jeudi, 26 décembre 2024
LE TRIOMPHE DE MACRON
On peut dire ce qu'on voudra, mais Macron atteint des sommets indépassables, en tant que "maître des horloges", "Jupiter" ou "traverseur-de-rue-pour-trouver-du-boulot". Mais des sommets qui ressembleraient plus à la Fosse des Mariannes qu'à l'Aconcagua. Car on dira encore ce qu'on veut, mais les images de Mayotte après le passage du cyclone "Chido" donnent selon moi une idée assez juste et conforme à celle que laissera Macron de la France quand il quittera le pouvoir en 2026. Oh pardon : 2027, j'ai pas fait exprès, mais c'est peut-être prémonitoire, allez savoir. Bon, je sais, j'exagère d'exagérer, mais l'idée est de cet ordre-là.
Je suis peut-être un peu sévère, mais quand j'émets l'idée que Macron a spectaculairement foiré le plus gros morceau de tout ce qu'il a entrepris depuis 2017 (et même un peu avant, dans quelques ministères), je ne suis sans doute pas si éloigné que ça de la réalité. Oui, tout ça est vrai : Macron aura été un très mauvais président, inapte aux actions bénéfiques et authentiquement constructives, expert dans toutes les matières concernant l'oralité, la causerie, les palabres qui lui ont donné l'occasion de briller de toute son excellence (à sa propre satisfaction narcissique).
Mais on est obligé de lui reconnaître une immense réussite, une éclatante, évidente, aveuglante réussite. C'est celle-ci : il aura vaillamment, opiniâtrement poursuivi la tâche à laquelle se sont attelés les présidents de la France depuis le premier et fondateur traité européen, qui marque l'entrée et la dilution du pays dans le gloubiboulga de la supranationalité, au mépris de ce qui faisait la force et l'identité de la France, et au profit de principes qui sont juste sa négation. Plus les décennies passent, plus cette évidence devient aveuglante.
Bon, il est vrai que ce modèle n'était pas sans diverses faiblesses, mais l'Europe, réduite au pauvre marché d'échanges économiques et guidée par l'exclusif principe obsessionnel de la « concurrence libre et non faussée » entre ses Etats membres, a fait passer sous son rouleau compresseur toutes les belles conquêtes sociales obtenues par les citoyens français qui formaient le "monde du travail".
La propulsion de Sarkozy à la tête du pays (et même un peu avant, en tant que ministre de l'Intérieur) avait accéléré et mis plus en évidence ce processus de dépersonnalisation de la France (forcing pour faire adopter le Traité après le référendum de 2005), suivi en cela par le ventre mou nommé Hollande, puis par le fringant discoureur qu'était et est resté Emmanuel Macron.
D'accord en cela avec les puissances économiques, les établissements bancaires, les hommes d'affaires et les grandes entreprises industrielles, celui-ci a continué à "détricoter" (ça veut juste dire démolir) toutes les fortes institutions inventées par le C.N.R. (le vrai, pas le grotesque clone de bas étage qu'il a ensuite élucubré et improvisé) en vue de la Libération de la France et mises en place une fois le pays revenu aux commandes de son destin.
Vous savez, ce "système-de-santé", ce "système-éducatif", cette S-N-C-F, ces P-T-T, et le reste, tout ça que "le-monde-entier-nous-enviait" (tu parles !). Eh bien tout ça, c'était ringard, il fallait tout balancer, faisant fi du puissant adage :
« Le service public, c'est le patrimoine de ceux qui n'ont pas de patrimoine ».
Là était le seul salut : il fallait mondialiser la France et les "Gaulois réfractaires" ! La "start-up nation", que diable ! A la poubelle, le "modèle social français" ! "Je veux en finir une fois pour toutes avec le système de protection sociale à la française" (propos recueillis en substance en 2015, deux ans avant sa première élection présidentielle, de la bouche de Macron par Marc Endeveld dans L'Ambigu Monsieur Macron) !
Bon, il faut quand même dire que l'état minable d'une classe politique française à la ramasse a bien aidé le sémillant financier dans sa conquête du pouvoir. Voyons les choses en face : il n'y a plus en France, depuis quelques dizaines d'années, de véritables hommes ou femmes politiques.
Il n'y a plus qu'un ramassis de hauts fonctionnaires et de "premiers-de-la-classe", souvent très doués pour la simple gestion de l'existant, pour l'organisation, pour la connaissance des dossiers, popur la rationalisation, mais totalement dépourvus de vision proprement politique de la France, et surtout dépourvus de la volonté de se mettre au service de quelque chose situé au-dessus d'eux, une notion qui relègue l'idée de carrière personnelle dans les bas-fonds des préoccupations mercantiles et vulgaires, et qui s'appelle LA FRANCE.
Il suffit pour aboutir à cette conclusion d'observer l'infinie bassesse des personnes (hormis quelques rares individus jalousés, détestés et soigneusement écartés par les autres) qui gravitent aujourd'hui autour des postes à pourvoir, je veux dire des postes de pouvoir. Je constate simplement que la lente (mettons les derniers trente ans écoulés) déliquescence de la qualité des personnels qui aspirent à s'installer aux manettes de notre pays arrive depuis l'avènement de Macron à son point d'achèvement.
A cela s'ajoute bien sûr l'extrême pusillanimité de presque tous les responsables depuis qu'il s'agit de contribuer à la construction européenne, dans laquelle les Français se sont illustrés par leur manque d'appétence pour Bruxelles ou Strasbourg, et par une incroyable inconstance dans ces charges assumées à contrecœur. Ce fut une course de lenteur, où chacun considérait que figurer sur la liste lors des élections européennes relevait d'une punition imméritée. Résultat : concession après concession, la France est entrée à reculons dans une Europe sans autre consistance que purement marchande.
Les signatures apposées au bas de tous les accords conclus par la Commission par ses responsables (y compris le mandat pour négocier le Mercosur) ont lié les pieds et les poings de nos hommes politiques, rendus impuissants par les engagements passés, et les ont rendus tellement impuissants qu'ils s'avèrent aujourd'hui complètement incapables d'exercer une action sur le réel à même d'améliorer concrètement le sort des Français.
J'en suis même à me demander si l'on n'a pas d'ores et déjà assisté à la victoire de l'économie sur la politique. Je veux dire que tout ce qui ressemble à de la gauche (dont Jean-Luc Mélenchon incarne la caricature) a perdu la partie. Je veux dire que les puissances économiques ont vaincu leur ennemi de classe : le peuple.
Au fond, personne ne devrait être surpris que notre pays soit dans un tel état d'égarement : c'est juste l'issue d'un processus logique. Il ne reste plus qu'à s'accrocher au pinceau qui peint notre futur aux couleurs de l'arc-en-ciel, comme le dit ce haut fonctionnaire bruxellois cafté par le camarade Gotlib.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emmanuel macron, président de la république, mayotte, cyclone chido, maître des horloges, je traverse la rue et je trouve du boulot, france, politique, société, nicolas sarkozy, françois hollande, conseil national de la résistance, jean-dominique merchet, marc endeveld, start-up nation, gaulois réfractaires
mercredi, 25 décembre 2024
BIENTÔT NOËL BIENTÔT 2025
TU VEUX DES VŒUX ?
