jeudi, 04 juillet 2024
JEAN-SÉB. ...
... L'ÉVEREST.
J'ai déjà raconté ici comment je suis venu à faire très tôt de l'écoute de la musique un aliment auditif aussi indispensable et vital que l'air que je respirais. Cela se passait (j'avais entre 6 et 7 ans) au 39, cours de la Liberté à Lyon, chez le docteur où j'étais en pension provisoire, assortie d'une éphémère inscription à l'école Ozanam, bourrée de soutanes, de "tables vertes" et de pupitres à abattant.
Donc, sur la commode de la chambre de mes grands-parents, le tourne-disques et, dans le grand placard aux portes coulissantes, les 78 tours et 33 tours (on ne disait pas encore vinyles). A tout seigneur tout honneur : sur le Teppaz, l'Etude opus 25 n°11 de Chopin (par Braïlowski ?), avec ses cascades fluides à la main droite virevoltant et dansant autour de la solide armature du thème structurant. Pas loin derrière, l'ouverture de Tannhäuser avec ses deux cors (et une clarinette basse, me semble-t-il). J'ai fait sur ces deux une authentique "fixation".
Première mesure de l'Etude op.25 n°11 de Chopin (après les quelques mesures de l'introduction).
Sans exagérer, ces deux-là, mes "œuvres princeps" en quelque sorte, je les remettais régulièrement vingt ou trente fois de suite, jusqu'à ce que ma grand-mère, si douce épouse de son médecin de mari, me fasse comprendre courtoisement que ça commençait à bien faire. Ce qui me fascinait, c'était de découvrir qu'on pouvait marier deux lignes mélodiques complètement différentes, sans que l'œuvre perde pour autant un seul gramme de sa force et de son charme. Les savants appellent ça "contrepoint", ou "écriture horizontale", opposée à la verticalité de l' "harmonie".
Dans le même genre il y eut aussi le fabuleux duo des flûtes au début de La Moldau de Smetana, qui mariaient leurs volutes acrobatiques. La septième de Beethoven par Furtwängler, avec le deuxième concerto de Rachmaninov par Leonard Pennario, n'est venue qu'un peu plus tard. Oh, bien sûr, en cherchant un peu, il y eut encore un certain nombre d'autres disques, mais qui ont laissé des traces moins profondes dans mon disque dur.
J'ai encore, néanmoins, dans l'oreille cette chanson gravée sur une cire illustrée en couleur, depuis longtemps perdue corps et bien : « Ah mesdames, voilà du bon fromage, voilà du bon fromage au lait qui vient du pays de celui qui l'a fait ! ». Alors là, on peut dire que voilà du texte !!! Ensuite, de fil en anguille, j'ai embrayé sur les 78 tours récupérés de je ne sais où par mes parents, dans le beau meuble Schaublorenz regroupant la radio stéréo et l'électrophone : « Qu'il fait bon chez vous, maître Pierre ! », « Les filles de Cadix » et quelques autres raretés anciennes.
Et puis les 33 tours du coffret de 10 vinyles classiques de la "Guilde du disque" qui offrait tous les grands tubes de la "grande musique" où il était question de "Mont chauve", de "Polovtsiennes", de "Danse macabre" et d' "Apprenti sorcier". Et puis la curieuse sonorité de la guitare rock d'un nommé Duane Eddy, et puis les Shadows, et puis ... et puis ... Je n'en finirais pas. J'ajoute, pour clore sur cette "entrée en musique", que je n'ai pas tardé à succomber à une autrement grave addiction : la radio. C'étaient les Grandes Ondes, et avant tout Europe N°1, avec tout ce que les variétés françaises ou anglo-saxonnes pouvaient offrir de chanteurs et de groupes yéyés, "Salut les Copains", rock, pop et chansons "à texte".
Tous ces préliminaires étaient peut-être nécessaires pour en arriver à mon entrée dans le bureau du Grand Patron, le "Saint des saints" de toute la musique européenne : tout le monde a compris, j'espère, pourquoi j'ai intitulé le présent billet "Jean-Séb.". Or, on n'entre pas dans cette cathédrale comme dans un moulin. Il faut trouver un intermédiaire qui accepte de vous introduire. L'ambassadeur qui m'apporta la convocation s'appela, je n'ai pas honte de le dire, Jacques Loussier.
Comment ce "Play Bach n°1" s'est-il retrouvé à inaugurer ma collection ? J'ai oublié. J'avais 16 ans, mes parents, qui voulaient sans doute favoriser mon goût visible, audible et prononcé pour la musique, m'avaient offert un imposant électrophone stéréo Philips, dont le couvercle était constitué par deux hauts-parleurs à brancher et à disposer de telle et telle manière.
Quand j'ai entendu pour la première fois le pianiste jouer le "Prélude n°1", et surtout quand il attaque le tempo accéléré où, avec ses complices Garros et Michelot, il métamorphose l'imperturbable régularité en un morceau diablement syncopé, comme le font les jazzmen dans leurs improvisations, je me suis dit aussitôt qu'un monde s'ouvrait à ma curiosité. Qu'est-ce que c'était que cette musique qui autorisait qu'une telle modernité pût impunément s'en servir sans dénaturer pour autant les bases harmoniques et mélodiques de sa composition ? Il y avait là, pour mes oreilles, quelque chose d'énorme et de profond qui s'ouvrait. C'était Jean-Sébastien !
Je me suis procuré, au fur et à mesure de leur parution, les cinq albums de "Play Bach" du trio Loussier-Garros-Michelot. Le plus étonnant, c'est qu'après six décennies, ils figurent toujours dans ma discothèque, alors que d'autres cires estimables se sont perdues en route. Oh, certes pas dans l'état neuf où je les avais trouvés, mais encore assez nets pour passer sans trop de désagréments sur la platine vinyle. Et si je ne les écoute plus aujourd'hui avec l'émerveillement de la découverte, j'y prends encore un plaisir extrême.
Les cinq disques qui ont ouvert mes oreilles aux fondamentaux universels de la musique européenne.
Pour être franc et complet, il faut que j'ajoute l'autre clé artistement ouvragée qui ouvre sur le monde jean-sébastianesque : le groupe dirigé par Ward Swingle, grand connaisseur et grand "passeur" des œuvres du Grand Maître. J'ai nommé "Les Swingle Singers". En leur sein, on comptait Christiane Legrand, la propre sœur de Michel, ainsi que d'autres anciens membres du groupe de jazz vocal Les Double Six (dont Swingle lui-même). Le titre de leur disque : Jazz Sébastien Bach.
Quoi qu'il en soit et qu'il s'agisse du trio Loussier ou des Swingle, cette époque fut comme une rampe de lancement. Je me suis mis à guetter toutes les apparitions de Jean-Sébastien dans le paysage. Ce furent alors les "Cycles Bach" organisés dans diverses salles et églises de Lyon, auxquels j'assistais en compagnie d'Alain, un vieux pote. Nous eûmes droit, par exemple, à de grandioses Brandebourgeois dans le transept de Saint Pothin et à une grandiose Passacaille et fugue à Saint Bonaventure. Alain et moi fûmes fidèles à Bach pendant quelques années, jusqu'à ce que nos trajectoires divergeassent (oui oui, l'imparfait du subj.).
Et puis il y eut les disques. Le premier de ma centaine de vinyles "Jean-Séb." fut celui des Sonates et Partitas pour violon seul, déniché dans les bacs de La Clinique du tourne-disques, magasin de la rue Joseph-Serlin, jouées par un certain Jean Champeil.
Je dois dire que cette galette m'a percuté de plein fouet, à cause d'un morceau que tous les amateurs connaissent comme "l'Everest" du violon pour les instrumentistes : la "Chaconne", le feu d'artifice de 14 juillet qui clôt la 2ème Partita. Champeil était violon solo chez Lamoureux et soliste à l'Opéra de Paris. Certes pas le plus grand violon de tous les temps, mais c'est quand même ce deuxième ou troisième "couteau" qui m'a apporté la révélation de cet incontournable et absolu chef d'œuvre. Merci monsieur. Et puis cerise sur le gâteau : un gros cahier imprimé sur papier bible avec la partition, dont la version originale de la Ciaccona, de la main même de Bach !!!
Ci-dessus les quatre premières mesures de la "Ciaccona".
On dira sans doute que je suis entré dans l'univers Bach par la petite porte, presque la "porte de service", comme on disait à Paris autrefois. Je le reconnais sans problème et sans honte. Mais franchement, Jacques Loussier, Christian Garros et Pierre Michelot comme Grands Chambellans chargés de vous introduire dans le Salon d'Honneur en clamant votre nom, il y a pire. Bon, c'est vrai que, étant allé entendre un concert donné par le trio à la salle Molière, j'avais trouvé glaçante l'ambiance dans laquelle il s'était déroulé : tous trois dans le contrôle, très sérieux et très guindés dans leur costard noir, chemise blanche et nœud pap., pour moi qui passais régulièrement des soirées dans la cave joyeuse et enfumée du Hot Club de Lyon, ça la fichait plutôt mal.
Reste cependant la raison d'être de ce billet : le monument Jean-Sébastien, avec les innombrables ouvriers qui se chargent de l'entretenir et de le faire briller. Je pense par exemple à madame Corinne Schneider, grâce à qui le culte de cette musique perdure sur France Musique tous les dimanches matins, perpétuant pour les vieux fidèles comme moi l'action d'un Jacques Merlet, d'auguste mémoire. C'est un drôle de monument, ce « vieux Bach », comme l'appelait avec un immense respect l'empereur Frédéric II : nul jusqu'à ce jour n'a réussi à en accomplir un tour complet ni à en épuiser la substance.
