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dimanche, 10 avril 2022

TOUCHE PAS A MON CORAN !!!

Je suis tombé, en fouinant sur internet, sur cette photo prise place Bellecour à Lyon le 18 mai 1989 par Marcos Quinones.

1989 03 18 BELLECOUR MANIF ANTI RUSHDIE.jpg

Notice de la Bibliothèque Municipale de Lyon. L'appel du préfet de police a bien été entendu. Et la manifestation anti Rushdie prévue le 18 mars 1989, place Bellecour, n'a pas eu lieu. Il faut dire que le dispositif policier était impressionnant. Seuls quelques petits groupes de manifestants ont tenté de braver l'interdiction. Ils ont été rapidement dispersés dans le calme. Les organisateurs du rassemblement ont indiqué qu'ils avaient dissuadé de venir de nombreux manifestants qui devaient arriver place Bellecour de plusieurs villes de France. Le vice-président de l'Union des jeunes musulmans du Rhône, association organisatrice de la manifestation de protestation contre le livre de Salman Rushdie "Les Versets Sataniques" a lu un communiqué place Bellecour avant d'appeler à la dispersion. "Mais nous allons redéposer une demande d'autorisation de manifestation dans une dizaine de jours" (...) "Contrairement à la Constitution qui nous donne des droits et des devoirs, la manifestation a été interdite par une décision arbitraire et infondée", a-t-il lancé aux quelques manifestants qui l'accompagnaient. Source : "Bellecour en état de siège" / F.P. [Frédéric Poignard] in Lyon Figaro, 20 mars 1989, p.25.

***

Qu'en termes euphémisés ces choses-là sont dites !!! Ce que ne dit pas la notice de la Bibliothèque Municipale de Lyon, c'est que le gars qui parle dans le mégaphone se proposait en quelque sorte (vous savez : sans-le-dire-tout-en-le-disant) de relayer l'appel au meurtre lancé par ce brave homme connu sous le nom d'imam Khomeiny.

Le pape ("guide suprême") des musulmans chiites, non content d'avoir chassé le shah et d'avoir été porté au pouvoir en 1979 par des foules en délire, avait lancé  une "fatwa de mort" contre un citoyen britannique d'origine pakistanaise, Salman Rushdie, fatwa demandant à tout musulman de tuer le "criminel" par tous les moyens à disposition. 

Tout ça parce que l'écrivain s'était permis d'interpoler dans le texte sacré du Coran quelques versets inspirés, disait-il, par Satan. Un texte auquel il est interdit de changer la moindre virgule depuis le XIème (IXème ?) siècle !!! Auquel nul n'a osé ajouter ou retrancher le moindre mot depuis que le calife Uthman a décidé qu'il était interdit d'y toucher sous peine de. Même qu'il a ordonné de brûler tout ce qui se prétendait Coran sans respecter mot à mot et lettre à lettre la version officielle.

Le livre de Salman Rushdie fait environ 500 pages. Les fameux "versets" incriminés par Khomeiny y occupent trois malheureux paragraphes dans la foisonnante histoire de deux amis-ennemis. Toute personne sensée convient donc que voilà un motif suffisant pour appeler la meute des poignards levés à s'abattre sur l'horrible coupable.

Le seul équivalent que je trouve à la situation dans laquelle se trouve encore de nos jours Salman Rushdie est celle de Roberto Saviano, condamné à mort par l'état-major de la N'dranghetta après la parution de Gomorra, où l'auteur dévoilait les turpitudes de la mafia campanienne. On me dira que c'est une mafia, et que ça n'a donc rien à voir. Mais en est-on si sûr que ça, que ceux qui règnent à Téhéran ne forment pas une sorte de mafia ?

La conclusion que je voulais tirer de la photo ci-dessus est celle-ci : dès 1989 (en réalité dès 1979), on savait que les hostilités étaient engagées entre l'Occident et le nouvel islam prôné par l'imam Khomeiny. Un islam compact dans l'intransigeance, dominateur dans ses façons de faire valoir son point de vue, mais aussi insatiable dans sa volonté de reconquête du prestige et de la puissance perdus.

Un islam qui brandit le Coran comme un étendard de guerre, comme on l'a vu à New York en 2001 (World Trade Center), à Toulouse en 2012 (Mohammed Merah), à Paris en janvier (Charlie Hebdo) puis novembre 2015 (Bataclan), et comme on le voit se manifester ici ou là, sporadiquement (affaire Mila, le père Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray, Samuel Paty, et tant d'autres horreurs commises sur notre sol par des musulmans). Un islam qui brandit la barbe des hommes (lèvre supérieure rasée pour les plus salafistes) et le voile des femmes comme armes de propagande. Un islam prompt à se draper dans la dignité offensée des victimes de l' « islamophobie ».

On me dira que tout ça vire à l'obsession, que je radote (voir mon billet du 26 mars dernier) et que je fais une fixation. Que cette question me rend barjot. J'aimerais tant que les faits me donnent tort. : il suffit d'énumérer pour se rendre compte dans quel sens unique fonctionne l'intolérance radicale.

Voilà ce que je dis, moi.

Note ajoutée le samedi 16 avril, lendemain de ce que les catholiques appellent le vendredi saint : je suis d'accord, à titre personnel, pour que l'on ne parle pas, dans les journaux, les radios ou les télés, de la fête religieuse de Pâques en général et du "vendredi saint" en particulier. Mais cette "règle" que les journalistes et autorités politiques appliquent volontiers, spontanément et sans état d'âme s'agissant de cette fête chrétienne, j'aimerais qu'ils s'efforcent de l'appliquer exactement de la même manière quand il s'agit de l'islam et des musulmans en général, et du ramadan en particulier. Or c'est bizarre : peut-être est-ce une impression fausse, mais il me semble qu'ils ont beaucoup moins de mal à évoquer le ramadan que le vendredi saint.

samedi, 26 mars 2022

PAS DE "GRAND REMPLACEMENT", MAIS ...

... MAIS UN ISLAM CONQUÉRANT, PATIENT, RAMPANT, OBSTINÉ.

1 - Un remplacement a déjà eu lieu.

Je le dis d'entrée de jeu : les gens qui affirment, de façon sincère ou non, redouter le grand remplacement de la population française "de souche" par des hordes venues du Maghreb, d'Afrique noire ou du Proche ou Moyen Orient, se laissent leurrer par des fantasmes ou des mensonges. De toute façon, ma conviction est faite depuis longtemps : la seconde moitié du XXème siècle a déjà vu l'ancienne population française se laisser remplacer, année après année, par ses libérateurs de 1945.

Régis Debray, dans son livre Civilisation (Gallimard, 2017), raconte de façon lumineuse et probante « comment nous sommes devenus américains » (le sous-titre, c'est moi qui souligne). De son côté, Jean-Pierre Le Goff, en racontant dans le détail le quotidien de la France qu'il a connue de 1950 à 1968 (La France d'hier, Stock, 2018), dessine les traits d'un pays que la plupart des Français d'aujourd'hui qualifieraient d'épouvantablement ringarde, obsolète, rétrograde, presque archéologique.

Moyennant quoi, ils refusent d'admettre que la France, si elle garde malgré tout des traces de ce qu'elle fut en d'autres temps, a laissé plus ou moins joyeusement, plus ou moins consciemment, remplacer ses décors, son habitat, sa culture, ses traditions, ses façons d'être et de faire, sa psychologie et jusqu'à son âme, par les innombrables biens matériels et culturels venus des Etats-Unis. La France est devenue une cliente. Certains disent même un protectorat (mais ils exagèrent sûrement). Les Français sont quasiment gallo-américains, diraient Goscinny et Uderzo dans Le Combat des chefs.

Au point que, dès qu'une innovation plus ou moins innovante (je ricane), plus ou moins "historique" (je pouffe), plus ou moins "révolutionnaire" (je me gausse) pointe le bout de l'oreille sur le sol américain, nos chers journalistes, toujours prêts à gober la moindre "nouveauté", saluent avec enthousiasme son prochain débarquement en Normandie, je veux dire sur notre sol, allant même parfois jusqu'à préciser que la France, toujours à la remorque du navire amiral d'outre-Atlantique, n'est-ce pas, est en retard de dix ans sur les Etats-Unis. Au point que personne n'a oublié le cri du cœur de Jean-Marie Colombani paru en éditorial de "une" du journal Le Monde au lendemain du 11 septembre 2001 : « Nous sommes tous Américains ».

Remarquez qu'en 2003, le refus radical de Jacques Chirac et Dominique de Villepin d'entrer dans la coalition américaine (illégale) pour démolir le régime de Saddam Hussein, tend à prouver que nous n'étions pas si américains que ça. Et les journaux et médias américains ont alors si abondamment craché sur la France que cela a pu réconforter ceux qui avaient un reste de fierté nationale, sans forcément leur ouvrir les yeux sur la réalité ou la profondeur de l' "amitié" que nous portent les Américains.

Malheureusement, c'était juste un sursaut de fierté de la part de quelques attardés du gaullisme. La France vassale a vite repris ses droits. Nicolas Sarkozy (aah, ses footings avec les T-shirts floqués NYPD !) a même réintégré la France dans le commandement de l'OTAN (officine largement dominée par le suzerain américain), et sans contrepartie. En chemise et la corde au cou, pour ainsi dire.

Et tout aussi malheureusement, nous sommes devenus assez Américains pour que j'en veuille énormément à certains Français d'avoir importé des modes de pensée propres aux Etats-Uniens, à commencer par cette arrogance dans l'affirmation de l'identité (les "fiertés" qu'on fait défiler), qui fait d'une petite collection de "minorités" (raciales, sexuelles, religieuses, etc.) des prescripteurs de lois.

Ces minorités n'hésitent pas à calquer benoîtement sur la situation spécifiquement française (données historiques comprises) les problématiques particulières propres aux Américains. Ces minorités haïssent la liberté d'expression quand elle froisse si peu que ce soit l'épiderme de leur sensibilité, au prétexte qu'elles se sentent victimes de l' "oppression majoritaire" et des "stéréotypes" dominants, et ne pensent qu'à une chose : faire taire l'ennemi, et punir, punir, punir. Il faut ensuite être un mouton aveugle et sourd pour continuer à bêler sur le "vivre-ensemble" ou sur le "faire-société".

Bon, tout ça pour dire que le "grand remplacement" est un fait accompli depuis lurette : les Américains, appuyés sur leur "soft power" (cinéma, musique, etc.), ont fait en sorte que la France change de peuple. C'est une chose acquise, il n'y a plus beaucoup d'âme française chez les Français. Le Français d'aujourd'hui se sent très bien dans les oripeaux que lui a vendus l'Amérique, et va même jusqu'à qualifier d' "anti-Américains" tous ceux qui "crachent" dans la soupe.

Ceux qui s'intitulent "français de souche" devraient y réfléchir, car dans le tas des idées importées des USA, il en est une qui pourrait au moins susciter des interrogations : c'est le melting pot, ce "brassage et assimilation d'éléments démographiques divers, en partic. aux Etats-Unis, au XIXème siècle" (Larousse P.L.I. 2002). Pourquoi la France n'aurait-elle pas aussi importé cette magnifique innovation ? Pourquoi la France ne deviendrait-elle pas à son tour un gros tas de chouettes peuplades juxtaposées ? Pourquoi n'adopterait-elle pas pour étendard le drapeau arc-en-ciel des fiertés mondialisées ?

2 - Pas de "Grand Remplacement", mais une offensive opiniâtre et tranquille.

Je ne sais donc pas trop si ces Français de souche, qui pestent parfois violemment et de façon indiscriminée contre l'immigration, ont tort ou raison quand ils hurlent au "grand remplacement". Ce dont je suis sûr, c'est qu'ils devraient prêter davantage d'attention à un phénomène si discret qu'il passe largement au-dessous des radars de la vigilance ordinaire : le combat culturel mené au quotidien par un certain nombre d'activistes musulmans, en particulier des imams, pour se concilier, puis s'approprier l'esprit de tout un tas d'individus peu instruits, peu méfiants ou peu regardants. Car ces activistes sont assez habiles pour éviter de mettre en avant le djihad, la violence ou la guerre aux "croisés" de la chrétienté. On a à faire à des imams souriants et bienveillants : nulle trace d'hostilité déclarée dans leurs paroles et leurs attitudes.

En témoigne un homme qui fut d'abord un réfugié syrien admis sur notre sol. Omar Youssef Souleimane est un poète et un écrivain. Il est né dans une famille rigoureusement salafiste, le père, surtout. Aujourd'hui, il est Français depuis trois mois, et il vient d'écrire Une Chambre en exil (Flammarion). Il était l'invité de Marc Weitzman dans son émission "Signes des temps", sur la chaîne France Culture, dimanche 20 mars, pour en parler un peu. 

Mon intention ici n'est pas de rapporter ses propos dans le détail. Je veux seulement relever quelques idées cruciales qui nous concernent, nous, qui nous sentons avant tout Français, Européens et de culture complexe à dominante chrétienne écrasante, quoique déclinante. Son aventure a commencé en 2012, lorsque, en compagnie d'une vingtaine d'autres "rêveurs" (c'est lui qui le dit), il a manifesté à Damas pour la liberté. Alors que six d'entre eux étaient arrêtés pour subir les traitements qu'on imagine, il a réussi à échapper aux sbires de Bachar al Assad. 

Il raconte qu'il a été sauvé par la poésie, en particulier celle de Paul Eluard, mais aussi par la "vieille" poésie arabe, qui lui inspire cette belle pensée que la langue arabe, qui date de bien avant l'islam (Vème siècle ?), recèle des richesses infiniment plus vastes que la langue du Coran qui, quant à elle, a été figée autour du XIème siècle (ça fait quand même 1.000 ans) en tant que langue sacrée et à ce titre intouchable. Le rigorisme qui s'est alors abattu sur la langue des Arabes a empêché celle-ci d'évoluer avec le temps.

L'interlocuteur de Weitzman se désole alors à l'idée que beaucoup de ceux qui veulent apprendre l'arabe aujourd'hui, ne le font que pour lire le Coran dans le texte. J'ajoute que si le programme des écoles coraniques consiste vraiment à faire apprendre par cœur le texte du Coran, il y a du mouron à se faire sur le niveau de la culture ainsi transmise et sur la future ouverture d'esprit des élèves.

Omar Youssef Souleimane raconte comment, arrivé en tant que réfugié à Bobigny, il a fait la rencontre d'un imam redoutable, non parce qu'il portait un poignard, ni parce qu'il voulait exterminer les maudits "koufars", mais parce qu'il montrait un visage "doux, intelligent, sympathique, intellectuel" (ce sont ses mots). Cette stratégie enveloppante et insinuante lui fait dire que ce genre de personnage est beaucoup plus dangereux pour la France à long terme que n'importe quel djihadiste ou terroriste. Et surtout il sait que ce genre d'imam n'est pas un cas isolé, mais qu'il a tendance à pulluler dans les cités de Seine-Saint-Denis et d'ailleurs, là où les musulmans sont nombreux, et parfois ultra-majoritaires. Il ajoute que ces imams sont bien rémunérés (par l'Arabie saoudite ou la Turquie). Cool Raoul ! A l'aise, Blaise ! Facile Mimile !

Selon lui, ce qui se prépare dans ces "territoires perdus de la République" (titre d'un bouquin bien inspiré), c'est une "France séparée", n'en déplaise à une certaine extrême gauche, prompte à lancer ses glapissements antiracistes dès que quelqu'un tente d'alerter sur les dangers de l'offensive islamique tranquille à l'œuvre depuis quelques décennies. Une extrême-gauche qui sort à tout bout de champ ses refrains, du risque de "récupération par l'extrême droite" à la "discrimination". Selon Souleimane, le voile soi-disant islamique est avant tout un drapeau identitaire, car pour ces imams, aussi étonnant que cela puisse paraître, l'islam est moins une religion qu'une identité : l'identité d'une communauté. Et une communauté fermée sur elle-même.

Le plus terrible dans cette affaire, c'est l'incroyable complicité de certains politiciens français qui, pour de simples raisons électoralistes, se mettent cul et chemise avec ces responsables religieux. Certes des gens qui leur font peur, mais dont ils ont un besoin vital, pour une excellente raison : l'influence décisive que leur parole possède sur la communauté dont ils sont la voix. On voit, dit Souleimane, dans certaines municipalités (Bobigny ?), des imams assister à des réunions avec des édiles qui tiennent par-dessus tout à rester en bons termes avec eux et tremblent à l'idée de se les mettre à dos. Et, continue Omar Youssef Souleimane, la police laisse faire l'imam qui tolère le dealer de drogue, au motif qu'ainsi l'ordre règne. Et le maire se frotte les mains, parce qu'il pense que son mandat suivant est déjà dans la poche. Comprendre : "dans la poche de l'imam", bien sûr.

Bien entendu, quand il est dans son cercle de proches, l'imam ne cache rien de son véritable objectif final : instaurer la charia. Face au bon peuple, le discours malin, enjôleur et manipulateur ; face aux initiés, la vérité des intentions. 

Pour conclure, on ne peut évidemment pas effacer un demi-siècle de remplacement de ce qui fut autrefois les valeurs des Français par les "valeurs" spectaculaires et marchandes de nos "amis" américains, mais qu'on y réfléchisse bien : cette transformation a été obtenue en prenant son temps, par la douceur et sans violence, avec le consentement parfois enthousiaste des Français, à commencer par leurs élites. Pourquoi la même patience, la même douceur et la même non-violence n'obtiendraient-elles pas le même résultat, mais cette fois en faveur de l'islam ?

