vendredi, 18 novembre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
... C'ÉTAIT RIGOLO.
Aux cimaises de ma galerie BD.
La trajectoire d'Enki Bilal dans la BD me fait penser à celle de Philippe Druillet, le père de Lone Sloane : comme lui, il a commencé bédéiste, et comme, lui, il a fini par se sentir à l'étroit dans la BD. Je veux dire que si l'on considère la bande dessinée comme la simple technique qui consiste à raconter des histoires graphiques en les découpant en planches et en vignettes, c'est-à-dire comme une variante fixe du cinématographe (la définition des plans est strictement la même, celle des séquences s'apparente au montage, ...), c'est un mode d'expression somme toute limité. C'est d'ailleurs pour ça que je persiste à ne pas considérer la BD comme un art majeur. De même, après tout, que le cinéma, très marqué par l'aspect industriel que revêt sa fabrication et la foule des métiers qui y interviennent.
Je laisserai de côté L'Appel des étoiles (autrement dit Le Bol maudit), galop d'essai à citer pour l'anecdote, dans le genre spatio-fantastique. Il n'en va pas de même du superbe Exterminateur 17 qui, sur un scénario de Jean-Pierre Dionnet, laisse l'imagination errer sur la frontière qui sépare le propre de l'homme du propre du robot : après 16 tentatives infructueuses, "le maître" fabrique une machine humanoïde où il a mis beaucoup de lui-même (en particulier dans la fabrication de la rétine), et dans laquelle il se projette corps et âme, acquérant une sorte d'immortalité. C'est du moins le souvenir que j'en ai gardé. Grande intelligence du scénario, grandiose art du dessin : un chef d'œuvre.
Bilal a longtemps marché en tandem avec Pierre Christin pour produire des histoires écologico-fantastiques. La Croisière des oubliés, Le Vaisseau de pierre, La Ville qui n'existait pas, portés par la vague des utopies de mai 68, inventent des "solutions" aux conflits mortifères entre la vie traditionnelle (paysans, puis marins, puis ouvriers) et la société matérialiste, capitaliste qui se met en place à l'époque (Reagan, Thatcher) et dont on voit aujourd'hui l'impasse dans laquelle elle a engagé l'humanité.
Partie de chasse : on voit que la couleur prend de l'importance par rapport au dessin.
Avec Les Phalanges de l'ordre noir, le tandem Christin-Bilal se penche sur l'histoire de l'Espagne franquiste, avec un commando d'anciens des Brigades internationales qui se reforme pour mettre fin aux méfaits d'un groupe de vieux franquistes. Il y aura un seul survivant qui, désabusé et exilé aux îles Feroë, se demande à quoi tout ça a servi.
Mais avec Partie de chasse (les trois vignettes ci-dessus), le tandem atteint ce qui est à mon avis le sommet absolu de leur collaboration. Il peint un groupe de hauts apparatchiks communistes européens (Pacte de Varsovie oblige) emmenés par le hiératique, muet, sombre et prestigieux Vassili Alexandrovitch Tchevtchenko (ci-dessus au premier plan) : comment des hommes sont réunis dans une "datcha" luxueuse pour, en éliminant lors d'une chasse à l'ours Sergueï Chavanidzé , redoutable communiste orthodoxe fanatique, « soulever le couvercle (...) que Sergueï Chavanidzé voulait maintenir hermétiquement clos au nom des intérêts russes ». Il y a du prémonitoire dans cet album de 1983 qui annonce la décomposition de l'empire soviétique.
Magnifique !
09:00 Publié dans BANDE DESSINEE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bande dessinée, bd, enki bilal, philippe druillet, lone sloane, exterminateur 17, l'appel des étoiles, le bol maudit, jean-pierre dionnet, la croisière des oubliés, le vaisseau de pierre, la ville qui n'existait pas, pierre christin, les phalanges de l'ordre noir, partie de chasse, urss, empire soviétique, pacte de varsovie
samedi, 12 novembre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
... C'ÉTAIT RIGOLO.
Aux cimaises de ma galerie BD.
Aujourd'hui, suite de l'hommage à maître Gir, alias Giraud, alias Moebius, pour la création d'un personnage qui a marqué toutes ses années Pilote, un personnage incontournable, j'ai nommé Mike S. Donovan, alias Blueberry (traduit en français, ça donnerait Michel Myrtille). Et de même que Milou est inséparable de Tintin, Enak d'Alix, Jeanjean de Lefranc, Rasibus Zouzou de Bibi Fricotin, Puce de Zig, Pimprenelle de Nicolas, Pompon de Modeste, Libellule de Gil Jourdan, Flupke de Quick, Delafon de Jacob, Pancho de Jerry Spring, j'arrête là, de même on ne saurait parler de Blueberry sans évoquer ses deux compagnons qui, bon gré mal gré, le suivent dans tous les coups durs : le brave Red Neck (= cou rouge : "Américain d'origine modeste et ayant des idées réactionnaires et racistes", synonyme de plouc, dixit Larousse) et l'éponge à whisky, au visage joyeusement repoussant, Jimmy McClure (ci-dessous).
Je ne vais pas retracer toute la trajectoire de Blueberry, ça serait terriblement ennuyeux. Juste poser quelques balises improvisées, subjectives et arbitraires. Son scénariste était Jean-Michel Charlier (si prolixe qu'on se demande où il allait chercher tout ça, et s'il prenait le temps de dormir), un compagnon de Goscinny à la tête de Pilote, qui a fourni des histoires à divers dessinateurs (Hubinon, Eddy Paape, Mitacq, ...).
