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jeudi, 14 novembre 2024

BIENTÔT UN TRUMP FRANÇAIS ?

« DONALD TRUMP OSE TOUT.
C'EST MÊME À ÇA QU'ON LE RECONNAÎT. »

Trump a été élu 47ème président des Etats-Unis, parce qu'il a réussi à convaincre les Américains qu'il comprenait intimement leurs attentes et leurs besoins, et qu'il était tout disposé à les satisfaire. Et encore plus fort, qu'il était comme eux. Prestidigitateur !

Qu'il passe son temps à mentir, exagérer ou inventer des "vérités alternatives" n'a strictement aucune importance, et aucun effet sur le résultat des courses. Impuni !

Qu'il appartienne à la classe sociale la plus favorisée et qu'il ait été en mesure d'attirer les suffrages des Américains les plus vulnérables (cf. la "rust belt") est peut-être inexplicable, mais c'est un fait, et indéracinable. Magicien !

Qu'il soit une bête de foire dotée d'un culot monstre et capable de vociférer des flots d'injures et d'autres saloperies à l'adresse de ses adversaires ne fait rien non plus à l'affaire. Batteur d'estrade !

Qu'il ait été, en diverses circonstances et occasions plus ou moins claires, totalement subjugué par Vladimir Poutine, voilà encore une réalité indéniable. Traître !

Qu'il se soit entiché, voire complètement toqué d'un halluciné encore plus milliardaire et cinglé que lui, au point de créer pour lui, dans son propre gouvernement, un "Ministère de l'efficacité gouvernementale", voilà en revanche qui s'explique en grande partie par les millions de dollars qu'Elon Musk a déversés sur la candidature trumpienne. Marionnette !

Que son profil psychologique relève de la psychiatrie ne surprendra personne, mais préoccupe gravement les spécialistes de la santé mentale. Psychopathe !

Et qu'il foute la trouille à tout ce que la planète compte de démocraties respectueuses de l'état de droit, tranquilles, paisibles et un peu avachies, est hautement compréhensible. D'un coup, voilà Ubu qui surgit : « Semblable à un œuf, une citrouille ou un fulgurant météore, je roule sur cette terre où je ferai ce qu'il me plaira. » !

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Photo prise au moment du décollage d'Ubu Trump.

Décidément toutes les qualités pour foutre le maximum de pagaille dans le minimum de temps !!!

Maintenant, demandons-nous ce que tout cela nous amène à envisager pour notre compte. Et l'idée qui me vient est la suivante : est-il probable qu'un tel personnage arrive au pouvoir chez nous ? Est-ce même seulement possible ?

A priori, tout être raisonnable juge une telle hypothèse inenvisageable. Pour la raison qu'aucun homme politique français n'est doté d'une personnalité à ce point décomplexée, arrogante et dénuée de surmoi. Il faut le reconnaître : il se dégage de Donald Trump tel qu'il apparaît dans les médias, dans la presse et dans les meetings, l'image d'une force que rien au monde ne peut arrêter, atteindre ou détruire.

Et il faut le reconnaître : aucun membre du personnel politique français ne ressemble de près ou de loin aux promesses de futurs triomphes que toute la personne de l'élu américain passe son temps à faire à tous ses adeptes dans le moindre de ses gestes, dans la moindre de ses paroles, dans la moindre de ses énormités.

Aucun homme politique français n'arrive à la cheville de ce supposé surhomme ultraviril qui est apparu aux yeux d'une majorité d'électeurs comme l'incarnation vibrante de tous les superhéros inventés par la BD américaine dans la descendance de Superman, Marvel et compagnie. 

Aucun de nos députés, de nos sénateurs et même de nos ministres n'ose afficher un aplomb aussi démesuré que Trump. Par comparaison, leurs mensonges sont pâlichons et font presque pitié. Ils sont si ternes et de si peu de consistance qu'ils se confondent avec la couleur des murs : qui connaît leurs noms ? Leurs visages ? Leurs doctrines ? Leurs idées (s'ils en ont) ? Popularité zéro.