Pendant que toute l'opinion publique et toute la vigilance officielle et officieuse (D.G.S.I.) ont les yeux et les micros braqués sur les événements sanglants, d'autres activistes mènent une offensive d'autant plus subtile, discrète et silencieuse qu'elle est souriante et pacifique. Je dirais presque que les attentats, vus de cette manière, font office de diversions (que les victimes veuillent bien pardonner cette audace de langage) par rapport à l'objectif final.

Il faudrait que les hautes autorités politiques et les pouvoirs municipaux des communes concernées réfléchissent à leur lourde responsabilité dans les progrès accomplis par l'islam "normal" sur le territoire français. Oui, je sais : "il faudrait", ... Mais ne sont-ils pas trop lâches pour cela ? Que ne ferait-on pas pour garder son fauteuil ?

Je récuse quant à moi la différence que certaines bonnes âmes s'obstinent à faire en "islamique" et "islamiste". C'est une question de civilisation. 

Voilà ce que je dis, moi.

Note : Pour ceux qui voudraient savoir un peu mieux à quel adversaire ils ont à faire, je conseille la lecture d'un livre tout à la fois délicieux à la lecture et redoutable à la réflexion, qui permet de pénétrer dans une certaine mesure dans ce qui fait l'esprit de la civilisation des Arabes. Ce livre, c'est Le Livre des Ruses, collection d'anecdotes plus ou moins conséquentes, mais toujours spirituelles, une collection qui aide à comprendre pourquoi les Arabes (les musulmans ?) ont longtemps été considérés en Occident comme des êtres fourbes et sans parole.

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J'ai longtemps tiré de la lecture de ce livre la conviction que si l'Occident médiéval se méfiait de la lettre, il accordait un grand prix à la parole donnée et que, inversement, les Arabes utilisaient les subtilités du verbe pour tromper l'ennemi, ce qui revient à prendre l'adversaire à son propre piège : ce n'est pas mentir que de prononcer des paroles subtiles qui bernent l'attention d'un autrui trop confiant dans une hypothétique similitude des façons de penser, pour mieux pouvoir lui renvoyer, s'il proteste contre la mauvaise foi de la personne, l'exactitude des paroles prononcées.

Et ce n'est qu'une des milles facettes de cet art du langage développé au fil des pages de cet ouvrage tout à fait étonnant. La différence des civilisations arabe et européenne me semble résider là, au creux de la parole : chez nous la ligne droite de la parole donnée (oui, je sais, "les écrits restent" etc., mais), qui fait apparaître comme une félonie la moindre infraction à la loyauté ; chez eux l'admiration qui s'adresse à celui qui, à force d'habileté et de subtilité langagière, a réussi à embrouiller la raison de l'homme à circonvenir.

***

Il faut les voir s'embrasser, se congratuler, sauter de joie, les moukères de Grenoble, à l'annonce de la décision qui autorise (en termes alambiqués) le burkini comme tenue pour les ébats aquatiques en territoire municipal. « ON A GAGNÉ !!! », ont-elles triomphé. Et maintenant qu'elles ont gagné à Grenoble, les associations d'activistes musulmans comptent bien ne pas s'arrêter là, et faire tout ce qui est en leur possible pour accrocher de plus gros gibiers à leur tableau de chasse. L'objectif ? Très simple : grignoter, mètre après mètre, le terrain occupé par l'adversaire en se servant des moyens mêmes offerts par ce dernier. Leur horizon ? Faire avancer, mètre après mètre, la cause de l'islam sur des terres qui ne sont presque plus chrétiennes jusqu'à occuper tout le terrain (ajouté le 19 mai).

vendredi, 22 janvier 2021

CHARLIE HEBDO EN 1545

C'était le bon temps des guerres de religions.

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Regardez bien, cette tiare sacrée est un vulgaire pot de chambre aux yeux des luthériens. L'un est en pleine action d'excrétion des immondices du corps, l'autre se déculotte, attendant son tour. A propos de la tiare, qu'on a reconnue, j'espère : est-ce Paul VI qui en a abandonné le port dans les grandes occasions ? Jean XXIII ? Benoît XVI ? (C'est curieux, j'ai comme une vague impression d'en oublier en route.)

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Les parfumeurs du pape : voyez les nuages odorants qui leur sortent par en bas.

Où l'on constate que la caricature luthérienne, c'était quand même beaucoup "Pipi-Caca".

« Le Seigneur m’a frappé de graves douleurs en mon derrière ; mes excréments sont si durs que je pousse pour les expulser avec tant de force que j’en transpire ; et plus j’attends pour ce faire, plus ils durcissent. […] Mon cul est devenu mauvais ».

Ces mots sont de Martin Luther en personne, dans une lettre citée malicieusement par John Eliot Gardiner dans son livre magistral : Musique au château du ciel.

***

Et ça faisait aussi des morts.

***

Note : j'observe que Charlie Hebdo s'en est particulièrement pris, parmi ses tumultes anti-religieux, à la figure du pape mais, aussi loin que je me souvienne (l'époque géniale de l'équipe Cavanna-Choron-Cabu-Reiser-Gébé-Wolinski-etc.), il ne s'en est que rarement pris — sauf erreur — nommément aux sectes protestantes. Le pape ? Alors là pardon, qu'est-ce qu'il lui ont mis ! Et ne parlons pas de Jésus ! Bon, c'est sûr que les protestants n'ont pas de pape, eux. Il n'empêche que leur emprise ne cesse de s'étendre, alors que le rapace catholique a pris un air tout à fait flapi, depuis un certain nombre d'années.

L'Eglise catholique est sur la défensive, alors qu'au Brésil, en Afrique, en Asie, les petites fourmis des sectes évangélistes, pentecôtistes ou autres travaillent infatigablement. Leur prosélytisme (c'est-à-dire leur fanatisme, fût-il non-violent) est stupéfiant. L'Eglise catholique de France elle-même, prise en étau entre les accusation de pédophilie, la grande offensive musulmane et le militantisme opiniâtre des sectes protestantes, est dans une situation piteuse. Que fait Charlie Hebdo ?

dimanche, 10 janvier 2021

CABU ET DIEU

Parce que y a pas que Mahomet dans la vie.

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Cabu, ou l'art de montrer sans montrer tout en montrant.

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Pas mal, il y a de ça, je veux dire : pour ce qui est d'être drôle (image trouvée récemment sur fesse-bouc).

jeudi, 20 février 2020

UN ISLAMOPHOBE

Extrait d'une longue BD (une cinquantaine de vignettes) parue dans Charlie Hebdo le 22 mars 1979, intitulée "A l'américaine". Le professeur Choron y expose une solution à la "crise" : il propose tout bonnement d' "aller casser la gueule aux Arabes". Et face aux objections de ses deux amis, il énonce la seule manière d'arriver à cette fin : y aller "à l'américaine". Choron explique ensuite que cette méthode consiste à "zigouiller tout le monde".

Georges Bernier (alias professeur Choron) avait sûrement de grandes qualités – ne serait-ce que pour avoir laissé un nom qui sonne encore très fort –, mais ce n'était pas un expert en géostratégie. La preuve, c'est que les Américains, après le 11 septembre, sont effectivement allés "casser la gueule" aux Afghans du mollah Omar (qui ne sont pas des Arabes), aux Irakiens de Saddam Hussein, et qu'ils rêvent encore de faire de même avec les Iraniens de l'ayatollah Ali Khamenei (qui ne sont pas non plus des Arabes, mais Trump a-t-il accès aux nuances ?). On en voit le résultat : le monde actuel déguste encore, jour après jour, les conséquences catastrophiques de l'aveuglement et de l'arrogance des Américains.

J'ajoute que Choron avoue pour finir qu' "il débloque" et qu' "il est bourré", autrement dit qu'il n'est pas sérieux. Est-ce une raison suffisante pour en conclure que George W. Bush "débloquait" et "était bourré" quand il a attaqué l'Afghanistan, puis l'Irak ? Ne parlons pas de l'état de Donald Trump qui, même quand il est à jeun, donne l'impression de "débloquer" et "d'être bourré".

En présence, de gauche à droite : Cavanna, Reiser, Choron. 

Au trait : Jean-Marc Reiser.

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Il semblerait que le professeur Choron, en "débloquant" et en étant "bourré", était, sinon dans son état normal, du moins dans son état ordinaire.

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Voilà, à ma connaissance, un des rarissimes exemples où Reiser met en scène ses copains de Hara Kiri et Charlie. Ci-dessous, la fine équipe (ils sont tous les six aux places assises) : Gébé, Reiser (qui tient le manche à balai du "Concorde"), Cabu, Wolinski, Choron, Cavanna. 

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mardi, 04 février 2020

L'AFFAIRE MILA

C’est pourtant un très vieux truc. Pensez, quand j’étais en fac, quelques années autour d’un célèbre mois de mai, des étudiants africains l’utilisaient déjà. Eh bien le très vieux truc, il marche encore, mais avec le turbo. Il consiste en dernier recours, pour un mâle engagé dans une tactique de conquête d’une femelle, s’il n’arrive pas à ses fins, à lui lancer : « Si tu veux pas sortir avec moi, c’est que tu es raciste ! ». Culpabilisation d’autant plus forte si la femelle visée était « de gauche ». Mais ça n’allait pas plus loin en règle générale.

L’affaire Mila constitue une simple variante du très vieux truc, où la religion a pris la place de la race : « C’est parce que je suis musulman que tu veux pas sortir avec moi ? ». Mais Mila ne s’est pas laissé impressionner par la saloperie argumentative : elle a volé dans les plumes du garçon éconduit, en ajoutant quelques propos bien sentis sur la « religion » invoquée.

Pas la peine, arrivé à ce point, de souligner l’extraordinaire mayonnaise mousseuse que les « réseaux sociaux » sont aujourd’hui capables de monter en quelques minutes dès que le micro-événement s’est produit : le prétexte est servi sur un plateau.

Mon propos concerne l’islam, seulement l’islam, encore l’islam, toujours l’islam. J’ai déjà abordé ici ce problème à de multiples reprises, mais sa récurrence et la résonance de plus en plus forte qu’il acquiert à chaque nouvel événement montrent que la France, loin d’être sortie de l’auberge, doit s’apprêter à faire face à des soubresauts de plus en plus violents.

Quand « Sale Français ! » devient une injure courante, qu'on entend dans les rangs de détenteurs de notre Carte Nationale d'Identité, on attendrait au moins une réaction de la part des "grandes oreilles" qui nous gouvernent (les "grandes oreilles", vous savez, tous ces gens très propres sur eux et qui parlent dans le poste, et qui sont "à l'écoute permanente et attentive" des Français).

J’ai déjà dit que s’il y a résurgence de l’antisémitisme en France, ce n’est pas aux quelques groupuscules négationnistes bien connus qu’on le doit, mais à l’existence sur le sol français d’une communauté musulmane qui se sent davantage tenue par le Coran et les « cinq piliers de l’islam » que par les lois françaises, et qui a pris fait et cause pour le peuple palestinien en particulier.

J’ai déjà dit aussi pour quelles raisons il me semble que l’islam est incompatible avec l’idée que les Français se font de la démocratie et de la République, et que, quels que soient les efforts que ceux-ci feront pour faciliter l’assimilation, l’islam demeurera, quoi qu’il arrive, un corps étranger.

Ce que je retiens de l’affaire Mila, c’est avant tout l’incroyable potentiel de haine que recèle la communauté musulmane envers les Français non-musulmans (ça fait quand même encore un fameux paquet) qui font savoir (ce qui est leur droit le plus strict) tout le mal qu’ils pensent de cette religion. Un incroyable potentiel de haine toujours prêt à éclater comme une bombe. Ce qui m’inquiète, c’est qu’il semble de plus en plus évident aux membres de cette communauté qu’il est normal de pousser des hurlements dès que s’exprime le plus léger reproche à l’égard de l’islam.

Tout se présente comme si, à la manière dont les responsables de l’Etat israélien promeuvent son caractère essentiellement juif pour mieux jeter la confusion sur la distinction entre antisionisme et antisémitisme, les musulmans de France exigeaient que notre pays accorde à l’islam une place exorbitante, pour mieux pouvoir crier à l’islamophobie au moindre chatouillement de la « sensibilité ». Dans les lois françaises, ils ne retiennent que ce qui leur est favorable.

La mollesse des réactions de tout le personnel politique face au déferlement de haine qui a emporté la jeune Mila comme un tsunami, en montrant l’aveuglement des hauts responsables de la France à l’égard du danger que représente l’islam, est en soi un véritable scandale.

Voilà ce que je dis, moi.

lundi, 20 janvier 2020

2020 : HEURTER LES SENSIBILITÉS

AUJOURD'HUI, LES JUIFS.

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Un génial pied-de-nez du génial Gébé au sacro-saint et sempiternel "Devoirrr de Mémoirrre" (appuyer le plus fort possible là où les consonnes font mal). Charlie Hebdo du 24 juillet 1972.

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Là c'est Wolinski qui s'y colle, et il ne fait pas dans la dentelle. Il n'y a pas beaucoup de consonnes, mais ça fait quand même très mal. Charlie Hebdo du 2 novembre 1978.

dimanche, 19 janvier 2020

2020 : HEURTER LES SENSIBILITÉS

AUJOURD'HUI LES CHRÉTIENS CŒUR DE CIBLE.

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Dessin de Willem paru dans Charlie Hebdo le 7 août 1972.

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Explication : Willem trouve un entrefilet dans La Libre Belgique daté 28 juillet 1972. Dans ce tout petit article, il est dit que le grand champion cycliste Eddy Merckx « confesse sa foi » : « Je désire faire connaître Jésus à ceux qui ne le connaissent pas ». J'ajoute quand même que la reproduction de l'entrefilet en bas de page 8 de Charlie Hebdo est si dégueulasse que, en dehors du titre, elle est rigoureusement inexploitable.

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Charlie Hebdo, 5 avril 1971. Gébé. Pas son meilleur dessin. Ce qu'il faut à Gébé, ce sont de vastes problématiques : son génie à lui, c'était de leur donner une figure dont l'existence réelle n'était plus de l'ordre du possible ou du probable, mais de l'ordre du vrai, du fort et de l'immédiat.

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Charlie Hebdo, 3 avril 1972. Reiser. Je n'ai pas creusé pour en savoir plus sur la réalité du sondage IFOP. L'intérêt de ce dessin, c'est qu'il traduit un certain ramollissement de la foi chrétienne. Une certaine "modestie" dans l'affirmation de la "Vraie Religion" par ses propres représentants (Katholikos signifie "universel").

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Charlie Hebdo, 10 avril 1972. Cabu. Jésus est un peu trop abruti pour rester crédible Mais c'est la loi du genre.

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Chalie Hebdo, 6 novembre 1972. Wolinski. C'est patelin, mais c'est presque gentil, et j'aimerais savoir ce que fait sa main gauche (voir plus haut).

On le voit par ces quelques couvertures : à part le petit dessin de page 8 de Willem, les dents et les griffes de Charlie Hebdo sont limées à ras. Pas facile, je dirai, de tirer sur une ambulance. Pas de quoi se relever la nuit pour se fendre la gueule.

On voit même aujourd'hui que l'Eglise catholique de France est plus proche du corbillard que de l'ambulance. Avec les multiples affaires de prêtres pédophiles, le père Preynat en tête de gondole, elle a – qu'on me pardonne l'expression – donné des verges pour se faire battre.

J'assistais dernièrement à l'enterrement d'une très vieille amie de la famille. Cela se passait évidemment dans sa vieille paroisse de Saint-Polycarpe. S'il y eut des moments vraiment émouvants, ce ne fut pas la faute du rituel catholique, qui m'est apparu plus ridicule que dans une caricature de Cabu.

Quant aux "fidèles", j'en avais un bel exemplaire à côté de moi qui, dès qu'il s'agissait de "chanter la gloire du seigneur", se mettait littéralement à bêler lamentablement. Je me suis dit que les chants des catholiques français d'aujourd'hui ont quelque chose à voir avec les bredouillements des agonisants. Pas de quoi soulever l'enthousiasme des foules et grossir les rangs des ouailles.

Il ne sert plus à rien de se moquer des "tala" (vous savez, ceux qui vont tala messe), des catholiques et des chrétiens en général. Cette religion (au moins en France) arrive en bout de course, tellement exténuée par le parcours des combattants du Christ (sans compter les dévoyés) qu'elle ne trouve plus en elle que l'énergie de battre sa coulpe et de faire le moins de bruit (de propagande) possible.

Je n'en dirai certes pas autant des adeptes et des militants et des guerriers et des fanatiques de l'islam.

Voilà ce que je dis, moi.

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mercredi, 26 juin 2019

L'ISLAM ET SON PIÈGE 3/3

Je creuse encore le sillon que j'ai commencé à creuser sur l'islam et la place qu'il pourrait éventuellement trouver dans la culture proprement française et européenne. Je dois bien dire que plus j'y réfléchis, moins je trouve des raisons valables de laisser une place à l'islam dans la vie publique en France. Je précise que je ne suis pas un docte : je suis juste un citoyen ordinaire attentif à l'évolution de la société où il est né. Je n'ai pas de théorie ("grand remplacement" ou autre). J'observe, je ressens, et j'essaie de formuler.

3

Quoi qu’il en soit, Allah et Mahomet n’exigent du croyant que des devoirs à rendre concrètement, en gestes et en actes : c’est une religion pratique, où la piété doit se montrer (et l'impiété se cacher : j'ai vu, rue Belfort, un maghrébin sortir de l'épicerie avec une grosse bouteille de Coca dans une main, tandis que, de l'autre, il dissimulait dans sa manche une fiasque d'alcool fort, sans doute pour porter discrètement un toast à la santé du Prophète une fois rentré chez lui). On peut même trouver très contraignante l'obligation des cinq prières par jour.

