dimanche, 07 février 2016
VU A LA CROIX-ROUSSE 19
Dans la série "Le Monde derrière la vitre".
Photo Frédéric Chambe, prise le 12 janvier 2016.
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samedi, 06 février 2016
LE POINSETTIA
Photo prise le 29 décembre 2015 à 12 h 25.
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Ce qui te compte parmi les vivants, c'est le prisonnier qui te veille.
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vendredi, 05 février 2016
APRÈS LA FERMETURE
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jeudi, 04 février 2016
DÉCHÉANCE FRANÇAISE
Qu’elle était belle, la patrie des droits de l’homme, du temps de … du temps de … de quel temps, au fait ? On n'arrête pas de parler de déchéance de la nationalité, sans se poser aucune question au sujet de la légitimité de la double nationalité. Pourquoi cette possibilité est-elle offerte ? Il y aurait motif à y voir une injustice. Ben oui : à l'égard des pauvres Français qui n'en ont qu'une. Les Franco-Français, quoi.
Déchéance de nationalité, donc. Un moyen de communication très commode pour jeter un brouillard opaque sur la question fondamentale : l'installation durable de la France dans le régime de l'état d'exception. Quelques voix s'élèvent pour alerter sur la fin de l'état de droit que ce coup de force entraîne. On ne les entend guère. C'est toute l'idée que les Français devraient se faire de la France qui, par le fait, déchoit.
Français, prenons plutôt exemple, une fois n'est pas coutume, sur Tarek Oubrou, l'imam de Bordeaux, qui a reçu des menaces de mort parce qu'il n'est pas assez "islamique", mais que ça n'a pas empêché de refuser la proposition d'une "protection rapprochée", avec gardes du corps. Ne changeons rien à notre façon de vivre. Les "Sentinelles" doivent retourner dans leurs casernes. Et tous les services (police, renseignement, ...) doivent faire leur boulot. Qu'on leur en donne les moyens par autre chose que des pouvoirs accrus.
Regardez-la, aujourd’hui, la patrie des droits de l’homme. L’œil sur les résultats de sondages massivement (paraît-il) favorables aux mesures d’exception, le chien Cerbère (Hollande-Valls-Cazeneuve), depuis le 13 novembre 2015, de ses trois gueules béantes, gronde, aboie, mord tous les "suspects" qui passent à portée de ses crocs.
Pierre Grimal, dans son irremplaçable Dictionnaire de la mythologie, écrit : « Cerbère est le "chien de l'Hadès", l'un des monstres qui gardaient l'empire des morts et en interdisaient l'entrée aux vivants ».
Cerbère s’apprête a pérenniser l’état d’urgence en l’inscrivant dans la Constitution. Mais ça ne lui suffit pas : il s’apprête à faire voter une loi sécuritaire – une de plus – destinée à transférer toujours plus de pouvoirs et de liberté d’action des instances judiciaires vers les instances administratives.
Et s’il faut vraiment croire que les sondages ne sont pas si fantaisistes que j’ai tendance à le croire, les Français applaudissent, réclament toujours plus de sécurité, de répression préventive. Les Français préfèrent les flics à la justice.
J'en conclus que, les Français, en conséquence, méritent Cerbère. Ils ne se rendent pas compte que Cerbère fut le gardien des Enfers. Je leur rappelle malgré tout comment finit la phrase de Pierre Grimal citée plus haut : « ... et en interdisait l'entrée aux vivants mais surtout, il empêchait d'en sortir ». A bon entendeur.
Et je crains que les trois têtes de son actuel descendant s’apprêtent à bouffer ce qui reste de leur âme. Et nul Héraclès aux alentours pour museler le monstre.
Cette France-là n’est pas la mienne.
Voilà ce que je dis, moi.
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APRÈS LA FERMETURE
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mercredi, 03 février 2016
APRÈS LA FERMETURE
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mardi, 02 février 2016
APRÈS LA FERMETURE
2/2
Les images sont obtenues cette fois en plaquant l’objectif de l’appareil contre la surface vitrée, une fois l’intérieur déserté, après la fermeture. Cela permet d’éliminer tout reflet autre que ceux offerts par les éventuelles surfaces réfléchissantes présentes à l’intérieur.
Cette façon de faire est hélas rendue impossible dans bien des cas : le rideau - textile ou métal, intégral ou maillé - est décourageant par principe. Mais il faut éviter de susciter la convoitise, et puis, les assurances, n'est-ce pas, exigent qu'on se prémunisse. Je comprends : je n'excuse pas.
Là où c'est possible, et heureusement ce l'est encore souvent, cela donne des ambiances un peu fantomatiques, aux lumières diversement intenses, diversement colorées. La réalité perd de sa consistance. Il n’est pas toujours aisé de deviner l’activité à laquelle on se livre dans les lieux.
Dans certains locaux, on voit régner un ordre hygiénique impeccable, où tout est perpendiculaire, propre et aseptisé. Ailleurs, on voit un innommable bazar où tout s'enchevêtre dans un joyeux tumulte visuel. On sent que le commerce obéit à des lois qui n'ont pas besoin de s'écrire pour être appliquées.
Que devient un magasin quand tout le monde l’a quitté ? A quoi ressemble un local commercial, une fois débarrassé de toute présence humaine ? Que nous raconte-t-il de ce à quoi il sert, de ce qui s’y passe durant la journée, des gens qui l’ont conçu, aménagé, meublé, fréquenté ?
Les espaces apparaissent, une fois la journée de travail terminée, sous un jour différent, éclairés par les seules lumières de la rue, enseignes restées allumées, éclairage public, hormis la présence lumineuse éventuelle laissée par l’occupant des lieux.
Il va de soi, ici, que chaque image n'est pas à regarder pour elle-même, et que c’est l’inscription de chacune dans la série complète qui compte, vu que c’est la variété des paysages ainsi captés qui constitue en soi le sujet, et qui permet à l’œil de profiter du tout en comparant les effets produits par les parties.
J’aime assez la bigarrure obtenue par cette succession, genre diaporama. L’intéressant de la chose, c’est bien sûr qu’aucun de ces lieux n’est fait pour être regardé, quoiqu'une vitrine de magasin soit avant tout un moteur de désir. C'est son seul lien avec le "spectacle". A part ça, franchement, quel intérêt ? Qui serait assez bête pour s’attarder à de telles futilités ?
Il fallait bien que quelqu’un se dévouât.
Voilà ce que je dis, moi.
Série à suivre, mais sans baratin : j'en laisse la tâche aux adeptes de la sémiologie.
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lundi, 01 février 2016
APRÈS LA FERMETURE
1/2
Je ne suis pas photographe, mais … je fais des photos. Et ça, c'est de la faute de la chère Madeleine D., au charmant visage ridé comme une vieille pomme, qui m'avait étourdiment offert un Ultra-Fex (pellicule 6x9 petit trou) avant même que j'aie passé mon permis. Je ne l'ai jamais passé, mais je roule quand même. Entendons-nous : je n’ai jamais eu l’intention d’en faire un métier, pour une raison très générale, qui pourra sembler étrange, et même inadmissible : je n’ai jamais voulu exercer un métier, quel qu’il soit.
Les hasards et les nécessités de l’existence m’ont porté là où il m’a fallu tenter d’exister, bien obligé. Je me suis toujours efforcé de faire face aux circonstances. Mais parvenu là où il m’a fallu être et demeurer, je n’ai jamais fait le moindre effort pour acquérir la technicité ou le professionnalisme que ma fonction supposait. Pareil pour la photo. Les éventuels savoir-faire sont venus "sur-le-tas". J'ai toujours improvisé. Selon les situations. J'ai avancé en oubliant, donc en inventant un présent à mon usage.
C'est peut-être de là que me vient le goût prononcé pour le jazz en petite formation : la vie réelle se fabrique par les interactions entre vivants. Piano, basse, batterie (Jarrett-Peacock-DeJohnette ; Jamal-Crosby-Fournier ; Garner-Calhoun-Best ; Mehldau-Grenadier-Rossy ; ...) : on ne sait pas où on va, mais on y va joyeusement, on verra bien. C'est comme la vie, avec ses hauts et ses bas. Ses creux et ses intensités jouissives. Ses calmes plats et ses orages. Ses paix et ses guerres.
