xTaBhN

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 03 novembre 2023

TOUCHE PAS A "MA RAINEY" !

Je ne sais pas vous, mais moi, j'aime le jazz (entre autres). Comme un nombre plus que respectable de mes contemporains, et depuis 1966, pour replacer dans le temps. J'y suis entré par La Rage de vivre, ce merveilleux livre où Milton "Mezz" Mezzrow raconte sa vie, aidé pour tenir la plume du journaliste Bernard Wolfe. Ceci pour dire que mes premières amours en la matière appartenaient à cette sorte particulière de musiciens : ceux qui vivaient, jouaient ou faisaient les 400 coups dans la ville de Chicago, entre 1920 et 1935.

Beaucoup d'entre eux avaient migré de la "crescent city" qui a nom La Nouvelle Orléans, mais en transportant dans leurs bagages toute la musique, telle qu'elle se pratiquait dans ce Sud profond : King Oliver, Louis Armstrong, Jimmy Noone, Johnny Dodds, Kid Ory et toute la pléiade des génies qui faisaient le bonheur, alors presque exclusif, des Noirs, et qu'on retrouve au fil des pages du livre de Mezzrow.

Je n'ai jamais cherché à savoir si l'auteur de La Rage de vivre racontait des carabistouilles, et je m'en contrebalance : après dévoration du bouquin en bonne et due forme, j'ai embrayé sur les achats de disques de tous les souffleurs et tapeurs hautement recommandés de l'époque. Voilà mon baptême du jazz tel qu'il a duré plusieurs années, avant que je me rende compte, au fil de mes fréquentations, de mes lectures et de mes soirées au Hot Club et au B.C.Blues (les Lyonnais de ma génération n'ont pas besoin d'explications) avec les copains et les copines, que le jazz avait une histoire, et que les formes avaient diantrement évolué au cours de celle-ci.

Mais pour en rester à mes premiers pas dans le jazz, Mezzrow ne parle pas de Ma Rainey, mais il parle, et en quels termes, de Bessie Smith qui, je me souviens, lui passait la main dans les cheveux en riant, parce que ses ondulations faisaient comme des vagues qui lui donnaient le mal de mer. La voix de Ma Rainey est, si c'est possible, plus âpre, plus "rough", plus "roots" que celle de Bessie, encore que ça se discute. Toutes deux se sont connues, elles sont à peu près de la même génération, elles ont fait les mêmes tournées. La première ("Mother of the blues") en plus austère, la seconde ("Empress of the blues") en plus "prenante". C'est plutôt elle que l'histoire du jazz et du blues a retenue, même si elle reste dissimulée derrière les silhouettes écrasantes d'Ella, Sarah, Helen, Dee Dee et toutes les autres voix médiatisées ou invitées dans les festivals. Il reste que Ma Rainey demeure une grande artiste, un monument. 

Or, voici ce que je découvre, horrifié, dans un supplément du Monde daté 01-02 novembre 2023 (ci-dessous).

2023 11 01-02 MA RAINEY 2.jpg

Je lis bien "Ma Rainey". Je n'en crois pas mes yeux. J'ai rogné l'image de M. Langergraber publiée par Le Monde, j'ai recadré la légende, mais le matériel est garanti d'origine. Voilà une guenon qu'un cerveau malade a baptisée du nom d'une des femmes noires les plus admirables des Etats-Unis, une des femmes qui ont le plus compté dans la naissance et l'histoire du jazz et du blues. Ben merde !!!

jazz,blues,milton mezz mezzrow,bernard wolfe,la rage de vivre,jazz nouvelle orléans,jazz chicago,louis armstrong,king oliver,jimmy noone,johnny dodds,kid ory,ma rainey,bessie smith,mother of the blues,journal le monde,christiane taubira

Gertrude Pridgett "Ma" Rainey, 1886-1939.

Passons sur la guenon "ménopausée". Ce qui est sûr, c'est qu'il y a de l'insupportable dans cette manie qu'ont certains (scientifiques ? Vous êtes sûr ?) de vouloir à n'importe quel prix conférer à l'animal une dignité personnelle qui, en l'élevant au-dessus de lui-même, lui fait usurper un statut de quasi-humain qu'il n'a jamais songé à réclamer. Et qui se trouve humiliante, dégradante, infamante pour la personne humaine qu'elle implique — d'une insigne valeur — et qu'on a dépossédée de son nom pour le jeter dans un zoo.

J'attends que Madame Christiane Taubira, dont tout le monde a en mémoire les diatribes véhémentes, hautaines et péremptoires, descende dans cette arène pour rétablir l'ordre des valeurs, elle qui fut, il y a quelques années, traînée dans la boue dans un torchon journalistique où une telle comparaison animalière se voulait une charge politique haineuse.

Bon, on dira que je pars en guerre contre les moulins à vent. Possible. Dans ce cas, qu'on veuille bien ne considérer ce billet que comme un mouvement d'humeur manifesté en réaction à une saloperie ordinaire.