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samedi, 12 novembre 2016

ÇA FAISAIT DES BULLES …

... C'ÉTAIT RIGOLO.

Aux cimaises de ma galerie BD.

Aujourd'hui, suite de l'hommage à maître Gir, alias Giraud, alias Moebius, pour la création d'un personnage qui a marqué toutes ses années Pilote, un personnage incontournable, j'ai nommé Mike S. Donovan, alias Blueberry (traduit en français, ça donnerait Michel Myrtille). Et de même que Milou est inséparable de Tintin, Enak d'Alix, Jeanjean de Lefranc, Rasibus Zouzou de Bibi Fricotin, Puce de Zig, Pimprenelle de Nicolas, Pompon de Modeste, Libellule de Gil Jourdan, Flupke de Quick, Delafon de Jacob, Pancho de Jerry Spring, j'arrête là, de même on ne saurait parler de Blueberry sans évoquer ses deux compagnons qui, bon gré mal gré, le suivent dans tous les coups durs : le brave Red Neck (= cou rouge : "Américain d'origine modeste et ayant des idées réactionnaires et racistes", synonyme de plouc, dixit Larousse) et l'éponge à whisky, au visage joyeusement repoussant, Jimmy McClure (ci-dessous)

CHEVAL DE FER.jpg

Je ne vais pas retracer toute la trajectoire de Blueberry, ça serait terriblement ennuyeux. Juste poser quelques balises improvisées, subjectives et arbitraires. Son scénariste était Jean-Michel Charlier (si prolixe qu'on se demande où il allait chercher tout ça, et s'il prenait le temps de dormir), un compagnon de Goscinny à la tête de Pilote, qui a fourni des histoires à divers dessinateurs (Hubinon, Eddy Paape, Mitacq, ...).

Ces scénarios inventifs reposaient cependant sur des recettes un peu simples, faisant la part belle aux rebondissements forcés, toujours sur fond d'espions, traîtres et faux amis à gogo, ce qui donnait un air de ressemblance à toutes les histoires sorties de son imagination, qu'il s'agisse de l'US Air Force (Buck Danny), de l'aviation française (Tanguy et Laverdure), de la piraterie XVIII° (Barbe-Rouge), de scoutisme à l'ancienne (La Patrouille des castors, Ah, Le Mystère de Grosbois ! ...) ou d'apprenti grand reporter (Marc Dacier, Ah, ce tour du monde héroïque ! ...). A la longue, ça pouvait fatiguer.

PISTE DES SIOUX.jpg

Sitting Bull ("Taureau assis ne ment jamais !") vient de tuer Steelfinger (l'homme à la main d'acier) en combat singulier et apporte au rendez-vous avec le général Dodge la preuve que Blueberry n'est pour rien dans la disparition de la paie des ouvriers du chemin de fer. L'accusateur (veste rouge) ne va pas tarder à se faire démonter la mâchoire par le poing de Blueberry.

Petit lieutenant de cavalerie, Blueberry est affecté à Fort Navajo, à une époque où le cas des Indiens, dont les chefs s'appellent Taureau assis, Nuage rouge, Geronimo, etc., n'est pas encore définitivement "réglé", où la glorieuse cavalerie US (Ah, "She wore a yellow ribbon" ! Ah, la trilogie John Wayne de John Ford !) ne cesse de repousser vers l'ouest les frontières de la "civilisation" et, dans la foulée, de "nettoyer" le territoire de ses populations autochtones. Un méthodique "nettoyage ethnique". Dans un premier temps, le cavalier se soumet à ce grand projet, avant de retourner sa veste et de prendre le parti des Indiens, à force de côtoyer, rencontrer et connaître un peu mieux les "peaux-rouges", jusqu'à être baptisé par eux, après le pseudonyme "Nez cassé", du nom indien de "Tsi-Na-Pah", jusqu'à permettre à la tribu de Cochise d'échapper au rouleau compresseur militaire américain.

SPECTRE.jpg

La Mine de l'Allemand perdu et Le Spectre aux balles d'or racontent l'histoire d'une quintessence de crapule qui se fait appeler "Prosit Luckner". Il connaît l'endroit où se trouve une mine dans laquelle l'or abonde. Malin et sans scrupule, comme toute vraie crapule qui se respecte, il sème les cadavres derrière lui, ne voulant partager avec personne. On verra que le "spectre" s'appelle Werner Amadeus von Luckner et que son valet Gustav Hazel lui avait piqué son identité, après lui avoir flanqué sur la tête un coup qui la lui avait fait perdre. Il l'avait laissé pour mort en se promettant de revenir avec le matériel nécessaire au transport de l'or. Le méchant sera puni in extremis, même que c'est bien fait pour lui.

