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jeudi, 13 novembre 2014

QUE RESTE-T-IL DE 14-18 ?

MONSIEUR SAX

 

Je connais bien le Hartmannswillerkopf, son cimetière militaire niché sous le sommet de l'éperon rocheux, où sont rassemblées les dépouilles des morts de 14-18. Je le connais d'abord comme tous les touristes qui s'engagent sur la "Route des Crêtes" (D431) à partir d'Uffholtz, à gauche dans le village quand on va de Cernay à Guebwiller. 

On peut aussi, mais c'est moins couru, la prendre à  Wattwiller (oui, le village de l'eau minérale, non loin de Wuenheim, un village sans trop de charme et de caractère). Les deux bourgs sont situés juste en dessous. Disons que c'est la voie royale, le chemin officiel, celui qu'empruntent les autorités quand il s'agit de rendre hommage à l'occasion du centenaire du début de la guerre.

Je note en passant qu'il est ahurissant de célébrer le début d'une guerre. A-t-on idée ? Une Révolution de 89, ça se comprend, à cause de l'aspect fondateur de la chose, mais une guerre, franchement, surtout celle-là ? Célébrer cette gigantesque mort inaugurale, qui a enfanté le vingtième siècle et dont l'Europe ne s'est jamais remise ? Est-ce bien raisonnable ? 

On a beau me dire que désormais tout est réglé avec l'Allemagne, même si j'aime l'Allemagne, pour m'y être souvent rendu et y avoir longuement séjourné, je ne peux m'empêcher de trouver bizarre qu'on célèbre le début d'une guerre à la date anniversaire du jour où elle s'est achevée. Enfin non, pour être honnête, c'était un peu avant, les salamalecs franco-allemands organisés pour dire que tout baigne désormais et à jamais entre nous. Espérons.

Non, le Hartmannswillerkopf, je le connais surtout pour en avoir exploré les pentes il y a un certain temps, sous la houlette d'un orfèvre en la matière. Il s'appelait Monsieur Sax. Il était instituteur, directeur de l'école primaire de Hartmannswiller, c'est vous dire. Il m'avait montré le dossier épais comme une thèse de Doctorat d'Etat (ancienne manière) qu'il avait constitué, au fil des longues années qu'il a passées dans ce lieu, sur les hostilités qui ont nourri de chair et de sang les sols de ce versant des Vosges, quand il était encore allemand. Il en savait tout. Il en avait fait sa chose.

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Hartmannswiller et la silhouette sombre du Hartmannswillerkopf.

Ses promenades du dimanche, il les faisait invariablement sur les pentes du Hartmannswillerkopf (bêtement renommé en français "Vieil Armand"). Il y était comme chez lui. Attention, à l'époque, les Offices de Tourisme n'étaient pas encore passés par là pour viabiliser les lieux et les rendre fréquentables, ou pour dessiner, aménager et baliser des sentiers. C'était avant que la civilisation eût réoccupé les lieux. Dans les sous-bois, il fallait faire attention. Est-ce que c'était des ronces ou des barbelés rouillés ? Ce trou, là, est-ce que c'est un trou d'obus ou l'entrée d'une fortification souterraine ? Monsieur Sax avait dû y passer du temps, mais il avait fini par s'y connaître, et pas qu'un peu.

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Car il faut vous dire : après m'avoir montré le dossier, Monsieur Sax m'avait montré le terrain. Pendant un bonne petite journée, il m'avait fait crapahuter sur des pentes dont il connaissait la moindre aspérité, la moindre fondrière par son prénom. Monsieur Sax tutoyait le Hartmannswillerkopf comme s'il en était l'auteur. Je vous jure, à l'éloquence, à l'enthousiasme qui le gagnaient quand il en parlait, on aurait pu croire que c'était lui qui l'avait fait.

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Pour être franc, j'ai un peu oublié le détail des réjouissances. Ce dont je me souviens, c'est qu'il était en mesure de vous préciser qu'en tel lieu, vous étiez sous le feu des mitrailleuses allemandes, et de vous expliquer le pourquoi du comment de l'immobilisation du front sur une aussi longue durée. La topographie des lieux (le Freundstein, la chapelle Sicuranihartmannswiller,hartmannswillerkopf,uffholtz,cernay,alsace,route des crêtes,wattwiller,wuenheim,guerre 14-18,grande guerre,guerre des tranchées,vieil armand,chapelle sicurani,col du silberloch,freundstein, le Silberloch, le monument du 152ème RI (le 15-2, autrement dit les « diables rouges ») ça vous dit quelque chose ?), les tentatives de part et d'autre de faire bouger les lignes, les problèmes de ravitaillement des unités sous le feu de l'ennemi, les forces en présence, jusqu'au numéro des régiments, il était rigoureusement incollable. Allant jusqu'à vous détailler l'historique, par exemple, de la chapelle construite en 1916 par les hommes du 7ème BCA et dédiée à la mémoire du capitaine Sicurani et de ses hommes.

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Je me souviens surtout du terrain sur lequel nous avons évolué. Vu de loin, rien à craindre : une haute colline rébarbative, escarpée, couverte de bois (voir photo plus haut). Vu de près, un terrain horriblement accidenté, comme j'en ai rarement parcouru, caillouteux, crevé d'excavations de divers aspects et dimensions, tressé en certains endroits d'un écheveau de ronces et de fils de fer barbelés, certes rongés de rouille jusqu'au trognon, mais à l'aspect assez acéré pour vous ôter l'envie de vous y frotter, rien qu'en les apercevant.

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Monsieur Sax était alors un homme d'un certain âge, mais il restait singulièrement ingambe : il avait l'air de se promener dans son jardin pour vous nommer son plus petit rosier, celui dont il était le plus fier, avant de vous montrer avec la même bonhomie satisfaite son carré de poireaux. C'étaient les lieux d'une effroyable tuerie de quatre ans. Monsieur Sax était d'un autre âge : c'était un homme à béret.

Il m'avait montré aussi, je ne sais plus où sur le territoire de la commune de Wattwiller, le "Cimetière des Uhlans". Je me rappelle, j'avais eu l'impression d'entrer dans une église dont les piliers porteurs auraient été les puissants et sombres sapins qui avaient poussé sur le carnage.

Et je n'avais pas mon appareil photo !

Merci, Monsieur Sax, où que vous soyez aujourd'hui : je vous dois quelques moments intenses.

Voilà ce que je dis, moi.

Demain, le Linge. 

 

mercredi, 12 novembre 2014

QUE RESTE-T-IL DE 14-18 ?

Faut-il vraiment que la commémoration du 11 novembre se fasse sous une égide militaire ? Les morts n'ont pas d'uniforme. Et la plupart des vivants n'en avaient pas, avant d'aller se faire tuer.

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PROVINS

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DOUAUMONT

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ETAPLES

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FLIREY

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GERBEVILLER

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PIERREPONT

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SOUCHEZ, HAUT LIEU POUR LES BRITANNIQUES

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VRIGNY

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SIGOLSHEIM

Aujourd'hui, on organise des voyages touristiques dans les « lieux de mémoire ». On aménage des circuits pédestres sur ce qui fut la ligne de front. On a méticuleusement restauré les tranchées du site du mont Linge (plus précisément le "collet du Linge"). On reconstitue "ex nihilo" des tranchées dans des lieux qui n'ont jamais connu la guerre, à mille lieues des champs de bataille, peut-être pour y emmener les enfants des écoles. Pourquoi ne pas leur montrer les nécropoles et les cimetières aux croix alignées, avec chacune une plaque avec un nom ? Leur demander d'imaginer, à la place de chaque croix, un homme debout ? Puis un homme étendu ? Vous voyez le traumatisme ? Ce serait autrement formateur, non ?

Moi, je fredonne une chanson :

« J'aimerai toujours le temps des cerises,

C'est de ce temps-là que je garde au cœur

Une plaie ouverte ».

Elle est encore à ciel ouvert, la plaie.

mardi, 11 novembre 2014

QUE RESTE-T-IL DE 14-18 ?

Oui, que reste-t-il de la guerre de 14-18, aujourd'hui ? Eh bien c'est très simple :

Des nécropoles.

Des cimetières.

Des ossuaires.

Des plaques.

Des croix. Tant de croix. 

Des noms. Tant de noms sur tant de croix alignées, rectilignes.

Tant de noms gravés dans la pierre des monuments aux morts.

C'est cette guerre-là que l'historienne Annette Becker appelle la

« MATRICE DU SIÈCLE ».

C'est cette guerre-là que l'écrivain Ernst Jünger appelle le

« BERCEAU DU VINGTIÈME SIÈCLE ».

Je suis d'accord.

 

Après le champ de bataille, le champ des morts. Voilà ce dont a accouché la première guerre mondiale.

Nous sommes nés de cette mort-là.

guerre des tranchées,guerre de 14-18,la grande guerre,monuments aux morts,cimetière militaire,nécropole militaire

 Nécropole Nationale de Notre-Dame-De-Lorette.

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ALTKIRCH

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AVAUCOURT

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BADONVILLER

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CHAMPENOUX

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COURBESSEAUX

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CRÊTE DE VIMY, HAUT LIEU POUR LES CANADIENS, A QUI CE LIEU APPARTIENT A BON DROIT DEPUIS 1922

(3598 morts dans la bataille d'avril 1917, 7000 blessés)

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LA TARGETTE

 

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HARTMANNSWILLERKOPF

 

lundi, 10 novembre 2014

LES MATINS DE FRANCE CULTURE

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J’ai donc tiré un trait sur la matinée de France Musique. A regret. Je n’en suis pas encore là avec la Matinale de France Culture. Heureusement. Après avoir cassé tant de sucre sur leur dos, je peux bien dire que Marc Voinchet et Brice Couturier ne sont pas encore tout à fait aussi insupportables que les deux équipes de musiqueux dont j'ai parlé. Qu'il leur arrive même de faire des parcours sans faute. Et même d'être brillants. Ce n'est pas tous les jours, mais après tout c'est normal. 

 

Que les chroniqueurs sont tous plus ou moins intéressants et pertinents. Comme de juste, ça dépend. A la notable exception irrémédiable de l’infernal curé moralisateur, prêcheur et brasseur des grands mots de l’air du temps qui donne des leçons à tout le monde du haut de son « gros doigt grondeur » pointé vers les coupables. (J'emprunte le "gros doigt grondeur" au Sarajevo Tango du dessinateur Hermann.)

 

Je parle du moderne nettoyeur d’écuries, du terrifiant khmer rouge, de ce Saint-Just (Savonarole ? Jochanaan ? On a l'embarras du choix) quoiqu'au petit pied, qui a nom EDWY PLENEL, qui tient en réserve force de piques pour, le jour venu, pouvoir y planter autant de têtes que voudra ce moderne Fouquier-Tinville.

 

Ce n’est pas tant le fait qu'il milite pour une République Irréprochable et qu'il dénonce la corruption des élites politiques. C'est très bien, c'est même louable, mais il le fait sur un ton, mais un ton, … pour tout dire, un ton qui rend indéfendable la cause qu'il défend. Ma parole, il se prend pour Bossuet montant en chaire pour apostropher le Roi et les puissants ! Mais n'est pas qui veut l'Aigle de Meaux, monsieur Plenel. Ne pas confondre l'ampleur de l'éloquence avec l'enflure de la suffisance. La quête morale ne justifie pas ces égarements de l'ego. 

 

Pour tout dire, il le fait dans un tel langage, avec de telles intonations, de tels accents dans la voix que ça me donne envie de corrompre ou d’être corrompu, enfin, de m'enfoncer dans la corruption avec délectation, rien que pour le contredire. Qu'on m'en donne seulement les moyens, et on verra. J’espère pour lui qu’il est vraiment intègre et que son niveau de vie correspond à ses ressources, sans ça je ne serai pas le dernier à manier le bâton (ou alors le « Ciseau à merdre et le Bâton-à-physique » du Père Ubu, j'irai même peut-être jusqu'au « supplice du petit bout de bois dans les oneilles ») à la prochaine prise de la Bastille.

 

Mais en dehors de ce sinistre personnage, les autres chroniqueurs, leurs propos, leurs prises de position, « ça dépend, si y a du vent, si y pleut … » (Fernand Raynaud, Le Fût du canon). Et puis c’est beaucoup affaire de préférences personnelles, de ses sympathies, de ses propres choix de vie, et au total cela m’amène à relativiser : si j’écoute encore les Matins de France Culture, ce n’est pas seulement parce que c’est bien pire sur les autres chaînes de radio, c’est aussi parce que je trouve ici – peu ou prou – mon compte.

