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lundi, 25 mai 2015

DÉTAILS 4

Ferme l’ombre en sortant de toi.

Laisse dans l’insu

Le souvenir des pas.

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VU A LA CROIX-ROUSSE.

Sommité de la statue de Joseph Marie Jacquard, sur la place de la Croix-Rousse. 

Où l'on voit que Jacquard avait des pellicules.

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dimanche, 24 mai 2015

L'ASPECT DES CHOSES

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 Deux photos d'un même objet (juré-craché : à preuve le semis de piqûres qui remonte à partir de la gauche).

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samedi, 23 mai 2015

ÉCOLE À LA DÉRIVE : NATION NAUFRAGÉE

Je suis assez étonné par une des caractéristiques du débat sur la réforme du Collège. Le lecteur de journaux, l’auditeur, le téléspectateur se voient assener à répétition cette constatation brutale et péremptoire : « Le collège en France, par rapport à tous les voisins européens, est le plus inégalitaire ». Même si la réalité est incontestable (150.000 « déchets » par an, ce n'est pas mal du tout), la mise en avant de cet argument par les réformateurs, Hollande-Valls-Belkacem en tête, me semble pour le moins curieuse. 

Les tâches qui incombent à l’école deviennent de plus en plus écrasantes. Car il n’y a pas que l’ « inégalitaire » des « chances ». Il y a aussi l’ « inégalitaire » garçon-fille et la « reproduction » des « stéréotypes » de « genre ». Le premier réflexe de tous les importants qui causent dans le poste, face au moindre « problème de société », est de s’exclamer, scandalisés : « Mais enfin, que fait l’école ? ». Il faut que ce soit dit : si tout va si mal dans la société, c’est la faute de l’école. 

Comme si la barque n’était pas assez chargée, on exige encore de l’école qu’elle « éduque à la citoyenneté », qu’elle « enseigne la tolérance » et le « respect des différences ». Qu’elle devienne le centre névralgique de la « lutte contre l’antisémitisme », du « combat contre le racisme » et « contre l’islamophobie », de la « guerre au sexisme et à l’homophobie ». N’en jetez plus, la cour est pleine. 

C’est sûr, l’unanimité se fait autour d’un même appel, d’une même prière, d’un même espoir, d'une même invocation pathétique : c’est à l’école de sauver la société. C’est de l’école que la société attend désormais le salut. Comme si toute la vie de la collectivité émanait de cette essence suprême : l’Ecole (« républicaine » en général et si possible). 

Ma parole, ils sont tous tombés sur la tête. En vérité, les Hollande-Valls-Belkacem enfilent les mensonges et racontent toute l’histoire à l’envers. C’est la société qui fabrique l’école, et non le contraire. C'est pour se fabriquer elle-même, plus tard, on est bien d'accord, mais il reste que c'est la société qui veut l'école, et non l'inverse.

Les inégalités constatées dans le système éducatif sont un produit direct des inégalités visibles au sein de la société. Pour les corriger, il faut que la société commence par se corriger elle-même. L'école suivra. L’état de l’école reflète l’état de la société. Si elle est inefficace à produire de l’égalité, c’est que la société elle-même y a échoué. 

Si elle est tiraillée à hue et à dia, c’est que la société est elle-même profondément divisée, fragmentée, éclatée. Ecoutez donc, une seule fois, la demi-douzaine d’intervenants dans un débat sur le collège : pas deux pour mettre en avant la même priorité. C'est bien simple, un consensus national sur l'école est aujourd'hui hors de portée, inimaginable. Et personne n'a l'envergure et l'autorité pour imposer une solution viable, pragmatique et de bon sens.

En gros et de loin, on perçoit bien deux camps, mais irréconciliables : ceux pour qui l’école est d’abord le lieu de la transmission des savoirs à même de faire progresser la nation ; ceux pour qui elle est le lieu idéal pour égaliser les conditions sociales. Résumons : un conception nationale du système éducatif, frontalement opposée à une conception dogmatique, idéologique, voire politique. Ceux qui ont travaillé opiniâtrement à casser l'école française depuis quarante ans sont principalement des idéologues pleins de dogmatisme. Et ne parlons pas de tous ceux qui souffrent de pédagogite aiguë, et prêchent l' « enseigner autrement » et les « méthodes innovantes ». 

La société fabrique l’école qu’elle se donne les moyens de mériter, je ne sors pas de là. L’état actuel de l’école préfigure l’état futur de la société présente (le pronostic est donc sombre). L’école n’est pas une fin en soi : elle est un outil entre les mains de la société pour se façonner en vue de devenir ce que la société a projeté qu’elle voulait devenir.

Que veut la société française aujourd’hui ? Bien malin qui pourrait le dire. La France est-elle encore une nation parmi les nations ? Est-elle au contraire le phare des « valeurs », de l’égalité et des droits de l’homme ? Il y a fort à parier que, sans la première, le second est condamné à disparaître. Qui veut une nation forte, aujourd'hui, en France ? Même pas la Le Pen, malgré ses couinements de rat dans le gruyère.

Pas d’école sans projet d’avenir collectif. Je dirais même : sans projet d’avenir national. Mais la France est-elle en mesure de se projeter dans l’avenir ? Quel responsable politique est aujourd’hui capable de proposer une vision d’avenir ? Ils sont tous à se demander comment on pourrait colmater les brèches et les fissures dans la coque du navire (à noter que navire et avenir font anagramme). Une zizanie féroce oppose les membres de l'équipage. Pour varier l’image : ils sont tous à dénoncer « la France panier percé ». C'est bien connu : « La France n'a plus les moyens ».

Dans cette France idéologique et dogmatique, à cet égard, le fait de supprimer toute filière risquant de favoriser telle catégorie de la population, autrement dit la hantise obsessionnelle de l’élitisme, a quelque chose d’absolument dément. Toutes les « filières d’excellence » sont suspectes a priori de favoriser les favorisés. Et ce sont d’anciens excellents élèves qui les font passer à la trappe. 

Je signale à ce sujet que la suppression des classes bilangues et européennes aura un effet paradoxal au lycée de Wissembourg : je sais en effet de source sûre que les bons élèves qui y fréquentent ces sections pour passer un bac, entre autres, en allemand, sont souvent d’origine turque. Eh oui ! Le collège va produire de plus en plus de « déchets ». 

Si l'école en France ne va pas bien, c'est que la France va mal. Pourquoi voudriez-vous qu'il y ait une Ecole, quand il n'y a plus de Nation ? 

Voilà ce que je dis, moi. 

vendredi, 22 mai 2015

DÉTAILS 3

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jeudi, 21 mai 2015

DÉTAILS 2

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mercredi, 20 mai 2015

DÉTAILS 1

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mardi, 19 mai 2015

BOUCHONS

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Détails.

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lundi, 18 mai 2015

L'ASPECT DES CHOSES

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Détails.

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Vers la lumière,

quel que soit le moyen.

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dimanche, 17 mai 2015

ÉCLAT DU VERRE

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samedi, 16 mai 2015

IL Y A DU TOTALITAIRE ...

... DANS LA STATISTIQUE

Résumé : vous n'avez plus à vouloir, ni même à désirer. Grâce aux statistiques, il n'y a plus que des faits observables. Laissez-vous aller au mouvement dominant. La société dans son entier est une éprouvette sur la paillasse de chercheurs qui consignent en permanence en des écrits incontestables le fruit de leurs observations objectives.

En route pour la société scientifiquement établie. 

2/2 

Deuxième fonction de la statistique : établir des moyennes. Ah, les moyennes ! Quelle formidable trouvaille que la moyenne ! Votre enfant, avec 10 de moyenne, aura son bac. Et le plus fort, c’est que ça tranquillise les parents. On oublie de leur dire que dans le même temps, il est à 50 % des possibilités offertes par l’échelle des notes. Mais si grands sont les mystères de la "docimologie", n'est-ce pas ! ...

C’est pareil pour la température corporelle : vous mettez la tête dans l’azote liquide (- 273°C), les pieds dans la chaudière, vous arrivez à une température moyenne satisfaisante. Oui. Sauf que vous êtes mort. La statistique c’est ça. 

Pareil pour le pouvoir d’achat : chiffres à l’appui, l’INSEE va vous persuader – si, si ! – qu’il a augmenté. Ah, avec la même somme, vous en mettez moins dans le caddie ? Je veux pas le savoir : les chiffres le démontrent. Votre impression est donc fausse. Pareil pour le passage à l’euro : vous dites que les prix ont augmenté spectaculairement entre avant et après ? Encore une impression fausse. Ah, il faut autant d’euros qu’il vous fallait de francs pour acheter le pain ? Mais où avez-vous pris ça ? Impression fausse, je vous dis ! Faites confiance à la science des nombres et au savoir-faire des statisticiens, qui savent mieux que vous comment vous vivez. 

Etablir des nombres, des pourcentages et des moyennes pour tout, voilà qui nous amène à une autre fonction de la statistique : mettre en évidence des écarts. C’est très pratique : ça vous permet de vous situer, de vous comparer. De vous assigner une place. C'est quelqu'un d'anonyme qui vous dit qui vous êtes. La statistique a ceci d'étonnant qu'elle abolit la nécessité de la relation humaine interpersonnelle. C'est le bureaucrate qui confirme votre existence, et qui décrète de quoi elle est faite. 

Mais mine de rien, en produisant cet effet, la statistique en induit un autre : en faisant d’un chiffre, d’un pourcentage, d’une moyenne, la référence commune, la statistique fait disparaître la notion de différence, et la métamorphose, comme par un coup de baguette magique, en inégalité. Voilà : la statistique anéantit la différence et instaure le règne des inégalités (forcément pestilentielles et haïssables). Et qu'on ne me raconte pas qu'elle les « révèle ». 

Taux de postes à responsabilités occupés par des femmes, salaires comparés des hommes et des femmes, partage des tâches domestiques, taux de visibilité des minorités ethniques, religieuses ou sexuelles dans les médias audiovisuels, tout y passe. Ceux qui dénoncent l'intolérable de ces situations peuvent remercier les statistiques.

Féministes, musulmans, noirs, homosexuels, handicapés, tous les brimés, les discriminés, les stigmatisés peuvent, grâce aux chiffres scientifiquement établis, peuvent faire valoir à bon droit leurs « légitimes revendications », dans cette société si profondément et injustement « inégalitaire ». Paradoxal, vraiment, que cette "science" qui sert à globaliser, voire régenter la population, serve de base de travail aux « combats » des « minorités ». Sans la statistique, le féminisme serait réduit à néant ? Etonnant, non ?