Mais Jean-Sébastien Bach n'a pas besoin de l'éloge du minuscule quidam qui se permet ici de célébrer ce géant.
09:00 Publié dans MUSIQUE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, jean sébastien bach, tourne-disques teppaz, lyon, cours de la liberté, 78 tours, vinyle, 33 tours, frédéric chopin, étude opus 25 n°11, ouverture de tannhäuser, braïlowski, richard wagner, polyphonie, contrepopint, bedrich smetana, la moldau, la septième de beethoven, rachmaninov concerto piano n°2, léonard pennarion, guilde du disque, danse macabre, apprenti sorcier, unenuit sur le mont chauve, salut les copains, duane eddy, rock'n roll, jacques loussier, christian garros, pierre michelot, loussier play bach, swingle singers, christiane legrand, double six, jazz sébastien bach, ward swingle, cycle bach, saint pothin, saint bonaventure, concertos brandebourgeois, passacaille et fugue, la chaconne de bach, jean champeil, lyon salle molière, france musique, corinne schneider, jacques merlet
samedi, 25 mai 2024
TAYLOR SWIFT ET LE MICRO
Vu dans Le Progrès daté 24 mai 2024 (photo Shutterstock/Sipa). La chanteuse se prépare aux meetings qui auront lieu bientôt à Lyon (en fait à Décines). Vu l'emplacement et l'orientation du micro, je soupçonne une facétie, peut-être, du photographe, mais du journal, plus certainement. Et puis il y a mon esprit mal tourné.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, journal le progrès, taylor swift, lyon, groupama stadium, chanson, pop music, humour, photographie
lundi, 29 avril 2024
UNE CLÉ DE SOL ...
... TRÈS HOSPITALIÈRE.
C'était au cours d'une aventure de santé récente, brutale et dangereuse. J'avais une vue imprenable sur la suspension voisine (la perche au sommet de laquelle le personnel spécialisé accroche poches et réservoirs destinés à vous tirer d'affaire). Ouvrant un œil, j'aperçois le symbole ci-dessus, qui me rend illico-presto la bonne humeur. Allons, la vie est belle, me suis-je dit in petto : si la musique m'a envoyé ce signe, c'est que l'avenir m'appartient encore un peu. Tout va bien.
09:00 Publié dans PAS PHOTOGRAPHE MAIS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie, musique, clé de sol
vendredi, 03 novembre 2023
TOUCHE PAS A "MA RAINEY" !
Je ne sais pas vous, mais moi, j'aime le jazz (entre autres). Comme un nombre plus que respectable de mes contemporains, et depuis 1966, pour replacer dans le temps. J'y suis entré par La Rage de vivre, ce merveilleux livre où Milton "Mezz" Mezzrow raconte sa vie, aidé pour tenir la plume du journaliste Bernard Wolfe. Ceci pour dire que mes premières amours en la matière appartenaient à cette sorte particulière de musiciens : ceux qui vivaient, jouaient ou faisaient les 400 coups dans la ville de Chicago, entre 1920 et 1935.
Beaucoup d'entre eux avaient migré de la "crescent city" qui a nom La Nouvelle Orléans, mais en transportant dans leurs bagages toute la musique, telle qu'elle se pratiquait dans ce Sud profond : King Oliver, Louis Armstrong, Jimmy Noone, Johnny Dodds, Kid Ory et toute la pléiade des génies qui faisaient le bonheur, alors presque exclusif, des Noirs, et qu'on retrouve au fil des pages du livre de Mezzrow.
Je n'ai jamais cherché à savoir si l'auteur de La Rage de vivre racontait des carabistouilles, et je m'en contrebalance : après dévoration du bouquin en bonne et due forme, j'ai embrayé sur les achats de disques de tous les souffleurs et tapeurs hautement recommandés de l'époque. Voilà mon baptême du jazz tel qu'il a duré plusieurs années, avant que je me rende compte, au fil de mes fréquentations, de mes lectures et de mes soirées au Hot Club et au B.C.Blues (les Lyonnais de ma génération n'ont pas besoin d'explications) avec les copains et les copines, que le jazz avait une histoire, et que les formes avaient diantrement évolué au cours de celle-ci.
Mais pour en rester à mes premiers pas dans le jazz, Mezzrow ne parle pas de Ma Rainey, mais il parle, et en quels termes, de Bessie Smith qui, je me souviens, lui passait la main dans les cheveux en riant, parce que ses ondulations faisaient comme des vagues qui lui donnaient le mal de mer. La voix de Ma Rainey est, si c'est possible, plus âpre, plus "rough", plus "roots" que celle de Bessie, encore que ça se discute. Toutes deux se sont connues, elles sont à peu près de la même génération, elles ont fait les mêmes tournées. La première ("Mother of the blues") en plus austère, la seconde ("Empress of the blues") en plus "prenante". C'est plutôt elle que l'histoire du jazz et du blues a retenue, même si elle reste dissimulée derrière les silhouettes écrasantes d'Ella, Sarah, Helen, Dee Dee et toutes les autres voix médiatisées ou invitées dans les festivals. Il reste que Ma Rainey demeure une grande artiste, un monument.
Or, voici ce que je découvre, horrifié, dans un supplément du Monde daté 01-02 novembre 2023 (ci-dessous).
Je lis bien "Ma Rainey". Je n'en crois pas mes yeux. J'ai rogné l'image de M. Langergraber publiée par Le Monde, j'ai recadré la légende, mais le matériel est garanti d'origine. Voilà une guenon qu'un cerveau malade a baptisée du nom d'une des femmes noires les plus admirables des Etats-Unis, une des femmes qui ont le plus compté dans la naissance et l'histoire du jazz et du blues. Ben merde !!!
Gertrude Pridgett "Ma" Rainey, 1886-1939.
Passons sur la guenon "ménopausée". Ce qui est sûr, c'est qu'il y a de l'insupportable dans cette manie qu'ont certains (scientifiques ? Vous êtes sûr ?) de vouloir à n'importe quel prix conférer à l'animal une dignité personnelle qui, en l'élevant au-dessus de lui-même, lui fait usurper un statut de quasi-humain qu'il n'a jamais songé à réclamer. Et qui se trouve humiliante, dégradante, infamante pour la personne humaine qu'elle implique — d'une insigne valeur — et qu'on a dépossédée de son nom pour le jeter dans un zoo.
J'attends que Madame Christiane Taubira, dont tout le monde a en mémoire les diatribes véhémentes, hautaines et péremptoires, descende dans cette arène pour rétablir l'ordre des valeurs, elle qui fut, il y a quelques années, traînée dans la boue dans un torchon journalistique où une telle comparaison animalière se voulait une charge politique haineuse.
Bon, on dira que je pars en guerre contre les moulins à vent. Possible. Dans ce cas, qu'on veuille bien ne considérer ce billet que comme un mouvement d'humeur manifesté en réaction à une saloperie ordinaire.
08:00 Publié dans MUSIQUE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jazz, blues, milton mezz mezzrow, bernard wolfe, la rage de vivre, jazz nouvelle orléans, jazz chicago, louis armstrong, king oliver, jimmy noone, johnny dodds, kid ory, ma rainey, bessie smith, mother of the blues, journal le monde, christiane taubira, lyon jazz, b.c. blues, hot club de lyon, musique
jeudi, 25 mai 2023
MORT DE TINA TURNER
Oui, définitivement, Tina Turner, c'est Proud Mary ! en 1969, avec au second plan la belle voix mâle de son Ike — son découvreur et persécuteur — et les tenues super-extra-mini de la chanteuse et des choristes.
Oui mais, Tina Turner, c'est surtout et à jamais le Proud Mary sorti de la plume de Gotlib, dans les pages du mémorable Echo des savanes de la grande époque (1972, fondé avec ses complices Bretécher et Mandryka), avec la tumescence (puis détumescence) du micro de la dame.
09:00 Publié dans BANDE DESSINEE, HUMOUR | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rock'n roll, ike and tina turner, bande dessinée, humour, gotlib, l'écho des savanes, musique
samedi, 26 mars 2022
BEETHOVEN POUR TOUJOURS
C'était le 26 mars 1827. Le deuxième (dans l'ordre chronologique, évidemment) plus grand génie de la musique européenne mourait. Une pensée pour lui, et pour tout ce qu'il nous a donné, tiré des seules profondeurs de son être.
L'extraordinaire masque de l'homme, prélevé par Josef Danhauser sur le lit de mort.
Ci-dessous le moulage de ses mains, probablement exécuté par le même Josef Danhauser.
Beethoven est un ami très sûr : sa musique m'aide à vivre. En hommage, j'écouterai aujourd'hui le quatuor opus 13 de Mendelssohn, écrit en réaction à ce funeste 26 mars 1827, comme un monument funéraire, dont la structure est plus ou moins calquée sur celle de l'opus 132 de Ludwig van.
08:00 Publié dans MUSIQUE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ludwig van beethoven, musique, photographie, beethoven masque mortuaire
lundi, 10 janvier 2022
RACHMANINOV : UN PLAGIAT ?
Ce dimanche 9 janvier 2022, voilà-t-il pas que j'entends le début d'une émission de France Musique que je n'écoute jamais (c'est le dimanche, c'est l'heure de la sieste, et puis on n'est pas obligé). Et qu'est-ce qu'il passe comme disques, le Jean-Yves Larrouturou qui cornaque le créneau ? Des enregistrements de la musique de Clara Wieck-Schumann. J'adore les compositions de Clara Schumann, mais qu'est-ce qu'il a besoin de rattacher son programme à la lutte des femmes ? Il y a là pour moi quelque chose d'incompréhensible : en quel honneur des œuvres d'art devraient-elles être mises au service de causes que leurs créateurs n'ont pas songé un instant à promouvoir ou à défendre ? Passons sur le stéréotype féministe en vigueur.