 

Les invités aussi sont pour beaucoup dans le résultat final. Je persiste et je maintiens : consacrer certaines émissions à « l’invité politique » est le type de la fausse bonne idée. C’est même une exécrable caricature de bonne idée qui, comme de juste et de bien entendu,  ne saurait offrir autre chose que le son de cloche terriblement convenu et attendu émis par la personne, payée pour tenir le rôle qu’elle joue sur la scène « politique » française, comme en ont administré la preuve les derniers invités, Michel Barnier, Fleur Pellerin et Valérie Rabault. Je fais une petite exception pour Yannick Jadot, mais il n’était pas là seulement pour parler politique.

 

Non, monsieur Voinchet, vous ne leur ferez jamais avouer qu’ils ont eu tort : ils ont retenu la leçon reçue en son temps par Lionel Jospin. Il faut les comprendre : s’ils « fendent l’armure », s’ils font à votre micro preuve de sincérité ou passent aux aveux, ils savent qu’une meute aboyante et impitoyable se lancera aussitôt à leur poursuite, excitée par des piqueurs trop heureux de sonner un hallali et de les voir mis à mort politiquement. Accessoirement de faire de la place pour le gibier suivant.

 

Mettre un politicien devant ses contradictions, c’est toujours peine perdue : il vous servira, au choix, selon son talent de cuisinier et sa conviction d’homme intègre (comment en douter ?), de la langue de bois, de la dénégation, de l’argumentaire alambiqué, du raisonnement amphigourique, ou encore des chiffres qui prouvent irréfutablement qu’il a raison et qu'il n'a jamais, au grand jamais, menti.

 

Le cas des hommes politiques français pris dans leur ensemble étant désespéré, quel besoin France Culture a-t-il d’entretenir auprès de la population l’illusion qu’ils existent et agissent efficacement en procurant une tribune d’expression à ces gens minuscules qui ne maîtrisent rien d’autre (mais à merveille) que le discours bétonné qu’ils dévident et récitent complaisamment ? Ils sont tous amoureux du statu quo.

 

Pour les autres invités, j’imagine que dénicher des gens très au fait d’une situation, très compétents dans leur domaine et qui sachent à peu près se tenir devant un micro n’est pas une mission des plus facile. Parmi les plus récents, on ne peut nier ces qualités à Yves Coppens, bien qu’il n’ait plus grand-chose de foncièrement nouveau à apporter depuis son formidable Pré-ambules : les premiers pas de l’homme. Mais il a atteint un âge vénérable et mérite le respect. Et toujours le ramener à la découverte de Lucy (si possible in the sky), franchement, ça fait rengaine.

 

Je ne vais pas m’amuser à établir un tableau d’honneur, puis un tableau d’horreur, ce serait ajouter un palmarès personnel aux déjà trop nombreux qui paraissent pour satisfaire l’obsession moderne de l’évaluation et du classement (en notant au passage que c’est le moment que choisissent des « spécialistes » pour proposer d’abolir la notation à l’école : l’époque n’est pas à un paradoxe près).

 

Mais je pense au cas d’Alberto Saviano, dont j’avais lu avec intérêt et inquiétude l’excellent Gomorra. Qu’est-ce qui vous a pris, monsieur Voinchet, de l’interroger sur sa situation personnelle (cible des mafias, gardes du corps, …), alors que le sujet de son livre à lui seul méritait toute la place ? La dérive « people » et « presse à sensation » n’est pas loin.

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N’avait-il donc rien à dire de ses trouvailles sur les tenants et aboutissants des trafics de cocaïne ? Voilà qui aurait été intéressant. « Caramba ! Tout est à recommencer ! » (ou « Caramba ! Encore raté ! », au choix). Sur le même sujet, bien que plus général (l’auteur travaille sur l’économie criminelle et ses circuits financiers), je pense à Jean de Maillart, qu’il me semble au reste avoir entendu aux « Matins », il y a longtemps.

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Donner priorité à l’anecdote sur le fond, c’est d’ailleurs une tendance de l’animateur, qui focalise souvent ses questions sur la personne invitée plutôt que sur le sujet (un ouvrage récemment paru, par exemple) qui a motivé sa venue. Une autre tendance regrettable est cette manie qu’il a de ramener le propos à des formules connues, à des références au passé, à des situations, à des catégories, voire à des lieux communs, alors qu’il faudrait amener la personne à creuser ce que sa démarche et son travail apportent de vraiment nouveau. L’impression qui se dégage de cette façon de procéder est celle d’un échange superficiel : au bout du compte, on a effleuré l’essentiel. J’ajoute que ce n’est pas toujours le cas.

 

Si j'avais un souhait à formuler pour l'avenir, ce serait, monsieur Voinchet, de vous prier d'en finir avec cette impression de sprint permanent, véritable carcan communicationnel. Je ne suis pas sûr que ce soit en votre pouvoir, même si vous êtes d'accord avec moi. Mettons que je ne comprends rien aux nécessités qui commandent aux orientations d'une chaîne de service public, et n'en parlons plus.

 

Dernière observation (attristée) sur l’évolution de France Culture en général et des Matins en particulier : sauf erreur de ma part, en 2013, la « grille d’été » a été mise en place fin juillet, mais en 2014 dès la fin juin, et pour huit ou neuf semaines au lieu de cinq. Sachant que Marc Voinchet et Brice Couturier sont employés comme « Intermittents du Spectacle », j’en conclus que France Culture fait des économies budgétaire, en laissant l'ardoise à l’UNEDIC.

 

Encore bravo, le service public !

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

FIN

 

dimanche, 09 novembre 2014

LES MATINS DE FRANCE MUSIQUE

4

 

Bon, je critique, je critique, mais ça ne m’empêchera pas de continuer à écouter la « Matinale » de France Culture. De toute façon, je souffre d’une allergie si forte à l’intoxication publicitaire et au harcèlement auquel se livre, du trisaïeul à la dernière née en passant par la ribambelle des oncles, tantes et cousins, toute la famille proliférante de l' « Entertainment » qui répand ses ravages dans toute la sphère médiatique en général et dans les chaînes de radio en particulier (même France Inter), qu’en comparaison, France Culture fait figure d’oasis d’intelligence raffinée dans le désert de la vulgarité commerçante et bourreuse de crâne. Je tiens d'autres comparaisons tout aussi flatteuses à la disposition des maîtres de la chaîne.

 

Je regrette tout au plus de constater que le prurit du saucissonnage des tranches horaires a gagné d’autres chaînes. Du coup, tout le monde est pris des mêmes démangeaisons : « Est-ce que ça vous chatouille ? Ou bien est-ce que ça vous gratouille ? ». Prenez France Musique entre 8 et 12 heures, qu’est-ce qu’on entend ? On a regroupé dans ce créneau (un morceau de roi, que dis-je, un pavé) deux émissions précédentes : l'une, sur une heure et demie ou deux, de 7 à 9, s'occupait de l'actualité des spectacles de musique ; l'autre, en fin d'après-midi, traitait de l'actualité du disque. On en a fait un parallélépipède compact : quatre heures. Sans doute pour écraser le matin entier d'un seul coup. Un pousse-au-crime, je veux dire une invitation à zapper, et même à couper l'antenne. Ou alors à passer l'aspirateur, pour couvrir.

 

De 8 à 10, un couple très accueillant, très gentil, très gai, très convivial – appelons-les Vincent et Nicolas – se renvoie la baballe, interrogeant Untel ou Unetel, passant du coq à l’âne, puis d’un extrait du Trouvère au dernier rap d’Akhenaton, du chant de la Renaissance au jazz, de Beethoven à Sylvie Vartan. La pop music, la « musique contemporaine » et les « musiques ethniques » ne sont pas oubliées.

 

J’exagère à peine (cherchez l’intruse, et encore, je ne suis pas sûr). « Il en faut pour tous les goûts, monsieur ». Paraît-il. Je réponds que c'est de la pêche au filet à mailles fines, vous savez, celui qui attrape absolument tout, jusqu'aux alevins, quitte à jeter ensuite par-dessus bord l'auditeur qui ne fait pas la maille ou qui appartient à une espèce immangeable.

 

Toujours cette obsession d'ouvrir la chaîne, de conquérir de nouveaux publics, d'accroître l'audience. Sur la base de ce raisonnement infernal : « Celui qui renonce à croître et embellir est condamné à dépérir ». Il faut changer, et on nous l'a seriné : le changement, c'est maintenant. Vivons heureux en attendant la mort, répondait Pierre Desproges. Définitif comme un absolu moral.

 

En fait, il s’agit simplement d’une émission conçue et organisée pour faire la promotion des gens qui font de la musique. Quelle musique ? Toutes les musiques. Quels gens ? Toutes les sortes, je vous jure. Cela fait très bien dans un cahier des charges : pas d'exclusive, on est tolérant, on est très ouverts à tout.

 

Traduire : surtout ne pas choisir, car choisir c'est éliminer, or éliminer c'est juger, or il est interdit de juger, donc on prend tout, sans discrimination – en profanant, sous le coup d’un arrêt pris par les autorités de la novlangue, sans doute sans le savoir, en prostituant le magnifique vocable de « discrimination » aux origines si nobles, et si exact dans son vrai champ d'application : renoncer à discriminer, c'est, au sens propre, perdre le jugement. Mais l'esprit s'est désormais égaré, il bat la campagne. On appelle ça « l'ouverture à tout prix ». On a même ouvert les asiles de fous, c'est vous dire. 

 

On prend tout. Aussi excellent dans un budget prévisionnel que de citer les nanotechnologies dans un dossier en vue d'un financement, quand on est un laboratoire de pointe en quête de subsides pour la recherche (argument décisif par les temps qui courent). Quoi qu’il en soit, attendez-vous à deux heures entièrement coupées en tranches minces, napolitaines. Le principe de fabrication de la pâte feuilletée, sauf que là, les couches, étant incompatibles, ne se mélangeront pas et continueront à vivre chacune dans son ghetto. La mayonnaise fout le camp en vinaigrette.

 

Là encore je citerai la chanson Embrasse-les tous de Georges Brassens : « Cœur d'artichaut, tu donnes une feuille à tout le monde ». Un communautarisme sourcilleux a contaminé France Musique, dans la joie et la gaieté. La recette ? La même que celle qu'appliquent les « DJ » : le « sampling », ou échantillonnage. Vous savez, ça consiste à couper, coller, couper, coller, couper, coller, ... Appelons-ça de la création, et passez muscade.

 

L'invité (l'autre jour le dessinateur Cabu) est même sommé de la boucler pour écouter un intermède musical en direct (le même jour, un guitariste). Cabu est bien gentil de se taire pour écouter une musique dont il n'a strictement rien à cirer. Lui, son truc, c'est Cab Calloway et Charles Trénet. Tiens, demandez-lui de chanter Mam'zelle Clio, la prochaine fois que vous le verrez : « Mam'zelle Clio, Mam'zelle Clio, La première fois, je me rappelle, C'était chez des amis idiots ». Trénet, c'est aussi ma longueur d'onde (entre autres).

 

Mais j'ajoute que nous aussi, auditeurs, nous sommes bien gentils d'écouter des musiques dont nous n'avons rien à faire. - Vous manquez à l'exigence de tolérance, monsieur. - Eh bien tant pis ! J'appuierai sur le bouton pour éteindre votre radio, et vous n'en saurez rien.

 

De 10 à 12, changement d'équipe, mais topo identique, sauf que là, c’est moins la promotion des acteurs vivants de la scène musicale que la publicité pour les traces matérielles et sonores qu’ils laissent ou ont laissées dans l’histoire de la reproduction musicale. En clair : on promotionne le disque. On est payé pour ça : on croule sous les envois des maisons de disques, et toutes attendent au moins une petite fenêtre publicitaire pour leurs produits chéris.

 

C’est vrai qu’il y a du choix, je veux dire que le couple là encore très accueillant, très gai, etc... qui mène l’embarcation – appelons-les Emilie et Rodolphe (que Denisa Kerchova appelait "rudolfino", ce qui n'avait pas l'air de lui plaire) – s’efforce de faire partager les goûts très éclectiques de l’un ajoutés aux goûts très éclectiques de l’autre, le tout additionné de ce que la maison reçoit des labels de production. Moralité : il y en a pour tous les éclectismes : du plus contemporain au plus préhistorique. Plus éclectique, tu meurs !

 

Le mot d'ordre impérial, impérieux et impératif, c'est : « Gloire au Multicul ! Tout pour le Multicul ».  J’exagère à peine : « multi » devant « culture », c'est aussi impressionnant pour les donneurs d'ordre et les accordeurs de budget que « nano » devant « technologie ». Nous sommes enjoints (par qui ?) de favoriser l'avènement de la « Société multiculturelle ».