Encore un autre effet du chiffrage systématique de tous les aspects de la vie : à combien de % êtes-vous « normal » ? La statistique vous le révèle, infaillible. Car elle transforme les espaces de vie en espaces normatifs : les statistiques servies à satiété comme n'importe quel bien de consommation courante, grâce au même effacement  des différences, produisent un conformisme fondé non plus sur des « codes sociaux », mais sur la crainte psychologique de trop s’écarter des normes chiffrées. Conformisme non plus de l’apparence, mais intériorisé au niveau de la fabrication du désir individuel. Plus besoin de désirer, plus besoin de vouloir. 

« Chiffres à l’appui », « les chiffres sont là » : quand un politicien, un journaliste, un militant de n’importe quelle cause veut prouver qu’il a raison, il a recours à la statistique qui va dans le bon sens : le sien. Car le chiffre impressionne, il intimide l’adversaire, il donne raison par avance. C’est un argument imparable. Son effet est dévastateur dans un débat public, comme Nicolas Sarkozy l’a abondamment prouvé, à la suite d’innombrables autres (« Le 1 % de croissance qui manque, j'irai le chercher avec les dents »). 

Je préfère de beaucoup ce que disait Winston Churchill de la chose : « Je ne crois jamais une statistique, à moins de l’avoir moi-même falsifiée ». Mark Twain, dans son autobiographie, disait la même chose un peu différemment : « Il y a trois sortes de mensonges : les mensonges, les maudits mensonges ["damned lies"] et les statistiques », en attribuant la phrase à Disraeli. 

Partant de là, il y a quelque chose d’effrayant à constater l’empire que les statistiques exercent sur les esprits en général, et celui des décideurs et responsables en particulier. Un peu comme si tout le monde consentait à l’imposture, et à construire ainsi une représentation fallacieuse de la réalité sociale. 

Disons un mot des sondages, qui ne sont qu’une extension, en infiniment plus fantaisiste, voire plus délirant, des statistiques, puisqu'ils reposent par principe sur l’extrapolation à une collectivité entière de résultats obtenus au sein d’un « échantillon représentatif » de la population.

J'aimerais bien, par exemple et au hasard, savoir quel « échantillon représentatif » de la population a été interrogé, au moment du débat sur le mariage homosexuel, pour aboutir aux mirifiques 63 % de la population approuvant cette extension brutale de la conjugalité. Quelle merveilleuse trouvaille que l’ « échantillon représentatif » (méthode des quotas ou autre) : un pas de plus vers la virtualisation des gens de chair et d’os devenus des abstractions. Pour les convaincre que ce qu'ils pensent n'est pas ce qu'ils croient penser. Et que de toute façon, c'est inéluctable, et que le mieux pour leur équilibre mental est de l'admettre. Un pas de plus en direction de l'intimidation par les chiffres et de la manipulation des esprits. 

Un moyen pour les comptables qui tiennent tous les leviers de commande de la vie collective (économie, politique, société, …) de transformer les humains concernés par leurs décisions en simples items dans des listes d’items. 

Vous avez dit « déshumanisation » ? 

Voilà ce que je dis, moi. 

vendredi, 15 mai 2015

IL Y A DU TOTALITAIRE ...

... DANS LA STATISTIQUE

1/2 

A quoi servent les statistiques ? Est-ce seulement ce merveilleux outil de connaissance, qui permet de mettre en lumière des aspects de la réalité inaccessibles à la simple perception individuelle ? Faits sociaux, situations politiques, données économiques, recherches scientifiques, les statistiques font partie intégrante de notre monde, dans tous les domaines qui concernent (de très près ou de très loin) notre vie quotidienne.

Non, elles ne sont pas seulement un outil de connaissance : elles sont aussi un outil de gouvernement. Un outil qui peut se révéler terrible à l'usage. Il en est d'ailleurs ainsi pour les sciences humaines : inutile sans doute de s'appesantir sur l'utilisation des avancées dans la connaissance du psychisme humain par la publicité, par la propagande et par toutes les techniques de manipulation mentale. Vous vous rendez compte : sans Sigmund Freud, pas de Scientologie. Pas d'agressions Coca-Cola par panneaux 4 m. x 3. Pas de surréalisme. « Que la vie serait belle en toute circonstance Si vous n'aviez tiré du néant ces jobards » (Tonton Georges a toujours raison).

Les statistiques sont donc entrées dans les mœurs. Il faudrait même dire : « Dans les têtes », tant chacun a désormais intériorisé la notion abstraite de « catégorie de la population », dans laquelle, à force de bourrage de crâne, il tend aujourd’hui à se ranger spontanément, sans qu’un seul flic lui en ait seulement intimé l’ordre. 

Qu’il le veuille ou non, chacun a désormais une connaissance statistique de lui-même. Chacun est prié de s'éprouver non plus à partir de ses confrontations concrètes à des réalités contondantes ou suaves, mais par le médium infaillible des chiffres élaborés par des experts dont la science le dépasse de trop loin. Chacun est prié d'acquérir une connaissance objective de lui-même. Les statistiques portent le négationnisme de la subjectivité. C'est en cela qu'elles sont porteuses du germe totalitaire.

Chaque jour, journalistes, économistes, politiciens, « experts » et « spécialistes » produisent à qui mieux-mieux, à destination de tous les individus, l’inépuisable spectacle des statistiques dans le fatras desquelles tous ces "sachants" leur intiment l’ordre de trouver leur place. Les statistiques sont la nouvelle figure de la « collectivité », de la « société ». Si ça se trouve, vous appartenez à des catégories dont vous ne soupçonnez même pas l'existence. On vous définit sans vous demander votre avis. On vous assigne une identité dont vous n'avez nulle idée.

La statistique est par nature l’action de compartimenter les comportements humains en les rangeant successivement dans toutes sortes de cases soigneusement étiquetées en un nombre incalculable de catégories abstraites. La statistique a quelque chose à voir avec la dissection : il s’agit de segmenter un corps pour en étudier de plus près chacun des segments. 

Evidemment, comme dans toute dissection, on n’étudie valablement que quelque chose qui fut vivant, mais qui ne l’est plus. Sinon, ça s’appelle un supplice. Premier effet des statistiques : elles font de populations de chair, d’os et d’existences concrètes des abstractions pures et simples. Autrement dit, une population statistique est une humanité chiffrée, comme l’énonce clairement le titre d’Alain Supiot, sur le blog de Paul Jorion : La Gouvernance par les nombres. L’humanité accède enfin à l’existence numérique, seule collectivité sociale aux yeux du statisticien. 

Définitions : « 1 – Etude méthodique des faits sociaux, par des procédés numériques (classements, dénombrements, inventaires chiffrés, recensements, tableaux …). 2 – Ensemble de techniques d’interprétation mathématique appliquées à des phénomènes pour lesquels une étude exhaustive de tous les facteurs est impossible, à cause de leur grand nombre ou de leur complexité ». 

Historique : « Statistique : n. f. et adj. est un emprunt (1771 selon F. e. w.) au latin moderne statisticus "relatif à l’Etat" (1672), formé à partir de l’italien "statistica" (1663), dérivé de "statista" (homme d’Etat), lui-même de "stato", du latin classique "status" ». 

La statistique établit donc des catégories. Ça a des aspects éventuellement rigolos : on peut être « contribuable » et « automobiliste », « électeur » et « pêcheur à la ligne » (on peut s'amuser longtemps à juxtaposer les carpes et les lapins) ; on est rangé par sexe, par appartenance professionnelle, par âge, par situation géographique, que sais-je. On n’en finirait pas. Ce sont les « critères ». Le résultat de tout ça, c’est qu’on a fini par réaliser ce que Voltaire dit de l’homme vu par Micromégas : un amas d’atomes. Voilà, la statistique atomise l’humanité : vous appartenez sans le savoir à mille huit cent quatre-vingt-douze catégories de la population suivant le critère qui est retenu contre vous. 

Première fonction selon moi de la statistique : quantifier à l'infini en subdivisant à l'infini. Etablir des nombres. La statistique instaure le règne des comptables sur le corps social et réduit la vie sociale à une gestion bureaucratique. Elle établit une dichotomie rigoureuse entre sujet et objet, étant entendu que, pour le statisticien, personne n'est une personne, vu qu'il n'y a que des objets.  

Elle vous apprend qu’au 1er janvier 2015, la France comptait 32.126.316 hommes et 34.191.678 femmes. Soit dit en passant, on voit que la statistique établit clairement que la génétique se moque éperdument de la parité entre les sexes et de l'égalité hommes-femmes. 

On en pense ce qu'on veut. 

Voilà ce que je dis, moi.

jeudi, 14 mai 2015

LE GÉNIE DE LA LUMIÈRE

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mercredi, 13 mai 2015

VU A LA CROIX-ROUSSE

 

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Réforme du collège : tout le monde s'étripe. Nivellement par le bas contre souci d'équité. Je n'entre plus dans le débat : trop de mal a été fait au système éducatif français depuis quarante ans. 1975 : réforme Haby, le collège unique, je ne veux voir qu'une tête, et surtout pas une qui dépasse. On a continué avec la réforme Legrand : classes indifférenciées contre pédagogie différenciée (il fallait à tout prix « enseigner autrement »). Tout comme ça, ça n'a pas arrêté. A force de faire bouger l'édifice, celui-ci a tremblé sur ses bases, les murs se sont lézardés, le logement a été peu à peu rendu inhabitable. 

On n'a pas cessé de réformer l'école, réacs élitistes de droite contre progressistes égalitaristes de gauche. Le résultat ? Un manteau d'Arlequin, des tranches napolitaines. On dirait que chaque secteur de l'éducation (école, collège, lycée, supérieur) s'est autonomisé et mis à fonctionner pour lui-même.

Le résultat ? Ce qui était une succession d'étapes le long d'un processus continu est devenu un ver de terre tronçonné, dont chaque morceau ignore superbement les autres. Ce qui a disparu du système éducatif français, c'est la continuité nécessaire du processus que constitue l'instruction publique.

Et je ne parle pas du massacre accompli contre les filières techniques et professionnelles : demandons-nous pour quelle raison mystérieuse les entreprises artisanales en France ont toutes les peines du monde à trouver des personnes qualifiées à embaucher.

Qu'est-ce que l'école, finalement ? Voici la conception que j'aimerais partager : l'école, c'est l'effort accompli par une société, par une nation, pour s'élever parmi les sociétés, parmi les nations. Les performances d'une école dépendent de l'ambition (du « projet », de l' « objectif ») de toute une société, de toute une nation. C'est peut-être là précisément que le bât blesse. Qui voit encore la France en perspective, derrière l'école ?

Voilà ce que je dis, moi.

Note : Je ne suis pas le seul à le dire, et à l'écrire (on peut cliquer pour s'en assurer). Je me sens de moins en moins seul

 

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mardi, 12 mai 2015

FOULE ESCLAVE, DEBOUT !

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Détail de surface vitrée.