Il s'agit de la Ballade opus 6 n°4 jouée par Marie-Josèphe Jude, mais je n'ai pas entendu l'annonce du morceau. Je me dis : ça c'est du Rachmaninov, nom de Zeus !!! Et puis je file dans mes CD du Russe, j'essaie avec les Etudes-Tableaux par Nicholas Angelich : chou-blanc ! Je me rabats sur les Préludes par Abdel Rahman El Bacha : Bingo !!! A la première plage. Je n'en demandais pas tant. Il s'agit de l'opus 3 n°2. Si l'on excepte les deux-trois accords d'intro de Rachmaninov, les mesures initiales sont quasiment identiques. Je vous laisse écouter les deux pour comparer, mais je ne serais pas étonné qu'on me dise que Rachmaninov a purement et simplement plagié la compositrice, au moins dans le début de l'œuvre. Cette magique succession d'accords qui m'ont tenu compagnie durant des insomnies entières, se pourrait-il que ? Je suis peut-être le dernier des derniers à découvrir ça. Et alors ?
Bon, c'est sûr et vrai qu'après avoir écouté les deux pièces, on est obligé de reconnaître que, même si les premières mesures sont un peu "copie-conforme", les deux univers n'ont finalement pas grand-chose à voir, et que ce qu'on peut appeler poésie dans l'œuvre de Clara Schumann devient recherche de la virtuosité dans celle de cet authentique maître du piano qu'était Sergeï Rachmaninov (en quoi Clara Schumann n'avait rien à lui envier, à ce qu'on dit). N'empêche que ça fait drôle. Faut-il que j'aie été marqué par le père Rachmaninov (ça a commencé il y a très-trop longtemps avec son concerto n°2 par Léonard Pennario et je ne sais plus quel orchestre ou quel chef - peut-être Vladimir Golschmann, en tout cas c'était sur le Teppaz du 39 cours de la Liberté) pour mettre le doigt sur l'emprunt qu'il a fait à la talentueuse Clara Wieck-Schumann tant célébrée par les cohortes musico-féministes.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans MUSIQUE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, clara schumann, sergueï rachmaninov, france musique, clara wieck, robert scumann, rachmaninov études tableaux, rachmaninov préludes, evgueni kissin, leonard pennario, jean-yves larrouturou
lundi, 25 octobre 2021
J'ETAIS DANS LA SALLE
C'était lors d'un concert donné par l'ami Khaled Ben Yahia, virtuose du oud. Je suis caché dans la foule. Ohé ami, sauras-tu me reconnaître ?
10:30 Publié dans MUSIQUE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : salle molière, concert, musique, khaled ben yahia, musique arabe, musique arabo andalouse, oud, photographie
mercredi, 07 juillet 2021
ÉDOUARD COMMETTE, ORGANISTE LYONNAIS
Édouard Commette (1883-1967) est, paraît-il (je n'ai pas vérifié l'info), le premier organiste à avoir enregistré un disque consacré à l'orgue (en 1928). Je ne l'ai pas connu, mais je l'ai peut-être entendu sans savoir que c'était lui (j'ai l'âge), dans la cathédrale Saint-Jean de Lyon, dont il était le titulaire de l'orgue (de 1904 à 1965, selon Maurice Vanario). Oh, ce n'est pas que les "grandes orgues" de notre cathédrale Saint-Jean-Baptiste jouissent d'une énorme réputation. La preuve, c'est qu'elles n'attirent guère les vedettes de l'instrument. J'imagine que leur emplacement, encaissé dans le transept de l'édifice au lieu de figurer majestueusement au-dessus de l'entrée comme c'est très souvent le cas, n'est pas pour rien dans ce relatif dédain. Mais enfin cela reste un bel orgue, même si ce n'est pas celui qu'Edouard Commette a connu (impossible de dénicher une photo de l'ancien, détrôné autour de 1990).
Inutile de préciser que les touristes viennent plutôt voir l'horloge astronomique qu'entendre l'orgue photographié en 1996 par Marcos Quinones.
Edouard Commette, de même que son élève et successeur au même poste Joseph Reveyron (1917-2005), il a refusé de quitter sa ville quand des propositions un peu alléchantes lui ont été faites ailleurs. Si je ne l'ai pas connu, j'ai fréquenté la classe de son fils, qui enseignait le français au Lycée Ampère, et qui ne m'a pas laissé grand souvenir. J'ai échangé quelques mots insignifiants avec lui un soir où un hommage officiel était rendu à son père, sans doute pour le centième anniversaire de sa naissance : j'ai oublié si c'était à Saint-Bonaventure ou à Saint-Jean (je dirais plutôt Saint-Jean, l'autre orgue étant tenu par Marcel Paponaud (1893-1988), un autre illustre inconnu, mais quand on est le titulaire, on ne se laisse pas déloger).
Si je parle ici d'Edouard Commette, c'est d'une part que je viens de remettre la main sur un vieux vinyle 25cm que j'ai énormément écouté au cours de mon existence parce qu'il contient une version magnifique à mes oreilles de la Passacaille et fugue en ut mineur de Jean-Sébastien Bach. Je ne sais ce qu'en penserait la "Tribune des Critiques de disques", et ça m'est bien égal.
On dénombre à ce jour 2751 visionnages de ce youtube posté en 2012 par Vincent Ograou. Logique.
C'est, d'autre part, parce qu'en fouinant dans les photographies de Georges Vermard [qui fut photographe au défunt journal L'Echo-Liberté] conservées à la Bibliothèque Municipale de Lyon, je suis tombé sur quelques clichés représentant le maître. J'avoue que j'ai été saisi par cette tête d'oiseau de nuit, par ce visage calviniste à la Gustav Leonhardt, par ce profil sans menton, par ces doigts puissants et frêles qui ont toujours préféré le relatif anonymat d'une capitale provinciale aux lumières d'une renommée plus grande dans la capitale nationale ou aux claviers de quelque instrument autrement prestigieux.
Oui, j'ai été saisi par — qu'on m'excuse — la beauté du portrait que ces photos de Georges Vermard, dressent, trois ou quatre ans avant sa mort, de ce musicien généralement ignoré aujourd'hui. Pensez, mon ami F., grand mélomane et une oreille d'ingénieur du son, ignorait ce nom jusqu'à ce que je lui en parle.
Que le lecteur veuille bien considérer ce petit billet comme un obscur hommage à un grand organiste resté obscur par choix.
Voilà ce que je dis, moi.
Note : en 1974, la ville de Lyon a donné le nom d'Edouard Commette à une toute petite place, prise entre l'avenue Adolphe Max et la place Saint-Jean, non loin donc du lieu où l'organiste a exercé son art durant toute une vie consacrée à la musique. Depuis la prise de photo par Marcos Quinones en 1991, des arbres ont été replantés, et un marché — tour à tour livres et bio — se tient, m'a-t-on dit, le samedi.
09:00 Publié dans MUSIQUE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lyon, musique, musique d'orgue, édouard commette, jean-sébastien bach, passacaille et fugue en ut mineur, photographie, photographes, georges vermard, marcos quinones, joseph reveyron, france musique, tribune des critiques de disques, vincent ograou, journal l'écho liberté, jérémie rousseau
mercredi, 19 août 2020
CÉSAR FRANCK
PRÉLUDE ARIA ET FINAL
Voilà à quoi je me saoule depuis que je me suis réfugié dans mon île déserte : l'interprétation de Jorge Bolet me comble. Quant à la musique, elle s'est installée en moi comme une puissante machine à respirer.
24'20"
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mercredi, 12 août 2020
EN SOUVENIR DE SPHEROE
Spheroe était un groupe lyonnais qui faisait de la bonne musique.
Emmené par Gérard Maimone (claviers, à droite sur la photo), il était composé par ailleurs de Patrick "Cactus" Garel (batterie, percussions, claviers), Rido Bayonne (Basse Fender, percussions) et Michel Perez (Guitares électriques et acoustiques). Je me souviens en particulier d'un concert dans une salle de la Doua, où l'ambiance resta chaude un bon moment. Le morceau s'intitule "Chattanooga". Et ça dure 12'55". Et ça n'a pas vieilli.
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mercredi, 05 août 2020
QU'EST-CE QUE LA GRÂCE ?
CANTALOUPE ISLAND.
Mais attention, de préférence dans la version du 22 février 1985 lors du concert à Town Hall ("One Night with Blue Note"), séance entièrement dédiée à Alfred Lion, fondateur du label "Blue Note".
Herbie Hancock, compositeur et piano.
Ron Carter, contrebasse.
Tony Williams, batterie.
Freddie Hubbard, trompette.
Joe Henderson, saxophone.
J'ai acheté ce disque (vinyle, visiblement un exemplaire de presse, à cause du trou en haut à droite) le 30 août 1988 chez JPC, rue Saint-Jean, droit en face de la librairie Diogène, du temps que cette dernière était cornaquée par monsieur Avon, barbu et ardéchois. JPC n'était pas très sympathique.
Une section rythmique implacable, des solistes inspirés, une composition géniale : il n'en faut pas plus pour être heureux.
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jeudi, 16 juillet 2020
ALL THE LONELY PEOPLE ...
... WHERE DO THEY ALL BELONG ?
Inoubliable "Revolver".