 

Or il n'y a pas plus multiculturel que moi. Simplement, ça me dégoûte quand ce qui devrait se contenter de rester un simple fait observable, tout juste un effet découlant d'une longue pratique, devient un Commandement dans de nouvelles Tables de la Loi. Quand ce qui aurait dû rester une modeste, une humble conséquence découlant de certains choix d'existence est statufié pour être élevé sur le piédestal majestueux des Buts, des Fins et des Conditions sine qua non (expression qu'il faut écrire "sinéquanone" pour faire moderne). Quand l'effet se divinise en Principe et en Exigence.

 

Bref, entre la promotion des personnes (8-10) qui font la « musique vivante » et la promotion des disques (10-12) sûrement mémorables qui viennent de paraître, sachez que désormais, sur France Musique, pas moyen d’échapper à la publicité, à l’interview complaisante, à l’émerveillement dévotieux et à toutes les manifestations possibles d’admiration fervente. Un petit sucre cependant dans l'acidité de cette remarque : Munéra et Bruneau-Boulmier ne se gênent pas pour aligner les disques, chefs d'orchestre ou solistes dont la tête ne leur revient pas. Il faut dire qu'il ne les ont pas en direct, et ça, ça facilité peut-être.

 

Qu’on se le dise : les Matins de France Musique sont une succursale de Publicis, Havas et Séguéla (l'auteur inénarrable mais révélateur comme un aveu de classe de : « Quand on n'a pas de Rolex à cinquante ans .... ») et compagnie.

 

On pourrait dire aussi que France Musique le matin, c’est l’équivalent radiophonique de « Télé-Achat ». Il faut vendre. Quels terribles temps nous vivons !

 

J’ai tiré un trait sur France Musique le matin.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

samedi, 08 novembre 2014

LES MATINS DE FRANCE CULTURE

UNE PENSÉE POUR CHRISTINE GOÉMÉ

 

3

 

Je garde en mémoire les noms d’Henri Laurens, de Mireille Delmas-Marty, d’Yves Lacoste, d’autres. Le premier, hélas invité parmi d’autres, avait malgré tout eu un peu de temps pour expliquer que le Proche-Orient est un problème désespérément insoluble (multiplicité des intérêts divergents ou incompatibles, renversements d'alliances extraordinaires, calculs politiques, ...). Mais je connaissais un peu ses travaux, irréfutables et d'une précision diabolique. La seconde avait évoqué les entorses faites aux principes démocratiques sous prétexte de sécurité.

 

Le dernier avait éclairé (entre autres) les différences des tracés frontaliers effectués respectivement sur les cartes par les officiers de l’infanterie et ceux de la marine. Eclairage très drôle, quoique peu à l'avantage des premiers, davantage portés  (paraît-il) sur l'abus de la ligne droite. Les gens qui ont quelque chose d’intéressant à dire – ceux qui connaissent à fond une question, pas les habitués des micros et des caméras – ont besoin de la durée, de la continuité, bref, d’une température pas trop élevée de l’atmosphère.

 

Mais avant la "Matinale" (ancienne manière), j’écoutais aussi avidement l’émission qui précédait (je suis un « lève-très-tôt »). Mais c’était avant l’intrusion dans mes petits matins de « Un autre jour est possible », piloté par le multiculturaliste Tewfik Hakem, émission de divertissement et de promotion de l’actualité culturelle, s’efforçant consciencieusement de coller à l'événement en train de se produire, en vendant tout ce qui se fait de mieux en termes de modernité esthétique et sociétale.

 

Cette émission lente et posée, supplantée par l'air du temps, s’appelait « Eloge du savoir ». Elle était produite par une dame sûrement un peu ennuyeuse, qui a pour nom Christine Goémé, mais qui savait s’abreuver (et abreuver l’auditeur dans la foulée) aux plus hautes sources. Son émission était absolument formidable, partagée entre des cours au Collège de France et des conférences de haut niveau données dans le cadre d’ « Université de tous les savoirs ».

 

Je perdrais sans doute mon temps à expliquer tout ce que j’ai ainsi appris dans cette tranche horaire de 6h – 7h (eh oui, c’est aux aurores, mais c’est justement ça qui me convient), sur des sujets aussi divers que le recrutement des Janissaires à l’époque de l’Empire Ottoman triomphant, les origines composites de bien des récits de l'Ancien Testament, les religions indo-iraniennes, le contexte de civilisation européenne dans lequel a pu prospérer un mythe comme celui de Perceval, combien d’autres ? … Cette émission suait par tous les pores le miel délectable et embaumé de la Haute Culture.

 

L’agression a commencé avec la déprogrammation de l’émission, l'exil à 0h, et son remplacement par le nommé Tewfik Hakem et sa tambouille culturalo-moderne de « promotion » de l’air du temps, ce qui s’appelle, pour le coup, « sauter sur l’actualité » (comme la Légion Etrangère sur Kolwesi). Sans compter la demi-heure de bonus accordée à la « Matinale » de Marc Voinchet, sans doute pour favoriser une émission qui « dopait l’audience ».

 

J’ai bien été obligé de faire mon deuil et de me les accrocher en bandoulière (je parle des cours du Collège de France, qu’alliez-vous penser ?). Exit Christine Goémé, exit L’Eloge du savoir, précipités « Dans l’grand trou noir d’ousse qu’on n’revient jamais » (Chanson du décervelage, on la trouve dans toute bonne Bible de la 'Pataphysique).

 

On me dira que je n’ai qu’à veiller ou à me brancher sur franceculture.fr pour écouter ? Et puis quoi encore ? Cette placardisation brutale de la culture sur France Culture, sans doute pour crime d’ « élitisme », m’avait déjà semblé de mauvais augure. Le râteau à ratisser large, cela s’appelle un attrape-tout. Pour trouver, c'est facile, vous ne pouvez pas vous tromper : c’est juste avant le grand n’importe quoi.

 

C’est aussi quand France Culture, sous prétexte de « s’adapter à la modernité », de « suivre le mouvement de la société », commence à sacrifier la culture.

 

Encore un bel exemple de « Négation de soi » (voir quelques billets précédents).

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

Note : j'entends dire que madame Christine Goémé ne va pas bien. Une pensée pour elle. 

vendredi, 07 novembre 2014

LES MATINS DE FRANCE CUL

FRANZ KULTUR, MON POTE, VRAIMENT ?

 

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Monsieur Voinchet, est-ce que, au lieu de caler votre extrême vigilance sur l’impitoyable pressing du chronomètre, vous ne pourriez pas penser un moment au confort de l’auditeur ? Après tout, qui vous oblige à charcuter votre grille de programme pour en bourrer jusqu’à la gueule - comme un gigot de gousses d'ail - chaque seconde de chaque case, pour que, après en avoir coché un par un les items énumérés dans le cahier des charges, vous estimiez que tous vos « clients » et toutes vos « cibles » en ont pour leur argent ? La frénésie du remplissage est mauvaise conseillère : voyez les programmes d’HistéGé au lycée : tout le monde les trouve bourratifs et indigestes, à commencer par les profs. Sans parler de l'impression de sprint permanent. 

 

Est-ce être hideusement élitiste, pour une chaîne de radio, que de proposer un schéma de déroulement qui ne soit pas par principe haché menu parce qu'on a la trouille d'omettre ce qui intéresse telle partie du « panel » ? Omettez, monsieur Voinchet, omettez donc, ce ne sera pas bien grave. Demain est un autre jour. Qui vivra verra. Ne remets pas au lendemain ce que tu peux faire après-demain. 

 

« Ne vous inquiétez donc pas du lendemain ; car demain aura soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine » (Matthieu, VI, 34). Et toute cette sorte de choses. Jacques Lacan ne disait-il pas lui même : « Je dis toujours la vérité : pas toute, parce que toute la dire, on n'y arrive pas. La dire toute, c'est impossible, matériellement : les mots y manquent. C'est même par cet impossible que la vérité tient au réel » (Télévision, p. 9) ? "Je dis toujours la vérité : pas toute" : belle sagesse lucide. J'ajoute : rien ne sert de courir après, on ment toujours à point.

 

Je sais, je sais, vous allez me dire : les normes de la radio, les traditions de la profession, l'angoisse et l'interdiction du "blanc", le devoir de remplissage, la productivité de l'instant, la rentabilité de la minute, ne rien laisser perdre, et tout ça ... Permettez-moi de vous renvoyez à la sculpture classique et à l'opposition qui voit s'y affronter la « via di porre » et la « via di levare ». Ou (mais c'est la même pente) à un propos du compositeur Takemitsu Toru : « Contrairement à la musique occidentale, dont l'objet est de remplir l'espace sonore jusque dans ses moindres interstices, notre musique ne cherche qu'à enlever des morceaux au silence » (je cite en substance).

 

Et puis franchement, à quoi bon ces « Matins » autour d’un « invité politique » ? Un de ces importants personnages vous a-t-il un jour par hasard appris quelque chose que vous ne saviez pas ? Ces porteurs de la parole officielle sont en mission de « com. » : pensez-vous faire dévier leur langue vers autre chose que le bois dont elle faite et qu’ils ont longuement appris à façonner, à polir et à cirer, sans jamais rien changer à sa rigidité cadavérique ? Vous ne pouvez ignorer qu'ils récitent leur leçon. Et qu'ils ne sortiront pas de là.

 

La louable insistance déployée pour leur faire avouer d'autres vérités que celles dont ils se sont bardés avant de venir a quelque chose de pathétique pour le journaliste qui s'y essaie. La chasse au scoop sur France Culture : on aura tout vu !!! Laissez donc cela à de plus veules, monsieur Voinchet.

 

Quelle affaire, vraiment, que d'apprendre que Machin et Truc ne voteraient pas avec leur groupe au cas où ne figurerait pas, à l'alinéa 6 de l'article 4 du chapitre III de la loi sur la réglementation de la forme des trombones à coulisse, l'amendement qu'ils avaient déposé « en temps et en heure » sur le bureau de l'Assemblée. Gardez aux événements leur dimension, et ne faites pas, s'il vous plaît, d'une souris parlementaire un éléphant national.

 

Pour le reste, ah c’est sûr, avec trois invités, vous avez composé une table très animée, endiablée même. Mais vous avez inévitablement fabriqué, comme dans les « débats » télévisés, des confettis de points de vue, des bribes de pensées, des miettes d’analyses, des moignons de mises en perspective. Cela donne des raisonnements tronçonnés, éparpillés, découpés en fines rondelles : « Cœur d’artichaut, tu donnes une feuille à tout le monde » (Georges Brassens, Embrasse-les tous).

 

Exactement ce qu’il faut pour l’époque, le mot d’ordre étant, semble-t-il : « Comment peut-on le plus efficacement empêcher les gens de penser ? ». C’est adopter la stratégie de l’insecte butineur : passer de fleurs en fleurs, cueillir le pollen. La différence, c’est que c’est alors à l’auditeur de se débrouiller, dans sa petite ruche personnelle, pour fabriquer son miel comme il peut avec les pétales de ce manteau d’arlequin dont il lui faudrait recoudre les morceaux dans le bon sens pour se faire une idée de l’ensemble.

 

Je vais même vous dire pourquoi ce n’est vraiment pas bien du tout, de procéder ainsi : c’est le propre de gens qui, pris dans la stase de l’expectative, n’ayant pas développé un regard personnel sur le monde, ni ne possédant la volonté, l'autorité et le savoir-faire pour l'imposer, ne voulant surtout manquer aucun des avis émis sur une question donnée, au cas où l’un d’eux serait porteur de la vérité (on ne sait jamais, ah, pouvoir dire : « Ça s’est passé dans mon émission » !), donnent la parole à tous les « conseillers » sans se préoccuper de la route.

 

Cette façon de faire, j’ai le regret de vous le dire, fait irrésistiblement penser à la stratégie d’un certain François Hollande, qu’un seul mot résume : « La Synthèse », déesse de la religion de ceux qui n’osent pas choisir, de peur de fâcher quelqu’un, et qui remettent la décision de leur choix aux calendes lointaines où sera célébrée la fête de Saint Consensus. N'est-ce pas vous qui disiez récemment : « En avant calme et droit » ? N'était-ce qu'une boutade ?

 

L’effet de ces émissions mues par le zapping permanent est le même qu’avec un stroboscope dans une boîte de nuit. Entre l’animateur, son acolyte Brice Couturier et (supposons) les trois invités, chaque interlocuteur dispose, grosso modo, d’une dizaine de minutes pour aller jusqu’au fond de sa pensée. Dix pauvres minutes ! Tout ce petit monde ne se doute pas que l’auditeur, pour mémoriser et digérer ce qui se dit, a besoin d’un minimum de continuité, s’il veut espérer comprendre ce qui se passe. "Faire comprendre" : c'est sûrement votre but, monsieur Voinchet. Enfin, j'ose l'espérer.