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CONCESSION A L'ACTUALITÉ

Le chef de bureau (capitaine de pédalo n'était pas mal non plus) qui nous gouverne adore inscrire dès qu'il le peut son nom au fronton des temples symboliques où se pressent les foules prosternées devant les idoles actuelles pour rendre un culte dévotieux à ces modernes créatures de la propagande forcenée mise en oeuvre par « L'Empire du Bien ». M. François Hollande a donc accompli un « devoir de mémoire », en inaugurant un majestueux monument en souvenir des victimes de la traite négrière.

L'esclavage, ah, mesdames, voilà du bon fromage au lait qui vient du pays de celui qui l'a fait (chanson d'autrefois). Il est sûrement très beau, très majestueux, très grandiose, le mémorial de l'esclavage (Mémorial ACTe, texto), quelque part dans les îles caribéennes. Je veux croire que c'est une simple coïncidence, si un livre de 2002 vient d'être opportunément réédité : L'Esclavage expliqué à ma fille, de Christiane Taubira. La dame a sur la question un point de vue pour le moins sélectif, pour ne pas dire restrictif.

Nous sommes d'accord : l'esclavage est une honte. La preuve, c'est que personne ne se vante aujourd'hui d'avoir des esclaves, quand il en a. Quand on en trouve, par exemple en France (« esclavage domestique »), les gens font profil bas. Ils sont même condamnés par les juges quand on arrive à prouver les faits. 

Sans parler de l'Antiquité grecque et romaine, il y a eu depuis mille cinq cents ans, aux dépens de l'Afrique, trois esclavages successifs. 

1 - L' « esclavage africain » : noirs asservissant d'autres noirs vaincus dans des guerres "tribales". Celui-ci n'a jamais cessé et dure toujours (Niger, Mauritanie, ...). Les témoignages et reportages ne manquent pas.

2 - L' « esclavage islamique » : ce furent les Ottomans qui, à partir du 14ème siècle, allèrent, en direction des pays chrétiens (Europe orientale, Balkans), s'emparer militairement des jeunes garçons pour en faire des "janissaires", des cuisiniers, etc., au service de la "Sublime Porte". Jusqu'à ce que le Sultan d'alors décide de les exterminer pour les empêcher de lui disputer le pouvoir.

Mais les Arabes avaient depuis fort longtemps monté des expéditions guerrières à partir de la péninsule arabique et de l'Egypte à travers le désert pour aller s'approvisionner en humains dans les populations noires. Ils suivaient en particulier la « Piste des quarante jours », qui s'est constamment montrée beaucoup plus meurtrière que n'importe quelle traversée de l'Atlantique par un navire négrier. Cette traite a duré sept siècles (et bien davantage).

Aujourd'hui, ce ne sont plus des noirs, mais des Philippins, des Népalais et autres que les royaumes, émirats ou sultanats font venir pour leur faire subir un traitement qui n'a pas grand-chose à envier à l'esclavage (chantiers au Qatar en vue de la Coupe de 2022).

3 - L' « esclavage atlantique », le plus célèbre, le plus dénoncé, le plus reconnu. Il a été prospère pendant deux siècles. Voir la BD de François Bourgeon Les Passagers du vent (à partir du tome 3). 

Aucune de ces formes ne peut évidemment trouver quelque justification que ce soit. Mais à entendre, sur France Culture la semaine dernière, madame Taubira vociférer, dire sa haine (c'est elle qui prononce le mot), vomir son Niagara d'imprécations contre les sales occidentaux esclavagistes, l'auditeur pourrait croire que l'esclavage, sous sa forme "africaine" ou "islamique", est de la roupie de sansonnet.

Une simple anomalie sans conséquence. Presque pardonnable. Il faut l'avoir entendue réduire au silence tous les participants de l'émission, à commencer par l'animateur. Quand elle est là, c'est elle qui commande. C'est elle qui tient le crachoir. Elle a une revanche à prendre. Elle a quelque chose à venger.

On dirait que seul l'esclavage atlantique constitue un crime contre l'humanité. Madame Taubira est aussi culottée que Nicolas Sarkozy pour tirer la couverture à soi, mais en plus violent. Pour ne prendre de la vérité que ce qu'elle peut mettre au seul service de ses objectifs et de ses intérêts. Impunément. Arrogance et intimidation en sont les procédés. Et cette dame est ministre de la justice de la république française ! Pour faire la leçon à la république française, et non plus parler au nom de la RF. Quelque chose a dû m'échapper. Qui donc l'a autorisée à cracher sur la république qu'elle est censée représenter ? Devinez. 

Ne parlons pas de la "traite africaine" (les noirs n'aiment pas les noirs, voir les conflits entre Nuers et Dinkas, Hutus et Tutsis, etc.). Les différences entre la "traite islamique" et la "traite atlantique" sont de deux ordres :

a) Les Arabes montaient des expéditions militaires pour capturer au loin les hommes et les femmes dont ils avaient besoin. Les Européens se contentaient d'acheter les esclaves à des potentats locaux, en leur laissant le soin de les leur procurer. Les Arabes sont des guerriers, les Européens des commerçants. M'enfin, les rôles sont interchangeables ou complémentaires.

b) Les esclaves emmenés aux Amériques par les Européens le restaient toute leur vie et leurs enfants héritaient du statut, alors que les Arabes affranchissaient les leurs après une vie de bons et loyaux services, même si la discrimination ne cessait pas pour autant. 

Je rappellerai juste à la haineuse madame Taubira que, si l'esclavage a été aboli, ce n'est par personne d'autre que les Européens, disons les Occidentaux. Que, s'il existe des lois qui répriment l'esclavage, on les trouve en France et autres pays "évolués".  Et accessoirement, que ce sont les pays occidentaux qui ont aboli la peine de mort (à de notables exceptions près). C'est l'Occident, après tout, qui a inventé le Progrès (pas ce qu'il a fait de mieux, peut-être).

L'Occident est tout sauf innocent, mais sait parfois corriger ses fautes. Oui, ça arrive. L'abolition de l'esclavage en est peut-être l'exemple le plus flagrant. Vous êtes priée de ne pas l'oublier, madame Taubira : la raison et la république voudraient que vous laissiez là votre discours de haine.

Montrez, dites que vous aimez la France, madame Taubira. Que vous aimez la république que vous êtes supposée incarner. Faites-nous entendre que vous êtes une Française de cœur.

Si vous le pouvez.

Voilà ce que je dis, moi.

 

Note : Le choix du titre de ce billet (un fragment de vers du poème d'Eugène Pottier connu dans sa version musicale sous le titre L'Internationale) ne saurait être fortuit.  

lundi, 11 mai 2015

LE DERNIER FRED VARGAS

VARGAS TEMPS GLACIAIRES.jpgNote liminaire : je n'avais pas prévu que Le Masque et la plume inscrirait à son programme du 10 mai le dernier livre de Fred Vargas (ceci dit pour ceux qui ont écouté France Inter hier soir). Sur la chose, le modeste (et néanmoins péremptoire) commentaire qui suit était déjà entièrement écrit. 

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Je pensais avoir délaissé le polar pour toujours. Quelqu’un m’a incité, dernièrement, à lire Adieu Lili Marleen, de Christian Roux (Rivages / Thriller, 2015). Désolé, je n’ai pas pu. Cette histoire de pianiste embarqué dans les sales histoires, ça m’est vite tombé des mains. J’ai renoncé. Peut-ROUX CHRISTIAN.jpgêtre à tort, je ne saurai pas, j'accepte l'idée. 

L’argument avancé, le miel qui devait attirer l’ours hors de sa tanière, était pourtant alléchant : la musique, et pas n'importe laquelle. Avec des têtes de chapitres du genre interpellant. Pensez : « Opus 111 ». Mieux encore : « Muss es sein ? – Es muss sein ». Vous vous rendez compte ? Mais si, rappelez-vous : la dernière sonate (op. 111 en ut mineur, 1824) et la dernière œuvre (quatuor op. 135 en fa majeur, composé en 1826) écrites par Ludwig van ! De quoi tilter, évidemment, si le mot a encore un sens aujourd’hui. Ben non, je n’ai pas pu. 

Mais le quelqu’un en question y est allé plus fort ensuite. Elle est têtue : revenant d’une visite au festival « Quais du polar », qui s’est tenu à Lyon récemment, elle m’a offert le dernier Fred Vargas : Temps glaciaires (Flammarion, 2015). C’est connu : « A cheval donné, on ne regarde pas les dents », tout le monde sait ça.

De Vargas, j'avais déjà lu Pars vite et reviens tard (avec sa fin en pirouette décevante), Sous les vents de Neptune (avec son criminel grandiose qui s'échappe à la fin), Un Lieu incertain (avec son ostéopathe et son évocation originale de Dante Gabriel Rossetti), L'Homme à l'envers (avec son Canadien obsédé par les loups du Mercantour). Des polars corrects qui m'ont laissé des souvenirs assez bons. Pas des chefs d'œuvre, mais. J’ai donc ouvert le livre. 

J’ai failli le refermer vite fait. Pour une raison très simple, la même qui m’a fait refermer à toute vitesse Alexandre Dumas, quand j’ai voulu relire dernièrement Les Trois Mousquetaires : le tirage à la ligne. Le moyen est simple : quand vous êtes payé à la ligne, allez à la ligne au bout de trois mots. Les dialogues sont faits pour ça.

Vous organisez une bonne partie de ping-pong verbal entre plusieurs personnages, et vous voilà parti pour un volume épais comme un Bottin de l'ancien temps. C’est flatteur pour vous : vous avez lu cent pages en un temps record. Ici, les personnages ne manquent pas, c'est la brigade que commande le commissaire Adamsberg. A chacun son caractère, et toujours « le petit fait vrai ». C'est merveilleusement interactif. Donc ça permet d'allonger la sauce.

Malheureusement, ça sent le procédé à cent kilomètres. Pourtant, je n’ai pas lâché. A cause d’une circonstance particulière : le livre parle d’Akureyri. Alors là, vaincu, je me suis senti obligé. Je dois quand même dire que si mes chers J. et S. n’étaient pas allés traîner leurs guêtres par là-bas pour guetter les aurores boréales, le nom de la ville serait resté pour moi une suite de sons un peu exotique. Rien de plus. J'aurais laissé tomber.

AKUREYRI TIMBRE.jpg

Timbre portant le cachet de la poste d'Akureyri.

 

Or il est bel et bien question de l’Islande, dans le roman de Fred Vargas, et de sa région nord : Akureyri, au fond de son fjord, l’île de Grimsey, sur le cercle polaire arctique (66° 66’). Il est question du village de Kirkjubæjarklaustur (ouf !), où est né Almar. Il est aussi question du tölvar, « la sorcière qui compte ». Le tölvar n’est rien d’autre que l’ordinateur, en islandais.

