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jeudi, 27 juin 2024

MACRON N'A RIEN COMPRIS

UN PRÉSIDENT "IN VITRO".

Emmanuel Macron est, selon la plupart des gens qui le connaissent, un homme d'une grande intelligence. Je suis enclin à reconnaître la haute altitude de cette intelligence. Je reconnais aussi ne plus subir ces hontes épouvantables que j'éprouvais chaque fois que François Hollande et Nicolas Sarkozy, ses prédécesseurs, prenaient la parole en public pour répondre à des questions de journalistes ou tenir des discours officiels. Emmanuel Macron détient les secrets d'une éloquence plus que convenable. 

Alors comment se fait-il que, chaque fois que j'entends aujourd'hui sa voix dans le poste, je coupe aussitôt le son ? Que s'est-il passé ?

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Dessin de Dutreix, Le Canard enchaîné, 26 juin 2024.

Selon moi, la réponse tient dans un seul mot : la faillite ! D'après ce que je peux percevoir de l'actualité et de l'actuelle situation politique, économique et sociale de la France, nous avons assisté, dans les temps récents, à la faillite de l'intelligence d'Emmanuel Macron. Tout le monde voit avec effroi et stupéfaction le président en exercice acheminer de plus en plus vite ce qui reste de ses mandats vers une issue de plus en plus sombre.

Pour commencer, je note que, non content de ne pas se taire, comme l'en conjurent même ses plus proches amis, il ne cesse plus, à chaque instant, de parler. Enfin, je dis parler, alors que je devrais dire baragouiner, jaspiner, bonimenter, phraser, dégoiser, rabâcher, improviser, haranguer, bref, tout le toutim. C'est une vraie colique. Une débâcle d'entrailles, hélas accompagnée de terribles flatulences, façon Michel Piccoli dans La Grande Bouffe (vous vous rappelez la scène chatoyante, sur le perron de la villa).

Partout, dans tous les médias, à tous les micros, dans toutes les oreilles vulnérables qu'il lui arrive de rencontrer. C'est une maladie dont il souffre depuis longtemps, mais de chronique, elle est devenue aiguë. 

Alors voilà, M. Macron n'a rien compris. Voyons d'abord la Nouvelle-Calédonie : voilà-t-il pas qu'il fait emprisonner en France métropolitaine des Kanaks, coupables d'avoir fomenté des troubles qui vont coûter très cher à la population du Caillou.

La réaction n'a pas tardé : les violences (qui ne s'étaient jamais vraiment arrêtées) ont repris de plus belle. Ah mais c'est qu'il écoute les gens, notre Macron national, et même mieux : il les entend, le plus souvent de loin, car il y a toujours beaucoup de casques, d'uniformes et de lacrymogènes entre lui et les foules déchaînées. Moralité : il n'y a pire sourd que Monsieur Macron. Quelle clairvoyance, monsieur le Président !!! Redoutable sourd, doublé d'un infernal aveugle. A moins qu'on voie en lui le simple touriste de l'excellent proverbe africain : « Le touriste est celui qui ne voit que ce qu'il sait ».

Une autre preuve qu'il n'a rien compris, je l'ai entendue sortir de sa propre bouche il y a quelques jours : « J'ai bien entendu le message que les Français m'ont adressé le 9 juin : ils auraient voulu que nous allions beaucoup plus vite et plus fort dans les réformes ! ». Je cite en substance, c'est globalement approchant, mais je garantit l'authenticité de "plus vite et plus fort".

Franchement, je finis par me demander de quelle planète cet infirme de la comprenette a débarqué chez nous. Franchement, je me demande quelle langue il parle, mais aussi quelle langue exotique il comprend. Visiblement, il passe dans la réalité — celle dans laquelle nous autres les gens ordinaires pataugeons en temps ordinaires — à la façon dont Pierce Brosnan en James Bond traverse une muraille de flammes : même pas décoiffé, le gars !!! Pas un hématome !!! Pas un froissement dans le costard trois-pièces !!! Le corps, l'esprit et les vêtements de Macron restent indemnes et intouchés après les pires confrontations avec la vraie réalité. C'est à se demander s'il peut vieillir.

Je me souviens d'avoir lu il y a quelques années un excellent livre que François Ruffin avait adressé à son ancien condisciple de lycée, devenu depuis Président de la République. Le titre en était particulièrement bien trouvé : Ce Pays que tu ne connais pas (Les Arènes, 2019, j'avais rendu compte ici de ce bouquin), et le sous-titre ne manquait pas de pertinence à l'époque tout en montrant une certaine empathie à son égard : "Bienvenue en France, Monsieur Macron".

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Ce que je me rappelle du propos, c'est, entre autres, que la connaissance qu'Emmanuel Macron a des diverses populations qui vivent en France est essentiellement une connaissance par ouï-dire, une connaissance indirecte, une connaissance exclusivement médiée par des dossiers, des chiffres et des concepts. Comme s'il évitait comme la peste de confronter à qui et à quoi que ce soit de concret par l'expérience personnelle la masse de ce qu'il a ingurgité, appris et cru comprendre.

En 2017, les Français ne savaient pas qu'ils avaient élu, en quelque sorte, un « président in vitro ». C'est d'ailleurs à cause de cette incapacité congénitale à s'incarner en « président in vivo » qu'un nombre toujours croissant d'électeurs et même de responsables politiques le supplie de fermer sa gueule.

Il ne sait pas, le pauvre homme, que les pratiques de laboratoire, de recherche et d'éprouvettes, ont toujours, dans les bonnes pratiques scientifiques, besoin de subir contrôles divers et vérifications multiples en grandeur nature avant d'être validées. Il aurait peut-être l'impression de se salir les mains ? Il préfère peut-être respirer l'air abstrait des idées supérieures (vous savez, celles qui n'aiment ni la boue, ni le vent, ni les intempéries).

Le problème de Macron, c'est que les gens auxquels il croit s'adresser ne sont pas des abstractions, mais des êtres de chair et d'os, qui existent, s'efforcent de persévérer dans leur être, savent ce que c'est que de prendre des coups et qui, quand la moutarde leur monte au nez, sont capables de manifester leur désaccord, leur réprobation ou leur colère : dans la rue, sur les ronds-points ou dans les urnes. Avec les européennes, ils ont voulu donner un coup de poing à Macron (jab ou uppercut, je n'ai pas de préférence). 

Le malheur veut qu'en l'occurrence et en même temps que le président, ma propre gueule ait pris une partie de ce coup. Mais ça ne se passera pas comme ça, Monsieur Macron : vous êtes un maillon de la chaîne de responsabilités. Vous avez une dette envers la France.

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