xTaBhN

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 04 juin 2015

LES NUITS D'UNE DEMOISELLE

Aujourd’hui, on s’offre un détour coquin du côté de la chanson grivoise. Un petit coup d'oeil et d'oreille sur la chanson de Raymond Legrand et Colette Renard, « Les nuits d'une demoiselle », désormais très connue. Les chansons lestes ont depuis longtemps quitté l'enfer de la censure, au risque de s'en trouver banalisées. Les paroles chantées sont celles du texte original : le décalage entre celles-ci et l’image s’explique par leur modification, nécessitée par le passage de la chanteuse sur une chaîne populaire à une époque plus pudique que la nôtre. 


J’ajoute la version de la chanteuse Jeanne Cherhal en 2014. Je la trouve désopilante : les paroles qu’elle a placées sur la même musique érotisent très plaisamment nos usages de l’ordinateur et des univers numériques. A moins qu’elles ne fassent que traduire le déplacement de la libido humaine sous l’influence des progrès technologiques : « Je me fais compresser le fichier » me semble une trouvaille délectable, en même temps qu’un hommage malicieux à Colette Renard. « Je me fais ouvrir le dossier » et « Je me fais vider la corbeille » ne sont pas mal non plus.

chanson grivoise,chanson française,colette renard,raymond legrand

 

« Que c’est bon d’être demoiselle

Car le soir dans mon petit lit

Quand l’étoile Vénus étincelle

Quand doucement tombe la nuit

Je me fais sucer la friandise

Je me fais caresser le gardon

Je me fais empeser la chemise

Je me fais picorer le bonbon

Je me fais frotter la péninsule

Je me fais béliner le joyau

Je me fais remplir le vestibule

Je me fais ramoner l’abricot

Je me fais farcir la mottelette

Je me fais couvrir le rigondin

Je me fais gonfler la mouflette

Je me fais donner le picotin

Je me fais laminer l’écrevisse

Je me fais fouailler le cœur fendu

Je me fais tailler la pelisse

Je me fais planter le mont velu

Je me fais briquer le casse-noisettes

Je me fais mamourer le bibelot

Je me fais sabrer la sucette

Je me fais reluire le berlingot

Je me fais gauler la mignardise

Je me fais fafraîchir le tison

Je me fais grossir la cerise

Je me fais nourrir le hérisson

Je me fais chevaucher la chosette

Je me fais chatouiller le bijou

Je me fais bricoler la cliquette

Je me fais gâter le matou

Et vous me demanderez peut-être

Ce que je fais le jour durant

Oh ! Cela tient en quelques lettres

Le jour je baise tout simplement »

chanson grivoise,chanson française,colette renard,raymond legrand

 

Bon, d'accord, certaines expressions font un peu "fabriqué". Mais franchement, ça ne fait pas de mal de se faire du bien.

Voilà ce que je dis, moi. 

 

Note : les illustrations de ce billet sont empruntées à un petit livre tout à fait à la hauteur de la situation évoquée dans la chanson, un petit livre exquis. L'auteur du texte s'appelle Jean-Claude Carrière. Les dessins sont de la main d'un petit grand homme du cinéma français, du cirque et, comme on le voit, du dessin facétieux : Pierre Etaix. Le titre du livre : Les Petits mots inconvenants (éd. Balland).

dimanche, 01 septembre 2013

SAN ANTONIO ÜBER ALLES

 

***

Mais revenons à nos san-antoniaiseries. Je le répète : dans un bon San Antonio, la langue jubile. Et le lecteur avec. C’est vrai que, tout bien pesé, ça ne pisse pas loin, c'est bas de plafond, c'est souvent ringard, mais au moins, d'abord ça fait plaisir, ensuite ça repose, enfin l'avantage, c'est que ça ne se hausse pas du col à toiser la populace du haut de son œil pincé comme un anus de gallinacé. Vous avez remarqué ? San Antonio, sodomiser des bestioles de la famille des syrphidés (ordre des diptères) n’est pas son fort. Ci-dessous, « parasyrphus lineola» (non, ce n'est pas une guêpe, c'est un syrphidé, je veux dire une mouche).

 

Ceux qui se haussent du col font juste croire qu'ils font partie de ces seigneurs en mie de pain qui se font passer pour des statues en marbre de Carrare ou de Paros et, pour arriver à leurs fins, ils arborent, entre leurs deux mâchoires en béton armé, le sourire californien, vous savez, celui qui est tout niaiseux de contentement, façon Beach Boys, celui qui a fait tant de tort aux moniteurs de ski entre Courchevel et Megève.

 

Eux, je prétends donc que ce n’est pas leur bouche, mais leur œil qui est en cul de poule. Pas mal trouvé quand même, non ? "Avoir l'œil en cul de poule" ? Je vais déposer la marque à l'INPI. Mais l'œil en cul de poule, m'est avis que ça doit leur faire mal quand ils l'ouvrent. Je ne leur ai jamais examiné le rectum, pour m’assurer s’il s’apparentait de préférence à l’un ou à l’autre orifice, mais si leur œil se mettait à déféquer en vous regardant, je n'en serais pas autrement étonné. Est-il, Dieu, possible de donner au spectateur une telle impression de chier, juste en soulevant la paupière pour vous envisager ? Je m'égare.