ARIZONA 1.jpg

Juste après cette histoire d'or, en vient une autre, mais au scénario autrement corsé. Charlier se surpasse, et parvient à tisser une histoire qui, de Chihahua Pearl à Le Bout de la piste, s'étale sur dix volumes, pas moins. Inutile de s'attarder sur les mille péripéties qui animent le récit. Le lieutenant aura mis plus de douze ans (1973-1986) à se faire réhabiliter, après des épreuves capables d'exterminer des régiments. Mais Blueberry résiste à tout, et semble même à l'épreuve des balles.

L'image coquine ci-dessus, tirée d'Arizona love (1990), qui vient juste après Le Bout de la piste, montre Blueberry et Chihuahua Pearl dans les meilleurs termes après une nuit torride. Charlier est mort en 1989, et Giraud, même s'il partage la page de titre avec lui, est sans doute pour beaucoup dans le texte et le scénario. Dans tout Blueberry, pas de femme nue, pas de grivoiserie, pas de gauloiserie avant la disparition du scénariste. Car Charlier, responsable dans une revue "pour la jeunesse", est retenu par une pudeur devenue comme une seconde nature , pour ne pas dire une pruderie. Il est vrai que la loi était stricte. Ici, sans Charlier, Blueberry s'émancipe et se dévergonde. On est tenté de dire : enfin, il était temps ! 

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Trois instantanés de la descente aux enfers de "Boum Boum" Landsky et de l'ingénieur Morgan. Ces deux sbires de l'infernal général Allister ont truffé la montagne d'explosifs au-dessus du tunnel où doit passer le train du général Grant. Mais, grâce à l'intrépide et rusé Blueberry, c'est sur un train vide que le tunnel s'effondre. Une fois à Ogden, le lieutenant sauve une dernière fois la vie de Grant, que menaçait l'immonde Allister, ce paranoïaque sans foi ni loi qui voulait profiter de l'occasion pour se faire nommer calife à la place du calife.

(Le Bout de la piste)

Car au début, même s'il s'avère un redoutable joueur de poker, c'est un timide pathologique avec les femmes. C'est dans je ne sais plus lequel des quatre premiers albums de la série que, ayant ramené au fort et sauvé un officier au péril de sa vie, Blueberry, encore très puceau, se voit gratifié d'une bise sur sa joue pas rasée par les douces lèvres de la fille de celui-ci. Tout effarouché et rougissant, il se retire de la compagnie en disant : « Excumez-zoi ! », ce à quoi le médecin réplique en rigolant : « Va mon garçon. Tu est tout excumé ». L'éditeur semble par la suite n'avoir plus compris la métathèse des consonnes, qu'il a "corrigée" dans les éditions ultérieures comme une vulgaire faute de français. Dommage, c'était rigolo. 

GERONIMO L'APACHE.jpg

Dans les cinq derniers albums ("Mister Blueberry"), Giraud est seul maître à bord. Le résultat est un chef d'œuvre scénaristique et graphique. L'auteur tisse en effet avec un précision chirurgicale deux histoires, réparties sur deux époques. D'une part le présent d'un Blueberry rendu à la vie civile, qui joue gros jeu à la table de poker, entouré d'une faune digne de ce que les saloons font de mieux en la matière, mais aussi de personnages ayant laissé un nom dans l'histoire (Wyatt Earp), pendant qu'un banquier véreux et deux familles dominées par une sorte de Ma Dalton préparent des coups de Trafalgar, à commencer par l'élimination du shérif Earp et de ses adjoints (cf. Règlement de comptes à OK Corral, qui se passe à Tombstone), tout en faisant retomber les soupçons sur les Indiens. D'autre part, Blueberry raconte son passé à un journaliste, venu de la côte est spécialement pour lui, son entrée dans l'armée, la découverte qu'il fait des Apaches, sa réaction devant les injustices dont les blancs se rendent coupables à leur égard. Ci-dessus, complètement imbibé de whisky, il corrige un officier supérieur. Son côté anar, sans doute.