Bon, il y aurait bien les trublions du Rassemblement national, cornaqués par la fille Le Pen et son jeune et ambitieux adjoint. Mais vous voulez mon avis ? Ils la jouent tellement "petit bras" et "coups bas minables" qu'ils ne semblent crédibles qu'aux yeux d'électeurs trop naïfs : « On les a jamais essayés ! », se justifient-ils.

Le problème, c'est que les Américains l'avaient déjà essayé, Trump, et cette fois, ils l'ont élu en toute connaissance de cause. Et ça risque de saigner !

Quant au tout venant des autres responsables politiques français, regardez qui ils sont, quelle est leur force de caractère, de quelle étoffe personnelle ils sont faits, quel est leur parcours, où et comment ils ont été formés, par quelles écoles ils sont passés, dans quels "annuaires des anciens élèves" leurs noms figurent. A tort ou a raison, j'ai l'impression qu'ils sont tous interchangeables. Donc anodins, tant ils semblent fabriqués dans le même moule.

Allez dire maintenant à un Américain qu'on pourrait mettre n'importe qui à la place de Trump : il vous prendra pour un guignol. Et il aura raison : qui oserait se prétendre un Donald Trump alternatif ?

Regardez-les, nos dignitaires : propres sur eux, de bons visages adolescents bien rasés, impeccablement vêtus, genre Attal : ils furent pour beaucoup d'excellents élèves, voire des premiers de la classe. Ils ont très tôt élaboré leur "plan de carrière" (à 50 ans, j'aurai non seulement la Rolex, mais la Patek Philippe, la Cartier, et tout ce qui va avec).

Là est le nœud de l'affaire : ils n'ont guère d'expérience directe des vacheries que peut réserver le monde ordinaire, celui de la vie ordinaire, celui où vivent les gens ordinaires qui se collettent avec la réalité ordinaire, qui savent ce que trimer veut dire, qui savent que la pierre c'est dur, qui se demandent s'ils arriveront à boucler le mois et à mettre de l'essence dans le réservoir ou du fioul dans la chaudière. En revanche, ils ont des perspectives, les enfants gâtés du destin.

Ce sont des abrités, des personnes de bureau, de dossiers, de chiffres et de données abstraites. Les ministères, la haute administration sont bourrés à craquer de gens de cette sorte (le journal Le Monde évoquait récemment le cas pas du tout exceptionnel de ces ministres sortis des grandes écoles de commerce).

Et si le malheur voulait que ce soit Marine Le Pen et Jordan Bardella qui emportent la mise à la prochaine présidentielle, ce sont tous nos petits messieurs et dames très savants, tous ces premiers de la classe à qui des parents avides de réussite n'ont jamais administré de fessées, et habitués à l'ambiance feutrée des couloirs des ministères et autres lieux de pouvoir, ce sont eux qui prendraient la raclée.

Petite satisfaction pour le peuple d'abstentionnistes auquel j'appartiens depuis 2005, à cause du référendum européen trahi par Sarkozy après son élection en 2007.

Mais pour autant, maigre et courte satisfaction. Car je ne me fais pas plus d'illusion sur la capacité de Le Pen et consort à rendre à la France un peu de fierté ou de lustre dans le concert des nations fortes, que les Américains sensés ne s'en font sur celle de Donald Trump à "make America great again" (si ce slogan a toutefois un sens).

Le France ne connaîtra donc pas les délices d'un Donald Trump à l'Elysée, et c'est après tout tant mieux. Il reste que, à la façon d'un rongeur tenace et puissant, le capitalisme sauvage insinue jour après jour ses appétits immenses dans les moindres recoins de ce qu'il reste de "secteur-public-à-la-française" (derniers exemples en date : ouverture du rail à la concurrence sous les coups des accords européens, voracité des actionnaires de Michelin qui, fort de ses deux milliards de bénéfice net, ferme deux usines en France, etc.). Le Pen-Bardella, ces Trump au petit pied lilliputien, peuvent voir la vie en rose. A se demander si la France a encore une existence.