 

Remarquez pas tant que ça, si je me souviens d'un poème vaguement scatologique qui avait cours dans la famille à l'époque où il y avait des pots de chambre, au fond desquels était parfois peint un gros œil, façon : « L'œil était dans la tombe et regardait Caïn ». Le poème familial finissait, pour sa part, ainsi : « L'œil était dans le fond et regardait mon père ». Bon, c'est sûr que ce n'est pas pour de pareils vers qu'on entre à l'Acadéfraise.

 

Pour revenir à La Vérité en salade, dès le nom de la personne qui demande le secours du fils de Félicie, sa « brave femme de mère », ça commence à carburer : Mme Bisemont (bise mon quoi ?). Un nom qui me fait penser à Votez Bérurier et à son immortel « Bellecombais, Bellecombaises », qui introduit sa harangue de candidat à la mairie de Bellecombe. Je ne m'en lasse pas.

 

Mme Bisemont est une vioque chargée comme un arbre de Noël de breloques en or massif, qui s’envoie en l’air avec un petit jeune, qui a lui-même une jolie copine, avec laquelle il imagine un stratagème pour soutirer un peu de compensation financière à son dévouement sexuel. Seulement, tout ça vire mal, et ça fait toute une histoire.

 

Vous avez remarqué que l’intrigue est présente, évidemment, chez San Antonio, sans ça il n’y aurait pas de roman, mais qu’elle devient parfois le cadet des soucis de l’auteur, en particulier quand il s’agit de résoudre l’énigme. Frédéric Dard se fiche souvent du dénouement comme de sa première étrangleuse à rayures (mettez "limace à carreaux lilas" si vous préférez). Comment ça finit, c’est le cadet de ses soucis, et il a, pour conclure, des manières parfois tout à fait cavalières.

 

Mais quand il est en forme, la langue frétille comme un gardon qu’un hameçon cruel vient de tirer des eaux trop claires de la Cérigoule. Voyez page 33 de La Vérité en salade. Je ne vais pas recopier la tirade, juste la fin : « Grandes premières en habit ! Petites dernières ! Balzac zéro zéro zéro un ! ». Soudain, l’esprit des amateurs de cinéma fait tilt ! Ils viennent de reconnaître un classique. Bon sang mais c’est bien sûr : « Jean Mineur publicité, 79 Champs Elysées », le petit mineur qui lance sa rivelaine à la fin de la séquence publicitaire, à l’entracte ! Dard, on peut dire que tout lui est bon. Peut-être parce que c'est un cochon ?

 

Pas la peine de faire l’éloge de San Antonio : il s’en occupe tout seul. Mais avant de terminer mon laïus, une révérence du côté de l’illustrateur favori de la série pendant les vingt premières années de son existence : Michel Gourdon (voir Viva Bertaga plus haut, et la grosse demi-douzaine montrée hier). Les illustrations de couverture ont acquis grâce à lui une homogénéité de ton, une cohérence qui vous fait repérer aussitôt les premiers tirages dans les boîtes des bouquinistes (bien vérifier cependant que la date de dépôt légal coïncide avec le copyright).

 

Personne n’est éternel, heureusement, et l’éditeur a été obligé de se tourner vers d’autres illustrateurs, avec plus ou moins de bonheur, il faut bien le dire. C’est sûr que le style Gourdon ne donne pas une idée juste du « ton » San Antonio, parce que ses images semblent prendre la chose au sérieux, et annoncer un polar comme tous les polars, bien carré. Or San Antonio n'est pas carré, il est tordu, il le sait et il le dit. Tenez, c'est dans lequel que le commissaire croise la route d'une belle nana qui a ceci de particulier qu'elle enlève sa culotte sans y mettre les mains ? Essayez pour voir. Je crois me souvenir que c'est une Israélienne, qui se paie un entre-deux avec Béru et San A. 

 

Mais il ne faut pas oublier que les aventures du commissaire sont publiées dans la série « Spécial Police », et que la présentation obéit donc à certaines règles éditoriales. L’humour et les allusions salaces n’apparaîtront que plus tard en façade. Celles que j’apprécie sont celles qui rappellent les dessins que Pierre Etaix (oui, le cinéaste, le clown, le ...) avait faits pour Les Petits mots inconvenants (Balland), un livre rigolo de Jean-Claude Carrière : salaces, mais subtils et humoristiques.

Certes, le commissaire San Antonio est un vieux réac, un misogyne, un homophobe de première bourre (et je ne sais pas ce qu'il pense des Arabes), et c’est sûr qu’aujourd’hui, il ne pourrait plus déblatérer ses horreurs sur les gonzesses ou sur les fiottes (et fières de l'être) sans se prendre dans le buffet autant de procès que le malfrat récalcitrant encaisse de valdas défouraillées par le soufflant d’un argousin de littérature devenu un personnage quasiment historique. Mais c’est peut-être ce qui me le rend sympathique, justement. Je prends le risque des valdas. Il faut bien mourir de quelque chose, n'est-ce pas.

 

Voilà ce que je dis, moi.