 

Le point culminant à cet égard a été atteint chaque fois que l’équipe de la « Matinale » s’est délocalisée (parfois au complet ?) là où l’actualité brûlait de toute incandescence : Tunisie (trois intervenants cette fois-ci, mais combien les fois précédentes ?), Egypte, Syrie, Ukraine, Israël, Palestine, … Soit dit par parenthèse, vous croyez que c'est en vous rendant sur place que vous pourrez mieux faire comprendre ce qui s'y passe ? J'ai plutôt l'impression que France Culture obéit ainsi à un slogan digne d'une boîte de com. : « Il faut bouger ! Dynamisme ! ». Sinon ça frise l'immobilisme. La catatonie, voilà l'ennemi !

 

Vous aviez parfois une demi-douzaine de personnes autour de la table, si bien que la moyenne de temps de parole descendait à presque rien, le temps d’un « speed-dating » un peu copieux. Vous choisissez alors le « choc des photos » contre le « poids des mots ». Un comble, pour votre radio ! Essayez donc de vendre votre salade dans ces conditions ! Tout le monde sort frustré, avec l'impression d'avoir mis son nez trop tôt et trop près de la marmite, je veux dire de l'événement. Il y a une distance à trouver. Fabrice en plein milieu de Waterloo ne comprend strictement rien à ce qui se passe. Prenez du recul, monsieur Voinchet.

 

La direction doit se dire : « Plus c’est chaud, plus c’est bon pour l’audience ». Moi, j’ai le tort de préférer les commentaires portés à froid : ils ont eu le temps de mûrir, de s'élaborer pour former des perspectives. Aux pollutions des mouches qui se nourrissent sur le dépôt encore tiède tombé du généreux, large et prolixe anus de l’actualité, je préfère en effet le distillat obtenu après le temps nécessaire à la collecte des données, et surtout après leur digestion par un cerveau retiré des feux de la rampe, que l’on invite à développer l’essentiel du travail qu'il a effectué.

 

Je crois même que c'était précisément cela que recherchaient les « vieux » auditeurs de France Culture. « Fait pas bon vieillir », me dis-je. Par exemple, pourquoi ne pas attendre l’annonce officielle des résultats des dernières élections tunisiennes pour vous mettre à en parler ? Cela fait un peu « La Légion saute sur Kolwesi ». Alors là, non, merci.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

jeudi, 06 novembre 2014

LES MATINS DE FRANCE CULTURE

FRANZ KULTUR EXISTE, JE L’AI RENCONTRÉ

 

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C’est vraiment devenu quelque chose de pas grand-chose, « Les Matins de France Culture ». Et moi qui m’y étais réfugié pour fuir certaines dérives de France Inter qui, en dehors de quelques îlots où la survie est encore possible, rendent trop souvent la chaîne inécoutable ! Je ne parle même pas de RTL, Europe 1, RMC et tutti quanti, dont les avenues si fréquentées sont jonchées de tant de légions de cadavres publicitaires que la simple odeur putride de leur écoute est depuis longtemps insoutenable et rédhibitoire.

 

Depuis que les décideurs ont décidé d’ « ouvrir la chaîne » (sans doute jugée trop « élitiste » par quelque instance suprême, alors que moi, qui ne fais pas partie de l’élite, je la trouvais de loin la plus « écoutable ») et d’ « accroître son audience », je ne sais plus où fourrer mon oreille le matin pour trouver quelques échos du monde qui ne soient pas dictés par l’urgence de l’actualité, les derniers rebondissements intervenus dans tous les feuilletons guerriers qu'elle tourne en permanence ou les exigences de l’audimat. Les échos du monde, je les apprécie quand la vague de l'urgence s'est retirée, quand la mousse de l'écume s'est évanouie, quand on peut enfin commencer à essayer de comprendre ce qui s'est passé.

 

J’exagère, je sais. Et ce n'est pas fini, peut-être que c’est devenu une habitude. Mais il fut un temps, peut-être pas si ancien, où l’auditeur avait le temps de prendre son temps : celui d’écouter un(e) invité(e), très souvent remarquable, qui venait pour éclairer, approfondir, développer. Longuement.

 

Maintenant, il faut paraît-il faire comme Jean-Luc Delarue qui animait jadis l’émission télé « Ça se discute », et qui invitait sur son plateau, par exemple, un juif et un nazi. L’esprit de ce genre d’émission est très simple : il faut que ça castagne, que ça cogne, que ça saigne. Sur la base du raisonnement primaire « Les gens veulent du spectacle, on va leur en donner ». Avec (qui sait ?) en ligne de mire l’audimat et les flots de pubs et d’argent qui vont avec. Résultat, mon copain Franz Kultur a l’haleine chargée. J'exagère, je sais. Je sais surtout que c'est pire ailleurs.

 

Du temps de Nicolas Demorand, d’Ali Baddou (déjà parfois agaçants de frénésie) et même, si je me souviens bien, de Marc Voinchet à ses débuts, on était à l’abri de ce canardage en règle, soigneusement programmé. Il n’en est plus de même. Voilà que France Culture se met à courir après l’audimat. Et sa « Matinale » à partir dans tous les sens : l’invité est désormais au nombre minimum de deux, souvent davantage. Tu comprends, coco, il faut proposer à l’auditeur la pluralité des points de vue.  

 

Mais pour le coup je le dis tout net à monsieur Poivre d’Arvor (Olivier), directeur : « Ça se discute, monsieur ! ». Il ne faudrait pas confondre l'étendue et la profondeur. Le pilote de l'émission a choisi l'étendue. Je préfère la profondeur, au motif (arithmétique) que plus c'est étendu, moins c'est profond. C'est comme la confiture culturelle : moins c'est épais, plus il faut l'étaler. Sans compter qu'inviter un « spécialiste » en le flanquant de plusieurs autres pourrait à bon droit être considéré par lui comme une marque de défiance et/ou de manque de considération.

 

Et puis, monsieur, pourquoi faut-il à tout prix « élargir l'audience »  : « Chers auditeurs [Tewfik Hakem l'autre matin, tout fiérot], merci d'être de plus en plus nombreux à nous écouter et à nous podcaster » ? Mais qu'est-ce que ça peut me faire, l'audience, si je trouve mon compte à entendre ce que j'entends ? On dirait que le gars est payé au rendement, ma parole. Intéressé au résultat, peut-être ?

 

En dehors d’exceptions notables (le juge Marc Trévidic un de ces derniers matins, et encore, le secret des enquêtes lui mettait un bœuf sur la langue), l’auditeur est privé de sa sonate du matin, pour se voir forcé d’ingurgiter un pâté sym-caco-phonique orchestré par un descendant de Bruckner ou de Boulez, qui n’a d’équivalent comestible que le kouign-amann breton ou le christmas pudding grand-breton, dont il est bien connu qu'il faut l'attaquer au burin. Il faut en effet se farcir … se farcir quoi, au fait ?

 

Dans le meilleur des cas, ça passe. Prenez lundi 3 novembre, deux fins connaisseurs du Burkina Faso, un militaire-ancien-ambassadeur à « Ouaga » (la capitale, à ne pas confondre avec « Bobo » (Bobodioulasso), dont les habitants, c’est bien connu, sont les « Bobolais ») et un anthropologue très au fait des tenants et des aboutissants de la situation : un régal, parce qu'à la fin, vous avez saisi au moins quelques fils de l’embrouillamini dans lequel la France a fourré les doigts (Blaise Compaoré grand ami de la France !).

 

Prenez maintenant mercredi 5, avec trois intervenants. Très intéressant, l'essentiel a été dit, je crois, sur ce qui bloque au barrage de Sivens. Cette fois, ce sont les deux animateurs qui, sous couleur de jouer les « avocats du diable » et de ne pas laisser les invités dérouler des discours convenus, nous ont « brouillé l'écoute ». Il ne faut pas confondre "empêcher le doctrinaire de ronronner" et "concert de casseroles pendant le quatuor à cordes". Mais, à part le bouton de la radio, l'auditeur est assez démuni de moyens de les faire taire.

 

Car autant le dire : le meilleur des cas est rare. La plupart du temps, ça donne une panouille (qui peut virer à l'exécrable) dont l’animateur essaie de garder les fils conducteurs en main, mais dont l’auditeur sort frustré, exténué, furieux, pantelant. Et surtout perdant. L’animateur tâche tant bien que mal de distribuer la parole, mais je vais vous dire, ce genre de saute-moutons est le plus souvent pénible à suivre. A cause de la segmentation due à la pluralité des invités.

 

Car si vous faites le compte (20 minutes de 7h 40 à 8h + 30 de 8h 15 à 8h 45 = 50 minutes), plus vous avez invité de monde (« plus on est de fous, plus on rit »), moins chacun a le temps de s’exprimer. Il faudrait d’ailleurs minuter le temps de parole de l’animateur. Ah, l’animateur, rien qu’à l’entendre couper la parole sans peur, sans cesse et sans vergogne, qu’est-ce qu’il a besoin de s’exprimer ou de montrer qu’il a bossé son sujet ! On le prendrait parfois pour l'invité principal. Qu'est-ce qu'il cause, Marc Voinchet ! Brice Couturier, son âme damnée, est plus discret, mais il lui arrive à l'occasion d'être envahissant et même étonnamment péremptoire ou imbu de sa vérité.

 

Je suis sûr que si Voinchet s’invitait lui-même, il serait intarissable. Il serait capable de se couper la parole avant d'avoir eu le temps de se répondre. Il devrait s’inspirer du juge Roy Bean (Le Juge, un Lucky Luke, Dupuis, édition souple, p. 44) qui, lors du procès qu’il dirige contre lui-même, se tait après la question, le temps de faire le tour pour se mettre à la place de l’accusé, avant de reprendre, en refaisant le tour, la place du juge : ça repose le lecteur. En plus, ça l'amuse. On appelle ça le « rythme » (vif-lent-vif), qu'il ne faut pas confondre avec le « tempo » (la noire à 120).

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Je sais bien que vous avez l’œil sur votre sacro-saint « conducteur », mais lâchez un peu la pression, monsieur Voinchet : la vraie culture a besoin de sérénité. Cessez de donner à tous les échanges cette inutile et horripilante couleur d’urgence. Ça finit par être du harcèlement sonore. Ou alors faites comme le Parti Socialiste, l'UMP ou le Front National : changez de nom. S'agissant de France Culture, il faudrait juste supprimer le deuxième terme. J'exagère, je sais.

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Prenez exemple, monsieur Voinchet.

Voilà ce que je dis, moi.

 

mercredi, 05 novembre 2014

UN ALBUM EGOÏSTE

Je répare ici une injustice : quelques artistes de la photo ont été évincés des lieu et place qui leur revenaient dans l'ordre alphabétique, et ce pour la raison ô combien futile de quelques vaines vitupérations tonitruées à l'encontre de M. Arcon, depuis les profondeurs d'un crétinisme assumé et revendiqué. Qu'on se rassure, l'art contemporain s'en est déjà remis.

Pour le choix des clichés, c'est toujours mon goût personnel qui en assume tranquillement le total arbitraire.

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EDWARD S. CURTIS

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FRANK HORVATH

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FELIX TOURNACHON, DIT "NADAR"

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CHARLES NÈGRE

La tête supportant le haut-de-forme est celle d'Henri Le Sercq, autre photographe. La gargouille est signée Viollet-le-Duc.

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ALFRED STIEGLITZ

 

mardi, 04 novembre 2014

L’ÉLÉPHANT CÉLÈBES

LE JOURNAL DES VOYAGES AUX SOURCES DE MAX ERNST ? 

Les visiteurs de ce blog, s’ils se souviennent ou qu’ils font un détour par ce que j’y avais mis les 1, 2 et 3 août 2013, savent à quelle profondeur de sol est enraciné mon intérêt pour la « Bande Dessinée », nourrice au sein généreux et au lait aussi riche qu’Abondant et Crésus réunis.

 

Si je cite ces trois dates, c’est que j’y braquais alors ma lorgnette sur certaines sources qui avaient pu inspirer le grand Hergé pour certaines de ses vignettes. C’est ainsi que Les Malices de Plick et Plock (Georges Colomb, alias Christophe) ont été mises à contribution dans la scène du Temple du soleil où le capitaine Haddock se transforme en énorme boule de neige dévalant une pente vertigineuse (dans les deux images, notez le pied qui dépasse).