Vous imaginez l'angoisse du soir ? Ai-je bien coché toutes les cases ? Pour un peu, j'irais jusqu'à dire que l'islam est une religion purement formelle : petit musulman, si tu respectes les formes imposées, si tu te comportes conformément aux préceptes sous l'oeil des caméras de surveillance, Allah te promet l'éternel séjour dans "les jardins où les ruisseaux coulent". Peu importe, dans le fond, ce que tu en penses : ce qui compte, c'est ce que tu manifestes concrètement, dans tes gestes et tes comportements. Ce qui compte, c'est ce que tu montres (peut-être une raison de la crispation générale sur le voile "islamique" en France, pays où l'ostentation n'est pas bien vue).

Et cette idée qui me vient laisse à deviner, derrière toute la croyance musulmane, toute la compacité du corps social qu'elle porte et qu'elle édifie. Les gestes qu'on fait, c'est aux yeux des autres. Cela peut paraître bête à dire, mais il n'y a pas de foi musulmane sans l'intégralité organique d'une société musulmane qui observe le croyant. Je ne suis pas le premier, loin de là, à le dire : l'islam est une religion qui joue un rôle de cohésion et de structuration sociale. Les commentateurs parlent bien d'un "islam politique" : en islam, le religieux, le social et le politique semblent indissolublement liés. En insistant là-dessus, je veux juste dire que la vérité individuelle de la croyance, en importance, arrive loin derrière.

Le nombre des croyants garantit la vérité et la force de la croyance. De même, l'ostentation individuelle de la conviction musulmane garantit la validité de la société musulmane. J'ajoute que le nombre des croyants est en lui-même un extraordinaire moyen de faire pression sur l'individu : il faut un culot monstre, le goût du danger et des nerfs en acier pour oser enfreindre l'obligation du jeûne pendant les journées de Ramadan.

Le plus important, à mon avis, c'est que le musulman n'est nullement tenu de vraiment croire (comme on dit "croire" quand on est de culture chrétienne) en Allah et Mahomet : il a juste besoin de faire les gestes commandés, et impérativement en présence de tous les autres membres de la communauté. Pas besoin de croire, il faut faire. Et il faut faire aux yeux des autres, ainsi intronisés témoins et garants de la piété de l'individu qui se plie au rituel.

Moralité : l'islam est la religion la plus laxiste au plan psychologique, en ce qui concerne l'authenticité, la sincérité de la foi, parce que c'est une religion d'ostentation et de démonstration. Une religion de l'extériorité et de la pression sociale. C'est la raison pour laquelle c'est la religion la plus dominatrice qui soit : ta religion, c'est le regard des autres sur toi et sur les gestes que tu fais. Il n'y a pas de religion plus conformiste que l'islam..

Je dirai qu'à la limite, le musulman n'a pas besoin d'être musulman pour être agréable aux yeux d'Allah et de ses semblables, il doit juste se comporter conformément au texte et accomplir les gestes qu'il lui commande. Pas besoin de croire : il faut faire (la "lecture" - ou "récitation", la prière, l'aumône, le pèlerinage, etc.). Si l'on admet cette façon de voir, il devient difficile de prendre l'islam au sérieux (je parle du point de vue chrétien). Religion du concret. Religion du visible, de l'extériorité, de l'ostensible, de l'ostentatoire.

Allah est assez bon pour laisser mon esprit penser ce qu'il veut, pourvu que mes bras, mes mains, mes jambes et mon corps effectuent quotidiennement la chorégraphie exigée : je garde l'esprit libre. Si ce n'est pas complètement idiot, je dirai que l'islam est la religion qui consacre le mime (le masque si vous voulez) comme garant de la vérité. Si cette conception n'est pas fausse de l'islam comme religion de l'extériorité, on comprend aussitôt la profondeur du fossé qui le sépare du christianisme, religion où l'intériorité, la conscience, le "for intérieur" jouent les premiers rôles.

En comparaison, le dieu des chrétiens est d'une violence infiniment plus pernicieuse, qui s'introduit par effraction jusqu'au tréfonds de la conscience du croyant et qui ne cesse de torturer celle-ci pour lui faire avouer, dans un élan de sincérité, qu'elle n'est qu'une pécheresse juste bonne à s'humilier devant son Seigneur. L'islam épargne à ses croyants de telles inquisitions, pourvu qu'ils accomplissent les "gestes". Ah bon, ce n'est que ça ?

Les conditions de l'unité globale sont donc si faciles à remplir que cela ouvre un boulevard à l’ « Oumma » : il s'agit simplement d'accomplir les bons gestes au bon moment dans sa vie quotidienne. Le dieu des chrétiens est, en comparaison, beaucoup plus intrusif, en même temps qu'il laisse le croyant beaucoup plus libre, parce que plus responsable de lui-même, et en même temps beaucoup plus inquiet du fait même de cette responsabilité qui lui incombe.

Le musulman est beaucoup plus tranquille et confortable, puisque non responsable de soi, pourvu qu'il accomplisse les gestes. Si l’on n’attend des gens rien d’autre que des comportements sociaux visibles, on peut aisément se mettre d’accord. Car de toute façon, et le Coran vous le ressasse jusqu'à plus soif : quoi que vous fassiez, Allah sait, et nul ne peut lui cacher quoi que ce soit. 

Dans ces conditions, la diversité des islams peut se donner libre cours : le socle commun (Coran, cinq piliers) est tellement réduit qu'il est indestructible, et qu'il peut à loisir servir de base à une extrême hétérogénéité. Le tronc unique (Coran, cinq piliers) peut développer sans problème plusieurs branches maîtresses qui se subdivisent ensuite en branches, qui se séparent en branchettes, qui se répartissent en rameaux, eux-mêmes fractionnés en brindilles, etc.

Dans ces conditions, la « communauté des croyants » prend une existence tangible : toutes les sectes musulmanes, si différentes et opposées soient-elles, se souviennent du tronc unique dont elles sont issues (Coran, cinq piliers). Elles n'oublient jamais le lien d'étroite parenté avec l'ensemble dont elles constituent un élément. Tout ce qui se déclare musulman est donc musulman, quelles que soient sa conception et sa pratique, classiques ou bizarres, modérées ou fanatiques, de la religion.

Et c’est ainsi que l’islam n’a pas besoin d’une autorité unique (un « pape ») pour intégrer ou excommunier, contrairement au catholicisme. Le Coran et les cinq piliers une fois admis, tout est possible. S’il y a des hérésies ou des incompatibilités, on se fera éventuellement la guerre, mais on la fera avec une grenade dans la main droite et le Coran dans la main gauche. Et en respectant les cinq piliers.

Pas besoin d’un clergé hiérarchisé, de conciles pour unifier un corps de doctrine. D’où, par exemple, la répugnance des musulmans français lors des attentats de 2015 à dénoncer les criminels comme non-musulmans : qui parmi eux, s’ils sont de fervents croyants, s’érigerait en juge de ses coreligionnaires ? Pour eux, les Kouachi et Coulibaly étaient aussi de vrais musulmans. Pour les musulmans français, il était tout à fait évident que les assassins du Bataclan étaient des musulmans : comment auraient-ils pu déclarer, comme beaucoup les sommaient de le faire, que l'islam, ce n'est pas ça (les pancartes « Not in my name ! » ont été de pures velléités) ?

Car la formule « tout ce qui se déclare musulman est musulman » signifie que, du plus pacifique, du plus mystique, du plus contemplatif jusqu’aux plus cruels et sanguinaires des coupeurs de têtes de Daech, nul n'a le droit de dénier aux autres leur qualité de musulmans, pour autant qu’ils s’appuient sur le plus petit commun dénominateur du Coran et des cinq piliers. Tous les musulmans ont raison, toutes les façons d’être musulman sont valides, du point de vue de l’islam.

Il est donc très vain, il est même dangereux de soutenir mordicus, comme le font tant de bonnes âmes, tant de "responsables" et tant de politiciens, la bouche en cul de poule et la main sur le cœur : « Il ne faut pas faire d'amalgame. Il ne faut pas stigmatiser. Il ne faut pas confondre "islam" et "islamisme". » L'a-t-on assez entendu seriner, cette rengaine : "il ne faut pas confondre islam et islamisme" ! En réalité, le guerrier impitoyable ou suicidaire ("djihadiste") et le soufi mystique et inoffensif sont frères de lait. Je veux dire qu'ils ont poussé sur le même arbre, sur des branches certes éloignées, mais intimement apparentées et unies par la même sève qui coule dans leurs veines. Ils sont issus du même tronc, ils ont les mêmes racines.

L'islam est au total une religion tellement rudimentaire et schématique que tout un chacun peut y projeter ce qu'il veut. N'est-ce pas pour cette raison d'ailleurs que le héros de Soumission (Michel Houellebecq, Flammarion, 2015) finit par se faire une raison et se convertir ? « Ce n'est que ça ? », semble-t-il se dire à la fin du roman. Et Dominique Noguez, dans son Houellebecq, en fait (Fayard, 2003), cite Claude Lévi-Strauss, qui voit dans l'islam « une religion de corps de garde ». Une religion si simpliste au fond qu'elle est à la portée du premier abruti venu. Il n'est pas loin, le point où tout être sensé pourrait se dire que l'islam est "la religion la plus stupide" (procès perdu de Dalil Boubakeur contre Houellebecq, à cause de Plateforme).

Les gens de chez nous, modérés, tolérants et bien intentionnés, qui appellent à ne pas faire d’amalgame entre les bons musulmans et les djihadistes, n’ont pas complètement tort : il y a bel et bien des islams. Les pratiques religieuses des Bosniaques ne ressemblent sans doute guère à celles des Tchétchènes, des Ouïghours, des Soudanais ou des Indonésiens. Mais il est encore plus vrai qu’il y a bel et bien un islam.

Ce n'est pas pour rien que, à l'époque des caricatures de Mahomet, des musulmans d'Afrique, du Proche-Orient et d'Indonésie s'étaient violemment insurgés, brûlant au passage un consulat. Oui, l'islam est viscéralement un. On est très valablement fondé à faire des amalgames et à mettre tous les musulmans dans le même sac. Et tant pis pour ceux qui m'accuseront de "stigmatiser" les musulmans : l’islam est en mesure de présenter tous les visages, et tous ces visages sont la vérité de l’islam.

Il est légitime de considérer l'islam en bloc, et de dire qu'il n'a rien à faire en Europe, où le peu qui en a été implanté (Espagne jusqu'en 1492, Balkans) l'a été en lui faisant la guerre. L'islam est en soi totalement inassimilable dans la république ou dans la culture européenne. Son côté protéiforme fait apparaître une infinité de visages divers, aimables ou terribles, mais cette hétérogénéité n'est qu'une apparence : la base qui lui sert de socle est indestructible.

Conclusion : ce qui unit les musulmans du monde entier est infiniment plus puissant que ce qui les sépare. Ce qui fait la force de leur identité commune dépasse de très loin ce qui les différencie. C'est ce que les démocraties occidentales ont un mal fou à comprendre.

Cela veut dire que, pour les consciences européennes scrupuleuses, le problème posé par l’islam en terre de culture très anciennement chrétienne est absolument insoluble. Voilà où se situe le piège : dans la double nature de l'islam, multiple et un, indissolublement et dans le même temps, ce qui lui permet de jouer sur tous les tableaux. Il est tellement multiforme qu'il a réponse à tout et à son contraire. Car pendant que l’islam individuel, pacifique et bon enfant se fait admettre comme un acteur bien intégré dans la société, l’autre islam, l'islam collectif, l'islam global, l'islam militant (voire militaire), l'islam qui ne rêve rien d’autre que la conquête ou la destruction de ce qui n'est pas encore musulman, avance tranquillement. 

Voilà ce que je dis, moi.

mardi, 25 juin 2019

L'ISLAM ET SON PIÈGE 2/3

Avertissement (2 novembre 2019) : à force de revenir sur ce billet, d’y ajouter et d’y modifier des éléments de taille plus ou moins importante, je me vois dans l’obligation, pour une simple question de confort et de lisibilité, de le couper en deux.

2

La Communauté des croyants.

C’est la raison pour laquelle, d’après ce que j’en sais, dans l’islam, on ne touche pas à la lettre du Coran : il faut la prendre telle quelle, sans rien y changer. Il semblerait qu’un jour (au dixième ou onzième siècle ?), un calife ait décrété qu’il était formellement interdit de questionner le texte même qu’on avait eu, il est vrai, tant de mal à établir. Ce qui est demandé aux hommes, c’est seulement de se pénétrer de la parole divine en l’apprenant par cœur, et en se la récitant fidèlement.

Cette interdiction de toute interprétation est juste une hypocrisie et une lâcheté, en même temps qu’une outrecuidance et un coup de force. Car comme on pouvait s’y attendre, l’interdit n’a pas du tout empêché la prolifération des interprétations, non explicites mais traduites dans la réalité par la formation d’une multitude de communautés, tendances, sectes et courants.

Car l’islam est une religion éminemment plastique : elle prend racine rapidement et sans difficulté dans n’importe quel sol, comme l’ont prouvé les fulgurantes conquêtes arabes aux 7ème et 8ème siècles (vous savez, celles qui se sont "arrêtées à Poitiers"). Mais si l'islam s'acclimate aisément dans chaque sol où il est semé, celui-ci en retour le marque de son empreinte. D'où un paysage tout à fait composite.

Si l’on regarde le tableau d’ensemble, on voit une sorte de manteau d’Arlequin, un patchwork de traditions liées au lieu, à la coutume locale, aux individus, etc. Cela donne une multiplicité de « communautés », toutes si diverses qu’on peut s’étonner que toutes puissent, d'un seul élan, se réclamer de l’islam. Malek Chebel, grand spécialiste en la matière, musulman lui-même, le disait : « L’islam est une auberge espagnole ».

On peut s’en faire une petite idée dans un opuscule de Boualem Sansal : Gouverner au nom d’Allah (Gallimard, 2013), où l’on constate que la compartimentation de l’islam en cellules séparées confine parfois à ce qu’on observe dans les groupuscules trotskistes : la scissiparité. Tout le monde connaît le fossé qui sépare chiites et sunnites. Mais Sansal ajoute à ces deux frères ennemis le soufisme et le kharidjisme. Et il poursuit en précisant, rien que pour le sunnisme, qu’il existe quatre grands rites, et que ça ne s’arrête pas là : « Ces rites sont : le malékisme, le hanafisme, le chafiisme, le hanbalisme, chaque rite s’étant lui-même scindé en plusieurs branches et rameaux ». N’en jetez plus !

Quant aux chiites, ils ne sont pas en reste. C’est un « courant complexe, à la fois rationaliste, spiritualiste et ésotérique », c’est pire que le sunnisme : il « se divise en quatre branches se divisant elles-mêmes en de nombreuses écoles et sectes dissidentes ». Il y a les duodécimains (ou jafarites), les zaïdites (« exclusivement dans les montagnes du nord-ouest du Yemen »), les ismaéliens, parmi les nombreuses branches desquels on trouve les hétérodoxes druzes (Liban), qui rejettent la charia et croient en la métempsycose. Il y a enfin les ghoulâts, parmi lesquels la secte alaouite de Bachar El Assad. N’en jetez plus !

Et pourtant, au-delà des inimitiés, des guerres et des dissidences, il existe vraiment une « Oumma » (communauté des croyants) où tous les musulmans se rassemblent. Et je trouve incompréhensible qu’une telle hétérogénéité n’ait pas fait éclater cette « Oumma » en mille morceaux définitivement étrangers les uns aux autres, comme le sont par exemple, chez les chrétiens, catholiques romains et orthodoxes. Quel lien coud les pièces du puzzle musulman de façon à les faire tenir ensemble ? Quel facteur leur donne une telle apparence d’unité ?

N’étant ni ouléma, ni mufti, ni musulman, ni même croyant de quelque religion, j’en suis réduit à mon petit raisonnement de citoyen ordinaire. Et je me dis que pour qu’une telle salade russe soit considérée comme « une » (par ses membres comme par ceux qui n’en font pas partie), la seule possibilité, c’est que le dénominateur commun soit réduit au strict minimum. Plus l'accord repose sur un nombre réduit de clauses, plus il est solide. Plus l'accord est minimal, plus il a des chances de durer. Ce sont les pactes subtils et complexes qui sont les plus fragiles.

Vu du dehors, ce dénominateur existe : en dehors du Coran proprement dit, ce sont les « cinq piliers » (on devrait dire : les cinq commandements) : 1 – la profession de foi (s’il est horriblement long et compliqué de se convertir officiellement au judaïsme, pour devenir musulman, c’est simple comme bonjour : une formalité vite expédiée) ; 2 – l’aumône (j’ignore dans quelles conditions) ; 3 – le pèlerinage à La Mecque ; 4 – le jeûne du mois de ramadan ; 5 – les cinq prières par jour. La foi chrétienne me semble infiniment plus exigeante, puisqu'elle veut un engagement de la personne tout entière, extérieure et intérieure. Et puis, sa table de la loi compte dix commandements.

Car je note déjà un point commun : les cinq critères concernent des actes sociaux, et comme tels, ils doivent être visibles, pour ne pas dire ostensibles. Je ne suis pas sûr que les musulmans comprennent ce qui, pour les chrétiens, tourne autour de la « conscience » (cas de, crise de, scrupule de, problème de, examen de, directeur de, liberté de, etc.), je veux dire tout ce qui concerne l’intériorité individuelle, ce lieu de la délibération intime. Et chez les chrétiens, au contraire de l'islam, plus la foi est voyante, plus elle est suspecte (voir la parabole du pharisien et du publicain dans l'évangile de Luc).

