirituelles, une collection qui aide à comprendre pourquoi les Arabes (les musulmans ?) ont longtemps été considérés en Occident comme des êtres fourbes et sans parole.
J'ai longtemps tiré de la lecture de ce livre la conviction que si l'Occident médiéval se méfiait de la lettre, il accordait un grand prix à la parole donnée et que, inversement, les Arabes utilisaient les subtilités du verbe pour tromper l'ennemi, ce qui revient à prendre l'adversaire à son propre piège : ce n'est pas mentir que de prononcer des paroles subtiles qui bernent l'attention d'un autrui trop confiant dans une hypothétique similitude des façons de penser, pour mieux pouvoir lui renvoyer, s'il proteste contre la mauvaise foi de la personne, l'exactitude des paroles prononcées.
Et ce n'est qu'une des milles facettes de cet art du langage développé au fil des pages de cet ouvrage tout à fait étonnant. La différence des civilisations arabe et européenne me semble résider là, au creux de la parole : chez nous la ligne droite de la parole donnée (oui, je sais, "les écrits restent" etc., mais), qui fait apparaître comme une félonie la moindre infraction à la loyauté ; chez eux l'admiration qui s'adresse à celui qui, à force d'habileté et de subtilité langagière, a réussi à embrouiller la raison de l'homme à circonvenir.
***
Il faut les voir s'embrasser, se congratuler, sauter de joie, les moukères de Grenoble, à l'annonce de la décision qui autorise (en termes alambiqués) le burkini comme tenue pour les ébats aquatiques en territoire municipal. « ON A GAGNÉ !!! », ont-elles triomphé. Et maintenant qu'elles ont gagné à Grenoble, les associations d'activistes musulmans comptent bien ne pas s'arrêter là, et faire tout ce qui est en leur possible pour accrocher de plus gros gibiers à leur tableau de chasse. L'objectif ? Très simple : grignoter, mètre après mètre, le terrain occupé par l'adversaire en se servant des moyens mêmes offerts par ce dernier. Leur horizon ? Faire avancer, mètre après mètre, la cause de l'islam sur des terres qui ne sont presque plus chrétiennes jusqu'à occuper tout le terrain (ajouté le 19 mai).
09:00 Publié dans RELIGIONS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : islam, religion, musulman, djihad, frères musulmans, hassan al bana, grand remplacement, immigration, français de souche, régis debray civilisation, comment nous sommes devenus américains, jean-pierre le goff la france d'hier, france, états-unis, journal le monde, jean-marie colombani, jacques chirac, dominique de villepin, saddam hussein, nicolas sarkozy, o.t.a.n., n.a.t.o., soft power, melting pot, imam, littérature, syrie, bachar el assad, omar youssef souleimane, une chambre en exil, france culture, marc weitzman, weitzman signes des temps, séparatisme, islamique, islamiste, éric zemmour, marine le pen
mardi, 08 décembre 2020
DE MILA À SAMUEL PATY
« Va bien te faire fourré sombre pute je te souhaite de mourir de la façon la plus atroce qui puisse exister et si jamais ça tarde. Je m’en chargerais moi-même. Je me ferais un réel plaisir de l’acéré ton corps avec mon plus beau couteau et d’aller laisser pourrir ton corps dans un bois ». Voilà le texte d’un aimable mail – parmi une foule d’autres du même acabit – reçu par une adolescente en France en 2020, tel que le journal Le Monde le reproduit – textuellement, fantaisies linguistiques comprises – dans son numéro daté du 28 novembre.
L’adolescente s’appelle Mila, et personne ne lui a encore coupé la tête. Il faut dire qu’elle n’est pas tendre avec tout ce qui est musulman, islamique, islamiste, mahométan ou coranique : « Votre religion c’est de la merde, votre dieu, je lui mets un doigt dans le trou du cul. Merci. Au revoir. » Si un adepte particulièrement susceptible lui fait « une Samuel Paty », comme le lui promettent des internautes, elle saura pourquoi, et il se trouvera certainement quelques citoyens bien français (vous savez, ces gens de gauche prompts à dénoncer l' "islamophobie") pour dire qu’elle « l’aura bien cherché », et qu’elle s’est livrée à des provocations inutiles et choquantes (mais rien d'illicite selon le procureur).