09:00 Publié dans MUSIQUE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, beatles, beatles revolver, eleanor rigby, camp de nudistes
samedi, 11 juillet 2020
SE SOUVENIR DE RENE ZOSSO
Je ne pensais pas un jour retrouver la trace de ce morceau du grand pionnier de la vielle à roue qu'est René Zosso. Je l'ai entendu pour la première fois dans l'appartement de fonction d'une institutrice qui exerçait à Hartmannswiller (Haut-Rhin), où nul ne pouvait échapper aux implacables cloches de l'église. La présente version a été enregistrée en public. Ce n'est pas tout à fait le souvenir que j'avais indéfectiblement gardé du disque "Chant du monde" de l'époque. Je ne retrouve pas tout à fait la magie des instants alors vécus, mais après tout ce n'est pas si mal, je trouve.
09:00 Publié dans MUSIQUE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, musique médiévale, rené zosso, hartmannswiller, haut-rhin, disques chant du monde
vendredi, 26 juin 2020
UN JAZZ CONVIVIAL
OZMA, Dust city (for Beijing), 6'04".
Ça vaut le coup d'y prêter l'oreille.
Le disque Hyperlapse est sorti en 2020.
09:00 Publié dans MUSIQUE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, jazz, ozma, ozma hyperlapse, ozma dust city (for beijing)
mercredi, 24 juin 2020
ÉTERNITÉ DE JEAN-SÉBASTIEN BACH
10'55" de pur bonheur.
Voici l'Art de la Fugue (partie finale) comme je ne l'avais jamais entendu. Le monsieur qui a transcrit pour ensemble vocal cette partie d'un chef d'œuvre absolu de l'histoire de la musique occidentale s'appelle Harry van der Kamp. Il est néerlandais. Il a fondé et dirige le "Gesualdo Consort Amsterdam".
Il fait chanter la mélodie ô combien complexe sur un texte tiré de l'Evangelisches Gesangbuch : « Ein selig Ende mir bescher, am Jüngsten Tag erweck mich, Herr, dass ich dich schaue ewiglich. Amen, Amen, erhöre mich ! ».
Le contrepoint XIX est une fugue à trois sujets. Il faut se rendre compte, déjà, de ce qu'est une fugue à 4 voix (la fugue n°4 du CBT est à 5 voix) : un seul sujet, mais que le compositeur triture et torture dans tous les sens (inverse, miroir, miroir inversé, ...), c'est déjà de la grande ébénisterie d'art.
Alors imaginez la même difficulté, mais multipliée par trois (en exponentiel). Et ça a l'air abstrait, mais quand vous écoutez, ça vous transporte : on peut toujours chercher comment c'est fait..
L'écriture du "vieux Bach", comme l'appelait avec un infini respect Frédéric II de Prusse, qui peut s'enorgueillir d'être le destinataire de L'Offrande Musicale (mais c'est une autre histoire). Les portées sont tracées au "rastrum", ce porte-plume à cinq plumes alignées dont John Eliot Gardiner parle dans son merveilleux bouquin : Musique au château du ciel (Flammarion, 2014).
Quant à l'inachèvement de ce dernier contrepoint, je ne me lasse pas de réécouter avec ferveur les dernières mesures qui laissent l'auditeur en suspension dans un brouillard voluptueux, et je laisse les musicologues se disputer autour des savantes conclusions qu'il faut en tirer.
Que l'inscription apposée après les dernières notes (« Sur cette fugue où le nom de B.A.C.H. [si bémol-la-do-si bécarre en notation germanique] est utilisé en contre-sujet, l'auteur est mort. ») dans la partition manuscrite soit ou non une affabulation, ce n'est pas un problème : si non è vero, ben trovato.
Enfin, je me permets de reléguer bien loin sur le rayon la version clavecin du grand et très calviniste Gustav Leonhardt, qui s'est permis d'ajouter au contrepoint inachevé une broderie de sa façon : ça ne se fait pas, même quand on s'appelle Leonhardt. Autant je ne me formalise pas trop de ce que Friedrich Cehra achève la partition du Lulu d'Alban Berg, autant, s'agissant de JSB, je dis : « Pas touche ! ».
Dire que le disque existe depuis 2005, et que je ne le connaissais pas (label Sony) ! Merci à France Musique en général et à Madame Corinne Schneider en particulier, qui presque tous les dimanches de cette année à partir de sept heures du matin (je suis du genre "couche-tôt-lève-tôt"), m'ont toujours fait passer de bons moments, souvent d'excellents et, en quelques occasions, des moments extraordinaires de pure jouissance musicale, et peut-être même spirituelle, comme c'est arrivé ce dimanche 21 juin, en écoutant cette version vocale de L'Art de la Fugue.
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dimanche, 21 juin 2020
CHANTER ENSEMBLE
On est à une table bien garnie au milieu de joyeux convives, on voit les cuisinières s'activer, on entend les bruits de l'auberge, les couteaux et fourchettes sur les assiettes. On a mangé et bu. Il ne reste plus qu'à chanter. Cela se passe à Tbilissi (Georgie). Le film de la série "Petites planètes" (Vincent Moon) dure 8'47". J'ai eu du mal à le retrouver sur l'internet après en avoir entendu à peine quelques secondes magiques je ne sais plus quand sur France Musique. Le chant commence à 1'12", une simple mise en bouche avant d'en arriver à l'essentiel, qui se produit à 3'18". Je ne sais pas ce qui se passe. Ecoutez ce refrain : c'est renversant. Le collectif qui prend le relais à 7'20", c'est pour la bonne humeur finale de l'au-revoir.
Ce qui se passe entre 3'18" et 7'20", je me le repasse en boucle. C'est tout le mal que je souhaite au visiteur qui apprécie les harmonies subtiles.
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jeudi, 09 avril 2020
CORONAVIRUS : LE BOLÉRO CONFINÉ
Après Clapping music de Steve Reich (hier), voici une vidéo tout aussi enthousiasmante : le Boléro de Maurice Ravel par le "National", certes en raccourci, mais comme vous ne l'avez jamais vu ni entendu. Tout un orchestre, mais dont chaque membre joue de chez lui, et devant une caméra. La mise en image est un véritable tour de force technique (4'46").
La caisse claire, à laquelle il m'est arrivé de voir Emmanuel Krivine abandonner la direction de l'orchestre, se situe ci-dessous au milieu de la première rangée.
09:00 Publié dans L'ETAT DU MONDE, MUSIQUE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, orchestre national de france, maurice ravel, boléro de ravel, coronavirus, confinement
mercredi, 08 avril 2020
CORONAVIRUS : NE PAS CESSER D'APPLAUDIR
Les percussionnistes de Radio France sont confinés comme tout le monde. Cela ne les empêche pas d'applaudir, comme tout le monde, les personnels de santé (n'oublions pas les caissières, les éboueurs, ...). Ils donnent, en restant chacun chez soi, Clapping music de Steve Reich. La vidéo est époustouflante.
Didier Benetti, Gabriel Benlolo, Emmanuel Curt, François Desforges, Benoît Gaudelette, Jean-Claude Gengembre, Florent Jodelet, Nicolas Lamothe, Renaud Muzzolini, Francis Petit, Gilles Rancitelli, Rodolphe Théry (montage et mixage).
***
Bravo messieurs. Moi aussi j'applaudis (pas aussi savamment).
06:57 Publié dans L'ETAT DU MONDE, MUSIQUE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : coronavirus, musique, france musique, percussionnistes radio france, clapping music, steve reich
mercredi, 04 mars 2020
THELONIOUS MONK, L'UNIQUE
Je viens de lire La Baronne du jazz (Steinkis, 2020), où Stéphane Tamaillon au scénario et Priscilla Horviller au dessin retracent l’existence hors du commun de la baronne Pannonica de Koenigswarter. Je savais depuis lurette ce que cette femme avait représenté pour le pianiste Thelonious Monk, dont elle a hébergé les dernières années avec un impeccable désintéressement.
J’ignore qui a eu l’idée de demander une préface au formidable Francis Marmande, qui fait l’honneur depuis longtemps au journal Le Monde d’écrire de temps en temps des chroniques constamment excellentes sur le jazz (la tauromachie semble avoir disparu de la ligne éditoriale). Le choix du préfacier est d’autant plus judicieux que Marmande sait parler du jazz de façon juteuse. Voilà un talent multicarte : professeur émérite, écrivain, contrebassiste, etc. J’apprends ici qu’en plus, il est pilote d’avion. Et qu’il vient de perdre sa mère (Le Monde, 29 février 2020). Mes condoléances, monsieur Marmande.
J’avoue que sans Thelonious Monk, mon intérêt pour la vie de la baronne serait beaucoup plus mince. Je garde essentiellement son rôle de bienfaitrice d’un musicien dont la vie quotidienne fut souvent épineuse pour son entourage. Oui, c’est une femme qui n’avait pas froid aux yeux, une femme de caractère, une femme libre surtout, mais en fin de compte peu importe. Son plus grand mérite à mes yeux est d’avoir été à la hauteur du génie de Thelonious Monk (et de quelques autres), qui opérait alors dans un domaine méprisé par beaucoup : le jazz. J’espère que la publication du volume est portée plus par l’intérêt pour la dame et le jazz que par la furieuse interrogation féministe du moment : « Mais dans quels placards l'histoire a-t-elle fourré les femmes ? ».
Martial Solal a beau affirmer (on trouve ça dans Ma Vie sur un tabouret, Actes Sud, 2008) que Thelonious Monk n’était pas un pianiste, je le tiens justement quant à moi pour un grand pianiste, mais qui avait ceci de particulier qu’il ne jouait que les notes qu’il entendait. Je n’ai rien à ajouter à la gloire de Martial Solal, sa virtuosité étant si étourdissante que beaucoup d’amateurs attendent seulement de lui qu’il leur procure l’éblouissement à force de trouvailles nouvelles, de vélocité confondante et de ces multiples citations dont il truffe ses improvisations et que seuls les férus de jazz sont à même de repérer et d’apprécier.