Je dis peut-être une bêtise, mais il me semble que la religion musulmane est une religion de la pure extériorité et de la socialité. Le comble de cette extériorité, dans l'islam de France, est évidemment atteint par le "voile islamique". En islam, pas de « for intérieur », cette instance qui soumet le chrétien à son propre jugement et qui, avant même la confession, en attend sincérité et transparence. Allah et Mahomet tolèrent magnifiquement la dissonance entre le geste social et la pensée intime. Je veux dire que, pour eux, l'hypocrisie n'est pas un péché, pourvu que les devoirs soient rendus. L'islam ignore la "conscience", ainsi que la liberté, la délibération et le conflit éventuel qui vont avec. 

Allah considérerait cette liberté comme une offense, et Mahomet la tiendrait pour un sacrilège. Pour Allah et Mahomet, la liberté individuelle est juste une insoutenable pornographie. Cette seule idée en dit long sur la compatibilité de l'islam en général et de la démocratie à l'européenne. Allah et Mahomet conchient, compissent et vomissent la démocratie. D'ailleurs "musulman" signifie "soumis à Dieu". L'individu autonome ? Scandaleux ! Inadmissible !

lundi, 24 juin 2019

L'ISLAM ET SON PIÈGE 1/3

Avertissement : je crois que l’islam façonne la personne humaine tellement en profondeur que les données qui caractérisent la société française le rendent inassimilable. Je crois aussi que cette religion a été façonnée de telle manière par l’histoire que tous ceux qui s’en réclament le font à bon droit, quelles que soient leur conception et la pratique qu’ils en ont. J’en conclus que les modérateurs professionnels qui appellent à ne pas « faire d’amalgame » entre les musulmans pacifiques et le djihadistes fanatiques se trompent. Ils n’ont pas tort de parler de la pluralité des islams, mais on peut et on doit aussi considérer que l’islam est essentiellement un. C’est dans le piège de cette double nature (Janus de la modernité, double visage, double langue) de l’islam que tombent les partisans de l’accueil à bras ouverts et aveugles. En jouant sur tous les tableaux, l'islam gagne à tous les coups.

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Le Coran.

Le Coran est un texte sacré. Attention, on ne plaisante pas : total respect. Les musulmans sont plus que chatouilleux sur le sujet, et sont prêts à tout s’ils pensent que quelqu’un dans le monde a manqué de respect au bouquin ou à l'homme par qui celui-ci est arrivé sur terre (je devrais dire "sur omoplates de camélidés"). Gare aux infidèles qui se moqueraient de l’un ou de l’autre : on peut aller jusqu’à vous brûler quelques ambassades ou à vous couper quelques têtes de mécréants. Cela s’est vu il n’y a pas très longtemps.

Ben mon pote, c’est pas les chrétiens d’aujourd’hui qui feraient ça pour la Bible. Bon, c’est vrai, l’histoire prouve qu’ils ont énormément de sang versé à se faire pardonner. Et puis aussi, il faut dire que le chrétien, ça commence à se faire rare sous nos climats tempérés. Aujourd’hui, franchement, combien de chrétiens sont prêts à jouer les redresseurs de torts ? A mourir pour leur foi ? Pas grand-monde. A croire que la chrétienté n’a plus une grande consistance de nos jours. Bon, il faut dire qu’en termes de composition, les deux bouquins sacrés n’ont pas grand-chose à voir.

Côté Bible (je parle de l’Ancien testament), une réunion de quarante-six "livres" sans beaucoup de liens entre eux, quoique sur une thématique unique, où s’entremêlent des pages d’histoire (exode), des invocations et prières (psaumes), des prescriptions et interdictions (lévitique), etc. Côté Coran, une inspiration unique, certes, mais une inextricable compilation de petits bouts de phrases, des morceaux de paragraphes et cent quatorze chapitres (sourates) répartis du plus long au plus court.

Dans la Bible, au moins, le premier quidam venu peut suivre s’il en fait l’effort : il y a une construction narrative et une unité globale qui lui confère, par comparaison, la cohérence logique d’un traité scientifique ; dans le Coran, le coq-à-l’âne domine, il est même permanent. Ce sont sans cesse des redites et des coupures, une pulvérisation formelle telle qu’il n’est pas possible à un lecteur ordinaire de s’y retrouver. Et puis ça rabâche, ça serine, ça ressasse. Comme si l’auteur voulait enfoncer dans le crâne un petit nombre d’éléments, mais carrément à coups de marteau. Combien de mots et de pages resterait-il dans le Coran si l'on éliminait toutes les répétitions ? Pas lourd.

Résultat pour le lecteur ordinaire : tu nages, tu te noies, tu ne sais pas par quel bout prendre la chose. C’est ce que disait le journaliste Pascal Galinier, quand il rendait compte, dans Le Monde du 24 décembre 2016, de l’essai de Mahmoud Hussein, Les Musulmans au défi de Daech : « Le Livre saint est un texte hermétique pour le commun des mortels, donc sujet à d’infinies interprétations, chacun y piochant ce qu’il veut ». 

Il faut insister sur cet hermétisme du texte, qui tient à sa composition : il a été recueilli sur un nombre invraisemblable de supports divers, tessons, planchettes, omoplates de camélidés, etc. Comment faire tenir tout ça ensemble et donner un semblant de cohérence ? Le puzzle est infernal et infaisable : le comble du saucisson découpé en tranches fines. Imaginez une immense mosaïque antique dont les milliers de petits morceaux (tesselles) auraient été versés en vrac dans une grande caisse : imaginez les trésors d'orfèvrerie méticuleuse qu'il faudrait à une armée de spécialistes pour reconstituer le visage du chef d'œuvre dans son intégralité. Le Coran est dans ce cas, et les orfèvres ont échoué.

Je crois me souvenir qu’il a bien fallu deux siècles pour aboutir à un consensus à peu près général et au texte "définitif" ("définitivement provisoire" aurait été plus juste). Il ne faut pas s’étonner qu’à nos yeux celui-ci ne tienne pas debout, tant ça part dans tous les sens. Mais il est stupéfiant d’apprendre qu’un tel salmigondis sert de table de la loi à un milliard et demi d’êtres humains : ça défie toute raison.

Je n’ai pas fait une étude approfondie du Coran, je me suis contenté de le lire intégralement et avec beaucoup d'attention, en lecteur ordinaire, pour me faire une idée personnelle de la chose, et ce n’est déjà pas si mal, tant j’ai trouvé la lecture éprouvante, moi qui suis habitué à des récits reposant sur la continuité (mais je n’ai jamais pu arriver au bout d’une lecture intégrale de la Bible : je dois avoir un problème avec le sacré).

Ma conclusion est que le Coran, ce livre rebutant, n’aime pas les hommes. A se demander si Dieu en personne ne les déteste pas. C’est un livre destiné à la crème des élites qui ont fait bac+12 (et qui par ailleurs détiennent le pouvoir), et qui dit au commun des mortels : "Tu n’es pas en état d’accéder à l’essence de cet enseignement. Sois humble et fais confiance à ceux qui te disent qu'ils savent". L'islam est une religion qui légitime ceux qui ont le savoir et ceux qui sont au pouvoir, et qui fait en sorte que ceux qui n'ont ni l'un ni l'autre se contentent de leur sort. L'islam, par nature, déteste la démocratie.

Je me dis que ma lecture en vaut une autre. Pourquoi serait-on, s’agissant de ce livre, obligé de s’en remettre à l’autorité de quelque savant qui nous expliquerait que nous avons tort, et qui nous apprendrait comment il faut le lire ? C'est un peu la même chose pour la musique contemporaine : le plus grand spécialiste aura beau me bourrer le crâne d'arguments, si ça ne passe pas, ça ne passe pas. Je n'ai jamais aimé que l'on m'impose "ce qu'il faut savoir", et encore moins comment il faut le savoir. Je suis aussi habilité qu’un plus savant que moi à me faire une idée valide de ce que j’ai lu par moi-même.  Les musulmans ne sont pas logés à même enseigne, contraints qu’ils sont de s’en remettre aveuglément à des spécialistes, quand on ne les oblige pas à apprendre le livre par cœur.

Pour ce qui est du « message », je dirais que le Coran assène pesamment, de son début jusqu’à sa fin, des louanges à Dieu. Il vous assomme de prescriptions impérieuses, d’interdictions formelles et de promesses vagues : châtiments cruels aux mauvais croyants (juifs, chrétiens et mauvais musulmans) et récompenses sublimes (jardins où les ruisseaux coulent) à ceux qui se soumettent sans rouspéter (musulman = soumis à Dieu).

En dehors de ça, des allusions fugitives à l’Ancien testament, à des événements ; plus insistantes à des personnages présents dans la Bible (Moïse, Noé, Jésus), etc. Et puis le maître-mot, qui différencie radicalement l’islam du christianisme : Dieu n’a pas été engendré et n’a jamais engendré (sourate 112) ! Rien de plus autoritaire et de plus terrorisant que le Coran. Rien de plus binaire, de plus dichotomique, de plus manichéen que le Coran.

Autre différence entre Bible et Coran : le rapport des croyants au texte qui les guide. Je passe sur tous les types de chrétiens créationnistes, qui prennent la Bible au pied de la lettre, et persistent à penser que le monde a été créé en six jours, il y a environ six mille ans, et autres fadaises. Il faut le reconnaître, la chrétienté n’a pas cessé d’interroger la lettre de la Bible pour en dégager l’esprit. Les chrétiens ont passé beaucoup de temps et d’énergie en exégèses, efforts d’herméneutique, commentaires, …

Thomas Römer, professeur au Collège de France, poursuit son travail monumental : il s’efforce d’identifier, dans les chapitres de la Bible, toutes les strates dont ils sont faits : indo-iraniennes, mazdéennes, mésopotamiennes, etc. Autrement dit, sa démarche consiste à reconnaître ce qui, dans la Bible, n’est pas de la Bible, mais emprunté à des sources étrangères. Les innombrables rédacteurs réels de la Bible ont forcément, selon lui, puisé dans les textes qui circulaient déjà à leur époque.

Ce que Thomas Römer s’efforce d’établir scientifiquement, c’est l’historicité du texte de la Bible, ce à quoi se refusent l’immense majorité des musulmans, qui sont persuadés que le Coran est a-historique, puisque descendant directement de la révélation divine. Que deviendrait la « parole de Dieu » si elle redescendait dans un contexte purement terrien ? Cela risquerait de lui faire perdre son caractère d’absolu, et de la faire tomber dans un relativisme extrêmement dommageable.

Vous vous rendez compte ? Allah avec des dimensions humaines ? Tous les pékins anonymes auraient l’ambition de « devenir califes à la place du calife ». Je me demande d'ailleurs si on ne pourrait pas dire que c'est à ce résultat qu'a fini par aboutir le christianisme qui, avec la sécularisation et la démocratisation, a fait de l'individu une sorte de centre. Simple question en passant.

Voilà ce que je dis, moi.

dimanche, 21 avril 2019

CE QUE ME DIT LA CATHÉDRALE 2

SUR CE QU'EST DEVENUE LA FRANCE

L'incendie de Notre-Dame – tout le monde ignore s'il a une cause "technique", due à la maladresse d'un ouvrier, à l'incurie des responsables ou à des investissements insuffisants dans l'entretien, ou s'il est dû à un malveillant – n'est sans doute pas du même ordre que les attentats (car dépourvu de conséquences humaines ou géopolitiques), mais le résultat est le même : le monde entier a pleuré. Peut-être parce que, à chaque fois, l'événement a à voir avec quelque chose qui relève du sacré ?

J'ai entendu Alain Lamassoure dire que lorsque la nouvelle a été connue au Parlement européen, il a vu pleurer des vieux briscards de la politique (des Suédois, etc.). Je doute qu'en pays musulman, les réactions populaires soient les mêmes : les touristes saoudiens osent-ils seulement pénétrer dans nos églises ? Idem en pays bouddhiste, hindouiste ou autre (excepté pour les touristes). L'émotion universelle a peut-être, précisément, en dehors du côté spectaculaire de l'incendie, une composante touristique. Mais ce n'est ni la seule, ni, probablement, la principale.

Cette émotion a des causes plus profondes, je dirais même des racines. Et elle touche à ce que représente dans le monde l'histoire de la France. On peut se demander par exemple comment il se fait que la Marseillaise soit, à ce que je sache, le seul hymne national que la plupart des populations du monde connaissent (je me rappelle avoir entendu il y a longtemps une version pour le moins "originale" par un orchestre d'autochtones péruviens ou boliviens, c'était pour accueillir je ne sais plus quel président). Je dirais volontiers que les représentations que les peuples du monde se font de la France ont quelque chose d'unique, quelque chose qui touche, je crois, à l'universel. Il est indubitable que le rayonnement, disons culturel (pour faire simple et général), de la France est unique. 

Mais – car tout ce raisonnement est fait pour finir sur un "mais" – cette France est celle du passé : le monde entier a pleuré sur une France qui n'existe plus. La France ne rayonne plus que par son passé. Ce que je trouve curieux, de l'attentat contre Charlie Hebdo à Notre-Dame de Paris en passant par le Bataclan, c'est qu'il faut des catastrophes pour que les Français se souviennent qu'ils sont Français – et non pas des ersatz de produits américains, ayant abdiqué la dignité du citoyen pour adopter la défroque du consommateur – et manifestent de façon unanime (disons au moins une unanimité relative). Je veux dire qu'il faut qu'ils pleurent pour se retrouver ensemble. Et cette France-là se souvient alors de son passé – évidemment révolu. Il faut l'émotion et le drame pour réunir les Français (bougies, messages, fleurs, "marches blanches", ...).

Ce qui rassemble aujourd'hui les Français, ce sont les cimetières, les hôpitaux et les musées (aujourd'hui Notre-Dame est un monument historique avant d'être un édifice religieux). Pas de quoi se réjouir. Les Français sont très forts aujourd'hui pour compatir, pour se lamenter et pour se plaindre. Tout ce qui ressemble à une victime attire la sympathie et, dans certains cas, vous n'avez pas intérêt à ne pas pleurer avec les pleureuses. Dès qu'il s'agit de verser des larmes, tout le monde répond présent (enfin, pas tout à fait). Mais dès qu'un illuminé demande « Qu'est-ce qu'on pourrait bâtir ensemble ? », c'est la volée des moineaux qui s'éparpillent aux quatre coins de l'horizon.

Probablement parce que chacun dans son coin s'est fait une idée personnelle de l'édifice, une idée incompatible avec celles des autres. Il y a sans doute une responsabilité dans le fait qu'enseigner "l'Histoire de France" fait hurler beaucoup d'historiens et d'enseignants à l'hérésie "scientifique". Les enthousiastes de la modernité se félicitent de ce que la France soit aussi "multiple" et "diverse". Ils ne se rendent pas compte que cette France-là est trop tiraillée par des forces contradictoires pour espérer former une entité unifiée autour du panache de laquelle l'unanimité se ferait. Il faut être Henri IV pour proclamer : tous ensemble, derrière moi. Si chaque petit chef peut prétendre représenter l'unité ("tous ensemble, mais derrière moi"), devinez ce qu'elle devient, l'unité (regardez la gauche française).

Car je suis frappé par le fait qu'aussitôt qu'on parle de projets, de construction collective, dès qu'il s'agit de se projeter dans l'avenir, d'envisager un futur commun, c'est la foire d'empoigne, comme si c'était devenu impossible. La population semble prête à en venir aux mains, et les responsables considèrent le "sens de l'Etat" comme une vieillerie. Il n'y a plus de vision proprement politique d'une nation qui n'est finalement plus gouvernée par des hommes de stature authentiquement politique qui aient « une certaine idée de la France » (suivez mon regard), mais gérée par une armée d'administrateurs (impeccablement formés) et d'experts-comptables (puissance de Bercy sur les orientations budgétaires). Ce genre de chef est d'avance hors d'état de concevoir et de proposer un projet politique. Qui aujourd'hui s'est fait « une certaine idée de la France » ?

J'en conclus que ce qui unit encore les Français tient exclusivement à ce qu'a été – et n'est plus – la France, et qu'il est devenu rigoureusement impossible pour ceux qui vivent aujourd'hui sur le territoire de se concevoir comme un corps collectif doté d'une âme collective et tourné vers l'accomplissement d'une œuvre commune. A la moindre évocation des problèmes de l'éducation, de comment s'y prendre pour éduquer et de ce qu'il faut enseigner aux jeunes Français, tout le monde sort les poignards. Même chose dans bien des domaines. Le corps et l'âme de la France ressemblent à Osiris démembré et éparpillé aux quatre coins du monde, mais il n'y a aucune Isis assez aimante pour partir sur les chemins, rassembler les morceaux et redonner vie. La France n'est pas divisée : elle est éparpillée.

Quand on demande aux Français ce qu'ils veulent pour demain, il suffit d'écouter les revendications (leur seule raison de manifester au départ étant la difficulté à finir le mois, ce n'est qu'ensuite que les revendications les plus diverses sont venues se greffer) des gilets jaunes : ils veulent tout et son contraire, ça part dans tous les sens. Et je ne parle même pas des diverses parties de la société qui ne sont pas gilet jaune.