Ces scénarios inventifs reposaient cependant sur des recettes un peu simples, faisant la part belle aux rebondissements forcés, toujours sur fond d'espions, traîtres et faux amis à gogo, ce qui donnait un air de ressemblance à toutes les histoires sorties de son imagination, qu'il s'agisse de l'US Air Force (Buck Danny), de l'aviation française (Tanguy et Laverdure), de la piraterie XVIII° (Barbe-Rouge), de scoutisme à l'ancienne (La Patrouille des castors, Ah, Le Mystère de Grosbois ! ...) ou d'apprenti grand reporter (Marc Dacier, Ah, ce tour du monde héroïque ! ...). A la longue, ça pouvait fatiguer.
Sitting Bull ("Taureau assis ne ment jamais !") vient de tuer Steelfinger (l'homme à la main d'acier) en combat singulier et apporte au rendez-vous avec le général Dodge la preuve que Blueberry n'est pour rien dans la disparition de la paie des ouvriers du chemin de fer. L'accusateur (veste rouge) ne va pas tarder à se faire démonter la mâchoire par le poing de Blueberry.
Petit lieutenant de cavalerie, Blueberry est affecté à Fort Navajo, à une époque où le cas des Indiens, dont les chefs s'appellent Taureau assis, Nuage rouge, Geronimo, etc., n'est pas encore définitivement "réglé", où la glorieuse cavalerie US (Ah, "She wore a yellow ribbon" ! Ah, la trilogie John Wayne de John Ford !) ne cesse de repousser vers l'ouest les frontières de la "civilisation" et, dans la foulée, de "nettoyer" le territoire de ses populations autochtones. Un méthodique "nettoyage ethnique". Dans un premier temps, le cavalier se soumet à ce grand projet, avant de retourner sa veste et de prendre le parti des Indiens, à force de côtoyer, rencontrer et connaître un peu mieux les "peaux-rouges", jusqu'à être baptisé par eux, après le pseudonyme "Nez cassé", du nom indien de "Tsi-Na-Pah", jusqu'à permettre à la tribu de Cochise d'échapper au rouleau compresseur militaire américain.
La Mine de l'Allemand perdu et Le Spectre aux balles d'or racontent l'histoire d'une quintessence de crapule qui se fait appeler "Prosit Luckner". Il connaît l'endroit où se trouve une mine dans laquelle l'or abonde. Malin et sans scrupule, comme toute vraie crapule qui se respecte, il sème les cadavres derrière lui, ne voulant partager avec personne. On verra que le "spectre" s'appelle Werner Amadeus von Luckner et que son valet Gustav Hazel lui avait piqué son identité, après lui avoir flanqué sur la tête un coup qui la lui avait fait perdre. Il l'avait laissé pour mort en se promettant de revenir avec le matériel nécessaire au transport de l'or. Le méchant sera puni in extremis, même que c'est bien fait pour lui.
Juste après cette histoire d'or, en vient une autre, mais au scénario autrement corsé. Charlier se surpasse, et parvient à tisser une histoire qui, de Chihahua Pearl à Le Bout de la piste, s'étale sur dix volumes, pas moins. Inutile de s'attarder sur les mille péripéties qui animent le récit. Le lieutenant aura mis plus de douze ans (1973-1986) à se faire réhabiliter, après des épreuves capables d'exterminer des régiments. Mais Blueberry résiste à tout, et semble même à l'épreuve des balles.
L'image coquine ci-dessus, tirée d'Arizona love (1990), qui vient juste après Le Bout de la piste, montre Blueberry et Chihuahua Pearl dans les meilleurs termes après une nuit torride. Charlier est mort en 1989, et Giraud, même s'il partage la page de titre avec lui, est sans doute pour beaucoup dans le texte et le scénario. Dans tout Blueberry, pas de femme nue, pas de grivoiserie, pas de gauloiserie avant la disparition du scénariste. Car Charlier, responsable dans une revue "pour la jeunesse", est retenu par une pudeur devenue comme une seconde nature , pour ne pas dire une pruderie. Il est vrai que la loi était stricte. Ici, sans Charlier, Blueberry s'émancipe et se dévergonde. On est tenté de dire : enfin, il était temps !
Trois instantanés de la descente aux enfers de "Boum Boum" Landsky et de l'ingénieur Morgan. Ces deux sbires de l'infernal général Allister ont truffé la montagne d'explosifs au-dessus du tunnel où doit passer le train du général Grant. Mais, grâce à l'intrépide et rusé Blueberry, c'est sur un train vide que le tunnel s'effondre. Une fois à Ogden, le lieutenant sauve une dernière fois la vie de Grant, que menaçait l'immonde Allister, ce paranoïaque sans foi ni loi qui voulait profiter de l'occasion pour se faire nommer calife à la place du calife.
(Le Bout de la piste)
Car au début, même s'il s'avère un redoutable joueur de poker, c'est un timide pathologique avec les femmes. C'est dans je ne sais plus lequel des quatre premiers albums de la série que, ayant ramené au fort et sauvé un officier au péril de sa vie, Blueberry, encore très puceau, se voit gratifié d'une bise sur sa joue pas rasée par les douces lèvres de la fille de celui-ci. Tout effarouché et rougissant, il se retire de la compagnie en disant : « Excumez-zoi ! », ce à quoi le médecin réplique en rigolant : « Va mon garçon. Tu est tout excumé ». L'éditeur semble par la suite n'avoir plus compris la métathèse des consonnes, qu'il a "corrigée" dans les éditions ultérieures comme une vulgaire faute de français. Dommage, c'était rigolo.