Il est encore question d’un esprit dangereux et impérieux qu’on nomme l’afturganga, qui lance des appels irrésistibles à certains, même très éloignés, et qui châtie à coups de brume absolument impénétrable ceux qui s’attardent chez lui sans son accord. Rögnvar : « L'afturganga ne convoque jamais en vain. Et son offrande conduit toujours sur un chemin » (p. 406). A bon entendeur, salut ! C'est la majestueuse et puissante Retancourt qui sauve in extremis l'équipe et l'enquête. Rögnvar avait raison.

ISLANDE 3 SATELLITE.jpg

Voilà. Je ne vais pas résumer l’intrigue. Je dois avouer qu’elle est surprenante. En refermant le bouquin, j’ai envie de dire à madame Vargas : « Bien joué ! ». Il est vrai qu’il faut passer par-dessus l’horripilation produite par le choix du mode de relation des faits (le dialogue). La lecture épouse de l'intérieur toutes les circonvolutions cérébrales de l'équipe, les hésitations, conflits plus ou moins larvés entre ses membres, retours en arrière des personnages réunis autour d'Adamsberg. Disons-le : ça peut lasser, si l'on n'est pas prévenu. 

L’avantage de l’inconvénient de ce choix narratif, c’est la maîtrise totale du rythme du récit par l’écrivain. Et c’est vrai que ça commence plan-plan, et même que ça se traîne au début. Et puis, insensiblement, ça accélère, ça devient fiévreux, un coup de barre à bâbord, puis à tribord, le vent forcit, la mer se creuse, et ça finit dans les coups de vent et la tempête. Va pour le dialogue, en fin de compte. Je ne suis quand même pas sûr que cette façon d'installer un "climat" soit absolument nécessaire.

A mentionner, le passage par une improbable association d’amoureux de la Révolution française en général et de Robespierre en particulier, qui s’ingénient, à dates fixes, à rejouer les grandes séances des Assemblées, depuis la Constituante jusqu’à la Convention. En perruque et costume, s’il vous plaît. Beaucoup d’adhérents, comme s’ils revivaient les passions de l’époque, se laissent emporter par l’exaltation historique. C’est assez impressionnant. Mettons : original.

Au sujet du bouquin, j’avais lu dans un Monde des Livres un commentaire condescendant d’Eric Chevillard, écrivain de petite renommée hébergé par les Editions de Minuit. J’imagine que dire du mal de la production de Fred Vargas n’est pas un enjeu majeur dans le microcosme littéraire parisien, et que Chevillard ne risque pas grand-chose à flinguer sa consœur. Passons. Quoi qu’il en soit, je sais gré à la dame de s’y être prise assez adroitement pour m’amener à m’intéresser à l’histoire, jusqu’à me permettre de surmonter ma répugnance à affronter tant de parlotes. 

Tout juste ai-je noté quelques préciosités de vocabulaire (« alenti », p. 126 ; « étrécies », p. 203) ; quelques bourdes grammaticales ici ou là (« et celle de François Château qui, oui, lui semblait-il, le reconnaissait », au lieu manifestement de « qu’il reconnaissait », p. 193 ; « substituer » au lieu de « subsister », p. 221). Une étourderie scientifique : que je sache, le manchot empereur n'a rien à voir avec les « oiseaux nordiques » (p. 192).  Rien de bien grave, comme on voit. Dernière précision : je n'ai jamais vu, dans aucun polar, mettre en œuvre une fausse piste aussi énorme.

Je finirai sur une préoccupation du moment. Manuel Valls, premier ministre, et Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, en plein débat sur la « loi renseignement », ne désavoueraient certainement pas cette parole de Robespierre rapportée p. 331 : « Je dis que quiconque tremble en ce moment est coupable ; car jamais l’innocence ne redoute la surveillance publique ». Robespierre était pour la transparence totale des individus.

Ça fait froid dans le dos, quand on y réfléchit un peu : quand on est innocent, on n'a rien à craindre des intrusions policières. Ça pourrait même faire un argument pour Valls et Cazeneuve : ceux qui protestent contre la « loi renseignement », c'est parce qu'ils sont coupables. Valls + Cazeneuve (+ Hollande) = Robespierre. Drôle d'équation, non ?

Avis à tous les "innocents" qui raisonnent en se disant : « Oh, moi, du moment que je n'ai rien à me reprocher, ils peuvent bien faire ce qu'ils veulent ». En ces temps d'espionnage généralisé et de collecte intégrale des données personnelles, la phrase de Robespierre est d’actualité ou je ne m’y connais pas. 

Ne pas oublier que la période où "l'Incorruptible" dominait porte encore le nom de Terreur. Heureusement, il y eut le 9 thermidor an II (27 juillet 1794). Avis aux actuels adeptes de la « surveillance publique ». 

Voilà ce que je dis, moi. 

 

MP5.jpgNote : le sanglier visible sur la couverture est un vrai personnage. Il s'appelle Marc. Il protège Céleste. Il a une hure douce comme un bec de canard. Il est à deux doigts d'y passer, à coups de rafales de MP5 (ci-contre) (cliquez pour 1'48"). On est content qu'il survive. Même si les infirmiers ne sont pas contents. Un sanglier à l'hôpital ? Vous n'y pensez pas !!!

dimanche, 10 mai 2015

LES MECS, C'EST TOUS DES CONS !

I - 1 - Je ne sais plus pour quelle banque est faite cette publicité (France Inter), où l’on entend un fils faire la leçon à son père, juste parce qu’il n’est pas assez malin pour s’être rendu client, avec armes et bagages, de cette même banque. Le père croit que son fils lui manque de respect et le prend pour un vieux con, et quand il comprend l’histoire de la banque, il s’exclame soulagé : « Ah, j’aime mieux ça ». On comprend le message : les hommes sont lourds, épais, lents à la comprenette.

2 - Je ne sais plus pour quelle compagnie d’assurance-retraite est cette publicité (France Inter), où une femme tanne son mari pour qu’il s’abonne ici plutôt que là, et le pauvre mec, qui ne sait plus où il a mis les papiers, quand elle lui dit qu’on ne trouve les documents que « sur son "espace personnel" », en ligne, il se justifie pauvrement : « Ah, tu vois bien que j’oublie pas tout ». On comprend le message : les femmes sont subtiles et à la page. Les hommes ? Des benêts, des balourds, des empotés, des étourdis.

3 - Toujours sur France Inter, au moment de Pâques, publicité pour des chocolats. Pépé raconte au gamin l’histoire des cloches. « Mais non pépé, c’est pas ça l’histoire ». Suit le nom de la marque : « Et en plus c’est toi qui vas courir » (au magasin, évidemment). On comprend le verdict : les hommes sont des dinosaures, et les enfants leur font la leçon. Au passage, on entend aussi  le cri de guerre : à la poubelle les traditions et les histoires d'autrefois.

Synthèse : Il y en a d’autres, des publicités qui présentent les hommes comme des couennes, des nouilles, des buses. L’air du temps est imprégné. C’est très à la mode, le « male-bashing » (les mâles méritent une bonne dérouillée ; « male / female », l'anglais n'a pas de nos petites pudeurs langagières, je m'engouffre dans la brèche). Qu'est-ce que nous prenons, mes frères ! Si la publicité véhicule ces clichés, c'est que le "créneau" est "porteur". Je veux dire : la société est réceptive. Demandeuse.

II - Et en plus, quand ils ne sont pas plombés du bulbe, les hommes sont d'immondes salauds. Le 5 mai, Libération fait sa « H-une » sur le thème du harcèlement des journalistes femelles par les politiciens mâles. Il paraît qu’on appelle ça « sexisme ». Il paraît que le sexisme, eh bien c'est pas bien du tout ! C'est même très vilain. « La morale de cette histoire, C'est que les hommes sont des cochons ». Des cochons sexistes !

C’est  Libération qui le dit, dans un dossier de cinq pages complètes (mais avec photos grand format) ! Si j'ai bien compris, le sexisme, ça consiste à considérer les personnes de l'autre sexe comme étant de l'autre sexe. Dites-moi si je me trompe. Soit dit en passant, les féministes les plus enragées contre « l'ordre masculin » ne se privent pas de manifester un sexisme à l'état aigu. Il va de soi que ce sexisme-là est sanctifié. Il y a le sexisme HDL et le sexisme LDL. Le sexisme, c'est comme le cholestérol : il y a le bon et le mauvais.

Faut-il être un mâle niais, arriéré, demeuré (pléonasmes aux yeux de certaines) pour adhérer au mauvais sexisme ! Soyons modernes, nous clame la clameur. Etonnamment, le Manifeste des 40 journalistes femelles prend soin de préciser que c'est Françoise Giroud qui a inventé LA "Journaliste Politique", mieux à même, selon elle, de tirer les vers du nez de ces mâles qui font carrière en politique, grâce à son charme et aux efforts qu'elle fera pour soigner son apparence. Il fallait appâter le poisson.

C'est donc Giroud qui a inventé l'argument de la séduction dans les rapports entre journalistes et personnel politique (plusieurs de ces rencontres ont fini devant monsieur le maire - ou plus directement dans un lit). Moi je dis : qui s'y frotte s'y pique. Moi je dis : fallait pas y aller ! Car cette incitation à développer « ad libido » (pardon) tous les moyens de valoriser leur féminité ne les empêche pas aujourd'hui de hurler : 

2015 5 mai.jpg

Le gros titre en une de Libé, le 5 mai.

Autrement dit, elles sortent la matraque du policier, parce que  le truc de la séduction est d'une merveilleuse efficacité. Autrement dit : on veut le beurre (professionnel, journaliste, si possible un scoop qui rapporte gros, dont la célèbre « petite phrase » est le modèle de base sacramentel) et l'argent du beurre (le mec, j'en fais ce que je veux, c'est moi qui commande). On fait les coquettes. On joue les Célimène, mais des Célimène punitives.

Pauvres hommes politiques : un certain Tantale, dans un mythe célèbre, avait connu pareil supplice. Avouez qu'il y a du sadisme dans l'attitude féminine. Avec cette histoire de devenir des appâts en faisant miroiter leurs appas, tout en refusant les effets totalement prévisibles de leur manège (c'est même fait pour ça), les femmes journalistes gagnent sur les deux tableaux. 

Très fort, très habile, très à la mode, et très pervers, en ces temps policiers : tout prendre sans rien donner. C'est peut-être ça, l'avant-garde du « combat pour les femmes » : se servir du désir masculin pour arriver à ses fins. Sauf qu'utiliser son corps pour gagner sa vie professionnellement, ça porte un nom, sur les trottoirs.

Je signalerai juste qu'une prostituée de métier, elle, paie vraiment de sa personne.  Et qu'il y a des chances pour que ce soient les mêmes effarouchées à la vertu outragée qui veulent, légalement, « pénaliser le client » et « éradiquer la prostitution ». Mot d'ordre et horizon de la démarche : chasser du corps du mâle le démon de la nature humaine (cf. L'Exorciste). On me dira qu'il n'y a pas de nature humaine. Moi je dis : ben si !