Samuel Paty, lui, ne s’est pas livré à une provocation. C’est presque pire : il a entrepris, contre toute raison raisonnable, d’expliquer à des gens inaccessibles à cette idée, pour quelles raisons il était permis en France de se moquer des religions, en prenant pour exemple l’objet de fixation des passions du moment : les caricatures de Mahomet. C’est permis, il y a même des lois pour cela. Mais dans la réalité, combien de musulmans sont assez "évolués" pour déclarer comme Tareq Oubrou, grand imam de Bordeaux (Le Monde, 2 décembre) : « Islam de France : aux laïcs la gestion administrative, aux religieux la religion » (c'est le titre de sa tribune) ? Le brave homme se trompe ou se prend à rêver : il n'y a pas de laïcs en islam, ou si peu que rien, pas de laïcité, et le vrai musulman ne comprend rien à la notion et à ce qu'elle implique.
Combien de musulmans vivant en France sont assez évolués pour simplement admettre le principe de la laïcité, qui fait de la croyance religieuse une chose purement privée ? Pas lourd. Car dans l’islam, la vie religieuse est rigoureusement inséparable de la vie civile, de la vie sociale et de la vie politique. Ne pas oublier que "musulman" signifie "soumis à Dieu" : le bon musulman ne perd jamais de vue l’ombre d’Allah, qui le suit, l’observe et l’entend à tout moment de son existence. Pour un musulman, le religieux imprègne la totalité de la vie.
Alors que pour les « vieux Français » (on disait "vieux chrétien" en Espagne il y a quelques siècles), la loi de 1905 est une chose du passé, entendue, admise, classée, au point que plus personne n’en parlait jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’un intrus s’était immiscé dans ce tableau tranquille, si l’on excepte quelques abcès, furoncles ou apostèmes (catholiques en 1984 et juifs par épisodes) crevés plus ou moins vite et plus ou moins complètement. Pour ce qui est des religions, la France pouvait être considérée comme un pays en paix, jusqu’à ce que certains trublions, au nom du père Mahomet, mettent très ostensiblement les pieds, la barbe, le hidjab et maintenant le poignard dans le plat.
Là-dessus, depuis les crimes de Mohamed Merah (2012), les hauts responsables politiques ou autres se sont échinés à répandre l’idée qu’il faut surtout se garder de confondre « islamique » et « islamiste radical ». Je voudrais bien que ce soit possible et réaliste, mais je me suis assez vite demandé si la distinction n’était pas de pure forme, académique et vaine. Et ce n’est pas la mort atroce de Samuel Paty, décapité en pleine rue, qui m’a amené à me reposer la question : son meurtrier est incontestablement un islamiste radical, qui s’est convaincu, entraîné, qui a soigneusement traqué la cible que quelqu’un lui a désignée et mis son projet à exécution.
Il en va tout autrement du cas de Mila, victime toujours vivante des tombereaux de haine déversés contre elle depuis qu’elle a eu l’audace de refuser de « sortir » avec un garçon qui se présentait comme musulman (si je me souviens bien). Depuis qu’elle l’a repoussé en lui disant ce qu’elle pensait de sa religion, toute une islamosphère a pris feu et menace d’y jeter l’adolescente, qui en a inconsidérément rajouté quelques couches.
On me dira que ce sont les « réseaux sociaux », qu’après tout ce ne sont que des mots, et qu’ils sont, les uns et les autres, loin d’être l’expression de tout ce que la France compte de musulman. J’en suis d’accord. Je fais simplement remarquer que la haine à l’encontre de la jeune Mila constitue le point où se réunissent un grand nombre (combien ?) de gens, et que s’il faut qualifier tous ces gens d’ « islamistes radicaux », les Français peuvent commencer à avoir peur, parce que ça signifie que nous avons sur notre sol la tête de pont d’une armée ennemie. Or je crois justement que ce ne sont pas des islamistes radicaux qui s'en prennent à Mila, mais des musulmans plus ou moins ordinaires. Je dirais plutôt que nous assistons à une crispation forte de ces couches de la population sur la partie religieuse de leur identité.