Dans les cinq derniers albums ("Mister Blueberry"), Giraud est seul maître à bord. Le résultat est un chef d'œuvre scénaristique et graphique. L'auteur tisse en effet avec un précision chirurgicale deux histoires, réparties sur deux époques. D'une part le présent d'un Blueberry rendu à la vie civile, qui joue gros jeu à la table de poker, entouré d'une faune digne de ce que les saloons font de mieux en la matière, mais aussi de personnages ayant laissé un nom dans l'histoire (Wyatt Earp), pendant qu'un banquier véreux et deux familles dominées par une sorte de Ma Dalton préparent des coups de Trafalgar, à commencer par l'élimination du shérif Earp et de ses adjoints (cf. Règlement de comptes à OK Corral, qui se passe à Tombstone), tout en faisant retomber les soupçons sur les Indiens. D'autre part, Blueberry raconte son passé à un journaliste, venu de la côte est spécialement pour lui, son entrée dans l'armée, la découverte qu'il fait des Apaches, sa réaction devant les injustices dont les blancs se rendent coupables à leur égard. Ci-dessus, complètement imbibé de whisky, il corrige un officier supérieur. Son côté anar, sans doute.
09:00 Publié dans BANDE DESSINEE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bande dessinée, bd, moebius, gir, jean giraud, blueberry, cavalerie américaine, us cavalry, she wore a yellow ribbon, wyatt earp, règlement de compte à ok corral, tombstone, western, chihuahua pearl, le bout de la piste, jean-michel charlier, arizona love, goscinnydanny, la patrouille des castors, john ford, john wayne
jeudi, 10 novembre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
... C'ÉTAIT RIGOLO.
Aujourd'hui, un Grand Maître aux cimaises de ma galerie BD.
Sa Majesté Gir, alias Giraud, alias Moebius.
Ci-dessus, on a un bonne idée de ce que, dans la BD, on pourrait appeler la Planche Absolue. Gir fait partie du tout petit cercle des gens capables de "ça". On la trouve dans Ombres sur Tombstone, puis dans le volume Apaches, qui rassemble, des cinq volumes de "Mister Blueberry", tout ce qui concerne les Indiens.
Ci-dessous, une demi-page virtuose (qui a quelque chose à voir avec La Vague d'Hokusai) du Major fatal, dès le début duquel Moebius part à l'aventure : on se dit que, d'un épisode au suivant, lui-même ne sait pas du tout ce qui va se passer. Le scénario est un collage de souvenirs de films et de toutes sortes d'inventions, et se fout royalement de la continuité du récit. Il flirte avec tous les genres à la mode, tous les clichés narratifs, quelques poncifs cinématographiques, mais en se moquant éperdument de tous les genres. On y voit même que le ciel commence à se disloquer. Comme dit la chanson : « Dis, dis, qu'est-ce que tu dis ? Tout ça n'est que parodie » (Guy Béart, 4'41"). A moins que ce soit un pastiche.
Dans cette histoire qui se moque éperdument de la logique de l'histoire racontée, il y a un major Grubert, un Jerry Cornélius, un Bakalite, un Star Billiard, robot gigantesque conçu pour rallier le premier niveau par onde Puchpull, qui s'assied en plein désert aussi longtemps que l'espion et la passagère clandestine font l'amour dans son crâne, une dame qui s'appelle Malvina, un certain Graad, un archer masqué (ci-dessus après avoir abattu l'objet volant du destin et recueilli l'ingénieur Barnier, qui se révélera être une femme après avoir perdu son casque). Et un tas d'autres trucs dérisoires et sublimes. Les tâcherons de la science-fiction, du space opera, de l'héroïc fantasy et autres "genres" peuvent aller se rhabiller avec leur uniforme de sérieux et d'application. Moebius reste Moebius : indépassable.
Ci-dessous, on voit, jusque dans le détail le travail d'orfèvre de maître Moebius, une planche du Garage hermétique de Jerry Cornelius, suivi de deux zooms avant pour mieux apprécier la précision. Moralité : côté technique, Moebius m'en bouche un coin et met la barre très haut.
Le grand Hayao Miyazaki, que les Japonais considèrent à raison comme un génie du cinéma d'animation (Princesse Mononoké, Le Voyage de Chihiro, ...), n'évoquait pas sans une vive émotion la grande figure de Jean Giraud alias Moebius, dont il reconnaît très volontiers l'influence sur son propre travail.
Et quand Moebius n'était pas encore le seigneur de la BD qu'on a connu ensuite, il ne dédaignait pas de donner un dessin à des petites revues sans moyens, gravitant autour du fantastique et de la science-fiction. Exemple ci-dessous, avec ce n°1 de Nyarlathotep, revue à la vie courte, fondée par M. M., Lyonnais, fils d'Inspecteur Général, vaguement situationniste, devenu bibliothécaire, puis perdu de vue.
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mardi, 08 novembre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
… C’ÉTAIT RIGOLO.
Aux cimaises de ma galerie BD.
Le regretté Fred, dans (A suivre) n°28. Sans son Philémon et son âne Anatole, sans son ancien puisatier Barthélémy, le désormais fameux "Naufragé du A" auquel tient compagnie le centaure Vendredi, dans la cabane en bois qui a "poussé" comme pousse n'importe quelle plante, jusqu'à devenir "naturellement" un palais magnifique. Le A, cette île aux deux soleils, purement virtuelle, figure exclusivement sur la carte géographique représentant l'Atlantique, et Philémon y a atterri en tombant accidentellement dans le puits à côté de la maison, quand il a voulu récupérer une bouteille mystérieusement apparue à sa surface, bouteille dans laquelle se trouvait un message : « Au secours ! ». Une bouteille à la mer, quoi. Mais au fond d'un puits dont l'eau est salée parce qu'au fond, il y a l'océan Atlantique. Philémon est doté d'un père, Hector, qui côtoiera ou traversera toutes sortes d'aventures rocambolesques sans perdre un iota de l'esprit fort qui le caractérise et le rend hermétique à l'extraordinaire (« Un incrédule sera toujours un incrédule », dit Félicien à la fin du bien nommé Voyage de l'incrédule). Pour que le "monde du A" existe, il faut y croire. Je n'en doute pas.