TIENS, VOILÁ DES BONS VŒUX !
(sur l'air de "Tiens, voilà du boudin")
APRÈS, CHACUN SE DÉBROUILLE ET FERA COMME IL PEUT.
COMME D'HABITUDE, QUOI.
09:00 Publié dans HUMOUR | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 24 décembre 2024
BIENTÔT NOËL BIENTÔT 2025
(à suivre)
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lundi, 23 décembre 2024
BIENTÔT NOËL BIENTÔT 2025
(à suivre)
09:00 Publié dans HUMOUR | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 22 décembre 2024
BIENTÔT NOËL BIENTÔT 2025
Ben oui quoi ! Pourquoi pas ?
Mais pour compenser, j'ajoute un dessin de Willem, paru dans Charlie Hebdo le 4 novembre 1974 (mais sans la légende, qui risquerait de paraître désobligeante).
(à suivre)
18:00 Publié dans HUMOUR | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : humour, noël, jour de l'an, saint sylvestre
MACRON A MAYOTTE
Enfin un président qui se penche avec une infinie bienveillance sur les misères des misérables ! Aux habitants de Mayotte dévastée par le cyclone Chido, Emmanuel Macron a promis de reconstruire les bidonvilles. Je suggère à notre baudruche présidentielle de les reconstruire Á L'IDENTIQUE :
« Vous aurez les plus beaux bidonvilles de tout l'Océan indien !!! Rien à envier à Notre-Dame de Paris !!! Le monde entier enviera vos superbes bidonvilles et sera impatient de vous rendre visite !!! Cinq étoiles dans Trip Advisor !!! On organisera une cérémonie internationale en très grandes pompes pour leur inauguration !!! Un grandiose bout de France bidonvillesque !!! ».
Journal Le Progrès, 20 décembre 2024.
***
Décryptage de l'enfumage.
Encore une promesse !!! Il ne peut pas s'empêcher. C'est plus fort que lui. C'est comme une colique.
Qui ce Jupiter né à Lilliput croit-il encore abuser ? Il est vraiment bouché à ce point-là ?
Ben oui : à lire la série passionnante, pleine d'anecdotes et de détails croustillants de Raphaëlle Bacqué, Ariane Chemin et Ivanne Trippenbach sur les coulisses de l'empire macronique (je n'ai pas dit "macaronique") dans le journal Le Monde ces derniers et prochain jours (quatre épisodes), Emmanuel Macron est résolument indécrottable.
Son héritage ? Oh, pas grand-chose : il aura juste continué et contribué à enfoncer la France plus loin dans la crotte.
A cette occasion, je me rappelle les paroles du général De Villiers, naguère chef d'Etat-Major de l'armée française limogé sur un coup de menton du président ("C'est moi le chef, toi tu obéis") : « Qu'est-ce que c'est, un chef ? Un type qui commande et qui donne des ordres. Mais il faut savoir s'y prendre. Quand le chef sort de la tranchée au moment de l'attaque, il faut au moins qu'il soit sûr que tous ses subordonnés le suivent ! Et que ceux-ci aient développé une grande confiance dans la personne et dans le projet » (propos reconstitués en substance).
Le chef, c'est celui (éventuellement doté d'un charisme personnel) qui sait créer la dynamique collective. Le chef, c'est celui qui s'efforce de faire adhérer tous ceux qu'il a sous ses ordres à l'idée qu'il porte, au projet qu'il a longuement mûri, à l'avenir commun qu'il envisage. Et qui a du savoir-faire pour y parvenir.
A cet égard, Macron n'est chef de rien du tout. Il détient dans sa seule tête toute la vérité du monde. Il ne se préoccupe pas de la répandre ou de la faire partager. Il veut juste l'imposer comme un oukase.
Désolé, monsieur Macron, mais à cet égard, vous êtes tragiquement incompétent. Pour espérer devenir un peu efficace, il faudrait que vous acceptiez l'hypothèse que d'autres que vous ont du talent, et pourquoi pas du génie. Talent et génie dont vous êtes le seul à rester convaincu d'être l'unique détenteur, et dont vous êtes, plus que tout autre, dépourvu.
***
Note : j'apprends que la population de Mayotte s'élève à 320.000 personnes. J'imagine que le chiffre est donné "à vue de nez", étant donné que le nombre des Comoriens (et autres ?) clandestins n'est établi que par estimation. Sachant cela, je consulte mon Petit Robert des Noms Propres, édition de 1995, qui indique une population de 85.000 individus.
Alors me vient une question : comment est-il possible qu'une population soit capable de quadrupler en trente ans ? C'est là que je ressens l'énorme absurdité de la "départementalisation", intervenue après un référendum posant la question de l'indépendance, sur l'ensemble de l'archipel des Comores. Comment se fait-il que ce caillou sec (la seule eau disponible est celle qui tombe du ciel, semble-t-il) soit devenu le point de ralliement où se concentrent autant d'humains dans des conditions moyennement humaines ?
Je pose juste la question.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mayotte, cyclone chido, emmanuel macron, président de la république, macron jupiter, notre-dame de paris, journal le progrès, journalle monde, raphaëlle bacqué, ariane chemin, ivanne trippenbach, général de villiers, chef d'état-major
samedi, 21 décembre 2024
BIENTÔT NOËL BIENTÔT 2025
(à suivre)
09:00 Publié dans HUMOUR | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : humour, noël, jour de l'an, saint sylvestre
vendredi, 20 décembre 2024
BIENTÔT NOËL BIENTÔT 2025
Dessin (j'ai juste greffé une sorte de postiche) du peintre André Masson pour la revue Acéphale (1936).
(à suivre)
09:00 Publié dans HUMOUR | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : smiley, andré masson, revue acéphale, noël, meilleurs voeux
mercredi, 18 décembre 2024
LE GRAND DUDUCHE ET LES FILLES
L'ÉLAN
LA COURTE-ÉCHELLE
LA MAIN AU PANIER
LE BABY-FOOT AU MIROIR
09:00 Publié dans BANDE DESSINEE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bande dessinée, cabu, charlie hebdo, le grand duduche, la fille du proviseur, cabu catherine
dimanche, 15 décembre 2024
DANS LE RÉTROVISEUR
CÔTÉ COUR
Je ne peux pas revoir ce mur presque blanc frappé par le soleil d'été sans le lierre surabondant qui l'a si longtemps et entièrement dissimulé.
***
CÔTÉ JARDIN
Et ci-dessous, une photo prise du sommet du sapin du premier plan : le lierre recouvrait aussi complètement le mur sous la terrasse à l'époque (1963).