 

Que L’Idée fixe du savant Cosinus a fourni le remède miracle capable de le réveiller de son coma (Le Temple du soleil, p. 32, et On a Marché sur la lune, p. 61), quoique sur un thème plus en accord avec son penchant pour une boisson forte distillée en Ecosse, alors que le docteur Letuber avait réveillé Cosinus en introduisant, « pour se donner une contenance », une erreur dans la formule savante que ce dernier avait écrite sur son tableau noir, inventant « la fameuse mathématicothérapie ». Moralité : Hergé s'est souvenu de Christophe, par ailleurs inoubliable géniteur du sapeur Camember (né un 29 février) et de la famille Fenouillard.

 

Et puis j’étais tombé par hasard, en feuilletant une collection du Journal des Voyages, sur un incendie de prairie qui a bien pu inspirer celui de la page 38 de Tintin en Amérique. Et que Tintin au Congo, en sa page 20, avait fort bien pu aller y chercher la locomotive Decauville, que l’autorité de Tintin - dont l'automobile avait jeté bas celle-ci - commandant la manœuvre aux Africains réussit à remettre sur ses rails (se reporter aux billets mentionnés plus haut).


Mais c’est surtout l’éléphant formant la partie centrale de ces billets qui m’intéresse aujourd’hui. Car si je n’ai rien de nouveau sur le couple (ci-contre) Hergé-Journal des Voyages, un souvenir m’est revenu, en revoyant l’image de cet éléphant soulevant le « gamin de Paris » avec sa trompe, celui d’une œuvre peinte par Max Ernst en 1921 : L’Eléphant des Célèbes (parfois nommé "L'Eléphant Célèbes").

 

On pensera ce qu’on voudra de cette grosse masse couleur d’ardoise, la question n’est pas là. J'en ai pensé pendant un temps ce que j'ai pensé : je n’étais pas encore dessillé de la grosse fumisterie surréaliste.

 

L’encyclopédie en ligne signale que l’artiste s’est servi, pour la forme principale, d’un « silo à grains soudanais ». Je veux bien, c'est sûrement vrai, et je n’ai rien contre les silos à grains soudanais. Au contraire, je les adore. Pour dire le vrai, j’en raffole. Nul ne saurait se passer d’un silo à grains, surtout soudanais, surtout en temps de disette, surtout s'il est convenablement pourvu. Je me tapote cependant le menton.

 

Mon scepticisme paraîtra peut-être suspect (voire lèche-cul) à certains, mais qu'on juge plutôt la curieuse parenté de forme qui unit l’œuvre du peintre "surréaliste" (pas encore : le Manifeste est de 1924) à la gravure du Journal des Voyages. Bien mieux même, à la réflexion, qu’à la vignette d’Hergé. Il me semble que la confrontation des deux images met en évidence une source d'inspiration de Max Ernst, de façon très vraisembable. Tout n'y est pas, certes, mais ...

 

Je n’entrerai pas dans les détails, l’analyse ou l'argumentation : que celui qui a des yeux regarde. Je me contente de me gausser : Max Ernst a fourni à plaisir un arsenal de brimborions de ce qui fera plus tard l'attirail quincaillant et fossilisé des poncifs de la verroterie surréaliste (où l'on remarque encore, soit dit en passant, des souvenirs techniques de Giorgio de Chirico - alors l'idole d'André Breton - ou de Carlo Carra).

 

Alors je ne vais pas cacher une légère déception : l'éléphant, dans le récit du Journal des Voyages, n'a rien à voir avec les Célèbes (Kalimantan, Sulawesi, Moluques, ... enfin, c'est dans ce coin-là). Les aventures de Friquet, dans Le Tour du monde d'un gamin de Paris, (racontées par Louis Boussenard) se déroulent en effet quelque part en Afrique, sans doute du côté de l'actuel Gabon, où les aventuriers ont affaire aux cruels « Osyebas », des anthropophages sans pitié (qui, soit dit en passant, si ce sont bien les mêmes, fabriquent des représentations saisissantes du visage humain). Pour les amateurs de références précises, l'illustration figure à la p.37 du tome V, dans le n°107, paru le dimanche 27 juillet 1879.

 

Résultat des courses : si « l'éléphant est irréfutable » (cela doit dire quelque chose aux connaisseurs d'Alexandre Vialatte, que diable !), je ne sais pas de quel chapeau est sorti l'archipel des Célèbes. Voilà un beau thème de recherche pour les chercheurs. En revanche, je peux dire que Vialatte a fait venir cette expression sous sa plume en écrivant sa « Chronique d'Orson Welles, de Falstaff, et de plusieurs autres éléphants », publiée dans La Montagne le 9 août 1966. Toujours pour les amateurs de références précises.

 

Ma conclusion ? Oh, elle est simple : le Surréalisme prônait une « révolution de l’esprit » (vous savez, la sempiternelle rengaine andrébretonnouillante : « Changer la vie, a dit Rimbaud, transformer le monde, a dit Marx : ces deux mots d’ordre pour nous n’en font qu’un »), et il a, au bout du compte, accouché d'un avorton minable et dévastateur : Sa Majesté la Marchandise, en fournissant à la toute-puissante Régence de Son Eminence Publicité une mine inépuisable d’images (puisées dans les couches les plus superficielles de l'inconscient), capables de déréaliser la réalité et d’élever un écran infranchissable entre l’esprit des masses consommatrices et la destruction réelle du monde concret (la formule "destruction concrète du monde réel" est également admise).

 

Voilà ce que je dis, moi.  

lundi, 03 novembre 2014

UN ALBUM EGOÏSTE

VOGT CHRISTIAN.jpg

CHRISTIAN VOGT

dimanche, 02 novembre 2014

POUR MES MORTS

 

toussaint,le jour des mort

Ou alors celle-ci :

toussaint,le jour des morts

2 DEUX.jpg

3 TROIS.jpg

4 QUATRE.jpg

5 CINQ.jpg

6 SIX.jpg

7 SEPT.jpg

8 HUIT.jpg

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Mais je n'oublie pas :

1990 RUE DES ACACIAS.jpg

MARIA MEYER 1986 RUE DES ACACIAS 1.jpg

ONCLE MICHEL 2005.jpg

toussaint,le jour des mort

toussaint,le jour des mort

VOUS QUI VOYEZ LA LUMIÈRE

DE NOUS VOUS SOUVENEZ-VOUS ?

 

LAMARTINE

 

 

samedi, 01 novembre 2014

UN ALBUM EGOÏSTE

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JEANLOUP SIEFF

vendredi, 31 octobre 2014

UN ALBUM EGOÏSTE

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AUGUST SANDER

jeudi, 30 octobre 2014

UN « CRÉTIN » PARLE AUX « CRÉTINS » (fin)

Finalement, qu’est-ce qui m’oblige à réagir à l’insulte lancée par un éditorial du journal Le Monde à tous ceux qui n’aiment pas qu’on leur fasse prendre la lanterne rouge d’un minable peloton exsangue pour la vessie natatoire d’un superbe esturgeon de quatre-vingts ans bien tassés, bourré de caviar ? Rien. Mais rien du tout. La gratuité de l’effort ainsi produit, si elle n’échappera à personne, révèle son inanité en se manifestant. A peine une irisation à la surface de l’onde fait que le passant attentif se dit qu’un poisson est venu chercher un peu d’air avant de s’en retourner aux profondeurs obscures.

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Ce qui m’étonne et, finalement, ne passe pas du tout, c’est cette alliance étonnante qui s’est nouée  entre les artistes les plus rebelles, les contestataires les plus virulents et négatifs,  autrefois les « maudits » que toutes les institutions et tous les puissants vouaient aux gémonies et à l'Enfer des musées et des bibliothèques, et les catégories de population les plus favorisées par le sort, celles qui tiennent les leviers de commande, pour résumer : Puissants, Riches et Décideurs.

 

Quelle baguette magique a transformé les bannis de l’Art en Archevêques richement dotés ? Et qui a fait des bourgeois incultes, aveugles aux innovations artistiques, obtus, moqués par les milieux avancés, des exemples incontournables des goûts les plus raffinés et les plus avancés en matière d’Art ? Des parangons de discernement esthétique ?

 

Comment se fait-il que l’Ordre Etabli ait ouvert un Boulevard à toutes les forces artistiques qui se consacraient naguère tout entières à sa destruction ? Qui ne juraient, comme Dada (Zürich, 1916, Cabaret Voltaire, Ball, Tzara, Arp, Huelsenbeck, Taueber, ...) que par l'anéantissement de la Poésie et de la Peinture, enfin de tout ce qui pouvait évoquer le Bourgeois ? Voilà qui ne laisse pas que de m’interloquer la déglutition et de me trapézer l’amygdale du milieu, suscitant tapotements de menton, grattements de tempe et perplexités nocturnes.

 

Que s’est-il donc passé, quel tremblement de terre a eu lieu pour que l’Ordre Etabli en personne brandisse le drapeau noir de l’Anarchie, allant parfois jusqu'à enfourcher le cheval dadaïste ? Que Bernard Arnaud, François Pinault et les joailliers de la place Vendôme se dressent sur de nouvelles barricades (palazzo Grassi, Fondation Vuitton, Paul McCarthy), le couteau de la Révolution entre les dents ? Qu’est-ce qui leur a pris ?

 

Hypothèse : un anticommunisme viscéral et militant. Voulant couper l’herbe sous le pied des révolutionnaires marxistes (soi-disant, mais admettons), les intelligents du camp capitaliste ont simplement chipé la notion d’avant-garde et tout ce qui va avec. Le raisonnement est finalement assez simple : « Puisque c’est à nous qu’ils en ont et au système que nous incarnons, devenons nous-mêmes les plus pointues des avant-gardes, faisons mine de prendre la tête des mouvements qui marchent en tête. Ainsi n’auront-ils plus rien à se mettre sous la dent ». Devenons nous-mêmes forces de destruction. Les anciens stratèges appelaient ça la politique de la terre brûlée.

 

C’est ainsi que Puissants et Décideurs, bardés de leur Autorité, de leurs coffres et de leurs signatures, appuyés sur une maîtrise intégrale de la Légalité, sont devenus le fer de lance des avant-gardes révolutionnaires, les seules labellisées AOC par l’Etat. Désormais, pour faire la Révolution, il faut être détenteur du diplôme officiel qui donne droit à mener la carrière de Contestataire reconnu d’Utilité Publique. Le Ver de la Subversion agit à l’intérieur du fruit avec la bénédiction des Institutions. Finalement, les dites Institutions ont jugé que c’était un moyen beaucoup plus efficace pour gouverner les souveraines masses.

 

Rendez-vous compte : si Bernard Arnaud et François Pinault sont la crème du bolchévisme capitaliste, nul Gramsci, nul Lénine, nul Staline même ne sera en mesure de théoriser le paradoxe. Pensez, les élites au pouvoir ont convoqué à leur service ce qui se fait de mieux en matière de négation de tout pouvoir : les avant-gardes ! Et elles sont passées maîtresses dans l'art d'ériger des monuments à la Destruction. L'aliment et le carburant qui nourrissent et font avancer un tel Système, dont l'entropie est le principe, s'appellent Désagrégation, Ruine. Le Trou Noir s'est métamorphosé en planète luxuriante où surabonde cette force paradoxale de Vie.

 

Visez le filon, il est inépuisable : faisant de l’idée même de Révolution un caniche prêt à leur faire la fête, quand elles rentrent à la maison après une éprouvante journée de gagne-brioche, les élites ont trouvé le moyen de se légitimer définitivement, en tant que pouvoir, en donnant l’impression qu’elles SONT le mouvement porteur du futur, et les masses un troupeau passéiste, définitivement pris dans les glaces de l’immobilisme, de l'archaïsme et des avantages acquis.

 

Avis à la population : les élites au pouvoir sont le mouvement pur, l’élan en personne. Elles ont épousé officiellement le Progrès, en justes noces, en annexant au passage l’innovation extrême, celle qu’on trouve sur les murs des Musées d’Art Contemporain, sur les scènes des théâtres, des Maisons de la Danse, des Opéras, des salles de concerts dédiées aux musiques contemporaines. Mais aussi tous les objets qu'on trouve accrochés aux mains, aux yeux et aux oreilles de tous les passants dans les rues de toutes les villes.

 

Je note juste en passant que les élites évitent de se faire photographier en compagnie d’artistes comme Orlan (dont l’atelier est un bloc opératoire, et les œuvres, les transformations chirurgicales de son propre corps) ou comme les diverses écoles pratiquant le cisaillage d’épiderme et autres techniques de « mise en question du corps humain ». J’en conclus qu’il reste des inassimilables et des intolérables. Disons : des limites.