Le grand orchestre, c'est un chef qui se fait obéir, c'est une partition (presque) toute écrite, c'est des musiciens payés pour exécuter, pas pour inventer. Moi je me dis : il vaut mieux chercher qu'avoir trouvé. L'acquis est un poids pour l'âme. Il vaut mieux improviser. Une forme d'autodidactisme, si je ne me trompe.
Les professionnels de la profession m’ont toujours un peu ennuyé, toujours prêts qu'ils sont à vous faire porter le fardeau de leur « compétence ». C'est presque toujours leur fonction qui parle, presque jamais leur personne : après tout, on se fiche bien de connaître la manière dont Montaigne administra la ville de Bordeaux. La compétence, ça donne des certitudes et une sécurité, malheureusement je ne possède que quelques convictions. Une pente naturelle me porte vers une paresse existentielle. Résultat : doué pour rien, bon à tout, spécialiste de pas grand-chose, résolument "culturgénéraliste", guidé par les possibles encore possibles. Une spécialité, c'est des œillères. J'ai toujours préféré collectionner, tous les sens aux aguets.
Par suite, j'aimerais que les images qu’il m’arrive de montrer ici, avec leurs défauts techniques et leurs maladresses, soient considérées davantage comme des comptes rendus de rêveries et d'errances curieuses, comme des ébauches de poèmes visuels, que comme des photographies habilitées à recevoir l’estampille officielle.
Les visiteurs de ce blog connaissent sans doute mes séries « Le Monde dans la vitre » (reflets plus ou moins complexes, voire confusants pour le regard) et « Le Monde derrière la vitre » (ombres chinoises de diverses natures, portées, à la nuit tombée, sur des fenêtres au verre dépoli, par une source lumineuse domestique, avant clôture des stores ou extinction des feux).
Depuis peu, j’ai inauguré une nouvelle série. Pour le titre, j’hésite encore. Je me suis dit que « Après la fermeture » ne serait pas mal. C’est encore une histoire de vitres, et encore mieux : de vitrines.
Voilà ce que je dis, moi.
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dimanche, 31 janvier 2016
FRANZ LISZT A LYON
On ne le sait pas forcément, et en tout cas pas suffisamment : le Hongrois Liszt Ferenc (prononcer Ferents), plus connu sous son prénom germanisé (Frantz), fut un admirateur des révoltes des canuts de Lyon de 1831 et 1834. Au point qu’il composa, en 1837, une pièce pour piano intitulée « Lyon ». Dédiée à l’abbé Lamennais, elle figure dans le premier cahier de la partition « Album d’un voyageur » (1837) (cliquer pour 7'41"). Pourquoi Lamennais ? Sans doute parce que, apôtre d’un catholicisme social, courant auquel Liszt était alors sensible, Lamennais était en butte aux tracasseries de sa hiérarchie.
La maison Carquillat est présente au musée des Tissus de Lyon, au moins, pour le portrait qu'elle a tissé, autour de 1830, du grand Franz Liszt. J'avoue que j'ai du mal à déchiffrer le rébus qui figure en légende du portrait proprement dit.
Les canuts lyonnais combattaient alors (le monde civilisé connaît sans doute la fière et démodée devise « Vivre en travaillant ou mourir en combattant ! ») pour leur dignité et une juste rémunération de leur travail. Ce combat toucha l’âme romantique du compositeur et pianiste virtuose. Son « Lyon », forcément "superbe et généreux", constitue, selon des voix autorisées, une préfiguration de la scène finale de La Walkyrie (un certain Wagner, je crois), à cause de la puissance orchestrale déployée par le piano.
Attention, le « Lyon » de Liszt, on ne peut pas dire que c’est ce qu’il a fait de mieux : l’ambiance est martiale, pompeuse, d’une grande noblesse. Pas grand-chose à voir avec la réalité du monde des canuts de la colline de la Croix-Rousse : pour ça, allez plutôt voir du côté de La Colline aux canuts, la pièce de théâtre que Roland Thévenet leur a consacrée. Il faut le savoir : le canut est catholique, souvent bon buveur, il travaille beaucoup (la Croix-Rousse, c'est la "colline qui travaille") et il bat sa femme avec conscience. Aujourd’hui, on a tendance à idéaliser.
On a oublié que la Croix-Rousse, pente et plateau, c'était ni plus ni moins qu'une sorte d'usine : selon Nizier du Puitspelu, Lyon, en 1890, comptait environ douze mille métiers. Il précise : « Lorsque j'étais borriau [apprenti], voilà cinquante-deux ans en çà, il y avait à Lyon soixante mille métiers à main, entends-tu, soixante mille battants frappant la trame ». Et il ajoute en note, avec une pointe de nostalgie : « Enfin quoi ! suffit que de mon temps, il y avait beaucoup de métiers, c'est sûr, et que l'on ignorait encore les métiers mécaniques qui peu à peu envahissent tout ». Le "progrès" a réglé la question. Revenons à Liszt.
Il se trouve que, quelques années plus tard (en 1844), on annonça la venue de Liszt à Lyon, pour une série de concerts. Alors là, attention les yeux : l’événement, s’il fut pacifique, n’en fut pas moins un véritable soulèvement populaire, si on se réfère à l’enthousiasme unanime qui s’empara des autorités et de la population de la ville. On n’a aucune idée de la dimension de la chose. Pour s’en faire une, il faut se replonger dans la lecture d’une revue parisienne qui en publia le récit.
C’est en termes carrément apoplectiques, en effet, que Le Ménestrel du 14 juillet 1844 rend compte du déroulement des cérémonies. Le rédacteur de l’article ne pleure pas l’hyperbole : « La seconde ville de France vient de faire au premier pianiste de Hongrie une réception digne d’un prince russe. Que dis-je, jamais un prince russe dans ses moments les plus solennels, n’a obtenu pareille ovation. Pour se faire une idée de l’accueil de Liszt à Lyon, il faut reporter ses souvenirs vers Alexandre le Grand et son entrée à Babylone. Encore n’est-il pas démontré que la joie des Babyloniens puisse soutenir la comparaison avec la jubilation des Lyonnais ». Tel que. J’avais prévenu. Je ne savais pas qu’une lichette de Babylonien sommeillait discrètement dans tout Lyonnais qui se respecte (« Avant avant Lion le melhor » est la devise). Je n’en fais pas le fier pour autant.
Il faut dire que Lyon n’a pas fait les choses à moitié : « A peine les autorités lyonnaises eurent-elles appris que Franz Liszt s’avançait vers la ville qu’une députation de notables et de cinq mille canuts furent envoyés à sa rencontre. Des arcs de triomphe étaient construits de distance en distance. Une triple rangée de jeunes filles vêtues de blanc et couronnées de roses formait la haie sur toute la route. On échangea de magnifiques harangues, après quoi Franz Liszt fit son entrée dans la ville à travers un monceau de guirlandes et un tonnerre de hurrah ! ». Cinq mille canuts, une triple rangée de jeunes filles : et certains accusent encore les Lyonnais de froideur !
Mais ce n’est pas fini : « Dès le matin du jour fixé pour son premier concert, les cloches de Lyon sonnèrent à toute volée. Les fabriques chômèrent. Les boutiques restèrent fermées. La population détela ses chevaux et traîna sa voiture jusqu’à l’hôtellerie. Là, Franz Liszt parut sur un balcon et, brandissant son grand sabre, il s’écria en hongrois : Lyonnais, je suis content de vous ! Le préfet de la ville lui envoya immédiatement une garde d’honneur ». N’en jetez plus, la cour est pleine.
Le masque mortuaire.
L’auteur de l’article du Ménestrel décrit encore sur le mode lyrique l’affluence monstrueuse suscitée partout alentour par le concert, que le célèbre musicien fut obligé de répéter dans les jours suivants, pour donner à tous les amateurs l'occasion de l'entendre. Il évoque cela sur le ton de la vénération, les concerts et leur effet magnétique sur un public conquis d’avance. Retenons de tout cela, simplement, qu’un très grand homme s’est incliné, en passant par Lyon, devant les tombes symboliques de la résistance à l’oppression et de la fierté du labeur ouvrier.
Des tombes désormais effacées de la mémoire des hommes. Des tombes pour touristes.