09:00 Publié dans PAS PHOTOGRAPHE MAIS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie
dimanche, 08 décembre 2024
DIVERS NAUFRAGES
OU PLUTÔT :
DIVERS SIGNES ANNONCIATEURS DU NAUFRAGE.
Les nouvelles de France se suivent et — hélas ! — se ressemblent. Il arrive même que certains déclineurs pleins d'ardeurs effondrantes fassent un bout de chemin avec notre "cher et vieux pays". Plus fort encore, je ne sais pas s'il faut s'en réjouir et se consoler, mais il semblerait que notre monde (occidental ?) tout entier soit pris de vertige et, sans trop se rebiffer, perde pied.
« Non Jeff, t'es pas tout seul
arrête de sangloter
Arrête de te répandre
Arrête de répéter
Qu't'es bon à t'foutre à l'eau
Que t'es bon à te pendre »
Bon, on ne sera peut-être pas les seuls.
On se sent rassurés, hein ?
Tous ces titres sont tirés d'organes de presse (journal Le Progrès, journal Le Monde) remontant tout au plus au dernier tiers du mois de novembre.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 06 décembre 2024
LE NAUFRAGE POLITIQUE FRANÇAIS
Oui, c'est certain, le Français a de bonnes raisons d'être furieux. Le voilà « éparpillé façon puzzle ». Voilà où l'a mené la division de son opinion en trois blocs irréconciliables, façon Osiris. Et pas moyen d'espérer une Isis pour se réunifier en un être entier.
Et en plus de s'être brouillé avec lui-même, le Français se voit conduit par un indécrottable pilote qui a tout appris dans un manuel théorique de batellerie fluviale, qui ne comprend rien aux règles de la navigation en haute mer, qui ne connaît rien aux manœuvres des voiles, qui ne sait pas ce qu'est un gouvernail concret, qui se prend pour l'absolu de la boussole, et qui est totalement infoutu de se faire obéir des marins qu'il a sous ses ordres.
Le Canard enchaîné, 4 décembre 2024.
La preuve : ils viennent de se mutiner, avec la ferme intention de le virer par-dessus bord. Mais il y a deux camps : ils se soumettent en effet à deux subrécargues irrémédiables gravement azimutés et forts en gueule, et en plus frontalement opposés : un olibrius à vocation incendiaire – alias La Méluche alias Méchancon – veut aller à bâbord toute et une olibriusse aux dents acérées, incompétente mais capable de tout, – la Le Pen – à tribord toute, sans se préoccuper du sens du vent, voire de l'état déplorable du bâtiment qui les porte.
Voilà pourquoi le Français reste "Baba" (nom du noir qu'Uderzo a piqué à l'Hubinon de la série Barbe-Rouge pour son bateau pirate dans Astérix) : non, vraiment « pas de chance d'êt'e tombés su' eux de nouveau ». Il n'y a plus pe'sonne à la ba''e, pat'on !!! Il n'y a même plus de pat'on !!!
Alors tous de''iè'e Baba !!! En 'oute ve's d'aut'es nauf'ages (comme avait dit, à un détail p'ès, Ségolène 'oyal ap'ès sa défaite de 2007) !!! Un peu d'ent'ain, que diable !!! Je suis sû' qu'en vous y mettant avec plus de cœu', vous êtes capables de fai'e enco'e plus spectaculai'e !!! Allez F'ance !!!
08:53 Publié dans BANDE DESSINEE, DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emmanuel macron, dissolution, assemblée nationale, michel barnier, marine le pen, jordan bardella, députés, bande dessinée, astérix, bateau pirate, barbe-rouge, baba le nègre, jean-luc mélenchon, uderzo, le canard enchaîné, chappatte, dessin de presse
lundi, 02 décembre 2024
GLACIER LONG (OISANS)
J'ai très beaucoup tardé à lire Ailefroide, de Jean-Marc Rochette (Casterman, 2018). Je n'aimais pas l'idée de me replonger dans l'époque où je pratiquais l'alpinisme. Et puis quand elle a voulu offrir une telle bande dessinée à une amie pour son anniversaire, elle a commencé par rapporter l'objet à la maison. Il faut dire que la copine avait bel et bien, dans des temps pas encore touchés par le vieillissement des artères et de la carcasse, hanté divers sommets et refuges de l'Oisans, et que ces aventures avaient marqué son existence en profondeur.
Alors j'ai ouvert le volume. Et là, une grande baffe dans la figure ! Rendez-vous compte, tout y était : les Bans, la Pilatte, Temple-Ecrins, La Bérarde, le Coup de Sabre, bien sûr l'Ailefroide, et tout le reste, la neige, la glace, le rocher. Et même le Glacier Long ! Tous ces endroits, j'y ai traîné mes guêtres pendant des années, l'été. L'hiver, c'était le ski de piste à Serre-Chevalier (déjà chic, mais pas bondé à l'époque dont je parle). Cet air-là, je l'ai respiré à fond, j'ai goûté de cette neige et tâté de ce rocher, longuement, goulûment — violemment.
Le Glacier Long, au naturel (photo DR).
L'art de Rochette, immortel dessinateur — scénario incroyable de Jacques Lob — de cette œuvre fondatrice que fut Le Transperceneige (revue A suivre 1982-83, puis Casterman, 1984), — c'est de rendre vivant ce morceau de vie, à commencer par la première personne du singulier dans laquelle il a inscrit tout le récit, de la première accroche jusqu'au virage BD, après ce rocher pris en pleine poire (j'ai évidemment pensé aux "gueules cassées" de la Grande Guerre et au Lambeau de Philippe Lançon, mais pour Rochette le fait remonte à bien avant le 7 janvier 2015).
Cette autobiographie, qui raconte une trajectoire personnelle somme toute pas trop compliquée (du moins pour ce que le récit donne à en connaître), je la trouve impeccable, sans doute parce j'y suis entré comme dans du beurre et que je m'y suis senti intimement impliqué (la grimpe en montagne et la bande dessinée, quoique Rochette se montre un alpiniste bien plus chevronné que moi et un créateur de dessins, disons un artiste, quoi — tout ce que je ne suis pas).
Jean-Marc Rochette, Ailefroide, P.49.
Je ne résume évidemment pas le livre. J'en viens au Glacier Long. C'est une paroi généralement de glace ou de neige dure, inclinée de 45° environ sur toute sa hauteur (à peu près 700 mètres). C'est souvent considéré par les cadors comme une simple mise en jambes sur glace. Vraiment à notre portée. Il y avait plusieurs cordées, nous derniers, Rémy et moi. J'étais en tête, tout allait bien, les broches rentraient sans trop rechigner (j'aurais dû me méfier), les longueurs s'enchaînaient, on approchait de l'arête sommitale.
Et puis voilà que, sur une plaque de glace plus dure, les pointes d'un de mes crampons ripent, refusent de pénétrer. Je me suis laissé surprendre. Une vraie de vraie connerie. Je tiens en équilibre précaire sur une seule des pointes, et aussi sur le bout de la lame de mon piolet (un Simond), sur lequel je me mets à peser de tout mon poids pour l'enfoncer davantage si possible.