On peut considérer que cette haine pour l’adolescente, largement partagée, exprime le sentiment, non d’un groupuscule d’extrémistes prêts à l'action violente, mais d’une partie non négligeable des musulmans de France, probablement des jeunes générations, dont le poil se hérisse dès qu’un outrage à leur dieu, à leur prophète ou à leur religion montre le bout de l’oreille.
J’en veux pour preuve les sept cent quatre-vingt-treize « signalements » parvenus sur le bureau du ministre de l’Education, suite à l’hommage rendu à Samuel Paty dans les collèges et lycées, et dont 17% ont été rangés dans la colonne « apologie du terrorisme » et 5% dans la colonne « menaces de mort ». Là encore, on me dira que ce sont des jeunes, qu’ils ne savent pas ce qu’ils disent.
Mais je répondrai par une question : pour 793 cas « signalés », combien d’autres ont été purement et simplement passés sous silence par des personnels enseignants excédés de la pression qui pèse sur eux en cette matière, et qui ne tiennent pas à charger la barque ? Et pour un imam (celui de Villiers-le-Bel) condamné à dix-huit mois de prison pour apologie du terrorisme (Le Monde, 28 novembre), combien restent en liberté pour prêcher la haine tous les vendredis à la prière ? Et combien de musulmans ordinaires répondent aux sondeurs qu'ils placent la charia au-dessus des lois françaises ?
On l’aura compris : mon hypothèse est que la haine pour tous ceux qui critiquent l’islam si peu que ce soit n’est pas le fait d’un petit nombre d’endoctrinés fanatiques, mais qu'elle est largement partagée, constituant le socle où viennent se reconnaître d’innombrables musulmans de France. C’est une tache d’huile qui se répand dans la "communauté musulmane". Il est donc vain, et même dangereux d’ergoter à l’infini sur la nécessité de bien distinguer « islamique » et « islamiste radical », dans l’intention vertueuse de ne pas « faire d’amalgame » et pour ne pas « stigmatiser » les pauvres musulmans honnêtes qui n’ont rien à voir avec tout ça.
La raison en est que la notion de « laïcité » est vécue comme un corps étranger incompréhensible par le corps tout entier de ce qui se dit musulman en France. Pour une majorité d’entre eux, je suis d'accord : c’est une loi française, on leur dit de la respecter, ils la respectent quoique sans la comprendre et surtout sans l’intérioriser. Sans trop de risque de se tromper, on peut dire que pour un musulman, la laïcité c’est de l’hébreu.
C'est d'ailleurs dans cette mesure que certains (Houellebecq, Redeker, etc.) peuvent soutenir que l'islam est la religion la plus ... disons "mentalement attardée" : dans le vaste mouvement de l'évolution, l'islam a décidé de s'arrêter à un point "p", même s'il y a d'innombrables exceptions locales ou individuelles. L'islam dominant d'aujourd'hui (je veux dire celui qui fait le plus de bruit) propose une civilisation qui s'est arrêtée il y a quelques siècles.
Et les psychologues, les sociologues, les anthropologues auront beau me prêcher qu’il ne faut pas ci, qu’il ne faut pas ça parce que gna gna gna, je resterai convaincu de l’incompatibilité totale entre notre laïcité et cette « culture » coranique profondément ancrée dans l'esprit des croyants depuis bientôt mille quatre cents ans : il faut se convaincre, nous autres "vieux Français", que pour qu'un musulman de bonne foi comprenne l'idée de laïcité, il doit faire un effort immense.