Mais ce qu’il dit de Monk me semble carrément injuste. Dans un papier du Monde (24 avril 1996), Francis Marmande l’écrit, s’attardant sur le fait que les mains du pianiste étaient surchargées de grosses bagouses (qu’il n’a pas toujours portées, les photos en font foi) apparemment encombrantes : « Or Monk est très net sur cette question : il dit de ses bagues qu’elles le protégeaient de la virtuosité ». C’est peut-être une boutade, mais c'est une réponse anticipée au coup bas de Martial Solal. La virtuosité n'est pas le Graal ultime des amateurs de jazz (je pense à Good Bye Porkpie Hat, chef d'œuvre de Charles Mingus dédié à Lester Young).
Visez les bagues. Et notez la forme des doigts sur le clavier, conforme à la vérité.
C’est donc à cause de Thelonious Monk que je suis heureux de pouvoir lire le récit en bande dessinée de la vie de Pannonica de Koenigswarter. C’est le prétexte qu’il me fallait pour évoquer ici cette figure centrale de la musique du vingtième siècle, tous genres confondus. Pour ce qui est du piano, je le place dans le digne voisinage du Olivier Messiaen des Vingt regards sur l’enfant Jésus et du Catalogue d’oiseaux (en pensant aux oiseaux de Messiaen, j'entends Trinkle Tinkle).
Sa figure sociale occulte parfois sa musique : son goût pour les chapeaux les plus extravagants, qui l’a fait surnommer « The mad hatter » (le chapelier fou), ses « excentricités » sur scène, lorsqu’il se levait pour faire le tour du piano ou se lançait dans une « danse de l’ours », mais surtout l’extraordinaire mutisme musical qui a frappé toutes les dernières années, celles qu’il a passées chez la baronne Pannonica, tout cela entoure sa personne d’une aura d’étrangeté qui fait que les gens superficiels oublient de l’écouter.
Le "chapeau chinois" des sublimes séances Black Lion à Londres en 1971.
Thelonious Monk n’est certes pas un pianiste comme les autres. En dehors de ses « bizarreries » existentielles, il fut en effet un prodigieux compositeur de thèmes. Alors c’est sûr, des mélodies biscornues, difficiles, cahoteuses, avec plein de cailloux dans la hotte, de surprises dans la trajectoire, de hoquets dans la déglutition. Francis Marmande : « La musique de Monk ne fait aucun cadeau. Elle est sèche, riche, impensable, on n'en voit que l'iceberg » (Le Monde, 21 mars 1988). La partie immergée de l'iceberg, ce sont toutes les notes que Monk ne joue pas, et qui rendent fous ceux qui veulent jouer sa musique. La musique que joue Thelonious Monk est une musique exclusivement nécessaire.
S’agissant de l’invention mélodique du musicien, je me contenterai de reprendre les mots de son fils (« Tootie ») dans son livre Thelonious Sphere Monk, cité par Ponzio et Postif dans Blue Monk (Actes Sud, 1995). Le contexte : Monk a passé toute sa journée au piano, à ressasser Between the Devil and the Deep Blue Sea, chanson de 1931 ou 1932, devenue un classique – on dit « un standard »), puis se rend au club où il joue : « Alors il arrive au club, il s’assied au piano et commence Between the Devil and the Deep Blue Sea. Rouse [le saxophoniste de Monk] et les autres réalisent qu’il va se passer quelque chose d’extraordinaire. Et ce qui se passe, c’est que Thelonious joue Between the Devil … pendant à peu près quarante minutes d’affilée. Or c’est une petite chose qui doit faire vingt-quatre mesures et il le joue pendant presque trois quarts d’heure sans jamais se répéter. On aurait pu entendre une mouche voler. C’est ce soir-là que j’ai réalisé ce que c’est qu’un génie de la musique : il prend une petite mélodie et il la tord. Chaque fois qu’il la courbe dans un sens, on se dit ça y est, il ne peut pas faire mieux : il la fait ronde, il la fait carrée, il la met en hélice, il la rentre dans un pas de vis, il la met dans une toute petite boîte, il l’étale dans l’espace … et chaque fois, il reprend au début et il la joue d’une façon encore différente » (p.319). C’est son père, certes, mais il a quand même de bonnes oreilles.
Quant à la stratégie harmonique de ces morceaux, je n’aventurerai pas un orteil sur le terrain de la simple description : d’autres, bien plus savants que moi, s’y sont essayés avec plus ou moins de bonheur, s’ils ne s’y sont pas cassé les dents. Je me rappelle une remarque faite par un certain Michel Perrin, auteur d’une histoire du jazz dans le Livre de Poche que j’avais lue il y a fort longtemps. Imprégné de jazz New Orleans, de jazz Chicago, d’Ellington et de « swing », il faisait ce reproche à Monk : « Quand vas-tu la trouver, ta trouvaille ? » (je cite de mémoire, mais c’est vraiment ce jeu-là sur ces mots-là).
Combien de thèmes le jazz (je devrais dire la musique) doit-il à Thelonious Monk ? Si je fais le tour des CD qui sont sur mes rayons (une trentaine), j’arrive à une soixantaine de titres, une fois défalqués doublons, reprises et prises alternatives. J'ajoute les hommages de quelques "pointures" (Larry Gales, Paul Motian, Ran Blake, Tommy Flanagan, ...). Je n’ai donc pas tout, mais ce n’est pas si loin que ça de ceux dûment répertoriés par Yves Buin dans son Thelonious Monk (je l’ai dans l’édition du Castor Astral, 2002), qui en compte 71 (+1) ou par Ponzio et Postif dans leur Blue Monk (Actes Sud, 1995), qui poussent jusqu’à 81.
Quels thèmes préférer ? Bouteille à l’encre, messieurs-dames. Il faut évidemment citer Pannonica, dédié à la baronne, Crepuscule with Nellie (Nellie est l'épouse de Thelonious), 'Round about midnight, le plus connu, Trinkle tinkle, Eronel, ... Le principal, quand on écoute le piano de Thelonious Monk, c'est qu'on entre dans un univers, un univers cohérent, dont tous les éléments découlent d'un principe central qui reste mystérieux : appelons ça l'inspiration du compositeur. Pour moi, ce sont des mélodies qui me sont entrées dans l’oreille interne, dans les vaisseaux du cœur et du cerveau, et jusque dans les boyaux de la tête. J’avoue que, hormis quelques pièces qui courent les émissions de jazz et les rétrospectives, j’ai parfois du mal à replacer le bon titre sur le bon morceau : je n’ai pas la tête à ça. Ce que je peux dire, c’est que j’entends dans la seconde les doigts de Thelonious Monk quand un « média » a la bonne idée de le programmer. Il y a des témoins.
3'54"
Pannonica, le morceau baptisé du prénom de l'admiratrice fervente de la musique de Thelonious Monk (version piano solo).
Beaucoup de pianistes se sont essayés à la technique harmonique de Thelonious Monk. Je le dis sans crainte d’être contredit : Thelonious Monk n’a pas d’imitateur. Pour jouer Monk, « il faut des pointures qui ont joué avec Monk, des humbles qui en savent l'esprit, qui savent encore un peu de celui du jazz » (Francis Marmande, Le Monde, 21 mars 1988). Monk ne saurait être imité : la musique qu’il produit est exclusivement celle qu’il entend dans sa tête, celle qu’il veut entendre, ce qui veut dire faire entendre. Il se moque de tout le reste : quelles notes enlève-t-il pour que ça ne ressemble à rien d'autre ? Personne n’est entré dans cette tête énigmatique. Elle a fait son boulot sur la Terre en produisant la musique qu’elle recelait : n’en demandez pas plus. Et puis un jour, elle s’est arrêtée de produire : elle était vide (c’est mon idée : Monk avait tout donné, rincé jusqu’au trognon sec). Il reste que ce grand Monsieur a donné à l’humanité infiniment plus que celle-ci ne lui a rendu.
9'04"
Le même avec en plus Charlie Rouse (saxo), Larry Gales (basse) et Ben Riley (batterie), les compagnons de route.
Alors la BD sur Pannonica de Koenigswarter (1913-1988), à présent ? Elle est intéressante : le personnage vaut le détour. Il faut du culot en effet pour naître dans une famille protégée des aléas de la vie par le mur de la fortune, et ne s’intéresser qu’à ce qui n’est pas convenu. Par bien des côtés, elle n’était pas « comme-il-faut ». En particulier, elle est tombée assez tôt dans cette musique inventée par les descendants des esclaves noirs aux Etats-Unis, cette musique qui s’est appelée le jazz. Pour une "lady", ça fait tout de suite mauvais genre.
Dans ce livre qu’on pourrait qualifier de « biopic », le scénario de Stéphane Tamaillon rend justice à l’excentricité du personnage, soulignant son goût de l’aventure et son mépris du qu’en-dira-t-on, qui font qu’elle a du mal à se faire à son statut de mère et de « Dame de la Haute », qui a, du fait de son mariage avec le baron de Koenigswarter, quatre-vingts personnes à son service, dont elle ne connaît même pas la moitié.
La chaumière natale de Pannonica (Waddesdon).