A ce propos, Caroline Eliacheff, le mercredi 29 avril, commençait sa chronique sur France Culture par une dénonciation du harcèlement sexuel : « 100 % des femmes ont été harcelées dans les transports en commun ». Je m’attendais déjà au pire. Caroline Eliacheff m’a très vite rassuré : bien qu’elle soit « présentable » (mon copain Yves dit : « Pas fatigante à regarder » ; mon collègue Alain, lui, disait plus subtilement : « Elle est "gentille" »), elle affirme n’avoir jamais été « harcelée ». J’aime mieux ça. C’est une femme raisonnable. 

Tout repose en effet sur la définition du mot « harcèlement ». Pour les féministes, le harcèlement commence, semble-t-il, au moment où un homme regarde une femme et lui fait comprendre qu’il la trouve jolie. C'est souvent primaire, reconnaissons-le. Mais que cela soit bien entendu, une fois pour toutes : c’est intolérable. Le gonze qui manifeste un intérêt pour une gonzesse, c’est un « lourd ». Un « macho ». Bref : un agresseur, qui a le tort de ne pas se crever les yeux au passage d’une jolie femme. Brassens est plus normal. Disons plus humain : « Mais faut dire que je m'étais crevé les yeux En regardant de trop près son corsage ».

Qu'on se le dise : de nos jours, le regard d'un homme sur une femme qui passe devant lui est en soi un agression, tout simplement. Pas pour toutes les femmes cependant : Libération du 6 mai mentionne, avec des pincettes et en se bouchant le nez (on est "degôche", n'est-ce pas), l'incongruité que constitue Sophie de Menthon (ci-dessous).

2015 6 MAI.jpg

Qui est choqué ? Qui la dame a-t-elle fait hurler ? Devinez.

 

Ah, on me susurre que la main accompagne souvent le regard ? On va dire que l’homme est un primate (ce qu’il est, en toute vérité zoologique, comme la femme), un rustaud, un mal-dégrossi, à équidistance du singe, du "Crétin des Alpes" et du paysan du Danube. Tout ça pour dire que c'est un anormal. Je ne crois pas me tromper beaucoup en voyant la Correctionnelle pas loin derrière. L’ « envie de pénal » a encore frappé. Reviens, Philippe Muray ! 

CRETIN DES ALPES.jpg

Le "Crétin des Alpes".

Balzac en parle dans Le Médecin de campagne. Le docteur Bénassis s'en tire avec une déportation en bonne et due forme. Les féministes pourraient s'en inspirer, non ? Qu'est-ce qu'elles attendent ?

 

Selon la Publicité et les Féministes, l’air du temps est catégorique.

Au choix : les mecs sont des cons, ou bien des salauds. 

Et pourquoi pas les deux ? Façon "cumul des mandats" ? Ça aurait au moins un petit air "socialiste", non ?

Voilà ce que je dis, moi. 

samedi, 09 mai 2015

L'HOMME EST APPROXIMATIF

poésie,littérature,tristan tzara,dada,surréalisme,dadaïsme

Est-ce ainsi que Pierre Reverdy envisageait ses "Flaques de verre" ?

A moins que ce ne soit qu'un grain de café presque transparent.

(Murakami Ryu a écrit l'allumé halluciné Bleu presque transparent.)

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Je n’ai jamais pu me dépêtrer de L’Homme approximatif. Cette œuvre de Tristan Tzara (qui a bien connu Pierre Reverdy), qui n'a pas arrêté de me courir après depuis des millénaires, m’a convaincu que, quand on est poète, on ne saurait se résumer au croupion d'un quelconque Mouvement Dada, ou au squelette d'une vulgaire Révolution Surréaliste. Et qu'il y a de la chair, et de la bonne, sur les os de cette volaille : c'est du corpulent.

Que l’homme ne sait jamais ce dont il est porteur quand il fait. Qu’il n’est jamais ce qu’il croit être. Qu'il est une flèche lancée par l'arc d'il ne saura jamais qui. Que la trajectoire humaine n'est jamais une ligne droite. Que ce qu’il est dépasse (je n’ose pas dire "transcende") de loin l’image qu'il s'est faite de ce qu'il doit être. Quand le poète est en état de produire cet effet, il dégage un puissant souffle de vérité. Ici, il me dépasse.

TZARA L'HOMME APPROXIMATIF.jpg

 

 L’Homme approximatif me colle à la peau. Tenez ce petit fragment :

 

« frileux avenir – lent à venir

un écumant sursaut m’a mis sur ta trace de regard là-haut où tout n’est que pierre et nappe de temps voisin des crêtes argileuses où les jamais s’enflent sous robe d’allusion

je chante l’incalculable aumône d’amertume

qu’un ciel de pierre nous jette – nourriture de honte et de râle –

en nous rit l’abîme

que nulle mesure n’entame

que nulle voix ne s’aventure à éclairer

insaisissable se tend son réseau de risque et d’orgueil

là où l’on n’en peut plus

où se perd le règne du silence plat pulsation de la nuit ainsi se rangent les jours au nombre des désinvoltures et les sommeils qui vivent aux crochets du jour sous leur joug

jour après jour se rongent la queue et dansent autour et là-haut là-haut tout n’est que pierre et danse autour »

 

Rien que le titre du livre est un chef d’œuvre. 

Voilà ce que je dis, moi. 

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Babioles :

Elections législatives en Grande-Bretagne.

Une fois de plus, prosternons-nous devant l'infaillibilité Royale et Scientifique de leurs Majestés et de leurs Excellences les Sondages d'Opinion.

vendredi, 08 mai 2015

COCAÏNE ÜBER ALLES !

SAVIANO 2014 EXTRA PURE.jpgPetit florilège de propos tenus par Roberto Saviano dans Extra pure (Gallimard, 2014). 

Il tissa des liens avec certains parrains de Guadalajara, obtint le contrôle des aéroports et des pistes clandestines, corrompit José de Jesús Gutiérrez Rebollo, chef de l’Institut national pour la lutte contre la drogue qui, avec ses hommes, devint son bras armé, profitant de son solide réseau d’informateurs pour faire place nette des ennemis et des concurrents en échange de pots-de-vin de millionnaires. (p. 67) 

***

La photo du corps de Barbas circule sur Internet : son pantalon est baissé afin qu’on voie son slip, et son tee-shirt remonté laisse apparaître un torse nu couvert d’amulettes et de billets de banque, pesos et dollars. C’est l’humiliation finale de l’ennemi. Les militaires nieront avoir touché le corps, mais il y a fort à parier que les techniques d’humiliation si chères aux nouveaux cartels comme les Zetas et les Beltrán Leyva eux-mêmes contaminent peu à peu les hommes payés pour y mettre fin. Armée et narcos de plus en plus semblables. (p. 72)

*** 

Les autorités américaines sont parvenues à fixer droit dans les yeux le cartel de Sinaloa et ce qu’elles ont vu, c’est une multinationale avec des liens et des ramifications partout dans le monde avec, au sein de son conseil d’administration, des supermanagers qui ont des relations dans tous les coins de la planète. (p. 74) 

***

De nouvelles bourgeoisies mafieuses gèrent aujourd’hui le trafic de coke. (p. 102) 

***

« Les Serbes. Méticuleux, impitoyables. Des bourreaux appliqués.

– Foutaises. Les Tchétchènes. Ils ont des lames si bien aiguisées qu’on se retrouve à terre, vidé de son sang, avant d’avoir compris ce qui se passait.

– Des amateurs à côté des Libériens. Ils t’arrachent le cœur alors que tu es encore en vie et ils le mangent.

(…)

– Et les Albanais ? Ils ne se contentent pas de te buter, toi. Non, ils s’occupent aussi des générations à venir. Ils balaient tout. Pour toujours.

– Les Roumains te mettent un sac sur la tête, ils t’attachent les poignets au cou et ils laissent le temps faire son œuvre.

– Les Croates te clouent les pieds, et tout ce que tu peux faire, c’est espérer que la mort arrivera le plus vite possible ». (p. 108) 

***

Le résultat, c’est qu’après des années de politique de la terre brûlée, au sens littéral, la cocaïne colombienne représente encore plus de la moitié de toute celle consommées dans le monde. (p. 193) 

***

Quand le chef d’un gang colombien explique pourquoi les AUC acceptent de négocier avec le gouvernement : « Pour la première fois, un gouvernement veut renforcer la démocratie et les institutions. Nous avons toujours réclamé la présence de l’Etat et fait appel à sa responsabilité. Nous avons pris les armes parce qu’il n’exerçait pas cette responsabilité. Nous avons dû nous substituer à lui dans les régions dont nous avons eu le contrôle territorial et où nous avons exercé une autorité de fait ». A la fois vrai et singulièrement culotté, évidemment. (p. 201) 

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Dans les hautes sphères colombiennes, on faisait des affaires et on collaborait avec les paramilitaires. Procureurs, hommes politiques, policiers, généraux de l’armée : certains pour avoir une part du gâteau sur le marché de la cocaïne, D’autres pour s’assurer votes et soutiens. (p. 204) 

***

C’est lui qui l’arrose d’argent à blanchir au plus vite dans les Caraïbes : six cent soixante et onze millions huit cent mille lires plus cinquante mille dollars, puis deux tranches de trois cent quatre-vingt-dix-huit millions trois cent cinquante mille lires et trois cent soixante-neuf millions quatre cent cinquante mille lires, le tout en l’espace d’un an et demi. (p. 274) 

***

C’est pourquoi les prêts interbancaires ont systématiquement été financés par l’argent provenant du trafic de drogue et par d’autres activités illégales. Certaines banques ne doivent leur salut qu’à cet argent. Une grande partie des trois cent cinquante-deux milliards de narcodollars estimés a été absorbée par l’économie légale et donc parfaitement blanchie.