Il n’y a plus de problème de laïcité en France, pays déchristianisé où les messes chevrotantes du dimanche ressemblent à des voyages du troisième âge : il n'y a que le problème de l’islam, résolument hermétique à la séparation du civil (social, politique, ...) et du religieux. La laïcité est en soi une négation de l'islam, et réciproquement. De Mila à Samuel Paty, c’est le même fil de haine.
Pour une mosquée fermée, pour quelques associations dissoutes, combien d’infatigables activistes en liberté travaillent au corps la communauté musulmane pour enrôler de nouvelles énergies ? Qu’ils soient wahabites ou salafistes importe peu : leur message est infiniment plus simple et efficace que la complexité odieuse d’une loi sur la laïcité que les Français eux-mêmes ne sont pas nombreux à comprendre. Les ignorants ont besoin de messages simples, rudimentaires, schématiques, et pour tout dire binaires.
Ce qui est sûr, c’est que pour un musulman, la laïcité, c’est de l’hébreu.
Voilà ce que je dis, moi.
Note : Juste pour mémoire, un billet écrit en juin 2019.
Note ajoutée le 10 décembre : Mila a été exclue de l'institution militaire qui avait accepté de l'héberger, au motif qu'elle ne peut se passer de s'exprimer sur les réseaux sociaux et que, cela étant, elle met en danger l'institution elle-même. Mila n'a pas tout compris, hélas.
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jeudi, 31 mars 2016
À PROPOS DE KAMEL DAOUD
Que nous dit le ping-pong médiatique, parfois verbalement violent, autour de Kamel Daoud et de sa tribune parue dans Le Monde daté du 5 février (intitulée « Cologne, lieu de fantasmes », et aggravée par un article paru peu de temps après dans le New York Times, que je n’ai pas lu) ? Reconstitution de la succession des épisodes.
D’abord les faits. Un 31 décembre 2015, la place de la Hauptbahnhof de Cologne connaît une affluence record : une foule presque exclusivement composée d’hommes, passablement alcoolisés paraît-il, se rassemble pour fêter le passage dans la nouvelle année. Parmi eux, quelle proportion de gens basanés, maghrébins ou réfugiés du Proche Orient ? Cette information est difficile à établir, bien qu’il y ait un certain consensus parmi des gens raisonnables : une proportion non négligeable.
Des femmes voulant traverser la place, d’un nombre qui a tendu à augmenter au fil du temps, se font entourer et isoler par des grappes viriles. Les mains se baladent, s’attardent sur les seins, sur les fesses, s’introduisent dans le soutien-gorge, dans la culotte : bref, ces messieurs se font des sensations à peu de frais. Y a-t-il eu des viols ? Il semblerait. Combien ? Difficile de savoir. Est-ce qu’un bilan général de l’événement a été dressé (avec les faits similaires qui se sont produits à Berlin, Hambourg, Vienne, Helsinki, où encore ?) ? Je n’ai pas cherché à savoir.
L’essentiel, après les faits, reste en effet le texte de Kamel Daoud, un brûlot, aux dires de ses dénonciateurs. Je l’ai sous les yeux. Il est assez long pour occuper un peu moins des trois quarts d’une page du journal (il y a encore un dessin (1/4) et une publicité (en pied de page). Que lit-on de si répréhensible ?
Je relève deux phrases : « L’Autre vient de ce vaste univers douloureux et affreux que sont la misère sexuelle dans le monde arabo-musulman, le rapport malade à la femme, au corps et au désir » et : « Le sexe est la plus grande misère dans le monde d’Allah ». Allez, une troisième, pour faire bonne mesure : « On voit le survivant et on oublie que le réfugié vient d’un piège culturel que résume surtout son rapport à Dieu et à la femme ».
Le reste ? Cela commence par des considérations sur la place que les sociétés européennes font aux immigrés d’origine arabe, l’étroitesse de la place qu’elles sont prêtes à leur faire et sur le peu d’estime qu’ils manifestent à leur égard. Mais cela continue surtout sur de longs développements au sujet de ce qu’est la femme dans la société musulmane. Pour résumer brutalement : la femme n’appartient pas à elle-même, mais, corps et âme, à la société dans son ensemble.