On assiste à la montée de l’antisémitisme, aux menaces de plus en plus grandes qui pèsent sur la paix mondiale. La famille subit les événements de plein fouet, mais s’installe à New York, là précisément où bat le cœur du jazz. La séparation des époux interviendra, comme si la vie délivrait enfin à la baronne l’autorisation de se livrer pleinement à ce qu’elle préfère : la musique extraordinaire que produisent ces êtres à part que sont les musiciens noirs.
La baronne Pannonica de Koenigswarter à côté du grand homme (photo publiée dans le livre d'Yves Buin, Castor astral, 2002).
C’est chez elle que meurt brutalement le saxophoniste Charlie Parker : il me semble que Clint Eastwood inclut la scène dans Bird, le film qu’il a consacré au musicien mort à trente-cinq ans. Et c’est chez elle que se réfugie Thelonious Monk, pour vivre les années qu’il lui reste à vivre. Chez elle, où il cessera un jour carrément de toucher au piano. Dialogue : « Tu n’en as pas assez de passer tes journées à dormir ou à regarder voler les pigeons, Thelonious ? – Que veux-tu que je fasse d’autre ? – Jouer du piano ? – Non, je n’ai plus envie. » Cet échange proposé par Stéphane Tamaillon est plausible. J’avais lu ailleurs que Thelonious Monk passait au milieu de sa chambre ou du salon des heures debout immobile.
Quant au dessin de Priscilla Horviller, même si je ne raffole pas de ce style personnellement, je dois reconnaître la grande probité du trait, qui n’en rajoute pas dans les effets : des pages sobres et qui vont à l’essentiel. A tort ou à raison, je perçois de la féminité dans l’approche. Et je me permettrai un reproche, dans les expressions des visages, visiblement marquées par l’influence japonaise des mangas, ce qui aurait plutôt tendance à m’horripiler : la grimace m'indispose. Mais il y a de vraies belles images qui font oublier ce détail.
Un beau dessin : Thelonious Monk, perdu en lui-même, muet, il a tout dit : il n'y a plus d'abonné au numéro que vous avez demandé.
Quoi qu’il en soit, merci aux auteurs pour l’excellent moment que je viens de passer en compagnie de l'un des quelques musiciens qui occupent le sommet de mon panthéon musical.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans BANDE DESSINEE, MUSIQUE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, jazz, thelonious monk, stéphane tamaillon, priscilla horviller, éditions steinkis, la baronne du jazz, pannonica de koenigswarter, francis marmande, journal le monde, martial solal, ma vie sur un tabouret, messiaen, vingt regards sur l'enfant jésus, messiaen catalogue d'oiseaux, thelonious monk black lion, thelonious sphere monk, ponzio postif, yves buin, blue monk, between the devil and the deep blue sea, jazz new orleans, duke ellington, jazz swing, larry gales, paul motian, ran blake, tommy flanagan
vendredi, 19 juillet 2019
VIALATTE ET LA MUSIQUE CONTEMPORAINE
Ce que c'est que le hasard, quand même. J'écrivais il n'y a pas longtemps (30 juin) un billet sur la musique contemporaine dans son rapport avec le siècle qui l'a vu naître. Et puis voilà-t-il pas que je tombe sur un article d'Alexandre Vialatte traitant du même sujet. Pas besoin, n'est-ce pas, de vanter le talent supérieur du maître pour emballer le sujet dans un papier aussi chamarré que cinglant, et énoncer quelques vérités de bon sens dans un domaine où le commentateur moderne préfère s'enivrer de mots, de phrases et de formules aussi abstraits et savants qu'amphigouriques (« on l'a successivement traité par la ruse et le vocabulaire », dit très justement Vialatte).
Les discours sur l'art d'aujourd'hui (musique, peinture, etc.) ont tellement tendance à s'enrober d'une écœurante gélatine conceptuelle puisée dans les usines à produire de l'intelligence et du savoir en conserve qu'on est tout étonné de lire, sous la plume de Vialatte, que « le bruit est resté lui-même, avec aggravation ». Non, le bruit n'est pas devenu musical : il est resté lui-même. Il ne pouvait pas faire autrement. Marcel Duchamp et Pierre Schaeffer – les premiers très grands paresseux de l'art moderne (Andy Warhol aussi, qui déclarait : "J'aimerais bien peindre, mais c'est trop difficile".) – ont beau dire : il ne suffit pas de nommer n'importe quel objet "œuvre d'art" ("ready made" chers à Duchamp) ou n'importe quel bruit "musique" ("objets musicaux" chers à Schaeffer) pour faire de l'art ou de la musique. Depuis ces individus, il ne s'agit plus de se rendre maître d'une technique mise au service de visions personnelles, il s'agit d'avoir des idées vendables.
Dans l'univers sonore, les êtres s'inscrivent dans une hiérarchie : tout en bas de l'échelle, il y a les bruits, provoqués par la matière brute et les événements naturels ou les actions humaines. Au-dessus se trouvent les sons émis par les êtres vivants, le langage, les aboiements, les meuglements, les roucoulements (ça, c'est pour faire plaisir aux anti-spécistes). Au sommet se trouve la musique, qui met de l'ordre dans les sons pour le plaisir des hommes. Et au sommet de la musique, il y a la mélodie. Dire qu'un bruit est de la musique, c'est juste une imposture.
Ce texte est réconfortant. Il me confirme dans mon idée : il est parfaitement logique que, dans un siècle de moins en moins fait pour l'homme, la musique (je parle de la "grande") ait oublié qu'elle aussi était faite pour l'homme. Je ne sors pas de là : il n'y a pas de bruits dans la musique (mais des instruments exclusivement réservés à l'usage musical), il n'y a pas de musique sans mélodie, il n'y a pas de mélodie sans visage humain. Je me demande si le texte qui suit n'est pas venu à Vialatte après l'audition de Déserts d'Edgar Varèse (voir ci-dessous l'allusion au "tambour à cordes").
***
La vie doit-elle être un film muet ?
On a passé au Conservatoire, le mois dernier, le concours de cloche de vache. Ce tintement rustique s’est ajouté aux vacarmes de la cité. Mais la cloche de vache n’est pas un instrument qui puisse se suffire à lui-même : on n’en joue qu’avec le tam-tam, le gong, la cloche classique et le tambour de basque, deux grosses caisses à pédales, une caisse claire à deux tons, la cymbale suspendue, le triangle et les castagnettes. Et ce n’est là que la batterie ! Elle s’emploie avec cinq timbales, un xylophone à cinq octaves et le vibraphone électrique. Et ce n’est là que ce qu’on a demandé au concours du Conservatoire. Le même homme, dans la pratique, ajoute à tous ces instruments le temple-bloc, le tambour militaire, le tambour chinois, la cymbale à pédale, les bongos, le tambour à cordes (avec lequel on imite le lion), le wood-bloc, la crécelle, le fouet. Il n’y manque que le bloc-évier, l’arrache-noyaux à charnière et la machine à décerveler. Qu’on imagine seulement quinze musiciens s’entraînant à ces fêtes peaux-rouges dans un hôtel pour personnes nerveuses entre minuit et deux heures du matin ! Qu’on songe qu’il y a des phobiques qui ne supportent pas le tam-tam, des déprimés qu’agace la cloche de vache et des maniaques qui sont indisposés par le rugissement du lion.
Voilà pourtant où nous en sommes : la civilisation du bruit.
Arts a jeté les hauts cris, il y a quelques années. Des remèdes ont été tentés. Michel Magne a failli sauver la situation : il avait inventé la « musique inaudible » pour travailler les nerfs sans bruit. Malheureusement, elle ne va pas sans harmoniques. Et les harmoniques de la musique qui ne s’entend pas font un vacarme épouvantable. Pour bien entendre le silence de cette musique, il faut que l’oreille aille le chercher sous une telle épaisseur de fracas que beaucoup de vaillants se sont découragés (aussi a-t-il inventé cette année la musique qui, disent ses programmes, paraît meilleure à ceux qui ne savent pas la musique). Après la musique pour les sourds, la musique pour les durs d’oreille. Mais cela nous rapproche-t-il vraiment d’une solution ?
Il y a la musique concrète qui a fait entrer dans la musique le bruit de casserole, l’arrivée d’express et le tonnerre du seau à charbon. Devenant musicaux, ces bruits auraient dû acquérir je ne sais quoi de mélodique : « la musique est le moins inharmonieux des bruits », c’est une constatation de Goethe. Il n’en fut rien.
On inventa le sifflet pour chien. A ultrason. Le chien seul l’entend. Mais c’est une solution partielle.
Enfin on supprima le klaxon. C’est une solution limitée.
Que faire de plus ?
On a désincarné le son. Il s’est rattrapé sur l’harmonique ; on l’a décrété musical, il a envahi la musique ; on l’a traité successivement par la ruse et le vocabulaire, aucune lessive ne l’a déteint. Le bruit est resté lui-même, avec aggravation [c'est moi qui souligne].
Restait à le traiter par la science. On l’a donc rendu scientifique. On a mis le silence en courbes et en diagrammes. On s’est servi d’un tampon vaseliné et d’un chaudronnier de cinquante ans, on a comparé des tampons avec vaseline et sans vaseline, des chaudronniers de trente et cinquante ans, des chaudronniers intermédiaires, que sais-je ? des tonneaux de sableurs (c’est un vrai roman d’aventures), on a noyé tout ça dans l’expression savante, le « phone », le « spectre », le « décibel » ; bref, on a mesuré le silence ; on l’a créé en laboratoire ; on l’a obtenu par l’éprouvette ; il ne reste plus qu’à le reproduire dans l’industrie.
Comment ? Si vous voulez le savoir, lisez La Lutte contre le bruit.