         Trois cent cinquante-deux milliards de dollars : les gains du narcotrafic représentent plus d’un tiers de ce qu’a perdu le système bancaire en 2009, comme l’a dénoncé le FMI, et ce n’est que la partie émergée ou perceptible de l’iceberg vers lequel nous nous dirigeons. (p. 302-304) 

***

New York et Londres sont aujourd’hui les deux plus grandes blanchisseries d’argent sale du monde. Ce ne sont plus les paradis fiscaux, les îles Caïmans ou l’île de Man, mais la City et Wall Street. (p. 304) 

***

L’ironie a voulu que le coup dur soit venu précisément du pays le plus renommé pour sa vieille tradition de secret bancaire, la Suisse, où les poursuites judiciaires contre Salinas [frère d’un ancien président du Mexique : tiens donc !] se sont prolongées pendant de nombreuses années. Elles ont également continué après que Carla Del Ponte fut devenue procureur du Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie à La Haye, se consacrant aux crimes de Slobodan Milosevic, et elles se sont conclues par un procès au cours duquel le juge suisse a établi que les structures de l’Etat mexicain protégeaient le trafic de drogue et que l’argent ne pouvait avoir des origines légales. (p. 311-312) 

***

La mafia russe a émergé grâce à des hommes en mesure d’exploiter avec intelligence et férocité les nouvelles possibilités qui s’offraient, mais aussi parce qu’ils ont derrière eux une histoire faite de structures et de règles leur permettant de régner sur le Grand Désordre. Après des années passées à naviguer dans les égouts criminels du monde entier, je peux affirmer que c’est toujours ce qui favorise le développement des mafias : la vacance du pouvoir, la faiblesse, la corruption d’un Etat qui a en face de lui une organisation proposant et incarnant l’ordre. (p. 320) 

***

Les "vory" [chefs mafieux en Russie] repéraient ce à quoi le peuple n’avait pas droit au nom du communisme et apportaient chez les dirigeants du Parti les bienfaits du « sale capitalisme ». Ainsi s’est forgée entre la nomenklatura et la criminalité organisée une alliance destinée à avoir d’énormes répercussions. (p. 322) 

***

En Amérique latine et en particulier dans les Caraïbes, les Russes ont trouvé des Etats aussi faibles que ceux qui ont permis l’ascension de la Mafija : corruption, délinquance omniprésente, système bancaire perméable, juges complices. (p. 344) 

***

Voilà ce qu’il dit, Roberto Saviano.  

Note : Le Monde daté 8 mai2015 8 MAI TITRE.jpg (c'est aujourd'hui) confirme (p. 14).2015 8 MAI.jpg

jeudi, 07 mai 2015

COCAÏNE ÜBER ALLES !

SAVIANO 2014 EXTRA PURE.jpgQuand il a publié Gomorra (en 2006, Gallimard, 2007), Roberto Saviano ne se rendait pas compte qu’il commettait une sorte de suicide. S’il dédie Extra pure (Gallimard, 2014) « à tous les carabiniers qui ont assuré [sa] protection rapprochée », c’est parce que, depuis bientôt dix ans, tous les clans de la « Camorra » qui sévissent à Naples et dans toute la Campanie se sont juré de l’assassiner. Qu’il ne compte pas trop sur Extra pure pour arranger ses affaires. Au contraire. 

Qu’est-ce qu’ils lui ont fait, les mafieux de la terre entière, pour qu’il vienne les embêter comme ça, à mettre toutes leurs combines en plein vent, sur la place publique. Et non content d’asticoter les hyènes et chacals qui règnent sur Naples et alentour, voilà qu’il remet ça, mais dans les grandes dimensions. 

Dans Extra pure, voilà donc qu’il se farcit, dans l’ordre et successivement : 1 – les pires gangs qui ont fait de l’Etat mexicain un arbre pourri des racines à la cime ; 2 – les pires cartels (et milices paramilitaires) qui ont fait de la Colombie un champ de bataille dévasté ; 3 – les pires « mafijas » parties de Russie à l’assaut du monde ; 4 – les pires clans de la N’dranghetta calabraise qui, depuis l’Italie, ont tissé leurs réseaux commerciaux de la Ruhr à l’Australie ; 5  – les pires filières africaines qui ont ouvert à la coke sud-américaine des autoroutes vers l’Europe. 

Il a même un mot de commisération pour les enfants de chœur de laSAVIANO 2007 ROBERTO GOMORRA.jpg  pauvre Camorra napolitaine, qui apparaît sur la photo comme le cousin disgracié de la famille, après être apparue comme dangereuse, infaillible et toute-puissante dans Gomorra. C’en est touchant. Peut-être qu’il est déçu que les premiers gangsters dont il a fait ses ennemis soient aujourd’hui relégués dans les profondeurs du classement criminel international. 

Cela dit, je ne suis pas sûr que son livre serve à grand-chose : y aura-t-il une prise de conscience des gouvernements du monde ? S’entendront-ils pour éradiquer le commerce de cocaïne ? L’auteur lui-même sait que non : il le dit quelque part vers la fin. Il sait qu’Extra pure est un coup d’épée dans l’eau. Un de plus. Je crois qu’il est lucide. Donc désespéré. Pour ne pas désespérer, il faut croire. Roberto Saviano ne croit pas : il sait. Les gouvernements aussi, ils savent. Mais ils ne veulent pas. On pourrait peut-être au moins leur demander pourquoi ?

Par-dessus le marché, il n’a pas choisi la facilité. D'abord l'épaisseur des 450 pages. Et puis aussi, question de style et de choix de narration. Il lui arrive trop souvent, en plein chapitre, de changer de sujet pour y revenir un peu plus loin. C’est le cas p. 391, où il abandonne soudain le « mulet » Mamadou pour énumérer les pays qui ont fait de l’Afrique un « continent blanc » (blanc de la neige qu’on devine, bien sûr), et revenir à Mamadou une fois l’énumération achevée.

Cela fait un livre à l'exposition lourdingue, souvent difficile à suivre, à cause du touffu de l’exposé. Ça m'étonnerait que ça fasse un best-seller. C'est dommage, vraiment. Avec un livre plus clair, plus "pédagogique", l'auteur aurait peut-être été plus efficace. Je regrette qu'il manifeste ici quelques prétentions littéraires. J'ai même cru, au début, qu'il se prenait pour un écrivain. J'aurais préféré un documentaire sec.

Et puis il y a aussi l’aspect « Litanie des Saints » (ou plutôt « Litanies de Satan », extension imprévue du titre de Baudelaire) : quand on a fini les chapitres consacrés au Mexique, on a passé en revue une kyrielle de noms de parrains, une ribambelle de noms de gangs, un chapelet de nom de lieux, une cascade de morts, de cruautés, de têtes coupées et de tortures toutes plus atroces les unes que les autres. On a envie de crier grâce. N’en jetez plus. Cela donne une impression si glauque et dangereuse du Mexique, que je finis par me demander si la réalité en est vraiment descendue à un tel degré de pourriture. 

On a l’impression que la drogue fait couler tellement d’argent dans les poches des « Narcos », que les gangs peuvent acheter les services de n’importe qui, à tous les niveaux des hiérarchies officielles : responsables politiques, administratifs, économiques, militaires et policiers. L’armée et la police semblent si gravement gangrenées, les bandits sont si bien organisés et informés que très peu d’opérations dirigées contre eux réussissent, et même que certaines apparaissent comme secrètement téléguidées par un gang rival pour éliminer un concurrent. 

C’est un livre qui fout la trouille, qui donne l'impression d'être passé derrière le rideau de la réalité du monde : non contents de semer la mort violente, la corruption des pouvoirs, en plus de l’addiction des clientèles à la coke, les narcotrafiquants arrivent à « blanchir » des sommes d’argent tellement astronomiques pour les réinjecter dans l’économie légale, qu’il semble désormais tout à fait impossible pour les polices financières du monde entier de faire la différence entre l’argent propre et le sale. 

Saviano, évoquant la crise financière de 2007/8, affirme même que la masse d’argent sale a sauvé quelques banques de la faillite. Le juge Jean de Maillard (voir mon billet du 9 mars) et les services « Tracfin » de toutes les polices peuvent toujours courir après les responsables du marché de la drogue mondialisée, les gangs sont organisés de façon tellement souple et ingénieuse, que ce ne sera jamais qu’une toute petite partie du trafic (la « partie émergée de l’iceberg », dit l’auteur, des circuits d'approvisionnement en coke et des circuits financiers de blanchiment) qui sera stoppée et saisie. Je veux bien le croire.

La drogue aujourd’hui, à commencer par la cocaïne, qui arrive en tête du hit parade, fait l’objet d’un commerce qui repose sur une organisation digne des entreprises transnationales les plus performantes et réactives. Certains mafiosi ont l’envergure des plus grands capitaines d’industrie. L’auteur évoque par exemple la figure de Mogilevic, « le Brainy Don », « le parrain au QI stratosphérique » (p. 314), génial organisateur. 

Tous les « métiers » de la grande entreprise sont représentés dans les gangs de la drogue par des gens talentueux, toutes les qualités des plus grands entrepreneurs sont présentes chez les personnels de ces multinationales criminelles : le sens de l’organisation, le flair dans le repérage des marchés potentiels, le sens des affaires, l’ingéniosité financière, une adaptabilité presque infinie et immédiate des circuits. Sans parler des chimistes de haut niveau qui s'occupent de toutes les phases de la transformation des feuilles de coca en poudre blanche, capables d'obtenir un produit pur à 95 %.

La structure de ce marché mondial est donc exactement calquée sur le modèle en vigueur dans l’économie capitaliste. Mieux : l’intrication de l’économie légale et de l’économie criminelle est telle qu’on ne saurait lutter contre la seconde sans nuire gravement à la première. Saviano le dit : « J'essaie de comprendre [Mogilevic] jusque dans le moindre détail, pour me démontrer avant tout à moi-même à quel point le monde des affaires est lié à celui de la criminalité » (p. 314).  

Si je mets bout à bout quelques lectures récentes a) sur le fonctionnement dément et destructeur du capitalisme actuel ;  b) sur l’effacement de la frontière entre économie légale et économie criminelle ; c) sur l’affaiblissement dramatique des puissances étatiques face aux forces qui veulent privatiser le monde (hommes, bêtes et choses) à leur profit ; d) sur l’étau policier qui se resserre autour de l’Etat de droit et de l’individu, je me dis que ça commence à faire beaucoup pour une seule humanité, et que bientôt, on ne pourra plus dire, comme le fait quelqu'un de bien connu : « On n’est vraiment bien que sur notre bonne vieille terre ». ON A MARCHE 1.jpgON A MARCHE 2.jpg

 

 

 

 

 

 

 

Voilà ce que je dis, moi. 

 

Note : demain, quelques morceaux choisis dans le bouquin pour illustrer le présent billet.  

mercredi, 06 mai 2015

L'ASPECT DES CHOSES

OS OU CAILLOU ? LES DEUX, MON COMMANDANT !

 

photographie,fossile

 Ici, avec flash.

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Ici en lumière naturelle.

Et ci-dessous avec soleil direct inclus.