Ainsi : « Le corps de la femme est le lieu public de la culture : il appartient à tous, pas à elle ». Et plus loin : « Une femme est femme pour tous, sauf pour elle-même. Son corps est un bien vacant pour tous et sa "malvie" à elle seule. Elle erre dans un bien d’autrui, un mal à elle seule. Elle ne peut pas y toucher sans se dévoiler, ni l’aimer sans passer par tous les autres de son monde, ni le partager sans l’émietter entre dix mille lois ». Pour être franc, je n’ai pas tout compris et j’ai du mal à suivre le raisonnement de l’auteur et à discerner quel objectif il cherche à atteindre. Je me dis que toute la tribune de Kamel Daoud se situe dans un registre littéraire, lyrique, poétique. Ce n’est pas en journaliste qu’il aborde le sujet, mais en écrivain, en créateur de littérature : il a écrit Meursault, contre-enquête (prix Goncourt du premier roman, je crois, je ne l'ai pas lu). Il était journaliste, il déclare qu'il abandonne le métier. Il a peut-être raison.
Mais ce n’est pas comme écrivain ou poète que le considère le collectif qui a signé la réplique « Les fantasmes de Kamel Daoud », toujours dans Le Monde, le 12 février. Un collectif de dix-neuf personnes se présentant comme historiens, sociologues, anthropologues, politistes, auxquels se sont joints un journaliste et un philosophe. Que du beau monde ! De l'intello accroché à sa thèse comme un morpion à son poil ! Du sérieux et de l’universitaire comme s’il en pleuvait, pour bien faire nombre contre les assertions d’un détraqué isolé.
Le papier n'est pas dénué de tonalités de haine, mettant curieusement dans le même sac Daoud, Rachid Boudjedra et Boualem Sansal. Sous un prétexte fallacieux : une fois transportés sur le sol européen, des propos que les polémistes considèrent comme légitimes (parce que minoritaires) sur le sol algérien deviendraient donc inacceptables parce qu'ils se mêleraient au chœur des loups majoritaires et islamophobes. Curieuse façon de tordre les mots. On a compris : les "intellos" en question font la police.
Ils sont tous d’accord pour le traiter de malade (comme les dissidents de l'URSS partaient en psychiatrie). Le coup classique de la mauvaise foi en argumentation : Kamel Daoud propose un regard peu amène sur certains aspects de la civilisation arabo-musulmane, c’est-à-dire un objet de réflexion sur une question d'ensemble ? Eh bien on va s’en prendre à sa personne (« ad rem » versus « ad personam ») pour la disqualifier. Ma parole, quelle volée de bois vert ils lui mettent ! Bizarrement, ils font remonter son papier au 31 janvier (je lis bien "5 février").
Que lui reprochent-ils ? De « racialiser ces violences sexuelles ». Je n’en reviens pas : les faits se sont-ils produits, oui ou non ? Leurs auteurs sont-ils d’origine maghrébine et orientale, oui ou non ? Ces universitaires militants sont manifestement dans la dénégation. Ce n’est pourtant pas la première fois qu’on entend parler de la frustration sexuelle et du machisme répressif qui règnent dans les pays arabo-musulmans. Il n’y a pas si longtemps, c’était en Egypte, où les femmes se plaignaient des mains baladeuses et des attouchements – quand il n’y avait pas viol – dans les transports en commun.
Mais il est interdit, n’est-ce pas, de « racialiser », d’ « essentialiser », parce que ça « stigmatise » indistinctement toute une communauté. Il est interdit de « faire des amalgames ». Il n’y a qu’à voir les réactions qu’a provoquées Patrick Kanner, ministre de je ne sais plus quoi dans le gouvernement de Manuel Valls et François Hollande (si on peut appeler « gouvernement » le gloubi-boulga qui glougloute à la tête de l’Etat français) : pensez, il y aurait des « Molenbeek à la française » en puissance. Que l'assertion soit pertinente ou idiote, peu importe (en argumentation, l'analogie est une autre figure de la mauvaise foi). Je note juste que, illico, c’est la levée des boucliers de toutes les « bonnes âmes de gauche ». Scandaleux, monsieur Kanner !