Voilà ce que je dis, moi.
Note : j’avais rédigé un article sur le même sujet, que l'association L’Esprit canut avait publié en 2012 (n°19), dans le numéro de printemps de son Bulletin (c'est en p.5). Le billet ci-dessus en est une mouture notablement modifiée.
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samedi, 30 janvier 2016
VU A LA CROIX-ROUSSE 18
Le salon de coiffure, ambiance nocturne, après la fermeture.
Dans la série "Le Monde derrière la vitre", mais sans reflet, pour cette fois (et pour cause).
Photo Frédéric Chambe, prise le 26 janvier 2016.
Photo Frédéric Chambe, prise un autre jour.
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vendredi, 29 janvier 2016
VU A LA CROIX-ROUSSE 17
Dans la série "Le Monde derrière la vitre".
L'atelier intermittent.
Photo Frédéric Chambe, prise le 6 janvier 2016.
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CHRISTIANE TAUBIRA DÉGAGÉE
Christiane Taubira quitte le gouvernement. Je dis juste : "BON DÉBARRAS !". A mon avis, François Hollande attendait pour la lourder une "fenêtre de tir" médiatique, je veux dire communicationnelle. Aussi communicationnelle que la raison de sa présence et de sa durée dans l'équipe gouvernementale. Puisqu'il n'y a plus de gauche sociale, de gauche économique ou de gauche politique, Christiane Taubira a figuré la nouvelle gauche, la gauche SOCIÉTALE, cette espèce de mollusque gluant qui vit sur le mensonge et la manipulation.
C'est-à-dire la gauche qui a abdiqué la gauche : celle qui, convaincue que l'ordre des choses ne peut plus être changé (défaite du communisme oblige), s'est rabattue sur la révolution des "valeurs", dont l'instauration du mariage entre homosexuels et entre lesbiennes est le plus beau fleuron. Taubira (accompagnée par le chœur unanime des « Associations ») a monté en chantilly l'argument selon lequel c'était un "progrès". L'ordre des choses a triomphé, et la gauche avoue : "Oui, c'est vraiment lui le plus fort". Elle avoue son impuissance, son défaitisme, son renoncement à proposer un avenir meilleur. Mais elle n'a pas renoncé à promouvoir l'idée de "progrès", alors elle s'est rabattue sur des objectifs moins ambitieux. Plus à sa portée. Appelons ça la gauche sociétale.
La gauche a fait, du beau langage d'espoir qu'elle apportait à l'espèce humaine, cette novlangue infecte qui transforme en leurs contraires toutes les valeurs qu'elle prétend promouvoir. Puisqu'on ne peut pas changer les choses, il est nécessaire de s'adapter si l'on veut avoir une chance d'exercer le pouvoir. Puisqu'on ne peut pas changer les choses, changeons les mots : faisons dire aux mots autre chose que ce qu'ils signifient. Si c'est ça, être de gauche, alors oui, je suis de droite.
Christiane Taubira, entre les crocodiles qui pleurent et les gens « degôche » qui honnissent la ligne hollando-vallsienne, on l'oublie un peu trop, avant d'être cette icône paradoxale, a voté en 1993 en faveur du gouvernement Balladur. Elle fut un copine de Bernard Tapie. Et ces deux faits en disent long. Dans le fond, sa carrière n'est pas plus crapuleuse que celle de celui-ci. Je me demande en fin de compte la nature du chantage qu'elle a pu exercer sur François Hollande : pour quelle obscure raison la craignait-il ? Pour quelle raison a-t-il eu besoin d'elle ? Juste le mariage homo, vraiment ?
Comme dit le capitaine Haddock : « No sé ».
Voilà ce que je dis, moi.
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jeudi, 28 janvier 2016
VU A LA CROIX-ROUSSE 16
Dans la série "Le Monde dans la vitre".
Le magasin d'articles ménagers.
Photo Frédéric Chambe, prise le 12 janvier 2016.
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HERMANN GRAND PRIX DE LA BD D'ANGOULÊME.
Pour moi, Hermann, c'est Caatinga, une fable sur les cangaceiros.
Hermann, c'est Sarajevo tango, un pamphlet dénonçant l'indigne lâcheté de l'ignoble « communauté internationale » à l'époque de la guerre de Bosnie.
Hermann, c'est l'Afrique : Missié Vandisandi, avec ce brave père tranquille qui part pour le Congo, manipulé et pris dans des conflits qui le dépassent et auxquels il ne comprend rien.
Afrika, avec ce Dario Ferrer qui administre une grande réserve d'une main ferme, et qui ne badine pas avec les braconniers qui lui tuent ses rhinocéros.
Hermann, c'est le Western : On a tué Wild Bill, où le jeune Melvin n'a qu'une idée : venger l'assassinat de la chérie de son enfance.
Hermann, c'est des séries : Bernard Prince, oui, bon, ce n'est pas ce qu'il a fait de mieux. Il est vrai que c'était "pour la jeunesse".
Les Tours de Bois-Maury, dont je garde l'étrange histoire de Sigurd.
Comanche, "pour la jeunesse" aussi, avec son cow boy roux nommé Red Dust, dont je garde l'album Le Corps d'Algernon Brown, parce qu'il n'y a pas trop de westerneries.
Enfin et surtout Jérémiah, dont je garde, parmi trente-quatre albums excellents, le superbe et glaçant Qui est Renard bleu ?
Hermann, c'est un univers profondément humain, profondément sombre et pessimiste. Je ne suis pas sûr qu'il ait une grande confiance dans l'espèce humaine. Voir pour cela Abominable, Lune de guerre, Zhong Guo, The Girl from Ipanema, etc.
Hermann est un grand artiste.
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mercredi, 27 janvier 2016
VU A LA CROIX-ROUSSE 15
Dans la série "Le Monde dans la vitre".
La salle de restaurant, avec ses deux voûtes au fond.
Ci-dessous, la même salle, débarrassée de reflets.
Photos Frédéric Chambe, prises le 19, puis le 25 janvier 2016.
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mardi, 26 janvier 2016
MON ADIEU À CHARLIE
2/2
Alors pourquoi cette tristesse grandissante à la lecture ? D’abord Cabu. Mon Cabu, Cabu l’assassiné. Car Denis Robert arrive à écorner gravement l’image du Grand Duduche. Remarquez que je me doutais de quelque chose. Un article du Monde, en juillet 2008, cité par l’auteur, m’avait chiffonné à l'époque : Charlie publie alors les « caricatures de Mahomet ». Succès fulgurant : 500.000 exemplaires vendus. Moyennant quoi les quatre actionnaires toucheront au total 968.510 euros de dividendes.
Les actionnaires ? Val, Cabu, Bernard Maris et Eric Portheault (le comptable). Cabu ? Maris ? Comment est-ce possible ? Le gras est pour les deux premiers : 330.000 euros chacun (p.218). La somme, de fait, m’avait semblé énorme, brouillant l’image de l’icône. Trop d'argent, c'est toujours mauvais signe.
Et puis il y a cette histoire des locaux de Charlie rue de Turbigo. Les mêmes actionnaires créent une SCI pour acheter les 200-250 m², empruntent auprès de la banque en faisant de Charlie la caution du prêt – qu’ils rembourseront très vite grâce aux bénéfices de l’entreprise – et feront de la revue leur locataire ! L’entourloupe est superbe, légale et puante. Et quand ils revendront le bien quelques années plus tard, ils toucheront une tout aussi superbe plus-value. Dire que Cabu a trempé là-dedans … qu'il en a profité ... C'est trop moche.
Dans son bouquin, par-dessus le marché, Denis Robert montre un Cabu à la remorque de Philippe Val, capable de lâcher Siné, que celui-ci ose accuser d’antisémitisme, au mépris de la vérité, pour mieux pouvoir lourder ce gêneur incorruptible hors des murs de Charlie : « La pilule est dure à avaler, moins pour Val, pour qui Delfeil (de Ton) n’a aucune considération, que pour Cabu. Découvrir que Cabu, le Cabu des débuts d’Hara Kiri, l’ami et le frère de la glorieuse époque, se prête à ce coup de poignard, est le signe d’une improbable trahison » (p.121). Cabu prendra une gifle de Delfeil, mais Siné gagnera son procès. Deux gifles pour le prix d'une. Allons, il y a encore une justice.