La série tout entière des Philémon, la seule à ma connaissance qui ait autant de
proximité avec l'onirisme pur (excepté Little Nemo in Slumberland, le chef d'œuvre de Winsor McCay, vignette ci-contre, où l'on voit Nemo dans son lit aux pieds démesurés se balader au-dessus des buildings), est bourrée jusqu'à la gueule des trouvailles graphiques et narratives les plus abracadabrantes, tant il est vrai que le monde du rêve ouvre les vannes aux combinaisons de figures les plus extravagantes. Fred raconte, dans L'Histoire d'un conteur éclectique, de Marie-Ange Guillaume (Dargaud, 2011), que tout a commencé quand l'idée lui est venue d'inventer une histoire pour son enfant : « C'était à Nice, pendant un repas familial. Eric s'embêtait à table et je lui ai raconté une histoire pour le faire patienter - comme ma mère me racontait des histoires pour me faire avaler ma soupe. (...) J'ai utilisé les éléments du décor : la mer, les bateaux, une bouteille. Il était fasciné et ça m'a donné envie d'écrire cette histoire tout de suite ». L'imagination, le talent du dessinateur et le Pilote de Goscinny ont fait le reste.
Double page dans le tome 1 de l'intégrale (hélas amputée ici).
De son séjour harakiresque, je me rappelle peu. Je retiens surtout l'incroyable cruauté et la noirceur intense de l'humour qui inspiraient les dessins. En revanche, je n'ai manqué aucun épisode de Philémon, même si la série, en s'acheminant vers le quatorzième, perdait à mon avis (un tout petit peu) de sa force imaginante et de son dynamisme narratif.
Il se peut aussi que, comme dans tout coup de foudre confronté à l'écoulement du temps, la lassitude vient au moment où les ficelles de l'être aimé deviennent visibles. Et comme dans la passion, quand le moment fatidique est passé, les gens raisonnables peuvent éventuellement se dire qu'à l'intensité de l'orage amoureux doit succéder la paix de la simple familiarité. Je ne sais pas si je suis raisonnable, mais à cet égard, je peux avouer que Philémon reste partie intégrante de mes souvenirs d'amour.
Reste une collection étourdissante d'inventions et de figures, parmi lesquelles je citerai la bouteille-navire, dont Philémon sauve les marins en débranchant les lampes-naufrageuses, plantes électriques agressives ; le piano sauvage, que Philémon arrive à dominer dans une corrida où il s'agit, pour que la bête soit vaincue, de "plaquer un accord", ce que tout le public des arènes applaudit, même s'il s'agit d'un "cluster" tout ce qu'il y a de "contemporain" ; le château suspendu à une corde ; le manu-manu militari ; les criticakouatiques qui infestent l'île des souffleurs de théâtre avec, quand le vaisseau théâtre les voit apparaître, le capitaine qui crie : « Tout le monde en scène ! » ; Simbabbad de Batbad, le boxer qui bave, où Fred a personnifié son propre chien ; l'attrape-nigaud, cette tapette-à-souris qui se suicide parce que Philémon donne la réponse juste (« Hum ») à l'énigme posée par ce sphinx d'un nouveau genre ; les oiseaux-huissiers, qui se chargent d'évacuer les dépouilles des brigadiers (en fait des manus-manus militari domestiqués, dont les trois premiers doigts ont été revêtus de l'uniforme du gendarme à bicorne pour en faire des marionnettes à gaine, genre Guignol de Lyon ; il faut déshabiller le brigadier pour rendre le manu-manu à la vie sauvage, car c'est bien connu : « Ôtez l'uniforme à un brigadier et il retourne au néant ») quand un des leurs a subi une défaite ; je m'arrête là, je n'en finirais pas.
Dans Philémon, règnent la loi et le casse-tête de toutes les séries : comment faire pour ne pas (trop) se répéter ? Pour que Philémon puisse retourner sur le A (et en revenir), Fred se creusait les méninges à trouver de nouvelles portes d'entrée (Félicien en fait un principe : « Tu sais bien qu'on ne peut utiliser deux fois le même moyen pour aller sur le A ». D'ailleurs le chef des rouleurs de la mer le déclare à Philémon : « Depuis que le barbu a utilisé deux fois le même passage, la marée a disparu ») : après "le puits", il y eut "le globe et la lorgnette" (ce qui le fait atterrir sur le I, ce qui fait s'esbaudir le gardien-roi du phare-hibou, dont le fond du regard est souple comme du caoutchouc), puis "le coquillage" qu'il faut gonfler à la pompe, puis "le plongeon dans le cerceau", puis "la corde", etc. Même gymnastique pour ses retours.
Je me garderai d'oublier les autres productions d'Aristidès (Othon Frédéric Wilfrid dans les aventures du commissaire Bougret, l'immortelle créature de Gotlib, doublée de l'inoubliable inspecteur Charolles : « Ah patron, comme indice, c'est plutôt maigre ! ») : Le fond de l'air est frais, Hum!, Le Petit cirque (fabuleux !), le corbac aux baskets, la dernière image, etc... Et je ne connais pas tout.
Fred le Magnifique !
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dimanche, 06 novembre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
… C’ÉTAIT RIGOLO.
Aux cimaises de ma galerie BD.
Tardi, dans (A suivre) n°33 (voir mon billet du 3 octobre, à propos de son puissant Dernier assaut, qui vient de paraître), qui ne s'occupe pas seulement d'Adèle Blanc-Sec, de Brindavoine, du démon des glaces, ou de la guerre de 14-18. C'est dans cette revue qu'il a dessiné le premier "roman graphique" (puisqu'il faut appeler ça ainsi) sur un scénario démoniaque de Jean-Claude Forest (Ici Même), dont le héros, qui habite une improbable maisonnette juchée au sommet d'un mur, a hérité de sa famille tous les murs qui cloisonnent une ancienne immense propriété, et qui est contraint, testament oblige, de courir toute la journée d'un portail à l'autre, sans mettre les pieds sur le sol, pour ouvrir et fermer les portails (c'est lui qui a les clés) aux descendants qui entrent ou qui sortent, et qui ont, eux, hérité les parcelles que le temps, les héritages et les murs ont peu à peu multipliées et divisées.