A cet égard, l'absence d'un Trump français n'empêchera pas que progresse encore et encore l'américanisation ultralibérale du pays, et accessoirement de l'Europe ("L'Europe décroche", titrait le journal Le Monde il y a quelques jours). 

mardi, 24 septembre 2024

UN GOUVERNEMENT DE POTICHES

Je veux voir dans un article somme toute bref, mais remarquable, du journal Le Monde (numéro daté de samedi 21 septembre 2024) un signe qui ne trompe pas : le gouvernement constitué autour de Michel Barnier à grands renforts de sueur, de suspense et de forceps est bien un gouvernement de potiches.

Signé Nathalie Segaunes, cet article met le plein flash sur le rôle caché mais terriblement efficace de quelques individus constituant une sorte de garde rapprochée autour du président Macron. On les surnomme « la bande des quatre » (je laisse ici de côté la référence à Mao Tsé Toung, vous savez, le procès, Chiang Ching et tout le toutim).

2024 09 21 MACRON BANDE DES QUATRE.jpg

Les quatre ne sont pas totalement interchangeables : Alexis Kohler, le manitou en second de l'Elysée, il est E.S.S.E.C.-E.N.A., alors que pour les trois autres, ceux qui sont chargés de cornaquer tour à tour les services de Bercy ou tel cabinet de tel ministre, on a respectivement : Emmanuel Moulin (E.S.S.E.C.-E.N.A.), Jérôme Fournel (H.E.C.-E.N.A.) et Bertrand Dumont (Normale Sup.-E.N.A.).

A quelque poste qu'ils soient nommés, Moulin, Fournel et Dumont sont instamment priés de reter en contact étroit avec Kohler. Rien que des premiers de la classe, des professionnels, mais aussi et surtout une chouette bande de chouettes copains, autant que de fidèles serviteurs des volontés du président. 

Voilà comment monsieur Macron "tient" l'administration la plus chère à son cœur (économie, finances et tout ce qui va avec). Quatre "as" qui doivent une partie au moins de leur carrière à Bruno Le Maire, vous savez, le forcené de la "réduction des dépenses de l'Etat" et l'ennemi déclaré de la dette et de la puissance publique (c'est-à-dire ce qui fait le bien commun). Ah tiens, Jérôme Fournel est allé "seconder" Barnier à Matignon : quelle surprise  !

Il faut dire que ces quatre mousquetaires dépassent tous les ministrables par la qualité et le niveau de leurs études. La preuve ? Nathalie Segaunes l'écrit, rapportant les propos de Pierre Birnbaum, historien et sociologue : « Les ministres de M. Macron (...) se caractérisent en outre par un niveau d'études certes convenable, mais relativement modeste ». Traduit en langue vulgaire : c'est pas la crème de l'élite.

Conclusion, les vrais chefs de la haute administration de la France ne sont pas les ministres, mais un tout petit nombre de gens jamais élus, de très hauts fonctionnaires placés sous les ordres d'Alexis Kohler, le grand coordonnateur, véritable "père Joseph" auprès d'un Macron férocement arrimé à sa prétention à rester « le maître des horloges ».

Pierre Birnbaum résume : « Le macronisme, c'est le triomphe de la haute fonction publique, qui prend en charge toutes les fonctions de l'Etat, y compris les fonctions politiques ». Il me semble bien que certains connaisseurs appellent ce genre de prise en main une "capture de l'Etat". Autant dire que ça aide à comprendre les raisons qui viennent de pousser Emmanuel Macron à s'asseoir sans pudeur sur le résultat des élections.

L'article de Nathalie Segaunes est un hommage à la notion même d'information.