Denis Robert restaurera tant soit peu l’image ternie du Grand Duduche vers la fin du livre : « Même si Cabu a gagné beaucoup d’argent avec Charlie Hebdo, ce n’était pas une motivation suffisante pour comprendre son ralliement constant aux idées de Val. Cabu gagnait beaucoup plus d’argent encore avec ses albums et ses collaborations extérieures. Il vivait modestement. L’argent n’a jamais été un moteur pour lui. Cabu était un buveur de lait, un dessinateur de génie, mais un homme naïf. Sa soumission à Val reste une énigme » (p.292). Il n’empêche : l’image de Cabu en a pris un sale coup. D’abord l’homme d’argent. Ensuite le soutien à Philippe Val, ce particulier peu recommandable. Je suis obligé de le dire : Cabu a mal vieilli. Peut-être a-t-il fini par se faire acheter par le statut social où son talent l'a promu ?
Pour ce qui est de Philippe Val en personne et du portrait que Denis Robert offre de l’individu, rien de bien surprenant en fin de compte. Le personnage m’est depuis fort longtemps antipathique. Avide de pouvoir et manipulateur. Combinard, avec son pote Malka, avocat de Charlie, mais aussi, dans le même temps, de Clearstream (tiens donc !). Je passe sur le curieux comportement de l’avocat Malka à l’égard de son ancien patron Dartevelle.
Val s’appuyant juridiquement sur Malka pour, dans un double mouvement, faire reconnaître à Cavanna, le fondateur, la propriété du titre Hara Kiri (au détriment de Bernier-Choron), pour mieux le dépouiller ensuite de l’intéressement aux bénéfices de Charlie, dont il se débrouillera pour lui faire verser, royalement, 0,44%. Quand il est devenu directeur de France Inter, puis soutien de Nicolas Sarkozy, mon radar avait cessé depuis très longtemps de capter l'écho de ce petit monsieur.
Denis Robert, par reconnaissance envers Cavanna et Choron, ainsi qu’à un certain esprit Hara Kiri qui n’a pas été pour rien dans son parcours professionnel, nous fait suivre les traces de ces combattants, mais à une époque où ils sont complètement largués, dépassés par les événements. Cavanna ne comprend rien aux arguties juridiques dans lesquelles il devrait se plonger pour défendre ses intérêts. Cet homme de parole répugne à tout ce qui est paperasse. Et Val saura en profiter honteusement. Choron, lui, a dit un merde définitif à Val, dès la première approche en vue de la reparution de Charlie. Quand Cavanna a compris dans quelles grandes largeurs il s’était fait avoir, il n’avait plus la force de se battre, désabusé, dégoûté.
Philippe Val, en grand opportuniste, a su saisir les occasions de s’élever, quand elles se présentaient. Au total, on peut se dire, avec Denis Robert, qu’il s’est servi de Charlie comme d’un marchepied, et qu’il l’a très tôt mis au service de son ambition personnelle.
Le répugnant, c’est que deux faux-jetons, après le 7 janvier, sont allés répandre leur « émotion » sur tous les plateaux de télévision, tout en livrant leur propre version de l’histoire de la revue, qui n’a, selon Denis Robert, pas grand-chose à voir avec la vérité. Revue dont ils n’avaient, au surplus, plus rien à cirer. Quant aux rapports de Val à l’argent, il faut lire le passage édifiant où l’auteur rend compte d’une interview dans laquelle, interrogé (je crois) par Maïtena Biraben, il s’embourbe dans les circonlocutions et les manœuvres d’évitement. Visiblement, il juge ces basses questions fort indiscrètes.
Voilà d’où vient la grande tristesse qui vous prend à la lecture du livre de Denis Robert. D’un côté, la fin d’un Choron complètement désargenté, la fin d’un Cavanna qui n’a plus la force de se bagarrer. Les deux derniers des Mohicans (excellent titre). De l’autre, des gens sans scrupules, machines à traire la vache à lait, qui se sont enrichis sur la bête. J’en veux désormais à Cabu et à Bernard Maris de s’être prêtés à de petites manœuvres bassement intéressées, sans aucun respect des liens d’amitié. Et en contradiction hypocrite avec l’image des combats qu’ils déclaraient mener. C'est sale. Le signal aveuglant d'un changement radical d'époque : l'imposture du retour de Charlie marque l'émergence, puis le triomphe des petits calculs et du mercantilisme. Bien adaptés à l'intégrisme ultralibéral ambiant. Mais bon : paix à leurs cendres.
Il reste cependant le grand Charlie, le seul, l’unique, le premier Charlie, celui de 1970, digne successeur d’Hara Kiri Hebdo, et porté, pendant dix ans, par une inégalée et incomparable équipe de joyeux drilles libres, irrespectueux et créatifs.
Ça, on ne me l'enlèvera pas.
Voilà ce que je dis, moi.
Note : A ceux qui s'étonneraient qu'une présence tricolore puisse être associée à l'équipe anarcho-festivo-alcoolique de Hara Kiri, qui n'en avait strictement rien à foutre, je signale que cette modeste manifestation de patriotisme remonte aux attentats de Paris, le 13 novembre 2015, au stade de France, au Bataclan, aux terrasses du Carillon, de La Belle Equipe, du Petit Cambodge, de Casa Nostra et du Café Bonne Bière.
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lundi, 25 janvier 2016
MON ADIEU À CHARLIE
Je dis aujourd'hui, définitivement, le cœur serré, adieu à mon Charlie. C'est la mort dans l'âme, mais je le dis : Charlie est mort. Je viens de l'apprendre en lisant le faire-part de décès publié par Denis Robert.
1/2
Je n’aurais peut-être pas dû lire Mohicans, de Denis Robert (Julliard, 2015). Plus j’ai avancé dans la lecture, plus je me suis senti envahi par une immense tristesse. Alors vraiment, Charlie, c’était devenu ça ? Cette chose immonde et détestable ? Je n’aurais pas cru ça possible. Pour dire le vrai, j’ai pris un coup dans la gueule.
Remarquez, ça faisait si longtemps que je ne l’achetais plus, bien des années avant les attentats, que j’aurais pu me douter qu’il s’était passé quelque chose. C’est vrai, je ne supportais plus. Quoi ? En premier lieu, les éditoriaux de Philippe Val, complaisants, discoureurs, bavards. Et puis il y avait les nouveaux dessinateurs : Luz, Riss, que je trouvais sinistres et bornés. Pas drôles. Il faut dire que j'ai été formé par des Reiser, des Gébé, des Cabu : ça met la barre trop haut pour eux.
Je lisais volontiers les papiers d’Oncle Bernard. Je lisais encore les pages de Cabu, Gébé. Pas grand-chose d’autre. Je me rappelle, je ne sais plus quand, avoir trouvé minable l’énorme étron qui occupait les pages centrales, pour bien signifier ce que, à Charlie Hebdo, on pensait du Front National et de la famille Le Pen. J’avais trouvé que, dans l’analyse politique, on ne pouvait pas descendre plus bas.
Bref, plus grand-chose à voir avec le grand Charlie, le seul, l’unique : le premier, quoi (la pile ci-contre). Celui-là, attention, pas touche ! J’ai conservé la collection (presque) complète, même si je reconnais que j’étais moins fidèle sur la fin. J'avais l’impression, je ne sais pas, moi, que le cœur n’y était plus. J’ai arrêté au n°462, en 1979, je crois. Quand il était reparti en 1992, j’avais réembrayé joyeusement, en me disant que son absence de dix ans faisait un trop gros trou dans la presse française : le nouveau Charlie comblait une béance. Il y avait bien Le Canard enchaîné, mais ce n’est pas la même chose.
Mais je ne savais rien des dessous de cette reparution : il y avait l’ancienne équipe presque au grand complet (Cavanna, Cabu, Gébé et compagnie). Je me disais que c’était reparti. Il y avait bien un absent de taille, Choron, mais bon. Il y avait aussi des petits nouveaux, et parmi eux, un certain Philippe Val. Je me disais pourquoi pas. Globalement, ça faisait plutôt du bien. Non, je ne me suis pas abonné : avec La Poste, on ne sait jamais, les grèves, les retards, tout ça. Je plaisante : j’aime bien passer au kiosque, voilà tout.