Et je ne parle surtout pas des revendications des différents groupes de pression et d'influence (ce qu'on appelle les "minorités"), qui réclament des mesures pour protéger et favoriser leur particularisme, et qui interdisent à quiconque de les critiquer ou de se moquer (certaines blagues impliquant les femmes ou les homosexuels il n'y a pas si longtemps sont carrément inimaginables, et je ne parle pas des couvertures du Charlie Hebdo de la grande époque - 1969-1982), sous peine de correctionnelle. Impossible aujourd'hui d'aboutir à un accord qui ressemble à un consensus majoritaire sur ce qu'il faut que la France devienne en tant qu'entité, identité, nation.

On a l'impression qu'un policier sommeille dans beaucoup de Français (juifs, femmes, musulmans, homosexuels, noirs – le CRAN a fait censurer une pièce d'Eschyle au prétexte que les acteurs portaient un masque qui signifiait leur origine africaine, étant entendu que les blancs, forcément néocolonialistes, n'ont pas le droit de parler de problèmes impliquant des noirs –, etc., la liste est interminable).

On a l'impression que la société française, comme aux Etats-Unis, est devenue une terrible société de surveillance réciproque des uns par les autres, avec des cahiers des charges détaillant les modalités des relations entre eux : vous n'avez pas le droit de ceci, je vous interdis cela, sinon je porte plainte.

On a l'impression que les Français n'ont plus aucune envie de vivre ensemble (je veux dire : tous ensemble), et qu'ils ne se reconnaissent les uns les autres (et encore : pas tous) que dans le malheur, quand il devient impensable de ne pas éprouver de la compassion pour les victimes (d'attentats) ou pour un édifice datant de huit siècles. Pour le reste, c'est "circulez, y a rien à voir".

J'ai bien peur que si l'on se demandait qui, parmi tous les Français, éprouve aujourd'hui, en dehors des drames qui touchent le pays et émeuvent le monde, quelque chose qui ressemble à un sentiment d'appartenance, voire un "sentiment national", le résultat ne manquerait pas de désoler ceux qui ressentent encore un sentiment de cet ordre.

Elle est loin, l'époque où Pierre Daninos, dans Le Jacassin (1962), pouvait évoquer un "oncle" qui, tous les 14 juillet, au défilé militaire sur les Champs-Elysées, se débrouillait pour se trouver derrière un monsieur qui gardait son chapeau au moment où le drapeau passait devant lui et, d'un geste de la main, faire voler le couvre-chef du mauvais patriote pour lui lancer d'une voix forte et courroucée : « On se découvre devant le drapeau, monsieur ! ». Et encore, Daninos se moquait gentiment de ce qui apparaissait déjà comme une lubie.

Non, la France est vraiment devenue une "collection d'individus" (conception, soit dit en passant, importée de l'Amérique protestante et individualiste et de l'Angleterre de Margaret Thatcher), et a perdu la mémoire de tout ce qui faisait d'elle une "société", et tout ça est pris dans le maelström de la compétition économique mondiale féroce qui ôte à tout le monde le temps et la possibilité de penser à autres chose qu'aux moyens de survivre. La France est devenue une collection d'individus plus ou moins américanisés (le plus souvent sans le savoir : quoi de plus naturel pour les jeunes Français que d'adopter tout ce qui s'invente de l'autre côté de l'eau – voir les files d'attente devant les boutiques Apple quand un nouveau produit est lancé ?), qui se sont en gros débarrassés de l'héritage proprement national, assimilé à des antiquités poussiéreuses, voire à des ruines (le mot n'est d'ailleurs pas faux).

L'entité qui a porté le beau nom de France a-t-elle encore la possibilité de s'envisager telle dans l'avenir ? J'en doute, tant le processus d'américanisation de nos vies semble définitif (et irréversible comme tout ce qui s'inscrit dans le temps de l'histoire). Il n'y a désormais plus de place pour un quelconque "Grand Récit National". Jérôme Fourquet, dans son ouvrage le plus récent (L'Archipel français, Seuil, 2019) a raison quand il parle de l' "archipellisation" de la France. Un processus qui ressemble de plus en plus à la structure de la société américaine (la différence, c'est l'importance du drapeau américain pour les citoyens d'outre-Atlantique). Et la recette du mortier qui ferait tenir ensemble tous les morceaux semble définitivement perdue.

Voilà ce que je dis, moi.

samedi, 20 avril 2019

CE QUE ME DIT LA CATHÉDRALE 1

SUR CE QU'EST DEVENUE LA FRANCE

Avant l'incendie de la cathédrale de Paris, il y avait eu l'attentat contre l'équipe de Charlie Hebdo, puis le massacre du Bataclan et des terrasses de café. Mais il m'a fait penser aussi à ce qui est arrivé aux "Twin Towers" le 11 septembre 2001. Le lien n'est pas évident (contrairement aux attentats, l'incendie de Notre-Dame n'aura aucune conséquence sur la marche du monde), c'est le moins qu'on puisse dire, puisque, en l'état actuel des choses, c'est plutôt la thèse accidentelle qui est privilégiée, mais l'événement m'a inspiré quelques réflexions qui m'incitent à le contextualiser autrement que bien des commentateurs.

Ben Laden avait apporté au monde la preuve que, même quand on est l'acteur le plus puissant de la mondialisation marchande, il faut s'attendre à recevoir le boomerang de son action dans la figure. « Nous sommes tous américains », s'était hâté de s'exclamer Jean-Marie Colombani dans le journal Le Monde, dans un éditorial mémorable. Je suis obligé d'avouer que, pour ma part, quand j'ai entendu la nouvelle à la radio, j'avais sauté de joie : enfin, m'étais-je dit, voilà l'arrogance américaine justement châtiée.

Michel Sardou a eu beau chanter : « Si les Ricains n'étaient pas là », je persiste à penser que si l'Amérique a reconstruit l'Europe après la guerre, c'est qu'elle avait de bonnes raisons pour ça : la guerre froide qui n'allait pas tarder à se déclarer contre l'U.R.S.S. Pour contrer le nouvel ennemi, l'Amérique a donc acheté l'Europe (le fameux "plan Marshall", du nom d'un général de l'armée américaine) pour des raisons militaires, mais aussi commerciales. Elle y a carrément mis le paquet (173 milliards en dollars 2019).

Au passage, je fais remarquer que les prêts aux pays européens étaient conditionnés à des achats aux Etats-Unis par les mêmes pays, et pour un montant équivalent, de toutes les fournitures nécessaires à cette reconstruction (source : encyclopédie en ligne). L'Amérique protestante ne fait rien pour rien : elle attend toujours quelque chose en échange, et n'oublie jamais où se trouve son intérêt. S'en est suivie une situation nouvelle : l'Europe est devenue une province américaine.

Le suzerain se trouvait de l'autre côté de l'Atlantique, et le vassal était européen. L'Europe est devenue une sorte de franchise de la marque "Amérique", et le client privilégié, presque forcé, de tout ce que ce fournisseur exclusif pouvait produire en termes de marchandises, de divertissement, de représentations du monde et même de mode de vie. Il faut avouer que tous ces biens et manières de voir et de se divertir étaient accueillis le plus souvent avec enthousiasme. L'acculturation des vieux peuples européens s'est produite dans la joie et la bonne humeur : tout ce qui était tradition est devenu ringard, archaïque, obsolète.

Et l'Europe, malgré toutes les déclarations d'indépendance et les affirmations d'autonomie (et malgré la résistance de De Gaulle, bien solitaire il est vrai), est toujours aujourd'hui, dans presque tous les domaines, en état de vassalité, soumise à son suzerain (son "allié") d'outre-Atlantique. Et parmi les nombreux facteurs qui empêchent l'Union Européenne de s'édifier en entité politique unifiée et autonome, il faut compter avec le fait que ce projet hérisse l'Amérique, qui ne veut à aucun prix d'une puissance autonome qui pourrait rivaliser avec elle. Et ce ne sont pas les coups de force récents de Donald Trump qui convaincront du contraire. 

De toute façon, si les Français se montrent sourcilleux sur la question de l'autonomie, tout en faisant semblant de ne pas s'apercevoir que tout ce qui est américain sera prochainement "français" (produits, pensée, mode de vie, idéologie – par exemple la façon de considérer les "minorités", à commencer par les noirs, qui, en Amérique, avaient de vraies raisons, eux, de se révolter, puis sont venus les homosexuels, etc. –, ..., voir à ce sujet l'excellent livre de Régis Debray, Civilisation, Gallimard, 2017), les autres Européens, à commencer par les anciens pays satellites de la puissance communiste (mais aussi Allemands, Italiens, Anglais, pays scandinaves, ...), ne veulent à aucun prix d'une Europe comme entité unifiée et réellement indépendante. En attendant, un tas de groupes d'influence et de pression se dépêchent d'importer les trouvailles sociétales faites dans les officines minoritaires des Etats-Unis pour faire valoir de nouveaux "droits".

Pour ce qui est des Etats européens, l'état de vassalité ne pose aucun problème et leur convient à merveille, tant qu'ils peuvent faire des affaires et consommer à leur guise (j'ai vu rouler sur les routes scandinaves surtout des voitures de marque Chrysler ou Chevrolet, et des Volvo de temps en temps, c'était il n'y a pas tout à fait vingt ans). Une majorité des nations européennes sont d'accord pour ne rien faire qui puisse déplaire au parrain américain (la Pologne s'est bien gardée d'acheter pour son aviation militaire des avions de conception et de fabrication européenne). Et au sujet des "Trente Glorieuses", dont les Européens se souviennent avec un rien de nostalgie, qui ont vu croître formidablement la prospérité sur tout la partie occidentale du continent, et dont on nous rebat les oreilles à répétition pour s'extasier sur les "beautés de la construction européenne", elles sont pour une large part dues à la "générosité" sans pareille (soigneusement rétribuée) de "l'ami américain" après la Libération.

Tout cela pour arriver à Notre-Dame de Paris et à l'incendie qui l'a ravagée, catastrophe qui a bouleversé le monde entier (enfin, je voudrais savoir à quelle température est montée l'émotion populaire au Malawi). Mais quel est le rapport avec ce qui précède, se demande le lecteur ? Je vais essayer de m'expliquer. Si le 11 septembre a produit un tel choc à l'époque, c'est qu'il manifestait le surgissement totalement imprévu d'un ennemi venu d'ailleurs, quasiment de nulle part. C'est ce qui fait le lien entre cet événement au retentissement mondial et les deux attentats de 2015 en France : un ennemi venu d'ailleurs, à nous qui ne sommes en guerre contre personne (enfin, il ne faudrait pas chercher la petite bête).

Charlie Hebdo et le Bataclan ont eu un retentissement analogue à celui des "Twin towers", mais à un degré ahurissant si on le rapporte aux dimensions mondiales des deux Etats : la France, sur le ring, est une lilliputienne face au champion toutes catégories que sont les USA. La sidération qui a saisi le monde a quelque chose d'incompréhensible pour moi quand je pense à la différence de taille et de puissance. Ce qui me frappe, c'est la disproportion flagrante entre les deux pays, à laquelle s'oppose l'intensité à peu près comparable de l'émotion provoquée par les événements.

De toute évidence, la France a quelque chose de très spécial à dire à la face du monde, quelque chose qui dépasse de loin son importance dans le "concert des nations". Quand des habitants d'Oulan Bator, capitale de la Mongolie, allument des bougies pour dire "Je suis Charlie", j'en reste sur le cul ! Même stupeur au moment du Bataclan, cet attentat indiscriminé dont les victimes ne sont pas tuées à cause de ce qu'elles font ou de ce qu'elles sont (d'origine française, européenne ou arabe, tout le monde a pu constater que peu importait : c'était un attentat "en gros" et pas "en détail") : elles ont eu le tort de se distraire de façon "impure" (haram).

Ce qui m'a secoué en 2015, c'est la réaction du monde entier au malheur qui frappait la France. Le retentissement mondial des événements m'a appris que la France occupait dans le monde une place éminente, que je crois mal analysée. Quand on parle du rayonnement universel de la culture européenne, beaucoup se gaussent, et quelques-uns se dressent sur leurs ergots anticolonialistes. La vérité, c'est que l'Europe a dominé le monde, mais aussi façonné l'Amérique, qui a ensuite façonné le monde en le dominant de toute la hauteur de sa puissance économique. L'Europe est à l'origine de la civilisation actuelle du monde entier, l'Amérique en est l'excroissance marchande et fanatique (voir l'action de multiples sectes protestantes partout dans le monde). Cela explique que les événements qui se produisent en France résonnent à l'échelle planétaire. Et la place de la France dans cet ensemble est tout à fait particulière.

A suivre demain.

lundi, 04 mars 2019

PETIT MESSAGE AUX ANTISÉMITES

Moshe Leiser, chant et guitare ; Ami Flammer, violon ; Gérard Barreaux, accordéon (5'05"). Enregistré à l'Amphithéâtre de l'Opéra de Lyon en 1994.

C'est du yiddish. Quelques juifs émigrés en terre lointaine se souviennent de leur village natal. Nostalgie à l'état pur, grâce au timbre de la voix de Moshe Leiser. L'exilé irrémédiable. Quelle musique !

Belz est un "schtetel" (orthographe non garantie). La même mélodie saisissante a été chantée, en son temps, par Les Compagnons de la chanson, sous le titre Belle petite ville et dans une interprétation bien fade, si l'on compare (2'14"). Les paroles de Jean Broussolle, quel que soit leur mérite, ne sont pas à la hauteur, comme on peut le constater ci-dessous. Je regrette que le cri du cœur originel soit devenu une chansonnette inodore et incolore. 


Le schtetel Belz, aujourd'hui en Ukraine, se trouve tout proche de la frontière polonaise.

Et pour faire bonne mesure en matière de musique des juifs d'Europe (9'37") :


Cantor Shlomo (Shalom) Katz. Ecoutez bien cette voix incroyable, mais aussi ce qui se dit, un peu avant 2'50" (juste trois noms, mais qui disent tout). 

Je crois inutile d'assortir ces deux œuvres de commentaires.

vendredi, 18 janvier 2019

HOUELLEBECQ

Aujourd'hui, c'est un billet écrit en janvier 2015 que je sers une deuxième fois. Plusieurs scandales en un seul : les assassinats à Charlie Hebdo (Cabu, Wolinski, Maris, ...) le jour de la "une" avec Houellebecq au moment de la parution de Soumission, où l'auteur racontait l'arrivée tranquille, fluide, pacifique et finalement logique d'un musulman au pouvoir suprême en France. Et puis le cirque médiatique, l'étripage national autour de la présence de plus en plus pesante de l'islam en France, la honte supposée infligée à la France par un auteur qui cultive la provocation, l'intolérance, qui nuit au "vivre ensemble", qui refuse de "faire société", bref : tout le fumier sur lequel prospère la "gôche sociétale", qui n'est rien d'autre que la gauche ultralibérale.

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J’ai interrompu ma relecture de Moby Dick pour cause de Houellebecq. C'est qu'il y avait urgence. Soumission venait de paraître. Il fallait s’en occuper toutes affaires cessantes. Je l’ai acheté le mardi 6 janvier en fin d’après-midi. Vingt et un euros. 

 

Que dire ? D’abord l’impression générale qu’il me laisse. Une impression d’harmonie, aussi bizarre que ça puisse paraître. L’auteur serait peut-être surpris de l’assertion, à cause des désordres physiques, parfois peu ragoûtants, qui affectent François, protagoniste et narrateur. Mais aussi de la singulière disharmonie dont il souffre dans le domaine affectif. Disons amoureux. Précisons : sexuel (mais pas que).

 

En fait, ce que je trouve littérairement admirable, c’est que tout le récit semble couler de source. Si des événements se produisent, et même des ruptures (mort de la mère, mort du père, arrivée d’un musulman à l’Elysée), c’est sans heurt. Quand le personnage, voulant fuir loin de la capitale, arrive dans une station service de l’autoroute, le carnage a déjà eu lieu. Le point d'origine de la conception en assure la parfaite cohérence. Comme si, dans son regard, rien n’échappait au sentiment de l’évidence : ah, oui, c’est comme ça, donc ce n’est pas autrement. Ah bon, il y a une flaque de sang. Pour qu'un roman produise cet effet, il faut être passé maître dans l'art d'écrire. Il faut avoir tout prévu en amont. Houellebecq est un grand romancier. Soumission est une vraie prouesse littéraire.

 

Ainsi avance la narration, pas pressée, mais jamais s’attardant en route, dans le flux régulier d’un propos qui ne cesse d’avancer à son rythme tranquille. C’est un livre dont les rouages baignent dans l’huile. Le grand art de ce romancier, non, de cet auteur (de « auctor », celui qui augmente le monde, traduction libre), c’est de peindre l’accomplissement de l’islamisation de la France comme un avènement logique. Fluide comme le cours naturel des choses.

 

Si je peux me permettre ce rapprochement incongru, Houellebecq s'exprime sur le même ton qu'Albert Camus dans L'Etranger : le ton d'hébétude de quelqu'un qui regarde sa vie comme s'il n'y participait pas. Et puis comparez les deux chutes : Houellebecq, à mon avis, avec sa fin en forme de conversion à l'Islam parce que François y trouve son intérêt dans la promesse de chair fraîche, fait un anti-L'Etranger bien plus pertinent et fort que le bouquin de Kamel Daoud (Meursault, contre-enquête, Actes Sud, 2014), que je n'ai pas lu, mais que j'ai entendu causer dans le poste (France Culture pour être précis).