J'ai découvert Tardi dans Pilote, avec des histoires courtes, comme "La Torpédo rouge sang" (vous dire si ça remonte, je ne me rappelle plus si c'est là-dedans qu'il y a un bouchon de radiateur auquel est attachée une malédiction (note du 6 décembre : j'ai retrouvé le bouchon de radiateur : il est dans la Rubrique-à-brac de Gotlib) ou l'album rigolo et déjà très engagé Rumeurs sur le Rouergue. J'ai ensuite admiré le travail (sur carte à gratter, me semble-t-il) dans Le Démon des glaces. Ensuite, je n'ai plus rien manqué de ce qui a suivi : l'improbable Polonius, fable rétro-science-fictionesque ; le très noir, sinistre Griffu, dans l'éphémère et excellent hebdo des éditions du Square BD. L'hebdo de la BD ; les adaptations de Léo Malet et Jean-Patrick Manchette ; La Débauche, Jeux pour mourir, la série Adèle Blanc-Sec, bien foutraque, quoiqu'un peu lassante à la longue (« Pa ! -Pa-zu ! -Pa-zu-zu ! », l'invasion des limules (la limule étant l'animal qu'Alfred Jarry considérait comme le plus définitivement laid de la création), le ptérodactyle, etc...) ; Varlot, Brindavoine, tout le saint-frusquin industriel et guerrier qui assomme les hommes de 14-18, ensemble au sommet duquel trône encore C'était la Guerre des tranchées, suivi de la litanie : Putain de guerre ! et Le Dernier assaut.
Je n'ai pas attendu Tardi pour être terrassé par la prise de conscience de ce qu'avait été la guerre de 14-18 pour l'Europe et pour l'humanité. J'avais dès longtemps commencé à photographier les monuments aux morts de France sous toutes les coutures, avec les aléas que sont le temps qu'il fait et l'heure d'ensoleillement optimal pour la prise de vue. Mais je dois dire que, quand j'ai découvert la même préoccupation chez ce grand auteur de BD, je lui ai été reconnaissant de me permettre de me sentir, je ne dirai pas en état de connivence, mais en terrain familier.
J'ai encore adoré les quatre volumes du sombre et tragique Cri du peuple, d'après l'œuvre de Jean Vautrin, au titre très julesvallèsien (c'était celui du journal fondé par Jules Vallès, lui-même acteur de la Commune, qui a pu s'exiler à Londres et échapper à la boucherie), qui raconte jusque dans les profondeurs bien sordides, mais de façon admirablement documentée, les deux mois de 1871, d'abord enthousiastes, puis atroces, qui sont restés dans l'histoire sous le nom de "Commune de Paris". Il ne nous épargne pas les horreurs auxquelles se sont livrés les Versaillais, mais aussi les excès commis par les Communards.
Je n'ai calé que sur le stalag où Tardi raconte son père prisonnier de guerre pendant la deuxième g.m. (gaudriole mondiale), et son retour. Que Tardi veuille bien me pardonner la faiblesse. Ce n'est sans doute que partie remise.
09:00 Publié dans BANDE DESSINEE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bande dessinée, bd, jacques tardi, tardi le dernier assaut, revue à suivre, roman graphique, brindavoine, adèle blanc-sec, jean-claude forest, revue pilote, adieu brindavoine, tardi la fleur au fusil, brouillard au pont de tolbiac, léo malet, rumeurs sur le rouergue, le démon des glaces, polonius, tardi griffu, bd l'hebdo de la bd, jean-patrick manchette, la débauche, jeux pour mourir, alfred jarry, ptérodactyle, c'était la guerre des tranchées, putain de guerre, le petit bleu de la côte ouest, la position du tireur couché, tardi vautrin le cri du peuple, commune de paris, guerre 14-18, grande guerre
mercredi, 02 novembre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
… C’ÉTAIT RIGOLO.
Aux cimaises de ma galerie BD.
Franquin faisant un détour par la planète des singes, dans (A suivre) n°16, sans Spirou, sans Fantasio, sans le comte et le maire de Champignac, sans le marsupilami, sans Spip, sans Gaston, sans monsieur de Mesmaeker, sans Jules-de-chez-Smith-en-face, sans Prunelle, sans Lebrac, sans 'moiselle Jeanne, sans la bande, sans les voisins Ducran et Lapoigne, entrepreneurs de travaux publics irascibles (on les comprend).
Accessoirement, je n'entre pas dans le débat suscité par le selfie réalisé tout récemment par un macaque de je ne sais plus où : certains se sont en effet demandé si les droits d'auteur de ce selfie devaient être versés au singe ou au photographe qui lui a mis le smartphone en main.
On n'a que les questions qu'on se pose.
Je n'entre pas non plus dans le débat que s'acharnent à lancer des zoologistes et autres éthologues un peu allumés autour de la question du « Propre de l'Homme », et qui font tout pour convaincre le bon peuple que les animaux connaissent l'altruisme, que les chimpanzés ont des pratiques "politiques" (ça c'est une idée défendue par Pascal Picq) et autres ingéniosités visant à faire tomber les barrières d'espèces et l'humanité de son « piédestal ». Les talents, les performances et les prouesses de certaines espèces truffaient déjà les revues pour la jeunesse quand j'étais gamin.
Franquin est un Génie, je n'hésite pas à être, en cette occasion, aussi "péremptoire" que le "club" éphémère du même nom, auquel j'ai un temps appartenu. Mais il n'a plus besoin de thuriféraires ou d'adorateurs : son carrosse posthume avance sans que des laquais aient besoin de le pousser. Franquin est un carrosse automobile. Un carrosse royal, bien entendu !