 

photographie,fossile

 

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Atelier

 

Les yeux fabriquent la vie

La chose est faite pour l’œil

On sait mieux doser le regard

Que ressentir du quoi

 

On dira : « La faute au cœur de service »

Et que l’âme fabrique du désordre

Et que le corps n'aurait pas dû

 

Mais l’apprenti palimpseste

A repeint la toile aux origines

 Et le maître a dit oui

 

Il a deviné qui vient

 

mardi, 05 mai 2015

VU A LA CROIX-ROUSSE

 

PASTA LUNA 6.JPG

 

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Ça ressemble à une maison

D’avant  l’électricité

L’image a du mal à vivre

Mais l’œil est tout l’être

Quand le corps est tout seul

 

Et se confond avec elle

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Note : je précise qu'il conviendrait de ne pas prendre un poème pour la légende d'une photo.

lundi, 04 mai 2015

D’EXTRÊME GAUCHE-DROITE

Il faut, un jour, jeter le masque : oui, je l’avoue, je suis d’extrême gauche-droite. Si, si, texto : en même temps d’extrême-gauche ET d’extrême-droite. Enfin j'exagère : pas si extrêmes que ça, ma gauche et ma droite. Je m’explique : je suis résolument de gauche pour tout ce qui est socio-politico-économique. Je suis décidément de droite pour tout ce qui concerne la sphère « sociétale », je veux dire les mœurs, les relations sociales, bref : le « vivre-ensemble ». Et cela sans contradiction, malgré les apparences, pour une raison que j'expose plus bas.

Gaucho et facho, si vous voulez. 

On va faire simple : je me revendique « gaucho » pour tout ce qui concerne l'exercice du pouvoir, les activités économiques, la production des richesses et leur répartition. Ce qu’on appelle la « république » et la « redistribution ». Attention, en héritier revendiqué des humanistes de la Renaissance, je ne prône pas la « propriété collective des moyens de production », de sinistre mémoire. 

Je crois juste que, si « L'Entreprise » dicte sa loi à la société, celle-ci aura forcément bien du mal à respirer : l'esclavage se profile à l'horizon, au nom de la loi bien connue « collectivisation des pertes / privatisation des profits » (ceci dit en raccourci, je ne développe pas). L'entreprise ne dédaigne jamais de siphonner les ressources de la collectivité à son profit. On a vu ça en 2007/8. On le paie encore.

Et je suis révolté par le sabordage du « Service Public à la Française » que la répugnante gauche et la hideuse droite se sont empressées de conduire pour déférer aux "Traités Européens", au motif de « concurrence libre et non faussée ». Je suis révolté par la privatisation de tout ce qui faisait le « Bien Commun ».

C'est pourquoi je me situe dans la ligne d'un Condorcet. Pas le prophète heureusement inabouti des "mathématiques sociales" (voir sa biographie très documentée par le couple Badinter), mais le penseur de l'éducation "redisitributive" des Cinq mémoires sur l'instruction publique (1791-92 : donner plus à ceux qui ont moins, entre autres).

Car en même temps que l'humanisme, en héritier revendiqué des Lumières, je crois qu'on peut, donc on doit, tendre vers la justice sociale. Traduit en français : la réduction des inégalités dues aux hasards de la naissance. Correction des injustices du destin, si vous préférez. A cet égard, le pouvoir pris par les « investisseurs » (disons-le : les spéculateurs, ceux qui veulent faire de l’argent avec l’argent) sur la marche concrète des entreprises, obligées de cracher du 12 % de résultat net par an pour satisfaire l'appétit des actionnaires, devrait être considéré comme un crime social. 

Conclusion : il faut l'autorité de l'Etat pour empêcher les appétits voraces de nuire au plus grand nombre.

Inversement, j'assume l'étiquette « facho » que les tenants de la gauche morale n'hésitent pas à me coller, pour tout ce qui concerne les mœurs, les relations et la vie sociale : le mariage homosexuel me semble une aberration, le voile islamique et les prières dans les rues le vendredi, des saloperies insultantes, et le féminisme, dans sa version fanatique, une niaiserie sans fond et sans fondement. Les hallucinés y voient autant de « Progrès » ! Ils clament que c'est ça, aujourd'hui, être "de-gôche" ! N'importe quoi !

On ne m’ôtera pas de l’idée que l’homme est fait pour la femme et réciproquement, et que les autres façons de faire sont au moins des errances, comme autant de signes d'un échec ; que l'abandon de tout ce qui est religieux dans la sphère publique, voile, croix et kippa compris, est une preuve de progrès (même si je reconnais mes ascendances catholiques d'un point de vue "culturel") ; que le prétendu « droit des femmes » (sur la base de la prétendue « domination masculine ») est fondé sur une vision statistique et sociologique, stupidement égalitariste et normative, de l’humanité. Une vision de chef comptable ou de changeur d’or qui pèse ses monnaies au trébuchet, y compris les fausses. La comptabilité, les statistiques et la sociologie pour diriger la conscience de la vie sociale, non, ce n'est pas possible. C'est juste une imposture.

Conclusion : il faut une autorité pour établir et faire respecter des normes morales.

A dire le vrai, je suis donc devenu aussi méfiant à l’égard des militants du « Marché » à outrance que des militants de tous les « progrès sociétaux », quels qu’en soient la couleur, l’odeur et l’aspect. Je mets les uns et les autres dans le même sac, alors même que les premiers se rangent à droite, et que les seconds se disent "de gauche". Vous avez dit bizarre ?

Bien que ce ne soit finalement pas si bizarre : une méfiance envers les "mirlitants" de toutes les "causes" ; un méfiance envers tout ce qui est présenté comme un "progrès".

Malheureusement, aucun parti ne condamne aujourd’hui dans son programme, à égalité, le « marché infiniment libre » (concurrence libre et non faussée) et les « droits individuels infinis » (ah, qui dira l'exaltation légitime qu'on ressent dans la "conquête" des "droits" !). Aucun parti n’est cohérent, selon moi : d'un côté les principes hautement réaffirmés, de l'autre la démagogie en direction des clientèles et autres petits cadeaux entre amis.

On est donc soit de droite (conservateur, réactionnaire, facho, que sais-je ?), quand on dénonce les « innovations sociétales » ("manif pour tous"), soit de gauche (progressistes, optimistes, démocrates, que sais-je ?), quand on dénonce les délires des industriels, des traders et des salaires de certains patrons. Mais surtout pas les deux à la fois. Oui, c'est ça qui est bizarre.

Moi, comme je dénonce les deux à égalité, que je suis donc, en même temps, de cette droite-là et de cette gauche-là, je rejette tous les partis. Bien obligé. A mon grand dam.

C’est vrai, quoi. Bizarrement, l’exaltation du libéralisme économique heurte de plein fouet les tenants de la gauche morale, accrochés, comme un morpion à son poil, à toutes les « innovations sociétales ». Faire tomber les barrières douanières, à leurs yeux, c’est le contraire de faire tomber les barrières morales. Faire tomber les secondes, mais maintenir coûte que coûte les premières. Je trouve ça curieux. Une barrière est une barrière, que je sache. 

Il faut être un « libertarien » américain pour réclamer à la fois l’abolition pure et simple de l’Etat et le droit pour les homosexuels de se marier. Eux au moins vont au bout de leur logique : si l’on est libéral, il faut l’être en tout. Je vois une contradiction intrinsèque dans la position de ceux qui considèrent d’un côté les « révolutions sociétales » (mariage homo, parité stricte et statistique hommes / femmes, euh non : femmes / hommes …) comme autant de "progrès", tout en demandant à l’Etat de se comporter en régulateur économique et financier. 

Collectivement dirigistes (il ne devrait pas être permis de), individuellement "anarchistes" (je suis libre, je fais ce que je veux, je fais ce qui me plaît-haît). Une liberté qui confère tous les droits et aucun devoir. Comment peut-on concilier d'être un adepte de la liberté sans entraves au plan individuel, et réclamer des contrôles sourcilleux au plan collectif ? La loi individualiste, c'est tout simple, est une négation de la société. Vous imaginez la formule : « L'individu fait loi » ?

La régulation, la réglementation sous toutes leurs formes, à commencer par celle de la puissance étatique, voilà pour les libertariens américains l’ennemi à abattre. Mettons que je suis un anti-libertarien. Prenez-en de la graine, militants LGBT, militants des droits des "minorités", militants religieux, militantes féministes, militants ethniques. Prenez-en de la graine, vous tous qui pesez sur le pouvoir pour ériger vos désirs particuliers en principes protégés par des lois pénales.

Vous tous qui militez, en fin de compte, pour accroître sans fin vos libertés, mais en prenant soin de restreindre celles des autres (cf. Philippe Muray et sa formule « envie de pénal », sans parler de la prochaine criminalisation des paroles). Et d'abord la liberté de qui « ne pense pas bien », de qui « ne parle pas bien », je veux dire pas comme vous. De qui ose ne pas entrer dans le très mou du consensus et du relativisme généralisés de la "fraternité" sans frontières. 

Car le principe qui sous-tend mon "extrémisme" gauche-droite, c'est-à-dire mon refus des droits sans cesse extensibles et sans contrepartie des « Individus », et des droits sans cesse extensibles et sans aucun devoir du « Marché » (deux concepts bientôt totalitaires si l'on n'y prend garde), ce principe est d’une simplicité, d’une nudité évangéliques. Il se formule : l’homme qui vit en société n’a pas tous les droits.

Et non seulement ça : il a aussi des devoirs. Dans le collectif comme dans l'individuel. Simple comme bonjour. Les individus s'insèrent dans des groupes et des entreprises, qui s'insèrent dans des catégories, qui s'insèrent dans des "classes", qui s'insèrent dans une nation, et tout ça fait une société, avec, gravée sur le fronton, la devise "Droits et devoirs à tous les étages".

Faire de la transgression des limites une fin en soi, ça ne tient pas debout. Tout n'est pas permis à l'homme qui vit en société. Son désir doit être borné, sous peine de se muer en un fantasme infantile de toute-puissance. Je pense à ces gens qui se permettent tout et qui exigent avant toute chose du "respect" de la part des autres : autrement dit, tout prendre et rien donner. C'est du pillage de bien public. Le gars qui s'arrête au milieu de la rue, au volant de sa BMW cabriolet, pour faire un moment de causette avec son pote, il fait juste un putsch.

L’exaltation sans limite des droits de l’individu devrait être un non-sens aux yeux des gens soucieux de vivre dans une société structurée et harmonieuse. De même, l’exaltation du libre-échange (« liberté pour les loups ») comme seul mode acceptable de circulation des marchandises devrait être un non-sens aux yeux des gens inquiets de la montée effrayante des inégalités et des injustices.

Quand la vie collective, où prime l’intérêt général, se met au service des intérêts particuliers (pour aller vite les « droits des minorités », « droits des entreprises », idées vendues aux gens au pouvoir par les bonimenteurs de tous les lobbies et groupes de pression), l’idée même de société se décompose, comme on le constate de plus en plus. Qui a encore le sens de l'Etat ?

Les droits de l’individu ne sont pas indéfiniment extensibles. De même, les commerçants, les industriels et les financiers n’ont pas tous les droits. Dans les deux cas, il faut des limites. Il faut un régulateur. Je ne vois pas de meilleur régulateur que l'Etat, seul assez puissant pour transcender les volontés individuelles, pour canaliser les forces centrifuges qui ne cessent de menacer la collectivité. 

Voilà, c'est tout. Rien que de très banal. C'est en quelque sorte un manifeste. Je laisse à tout un chacun le choix du qualificatif.