 

Tout le reste est bel et bien domestiqué, coucouche-panier-papatte-en-rond : l'urinoir de Marcel Duchamp est devenu une œuvre ! Véridique ! Enfin, c'est une des quatorze répliques qui est exposée, elle appartient à un musée en toute propriété. Pas touche. C'est ce que Pierre Pinoncelli a appris à ses dépens quand il s'en est pris à l'objet à coups de marteau. On expose des bites (Ed Fornieles, Biennale Lyon, 2013) et des vagins (Chhiba Reshma, Afrique du Sud, 2013). Tout est permis !

 

Tout cela démontre à suffisance que le peuple simple, le simple peuple, le peuple des simples est congénitalement inapte à se mettre au diapason du mouvement. Le peuple, en particulier celui qui se reconnaissait dans une nation, est profondément, viscéralement, radicalement passéiste. Le simple peuple est dans l’erreur de ne pas adhérer spontanément aux Révolutions Présentes qui promettent à l’humanité, d’ores et déjà, un avenir radieux.

 

Mais laissez faire les élites, enfin ! De quoi avez-vous peur ? Elles savent mieux que vous ce qui est bon pour vous. Le classement du joli mot de « conservatisme » au nombre des vocables radicalement proscrits (analogue au fer rouge qui marquait à vie le galérien sous l’Ancien Régime) par les Nouvelles Saintes Ecritures nous apprend qu’il est dès maintenant peu probable qu’un nouveau Conseil National de la Résistance se mette en place dans les temps prochains et rédige le programme d’une future organisation sociale ouverte, humaine et pas trop injuste.

 

Restons optimistes : c’est bardés de joie que nous marcherons à l’abîme !

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

UN ALBUM EGOÏSTE

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SEBASTIÃO SALGADO

mercredi, 29 octobre 2014

UN « CRÉTIN » PARLE AUX « CRÉTINS »

On me dit que je caricature et généralise quand je parle des Puissants, des Décideurs, des « élites dévoyées ». Eh bien demandez donc à l'éditorialiste du Monde de ne plus me traiter de "crétin". Qu'il retire ses propos et qu'il fasse des excuses. On a sa dignité : il n'avait qu'à pas commencer. Et puis d'abord, c'est celui qui le dit qui l'est.

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Mais voyons, monsieur, « élites dévoyées », il ne faudrait pas généraliser. Il ne faudrait surtout pas que les « élites dévoyées » se sentent stigmatisées. On en arriverait vite, rendez-vous compte, au « Tous pourris ! » qui « fait le jeu du Front National », n’est-ce pas. Le problème, c’est que je caricature, mais à peine. Eh bien ce n’est pas l’Editorial du Monde du 22 octobre (Place Vendôme, le créateur et les crétins) qui me convaincra du contraire. Au contraire.

 

Quand un homme ne sait plus quoi faire de son argent, comme je le disais, il le jette par les fenêtres. Il fait comme les pays pauvres ou en guerre (de préférence les deux), qui jettent dehors, et de préférence à la mer, toutes leurs populations superflues. Cela donne quelque chose qui s’appelle « N’importe quoi ». Et j’ajoute : « Pourvu que ça fasse de la mousse ». Surtout s’il trouve un Décideur complaisant, d’accord avec lui pour décréter : « Tout est permis », et à apposer sa signature au bas de l'autorisation. Plus qu'à poser le "plug anal" en pleine place Vendôme.

 

Les gens situés à proximité plus ou moins immédiate des bureaux sur lesquels on pose les papiers sur lesquels les « décideurs » sont invités à apposer le graffiti ou l’arabesque à l’encre de leur signature par des larbins distingués qui sortent des Grandes Ecoles, ces gens, dis-je, composent un potager et une faune qui, à force de grandir dans des serres séparées et d'être conservés dans des bocaux bien à l’abri du « plein champ » où prospère l'épaisse rusticité du « vulgum pecus », se font de celui-ci une idée aussi virtuelle que les images des jeux vidéo grâce auxquels ils prennent quelques moments de détente, entre deux stress insoutenables, là-haut, tout en haut de l’échelle.  

 

Puissants (détenteurs de l’argent privé) et Décideurs (détenteurs de la signature publique) ont donc adopté ce qui se fait de mieux dans le domaine de l’Art et de la Culture en matière de contestataires, réfractaires, insoumis, dissidents, marginaux, déviationnistes, provocateurs, immoralistes, subversifs, anticonformistes, anarchistes et j'en oublie sûrement.

 

Il est convenu dans le cahier des charges qu'il faut être dérangeant, déstabilisant pour ces étranges bestioles appelées « les gens », dont on décrète qu'ils sont pris dans des routines morales, lieux communs intellectuels, idées toutes faites et autres stéréotypes qu'il s'agit de faire voler en éclat, pour les rendre à la pureté de ... de quoi, au fait ?

 

C'est fou, quand on y pense, le nombre de gens de Spectacle et d'Art qui ont pour but d'agir sur le spectateur, le plus souvent en le mettant mal à l'aise, en l'obligeant à se remettre en question, en le tourneboulant, désorientant, abasourdissant. Comme on est à Lyon, j'ajoute "badibulguant". Tous ces gens sont d'un altruisme terrifiant et dévastateur. Jamais les "bonnes intentions" n'ont commis pareils dégâts. C’est à qui dénichera son Poseur de Bombes personnel, qu’il comblera de ses bienfaits s’il consent à poser celles-ci dans son musée personnel.

 

Damien Hirst et Jeff Koons se tirent la bourre pour savoir qui sera le mieux coté. Les nouveaux académiques pontifiants Daniel Buren ou Bertrand Lavier jouent les fripons, sans doute pour faire plus jeunes. Anish Kapoor s’en donne à cœur joie au Grand Palais, sans doute pour ne pas empiéter sur les plates-bandes versaillaises de Takeshi Murakami. Dans le fond, Paul McCarthy, dans ce paysage, fait figure de « Petit Bras » (je suis en cela d’accord avec monsieur Dagen, du Monde, si j’ai bien lu).

 

On a compris que, quoi qu’il arrive, aucun artiste digne de la Modernité ne saurait advenir sur le Marché de l’Art s’il ne commet aucune profanation. Il arrive que Puissants et Décideurs tolèrent qu'il se contente de proposer du "Jamais Vu", mais même le "Jamais Vu" doit rester exceptionnel.  Car le sacrilège et le blasphème sont des laissez-passer magiques. Du « Piss-Christ » d’Andres Serrano à la Crucifixion d’une femme par Bettina Rheims, par exemple.

 

Et l’ « artiste », le commanditaire et le mécène sont aux anges quand l’œuvre exposée a la joie ineffable et le bonheur sans mélange de se faire vandaliser. Quand l'artiste est arrivé à appuyer sur le bon bouton, celui de la fureur vindicative des "Crétins", qui n'attendaient que cette occasion pour passer à l'action. Quand l'étincelle de la provocation a remonté toute la longueur de la mèche, jusqu'au tonneau de poudre. 

 

Si le scandale n’est pas au rendez-vous, c’est que la mèche de la bombe était mouillée. HernaniPelléas, Le Sacre, Ubu, Déserts, tous les directeurs de salles rêvent de ces échauffourées merveilleuses, de ces émeutes ébouriffantes, de ces soulèvements délicieux, de ces batailles épiques en smokings et robes de soie dont on parle encore cent ans après, et plus.

 

« Encore raté », s’écrie alors, rageur, ce colonel Olrik de l’Art Contemporain, « mais je reviendrai, je me vengerai, je l’aurai, mon scandale ». Le scandale est désormais un investissement ; faire scandale est un but de guerre : tout doit être pensé pour l’atteindre, et d’abord le thème. La religion, le sexe sont des « créneaux porteurs ». Il y a aussi le caca : successeur de Piero Manzoni et de sa « Merda d’artista » (1961), Wim Delvoye s’est illustré avec sa féconde série (2000, 2001, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2009) des « Cloaca » et autres « machines à caca ». Il a aussi tatoué des cochons, et même le dos d'un certain Tim Steiner, dont la peau, qui a été vendue 150.000 euros en 2008, sera définitivement acquise par son acheteur à la mort de son porteur et possesseur. Furieusement excitant, n'est-il pas vrai, très chère ?

 

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais comme les œuvres d’art et expositions, les pièces de théâtre et spectacles de danse dont les médias parlent le plus sont ceux qui portent l’étendard de la « Transgression ». C’est au metteur en scène qui « transgressera » le plus, le mieux et le plus radicalement : la concurrence est impitoyable. Cette vogue a gagné la mise en scène d’opéra. Au point d'en être devenue d'un terrible conformisme. Je donne même une idée : le fin du fin serait de dénuder sur scène des très vieilles et des très vieux, des très laids et des très obèses, que sais-je, des très fous sortant de l'asile et des très dangereux évadés de prison, bref la fine fleur de ce qui se fait en matière d'apparences repoussantes. Le pied, je vous dis pas !

 

La parole est au « transgresseur » : acteurs à poil sur la scène pour un oui ou pour un non, défécations et mictions, corps dénudés couverts d’on ne sait quelles déjections et autres contenus de poubelle. Aujourd’hui, c’est bien simple, un jeune n’arrive à rien s’il ne transgresse pas. Sinon, il sera considéré comme anormal.  C’est un principe hors duquel il ne saurait trouver le salut.

 

Qu’on se le dise : la transgression est devenue la norme. Les gens normaux sont devenus inadmissibles. Il n'est plus normal d'être normal. Une bonne partie de la Culture actuelle crie : « A bas les gens normaux ». C'est bien simple, ils sont atteints d'un insupportable « conservatisme », quand ils ne sont pas carrément des « réactionnaires », des « crétins », des « fachos ». La Révolution des valeurs est en marche qui, tel Saint Jean-Baptiste annonçant la venue du Messie, nous prépare à la « post-humanité ». Amen.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

UN ALBUM EGOÏSTE

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BERNARD PLOSSU

mardi, 28 octobre 2014

UN « CRÉTIN » PARLE AUX « CRÉTINS »

J’en étais aux caprices des Puissants, hors de prix pour le « vulgum pecus », cela va de soi, car ils ont tellement de moyens qu'ils peuvent TOUT se permettre, et même n'importe quoi. Ils ne s'en privent pas. L'argent, c'est comme les populations, quand on ne sait plus quoi en faire, on le jette (par les fenêtres, à la mer, ...). Sur la place Vendôme, à Paris, cela donne une « œuvre » de Paul McCarthy, cyniquement intitulée « Tree », dont la forme lui a été inspirée par un ustensile en usage (paraît-il, je répète ce que j'ai entendu, moi je suis pour les méthodes naturelles) chez les amateurs d'artifices sodomiques.

 

De nos jours, tout l'égout est dans la nature, d'où sans doute les préoccupations écologiques. Après tout, peut-être vaut-il mieux que l'objet soit prévu pour, car on retrouve aux urgences hospitalières des gens qui se sont introduit une patate et qui sont alors bien embêtés (authentique et de source sûre, bien sûr, la suite est chirurgicale).

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Mais en dehors des très riches, dont la fortune leur permet de satisfaire leurs caprices les plus coûteux, et si possible les plus arrogants, méprisants et insolents à l’égard du pauvre monde, une autre catégorie de personnes met de l’huile dans les rouages de la machine à produire de l’art à usage de monstration collective : ce sont les décideurs. Ça fait du monde.

 

Le décideur est une espèce en soi : c'est elle qui détient un monopole, qui est un privilège accordé démocratiquement à certains individus depuis que nous sommes en République : le monopole de la SIGNATURE. Le décideur est d'abord celui qui signe, et qui par là assume une responsabilité. Qu'il soit massif ou minuscule, un coffre-fort nécessite une clé pour consentir à s'ouvrir.

 

Le monde administratif étant ce qu'il est, du chef de bureau au Président de la République, la SIGNATURE est cette clé pour ouvrir le coffre. Alors c'est sûr, le privilège de la signature, il y en a pour boire et pour manger, du plus infinitésimal émargement du chef du service incendie qui vient de viser et d'avaliser le tour de garde du week end, jusqu'au chef qui supervise le chef qui supervise le chef etc ...

 

Du plus anecdotique au plus notable, le signeur, signateur, signataire, seigneur de décisions foisonne. On peut même dire qu'il pullule. Peut-être même prolifère-t-il, allez savoir, en cas de pépin, ça peut servir pour les assurances ou devant le tribunal : qui est responsable ? Dit autrement : qui décide d'installer un "plug anal" en pleine Place Vendôme ? Qu'on sache contre quel gros responsable porter plainte pour « pretium doloris » (ben oui, ça fait mal, dans ces dimensions).