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lundi, 31 octobre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
… C’ÉTAIT RIGOLO.
Aux cimaises de ma galerie BD.
Dans (A suivre) n°25, Martin Veyron, son minable et génial Bernard Lermite le bien nommé (pas sur la photo ici). Je n'ai pas tout suivi. Mais c'est dans l'album inaugural (Bernard Lermite) qu'on trouvait cette blague définitive : « Quelle est la différence entre une nourrice et un pont ? - ... - Eh bien, la nourrice montre son sein, et le pont s'affaisse », le héros s'écriant « Elle est bonne » quand, le pont s'étant effectivement affaissé au passage de la voiture, il essaie de s'en sortir à la nage. Je crois que c'est dans ce volume qu'il pratique l'ellipse dans le récit avec la plus épatante virtuosité.
Je mentionne pour mémoire l'album L'Amour-propre ne le reste jamais longtemps, dans lequel, entre autres galipettes, concours de soixante-neuf ou exercice de "cravate de notaire", une maîtresse du moment, à peine vêtue d'une serviette de bain, ouvre la porte, et dit à la visiteuse : « Je me faisais juste enculer sous la douche ». Réplique de la visiteuse, pas jalouse : « Vous voulez dire que vous vous faisiez embrasser sur la bouche ? ».
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samedi, 29 octobre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
… C’ÉTAIT RIGOLO.
Aux cimaises de ma galerie BD.
Mézières, sans Valérian, sans Laureline, sans Alflolol, sans le goumoun, sans le schniarfeur, sans les Schingouz, sans le transmuteur grognon de Bluxte, dans (A suivre) n°9.
Toute la série Valérian est intéressante parce que, sous couvert de science-fiction, les scénarios de Pierre Christin se débrouillent presque toujours pour aborder des problématiques sérieuses de notre présent. Par exemple, dans Bienvenue sur Alflolol l'opposition radicale entre la qualité de vie et des gens et la civilisation du travail obligatoire et de l'exploitation effrénée de la nature et des hommes à des fins intéressées. Les Alflololiens ont une culture où le travail est inconnu, où priment la liberté et la fantaisie individuelle, où chaque enfant, à un moment crucial, "découvre son don" personnel. Les terriens, après avoir essayé de parquer les Alflololiens dans des réserves hostiles et insalubres, comme les Américains l'ont fait avec les Indiens, les mettent au travail dans leurs usines. Le résultat est hilarant : au lieu des infâmes nourritures industrielles, il en sort désormais des objets de pure et simple beauté, mais sans aucune utilité marchande. Inutile sans doute d'ajouter une analyse psychosociologique détaillée du point de vue de Mézières et Christin sur le système qui organise nos existences.
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jeudi, 27 octobre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
… C’ÉTAIT RIGOLO.
Aux cimaises de ma galerie BD.
Benoît Sokal (Inspecteur Canardo, ...) et ses animaux pensants, parlants (et pas que, comme on voit), dans (A suivre) n°1.
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lundi, 24 octobre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
… C’ÉTAIT RIGOLO
François Schuitten, dans (A suivre) n°3, avec son incroyable trait en courbes de niveau qui m'évoque irrésistiblement le corps zébré des femmes de Lucien Clergue (ci-dessous).
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dimanche, 23 octobre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
… C’ÉTAIT RIGOLO.
Jeanne d'Arc, vue, revue et corrigée en foutraque par F'murr.
F'murrr et ses "r" extensibles, son joyeux et débridé délire : Jehanne Darc, Au Loup (où il assaisonne à sa façon, en de nombreuses variantes frapadingues, le conte du Chaperon rouge), et surtout Le Génie des alpages (au moins une douzaine de volumes),
avec son troupeau de moutons en folie qui suivent les cours de la Bourse, son bélier Romuald, son chien qui explique E=MC², son berger au bord de la crise de nerfs plus souvent qu'à son tour, dans (A suivre) n°1.
Corbeau dessiné en direct par F'murr (avec un coup de main en forme de soleil couchant de Mézières), au temps où je courais les signatures-dédicaces (c'était à la librairie Expérience, fermement tenue par Adrienne, rue Petit-David, juste pas loin du théâtre des Ateliers).
Ceux-ci sont dans Barre-toi de mon herbe.
J'ajoute ceci, qui ouvre sur une perspective un peu plus "contemporaine".
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samedi, 22 octobre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
… C’ÉTAIT RIGOLO
Bazooka (Kiki ou Loulou Picasso, je ne sais plus), avec son fascinant graphisme de rupture, dans (A suivre) n°11.
Andreas Baader et Ulrike Meinhof. Au fond, le cadavre de Hans Martin Schleyer après l'assassinat et, comme dans un miroir, la plaque d'immatriculation de sa voiture.
Pas vraiment de la BD, mais un vrai style. Qui triomphe en noir et blanc.
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vendredi, 21 octobre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
… C’ÉTAIT RIGOLO.
Aux cimaises de ma galerie BD.
Le regretté Jean-Claude Forest, dans (A suivre) n°24.
Ce sont des gens comme Forest qui font mériter à la BD l'appellation de "Neuvième art".
Ah, Forest et sa talentueuse religion du corps féminin ! Barbarella (avec sa machine à faire mourir de plaisir ; avec son "Aiktor" le robot, disant après la "chose" : « Oh madame, je connais mes faiblesses : mes élans ont quelque chose de mécanique. - Aiktor, vous êtes sublime jusque dans vos répliques », cité de mémoire) pourquoi on ne ressort pas la version originale, celle d'avant la censure, au fait ?) !