L'autre pied est "en l'air". Ma dernière broche est déjà plusieurs mètres au-dessous. Je vois Rémy, vingt-cinq mètres plus bas, le visage levé vers moi, anxieux, interrogatif. Je vois les six cents mètres de "gaz". Si je lâche, c'est fini, je le sais : dans la glace un peu "bulleuse", la broche ne tiendra pas. Il faut que je tienne, que je souffle, que je ne me crispe pas.
Jean-Marc Rochette, Ailefroide, P.211. Gros plan sur la bête.
Et puis voilà, ma jambe gauche trouve le bon angle, et plante enfin le crampon sur toutes ses pointes, bien dans l'axe, d'un coup bien franc. Je me sens un peu mieux. Tout mon être se détend alors et reprend le commandement. J'ai tout oublié des gestes que nous avons faits entre ça et l'arête. Rémy et moi, nous nous y arrêtons un moment avant de descendre. Nous nous regardons sans parler.
C'est exactement ce moment que j'ai revécu intensément dans l'ouvrage de Jean-Marc Rochette. Mais lui, c'était un vrai accident, et très grave : « Cet accident m'a poursuivi toute ma vie » (p.229).
Nous, nous avons échappé au pire. Mais je ne suis quand même pas sûr que ce soit un bon souvenir.
09:00 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : montagne, alpinisme, club alpin français, bande dessinée, jean-marc rochette, ailefroide, éditions casterman, massif de l'oisans, les bans, refuge de la pilatte, refuge temple-écrin, la bérarde, le coup de sabre, glacier long, serre-chevalier, le transperceneige, revue à suivre, philippe lançon, lançon le lambeau, piolet simond
dimanche, 01 décembre 2024
DU LOURD QUI ENVOIE DU BOIS !!!
Ça n'a l'air de rien au début, mais attention !!! Dégagez le dance floor !
C'est vrai ça : « Dis-moi, chéri(e), pourquoi tu es parti(e) si longtemps ! »
Belle ambiance.
09:00 Publié dans MUSIQUE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nashville, music city rootswhy tou been gone so long
samedi, 30 novembre 2024
DES AMIS FORMIDABLES
Le nom de Shane MacGowan ne figure pas parmi les plus connus des célébrités et des grands bonshommes, et pourtant ... On mesure parfois l'étendue et la profondeur d'une personnalité au mouvement de sympathie et même d'amour que suscite le moment où celle-ci disparaît.
Je me rappelle par exemple l'étonnement qui m'avait gagné lors des obsèques de Charles Paliard, apparemment petit curé à Saint-Priest (banlieue de Lyon) : la cathédrale Saint-Jean était bourrée à craquer de l'innombrable foule de gens simples (mais aussi de bonne société lyonnaise) dans la vie desquels le prêtre avait compté en parole, action et présence.
Et à voir les rangs serrés qui remplissaient l'église irlandaise pour rendre hommage à Shane MacGowan au moment de l'enterrer, je me suis dit que le chanteur devait avoir eu bien de l'importance. Quelqu'un qui portait pourtant la destruction sur son visage et dans sa voix (ah ces dents plantées à la diable dans cette bouche de poète !).
Lui, c'était la voix des Pogues. Il avait soixante-cinq ans. Une vilaine encéphalite a eu raison de lui. Une gueule pas possible. Il faut l'entendre chanter "Dirty old town" et voir l'état dans lequel ce véritable manifeste musical où il évoque une "vieille ville sale" met le public rassemblé dans les lieux. Un public venu pour écouter ça précisément, qui est une sorte de signature et de sommet. Et pour chanter en chœur. Et pour se remuer.
Mais ce type incroyable qui avait l'air de tituber même quand il était à jeun, il faut assister à la cérémonie que la foule de ceux qui l'aimaient ont organisée quand on a annoncé sa mort (il y aura un an après-demain 2 décembre). Bon, tout ça se déroule dans un cadre catholique après tout très irlandais, mais il faut faire avec.
Il faut surtout écouter l'extraordinaire hommage que quelques membres des Pogues (qui ont vieilli entre la vidéo ci-dessus et la suivante, on en reconnaît deux ou trois) ont tenu à rendre à leur compagnon en clôture de ladite cérémonie : une ambiance pareille dans une église catholique ? C'est juste la joie d'être là pour leur ami. Et pour cette seule et unique raison. Et c'est jouissif.
Des gueules d'enterrement comme celles-là ? Ah ben j'en redemande !
"Et j'veux qu'on rie et j'veux qu'on danse,
j'veux qu'on s'amuse comme des fous,
Et j'veux qu'on rie et j'veux qu'on danse,
Quand c'est qu'on m'mettra dans l'trou ?"
***
Je conseille également le beau moment offert par le grand Nick Cave, qui tenait à honorer le mort de sa présence.
09:00 Publié dans MUSIQUE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : irlandaise, shane macgowan, les pogues, charles paliard, lyon, saint priest, monseigneur decourtray, dirty old town, église catholilque, et j'veux qu'on rie et j'veux qu'on danse, jacques brel, nick cave
vendredi, 29 novembre 2024
FAIBLE ÉMISSION ET AUTRES SALOPERIES
LE MONDE QUI VIENT.
Donc la malédiction continue à s'abattre sur l'automobile en même temps que sur les pauvres : Dieu a envoyé sur la France des "missi dominici" chargés, au nom du bien public et de la santé des populations, de répandre la vertu environnementale et d'imposer, dans toutes les métropoles irrespirables de l'hexagone et d'ailleurs (mettons New Dehli, tiens, à tout hasard), l'institution de zones interdites aux véhicules coupables d'alimenter l'irrespirabilité de l'air.
Or on sait que plus la voiture est perfectionnée sur le plan technique, plus elle est chère. Et que plus ses volumes intérieurs et extérieurs sont vastes et confortables, plus son prix augmente pour devenir parfois prohibitif, voire stratosphérique. Et que plus les nuisances dues à la puissance et à la consommation de son moteur s'approchent de zéro, plus elle est onéreuse à l'achat (quoique ...). Et que plus elle répond aux normes toujours plus draconiennes concernant les gaz d'échappement, plus elle ne devient accessible qu'à une minorité infinitésimale des humains. Et que plus la production automobile s'oriente vers le moteur électrique, plus la possession d'un tel véhicule devient inabordable au commun des mortels.
Résultat ci-dessous.
On reconnaît le trait impitoyable du dessinateur. Sauf que Gébé ne pouvait pas prévoir l'invention du V.A.E. (Vélo à Assistance Electrique), alias V.V.N. (le "vélo véloce pour les nuls"), dont certains coûtent un bras.
Sauf que Gébé aurait encore moins pu anticiper la grande offensive de l'électrique sur l'industrie automobile occidentale (mais pas que), qui voue au rebut et à la casse toutes les bagnoles qui envahissaient nos rues, accompagnées, diesel ou pas, d'un cortège de fumées nauséabondes et de miasmes diaboliques.