 

Car ça finit par faire des sommes ! Pour la ville de Lyon, le budget alloué au fonctionnement seul de la culture pour l’année 2014 était de 113 millions d’euros (source : site municipal). Ce qui permet à l’amateur de Modernité de goûter par exemple, au Musée d’Art Contemporain, l’œuvre iconolâtre et bédélâtre d’Erro, présenté anonymement par monsieur Thierry Raspail (qui dirige l’institution) comme « le premier storyteller de l’histoire de l’art ». Je ne veux pas savoir qui est le signataire en dernier ressort de cette chose. « Erro humanum est. Perseverare diabolicum », je ne sors pas de là.

 

Il est vrai que, vivant à l’époque de la production industrielle du boudin storytellé et déféqué avec constance et régularité par d’innombrables médias fournis par d’innombrables officines de « communication », nul ne saurait se passer de connaître et d’apprécier les produits de la maison Erro, directement sortis des chaînes de son usine prémonitoire : directement de l'état solide du Réel à l'état gazeux du Virtuel (on appelle ça "sublimation"). Il paraît que ça raconte le passage de l'Âge Archéologique à l'Âge Moderne. Passons.

 

Il reste que Gérard Colomb (maire), Georges Képénékian (1er adjoint, Culture) et Thierry Raspail (directeur du MAC) illustrent à merveille l’organisation de la chaîne des décisions qui déboucheront plus tard sur la fabrication d’un paysage culturel auquel le spectateur futur est sommé d'adhérer (voir le superbe squelette en acier du « Musée des Confluences »). Ils sont parmi ceux qui vous disent ce qu’il faut avoir vu. Et voir le Musée des Confluences, on ne peut pas faire autrement. On peut dire qu'il s'impose à vous. 

 

Les trois décideurs ci-dessus nommés vous imposent aussi comment le voir : ils ont signé la construction des bâtiments, l'aménagement des espaces, les cheminements, les perspectives et les points de vue, etc. Le Signataire de décision fabrique le cadre de votre existence. Il vous l'inflige. Il vous le fait subir. Et prière d'applaudir : il a tôt fait de vous renvoyer aux élections suivantes si vous n'êtes pas content. Pour la démocratie, vous repasserez dans six ans. Quand je dis "signé", je ne parle bien sûr que de la commande, des autorisations, etc. 

 

Ceux qui sont allés voir il y a quelque temps les « outre-noirs » de monsieur Soulages au Palais des Beaux-Arts de Lyon, qu’ils le veuillent ou non, ont consommé de telles décisions de tels responsables et signataires des dites décisions. Comme les Romains au Cirque, ils en redemandent. Et le grand seigneur qui règne sur ses terres jette sa décision au bon peuple comme la fermière jette son grain à la volaille. Eh oui ! C’est qu’elle vote, la volaille ! Mais si peu, dans le fond !

 

Si l’on remonte le sillage laissé par les décideurs en matière culturelle, on trouve, entre autres, monsieur Chirac offrant le Pont-Neuf à monsieur Christo pour qu’il en fasse un paquet-cadeau éphémère destiné aux Parisiens (on appelle ça un « événement ») ; on trouve monsieur Aillagon déroulant sous les pas de monsieur Jeff Koons (puis de monsieur Takeshi Murakami) les tapis rouges du château de Versailles  pour qu’il y dépose des objets assez furieusement « flashy » pour qu’on entende la puissante détonation produite par le contraste avec ces lieux chargés de leur histoire comme un âne de son fardeau. Plus la déflagration est forte, plus le commanditaire est satisfait. Il faut le comprendre : il a l'impression de faire l'histoire. Sarkozy a montré qu'on peut même en faire une stratégie politique.

 

C'est sans doute ce que le directeur de Versailles entendait par « dépoussiérer ». Dépoussiérer, pour tout un tas de responsables et de décideurs, ça consiste à nettoyer par le vide (« au Kärcher »), à balayer d'un seul coup tout ce qui a été fait auparavant et surtout faire quelque chose qui n'avait jamais été fait. Ah, être le premier ! Malheureusement pour tous ceux qui en rêvent, être le premier en art, ça ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval. Combien de millions d'artistes se sont rêvés en Marcel Duchamp-bis, et ont désespérément couru après, tentant vainement de répéter le coup de tonnerre de son geste inaugural, radical et fatal, le « ready-made » !!

 

Demandez à ce pauvre Pierre Pinoncelli, qui souffre depuis tout petit d'un curieux syndrome, qu'il conviendrait de nommer le « Complexe de Marcel Duchamp », une malédiction dont il n'a jamais guéri. Mais c'est comme en alpinisme : la première ascension du Grand Pilier d'Angle, c'est Walter Bonatti en août 1957, et personne d'autre. Après, ça s'appelle la deuxième. Tous les autres sont des suiveurs, imitateurs, émules, épigones, successeurs, etc. Eh oui, Pinoncelli, c'est fini le « ready-made », et depuis 1913, s'il vous plaît. Duchamp a tué le "ready-made" en le mettant au monde. Beaucoup ne s'en sont jamais remis. Pinoncelli mériterait une pension.

 

D’après monsieur Philippe Dagen (Les nouveaux mécènes de l’art contemporain), c’est un consortium des joailliers de la place Vendôme qui est à la base de la dernière trouvaille monumentale : inviter Paul McCarthy : « Plus remarquable est le fait que l’érection de Tree avait été décidée en accord avec le comité Vendôme, qui réunit les enseignes de luxe installées là » (Le Monde, jeudi 23 octobre 2014). Mais j’aimerais en savoir davantage sur le complément d’agent (laissé ici en blanc) de la tournure passive « avait été décidée » (on attend "par ..."). Autrement dit sur le sujet de l’action : quel bonhomme concret, en dernier ressort, a décidé, c’est-à-dire posé sa signature sur le formulaire officiel, rendant la chose possible ?

 

Je note en passant que le chapeau de l’article est ainsi formulé : « Pour l’industrie du luxe, la provocation et le scandale sexuel sont des moyens de promotion ». J’abonde, cher monsieur Dagen ! Le mot « décomplexé » a été mis à la mode par un parti de droite. Mais le terme « décomplexé » s’applique encore mieux, depuis quelque temps, aux gens assez riches pour, au mariage de leur fille, donner des louches pour servir le caviar aux centaines d’invités (Pinault ou Arnaud, je ne sais plus).

 

L’INSEE pourra toujours courir derrière la Réalité avec son double-décimètre et mesurer de combien s’est élargi le fossé qui sépare de plus en plus nettement les 0,01 % plus riches et les 10 %  plus pauvres, la Réalité fout le camp loin devant à grandes enjambées, dopée par l’accumulation des super-profits engrangés par les jongleurs de l’économie financiarisée, celle qui est capable de vendre cinquante fois certaines matières premières avant même qu’elles aient été produites. Avec à chaque fois une plus-value, cela va de soi.

 

Ce sont les nouveaux nababs, richissimes et décomplexés jusqu’à l’ostentation impitoyable de leur bonne conscience en acier inox, jusqu’à la superbe arrogance de leur fatuité sans borne, piaffant d’impatience, pour choquer le populo, d'installer place Vendôme le "plug anal" de Paul McCarthy, sous prétexte de sapin de Noël, godemichet géant, sorte d'énorme pousse-caca vert.

 

Vous imaginez Maurice Druon publiant aujourd'hui Tistou les pousse-caca verts ? Peut-être en l’incluant dans l’ABCD de l’égalité, vous savez, ce machin destiné, entre autres, à convaincre les petits enfants que le sexe anatomique n’est pas un destin irrévocable.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

lundi, 27 octobre 2014

UN ALBUM EGOÏSTE

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Allez, j'avoue, ma préférée entre toutes, elle est signée

JOSEF KOUDELKA.

Je dirais bien pourquoi, mais mon commentaire ne saurait se hisser à la hauteur de ce monument de force, d'humour, de simplicité, de familiarité, de noblesse, de légèreté, de mystère ...

dimanche, 26 octobre 2014

UN « CRÉTIN » PARLE AUX « CRÉTINS »

Ce billet fait suite au Manifeste du « Crétin », paru ici il y a quelques jours, titre motivé par celui d’un éditorial du journal Le Monde. J'aurais bien intitulé "Les Crétins parlent ...", mais comme je suis tout seul, ... Tant pis pour le rythme de la phrase, avec sa syllabe "-ent" et sa liaison en plus, à la musique desquelles notre oreille est habituée (vous savez, point-point-point-trait, "ici Londres", etc.).

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Je chantais donc le cantique des rebutés de sa Majesté la Modernité, jugés inaptes à l'Art : « Je suis crétin, voilà ma gloire, mon espérance et mon soutien ».

 

Ce qui m’intrigue, dans l’ « affaire Paul McCarthy-plug anal-place Vendôme », c’est qu’il s’est produit une drôle d’inversion de processus, depuis le premier « ready-made » de pépé Marcel, en 1913. Papy Duchamp, lui, avec sa roue de bicyclette sur un tabouret, il voulait « faire œuvre » (ensuite avec sa « fontaine », son hérisson porte-bouteilles, ses trois « stoppages étalons », tout l’usinage de ses « moules mâliques », sa « broyeuse de chocolat », son « pendu femelle », ses « témoins oculistes », tout ça pour dire qu’on connaît un peu ses classiques …) tout en restant radicalement en dehors du domaine officiel et réservé de l’art, de l’académie, tout ce qu’on voudra.

 

Commençons par signaler que les gens d’alors, comme prévu, réagissaient comme les gens d’aujourd’hui. Il y avait, dans toute la démarche de Marcel Duchamp un puissant moteur anarchiste, asocial, voire nihiliste qui tirait avec violence tout son autobus (sa « boîte-en-valise ») hors du consensus qui fait la vie collective, hors du champ institutionnel, à commencer par l’Institution du Travail. Les gens avaient une bonne perception de ce nihilisme et de sa haine de l’ordre établi, et lui rendaient bien ses intentions. Tout allait bien, la logique était respectée : le marginal par choix d'un côté, les gens normaux de l'autre, cahin-caha, vaille que vaille.

 

La différence avec autrefois, elle vient des autorités. Eh oui, c'est elles qui ont pris un virage à 180°. Quand elles levaient les bras au ciel en criant « au fou l’artiste ! », elles hurlaient avec la foule. Aujourd’hui, on assiste à cet incroyable retournement de situation : ce sont les autorités (artistiques, culturelles, politiques, …) qui hurlent contre la foule (on me dira que c'est un groupuscule d'exaltés extrémistes) qui dégonfle le godemichet vert de la place Vendôme, « au fou la foule ! », en « condamnant fermement des actes inqualifiables » commis par des « fascistes », des « réactionnaires », des « mongoliens », bref des « crétins », comme dit souverainement Le Monde.

 

Aujourd’hui, qu’on se le dise, l’Anarchiste et Nihiliste anti-social, le vaguement escroc, farceur et mystificateur Marcel Duchamp (marchand du sel, comme disait lui-même cet amateur de contrepèteries et autres jeux de mots) a été bombardé Ministre de la Culture. Et son premier décret porte en toutes lettres cette affirmation définitive, au sujet de son « Grand Verre », alias La Mariée mise à nu par ses célibataires, même : « Désormais, la Culture, c’est ça !!! ». Je ne suis pas sûr qu'il ait ajouté « bande de nazes », mais le cœur y est. "Plug" anal compris : il avait bien exposé un urinoir, lui.

 

Aujourd’hui, pour son « apport décisif à l’histoire de l’art mondial et au rayonnement artistique de la France éternelle », François Hollande en personne a solennellement remis à Marcel Duchamp, le roi du « ready-made », vêtu pour la circonstance de son habit vert d’Académicien Français, la grand-croix de la Légion d’Honneur, dans la cour de l’Elysée, au cours d’une cérémonie grandiose bercée par les flonflons de la fanfare de la Garde Républicaine en grand uniforme, devant une armée de photographes et de cameramen venus du monde entier.

 

Blague à part, j’aimerais bien qu’on m’explique ce retournement de veste des Puissants. Mais aussi le retournement de veste des Anarchistes, Terroristes et Poseurs de Bombes de l’Art d'avant-garde, qui se sont convertis au métier servile de caniches de leurs Majestés les Puissants. Comment ont-ils fait pour troquer le rôle d'épouvantails et de croquemitaines contre celui de faire-valoir et de bouffons de Sa Majesté ? Comment les Autorités ont-elles pu accepter de faire entrer ces Loups dans la Bergerie Sociale ?

 

Je risque une première approximation de réponse : parce que nier le Système où règnent ces Puissants est devenu un « fromage ». Alors dis-moi pourquoi la Subversion du Système est devenue un « fromage » ? Parce qu'elle en est devenue un Aliment. Le Carburant de ce Système s'appelle en effet "Négation de soi", "Effacement des données identitaires", "Du Passé faisons Table Rase" (eh oui, aussi étonnant que ça paraisse, le refrain communiste est devenu un chant purement capitaliste).