Je n’en recommande pas le français. Les ingénieurs et les médecins se sont créé une sorte de langage qui a quelque chose de satanique (« Le vice de Satan est la solennité »). Autant ils sont clairs et précis dans l’explication scientifique, autant ils nous étonnent par leur complication pour dire les choses les plus simples du monde. J’entre en admiration lorsque je considère de quelle façon majestueuse on peut dire que le bruit casse les oreilles de l’homme [c'est moi qui souligne], de quelles autorités mondiales on peut appuyer si peu de chose, de quelles résonances pascaliennes on peut le faire retentir. Pour constater que l’homme a besoin de repos il ne leur faut pas moins de six lignes, on les sent près de citer l’Ecriture, ils vont chercher leur souffle au fond de l’estomac.
En revanche, quelle ingéniosité dans l’étude des trépidations, quelle richesse dans l’information, quelle élégance dans les diagrammes, quelle invention dans l’expérience ! Résumons-nous, quelle poésie ! Ce qui confond l’esprit, c’est le nombre stupéfiant de chaudronniers mâles que peut consommer l’acoustique. La médecine emploie le cobaye, l’acoustique emploie le chaudronnier. Elle l’expose vingt-quatre ans au bruit de son métier, ou trente et un (page 49), trente-cinq, trente, vingt-cinq, quarante-sept (page 50), pour évaluer sur un graphique son affaiblissement auditif ; rien ne lui coûte, s’il le faut elle l’exposera cent ans. Elle lui fourre du coton dans les oreilles et dresse une autre courbe ; il y a des courbes de chaudronnier avec coton et de chaudronnier sans coton, avec vaseline et sans vaseline, avec coton sur la vaseline, avec vaseline sur le coton. C’est prodigieux. L’acoustique sait toute chose : le « rail normal », le « rail chantant », comment le chien rêve quand le son s’interrompt plus de vingt-deux fois par minute (ce qui est beaucoup plus dangereux que le son continu), et que le silence peut réveiller un homme. (Il faut tout lire : c’est passionnant.)
***
Vialatte n'a pas compris la musique contemporaine. Pour une raison simple : il n'a pas compris son époque. Je veux dire évidemment qu'il en a compris l'essentiel et la nature profonde, mais qu'il n'en a pas accepté les aspects désolants ou répugnants. Il le dit, certes, avec une immense classe et une grande élégance, mais c'est pour mieux cacher sa fureur face à la bêtise et à la déshumanisation. Aucun être ne peut se prétendre humain et civilisé s'il peut admettre qu'on qualifie de "musique" le règne du bruit, de la dissonance systémique et de la violence auditive. (ajouté le 8 août)
Ce texte figure dans Profitons de l'ornithorynque (Julliard, 1991, pp.246-248). A l'origine, il a été publié dans la N.R.F., à une date qui n'est malheureusement pas précisée.
09:00 Publié dans LITTERATURE, MUSIQUE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, musique contemporaine, alexandre vialatte, littérature, edgar varèse, profitons de l'ornithorynque, art contemporain
dimanche, 30 juin 2019
VARÈSE AVAIT TOUT COMPRIS
IL N'Y A PAS DE MUSIQUE SANS SONS,
MAIS IL Y A DES SONS SANS MUSIQUE.
Précision : j'ai pris Varèse pour faire le titre, mais il va de soi que le propos de ce billet s'adresse à tous les compositeurs du 20ème siècle, et même au-delà, aux autres artistes. L'idée générale est la suivante : pour avoir une idée de l'état moral de la civilisation actuelle et du soi-disant "Progrès" qui la guide et l'anime, regardez les œuvres des artistes, et écoutez les œuvres des compositeurs de musique savante.
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Pelléas et Mélisande-1907, Le Sacre du printemps-1913, Désert-1954 : Claude Debussy, Igor Stravinsky, Edgar Varèse. Autant de scandales éclatés dans la France de la première moitié du 20ème siècle. Fontaine-1917, c’est l'urinoir signé R. Mutt, alias de Marcel Duchamp. Et vlan, encore un scandale. Merda d’artista-1961, c’est Piero Manzoni. Le gobelet d’urine, c’est je ne sais plus qui. Cloaca (la machine à faire caca), c'est Wim Delvoye en 2000. Derniers scandales en date : le « Vagin de la reine », d’Anish Kapoor à Versailles, les « Tulipes » de Jeff Koons, le « plug anal » de Paul Mc Carthy au milieu de la place Vendôme, j’arrête là.
Au théâtre, à l’opéra, on ne compte plus les metteurs en scène qui ont « dépoussiéré » les œuvres majeures du répertoire à coups d’attentats contre les « routines » d’un public « paresseux » et « encroûté », pour « nettoyer les écuries d’Augias » ou « faire souffler un vent nouveau » (rayer la mention inutile). Tiens, dans le Don Giovanni donné ces temps-ci à Strasbourg, Leporello met du poison dans les plats, Donna Anna jette du vin à la figure du séducteur et le Commandeur devient barman : vous le sentez, « l'air frais et vivifiant » ?
Dans le domaine esthétique tout entier, l’histoire du 20ème siècle est jalonnée par les pierres blanches des scandales. Les milieux artistiques, qu’on disait conservateurs, se sont mis au goût du jour et ont adopté le langage cérébral qui convient pour donner à toutes sortes de nouveautés le poids de l’intellect. On s’est mis à idolâtrer les avant-gardes et à guetter l’inouï et le jamais vu. Tous les arts sont touchés par ce phénomène, mais je parlerai ici principalement du domaine musical.
Les beaux esprits qui se font des piquouses à l’air du temps, et tombent dans tous les panneaux pour avoir l’air bien informés, en tirent argument pour en conclure que, quand une œuvre est novatrice, elle commence par « heurter les sensibilités », mais finit toujours par devenir un « classique », sur le refrain : « On s’habitue à tout ». C'est parfois vrai, mais loin d’être la règle (tiens, pour voir si vous le trouvez « classique », essayez la "première" de Déserts de Varèse (27'15") en 1954, et accrochez-vous, je parie que le Sacre de Stravinsky prendra des airs de Mozart. Frank Zappa admirait Varèse).
Ce qui est amusant, c'est que Varèse, qui avait peut-être prévu l'accueil "festif", se débrouille pour qu'il y ait par épisodes plus de bruit sur la scène que dans la salle.
Et le public, dans tout ça ? Eh bien le public, lui, dans sa plus grande partie, est resté sur place. Pendant que les arts (musique, peinture, etc.) montaient dans le TGV et prenaient la voie rectiligne et scintillante de la modernité, le public en restait au pas mesuré du laboureur à sa charrue, derrière son cheval, les sabots dans la glèbe. Et la technique ne l’a pas aidé, on peut le dire, à accélérer l’allure, contrairement à ce qu’on pourrait penser a priori.
Car la technique au 20ème siècle, en plus de donner des moyens révolutionnaires aux compositeurs (qui se sont jetés dessus comme des prédateurs affamés : onde Martenot, Theremine, magnétophone, sampler, etc.), a apporté au public tout ce qu’il fallait pour entretenir son naturel conservatisme esthétique. D’abord la radio, puis la télévision, qui caressent forcément l’auditeur dans le sens du poil ; mais aussi la conservation (enregistrement) et la reproduction (disques) de la musique en train de se faire : ça paraît inconcevable aujourd’hui, mais il fallait auparavant sortir de chez soi pour entendre de la musique, ou alors la pratiquer soi-même pour en faire à la maison.
Du coup, la musique en train de se donner en concert en direct a perdu de sa prégnance et de sa surface commerciale (je ne parle pas du rap). Ce qu’on appelle « musique contemporaine » est devenu une option parmi cent cinquante autres, puisque, grâce à la technique, toutes les musiques sont devenues « contemporaines ».
Et par la vertu des moyens de reproduction, toutes les musiques ont acquis les vertus domestiques de la consommation individuelle, voire solitaire, pour ne pas dire égoïste. Et les étiquettes (on pourrait dire « compartiments », « cases », « ghettos », …), dans les rayons « musique » de la FNAC, se sont mises à proliférer et se multiplier. Pierre Bouteiller avait mis un "s" à "musique" quand il dirigeait l'antenne musicale publique (ceci pour dire que l'élite intellectuelle se fait volontiers la messagère de tout ce qui voudrait la voir morte et en enfer).
Pour ce qui est des musiques savantes, je veux parler des avant-gardes, tout ce beau monde a décidé d’oublier le grand public et d’en revenir à la bonne vieille doctrine de « l’art pour l’art » : moi l’artiste, moi le compositeur, j'oublie que la musique est faite pour être entendue et appréciée par des oreilles humaines, je suis désormais l'explorateur des possibles, l’expérimentateur des formes, le chercheur en blouse blanche, je combine et fabrique au fond de mon laboratoire, j’en sors pour offrir mes trouvailles au monde, et tant pis pour les mélomanes, qui n’ont qu’à me suivre, s’ils ne sont pas trop fossilisés dans une tradition paralysante. Une petite élite d’amateurs préoccupés de « vivre avec leur temps », ça me suffira.