J’ai donc acheté mon Charlie au numéro, fidèlement, chaque semaine. Et puis ça a duré ce que ça a duré, j’avoue que je ne me souviens plus de ce qui a motivé ma lassitude, ni quand c’est venu. Simplement, l’éloignement s’est accru, sans que j’en identifie la raison : Charlie ne me parlait plus. Charlie n’avait plus rien à me dire. C’était un constat. Dommage, bien sûr, mais on ne va pas se forcer, n’est-ce pas. C'était peut-être moi qui avais changé, et l'hypothèse est vraisemblable. Mais c'était peut-être Charlie, qui n'était plus le même. En refermant le bouquin de Denis Robert, j’avais compris.
Alors le livre de Denis Robert ? Ce qu’il faut savoir, c’est que l’auteur est un journaliste d’investigation : l’affaire Clearstream, c'est lui : vous savez, les « chambres de compensation », et tous les trucs louches qui passent par elles. Il a d’ailleurs failli ne pas s’en remettre, parce qu’en face, ce n’étaient pas des enfants de chœur, et ils mettaient les moyens. Mais c’est lui qui a fini par gagner tous ses procès. Aux dernières nouvelles, Clearstream se porte bien, rien n’a changé. A se demander pourquoi ils ont recouru aux tribunaux. Et à quoi ont servi Denis Robert et son brûlot.
Sur Charlie, d'emblée, l'auteur explicite son intention. Il veut reconstituer l'histoire : « L'époque étant ce qu'elle est, ces journaux fougueux qui sentaient le foutre, la sueur, l'alcool, la liberté sont devenus des marques. Cette histoire est la saga d'un détournement. C'est la dilapidation d'un héritage sur fond de libéralisme échevelé. C'est la chronique d'une étrange manipulation qui a permis d'utiliser un nom, un titre, pour attirer le consommateur en lui vendant un produit ayant perdu sa créativité et sa flamboyance. Comme s'il avait, sans que rien ne le laisse apparaître extérieurement, largement dépassé sa date de péremption. C'est une histoire tumultueuse, magnifique, triste et honteuse. A mes yeux, elle est exemplaire » (p.12-13). On ne peut être plus net. Le lecteur est prévenu.
Dans Mohicans, il n’est pas exagéré par ailleurs de dire que Denis Robert adopte le regard de Cavanna. Comme s’il avait à son égard une dette. Il le dit : « Cavanna était un homme généreux. Sur les dernières années de sa vie, j’aurais aimé le voir plus combatif. Il était comme endormi, fatigué, usé. Je l’aimais beaucoup, mais ce n’est pas ce qui compte. Ce serait même un frein. Le sentiment qui m’anime quand je pense à lui, en entamant ce récit, ce n’est pas l’admiration, ni l’affection. C’est la reconnaissance » (p.13). Moins qu’un parti pris, cela s’appelle une dette, non ? J’aime beaucoup ça, parce que, pour moi, l’empreinte que laisse le pied de Cavanna dans le sol, quand on passe derrière, s’appelle droiture et loyauté. Parce que, pour moi aussi, Cavanna est impeccable.
Mais essayer de restituer le point de vue de Cavanna n’empêche pas l’auteur de faire son métier : l’enquête est serrée, nourrie au plus près des sources, avec tous les recoupements qu’il faut. On n’oublie pas d’être professionnel. On doit bien ça au fondateur d’Hara Kiri. Pardon : aux fondateurs, parce qu’il ne faudrait pas oublier le professeur Choron, « Georget » ou « Le Prof » sous la plume de Denis Robert. Le tandem inoubliable qui a, pendant vingt-cinq ans, semé une pagaille monstre dans le paysage de la presse française.
Deux merveilleux foutraques, l’un incontrôlable, l’autre plus posé, mais un tandem bourré d’énergie, de volonté, de talent, de débrouillardise et d’imagination. Et puis pardon, mais comme centre de gravité, ils se posent là, les deux compères. Parce que la planète Hara Kiri, au début, elle rassemble Fred (oui, celui de Philémon, mais aussi celui du Petit cirque), Topor, Cabu, Wolinski, Gébé : ils ont réuni la fine équipe ! La Belle Equipe. Ado, j’avais un pote, Jean-Marc, qui achetait en douce des Lui et des Hara Kiri (il avait l'argent de poche) qu’il cachait sous le pare-feu de la cheminée de sa chambre, en s’imaginant que sa mère n’entendait pas quand il manœuvrait la pièce métallique. Tu parles ! Mais c’est vrai que les femmes à poil et à gros seins dégoulinant de spaghettis bolognaise, me faisaient un effet, disons, moyen.
C'était pourtant ça, aussi, l'esprit Hara Kiri.
Voilà ce que je dis, moi.
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dimanche, 24 janvier 2016
VU A LA CROIX-ROUSSE 14
Dans la série "Le Monde derrière la vitre".
Photo prise le 8 janvier 2016 à 19 h 18.
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Je trouve au matin des mots dont la chair s'est dévêtue dans le sommeil.
Juste un peu d'eau entre mes doigts.
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samedi, 23 janvier 2016
VU A LA CROIX-ROUSSE 13
Dans la série "Le Monde derrière la vitre".
Photos Frédéric Chambe, prises le 8 janvier 2016 à 19 h 05.
Photo Frédéric Chambe, prise au même endroit, le 12 janvier 2016 à 20 h 20 (heure d'été).
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Comme une encre sympathique, à température d'être, convoquée sur une peau énigmatique.
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vendredi, 22 janvier 2016
MORT AU CUMUL DES MANDATS !
Dans Le Progrès du mercredi 20 janvier 2016.
Eh oui, Gérard Collomb : difficile de se multiplier. Sénateur, maire de Lyon, président de la Métropole : trois métiers, trois vies, trois rentrées d'argent. Si ce n'est pas une preuve qu'il faut en finir avec le cumul des mandats !
La France en a marre des sangsues ! Merci au Progrès ! Merci à Geoffrey Mercier, qui ne doit pas beaucoup l'aimer, le Gégé ! Il a raison : Gérard Collomb est un symbole de l'agonie de la vie politique en France, et de sa confiscation par une caste monopolistique.
Après les "printemps arabes", c'est pour quand le "printemps français" ? Allez, reprenez après moi : « Dégage ! ».
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jeudi, 21 janvier 2016
NÉO-RÉAC ET FIER DE L’ÊTRE
Double page « Débats » dans Le Monde daté 19 janvier : « Les néoréacs ont-ils gagné ? ». Ah, que l’intention est belle et noble ! Nicolas Truong, journaliste, fait précéder son article de présentation du « chapeau » suivant : « Le succès d’audience politique et l’hégémonie médiatique des antimodernes ou des néoconservateurs est-il le signe d’une dérive droitière en France ou provient-il de leur capacité à nommer le mal qui ronge nos sociétés ? ». L’alternative proposée a un air d’honnêteté à première vue. A ceci près que je m’étonne de l’expression "audience politique" : je ne savais pas que Finkielkraut, Onfray ou Zemmour (portraiturés en la compagnie bizarre de Patrick Buisson) avaient été nommés conseillers de nos plus hauts responsables politiques, dont ils ne pensent en général pas beaucoup de bien.
Quant à "hégémonie médiatique", je suis très mal placé pour en juger, dépourvu que je suis de cet appareil qu’on appelle « télévision », pour un motif que je persiste à estimer crucial, déterminant, vital, prépondérant, bref : capital. Comme Günther Anders et Guy Debord, je pense en effet qu’avec le poste de télévision installé en bonne place au salon, est juridiquement constitué le délit d’atteinte à la liberté individuelle. Je ne suis donc pas en mesure d’évaluer la force de l’emprise des « néoréacs » sur les plateaux. Contrairement à Philippe Sollers, qui osait dénier à Louis Althusser la qualité de "penseur" du seul fait qu'il n'avait pas la télévision, je crois qu'il est plus facile de continuer à penser quand on n'est pas encombré de cet objet intrusif. Je préfère m'en remettre au concept de "spectacle", élaboré par Guy Debord (voir mon billet du 18 janvier).