 

Le « sociologue » Eric Fassin peut bien tartiner ses fadaises idéologiques et ses analyses de coupeur de cheveux en vingt-trois (en appelant ça "appliquer la grille sociologique à la littérature"), venues du multiculturalisme, obligatoire pour tenir le crachoir dans l’émission de Tewfik Hakem « Un autre jour est possible », à 6h tous les matins sur France Culture. Il peut bien dénoncer l’idéologie régressive de Michel Houellebecq.

 

Les bactéries projetées par ses postillons haineux (eux-mêmes bourrés d'idéologie) sur les bonnettes des micros de la chaîne nationale ne pollueront pas mes oreilles au point de les empêcher de renvoyer cet histrion minable vers les ténèbres de la bêtise et de l’ignorance, les plus terribles, celles qui se donnent le masque de l’intelligence, des lumières, de la culture et de l’autorité.

 

Eric Fassin et ses semblables ne supportent pas que cet écrivain, le seul à ma connaissance à proposer un regard aussi aiguisé sur le monde actuel, le fasse avec un tel talent. Ni que ses livres, par le succès qu'ils connaissent, entrent à ce point en résonance avec les préoccupations des « vrais gens », celles dont Eric Fassin ne veut à aucun prix entendre parler, je veux parler des nouvelles figures du Mal. Contrairement à ce dont Eric Fassin rêve et à ce qu'il prétend, ce n'est pas Eric Fassin qui révèle le sens des choses. Pour une raison simple : soit il n'a rien compris à ce qui se passe, soit il ment. Peut-être les deux.

 

Car il faudrait que ça se sache : livre après livre, Michel Houellebecq apporte le témoignage, la certitude et la preuve que le monde actuel, dans ses composantes les plus terrifiantes à terme, porteur de destruction, part en morceaux, pulvérisant l'humanité en toute tranquillité, en toute bonne conscience. Son œil impitoyable est le seul réaliste. Il n’est pas pessimiste. Il regarde le monde comme il va. Comme il est en train de finir. Désenchanté serait plus exact. Désespéré peut-être. Nostalgique aussi d’une époque où le sens de la vie découlait de son mode d’être, et où celle-ci allait en quelque sorte de soi. A une époque maintenant révolue.

 

Dans la « vraie vie » selon Houellebecq, le relativisme et la neutralisation des valeurs reste une hérésie. C’est cela, je crois, que tous les penseurs de l’altruisme mondialisé, tous les batteurs d’estrades médiatiques et de coulpes-quand-ce-n'est-pas-la-leur, tous les descendants repentants, tous les porteurs de grands sentiments humanistes ne lui pardonneront jamais.

 

J’appelle la « science humaine » d’Eric Fassin une bouse de vache, quoique la bouse de vache offre une matière nettement plus utile (engrais, combustible, matériau de construction) que l'œuvre du faussaire Eric Fassin, cet idéologue charognard qui tente de s'engraisser sur ce qu'il regrette de n'être pas encore le cadavre de Michel Houellebecq. Et qui travaille d'arrache-pied pour que les foules restent soigneusement aveugles sur l'état catastrophique du monde et des sociétés qu' "on" est en train de nous fabriquer. 

 

Pauvre Christine Angot, vraiment, qui rejoint Le Clézio dans le camp des glapisseurs moralistes du consensus. Dans ce consensus-là, je vois une forme de déni de réalité, presque de négationnisme. Comme si tout ce petit monde bloquait à tout prix la soupape du couvercle de la cocotte-minute sur laquelle ils sont assis. Personne ne semble supporter que la littérature de Houellebec soit une littérature du dissensus, qui met le doigt là où la France a le plus mal.

 

Mais pauvres pommes, ai-je envie de rétorquer, avez-vous compris la fripouillerie ou l'inconscience de ceux qui prêchent le consensus et se cramponnent à ce qui reste des « valeurs » de la civilisation, en croisant les doigts dans l'espoir absurde que leurs objurgations et leurs supplications arrêteront le processus qui l'a mise en lambeaux ?

 

Et même si ça peut sembler outrancier, j’appelle Soumission de Michel Houellebecq un formidable roman de la grande littérature française. Balzacien pour la hauteur et la profondeur de vue, et la précision et la justesse de la peinture. La guerre qui se livre par ailleurs, ce n'est pas lui qui l'a voulue.

 

Oui : balzacien. A cet égard, dans le paysage français, Houellebecq est sans rival. Il est trop loin devant pour se faire rattraper.

 

Voilà ce que je dis, moi. 

samedi, 12 janvier 2019

KATHOLIKOS = UNIVERSEL

Je n'aime pas trop les regroupements de "sensibilités" qui se cachent sous les apparences les plus vertueuses, du genre de "La Parole Libérée" (quelle que soit par ailleurs la gravité des faits). De fait, on pourrait énumérer toutes sortes de paroles qui se sont "libérées" depuis quelque temps : "libération de la parole raciste", à je ne sais plus quelle occasion, peut-être le fameux "débat sur l'identité nationale" cher à Sarkozy ; "libération de la parole fasciste", sans doute dans les même eaux troubles ; "libération de la parole des femmes" avec le mouvement "mitou" (traduction française : "balance ton porc"). C'est devenu une mode : la libération de la parole a le vent en poupe. La libération de la parole est en tête de gondole. C'est un excellent produit, authentifié comme tel par le grand usage que les journalistes font de l'expression.

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Dans l'actualité, il s'agit des anciens petits garçons (je connais au moins une ancienne petite fille qui pourrait témoigner) qui ont eu à faire au père Preynat, un fameux lascar qui consacrait toute son âme au "spirituel" et tout son corps au "temporel", sans doute pour apporter la preuve de la dualité essentielle formée par le tandem bien connu. 

Beaucoup de ces gens, abusés dans leur enfance par des hommes en soutane un peu trop "temporels", font des procès pour faire reconnaître leurs droits légitimes en même temps que la légitimité de leurs droits. Je m'étonne un peu quand même du vacarme médiatique auquel a donné lieu le procès du curé Barbarin : le monsieur (Devaux ?) qui est à l'origine de l'affaire, s'il est bien intentionné (admettons), a visiblement l'oreille de quelques journalistes (et peut-être quelques autorités) bien placés. On se demande un peu par quelles connivences, tant il trouve de micros bienveillants pour faire valoir sa cause.

BARBARIN.jpg

En gros et en détail, je ne supporte pas tout ce qui s'érige en "communauté" (en l'occurrence : ohé ami, si un curé a été trop « gentil » avec toi autrefois, rejoins nos rangs) et qui travaille tout le corps social en direction d'un communautarisme de plus en plus exacerbé. C'est-à-dire qui fragmente le corps social en autant de groupes défendant des intérêts particuliers, au préjudice de ce qui s'appelle de moins en moins la Société. C'est-à-dire qui installe entre les gens des relations faites de susceptibilité réciproque, de vigilance sourcilleuse, et de récriminations vite judiciaires.

En attendant, je contemple avec une certaine satisfaction l'Eglise catholique qui, sous le coup de divers scandales intervenus dans divers pays chrétiens, a de plus en plus de mal à demeurer, côté curés, une agence de recrutement (et pourquoi pas de centre de formation ? Je pose la question) de pervers sexuels.

vendredi, 11 janvier 2019

OH LA BELLE ROUTE !

ISRAËL ROUTE 4370.jpg

Modèle d'entente fraternelle interethnique ou interreligieuse, voici la route (5 km) qui relie Jérusalem à la colonie israélienne de Geva Binyamin. Pour être sûr qu'aucun véhicule israélien ne risque de heurter de façon hostile une voiture palestinienne (et pour prévenir ainsi toute accusation de violence intentionnelle), on a construit non pas une route, mais deux (DEUX), avec au milieu un mur très mignon et sympathique de 8 mètres de haut, au motif  évident et purement mathématique que deux parallèles ne se rencontrent qu'à l'infini. 

Il faudrait être le dernier des soupçonneux pour jeter le plus petit doute sur la pureté des intentions des Israéliens, et insinuer que, derrière cette mesure emblématique des autorités en faveur de la sécurité routière, se dissimule un projet de « développement séparé des races », vous savez, ce concept que les blancs d'Afrique du sud avaient inauguré en 1948 (si je me souviens bien) sous le nom afrikaner d'APARTHEID.

vendredi, 14 décembre 2018

LE REVOLVER DE CHERIF CHEKATT

L'attentat de Strasbourg est une belle saloperie offerte par l'islamisme à la France, mais je me suis quand même demandé s'il fallait vraiment distinguer islam et islamisme : pour moi, il faut être aveugle pour ne pas voir que tous les islams – du plus pacifique au plus haineux – sont par nature dans l'islam, et sont donc inséparables les uns des autres : ici, le pluriel et le singulier se confondent, n'en déplaise aux tolérantistes.

Cherif Chekatt a été abattu (les flics ne sont pas des pipes en plâtre dans un stand de tir forain). On peut regretter qu'il ne soit plus en vie (bien "cuisiné", il aurait pu dire le pourquoi du comment). Mais ce qui est certain, c'est que, pour la revendication tardive de l'attentat par Daech, il y a du mou dans la corde à nœuds. Je ne suis pas dans le secret des dieux, mais quand j'écoute les informations, je ne les vois pas, mais je les entends.

Et à ce propos, j'ai entendu trois choses qui sont trois vraies informations : 1 - l'arme de Cherif Chekatt datait de 1892 ; 2 - elle est de calibre 8 mm. ; 3 - les victimes ont été atteintes pour l'essentiel par des "tirs à bout touchant". En croisant ces trois éléments, j'arrive à la conclusion (je ne suis pas un spécialiste, mais il m'est arrivé de réfléchir à la question) que l'arme utilisée par le "terroriste" est un vulgaire revolver d'ordonnance "modèle 1892" (toujours classé, si je me souviens bien, comme arme de guerre – avec quelque raison, comme on peut le voir dans le cas présent).

LE 1892 5.jpg

Car si cette arme n'est certes pas une "pétoire", elle y ressemble diablement aujourd'hui, vu ses performances balistiques (un journal parle de "puissance de tir", mais est-ce la même chose ?), d'une affligeante médiocrité, selon les spécialistes (surtout si le gars ne s'est pas entraîné suffisamment). La munition, en particulier, ne supporte pas la comparaison avec les cartouches 9 mm. du P08 Luger ou les 7,63 mm du C96 Mauser.

Je conclus de tout ça que, si Cherif Chekatt était un "soldat" de l'organisation terroriste Daech, ça voudrait dire que celle-ci n'a plus les moyens d'armer convenablement ses activistes. Je ne sais pas comment Cherif Chekatt a pu dégoter ce tromblon, mais visiblement, il la jouait "petit bras", et ses chances de survie étaient minces. Il a fait du dégât, c'est certain, et je pense aux victimes, mais après une attaque aussi rudimentaire et (apparemment) mal préparée, l'homme ordinaire peut se dire, peut-être, que le pire n'est pas forcément à venir. Et que, après tout, les services de l'Etat ne fonctionnent pas si mal.

Note ajoutée le 17 décembre : il semblerait que ce billet soit dans le vrai à 100%, si j'en crois les informations fournies par de grands organes de presse depuis l'événement. Les meilleurs connaisseurs de ces questions d'armurerie ne comprennent pas par quelle aberration ...

jeudi, 02 août 2018

MEMBRA JESU NOSTRI


Désolé, M. Gardiner (John Elliott pour les intimes), mais votre version de cette oeuvre deBUXTEHUDE GARDINER.jpg Dietrich Buxtehude m'ennuie terriblement : je la trouve cérébrale, compassée, triste et guindée, malgré le jugement GUIDE 1993.jpgdithyrambique du Guide de la musique ancienne et baroque (Robert Laffont, 1993). Je n'ai pas écouté la version que donne Ton Koopman, classée deuxième. Ma version à moi est celle de René Jacobs, relégué en troisième position par le commentateur. Son jugement péremptoire, qui considère l'approche de ce chef comme « vraiment piétiste », apparaît assez couillon et surtout très mal informé : il aurait dû consulter un dictionnaire.

BUXTEHUDE JACOBS.jpg

En effet, le Grand Robert définit le "piétiste" : « Membre d'une secte luthérienne (d'abord réunie en "collège de piété") fondée par le pasteur Spener (1635-1705), dont l'ouvrage Pia desideria insistait sur la nécessité de la piété personnelle et du sentiment religieux plus que sur la stricte orthodoxie doctrinale ». Je me suis demandé si le niaiseux (un certain Jean-Charles Hoffelé, il paraît que ce n'est pas n'importe qui dans le milieu) n'a pas, tout simplement, confondu "piétiste" et "sulpicien". 

Bon, il a dû se laisser impressionner par le propos liminaire d'un certain Roger Tellart, qui évoque « la ferveur et le dolorisme piétiste » de l'œuvre du maître de Lübeck. Quoi qu'il en soit, Jacobs enrobe l'œuvre de Dietrich Buxtehude dans l'atmosphère d'une telle sensualité que, pour un peu, ces sept lamentations donneraient envie de mourir à la façon du Christ, tant la mort y est présentée comme suave. Je ne savais pas que les luthériens de l'époque se laissaient guider par la sensualité, et je ne comprends pas de quel genre de "piété" il peut s'agir à l'écoute de cette version très charnelle. Bon, il est aussi possible que cette opinion vienne de ce que les subtilités des questions théologiques ne sont pas vraiment ma tasse de thé. Reste que la façon dont René Jacobs dirige son "Concerto vocale" (solistes et instrumentistes) me plonge d'un bout à l'autre dans un bain que je ne peux qualifier autrement que de sublime. Sublime à vous donner la chair de poule.

Il va de soi, j'espère, que toute idée de foi chrétienne est tout à fait étrangère aux menues considérations ci-dessus.

vendredi, 20 juillet 2018

RETOUR A LEMBERG 2/2

SANDS PHILIPPE RETOUR A LEMBERG.jpgPHILIPPE SANDS : RETOUR A LEMBERG;

(Editions Albin Michel, 2017)

Deuxième épisode : la trajectoire des individus.

Résumé : Philippe Sands, dans Retour à Lemberg, dresse l'historique de l'inscription dans le droit international de deux concepts désormais familiers : le "crime contre l'humanité" et le "génocide", qui servirent de base à l'accusation lors du procès de Nuremberg. Ce procès en quelque sorte fondateur, inaugure un nouveau modèle d'instance judiciaire internationale. C'est à Nuremberg que fut admis le principe qu'un Etat ne peut pas traiter n'importe comment ses citoyens : l'Etat reste souverain, mais il ne peut pas faire n'importe quoi. On voit tous les jours ce qu'il en est de la réalité de tels grands principes en suivant jour après jour ce qui se passe dans la Syrie de Bachar el Assad.

L'auteur montre d'ailleurs que ce problème s'est posé dès 1919 : on assiste en effet en Pologne à des massacres de juifs. Les vainqueurs tentèrent d'imposer au nouvel Etat polonais un traité l'obligeant à un minimum d'humanité dans le sort qu'il réservait à ses minorités, juives en particulier mais pas que. L'efficacité de ce traité fut éphémère, la Pologne considérant cette ingérence extérieure dans ses affaires comme une inadmissible mise sous tutelle, et affirmant sa pleine souveraineté sur toute l'étendue de son territoire et sur les gens qui l'habitaient.   

Face à ces considérations à caractère juridique qui occupent plutôt la deuxième moitié du livre, Philippe Sands se livre pour commencer à une enquête quasi-policière pour comprendre quelles furent les trajectoires d'un certain nombre d'individus, ce qui l'amène à parcourir un certain nombre de pays. Il tient à voir les lieux de ses yeux, à rencontrer les acteurs encore vivants (voir par exemple le chapitre "La fille qui avait choisi de ne pas se souvenir"), à s'imprégner dans la mesure du possible des conditions qui leur furent faites en leur temps. Il s'efforce aussi de recueillir les témoignages de leurs enfants (Eli Lauterpacht, Niklas Frank, Horst von Wächter).

Il est lancé sur la piste de plusieurs personnes : outre les deux juristes que sont Lauterpacht et Lemkin (à chacun desquels ils consacre un chapitre copieux, voir hier), il s'attache à retracer d'abord la trajectoire exacte suivie par son grand-père, Leon Buchholz, depuis sa Galicie natale jusqu'à Paris, en passant par Vienne, au moment même de la montée du nazisme et de l'annexion de l'Autriche (Anschluss). 

Une question, en particulier, préoccupe Philippe Sands : comment se fait-il que ce grand-père, quand il a quitté Vienne (l'Autriche étant sous régime nazi) pour Paris en janvier 1939, n'ait pas emmené avec lui sa femme Rita et sa fille Ruth (la propre mère de l'auteur) ? Plus tard, en juillet de la même année, la petite fille le rejoint, accompagnée par celle qui sera présentée comme étant "Miss Tilney de Norwich". Pourquoi la mère n'est-elle pas montée dans le train ? Elle est juive, et elle sait ce qu'elle risque en tant que telle dans un pays largement "nazifié". Pourtant, ce n'est qu'en 1942 qu'elle rejoint sa petite famille à Paris.

Est-elle restée pour veiller sur sa mère ? Peut-être. L'hypothèse de l'auteur est liée à "l'homme au nœud papillon", auquel il consacre un chapitre. Une photo (p.256) montre celui-ci en "lederhosen" (la typique culotte de cuir tyrolienne) et grandes chaussettes blanches, signe, selon Sands, d'une adhésion au nazisme. Cette hypothèse oblige à faire de cet homme (que de patientes recherches permettront d'identifier comme étant Emil Lindenfeld) l'amant de Rita, grâce auquel celle-ci, se sentant protégée, peut résider sans crainte à Vienne, jusqu'à son départ pour Paris, trois ans après. Après tout, elle est mère. Les disputes entre Leon et Rita sont-elles dues aux infidélités de cette dernière ? Voilà pour l'histoire familiale (très simplifiée).