Laissant un peu interloqués et sur leur faim tous ceux qui se demandent comment ils vont pouvoir faire, simplement parce qu'ils sont pauvres, à part maudire le G.I.E.C. et la science, et avoir envie de porter au pouvoir des gens qui affirment qu'ils les comprennent et qui promettent (sic) de tout faire pour défendre leurs intérêts.
Et cela explique au moins en partie pourquoi les gens préfèrent l'activité économique à l'activisme écologique : ils veulent gagner assez d'argent pour se loger un peu correctement, s'habiller comme ils le souhaitent et manger à leur faim. L'écologie a perdu d'avance. On commence à s'en rendre compte.
***
N'oublions pas, cependant, qu'à la date précise de parution de ce numéro de Charlie Hebdo, Pauline fêtait son premier anniversaire.
09:00 Publié dans BANDE DESSINEE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pollution atmosphérique, gaz d'échappement, co2, france, société, qualité de l'air, automobile, charlie hebdo, gébé, bande dessinée, humour, écologie
jeudi, 28 novembre 2024
L'ÉTAT DE LA FRANCE 4
Aujourd'hui, je propose d'aller faire un petit tour dans le monde de ce qui fait défaut, de ce qu'on n'a pas, ou pas assez, ou dont on aurait un plus ou moins intense, urgent et vital besoin. Aujourd'hui, on est en manque, mais de quoi ? Peut-être une "descente" de "bad trip" ?
Bon, pas besoin, je pense, d'insister davantage : nous n'avons pas du tout, dans l'immense majorité des gens qui ne sont pas trop défavorisés par le sort, envie de modifier notre mode de vie dans les plus minimes de nos virgules et de nos points sur les i.
De leur côté, les humains qui sont un peu ou beaucoup moins favorisés n'ont strictement aucune envie de laisser s'accroître à l'infini l'écart dans les modes de vie qui les séparent de notre existence riche, confortable et douillette.
Quoi ? Ils devraient renoncer aux bienfaits convoités de la croissance économique ? Avant même d'avoir pu goûter aux agréments du confort matériel et aux fruits délectables du gigantesque effort de la partie occidentale de l'humanité lancée depuis deux siècles à l'assaut de la maîtrise technique de l'univers (alias le PROGRÈS) ? Dont seule une minorité profite égoïstement et surtout scandaleusement des avancées, conquêtes et commodités ? Certains appellent ce scandale, dans le discours tenus au cours des grandes réunions internationales (COP), "dette coloniale" ou "dette écologique".
Regardons les choses en face : la dispute devient générale, et de plus en plus rude, brutale et violente. Dans ce monde à venir où les ressources se raréfient et où les nations se rétractent au-dedans de leurs groupes respectifs d'affinités, les tensions vont se tendre et les animosités s'animoser. Jusqu'où ?
Dans ces conditions, je ne vois qu'une solution, et une seule : le partage équitable des richesses produites par le travail humain. Tiens, par curiosité, levez le doigt, ceux qui y croient.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : journal le monde, journal le progrès, stéphane foucart, secours populaire, lyon, collège la tourette, mer baltique
mardi, 26 novembre 2024
L'ÉTAT DE LA FRANCE 3
CHRONIQUE D'UNE DÉCHÉANCE ANNONCÉE.
Aujourd'hui, on décline (mais dans la joie et la bonne humeur) !
Et même on se met à décader avec allégresse et enthousiasme.
Mais il n'y a pas que les roustons du père Platon qui ne sont plus ce qu'ils étaient : chez nous non plus, mais aussi, plus largement dans le monde, ça ne va pas fort. On n'entend parler que de déclin, perte, réduction, raréfaction, repli, reflux, recul, dégringolade, bref : le champ lexical est vaste et touche tout ce qui a à voir avec les activités humaines sur la planète.
Ça, c'est Le Figaro (pas dans mes habitudes, mais).
ETC. ETC. ETC.
Je n'ai pas tout mis, mais je vais m'arrêter là : la moisson est ample, généreuse et très probablement pour longtemps inachevée.
Donc pas besoin d'en rajouter. Tout le monde a compris ce qui attend les Français, les Européens, l'humanité, en même temps que les espèces animales, végétales et même minérales.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : déclin, perte, réduction, raréfaction, repli, reflux, recul, dégringolade, les roustons du père platon, décadence de rome, papillon monarque, emmanuel macron, bruxelles, europe, france, société, journal le figaro, journal le monde, journal le progrès, écologie, bande dessinée, goscinny, uderzo, astérix, obélix, astérix aux jeux olympiques
lundi, 25 novembre 2024
HONNEUR A BREYTEN BREYTENBACH
J'apprends la mort du grand Breyten Breytenbach. Cette disparition me touche. Pour une raison particulière : je porte dans ma mémoire, pour l'avoir longuement fréquenté, cultivé et admiré, un livre tout à fait étonnant. Il s'agit de Feu froid. (Christian Bourgois, 1976, réimprimé en 1983). Un livre de poèmes qui ne m'a pas lâché depuis le jour où je l'ai ouvert sur le premier texte (abstraction faite de l'estimable préface de Bernard Noël). Voici.
***
MENACE DES MALADES
(pour B. Breytenbach)
« Mesdames et Messieurs, permettez-moi de vous présenter à Breyten Breytenbach l'homme maigre au chandail vert ; il est pieux et presse et martèle sa tête oblongue pour vous fabriquer un poème comme par exemple
j'ai peur de fermer les yeux
je ne veux pas vivre le noir et voir ce qui se passe
les hôpitaux de Paris sont remplis de gens blêmes
qui debout devant les fenêtres gesticulent de façon menaçante
comme les anges dans le four
la pluie rend les rues écorchées et glissantes
mes yeux sont empesés
ils/vous m'enterreront un jour humide
quand les mottes deviennent de la viande noire et crue
et les feuilles et les fleurs trop fleuries sont colorées pliées d'humidité
avant que la lumière ne les ronge l'air sue du sang blanc
mais je refuserai de tapir mes yeux
cueillez mes ailes osseuses
la bouche est trop secrète pour ne pas sentir la douleur
mettez des bottes pour mon enterrement afin que je puisse
entendre la boue embrasser vos pieds
les étourneaux retournent leurs têtes ruisselantes et lisses, fleurs noires
les arbres verts sont des moines marmonnants
plantez-moi sur une colline près d'un étang sous les gueules-de-loup
laissez les canards amers et rusés chier sur ma tombe
dans la pluie
les âmes des femmes folles et trompeuses passent dans
des chattes dans les craintes les craintes les craintes
avec des têtes incolores et trempées
et je refuserai de consoler (de calmer) ma langue noire »
Voyez, il est inoffensif, soyez donc indulgents.