A voir l'armée des boucliers qui se lèvent dès qu’un de ces individus suspects ouvre la bouche, j'ai plutôt l'impression que le mot d’ordre est très généralement de faire taire les "néoréacs" sous le déluge des réactions scandalisées. On peut faire confiance au chœur des flics de la pensée pour veiller comme des vestales vigilantes sur le consensus moral, moralisant et moralisateur, dans lequel ils s’efforcent de bétonner toute l’époque, à coups de glapissements. Voir par exemple la façon dont Michel Onfray, qui a été récemment vomi par les cent bouches de la déesse dont parle Georges Brassens dans "Trompettes de la renommée" (« Pour faire parler un peu la déesse aux cent bouches, Faut-il qu'une femme célèbre, une étoile, une star, Vienne prendre entre mes bras la place de ma guitare »), s'est senti obligé de fermer sa page fesse-bouc et son « fil twitter ».
La haine de ces sentinelles de la "Nouvelle Vertu" pour ceux qui commettent des infractions à l’ordre qu’ils veulent faire régner a quelque chose de stupéfiant, et pour tout dire d’incompréhensible. Dans ses pages « Débats », Le Monde se garde bien entendu de trancher, et Nicolas Truong veille soigneusement à ne pas déroger à la sacro-sainte règle de neutralité, qui maintient la ligne du journal dans un juste-milieu de bon aloi, équidistant des extrêmes. Inattaquable.
Enfin, quand je dis "soigneusement", j’exagère. Certes, Nicolas Truong donne la parole à Alain Finkielkraut, et son interview peut donner une impression d’impartialité. Mais il ouvre dans le même temps les colonnes du journal à deux guerriers de la "Nouvelle Vertu" : l’historien Daniel Lindenberg et la sociologue Gisèle Sapiro, qui font jaillir, du haut des chaires universitaires où ils vaticinent, le venin capable de renvoyer l’ennemi déclaré dans le néant dont il n’aurait jamais dû sortir. Comptez : un neutre, un pour, deux contre. Le combat était inégal avant même la publication.
Le point commun, dans l’argumentation de ces deux mercenaires, c’est de ranger les intellectuels « néoréacs » parmi les responsables de la montée de l’extrême-droite : Sapiro fait référence au mouvement allemand « Pegida », Lindenberg à l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson. Lindenberg accuse même les « néoréacs » de véhiculer « une authentique rhétorique d’extrême-droite », quand Sapiro fait mine de s'alarmer de leur succès médiatique « alors que le FN est en pleine ascension ». L’intention, au moins, est claire : disqualifier l’adversaire en le faisant complice de supposés fascistes. Finkielkraut faisant le jeu de Marine Le Pen, l'hypothèse est tellement courge que je ne la discute même pas.
Ce qui apparaît de façon lumineuse, en tout cas, c’est la dissymétrie entre les argumentaires des uns et de l’autre. Alain Finkielkraut porte un regard sur l'ensemble de l'époque : « Je cherche seulement à penser le présent selon ses propres termes. Je le dépouille ainsi des oripeaux dont le revêt la prétendue vigilance et je suis traité de néoréac parce que je dis : "Le roi est nu" ». Finkielkraut mène une analyse du monde tel qu’il va. Il se contente de dire, à la suite de Guy Debord et de Philippe Muray, que le monde et l'humanité vont très mal. Il a quitté les rangs des choristes de l’Empire du Bien, c’est ce que ceux-ci ne lui pardonnent pas.
Car la dissymétrie est là : autant Finkielkraut parle du monde, autant Sapiro et Lindenberg parlent de Finkielkraut. Je veux dire que, si l'un parle du monde, les autres parlent de la personne qui a parlé. Quand celle-ci développe une argumentation « ad rem », ceux-là se déchaînent « ad personam ». Le coup classique : quand un argument t'embarrasse, il suffit d'attaquer la personne qui l'a proféré. Dans la plupart des cas, ça marche, devant les badauds.
Daniel Schneidermann avait utilisé la même ficelle, en son temps, dans Le Monde diplomatique (mai 1996) contre Pierre Bourdieu (que je n'aime pourtant guère), en réponse à l’article où celui-ci tirait les conclusions de son passage dans son émission Arrêt sur images, article intitulé « Peut-on critiquer la télévision à la télévision ? ». Schneidermann, dont j’estime le travail par ailleurs, n’avait pas aimé du tout, et s’en était pris à son invité en l’accusant, entre autres, en jouant sur son nom, de se prendre pour Dieu, si je me souviens bien. J'avais trouvé ça assez bas.
En gros, les « néoréacs » posent un diagnostic sévère sur l’état actuel du monde, alors que leurs accusateurs insultent les personnes qui osent un tel diagnostic. Coup classique, certes, mais infâme. Nicolas Truong pose d’ailleurs la question : « … et si ces néoconservateurs avaient raison ? ». Passons sur les qualifications d' "antimodernes" et de "néoconservateurs", bien qu'il y eût eu à dire. Eh oui, pendant que le sale gosse Alain Finkielkraut est le seul à dire que le roi est nu, alors que la foule des courtisans fait semblant de s’extasier sur la somptuosité de ses vêtements transparents, Daniel Lindenberg et Gisèle Sapiro intiment l’ordre au sale gosse de se taire : il ne faudrait pas, en disant la vérité, désespérer le peuple, on ne sait pas ce dont il serait capable. Cela pourrait créer du désordre.
Cela n’empêche pas Gisèle Sapiro d’avouer sa niaiserie profonde. Devinez comment elle conclut sa diatribe imbécile. Tout simplement en posant la question qu’elle n’aurait jamais dû oser poser. Car après avoir déversé son venin, voici ce qu’elle écrit : « Ils "passent" bien à la télévision ou à la radio. Cela contribue-t-il à expliquer ce qui n’en demeure pas moins un mystère, à savoir, pourquoi ils suscitent un tel intérêt auprès du public ? ». C'est un aveu de défaite, en même temps que d'incompétence fielleuse. Traduction : si le gars a du succès, la teneur de ses propos n'y est pour rien, c'est juste parce qu'il est télégénique.
Traduction bis : pourquoi les gens en redemandent, de ces salauds de « néoréacs », au lieu de nous écouter religieusement, nous qui savons ("de toilette", réplique Boby Lapointe) dire les mots qu'il faut pour rassurer ? Daniel Lindenberg et Gisèle Sapiro ne sont pas des menteurs professionnels. Ils haïssent seulement les porteurs de vérités désagréables. Et le "public" représente à leurs yeux un insondable mystère. J’imagine que leur gagne-pain est lié à la conviction qu’ils affichent dans l’entreprise systémique de dénégation du réel. Sapiro n'est pas près de se faire écouter du peuple. Non, je ne crois pas, contrairement à ce que nous serinent les sondages, que les gens "ont peur", "sont angoissés", et tout ça. J'ai plutôt l'impression que les gens se disent, jour après jour : quel sale monde que le monde qui s'annonce ! Et tous ces guignols qui font semblant de le trouver radieux !
Car Sapiro avoue ici, ingénument, son ignorance de l’essentiel, à savoir ce qu’attendent les gens. Ce qu’ils attendent ? Que ceux qui causent dans le poste leur disent enfin la vérité sur le monde réel. Oui, monsieur Truong, ils attendent des responsables un peu de courage, celui qu’il faut pour « nommer le mal qui ronge nos sociétés », comme vous écrivez. "Nommer le mal" ! Et je peux vous dire que ce mal s’appelle le Mensonge. Et les gens n’en peuvent plus : si on ne leur donne pas la vérité, c’est normal qu’ils préfèrent mettre la tête sous l’aile et s’abstenir aux élections. Leur taux d’abstention est proportionnel au mensonge que les pouvoirs leur servent jusqu'à la nausée. Qui ose aujourd'hui "nommer le mal" ? Je ne vois que les « néoréacs ».