Le Semble-lune, cette drôle d'histoire où, sur fond de concurrence compagnonnique (Browningwell contre Spoonlove, alias "Renard de liberté" contre "Varlope filante"), Barbarella va devenir mère en même temps que "mère" compagnonnique et cosmique effigie de la "Science éclairant le monde" (grâce au "Tric-Trac-Transfert"), c'est de la science-fiction si l'on veut, mais c'est surtout du Jean-Claude Forest, en train de parler d'art et d'amour. Et de l'amour de l'art. Et de la conquête des dix-huit planètes du système Faustroll.
J'adore Mystérieuse, matin, midi et soir, avec son "arbre minuit", avec son professeur Alizarine, avec son irruption de Barbarella devenue vieille dame. Pour raconter des histoires à son jeune fils, Fred a inventé l'île A sur la carte de l'Atlantique ; pour rendre hommage à L'Île mystérieuse de Jules Verne, Forest a inventé l'île du Pourquoi, avec sa forme en point d'interrogation.
J'aime beaucoup le cycle des Hypocrite : ...et le monstre du Loch Ness, Comment Décoder l'Etircopyh (à lire dans un miroir), N'Importe quoi de cheval, ce dernier avec son improbable espion Freddy-Fred, dit Le Fred, avec son pont d'Avignon en forme de tigre à dents de sabre, qui finit par s'effondrer, avec son Brise-Bise ronchon mais cœur d'or, avec, avec ...
J'ai une tendresse pour le graphiquement foutraque et déjanté Tiroirs de poche ... (et fonds de miroirs), avec ses chansons sans musique, ses femelles en chaleur et ses mâles au calibre respectable. Probablement sans queue ni tête (façon de parler), sans doute expérimental, mais indispensable.
Bref, ce que je n'aime pas, chez Jean-Claude Forest, c'est tellement peu que c'est ... rien du tout.
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jeudi, 20 octobre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
… C’ÉTAIT RIGOLO.
Aux cimaises de ma galerie BD.
Goosens, dans (A suivre) n°12.
J'admire la précision du trait.
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mercredi, 19 octobre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
… C’ÉTAIT RIGOLO
Lacroix , dans (A suivre) n°24.
Je ne sais pas si Lacroix a fait beaucoup d'autres BD. Je sais seulement que sous l'alias d'Alias, il a produit un album tout à fait délectable, au titre sympathique de Fariboles sidérales. On y assiste entre autres à une mémorable partie d'échecs spatiaux entre l'espèce humaine et de méchants robots, les "andrinos". Chaque pièce est ici figurée par une flotte spatiale dont tous les membres sont des militaires bornés, impatients d'en découdre, mais attendant avec discipline l'ordre de partir à l'assaut. La flotte principale est évidemment la reine (ci-dessous). C'est celle-ci que le stratège humain décide de sacrifier. Le stratège des "andrinos" se jette sur la proie prestigieuse ainsi offerte, incapable d'imaginer que, trois coups plus tard, il sera mat. Un robot est-il, en 1979, capable de calculer, dans sa logique, le sacrifice de la reine ? Aussi l'humain triomphe-t-il de la machine, grâce à son audace et à son intelligence.
Il n'est pas sûr que Lacroix pourrait imaginer une telle histoire aujourd'hui. C'est que Deep blue est passé par là, en battant le champion du monde Garry Kasparov (1997). Et que depuis, on a fait mieux, puisqu'il existe aujourd'hui des machines programmées pour apprendre en même temps qu'elles fonctionnent, grâce au "deep learning". Tremblez, humains !
On nous dit que c'est ça, le Progrès. Or, c'est bien connu, on n'arrête pas le Progrès.
Mais Alexandre Vialatte (tiens, il y avait longtemps que) a réfuté la maxime de façon définitive :
« On n'arrête pas le progrès : il s'arrête tout seul ».
On peut ne pas être d'accord. Car il n'est pas impossible qu'un de ces jours prochains, le progrès nous marche dessus pour avancer tout seul comme un grand, après s'être débarrassé de l'humanité, ce fardeau encombrant.
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mardi, 18 octobre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
… C’ÉTAIT RIGOLO.
Aux cimaises de ma galerie BD.
Mandryka et son Concombre masqué, le légume raisonneur au nez ithyphallique (mais pas pioupiesque), dans (A suivre) n°2.
Mandryka, en compagnie de Gotlib et de Bretécher, avait fondé L'Echo des savanes, cette revue inoubliable et géniale, dans le premier numéro de laquelle Gotlib n'y allait pas de main-morte pour affirmer qu'il faisait désormais de la bande dessinée pour adultes, en réécrivant à sa façon les histoires du Petit Poucet et de ses frères ("gloupfl ! glopfl !"), de Tarzan ("ça dire à toi ?") ou de Blanche-Neige entourée de sept nains qui avaient la particularité intéressante de n'être pas nains partout.
Je me rappelle aussi, de Bretécher, deux adolescentes qui se mettaient dans tous leurs états au moment de leur premier tampax, qui se cachaient pour ça dans un placard, et qui, une fois munies de la chose, descendaient se pavaner dans la rue avec des airs de "grandes".
*******************
Aucun rapport, juste pour expliquer le "pioupiesque" :
« Ithyphalliques et pioupiesques,
Leurs insultes l'ont dépravé ».
A. R.
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lundi, 17 octobre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
… C’ÉTAIT RIGOLO.
Aux cimaises de ma galerie BD.
La belle patte de Borotto (Vaiente ? Valiente ? Valente ?), peut-être argentin, en tout cas étoile filante de la BD (à ma connaissance), et inconnu au BDM, ici fasciné par le plaisir féminin (solitaire), dans (A suivre) n°17.
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dimanche, 16 octobre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
… C’ÉTAIT RIGOLO
Le très rabelaisien (et prolifique) Max Cabanes, dans (A suivre) n°1.