Aparté : j’ai longtemps fait partie de ces gens-là. Je n’en éprouve ni honte ni fierté : cela fut. Cela n'est plus. J'en ai gardé de fort rares prédilections. Mais le plus souvent, je suis obligé de fermer les écoutilles, en me demandant pourquoi les compositeurs modernes et d'aujourd'hui ont banni de leurs préoccupations l'intention de procurer à leurs auditeurs une émotion musicale. Comme s'il était interdit désormais au public d'éprouver du plaisir, et pourquoi pas, de la jouissance. Dans l'immense majorité de sa production, la musique contemporaine déteste le plaisir. (ajouté le 5 juillet)
Le grand public a réagi avec bon sens et à-propos : il a déserté les salles, se disant qu’on ne paie pas son billet d’entrée pour se faire marcher sur les tympans par des bataillons de sons chaussés de bottes à clous (ou inversement, pour chercher dans une botte de foin trois pets inodores qui se courent après). Les directeurs de salles et programmateurs de concerts ont fini par comprendre. En sadiques modérés, ils ont adopté la stratégie du sandwich : une tranche de Stockhausen entre une Quatrième de Beethoven et une Ouverture de Mozart, convaincus qu’à la longue le public s’y fera : « Nous avons les moyens de vous faire aimer la contemporaine » (dit - presque - le SS "Papa Schulz"-Francis Blanche dans Babette s'en va-t-en guerre).
Mais globalement, disons-le, le grand public a résisté à ce qu'il n'arrivait pas à comprendre. C'est un fait : pour entrer dans la musique contemporaine, il faut quelques clés. En particulier, il ne faut pas ignorer que la musique a quelque chose à voir avec le mouvement de l'histoire. Il faut se faire une idée des grandes "problématiques" touchant la tonalité, la mélodie, les timbres, les instruments, la notion d'œuvre (pièces aléatoires de Boucourechliev et autres), l'auditoire (cf. le célèbre 4'33" de Jogn Cage) et autres fantaisies théoriques.
Or le grand public n'avait pas une vue très claire des bouleversements intervenus dans la réalité globale du monde. L'époque, et donc la musique étaient radicalement nouvelles. Quelques révolutions bien réelles avaient eu lieu, changeant de fond en comble les conditions de l'existence et des productions esthétiques. Que peut-on chanter, que peut-on écrire, après deux guerres mondiales, après la bombe atomique, après Auschwitz ? Sûrement pas l'adagio d'Albinoni. L'histoire était passée par là.
En vociférant contre le compositeur qui, selon lui, massacre la "musique", le grand public se trompe de cible (idem en peinture : "Un gamin de cinq ans en ferait autant") : c’est contre l’époque capable d'engendrer de tels monstres, que devraient s’élever les récriminations. Bizarrement, l'auditeur supporte aisément la réalité générale dans laquelle il vit, mais hurle contre des objets esthétiques qui n'en sont que les produits.
Il faut s'en convaincre : la musique contemporaine a tout compris du temps dans lequel elle est composée : elle porte très naturellement les clameurs politiques, les tumultes guerriers, les misères noires, les drames affreux, le chaos sensoriel et l'anarchie conceptuelle qui ont pris les commandes de l'humanité. Il n'y a plus des sons proprement musicaux et spécifiquement organisés sortis d'instruments fabriqués pour ça.
Tous les sons sont devenus égaux, y compris ceux qu'on appelait "bruits" avant que Pierre Schaeffer n'en fasse des "objets musicaux". Par exemple, j'avais assisté à une répétition où les jeunes violonistes, obéissant à Ivo Malec, devaient frapper (pas trop fort, mais "a tempo") le bois de l'instrument avec le bois de l'archet ("Musique nouvelle", Lyon, 1981). Bien des compositeurs sont arrivés à faire pire. Le 20ème siècle ne pouvait pas espérer mieux pour le domaine musical que ce champ de batailles.
La musique faite au 20ème siècle, qui porte tous les bruits et toutes les fureurs du monde, ressemble trait pour trait au siècle où elle a vu le jour (oui, je sais qu'on est au 21ème). Pleine de vacarmes, d'horreurs et de tortures sans précédent, elle est en parfaite adéquation avec lui. C'est l'attitude face au siècle qui doit façonner l'attitude face aux arts, et c'est encore loin d'être le cas. Comme s'il y avait une césure entre les deux. A moins que l'auditeur ne vive dans une bulle protectrice.
Berg, Schönberg, Prokofiev, Partch, Ligeti, Stockhausen, Boulez, Gubaidulina, Barraqué, Schwarz, Xénakis, Penderecki, Nancarrow, Zimmermann, Webern, Boucourechliev, Cage, Berio, Kagel, Greif et tous les autres, ils ont tout compris au siècle, et ils ont composé la musique qui entrait le plus fort en résonance avec lui. Et le grand public, sans même s'en rendre compte, étranger à toutes ces musiques de son temps, vit hors de son propre siècle.
Le grand public n’a pas compris que s’il juge insupportable beaucoup de la musique contemporaine, c’est parce que c’est le siècle qui est insupportable, et que la musique ne fait que l'exprimer. Alors que lui, grand public, qui veut continuer à supporter l'existence, continue à vivre comme si étaient réunies comme avant toutes les conditions pour vivre harmonieusement. Le grand public a mis la tête dans le sable. Les tumultes, les rages, les catastrophes peuvent bien se déchaîner, le grand public se déchaîne quant à lui contre les œuvres qui, dans leur forme ou dans leur contenu, le mettent face à cette réalité sauvage.
Le monde est enragé, mais « la vie continue ». La réalité peut devenir atroce, mais il faut pouvoir continuer à dormir le cœur en paix et à passer des repas tranquilles. Et si, pour mon compte personnel, je déteste une majeure partie de ce qui se fait en musique savante aujourd’hui, c’est parce que je l'inclus dans le tableau d'ensemble. Je sais que notre temps est de moins en moins présentable et habitable (ce qui ne m'empêche pas de jouir de ma petite existence).
J’ai une fois pour toutes cessé d’adhérer à l’ignoble fiction du « Progrès », et cette antipathie va aussi, bien évidemment, aux œuvres qui en sont le fruit. Je coupe le son lorsque viennent les « mercredis de la contemporaine » sur France Musique, sauf en de très rares occasions où, en pleine célébration du culte des sons, du bruit et de la fureur, je vois se dessiner le visage d’une vraie mélodie qui me susurre à l’oreille : « Non, tout n’est pas perdu ».
Voilà ce que je dis, moi.
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Quelques phrases d'un baratin que j'avais pondu ici même le 9 décembre 2015. Je n'ai guère progressé.
Qui adhère avec enthousiasme à l’époque, est logiquement gourmand d’art contemporain, de musique contemporaine. Qui est rebuté par l’art contemporain, en toute logique, devrait diriger sa vindicte contre l’époque dont celui-ci est issu, et non pas seulement contre l'art qu'elle produit..
L’art contemporain découle de son époque. Tout ce qui apparaît minable dans l’art contemporain découle logiquement du minable de l’époque qui le produit. Ce n’est pas l’art qui pèche : c’est l’époque. Nous avons l’art que notre époque a mérité. Quand la laideur triomphe, c’est que l’époque désire la laideur.
Mais si l’on admet que c’est l’époque qui produit cet art déféqué, c’est moins l’art qui est à dénoncer que l’époque qui l’a vu et fait naître, tout entière.
Mais il y a une certaine continuité. Ajouté le 9 août 2019.
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lundi, 03 juin 2019
TOUJOURS LUDWIG
On n'est pas le 26 mars, mais ce n'est pas une raison pour ne pas rendre hommage à un homme supérieur, par ailleurs pétri de faiblesses et même d'infirmités. Y aura-t-il besoin de le nommer ? Dans l'ordre : un moulage de son visage à l'âge de 42 ans (il mourra à 57) par un nommé Stein, un moulage de son visage et de ses mains sur son lit de mort par un nommé Danhauser et une panoplie d'appareils acoustiques, dont on se demande à quoi ils ont bien pu lui servir.
Je m'interrogeais depuis un certain temps sur l'existence de deux moulages du visage de Beethoven. Je ne comprenais pas pourquoi ce que je prenais pour deux masques mortuaires présentaient une telle différence, l'un étant celui d'un bon vivant, l'autre d'un cadavre plus vraisemblable. Ce n'est que très récemment que j'ai compris, grâce aux illustrations d'un ouvrage par ailleurs très oubliable, que l'un des deux ne l'était précisément pas, mortuaire.
Que dire de cette photo, trouvée dans le même ouvrage – l'auteur est un médecin et l'éditeur un grand laboratoire pharmaceutique –, du moulage des mains de Beethoven, en dehors du fait qu'elle contient quelque chose de fascinant ?
La trivialité de l'attirail acoustique ne cadre guère avec l'idée qu'on se fait du génie mais, comme disait je ne sais plus qui : « Il n'y a pas de grand homme pour son valet de chambre ». Mais avait-il un valet de chambre ?
09:00 Publié dans MUSIQUE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, ludwig van beethoven, beethoven, masque mortuaire
mardi, 02 avril 2019
PROUD MARY
Et l'interprétation de la même chanson par Marcel Gotlib dans l'inoubliable Echo des savanes (c'est le micro - qui devient macro - qu'il faut observer).
Et pour ceux qui trouve la version ci-dessus trop tape-à-l'oreille.
Et pour les amateurs d'authentique : Creedence Clearwater Revival.
09:00 Publié dans MES CHANSONS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, bande dessinée, gotlib, tina turner, proud mary, l'écho des savanes
mardi, 26 mars 2019
UN CERTAIN 26 MARS
C'était en 1827.
Il s'appelait Ludwig. Parmi ses dernières œuvres composées, le prodige du quinzième quatuor, celui où, chaque fois, j'ai l'impression de "rentrer à la maison".
Apprenant le décès du grand Ludwig, un certain Félix Mendelssohn, alors âgé de dix-huit ans, écrit aussitôt un quatuor qui deviendra son opus 13, et qui par certains côtés n'est pas sans rappeler ce chef d'œuvre absolu.
Dans le genre "hommage", on a connu pire !
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