Car la vérité du monde aujourd’hui n’est pas belle à voir. Economie ? Le travail manuel remplacé par des robots, le travail intellectuel remplacé par des logiciels et des algorithmes : c'est promettre la fin du travail et le chômage de masse à perpétuité. Finances ? Soixante-deux bonshommes possèdent autant à eux seuls que la moitié de l’humanité. Politique ? Extinction des idées et des projets, omniprésence de la soif quasi-mafieuse de pouvoir. Ecologie ? Sale temps pour la planète. Et je laisse de côté les migrants, l’islam, Daech, la violence, les guerres en cours, les guerres à venir, …. Franchement, il est dans quel état, le monde ? Ceux qui causent dans le poste ne sont visiblement pas de ce monde-là. Ils doivent péter de trouille en envisageant le jour où les yeux des foules s'ouvriront.
Car il faut rester optimiste, se cramponner au "tout va bien, nous avons les choses bien en main". Alors exterminons les oiseaux de mauvais augure. Mettons à mort le messager porteur de mauvaise nouvelle. A la lanterne, les lanceurs d’alerte. On peut compter sur Daniel Lindenberg et Gisèle Sapiro pour leur passer le nœud coulant.
Je ne remercie pas Le Monde d'avoir donné la parole à deux faussaires, tout en faisant mine d'apporter sa contribution à un grand "débat de société". Qui peut encore croire que c'est le discours des « néoréacs » qui domine toute la scène intellectuelle ? Le Monde apporte ici la preuve du contraire.
La réponse à la question du début, c'est : les « néoréacs » ont perdu. Et ce n'est pas une bonne nouvelle.
Voilà ce que je dis, moi.
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mercredi, 20 janvier 2016
DUTEURTRE REGARDE L'ÉPOQUE
Benoît Duteurtre est connu pour être producteur, sur France Musique. Il s'occupe de musiques dites "légères" et "de variété", dans son émission "Etonnez-moi, Benoît", excellent titre emprunté à la chanson que Patrick Modiano a écrite pour Françoise Hardy. Mais il paraît qu'il (Duteurtre) écrit par ailleurs des romans.
Voici ce qu’on peut lire dans Chemins de fer (Fayard, 2006). De la page 177 à la page 179.
Jeudi 5 (janvier)
A la télévision, un sociologue assure que notre société de « nantis » doit consentir des sacrifices. La « mondialisation, assure-t-il, n’autorise plus à penser égoïstement ». L’heure est venue de partager nos richesses avec la population des pays « émergents ». J’admire l’assurance avec laquelle cet homme de gauche, au nom de la générosité, explique aux salariés qu’ils ont trop profité et que cela ne peut plus durer. Sur le ton de la justice sociale, son discours rejoint celui des chefs d’entreprise : le moment est venu de renoncer à des avantages, à des horaires et à des salaires honteux qui font pâlir d’envie tous les pauvres de la Terre. Arc-boutés sur leur petit confort, les fonctionnaires manquent de grandeur d’âme ; ce sont eux qui ruinent la France, en refusant de sacrifier ce qu’on leur avait promis.
J’ai grandi dans un autre monde, un autre système, qu’on appelait « social-démocratie ». Ce n’était pas une société égalitaire, mais l’inégalité y était moins grande. Mes parents, leurs amis, bénéficiaient pour la plupart d’emplois sûrs et d’avantages sociaux qui se renforçaient sans menacer les finances publiques ; les grands services assurés par l’Etat n’étaient pas soumis à la pression du marché ; la règle était l’équilibre entre le plus rentable et le moins rentable, et cela semblait promis à durer toujours. On nous assurait même que la croissance, l’innovation technique permettraient à chacun de mieux vivre en travaillant moins.
Le rêve est passé. Tout ce qui n’est pas immédiatement rentable doit disparaître. Depuis trente ans, de mauvais choix en mauvaise solution, l’attention s’est polarisée sur un but unique : augmenter les marges et les profits, selon des normes comptables toujours plus exigeantes. Certains concepts sont devenus obsédants : concurrence, actionnaires, ouverture des frontières, et tout à commencé à se déliter. Depuis trente ans, des spécialistes annoncent que l’effort débouchera sur la « sortie du tunnel », mais le tunnel se prolonge et chacun doit consentir de nouveaux sacrifices, qui renforcent la précarité ; je me demande : pourquoi une société si stable devait-elle se décomposer ? Est-ce un choix que nous avons accompli ou que d’autres ont fait pour nous ? Les responsables ont-ils menti ? Se sont-ils continuellement trompés ? Ont-ils changé de cap sans en informer quiconque ?
Ce n'est, certes, qu'un roman. Je ne l'ai pas lu, c'est quelqu'un de bien intentionné qui m'a cafté le passage. C'est un petit roman, mais là, ça dit très simplement des choses très simples. Et bien vraies. Le propos n'est pas d'une portée vertigineuse, mais c'est toujours ça de pris.
Ce n'est pas être perclus de nostalgie que de n'avoir aucun mot à retrancher.
Voilà ce que je dis, moi.
Note : Ah, les paroles écrites par Modiano pour Françoise Hardy : « Marchez sur les mains, avalez des pommes de pin, mangez des abeilles, etc. », tout ça parce qu'une pauvre fille s'ennuie ...
09:00 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature française, benoît duteurtre, chemins de fer, étonnez-moi benoît, société, france, françoise hardy, patrick modiano
mardi, 19 janvier 2016
VU A LA CROIX-ROUSSE 12
Dans la série "Le Monde dans la vitre".
La salle de restaurant (bonne table au demeurant : je recommande la fraise de veau servie dans sa coquelle).
Photo Frédéric Chambe, prise le 6 janvier 2016 à 21 h 38.
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Ce qui déguise ta solitude en souffrance garde pour toi seul le thorax des confidences.
09:00 Publié dans PAS PHOTOGRAPHE MAIS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie, lyon, croix-rousse, poésie
lundi, 18 janvier 2016
ACTUALITÉ DE GUY DEBORD
Dans son Journal de 1988, Philippe Muray cite à plusieurs reprises l’ouvrage de Guy Debord paru cette année-là : Commentaires sur La Société du spectacle. Cela m’a donné envie d’y retourner pour jeter un œil. On sait que La Société du spectacle date de 1967. Les Commentaires examinent ce qu’il en est advenu de cette société vingt ans après. Et l’on peut dire que le constat fait frémir. Ajoutons que Debord se contente, précisément, de constater : « Les présents commentaires ne se soucient pas de moraliser. Ils n’envisagent pas davantage ce qui est souhaitable, ou seulement préférable. Ils s’en tiendront à ce qui est » (Guy Debord, Œuvres, Gallimard/Quarto, p. 1595).
On peut dire que l’évolution irrésistible du système, dont il faisait déjà une critique radicale, a comblé toutes les attentes que l’auteur avait placées en elle, et même au-delà. D’après ce que j’ai pu en comprendre, le « spectacle », dans le vocabulaire de Debord, n'a pas grand-chose à voir avec les maisons de théâtre, de cinéma ou d’opéra. Je me rappelle une émission de Bernard Pivot consacrée à La Société du spectacle, où ce grand couillon de Franz-Olivier Giesbert faisait l'énorme contresens habituel de tout confondre. Le malentendu demeure profond.
Pour reformuler dans mes propres termes ce que je pense avoir compris de ce concept de « spectacle », je dirai que c’est très généralement l’instauration d’une relation de plus en plus impossible entre les hommes et le monde, une relation non plus immédiate, comme depuis des millénaires, c’est-à-dire où rien ne vient s’interposer entre l’individu et le monde, mais médiate. Une relation désormais induite par une représentation artificielle (le "spectacle" ?), elle-même produite en dehors, puis introduite à l'intérieur de l’esprit par une instance tierce.
Le « spectacle », c’est cette représentation (ce discours, ce pouvoir) qui s’impose pour faire écran entre l’individu et le monde. Qui prépare et canalise en amont l’expérience que l’individu peut avoir du monde. Qui formate sa perception. Ce discours fonctionne comme un conditionnement préalable de l’esprit, dont le résultat est illustré par ce « proverbe africain » : « Le touriste ne voit que ce qu’il sait », qu’on pourrait traduire ainsi : « L’individu ne consiste désormais qu'en ce qu’on lui a précédemment inculqué ». Le système a inventé l'homme-ectoplasme.