Quant à "Miss Tilney de Norwich", le détective Philippe Sands parviendra après de longs efforts à reconstituer le parcours de cette femme, morte en 1974, reconnue plus tard « juste parmi les nations ». Ce n’est pas simple, parce que la dame a beaucoup voyagé, de l’Angleterre à l’Afrique du sud et de la France à l’Autriche, avant de prendre sa retraite quelque part en Floride. C’est logique, puisqu’elle se considère comme une « missionnaire », dont l’unique but dans l’existence est de « sauver les juifs » pour accomplir le message du Christ. Elle est chrétienne jusqu’au fond de l’âme. Son rôle dans l'histoire de la famille est central, tout en restant farouchement anonyme. Il y a là de l'héroïsme.

Une autre question mobilise l’attention de l’auteur : pourquoi les parents de Lauterpacht n’ont-ils pas rejoints leur fils à Londres ? Quoi qu’il en soit, le sort de ceux qui sont restés en Galicie ne fera aucun doute : ils ont disparu quelque part entre Belzec, Majdanek et Treblinka, à moins qu’ils n’aient été massacrés dans la ville même qu’ils habitaient ("die grosse Aktion"). Quant à Leon, Philippe Sands le verra toujours taciturne et muet : il ne dira jamais un mot des soixante-dix parents plus ou moins directs qui ont disparu dans le génocide.

Le cas de Hans Frank comporte son lot d’étrangetés : tout au long de son gouvernorat de la Pologne, il a rédigé très méthodiquement, jour après jour, un « Journal » où il note les événements, les décisions et les actions de l’armée allemande qu’il a sous ses ordres. Et ce qui est incroyable, c’est que, quand il a vu la défaite arriver, il s’est simplement replié chez lui en Allemagne, en emportant les milliers de pages de ce « Journal », et que le lieutenant Walter Stein de la VII° armée américaine venu l’arrêter n’a eu qu’à placer les volumes sur le siège avant de la Jeep. Frank livrait ainsi aux procureurs du futur tribunal tous les motifs possibles de le condamner à être pendu. Autre curiosité : Hans Frank, en prison, s’est converti au catholicisme et a, malgré des biais et des rétractations, admis une part de responsabilité dans la « destruction des juifs d’Europe », s’attirant le mépris de Göring.

Le hasard de l'histoire fait que le petit-fils de Leon Buchholz, au cours de ses études de droit, aura pour professeur Eli Lauterpacht (né en 1939), le propre fils de Hersch, l'inventeur du "crime contre l'humanité". Eli a de vagues souvenirs de ses grands-parents, venus rendre visite à Londres en 1935, « lorsque son père "les supplia de rester"». En vain. On ne les reverra jamais. En 1937, Hersch Lauterpacht est « élu à la prestigieuse chaire de droit international de Cambridge » (p.128). L'auteur se demande brièvement quel était l'état des relations entre le fils et ses parents. Peut-être distantes. En tout cas Eli ne l'a jamais entendu s'exprimer au sujet de sa famille restée au pays. On préfère ne pas imaginer qu'il a préféré privilégier sa carrière, au détriment de sa famille, mais le soupçon n'est pas tu.

Philippe Sands tient aussi à rencontrer le fils de Hans Frank (né en 1939 lui aussi), le bourreau de la Pologne, pendu à Nuremberg. On peut dire que Niklas Frank ne pardonne rien à son père. Il est journaliste au Stern. Il a publié Der Vater [le père], où il règle ses comptes et dont une très insatisfaisante traduction abrégée a été publiée sous le titre In the Shadow of the Reich. Sands en fait un portrait sympathique : « c'était un homme généreux, doté d'un solide sens de l'humour, et qui n'avait pas sa langue dans sa poche » (p.279). En réalité, il était sans doute le fils de Karl Lasch, ami de son père, gouverneur de Galicie et amant de sa mère, qui sera tué ou se donnera la mort. De toute façon, la personnalité de Hans Frank ne sort pas grandie du livre de l'auteur : peut-être était-il un homosexuel refoulé. Il avait en tout cas une crainte souveraine de Brigitte, son épouse, et apparaît comme un homme plein de contradictions et de faiblesses.

Horst von Wächter, le fils d'Otto, le gouverneur du district de Galicie après Karl Lasch et le subordonné de Frank, n'a toujours pas honte de son père quand Philippe Sands le rencontre dans son « imposant château du XVII° siècle situé à une heure environ au nord de Vienne » (p.297). Il est même très fier de lui montrer la bibliothèque qu'il a héritée de lui, et qui n'est rien d'autre que « le "département national-socialiste" de l'histoire familiale » (ibid.). L'auteur ouvre au hasard un ouvrage dédicacé au père par Himmler en personne. L'étonnant est que le fils du nazi ne rougit pas de honte, bien au contraire, en montrant ses "trésors", et qu'il ne cache pas son plaisir lorsque Sands déniche un exemplaire de Mein Kampf : « Je ne savais pas qu'il était ici » (ibid.). Horst voudrait "réhabiliter" son père : « Mon père était un homme bon, un libéral qui a fait de son mieux » (p.300). De quoi tomber de sa chaise. 

Voilà pour le volet "histoires individuelles" de Retour à Lemberg, ce livre remarquable.

En conclusion, qu'il s'agisse du versant juridique ou du versant narratif, l'ensemble fait de Retour à Lemberg un impressionnant livre d’histoire, qui fourmille de détails qu'il est impossible de rapporter, et où rien, au long des 450 pages, n’est inutile : Philippe Sands ne bavarde pas, il est lui aussi un juriste international, et en tant que tel, il sait que l’essentiel se suffit à lui-même. Ce qui m’impressionne en particulier, c’est l’art avec lequel il tient constamment – sans pathos, il faut le souligner – deux fils narratifs :  celui des trajectoires individuelles des fourmis humaines aux prises avec les circonstances et celui du chaudron du diable qu'est la grande et terrible Histoire du XX° siècle.

Voilà ce que je dis, moi.

Ajouté le 24 juillet : je ne voulais pas entrer dans certains détails figurant dans le livre de Philippe Sands, et puis je me dis qu'il n'y a pas de raison de ne pas montrer bien concrètement les raisons bien concrètes pour lesquelles on a pourchassé les nazis après la guerre. Car si l'auteur ne cite pas tous les témoins intervenus au tribunal de Nuremberg, il rapporte au moins le témoignage de Samuel Rajzman, qui vaut pour tous les autres. En voici une partie : « Rajzman poursuivit d'une voix monocorde. Une femme âgée avait été amenée au "Lazarett", avec sa fille enceinte dont le travail avait commencé ; on avait couché la fille sur l'herbe. Les gardes l'avaient regardée pendant qu'elle accouchait. Mentz avait demandé à la grand-mère qui elle préférait que l'on tue d'abord. La vieille femme avait supplié d'être la première.

                 "Ils ont bien sûr fait le contraire", dit Rajzman à la salle, parlant très doucement. "Le nouveau-né fut tué en premier, puis la mère de l'enfant, enfin la grand-mère" ».

Pas de commentaire.

jeudi, 19 juillet 2018

RETOUR A LEMBERG 1/2

SANDS PHILIPPE RETOUR A LEMBERG.jpgPHILIPPE SANDS : RETOUR A LEMBERG;

1 (Editions Albin Michel, 2017)

Voilà un livre remarquable en tout point. Si j’ai lu un nombre certain d’ouvrages traitant de la deuxième guerre mondiale et du programme d’extermination des juifs, des tziganes, des Polonais et des Slovènes (et autres) élaboré par Hitler et ses sbires, je n’avais jamais lu ce qu’un juif d’aujourd’hui, juriste de son état, pouvait avoir à dire d’un grand-père qui avait échappé à la mort et de la laborieuse mise en place du tribunal de Nuremberg : le rapport n'est pas évident. L’incroyable de ce livre, c’est qu’il marie parfaitement la reconstitution patiente du destin de plusieurs individus nettement  identifiés, et l'implacable « Solution finale » : l’extermination des juifs d’Europe en tant que groupe (mais avec les tziganes, ils n’étaient pas les seuls au programme d’Hitler : la défaite ne lui a pas laissé le temps).

Philippe Sands conçoit son livre en ouvrier tisseur impeccable : il ne lâche jamais le fil des destins individuels, tout en ourdissant la trame méticuleuse d’un destin collectif. La question centrale qu’il pose est de savoir s’il faut (s'il fallait), à Nuremberg, juger les crimes nazis au nom des droits inaliénables des individus ou de la défense de groupes nationaux (Slovènes, Polonais, …), ethniques ou religieux (juifs, tziganes, …).

Autrement dit, ce qui prime, est-ce le droit des individus ou le droit des groupes ? Question qui n'a l'air de rien a priori, mais une question ardue. Pour y répondre, il s’appuie, en juriste consommé, sur le conflit entre deux concepts juridiques entièrement nouveaux proposés par deux brillants juristes juifs dont les familles ont à peu près entièrement disparu – Hersch Lauterpacht et Raphael Lemkin –, même s’ils ignorent encore tout de la terrible réalité au moment de leur travail.

Lauterpacht proposait l’inscription du « crime contre l’humanité » dans le droit international, alors que pour Lemkin, le terme de « génocide » devrait s’imposer en priorité. Le premier considère que la fin ultime du droit est l'individu, alors que le second se donne pour objectif la défense des groupes, c'est-à-dire des individus en tant qu'ils appartiennent à une entité collective (ethnique, religieuse, ...). Les deux hommes sont originaires d’un territoire, la Galicie, tour à tour polonais ou ukrainien et placé sous l’autorité successive de la Pologne, de l’Allemagne et de l’Union Soviétique, avec des allers-retours. Le livre oscille avec obstination entre Žołkiew et Lemberg (alias Lwów, alias Lviv, suivant les annexions successives).

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Philippe Sands relate en détail la longue et laborieuse trajectoire des deux concepts, depuis les deux cerveaux qui en ont eu l’idée jusqu’à leur gravure dans le marbre du nouveau droit international : vu les horreurs absolument inouïes que l’on découvre à la Libération – dans les usines à tuer imaginées par les nazis, mais pas seulement – il est nécessaire d’enrichir la panoplie des armes juridiques à même de les prévenir ou de les châtier.

A cet égard, Hersch Lauterpacht a plus de chance que Raphael Lemkin : le concept de « crime contre l’humanité » fait quasiment l’unanimité au sein de la communauté des juristes impliqués dans le futur procès. Il faut dire que son auteur a l'opportunité, avant même la fin de la guerre, de capter l'attention d’un haut responsable américain du futur tribunal, alors que Lemkin, de son côté, indispose ses interlocuteurs par son caractère passionné, jugé incompatible avec l’impassibilité supposée du juriste. D’autant que le concept de génocide gêne un certain nombre de gens, à commencer par les Américains, qui craignent un jour d’en être la cible, à cause du sort qu'ils ont réservés à toutes les ethnies amérindiennes lors de la "conquête de l'ouest", les survivants étant condamnés à vivre parqués dans des réserves.

Mais si Lauterpacht a fait entrer comme dans du beurre le « crime contre l’humanité » dans le droit international, Lemkin a dû batailler jusqu’à la fin pour qu’il en soit de même pour le « génocide ». Beaucoup, au sein du consortium de juristes internationaux, jugeaient le concept indésirable, et l'homme déséquilibré, caractériel.

Le mot a cependant fini par s’imposer (de justesse), mais par malheur avec un effet pervers que Philippe Sands souligne : « … élevant la protection des groupes au-dessus de celle des individus. La puissance du terme forgé par Lemkin l’explique peut-être, mais, comme l’avait craint Lauterpacht, sa réception a entraîné une bataille entre victimes, une concurrence, où le crime contre l’humanité a été perçu comme le moindre des deux maux » (p.445).

On n’a pas fini de mesurer les effets indésirables entraînés par cette concurrence victimaire, qui interdit en principe d’établir une hiérarchie des malheurs collectifs, donc qui ouvre la porte, sans distinction de gravité, à toutes sortes de victimisations extensives, voire abusives. Je suis effaré, par exemple, du nombre des gens qui se sont portés parties civiles au procès d'Abdelkader Merah (plus de 200, selon son défenseur Me Dupond-Moretti). Que dire des parties civiles du futur procès de Salah Abdeslam (environ 2000 pour l'instant) ? Je ne savais pas que les attentats de novembre 2015 avaient fait tant de victimes collatérales. Après tout, moi aussi, comme la France entière, j'ai reçu en plein cœur la tragédie du Bataclan. On pourrait se demander si la motivation de certains n'est pas, tout simplement, l'espoir d'un dédommagement bien concret. J'ai peut-être tort, mais je n'aime vraiment pas cette prolifération vertigineuse des victimes, avec en perspective le fonds d'indemnisation.

L'effet pervers souligné par Philippe Sands agit comme une bombe à retardement : « C'est un défi sérieux pour notre système de droit international confronté à une tension tangible : d'une part, les gens se font tuer parce qu'ils appartiennent à un groupe ; d'autre part, en insistant sur le sentiment d'identité collective, la reconnaissance de cette appartenance par le droit rend le conflit entre groupes plus probable. Leopold Kohr ["un individu remarquable", p. 235] avait peut-être raison de noter, dans la lettre personnelle et puissante qu'il avait adressée à son ami Lemkin, que le génocide finirait par susciter les situations mêmes qu'il cherchait à corriger » (p.446). 

Je ne suis pas juriste : je n'ai pas compris la raison pour laquelle le tribunal de Nuremberg s'est déclaré incompétent en ce qui concerne les atrocités commises par les nazis avant l'ouverture officielle des hostilités (juste à cause d'une virgule dans le texte, d'après l'auteur). De toute façon, je n'ai jamais éprouvé d'attirance pour le droit : je crois que la réalité de la vie déborde constamment le droit. On peut s'en féliciter (qui peut avoir pour but de vivre en restreignant son existence à l'observance scrupuleuse de tous les articles d'un code ?). On peut aussi le regretter (combien de crimes – personnels ou internationaux – restent impunis ?). Il reste que le droit est, selon moi, une construction plus ou moins abstraite dont la validité et la légitimité dépendent du bon vouloir des vivants. Et on ne peut pas dire que les vivants d'aujourd'hui (je parle surtout des hauts dirigeants) en aient beaucoup, de bon vouloir.

Philippe Sands dresse d'ailleurs une liste de procès intentés à de grands criminels par la CPI depuis sa formation en 1998 (Rwanda, Pinochet, Milosevic, Omar al Bashir, Charles Taylor, et sans doute quelques autres : l'auteur ne cite pas Pol Pot, c'était avant). Il le dit : « Les procès se succèdent, comme les crimes eux-mêmes. Aujourd'hui, je travaille sur des cas impliquant le génocide ou les crimes contre l'humanité en Serbie, en Croatie, en Libye, aux Etats-Unis, au Rwanda, en Argentine, au Chili, en Israël et en Palestine, en Grande-Bretagne, en Arabie Saoudite et au Yémen, en Iran, en Irak et en Syrie » (p.444). Il en oublie probablement (rien sur la Chine de Xi Jin Ping ? Rien sur les Philippines du président Duterte ?).

Le seul fait qu'une telle liste puisse être dressée est décourageant, car elle éclaire l'impuissance du droit à prévenir et empêcher les grands crimes. Si le droit se réduit à courir après les coupables pour les châtier une fois les crimes commis, je me dis, à tort ou à raison, que le Mal n'a pas grand-chose à craindre du Code Pénal des démocraties, et que c'est vain et désespérant : il a fallu quelques mois pour que disparaissent des centaines de milliers de Rwandais (surtout Tutsis, mais aussi Hutus). Et combien d'années pour traîner quelques responsables devant le tribunal ? 

Faire justice après coup est indispensable, évidemment, mais je crois que l'humanité serait plus efficace et mieux inspirée dans la lutte contre le Mal en agissant effectivement (et en amont) contre les inégalités et les injustices : faire en sorte que chaque être humain puisse se trouver justement rétribué pour ses efforts, je veux dire tarir la source des tensions (économiques, sociales, ethniques, etc.), est la meilleure façon de prévenir les aigreurs et les haines. Mais là, tout le monde va dire que je suis un doux rêveur. Parti comme c'est, le dernier génocide et le dernier crime contre l'humanité ne sont pas pour demain, et l'on n'en a pas fini avec ce genre de procès. Mais bon, ça donne un gagne-pain de longue durée – et une raison de vivre – aux juristes spécialisés. Il faut voir le bon côté des choses, non ?

Voilà ce que je dis, moi.

vendredi, 06 juillet 2018

MORT DE CLAUDE LANZMANN

Eh bien voilà, Claude Lanzmann est mort aussi. Comme pas mal de gens, je suppose qu'il était mortel. Les "nécros" devaient être prêtes depuis belle lurette : le journal Le Monde a, crois-je savoir, une réserve de 300 "nécros". Celle de Claude Lanzmann devait figurer en bonne place, sous réserve de quelques ajouts circonstanciels de dernière minute. Je n'ai rien à dire contre Claude Lanzmann : je reconnais en lui une espèce de surhomme de l'action et de la décision, qu'il s'agisse de la Résistance ou de la capacité à sortir frais comme l’œil d'un petit tour en F16 israélien quand il avait soixante ans.