***
Je n'ai jamais cherché à préciser les contours du contexte, à développer des rudiments d'exégèse ou d'explication de texte. Ce poème s'est un jour dressé devant moi dans tout son mystère, dans toute la consistance compacte et cependant insaisissable de son être. Et je le trouve parfaitement adapté à la circonstance présente. Voilà.
09:00 Publié dans POESIE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésir, breyten breytenbach, afrique du sud
samedi, 23 novembre 2024
L'ÉTAT DE LA FRANCE 2
CHRONIQUE D'UNE DÉCHÉANCE ANNONCÉE.
*
LA TENDANCE EST À L'AMPUTATION BUDGÉTAIRE,
(ou "Le triomphe posthume de Macron").
***
Vive la Transition écologique !!!
Vive le système éducatif !!!
Vive le plein-emploi !!!
Tiens, facteur, tu entres boire un coup ?
Allez, on se fait une toile !!!
(CNC : centre national du cinéma)
Bâtissons l'avenir !!!
***
Tous ces titres encourageants sont pris dans des numéros du journal Le Monde et du journal Le Progrès parus au cours de l'année 2024.
mardi, 19 novembre 2024
L'ÉTAT DE LA FRANCE 1
CHRONIQUE D'UNE DÉCHÉANCE ANNONCÉE.
Je ne sais pas combien de gens se souviennent de Le Niveau monte, ce brûlot publié en 1989 par les sociologues Christian Baudelot et Roger Establet pour combattre la soi-disant "propagande" de tout ce que l'époque comportait alors de "déclinistes" qui se lamentaient sur la déchéance touchant notre système éducatif tout entier (tous des "réactionnaires", bien sûr).
Toujours est-il que la suite a montré (et montre de plus en plus clairement) que c'étaient les "déclinistes" qui avaient raison. Et que même ils péchaient par un excès d'optimisme : il n'y a qu'à regarder dans quel bourbier intellectuel, éducatif et administratif, et dans quels sables mouvants de recrutement ("professeur" est désormais un métier fort peu attirant, et même repoussoir aux yeux des jeunes bourrés de qualités) pataugent pêle-mêle enseignants, personnels encadrants, élèves et parents d'élèves pour se rendre compte de la supercherie balancée dans le public par le tandem de gentils statisticiens chantant "La Vie en rose".
Car comme l'écrit quelque part Samuel Beckett : « Quand on est dans la merde jusqu'au cou, il ne reste plus qu'à chanter ». Et chanter "Cocorico", évidemment.
Ensuite, on se rappellera peut-être, à l'occasion, que Nicolas Baverez avait reçu sur la figure des tombereaux de critiques plus ou moins pures, honnêtes et propres quand il avait fait paraître en 2003 La France qui tombe. Oh le pauvre, qu'est-ce qu'il avait pas dit, l'oiseau de mauvais augure ! Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il avait "suscité des réactions diverses", et surtout variées.
Les Français n'aiment pas qu'on leur annonce Azincourt, Waterloo, la fin de l'Empire, la capitulation de 1871, la déculottée de 1940, la perte des colonies. Ils préfèrent faire mousser 1918, alors qu'ils n'auraient rien pu faire sans les Alliés, et passer la brosse à reluire sur la Résistance, qui a impliqué moins d'1% d'entre eux.
Aujourd'hui, ce ne sont plus des signes avant-coureurs ou des messagers de malheur qui cherchent à affoler les populations. Tout le monde s'y est mis, à commencer par la montée en puissance des régimes autoritaires gouvernés par le mépris de l'état de droit et du réchauffement climatique, mais aussi par les scientifiques du GIEC, des gens intègres, eux, pour avertir que l'on n'en est qu'au début d'un gros effondrement, comme l'humanité n'en a jamais connu, et peut-être définitif.
D'ailleurs, les journaux sérieux ont été obligés de s'y mettre : "Tout va de plus en plus mal, et on n'a encore pas tout vu, il faut s'attendre à pire". On trouvera donc ci-dessous, non pas un inventaire exhaustif de ce qui se dégrade : tout juste un florilège de quelques joyeusetés qui nous guettent au coin du bois pour nous faire notre fête. Ce n'est qu'un début !
Je me propose de faire défiler tour à tour les vocables utilisés dans des titres de journaux déployant toute la richesse d'un vocabulaire, et même d'un "champ lexical" (si si !) résolument catastrophiste.
Il ne sera ici question que d'amputation, baisse, coupe, déclin, décrochage, défaut, déficit, dégradation, dégringolade, détresse, effondrement, érosion, fermeture, finitude, fonte, manque, effritement, manque, menace, pénurie, péril, perte, raréfaction, recul, réduction, reflux, repli, rétrécissement, suppression, taille. Je crois que c'est tout. Accrochons-nous, aujourd'hui, au fétiche du mot "baisse".
Ci-dessus et ci-dessous, curieux appariement de deux titres qui devraient se contredire.
Tous ces titres (j'en publierai une bonne soixantaine ou davantage) sont tirés du journal Le Monde, grand quotidien national, et du journal Le Progrès, notre PQR (presse quotidienne régionale) à nous autres Lyonnais et circumvoisins régionaux. Leur parution se répartit sur tout le temps écoulé depuis le début de l'année 2024.
A suivre.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX, DEMORALISATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : baudelot et establet, le niveau monte, déclinistes, réactionnaires, sociologie, système éducatif, la vie en rose, cocorico, samuel beckett, nicolas baverez, la france qui tombe, baisse des naissances, fertilité, contraception, journal le monde, journal le progrès, lyon
jeudi, 14 novembre 2024
BIENTÔT UN TRUMP FRANÇAIS ?
« DONALD TRUMP OSE TOUT.
C'EST MÊME À ÇA QU'ON LE RECONNAÎT. »
Trump a été élu 47ème président des Etats-Unis, parce qu'il a réussi à convaincre les Américains qu'il comprenait intimement leurs attentes et leurs besoins, et qu'il était tout disposé à les satisfaire. Et encore plus fort, qu'il était comme eux. Prestidigitateur !
Qu'il passe son temps à mentir, exagérer ou inventer des "vérités alternatives" n'a strictement aucune importance, et aucun effet sur le résultat des courses. Impuni !
Qu'il appartienne à la classe sociale la plus favorisée et qu'il ait été en mesure d'attirer les suffrages des Américains les plus vulnérables (cf. la "rust belt") est peut-être inexplicable, mais c'est un fait, et indéracinable. Magicien !
Qu'il soit une bête de foire dotée d'un culot monstre et capable de vociférer des flots d'injures et d'autres saloperies à l'adresse de ses adversaires ne fait rien non plus à l'affaire. Batteur d'estrade !
Qu'il ait été, en diverses circonstances et occasions plus ou moins claires, totalement subjugué par Vladimir Poutine, voilà encore une réalité indéniable. Traître !