On pourrait même dire que l’individu, dans sa mémoire et dans ses affects, n’est plus composé que des éléments dont on l'a fabriqué : il ne s’appartient plus. Il voit, entend, réfléchit, avec les yeux, les oreilles et le cerveau qu’on lui a greffés sans qu'il s'en aperçoive. Le sommet du grand art dans la fabrication de l’ "Homme Nouveau", dont rêvèrent Hitler et Staline, mais de façon combien fruste et grossière ! La principale caractéristique du discours ainsi médiatisé qui préside à cet endoctrinement et qui façonne la façon dont l’individu va percevoir et expérimenter le monde, est d’émaner d’un Pouvoir. Etant entendu que les « médias » ne sont qu’un aspect particulier, le plus visible, du système élaboré par et pour le maintien de ce Pouvoir : il faut deviner l'énorme masse de glace de l'iceberg systémique qui se cache sous la surface.
Autrement dit, tout ce qui descend du « spectacle » en direction de « la plèbe des spectateurs », « ce sont des ordres ». Et l’individu n’a d’autre choix que d’obtempérer, obéir, se soumettre, puisque le monde est ainsi fait, n'est-ce pas. Puisqu’il est convaincu d’avance qu’il serait vain d’essayer de le changer. Puisque l’idée même que cela fût possible, qu’on le pût ou qu’on le dût ne lui effleurerait jamais l’esprit.
Mais dans ses Commentaires, Debord ajoute une nouvelle forme de « pouvoir spectaculaire » aux deux que le précédent ouvrage avait mises au jour. Il y parlait de la « concentrée », brillamment illustrée au cours du 20ème siècle par les grandes aventures hitlérienne et stalinienne. Il y parlait de la « diffuse », portée par la civilisation américaine, qui avilit l’idéal de Liberté en le réduisant à la médiocre « liberté de choix », c’est-à-dire une liberté dégénérée, une liberté de basse-cour.
En 1988, pour compléter le tableau, il définit un pouvoir « spectaculaire intégré », qui est une combinaison des deux autres, et qu'il voit déjà partie à la conquête du monde. Le « spectaculaire intégré » emprunte au « concentré » l’autoritarisme, mais en le dissimulant : « … le centre directeur en est devenu occulte … » (on pense au "gouvernement invisible" appelé de ses vœux par le grand-prêtre de la publicité contemporaine, Edward Bernays : comment se révolterait-on contre une "Société Anonyme" ? A qui, en effet, pourrait-on s'en prendre nommément ?) ; et au « diffus » le formatage généralisé des comportements et des choses : « Car le sens final du spectaculaire intégré, c’est qu’il s’est intégré dans la réalité même à mesure qu’il en parlait ; et qu’il la reconstruisait comme il en parlait ».
L’effet magistral ainsi obtenu est l’escamotage pur et simple de la réalité, le monde concret, les choses enfin, comment qu’on les nomme. Le dur sur lequel je me cogne. Les épines des églantiers qu’il ne faut pas hésiter à affronter bravement si l’on tient vraiment à la confiture succulente qui en découlera après un processus compliqué : tout salaire mérite sa peine. Maintenant, l'artifice absolu est devenu le monde dans lequel nous vivons tous les jours, incluant jusqu'à nos mots, nos images et nos existences. J’avais lu, à publication, Le Crime parfait, de Jean Baudrillard, qui décrivait la même mise à mort, quoiqu’en termes différents (vocabulaire, syntaxe et perspective, j'avoue que j'ai un peu oublié).
Et Guy Debord ajoute, pour parfaire le triptyque de ses « pouvoirs spectaculaires » : « Quand le spectaculaire était concentré la plus grande part de la société périphérique lui échappait ; et quand il était diffus, une faible part ; aujourd’hui rien ». Traduction proposée : en régime dictatorial, il suffit de se maintenir en dessous de la couverture radar pour rester à peu près peinard. En régime capitaliste à l’américaine, on a du mal à échapper à la marchandise et à son cortège de servitudes.
Mais alors là, en régime de « spectaculaire intégré » (déjà en 1988), impossible d’échapper aux griffes propagandistes de Moloch-Baal et au formatage et au conditionnement précis qu’il fait subir à tous ceux qui entrent sur la planète, planète qui leur apparaîtra forcément sous les traits du « monde tel qu’il est ». Et là, quel Michel Foucault, quel Jacques Derrida, quel Gilles Deleuze, ces champions de la "Déconstruction" de tout ce qui faisait notre civilisation, déconstruiront, mais à l'envers, leurs représentations pour leur dévoiler la vérité ?
Ils seront tenus dans la complète ignorance du nombre et de la qualité des opérations successives d’usinage dont ils seront le résultat. Ils auront beau être fils de leur mère, ils ne sauront jamais de quel processus ils sont l’aboutissement. Ils seront ce qu’on leur aura dit qu’ils sont et préparés à être. A moins de s’appeler Winston Smith (dans 1984 de George Orwell).
En fait, je ne voulais pas, en me lançant dans ce billet, brasser toutes ces matières. Je voulais seulement partager avec quelques lecteurs un paragraphe qui a littéralement explosé sous mes pas quand je suis passé dessus. Se souvenir, avant de le lire, qu’il fut publié en 1988 (le livre sort en mai, l’attentat de Lockerbie se situe en décembre). C’est vrai, on parlait déjà de terrorisme (OLP, FPLP, FPDLP, et leurs frères, leurs cousins, leurs conjoints, leurs alliés, …). Mais dites-moi si ce paragraphe ne sonne pas étrangement.
« Cette démocratie si parfaite fabrique elle-même son inconcevable ennemi, le terrorisme. Elle veut en effet être jugée sur ses ennemis plutôt que sur ses résultats. L’histoire du terrorisme est écrite par l’Etat ; elle est donc éducative. Les populations spectatrices ne peuvent certes pas tout savoir du terrorisme, mais elles peuvent toujours en savoir assez pour être persuadées que, par rapport à ce terrorisme, tout le reste devra leur sembler plutôt acceptable, en tout cas plus rationnel et plus démocratique. »
Dites, je ne sais pas vous, mais moi, j’aimerais savoir ce qu’il buvait comme café pour lire dans ce marc extralucide. Car derrière « tout le reste », j’entends toute l’entreprise actuelle de Hollande et consort pour amoindrir le poids du pouvoir judiciaire et pour accroître celui de l’administration policière de la vie collective.
J’ai peur pour l’état de droit.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe muray, muray journal intime, muray ultima necat, éditions belles lettres, littérature, guy debord, la société du spectacle, commentaires sur la société du spectacle, gallimard quarto, philosophie, société, système capitaliste, situationnistes, hitler, staline, totalitarisme, michel foucault, jacques derrida, gilles deleuze, 1984 george orwell, terrorisme, françois hollande, état d'urgence, état policier, politique, franz-olivier giesbert
dimanche, 17 janvier 2016
VU A LA CROIX-ROUSSE 11
Dans la série "Le Monde derrière la vitre".
Photo Frédéric Chambe, prise le 8 janvier 2016 à 20 h 27.
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Qu'importe ce qui coule, pourvu qu'en filament l'étonnement opère, incandescent.
09:00 Publié dans PAS PHOTOGRAPHE MAIS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie, lyon, croix-rousse, poésie
samedi, 16 janvier 2016
VU A LA CROIX-ROUSSE 10
Dans la série "Le Monde derrière la vitre".
Photo Frédéric Chambe, prise le 7 janvier à 19 h 07.
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Quoi que tu prémédites, ton travail d'offrir interprète avec exactitude l'édifice de ton désir.
09:00 Publié dans PAS PHOTOGRAPHE MAIS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie, lyon, croix-rousse
vendredi, 15 janvier 2016
VU A LA CROIX-ROUSSE 9
Dans la série "Le Monde dans la vitre".
La minuterie.
La pierre nue de l'entrée d'immeuble.
Photos Frédéric Chambe, prises le 14 janvier 2016 à 19 h 17-18, dans une rue commerçante.
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Je regarde nager les étoiles,
l’étincelle de leur corps abstrait,
la douceur de leurs perles,
la courbe assurée de leur destin,
ébroué dans l’immensité
de la cave où elles fermentent.
Tout ce qui vibre est inépuisable.
Loué soit ce qui se dérobe.
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09:00 Publié dans PAS PHOTOGRAPHE MAIS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie, lyon, croix-rousse, poésie