Ce qui m'interpelle, à cette occasion, c'est le Niagara d'hommages qui se sont précipités sur son cadavre à l'annonce de sa mort. Des hommages évidemment venus de la communauté juive et de tous ceux qui, légitimement, saluent son travail autour de la destruction des juifs d'Europe (c'est le titre du livre fondateur de Raoul Hilberg) par le régime nazi. Plus curieusement, des hommages venus de la mouvance féministe : France Culture a rediffusé, jeudi 5 juillet 2018, une interview de Lanzmann par Laure Adler, ancienne guerrière du MLF, en pâmoison devant le héros.

On me dira que ça n'a rien à voir, parce que là, on parle des juifs et pas des rapports entre les hommes et les femmes. Je me permets quand même de remarquer que Laure Adler, interviewée en tant que membre éminent de la mouvance féministe à 12h, dans une émission consacrée au saint-simonisme et à son féminisme supposé, interroge à son tour Claude Lanzmann, en fin d'après-midi, au sujet de la shoah, toujours sur France Culture.

Et je me permets de faire remarquer que Claude Lanzmann, à l'égard des femmes, s'est très tôt comporté comme un grand séducteur (pour ne pas dire un grand dragueur : cf. son idylle avec une infirmière quand il était en Corée du Nord, qu'il raconte dans Le Lièvre de Patagonie !). Un bel exemple de "mâle dominant". Fut-il un prédateur, comme on appelle ceux qui ? « Les filles, les filles, les filles, les filles, ça me tuera, Ça me tuera si j'en manque un jour », chante Pierre Perret en 1994. Dans la vie de combien de femmes pourrait-on engager des "recherches en paternité" après le passage de Claude Lanzmann dans leur vie ? La suite ne m'appartient pas : je me contente de poser la question et de rester interloqué par l'unanimité des hommages, y compris paradoxaux. L'hommage d'une féministe à un "homme à femmes" laisse perplexe.

L'autre perplexité vient de l'autre unanimité, qui fait de Claude Lanzmann l'inventeur du mot "Shoah". Je me suis permis d'en douter le jour où je suis tombé sur ce passage du "Journal intime" de Philippe Muray : « Pour désigner les chambres à gaz et les six millions de morts de l'antisémitisme du XX°siècle, les juifs contemporains refusent le mot "holocauste et proposent le terme hébreu "choa", qui veut dire "catastrophe" » (Journal intime, tome I, p.255, 3 décembre 1981). Il va de soi que je ne parle pas ici du film Shoah en lui même, monumentale cathédrale bâtie à la mémoire de "la destruction des juifs d'Europe". Je parle exclusivement de la paternité du mot qui sert de titre au film.

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Claude Lanzmann raconte à la fin du Lièvre de Patagonie (pp. 525-526) comment et pourquoi il a, dit-il, choisi ce mot de la langue hébraïque : « Le terme apparaît dans la Bible à plusieurs reprises. Il signifie "catastrophe", "destruction", "anéantissement", il peut s'agir d'un déluge, d'un tremblement de terre, d'un ouragan. Des rabbins ont arbitrairement décrété après la guerre qu'il désignerait "la Chose". Pour moi, "Shoah" était un signifiant sans signifié, une profération brève, opaque, un mot impénétrable, infracassable. Quand Georges Cravenne, qui avait pris sur lui l'organisation de la première du film, voulant faire imprimer les bristols d'invitation, me demanda quel était son titre, je répondis : "Shoah". - Qu'est-ce que cela veut dire ? - Je ne sais pas, cela veut dire "Shoah". - Mais il faut traduire, personne ne comprendra. - C'est précisément ce que je veux, que personne ne comprenne ». On me dira ce qu'on voudra, cette intention est proprement géniale. Reste le problème de la paternité : comment se fait-il que personne ne fasse référence à l'acception prise par le mot Shoah parmi les juifs à l'époque ?

Philippe Muray écrit ses propos quatre ans avant la sortie du film de Lanzmann. Bon, c'est vrai qu'il ne dit pas où ni comment il a trouvé l'info. Mais l'unanimité actuelle sur le génie de Lanzmann pour l'invention du mot "shoah" me semble pour le moins douteuse. Pourtant, Claude Lanzmann, dans Le Lièvre de Patagonie, s'attribue le mérite d'avoir imposé au monde le mot, désormais universel. Et à aucun moment il ne fait allusion à l'acception courante prise par le mot au sein de la communauté juive de l'époque.

Remarquez que c'est le même homme qui portait ce jugement péremptoire sur l'épouvantable vingtième siècle : « un siècle héroïque », en homme qui analyse les choses de son seul et unique point de vue. Il est légitime qu'il considère comme héroïques ses propres actions dans un certain nombre de circonstances, mais qu'il traite d'héroïque l'ensemble du siècle qui a vu le génocide des chrétiens de Turquie, plusieurs régimes totalitaires, les abattoirs industriels pour des populations humaines entières, la bombe atomique et quelques autres catastrophes, je ne vois pas ce qu'il y a d'héroïque dans le tableau. L'action héroïque d'un certain nombre d'individus – que je salue – ne saurait occulter l'horreur produite par ces systèmes entiers.

Alors, un mythe ?

mardi, 15 mai 2018

ISRAÉLIENS-PALESTINIENS

La guerre n'est pas près de finir en Palestine. Les ennemis s'entendent à merveille pour continuer à faire couler le sang. D'un côté, un Netahnyaou aux prises avec la justice et dirigeant, avec une extraordinaire habileté, un gouvernement d'extrême-droite qui ne tient que parce qu'il continue à faire monter la pression colonisatrice en Cisjordanie occupée ; de l'autre, d'une part un Mahmoud Abbas et un gouvernement OLP réduits au silence parce qu'ils sont  corrompus jusqu'au trognon, d'autre part un Hamas dirigé par des gens presque aussi corrompus, qui veulent rester les seuls à exercer le pouvoir là où ils sont.

Ce qui est nouveau malgré tout, c'est que l'Israélien fait tirer avec des armes de guerre sur des gens armés de pierres (non, hélas, ce n'est pas nouveau), pendant que le chef palestinien du Hamas enflamme la jeunesse du territoire de Gaza et l'envoie sciemment à la mort. Je suggère au chef palestinien de se placer très ostensiblement en tête du cortège qu'il appelle à marcher vers la frontière. 

Tous ces gens qui détiennent le pouvoir au Proche-Orient, ne tiennent en aucune manière à ce que la situation évolue, se disant que le premier qui fait un pas vers l'autre a perdu la partie. "Mieux vaut mourir", se dit la jeunesse palestinienne (qu'est-ce que vous voulez répondre à un désespéré ?). "Mieux vaut qu'ils meurent", se dit l'homme pieux aux papillotes, persuadé que le sol qu'il foule de ses pieds s'appelle de toute éternité « Terre Promise » et que c'est à lui seul qu'il appartient (qu'est-ce que vous voulez répondre de pertinent à quelqu'un qui est convaincu de ça ?). 

Une terre sans horizon, avec dessus deux peuples pétrifiés dans le granit de la haine, de l'injustice et de la violence. 

 

dimanche, 13 mai 2018

MERCI JEAN-SÉBASTIEN

Quand on sort d'un endroit pas drôle, après y avoir vécu des moments vraiment pas drôles, on est tout étonné, après une diète absolue et complète sur toutes les habitudes quotidiennes, à commencer par l'écoute de la musique, de retrouver les bases de ce qui fait l'équilibre de l'existence (la mienne en l'occurrence).

Attablé sans trop d'envie devant un repas pourtant très mangeable, soudain, qu'est-ce que j'entends pas, tout par un coup, dans les oreilles, qui arrête ma fourchette languide et déprimée ? Je vous le donne en mille : le pilier qui fait le socle de tous les piliers, notre éternité à nous, Européens.

J'ai nommé JEAN-SÉBASTIEN BACH. 

Quand j'ai entendu, sortant de la radio, un extrait de la cantate 244a, par l'ensemble Pygmalion dirigé par Raphaël Pichon, je me suis cru transporté en un instant au-dessus de toutes les bassesses, au-dessus de moi-même. J'ai retrouvé alors, en un instant, l'amour de la vie terrestre.


Attention, ce n'est pas un extrait : il y a presque une heure et quart. Une interrogation quand même, à propos de l'image proposée sur Youtube : que vient faire ici le tableau de David, "La Mort de Marat" ? Mystère.

Qu'on ne s'y méprenne pas : cette enflure verbale un peu pataude ou balourde n'est que le pâle reflet de l'énorme joie qui s'est alors emparée de moi. Ce qui s'est passé alors ? Cela peut paraître idiot, vulgaire et indigne d'attention : j'ai ri. Mais ri comme cela m'est rarement arrivé, longuement, sans pouvoir m'arrêter, comme un bienheureux, j'ai ri de bonheur. Stupéfait de la retrouvaille.

Alors j'ai pu finir mon assiette.

Merci, Jean-Sébastien Bach : tu m'as rendu l'appétit !

mardi, 24 avril 2018

ISLAM DE FRANCE ET ANTISEMITISME

Il y a beaucoup de gens que je n'aime pas du tout, dans la liste hétéroclite et copieuse (un vrai "inventaire à la Prévert", y compris le raton-laveur) des signataires du "Manifeste des 300" sur le "Nouvel antisémitisme". Mais sur le fond, le salopard auteur du texte (je me refuse à citer son nom) et tous ceux qui y ont apposé leur signature ont raison, je suis contraint de le reconnaître : la France est redevenue une terre d'antisémitisme depuis que le nouvel islam conquérant a fait reconnaître ses droits "religieux" par ce qui n'est plus une "République laïque". Je plains terriblement les pauvres Tarek Oubrou (imam de la mosquée de Bordeaux), Dalil Boubakeur (mosquée de Paris) et autres dignitaires sûrement respectables et bien intentionnés (je dis ça, mais je n'ai pas la preuve) de se sentir obligés de monter au créneau, parce qu'ils ne veulent pas d'une "stigmatisation" de l'ensemble de la communauté musulmane. 

Je comprends leur visée diplomatique : ils ne veulent se mettre personne à dos. Mais leurs dénégations pleines de craintes diverses pour l'avenir (qui pourraient, à la limite, être interprétées comme des menaces, voire un chantage) ne doivent pas occulter la réalité actuelle de l'islam de France : si l'on peut parler aujourd'hui du retour d'un antisémitisme de masse, nous le devons exclusivement à l'incroyable espace que s'est ouvert l'islam sur le territoire français. Nous le devons à l'empiétement progressif et méthodique d'un islam rigoriste et rétrograde sur l'ensemble des libertés dont nous jouissons encore aujourd'hui en France, et dont la moindre n'est pas celle de ne croire en aucun dieu (l'islam interdit au croyant de ne plus croire – crime d'apostasie – et le droit de ne croire en rien est, pour les musulmans, un acte d'impiété, un blasphème, un outrage à dieu, un sacrilège digne des pires supplices). 

S'il reste des antisémites de France en France, c'est à l'état groupusculaire et résiduel qu'ils survivent tant bien que mal, quelque part dans les extrêmes-droites (avec des allumés d'extrême-gauche rouge-brun ou islamo-gauchistes qu'on se demande comment ils ont atterri là). Il n'y a pas de nouvel antisémitisme chez les Français d'extraction européenne. Il n'y a pas de problème de laïcité en France. Il n'y a que trois problèmes : l'islam, l'islam et l'islam.

Parce que, derrière tous les musulmans bien intentionnés qui ne demandent qu'à s'intégrer, il n'est pas difficile, pour qui sait écouter et regarder, de discerner, dans le brouillard artificiel qu'ils s'efforcent de répandre autour de leurs agissements, le militantisme et l'activisme de tout un tas de gens aussi discrets qu'ils se veulent efficaces (et qui se tirent la bourre, entre salafistes, wahabites, frères musulmans, adeptes du tabligh, sectes diverses, etc., etc.) auprès des populations venues du Maghreb, d'ailleurs et même de France.

Ces gens travaillent. Et leur grande force (j'allais dire leur supériorité), c'est qu'ils ont l'éternité devant eux. Pensez, par comparaison, à l'inimaginable volontarisme actif (et sacrificiel) des premiers évangélistes chrétiens qui ont répandu le catholicisme en Europe du deuxième siècle de notre ère à Charlemagne (pour aller vite), pour faire de notre continent la patrie d'une civilisation qu'on est bien obligé de reconnaître supérieure à tout ce qui s'est fait auparavant et partout ailleurs en matière de civilisation (puisqu'elle a fini par englober toutes les autres : appelons-la la civilisation du rayonnement intellectuel, de la technique régnante et de la marchandise).

Marcel Gauchet le redit dans Le Désenchantement du monde : « Le christianisme est la religion de la sortie de la religion ». C'est peut-être en cela que la civilisation européenne a fini par dominer le monde (abâtardie, hélas, par la prise de pouvoir de l'Amérique sur l'ensemble du monde, y compris sur la "vieille Europe", engluée dans les "valeurs" et la "morale"). Je crois en la supériorité de la civilisation européenne sur toutes les autres formes de civilisation.

Entre autres signes de la supériorité de la civilisation occidentale (je n'ai pas dit "américaine", je devrais peut-être dire "européenne"), j'en vois une preuve dans le fait que le rôle de la basse dans la Neuvième de Beethoven est tenu par un certain Kwangchul Youn, dans le concert retransmis sur France Musique le jeudi 26 avril 2018. J'en avais vu une autre dans le fait qu'un Japonais avait consacré dix ans de sa vie à copier méticuleusement la Crucifixion de Grünewald au musée Unterlinden de Colmar. Si ça ne s'appelle pas du rayonnement universel, j'aimerais qu'on me dise ce que c'est.

Les responsables politiques français sont trop lâches : à les entendre, notre civilisation est sur la défensive et n'a plus rien à apporter au monde, sinon une immense repentance et une éternelle culpabilité pour le mal qu'elle a fait au monde en même temps que tout le bien qu'elle lui a apporté. Bien et mal sont rigoureusement inséparables dès le moment qu'une culture devient dominante pour imposer son style et tout son bagage à toutes les autres. Je ne reconnais presque plus rien de la civilisation européenne dans ce que l'américanisation frénétique de nos objets et de nos esprits en a fait.

Au sujet de l'islam, les responsables politiques français sont trop lâches pour dire la vérité à ce sujet et affronter de face la réalité du problème de l'offensive en cours – car c'est d'une offensive qu'il s'agit –, qui prend, tour à tour et selon les circonstances, le visage aimable du musulman bien intégré (par exemple CFCM, pourquoi pas ?) et le masque hideux du fanatique prêt au djihad et au sacrifice de sa vie (pourvu que ce soit aux dépens de celle des autres). Les deux ne sont peut-être pas interchangeables, mais ils sont issus du même tronc de la même plante. S'ils étaient dotés d'un minimum de courage et de lucidité, les responsables politiques français se rendraient compte de la réalité de la menace que fait peser cet islam conquérant sur l'avenir de la France.

Ils feraient ce constat qu'une majorité de musulmans, en France, déteste les juifs, et cela pour une raison bien connue : la domination colonialiste de l'Etat d'Israël sur l'ensemble de la Palestine, qui ne laisse aux Palestiniens que des lambeaux de plus en plus réduits de territoire. Et la situation ne cesse de s'aggraver (essor incessant de la colonisation de la Cisjordanie, essor inexorable des partis fondamentalistes,  ultra-religieux et d'ultra-droite en Israël). Et plus la situation s'aggravera là-bas, plus les musulmans présents sur le territoire français prendront fait et cause pour leurs "frères". Les juifs de France n'ont pas fini d'avoir des soucis. Et l'on peut bien s'en douter : après les juifs, on trouvera un jour dans la ligne de mire les Français de la France chrétienne ou athée.

On entend déjà bien, ici ou là, de temps en temps, résonner des « sales Français », dans la bouche de gens qui savent pourtant très bien, le moment venu, sortir la même carte d'identité que les "sales Français". Tout dépend du contexte et des circonstances, "musulman" étant une identité éminemment plastique puisque, du guerrier assoiffé de sang au père tranquille attaché à ses "cinq piliers", en passant par le voyou, le buveur d'alcool et le mangeur de porc, il y a, par définition, TOUT dans la collection d'islams qu'on nous présente quand il y a débat. Et pour moi, qui ai lu tout le Coran (dans la traduction si prudente et modérée de Jacques Berque), ce n'est pas tel ou tel verset qu'il faut jeter à la poubelle, c'est l'ensemble de ce mélange d'invraisemblable salmigondis et de bouillie indigeste. Un mélange dont suintent, à presque toutes les pages, la haine des chrétiens et des juifs. Presque tout le Coran (si l'on excepte de timides appels à la tolérance) est antisémite et antichrétien. S'il y a antisémitisme en France aujourd'hui, on le doit au Coran littéral, à l'islam, aux musulmans installés en France. 

Ce n'est sans doute pas pour rien que Tarek Oubrou, invité chez Alain Finkielkraut, avait porté plainte contre son interlocuteur juif, Georges Bensoussan, qui avait osé proférer cette vérité active dans bien des familles : « Les petits musulmans tètent l'antisémitisme avec le lait de leur mère ». Il semble bien, en l'occurrence, que ce soit ce dernier qui ait raison. Il n'y a pas d'islam de France, il n'y a qu'une religion en phase conquérante, qui apporte avec elle l'antisémitisme omniprésent au Proche-Orient et qui pousse ses avantages en s'appuyant sur les faiblesses mêmes que lui offre le ventre mou de la démocratie. La terre française rejette, historiquement et viscéralement, la foi musulmane, aussi fort qu'elle rejette aujourd'hui, malgré les délires de BHL (le très oubliable auteur de L'Idéologie française, 1981), l'antisémitisme.