Qu'il se soit entiché, voire complètement toqué d'un halluciné encore plus milliardaire et cinglé que lui, au point de créer pour lui, dans son propre gouvernement, un "Ministère de l'efficacité gouvernementale", voilà en revanche qui s'explique en grande partie par les millions de dollars qu'Elon Musk a déversés sur la candidature trumpienne. Marionnette !
Que son profil psychologique relève de la psychiatrie ne surprendra personne, mais préoccupe gravement les spécialistes de la santé mentale. Psychopathe !
Et qu'il foute la trouille à tout ce que la planète compte de démocraties respectueuses de l'état de droit, tranquilles, paisibles et un peu avachies, est hautement compréhensible. D'un coup, voilà Ubu qui surgit : « Semblable à un œuf, une citrouille ou un fulgurant météore, je roule sur cette terre où je ferai ce qu'il me plaira. » !
Photo prise au moment du décollage d'Ubu Trump.
Décidément toutes les qualités pour foutre le maximum de pagaille dans le minimum de temps !!!
Maintenant, demandons-nous ce que tout cela nous amène à envisager pour notre compte. Et l'idée qui me vient est la suivante : est-il probable qu'un tel personnage arrive au pouvoir chez nous ? Est-ce même seulement possible ?
A priori, tout être raisonnable juge une telle hypothèse inenvisageable. Pour la raison qu'aucun homme politique français n'est doté d'une personnalité à ce point décomplexée, arrogante et dénuée de surmoi. Il faut le reconnaître : il se dégage de Donald Trump tel qu'il apparaît dans les médias, dans la presse et dans les meetings, l'image d'une force que rien au monde ne peut arrêter, atteindre ou détruire.
Et il faut le reconnaître : aucun membre du personnel politique français ne ressemble de près ou de loin aux promesses de futurs triomphes que toute la personne de l'élu américain passe son temps à faire à tous ses adeptes dans le moindre de ses gestes, dans la moindre de ses paroles, dans la moindre de ses énormités.
Aucun homme politique français n'arrive à la cheville de ce supposé surhomme ultraviril qui est apparu aux yeux d'une majorité d'électeurs comme l'incarnation vibrante de tous les superhéros inventés par la BD américaine dans la descendance de Superman, Marvel et compagnie.
Aucun de nos députés, de nos sénateurs et même de nos ministres n'ose afficher un aplomb aussi démesuré que Trump. Par comparaison, leurs mensonges sont pâlichons et font presque pitié. Ils sont si ternes et de si peu de consistance qu'ils se confondent avec la couleur des murs : qui connaît leurs noms ? Leurs visages ? Leurs doctrines ? Leurs idées (s'ils en ont) ? Popularité zéro.
Bon, il y aurait bien les trublions du Rassemblement national, cornaqués par la fille Le Pen et son jeune et ambitieux adjoint. Mais vous voulez mon avis ? Ils la jouent tellement "petit bras" et "coups bas minables" qu'ils ne semblent crédibles qu'aux yeux d'électeurs trop naïfs : « On les a jamais essayés ! », se justifient-ils.
Le problème, c'est que les Américains l'avaient déjà essayé, Trump, et cette fois, ils l'ont élu en toute connaissance de cause. Et ça risque de saigner !
Quant au tout venant des autres responsables politiques français, regardez qui ils sont, quelle est leur force de caractère, de quelle étoffe personnelle ils sont faits, quel est leur parcours, où et comment ils ont été formés, par quelles écoles ils sont passés, dans quels "annuaires des anciens élèves" leurs noms figurent. A tort ou a raison, j'ai l'impression qu'ils sont tous interchangeables. Donc anodins, tant ils semblent fabriqués dans le même moule.
Allez dire maintenant à un Américain qu'on pourrait mettre n'importe qui à la place de Trump : il vous prendra pour un guignol. Et il aura raison : qui oserait se prétendre un Donald Trump alternatif ?
Regardez-les, nos dignitaires : propres sur eux, de bons visages adolescents bien rasés, impeccablement vêtus, genre Attal : ils furent pour beaucoup d'excellents élèves, voire des premiers de la classe. Ils ont très tôt élaboré leur "plan de carrière" (à 50 ans, j'aurai non seulement la Rolex, mais la Patek Philippe, la Cartier, et tout ce qui va avec).
Là est le nœud de l'affaire : ils n'ont guère d'expérience directe des vacheries que peut réserver le monde ordinaire, celui de la vie ordinaire, celui où vivent les gens ordinaires qui se collettent avec la réalité ordinaire, qui savent ce que trimer veut dire, qui savent que la pierre c'est dur, qui se demandent s'ils arriveront à boucler le mois et à mettre de l'essence dans le réservoir ou du fioul dans la chaudière. En revanche, ils ont des perspectives, les enfants gâtés du destin.
Ce sont des abrités, des personnes de bureau, de dossiers, de chiffres et de données abstraites. Les ministères, la haute administration sont bourrés à craquer de gens de cette sorte (le journal Le Monde évoquait récemment le cas pas du tout exceptionnel de ces ministres sortis des grandes écoles de commerce).
Et si le malheur voulait que ce soit Marine Le Pen et Jordan Bardella qui emportent la mise à la prochaine présidentielle, ce sont tous nos petits messieurs et dames très savants, tous ces premiers de la classe à qui des parents avides de réussite n'ont jamais administré de fessées, et habitués à l'ambiance feutrée des couloirs des ministères et autres lieux de pouvoir, ce sont eux qui prendraient la raclée.
Petite satisfaction pour le peuple d'abstentionnistes auquel j'appartiens depuis 2005, à cause du référendum européen trahi par Sarkozy après son élection en 2007.
Mais pour autant, maigre et courte satisfaction. Car je ne me fais pas plus d'illusion sur la capacité de Le Pen et consort à rendre à la France un peu de fierté ou de lustre dans le concert des nations fortes, que les Américains sensés ne s'en font sur celle de Donald Trump à "make America great again" (si ce slogan a toutefois un sens).
Le France ne connaîtra donc pas les délices d'un Donald Trump à l'Elysée, et c'est après tout tant mieux. Il reste que, à la façon d'un rongeur tenace et puissant, le capitalisme sauvage insinue jour après jour ses appétits immenses dans les moindres recoins de ce qu'il reste de "secteur-public-à-la-française" (derniers exemples en date : ouverture du rail à la concurrence sous les coups des accords européens, voracité des actionnaires de Michelin qui, fort de ses deux milliards de bénéfice net, ferme deux usines en France, etc.). Le Pen-Bardella, ces Trump au petit pied lilliputien, peuvent voir la vie en rose. A se demander si la France a encore une existence.
A cet égard, l'absence d'un Trump français n'empêchera pas que progresse encore et encore l'américanisation ultralibérale du pays, et accessoirement de l'Europe ("L'Europe décroche", titrait le journal Le Monde il y a quelques jours).