J’en conclus que nous sommes dans une sacrée nasse. D’un côté, l’islam, que tout nous porte à croire qu’il ne se fondra jamais dans la « République Française » : comment voulez-vous que cette masse de gens caressés dans le sens du poil par les « bonnes âmes de gauche » (Edwy Plenel et son ahurissant Pour les Musulmans) se dissolvent dans la société française, la laïcité, la disparition de ses signes identitaires (donc religieux) ? Sachons-le une fois pour toutes : les Arabes qui se revendiquent fièrement musulmans, implantés en France, ne se sentiront jamais complètement français.
De l’autre, les appels de tous ceux qui craignent la montée d’un climat de guerre civile, qui est exactement ce que cherche à provoquer l’ « Etat islamique ». Faut-il nommer les choses comme elles sont, au risque de susciter des oppositions entre « communautés », qui risquent de déboucher sur la violence ? Faut-il rester aveugle sur la réalité au motif que la paix sociale est en jeu ? Nous n’échapperons pas au dilemme. Et sans doute au conflit.
Qu’on le veuille ou non, les musulmans sont installés en France et, pour beaucoup, y ont pris racine. C’est ce qu’on appelle une « situation » : impossible de changer les données. La France déguste les effets des cinquante années qui ont précédé : importation de main d’œuvre pour permettre à l’économie une croissance rarement (ou jamais) égalée, regroupement familial aux conséquences calamiteuses, abandon de l’idée d’assimilation au profit de « l’intégration », lâcheté des autorités municipales qui ont acheté la paix sociale en déléguant des responsabilités aux associations musulmanes, etc. Aujourd'hui, tout le monde serre les miches. Et je ne vous dis pas ce qui se passe quand le sphincter se relâche sous l'effet de la panique : ça pue.
Ma pente à moi me pousse sans aucun doute à nommer les choses, au risque de choquer les « bonnes âmes » et d’attiser les conflits. J'aime mieux prendre le risque de « stigmatiser » qu'euphémiser en refusant de nommer les choses : « Si les signes vous effraient, combien davantage vous effraieront les choses signifiées », dit Pantagruel à Panurge. Je ne vois pas pourquoi il faudrait à tout prix fuir le conflit. Seuls des gens qui n'existent déjà plus par eux-mêmes vivent dans la terreur du moindre conflit. Je me dis que ce sont de semblables « bonnes âmes » qui, en 1938, ont accepté Munich en croisant les doigts pour qu’il n’y ait pas la guerre. Résultat, comme disait Churchill (on remplace "déshonneur" par "lâcheté") : « Vous avez eu à choisir entre la guerre et le déshonneur ; vous avez choisi le déshonneur, vous aurez la guerre ». La guerre on l'a déjà. Je veux dire qu'on a déjà eu le déshonneur.
Je ne vois pas qui pourrait nous sortir de là.
Voilà ce que je dis, moi.
Note : je mentionne deux autres épisodes de la polémique dont Le Monde s'est fait l'écho. Le 21-22 février, Kamel Daoud répond sur la même page à Adam Shatz, un "ami" qui lui fait des reproches et ne le comprend plus. Drôle d' "ami" en vérité : Daoud pourrait dire, comme je ne sais plus qui : « Seigneur, protégez-moi de mes aùmis, quant à mes ennemis, je m'en charge ». Une page dont les enjeux, tenants et aboutissants me passent largement au-dessus de la comprenette : je l'avoue, je n'ai pas compris ce qu'il fallait comprendre. Et le 27 février, c'est Michel Guerrin qui consacre sa chronique à la défense de l'écrivain algérien.
Dernière minute : belle plaidoirie de Paul Berman et Michael Walzer pour Kamel Daoud dans Le Monde daté du 30 mars. Il faut que ce soient des Américains qui s'y collent !
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