Voilà ce que je dis, moi. 

dimanche, 03 mai 2015

L'ETAT DE DROIT FOUT LE CAMP

DELMAS MARTY MIREILLE.jpgY a pas que la littérature, dans la vie. Y a aussi des lectures sérieuses. « Nous l'allons montrer tout à l'heure » (air connu). 

L’inconvénient des formations juridiques, c’est qu’elles donnent en fin de parcours aux étudiants une tournure d’esprit excessivement attachée à la « lettre » du droit. D’où une certaine rigidité intellectuelle. Je ne sais pas si vous avez jamais mis le nez dans le texte de la « Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant » (1989) : à vous dégoûter de faire des enfants.

Et je ne parle pas du « Traité établissant une Constitution pour l’Europe », de sinistre mémoire, dont le pavé particulièrement indigeste (191 pages découpées en un déluge de parties, de chapitres, de sections, d'articles et de paragraphes), envoyé à tous les Français en 2005, leur a été enfoncé de force, légalement et démocratiquement dans la gorge par Nicolas Sarkozy, un peu plus tard, parce qu'ils avaient "mal voté" la première fois. 

Libertés et sûreté dans un monde dangereux (Seuil, 2010), le livre de Mireille Delmas-Marty n’échappe pas à cette rigidité. En revanche, si les formations juridiques ont l'inconvénient que j'ai dit, elles ont l'avantage qui en découle : précision et exactitude. On appellera ça la rigueur. Un certain aspect « scolaire », si l’on veut, dans l’effort de construction, un peu « dissertation », avec introduction générale, trois parties subdivisées et chaque fois introduites et conclues, et une conclusion générale. Personne ne peut se perdre sur un parcours aussi visiblement balisé. La supériorité indéniable de cette méthode, c’est son impeccable netteté.

Alors, de ce livre un peu ardu pour l'éternel néophyte que je suis dans la langue des juristes, je ne retiens pas tout. Je laisse en particulier de côté ce qui fait la complexité et les vents contraires qui agitent les relations entre les instances juridiques nationales, européennes et internationales, les subsidiarités, les conflits, les résistances. 

Je garderai juste la convergence de vues entre l’auteur et un juge dont j’ai lu récemment Le Rapport censuré (Jean de Maillard, voir mon billet du 9 mars), au sujet du poids incroyable que pèsent les Etats-Unis dans le domaine des relations (judiciaires et autres) internationales. Si je voulais résumer en simplifiant, je dirais que les Etats-Unis, non seulement se permettent tout quand leurs intérêts sont en jeu (Guantanamo, Bagram, …), mais font pression sur les autres nations pour qu’elles adoptent les mêmes critères qu’eux dans la « lutte contre le terrorisme ». Traduction : ils les y obligent, au motif de la loi du plus fort (le juge Maillard parle des transactions commerciales en dollar, qui doivent impérativement passer par une banque américaine sous peine de).

Ce qui m’a en revanche intéressé au plus haut point dans le livre de Mireille Delmas-Marty, c’est tout ce qu’elle dit de l’évolution inquiétante du droit, qu’il soit national ou international. Et pas dans le sens de l’Etat de droit. Je le dis tout net : tout en n’étant pas juriste, j’ai trouvé passionnante l’analyse qu’elle fait de deux conceptions opposées du droit, qui renvoient à deux conceptions antinomiques de l’humanité, l’une de tradition « humaniste », l’autre de tradition « guerrière ». Les gens au courant trouveront sûrement "basique" cette petite leçon de philosophie du droit. Elle est à mon niveau.

En France, traditionnellement, la justice attend qu'un individu ait commis un délit ou un crime pour le juger et le condamner, après établissement irréfutable des faits. L’auteur appelle cela « le couple culpabilité / punition », ajoutant que cette « école pénale » est « fortement influencée par Kant et Beccaria », c’est-à-dire qu’elle repose sur « l’universalisme des droits de l’homme » (p. 84-85)

Mais elle repose aussi sur l'idée que l'individu, sauf circonstances spéciales, sait ce qu'il fait. Il est mû par la raison, il est libre, donc il est responsable. "Justiciable", comme on dit. Le corollaire, c’est que personne ne peut être poursuivi avant. C’est l’acte qui fait le délinquant. C’est l’infraction qui justifie la poursuite. C’est un individu particulier qui est présenté au juge ("individualisation de la peine"). 

Or il existe une « école pénale » qui prône des idées radicalement autres. Une école dont la philosophie repose sur une « anthropologie guerrière ». Une école « positiviste », qui fait de l'homme, non un être libre et responsable, mais un être entièrement déterminé. Une école fondée par un certain docteur Lombroso au tournant du 20ème siècle. Une école qui invente le concept de « criminel-né ». Un juriste allemand, Carl Schmitt (1932), ira jusqu’à formuler l’idée d’ « ennemi absolu ». Deux concepts qui semblent s'imposer de nos jours.

Cette école divise donc l'humanité en une masse de gens normaux d'une part, et d'autre part une catégorie d’humains naturellement prédisposés à commettre des crimes. Des humains dans lesquels le Mal est inné (à supposer que tous les autres en naissent exempts). Mais le soupçon peut se porter pratiquement sur n'importe qui, étant donné que cette prédisposition ne se porte pas sur le visage. La preuve, c'est la stupéfaction des voisins quand le père tranquille tue sa femme, ou autres circonstances tragiques.

Selon cette conception, on ne parle plus de « culpabilité », mais de « dangerosité potentielle ». On ne parle plus de « peines de prison », mais de « mesures de sûreté », aux contours éminemment flous, à durée indéfinie. Ce n'est plus ce que vous avez fait qui compte, mais ce qu'un collège d' « experts » vous aura jugé capable de commettre dans l'avenir.

Autrement dit, on passe du diagnostic (acte avéré) au pronostic (acte potentiel, virtuel ). Sarkozy, on s’en souvient, était même allé jusqu’à proposer un « dépistage » précoce (dès trois ans) de la dangerosité future des enfants. Si vous enfermez un type pour des actes qu’on l’imagine potentiellement capable de commettre, il passera sa vie derrière les barreaux, plus sûr moyen de ne jamais savoir s’il en aurait commis.

Autrement dit, dès la naissance, il y a les humains et les autres. Des « monstres », pourquoi pas. Souvent présentés comme tels, en tout cas. Cette conception est éminemment anti-humaniste. Je reste convaincu qu'Adolf Hitler, Staline, Pol Pot et consort ne sont pas des monstres inhumains, mais qu'ils font hélas partie de l'espèce humaine. Hitler et Pol Pot sont nos semblables. Je déteste l'idée, mais je la crois vraie. L'horreur est humaine, trop humaine.

De plus, Mireille Delmas-Marty pointe, chez Carl Schmitt, une tendance à assimiler dans la même personne l’ « ennemi absolu » et le « criminel-né ». C’est-à-dire qu’il fusionne potentiellement deux institutions : celle destinée à maintenir l’ordre et celle destinée à défendre le territoire national contre une attaque étrangère.

Maintien de l’ordre et guerre reviendraient alors à une tâche unique. Armée et police même combat, avec pour conséquence l'extension de la notion d' « état d'urgence » dans le temps et dans l'espace, avec toutes les restrictions à l' « état de droit » que cela suppose. Je pose la question : qu'est-ce que c'est, l'opération « Vigipirate » (à laquelle vient de succéder « Sentinelle ») ? La « loi renseignement » est du même tonneau.

Elle cite un certain Gunther Jakobs, qui réclame le droit pour la société de « se défendre par des mesures radicales comme l’internement de sûreté ou la création de camps du type de celui de Guantanamo ou de Bagram ». Le vocabulaire employé pour justifier aujourd'hui l'action de l'armée française en Afrique et ailleurs (« Sécurité » ? « Maintien de la Paix » ? « Guerre au terrorisme » ?) est assez élastique pour tout confondre.

Pour le coup, l'état d'urgence tend à se pérenniser, étant entendu que l'urgence devient une norme permanente. C'est comme la drogue : ça commence par le plaisir, ça continue par la dépendance, et après une phase d'accoutumance (augmentation incessante de la dose), ça finit par une overdose.

Ce qui ressort, en définitive, de tout le livre, c’est ce qu’on voit se développer dans toutes les directions depuis le 11 septembre 2001 : la collecte généralisée des données, en particulier des données personnelles. Le nœud coulant policier, dans le monde entier, se resserre autour du cou des individus, que ce soit pour des raisons commerciales (profilage algorithmique des habitudes des consommateurs) ou pour satisfaire le besoin toujours accru de sécurité collective (repérage de mots-clés supposés se rapporter au terrorisme). 

Tout cela se passe avec la complicité des plus hautes instances juridiques (Conseil constitutionnel en France, Cour constitutionnelle de Karlsruhe en Allemagne, …) qui avalisent, non sans contradictions, des lois restreignant les droits, même si d’autres institutions font de la résistance (Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), par exemple). 

Bref, en plein débat sur la « loi renseignement », ce livre de 2010 est encore plus actuel, et devrait alerter les défenseurs de ce qui reste de l’ « état de droit ». Un témoignage de plus sur l’aspect peu ragoûtant du monde qui est en train de mijoter sur les fourneaux de tous les pouvoirs. 

Merci madame, pour la confirmation. Total respect.

Voilà ce que je dis, moi. 

 

Note : Je passe sous silence l'optimisme de commande que Mireille Delmas-Marty manifeste en conclusion. Elle préfère parier sur la raison des hommes et leur « communauté de destin », plutôt que sur la crainte que s'établissent des « sociétés de la peur ». Je veux bien. C'est son droit. En tant que grande universitaire, elle ne se sent peut-être pas le droit de faire autrement. On n'est pas obligé de partager cet optimisme, vu les évolutions actuelles sur de multiples terrains différents (politique, société, économie, écologie, ...). 

samedi, 02 mai 2015

DANS MON PERISCOPE

 

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Le paysage.

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Ces deux images ne sont pas des sténopés. Elles sont obtenues sans aucun artifice technique, simplement recadrées. 

photographie

 

 

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On entrouvre le vieil homme

Pour exhumer le paradis

Peut-être est-on autorisé

L’enfant ne comprend pas

Il faut que le silence

Impose d’être soi

Quand la vie reprendra

Il pourra respirer à nouveau

Derrière son rideau

Le ciel qu'il façonnait

 

vendredi, 01 mai 2015

DANS MON PERISCOPE

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Ah tiens, on aperçoit une cheminée.

VISUEL.JPG

Ça se précise !CARTE NON POSTALE.JPG

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C’est un peintre sur chemin

Dessinant avec les pieds

L’aube des aventures

Un soleil tangentiel

Eclaire une étendue de blé

Des reliefs légers

A peine est permise une brume

Et plutôt que le clair-obscur 

Le flou du regard