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : donald trump, elon musk, états-unis, américains, les républicains, vérité alternative, rust belt, vladimir poutine, ministère de l'efficacité gouvernementale, 47ème président des états-unis, france, société, politique, marine le pen, rassemblement national, jordan bardella, gabriel attal, journal le monde, essec, hec, grandes écoles de commerce, make america great again, les tontons flingueurs, michelin
samedi, 09 novembre 2024
MADELEINE RIFFAUD
Il faut lire la belle notice nécrologique écrite pas Yves Bordenave et publiée dans le journal Le Monde daté 8 novembre 2024, bien que l'auteur évoque comme en passant le récit de vie que la résistante, journaliste et poétesse a donné à Jean-David Morvan et tel qu'il est rendu selon son découpage et scénario (voir mon billet ici même) et dessiné par Bertail (éditions Dupuis).
J'apprécie aussi grandement la photo de cette belle dame, prise le 18 juin dernier par Joël Saget pour l'AFP (elle fume un de ses cigares favoris).
Sa façon d'affronter l'objectif du photographe est une sacrée signature.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : madeleine riffaud, journal le monde, jean-david morvan, joël saget, yves bordenave, bande dessinée
vendredi, 08 novembre 2024
UNE MALÉDICTION
Il y en a qui n'ont vraiment pas de chance : les Palestiniens. Bon, c'est vrai, dans leur Livre à eux, il n'est pas question de "Terre Promise" (sauf erreur), mais seulement de "Jardins où les ruisseaux coulent" (traduction Berque du Coran). Mais quand même, la vie les a plantés là, ils ont poussé, fructifié, multiplié, bref, ils se sont installés, et c'est devenu chez eux.
Et puis pas de chance : il y a eu la Shoah, les nazis, les camps de la mort, les chambres à gaz. Et ceux d'une religion voisine ont été parachutés en grand nombre dans leurs jardins et leurs oliveraies, s'ajoutant aux juifs déjà présents dans la région depuis lurette, mais ceux-là, les nouveaux venus, avaient bien l'intention de s'accrocher et de prendre racine.
Parmi eux, certains s'estimaient même seuls propriétaires des lieux : « Ôte-toi de là, que je m'y mette ! ». Au nom de l'Histoire, qu'ils disaient. Depuis leur arrivée, a donc lieu un très sévère conflit de voisinage. Disons que la cohabitation pacifique a semblé inenvisageable à beaucoup trop de gens.
Tenez, voici la une du n°130 de Charlie Hebdo, (signée Reiser) paru le 14 mai 1973. Cela fait juste un peu plus de 50 ans. C'est-à-dire vingt-cinq ans après la désormais célèbre "Nakba" (la catastrophe). Et neuf ans avant le massacre de Sabra et Chatila. Et c'est encore et toujours la boue de réalité dans laquelle ils pataugent et se noient. Avouez qu'ils n'ont vraiment pas de chance, les Palestiniens !
Le Hezbollah irano-libanais ne s'était pas encore mis à bouffer la chair du Liban. Maintenant, à cause de ces viandards, les Libanais n'ont plus le sourire, parce qu'ils ont eux aussi plongé bien profond dans la panouille.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : israël, palestiniens, liban, islam, coran, musulmans, hébreu, bande de gaza, hamas, hezbollah, netanyahou, tsahal, juifs
jeudi, 07 novembre 2024
MADELEINE RIFFAUD EST MORTE
Madeleine Riffaud en 2011 (photo DR).
Madeleine Riffaud vient de mourir. Jusqu'à récemment (2021), j'ignorais totalement qui était cette femme et ce qu'elle avait fait dans sa vie. Il a fallu que j'achète un volume de bande dessinée pour que je découvre l'existence d'une femme d'exception. Il s'agit de Madeleine, Résistante (trois beaux volumes Dupuis - Aire libre, 2021, 2023, 2024), scénario de Morvan / Riffaud, dessin de Bertail.
Le récit détaillé que Madeleine Riffaud a longuement donné à Morvan, scénariste BD, est une merveille, et la force de ce dernier, renforcé par le dessin de Bertail, est d'avoir su restituer toute la sève qui animait cette personne indomptable, tout en découpant le propos de la façon la plus vivante.
Jean-David Morvan dans le bureau de Madeleine Riffaud, photo Julie Balague, journal Le Monde, 19 octobre 2023.
Car c'est cela qui m'a touché dans cette histoire : j'ai quasiment partagé, moment après moment et au plus près, le vécu de cette Madeleine révoltée par la présence arrogante des uniformes de la Wehrmacht sur le sol français.
Moi qui ai vécu avec la BD depuis l'enfance, j'ai rarement vibré à ce point au fil des aventures de personnages dessinés. Pour être franc, je ne pensais pas que c'était même possible. Ben oui, aussi vives que soient les impressions produites, on sait faire la différence entre le réel et la fiction. Mais là, pas moyen : tout est vrai, incroyablement vrai. Et par là incroyablement fort.
Je ne veux pas délayer, je veux juste faire ici l'éloge d'une entreprise unique en son genre : permettre à des lecteurs de participer comme de l'intérieur à ce qu'une partie infinitésimale (1% ?) du peuple français a fait pour se libérer de l'emprise nazie, à partir de l'extraordinaire témoignage d'une actrice qui n'hésita jamais à payer de sa personne.
J'ai ainsi cheminé en étroite compagnie avec Madeleine Riffaud (Rainer dans la Résistance, comme Rilke), jour après jour, depuis cette scène campagnarde où, petite fille, elle a la chance d'échapper à l'explosion d'un obus oublié de 14-18 qui tue sa petite bande de chenapans, jusqu'à la libération de Paris en 1944, en passant par le sanatorium, la vie sentimentale, la difficile admission dans un groupe de résistants, les actions clandestines, le meurtre de l'officier allemand (salué par le policier français),
Le policier.
l'arrestation (je note le salut du gendarme français, probablement sympathisant de la Résistance),
Le gendarme.
la torture (Gestapistes, mais aussi Français de la "Brigade spéciale")
Le commissaire divisionnaire Fernand David, chef de la "Brigade spéciale", fusillé le 5 mai 1945.
et, finalement, la survie.
Madeleine Riffaud en 1945, par Picasso.
Une œuvre tout à fait remarquable. Merci pour tout, Madeleine Riffaud. Reposez en paix. Merci Morvan pour le beau travail accompli. Merci Bertail pour la traduction graphique de l'épopée.
Madeleine Riffaud, portrait par Bertail (tome I).
***
Morvan et Bertail sont paraît-il décidés à poursuivre le récit après la fin de la guerre. Je me suis laissé dire (Librairie La BD, rue de la Croix-Rousse) qu'il y a de la matière pour huit volumes. Plus qu'à attendre.
09:00 Publié dans BANDE DESSINEE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : madeleine riffaud, bande dessinée, morvan bertail, jean-david morvan, éditions dupuis, collection aire libre, nazi, résistance française, accupation allemande, guerre 39-45, guerre 14-18, librairie la bd, journal le monde, julie balague, rainer maria rilke, action clandestine, paris 1944, wehrmacht, gestapo, miliciens français, brigade spéciale