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mardi, 24 septembre 2024

UN GOUVERNEMENT DE POTICHES

Je veux voir dans un article somme toute bref, mais remarquable, du journal Le Monde (numéro daté de samedi 21 septembre 2024) un signe qui ne trompe pas : le gouvernement constitué autour de Michel Barnier à grands renforts de sueur, de suspense et de forceps est bien un gouvernement de potiches.

Signé Nathalie Segaunes, cet article met le plein flash sur le rôle caché mais terriblement efficace de quelques individus constituant une sorte de garde rapprochée autour du président Macron. On les surnomme « la bande des quatre » (je laisse ici de côté la référence à Mao Tsé Toung, vous savez, le procès, Chiang Ching et tout le toutim).

2024 09 21 MACRON BANDE DES QUATRE.jpg

Les quatre ne sont pas totalement interchangeables : Alexis Kohler, le manitou en second de l'Elysée, il est E.S.S.E.C.-E.N.A., alors que pour les trois autres, ceux qui sont chargés de cornaquer tour à tour les services de Bercy ou tel cabinet de tel ministre, on a respectivement : Emmanuel Moulin (E.S.S.E.C.-E.N.A.), Jérôme Fournel (H.E.C.-E.N.A.) et Bertrand Dumont (Normale Sup.-E.N.A.).

A quelque poste qu'ils soient nommés, Moulin, Fournel et Dumont sont instamment priés de reter en contact étroit avec Kohler. Rien que des premiers de la classe, des professionnels, mais aussi et surtout une chouette bande de chouettes copains, autant que de fidèles serviteurs des volontés du président. 

Voilà comment monsieur Macron "tient" l'administration la plus chère à son cœur (économie, finances et tout ce qui va avec). Quatre "as" qui doivent une partie au moins de leur carrière à Bruno Le Maire, vous savez, le forcené de la "réduction des dépenses de l'Etat" et l'ennemi déclaré de la dette et de la puissance publique (c'est-à-dire ce qui fait le bien commun). Ah tiens, Jérôme Fournel est allé "seconder" Barnier à Matignon : quelle surprise  !

Il faut dire que ces quatre mousquetaires dépassent tous les ministrables par la qualité et le niveau de leurs études. La preuve ? Nathalie Segaunes l'écrit, rapportant les propos de Pierre Birnbaum, historien et sociologue : « Les ministres de M. Macron (...) se caractérisent en outre par un niveau d'études certes convenable, mais relativement modeste ». Traduit en langue vulgaire : c'est pas la crème de l'élite.

Conclusion, les vrais chefs de la haute administration de la France ne sont pas les ministres, mais un tout petit nombre de gens jamais élus, de très hauts fonctionnaires placés sous les ordres d'Alexis Kohler, le grand coordonnateur, véritable "père Joseph" auprès d'un Macron férocement arrimé à sa prétention à rester « le maître des horloges ».

Pierre Birnbaum résume : « Le macronisme, c'est le triomphe de la haute fonction publique, qui prend en charge toutes les fonctions de l'Etat, y compris les fonctions politiques ». Il me semble bien que certains connaisseurs appellent ce genre de prise en main une "capture de l'Etat". Autant dire que ça aide à comprendre les raisons qui viennent de pousser Emmanuel Macron à s'asseoir sans pudeur sur le résultat des élections.

L'article de Nathalie Segaunes est un hommage à la notion même d'information.

mercredi, 23 avril 2014

QUE PEUT LE POLITIQUE ?

DE L’IMPUISSANCE DU POLITIQUE 3/4

 

ELLUL 1 JACQUES.jpgLe ministre « compétent », vous savez, celui qui « connaît ses dossiers », n’est donc en soi presque rien. Car ce qu’il a ingurgité avant un débat parlementaire ou avant de se faire cuisiner par une meute de chiens journalistes dressés à montrer les crocs et à caresser ses mollets, ce n’est rien d’autre que de la note de synthèse à la file, jusqu’à en perdre l’appétit.

 

Conclusion : « Je me suis dit finalement : si c’est ça la situation d’un conseiller municipal, qu’est-ce donc pour un ministre qui ne reçoit pas trente dossiers mais trois ou quatre cents ! On se trouve dans la dépendance des services » (Jacques Ellul).

 

Le ministre, tout fiérot et fringant qu’il paraisse, n’est en effet rien d’autre qu’un « premier de la classe » qui continue, trente ans après avoir quitté les bancs du lycée, à apprendre par cœur ses leçons pour les réciter ensuite. Sa seule part de créativité, ici, consiste en la façon qu’il a de « mettre en musique » le texte pondu par ses sous-fifres, chefs et sous-chefs de bureau. Le ministre, par lui-même, n’est rien. A la rigueur un plastron, parfois un faux-nez. En réalité, le ministre n’existe pas. Ce qui existe, c’est l’ADMINISTRATION.

 

Une preuve tout à fait actuelle ? Regardez la bisbille qui vient de faire des étincelles entre le Ministère des Affaires Etrangères et le Ministère de l’Economie et des Finances. Laurent Fabius voulait que tout ce qui relève du Commerce Extérieur soit rattaché au Quai d’Orsay. Des voix « autorisées » jugent cette demande rationnelle et justifiée.

 

Que croyez-vous qu’il arriva ? François Hollande accéda à la requête de Fabius mais, pour ne pas se mettre à dos Montebourg, qui hurlait comme un goret qu’on va égorger, décida que, certes, l’autorité habilitée à diriger ce service serait transférée aux Affaires Etrangères, mais que le dit service serait maintenu physiquement à Bercy. Un coup de pommade pour Fabius, pour que rien ne change et que l’essentiel reste en place. Belle paralysie en perspective.

 

Moralité ? C’est la patte terriblement griffue des hauts fonctionnaires de Bercy qui est la plus forte : quand elle tient une proie, elle ne la lâche plus. Car le poids politique d’Arnaud Montebourg, s’il est certes réel, ne saurait expliquer à lui seul la décision de François Hollande de faire plaisir à tout le monde. Sans doute ce qu’on appelle la « synthèse ». Si François Hollande avait été Salomon, il aurait fait trancher le bébé tout vif pour en donner une moitié à chacune des mères.

 

L’Ecole Nationale d’Administration vomit ainsi chaque année autour d’une centaine d’individus passés maîtres dans l’art de la confection de dossiers, de la rédaction de « notes de synthèse » en vue de la « préparation à la décision ». Inutile de préciser que tous ces « Grands Serviteurs de l’Etat », selon le point d’avancement dans leur carrière, détiennent, du fait du poste qu’ils occupent, ce qu’il est convenu d’appeler un « pouvoir ».

 

Un pouvoir indissolublement lié à la capacité du fonctionnaire à aller au-devant des besoins du politique censé tout diriger. La servilité inhérente à une telle anticipation s'apparente en effet méchamment à l'exercice d'un vrai pouvoir qui ne dit pas son nom.

 

Voilà ce que je dis, moi.