De gauche à droite Ysengrin, Hersent et Renart à la main baladeuse, qui n'aime rien tant que "trousser la gueuse" (quoiqu'ici il n'y ait rien à trousser au sens propre), dans la version probablement originale du "doigt d'honneur". Quelle santé ! D'autant que la dame montre à l'occasion toute la chaleur de son tempérament.
Cabanes a récemment (2014 ?) adapté en BD le formidable roman de Jean-Patrick Manchette Fatale, dans lequel une tueuse à gages sème la mort chez les notables d'une ville pourrie, allant jusqu'à faire usage d'une Weatherby 460 (avec sa balle de 32,4g. à comparer aux 10,2 du 357 magnum !), qui a dû sacrément lui démancher l'épaule au moment du tir. Si je me souviens bien, ça finit assez mal pour elle.
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samedi, 15 octobre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
… C’ÉTAIT RIGOLO.
Aux cimaises de ma galerie BD.
Solé (plus dessinateur - virtuose - que bédéiste), dans (A suivre) n°26.
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vendredi, 14 octobre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
… C’ÉTAIT RIGOLO.
Aux cimaises de ma galerie BD.
Christian Binet dessine ici la moitié postérieure de Madame Bidochon (la série Les Bidochon en était à son vingtième album en 2010, malgré le procès de vrais Bidochon de je ne sais plus où, qui ont mis plus de dix ans à se rendre compte que, leur nom étant devenu célèbre, ils pouvaient gratter quelque chose, mais qui en ont été pour leurs frais), dans (A suivre) n°26.
J'apprécie la série, sans être un fanatique. Là où je me dis que Binet a fait très fort, c'est qu'il a (presque) fait de Bidochon un nom commun, passé dans le langage courant. Ce qui s'appelle, si je ne me trompe, une antonomase dans le langage des fleurs (de rhétorique), pas tout à fait au même titre que Don Juan, Harpagon, Tartuffe ou Apollon, mais pas très loin. Quel était l'écrivain qui rêvait d'inventer un stéréotype, parce qu'il considérait que c'était une preuve du génie (et du succès : je pense ici au "beauf" de Cabu, mot sur lequel certains ont même bâti le mot "beaufitude" ; remarquez que la Ségolène a bien fait "bravitude", alors ... Après tout, ce n'est qu'une histoire de suffixe !) ?
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jeudi, 13 octobre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
… C’ÉTAIT RIGOLO.
Sur les bancs du fond des cimaises de ma galerie BD, près du radiateur (« C'est là qu'ils s'épanouissent », disait Jacques Bodoin).
Martin Lodewijk n'est pas un "grand" de la BD, mais le gag est gentil, dans (A suivre) n°11.
Pour la ressemblance, j'hésite entre un souvenir du maître d'hôtel du "Klow", le restaurant syldave du Sceptre d'Ottokar,
et un autre de l'inoubliable maire de Champignac (ici dans une de ses brillantes envolées rhétoriques, moins le chapeau melon, dans Le Prisonnier du Bouddha).
En bas à droite de l'image, juste à côté du préfet qui fait la sieste, le bruit du "Générateur Atomique Gamma" (G.A.G. en abrégé !), cette invention géniale qui confère un sens propre à la vignette suivante, qui finit la phrase : « ... toujours plus hauts ! ».
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mercredi, 12 octobre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
… C’ÉTAIT RIGOLO.
Au premier rang des cimaises de ma galerie BD.
Hugo Pratt : ici Corto Maltese en Sibérie, en compagnie de Nino Ferrer rhabillé en "Capitaine Nino". Corto, ce personnage entré en France par l'entremise de Pif gadget, qui s'efforce d'empêcher les fantômes de son passé (autrement dit la nostalgie, ou alors les regrets) de l'envahir, bien qu'on sache que sa route a croisé (outre Bouche dorée, le professeur Steiner, Venexiana Stevenson ou l'officier Sorrentino), en 1907, celle de Staline, quand celui-ci était portier de nuit à Ancône ou voleur des cloches de l'église arménienne Saint-Lazare à Venise (La Maison dorée de Samarkand) ; ou, en France, quelque part entre Zuydcoote et Bray-Dunes entre 1914 et 1918 (Les Celtiques), un Rotschild dont il est impatient d'aller goûter le bordeaux ; ou encore, toujours entre 14 et 18, mais en Italie cette fois, du côté de Sette Casoni, un certain armateur grec du nom transparent d'Onatis (Sous le Drapeau de l'argent) ; l'auteur, en restant savamment allusif, crée ainsi, derrière son personnage, une étonnante profondeur de champ historique qui lui confère une épaisseur dont il n'est pas dénué par ailleurs, qui est sans doute pour quelque chose dans le pouvoir de fascination qu'il exerce ; Corto Maltese pourrait à bon droit endosser la paternité de cet alexandrin :
« J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans »
(est-il besoin de préciser que l'auteur s'appelle Baudelaire ?),
dans (A suivre) n°4.
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mardi, 11 octobre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
… C’ÉTAIT RIGOLO.
Aux cimaises de ma galerie BD.
Ted Benoît, que j'avais découvert avec un Hôpital plus vrai que le vécu hospitalier, et qui vient de nous quitter (ici, Ray Banana dans Berceuse électrique, une bonne histoire de détective, de secte d'illuminés envolés vers Sirius et les étoiles, de robots indestructibles, de savant fou et de belles carrosseries américaines des années 1950), dans (A suivre) n°36.
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lundi, 10 octobre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
… C’ÉTAIT RIGOLO.
Aux cimaises de ma galerie BD.
Jean-Claude Claeys (plutôt un illustrateur, en vérité, mais quel !...), dans (A suivre) n°2.
La réponse à la question posée par la dame est « Oui », bien entendu.
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dimanche, 09 octobre 2016
ÇA FAISAIT DES BULLES …
... C'ÉTAIT RIGOLO.
Aux cimaises de ma galerie BD.
Avoine, dans (A suivre) n°29.
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