 

Le Système a compris que l'Art est absolument inoffensif. La Subversion Politique c'est fini ! Vive la Subversion Idéologique ! La Subversion inoffensive de l'ordre établi par l'Art (et domaines connexes), qu'on se le dise, est devenue un moyen extrêmement prisé de gouvernement des masses. Le "plug anal" de Paul McCarthy place Vendôme a ça d'inscrit dans ses significations prioritaires.

 

Mais j'ajoute aussitôt qu'à la différence des "Bouffons de Sa Majesté", dont les saillies étaient censées corriger la trajectoire du monarque quand elle devenait erratique, les individus admis à jouer le rôle de "Grands Négateurs Institutionnels" récitent leur Manuel Officiel de la Subversion Permanente à l'intention exclusive du bon peuple, celui qui ne sait pas. Celui qui ne sait plus rien est ainsi appelé à consentir à la subversion permanente de ses propres valeurs, de ses repères, de son histoire, de son identité. A se soumettre à des institutions devenues elles-mêmes subversives. Il y a des exemples récents hors du domaine de l'Art, que les valets des Puissants s'empressent de classer parmi les Progrès décisifs de la Civilisation (je peux mettre les points sur les i si vous voulez).

 

Le "bon peuple" est celui que les nouvelles élites au service des Puissants ont pour charge de guider sur le chemin qui mène à la définition d'un Homme Nouveau et d'une Humanité Nouvelle. Il faut que cela se sache : le Puissant a désormais besoin du Négateur pour confirmer sa Puissance. Tout simplement parce que le Négateur, en produisant des objets qui manifestent aux yeux de tous la Négation de la Puissance, prouve que le Puissant est plus puissant que sa Négation même, puisqu'il lui ouvre ses portes et lui offre sa protection. C'est la raison pour laquelle Jeff Koons, Takeshi Murakami ou dernièrement Paul McCarthy sont des "Bouffons de Sa Majesté". J'espère que vous suivez.

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Jeff Koons et François Pinault, posant lors d'une conférence de presse à Séoul, devant le buste en marbre représentant JK en compagnie d'Ilona. C'est sûrement pour d'excellentes raisons qu'ils se marrent.

Quand je dis « puissants », je renvoie à toutes sortes de gens, mais en premier lieu, évidemment, à ceux qui ont les plus gros moyens. M. François Pinault a dédié un des joyaux vénitiens à ce qui se fait de plus con et temporain dans l’arcon : le Palazzo Grassi. Pour faire pièce à ce grand rival dans la course au titre de « Français le plus riche », Bernard Arnaud (LVMH) a déposé (je suppose) un tas d’or suffisant au pied de Frank Gehry pour que celui-ci lui construise l’écrin rêvé pour ses collections de la plus grande classe. Le bon choix, le premier milliardaire venu vous le dira. 

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Gehry n’est-il pas l’immortel auteur de l’immeuble (ci-dessus) « Dancing House » de Prague ? Cela vous pose un homme. Ça a de la « patte », voire de la « cuisse ». C’est une « signature ». Walt Disney à Los Angeles, Guggenheim à Bilbao, maintenant la Fondation Vuitton à Paris : mieux qu’un grand chelem à l’ATP, plus fort que mettre tous les œufs dans le même panier, non seulement ça vous en bouche un coin, mais ça vous en colmate une fissure ! Ce brave philanthrope de Bernard Arnaud se voit décerner le label de « mécène respectable ». Pas comme ce pillandre (j’essaie de réhabiliter le patois lyonnais) ostentatoire de Pinault à Venise.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

samedi, 25 octobre 2014

UN ALBUM EGOÏSTE

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BOB HUDAK

vendredi, 24 octobre 2014

UN ALBUM EGOÏSTE

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ERNST HAAS

jeudi, 23 octobre 2014

UN ALBUM EGOÏSTE

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JEAN-CLAUDE GAUTRAND

mercredi, 22 octobre 2014

LE MANIFESTE DU « CRÉTIN »

Paul McCarthy agressé. Son machin vert (on n'en verra pas trace ici, non, merci) érigé place Vendôme à Paris tout raplapla. C’est un scandale ! Qu’est-ce qui est un scandale ? Le machin vert ou son dégonflement ? Il faudrait savoir. Le Monde, en tout cas, sait. L’essentiel est sauf. Et le journal entier est là, puisque c’est l’Editorial. Qu’on se le dise : Le Monde est du côté du manche. Sans dilemme, sans perplexité, sans parfumerie dialectique, sans états d'âme dans l'argumentaire, sans point d'interrogation métaphysique. Attention, c'est du péremptoire, l'Editorial du Monde ! Le titre de l’Editorial du Monde ? Je vous le donne Emile : « Place Vendôme, le créateur et les crétins ».

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DATÉ MARDI 21 OCTOBRE 2014, PAGE 22

 

Eh bien s'il faut abattre le gros machin vert de la place Vendôme pour être catalogué « crétin» par l'éditorialiste du Monde, moi, je suis volontaire pour déclencher la soupape de dégonflage !

 

Je suis crétin, voilà ma gloire, mon espérance et mon soutien ! Très honoré, vraiment, d'être insulté par l'éditorialiste du Monde !

 

Au fond, on a bien tort de s’en poser, des tas de questions sur le sens de la vie. Le monde est tellement simple ! Vous n’avez qu’à dire comme George W. Bush : « Qui n'est pas avec nous est contre nous ». Ici : d’un côté les « créateurs » et autres amateurs de « créations » ; de l’autre les « Crétins » (j’ajoute une majuscule, pour faire solennel). D'un côté le mainstream, de l'autre les parias.

 

Le Monde aussi, il est tellement simple ! Il suffit pour cela de consentir au foutage de gueule. Comme le neurone bien connu de George W. Bush. Sur la base d'un syllogisme lui-même d'une simplicité enfantine : Gustave Courbet fut un iconoclaste, or Paul McCarthy est un iconoclaste, donc Paul McCarthy = Gustave Courbet. Plus fort que simple : simpliste ! Mieux que simpliste : primaire ! Jusqu'où s'arrêteront-ils ?

 

Dans cette croisade, d’un côté, vous avez l’armée la plus puissante, je veux dire l’artiste, le gouvernement, la mairie de Paris, toutes les Autorités morales, sociales, culturistes (euh...),  journalistiques, esthétiques et autres. Bref, la Grande Coalition des gens puissants, des gens richissimes, des gens qui savent, des gens qui disent le Bien et le Mal, des gens qui décident de ce qui est de l’art.

 

De l’autre, un vague tas de « crétins », assez lâches pour œuvrer la nuit dans l’ombre, assez niais pour n’avoir pas su reconnaître dès son érection l’avènement de sa Majesté l’Œuvre d’Art, assez « rustres, agrestes et grossiers» (formule piquée au Paul Claudel de Jeanne d'Arc au bûcher, vous pouvez vérifier) pour commettre un attentat contre sa Majesté l’Œuvre d’Art (et au passage contre son auteur, qui plaidait pourtant « non responsable »). Ces infâmes n’ont même pas osé revendiquer leur indigne forfait.

 

Eh bien oui, il me faut l’avouer : je les félicite chaleureusement. Ils ont raison de rester anonymes : ils sont les pionniers représentatifs de « la foule des anonymes», cette catégorie de population dont les journalistes sont si friands dans les grandes et moins grandes occasions (vous savez, les occasions où le "micro" fait le "trottoir"). Cette plèbe dont il est si commode de faire disparaître la poussière sous les tapis dès que les circonstances prennent un peu de hauteur et leurs acteurs un peu d'importance. Je suis fier de me compter au nombre des « crétins ». La seule chose que je regrette, c’est de ne pas m’être trouvé à Paris pour éprouver la jubilation de réduire l’ « œuvre » de M. Paul McCarthy à l’état initial dont elle n’aurait jamais dû sortir : le néant.

 

Le rédacteur (soyons équitable : « … ou la rédactrice ») de l’Editorial du Monde a par-dessus le marché le culot d’invoquer le souvenir de Gustave Courbet, dont Paul McCarthy serait le « digne successeur ». Je ne vais pas me donner le ridicule de prendre la défense d’un véritable et grand artiste face aux promoteurs de défécations vendues sous l’appellation auto-contrôlée d’ « art contemporain », façon Jeff Koons ou Takeshi Murakami à Versailles, sous les auspices de M. Aillagon.

 

« Art contemporain », dites-vous ? Oui. Tout le monde connaît M. Arcon, le Figaro bigarré, l’Arlequin finement marqueté de bric et de brocante, l’homme à tout faire de M. le marquis de N’Importe Quoi. Tout le monde sait que « M. Arcon est arrivé à pied par la Chine », et qu’il sème ses excréments sous les regards bienveillants et avec l’argent de ceux qui décident (et des contribuables qui les ont élus), dans les endroits les plus innovants, les plus prestigieux, les plus rares, les plus inviolés.

 

Il est vrai que ces chieurs d’art et leurs innombrables protecteurs bien placés se trouveraient frustrés s’il n’y avait pas de la profanation dans le « geste esthétique » qu’ils « posent ». Plus c'est transgressif, plus c'est jouissif. Plus on enfreint (pour de rire ! ... je pourrais développer), moins on s'en plaint. Plus on s’approche du sacré, de l’historique, disent-ils, plus c’est poussiéreux et encroûté. Plus c'est paléontologique, et plus le « geste esthétique » se doit d’être violent, sur l’air de « Du balai, l’ordre établi ! ».

 

Le plus fort, c’est que ce coup de balai, c’est l’ordre établi en personne qui le donne : c'est clair, une Révolution sanglante se prépare au sein de nos élites, en apparence si policées. Ce sont les plus hautes autorités de l'Etat qui déclencheront la prochaine Prise de la Bastille. Ce sont les anciens de l'ENA qui pendront de leurs propres mains les « crétins» à la lanterne. Les prochains sans-culotte seront en costume trois-pièces, attaché-case et tête de crâne d'œuf ! Le monde à l'envers !

 

Qu’on se le dise : le vrai pouvoir ne serait pas le vrai pouvoir s’il n’insérait pas dans ses manifestations de la représentation obligatoire du sens de la vie et du monde un ingrédient qui en est devenu inséparable : la Négation de Soi. Aucun discours savant sur l’œuvre de M. Paul McCarthy exposée quelques heures place Vendôme ne me convaincra d’autre chose : ce machin vert de vingt-quatre mètres de haut, ce n’est rien d’autre qu’une énorme affirmation de la Négation de Soi. Pour que le peuple se l’imprime au plus profond comme une profonde vérité : en plus des trois "pater" et des deux "ave", vous copierez cent fois : « Je ne suis que de la merde, j'ai mérité ce qui m'arrive ». En même temps et de l'autre main vous battrez votre coulpe avec conviction et ostentation.

 

J’imagine que Courbet, quand il a peint L’Origine du monde, savait à peu près l’effet immédiat que sa toile allait produire sur les visiteurs de l’Exposition. Mais il savait que ce pubis richement velu, cette fente généreusement offerte au regard, il en avait fait une œuvre d'art. 

 

Paul McCarthy, en descendant aussi bas « dans l'opprobre du ruisseau» (Boby Lapointe), s’est sans doute mis à la hauteur de son époque, sans doute pour tirer de l’expérience le maximum de subsides de la puissance publique ou de quelque mécène : ce spécialiste de la provocation sexuelle et/ou scatologique a jeté son dévolu sur ce qu’il appelle un « plug anal ». En français : un bidule pour s’enculer quand on s’ennuie pendant les longues soirées d’hiver. Tout ça pour changer de L'Origine du monde.

 

Mais ce célèbre tableau, qu'on le veuille ou non, c'est bien autre chose et bien davantage que l'image provocante d'un sexe féminin. Il faudrait en informer les responsables de l'opération McCarthy en général, et l'éditorialiste du Monde en particulier.

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Je suis prêt à parier qu’en très haut lieu, dans le petit cercle fermé des décideurs de telles « manifestations artistiques », existe une sorte d’émulation : « T’es même pas cap d’installer le plug anal de ce connard de McCarthy en pleine place Vendôme ! – Tu paries ? Même pas peur ! », et c’est parti pour le scandale. Avec caisse de champagne pour le prix du pari. Je me demande encore de qui est venu ce défi lancé naguère à Jean-Jacques Aillagon, directeur du château de Versailles : « T’es même pas cap d’installer les trucs délirants de Jeff Koons en plein château ! – Tu paries ? Même pas peur, d’abord ! ». Et il l'a fait.

 

Vous savez à quoi ces minables entreprises de foutage de gueule généralisé me font penser ? Je vais vous dire : à quelques jeux de mots passés dans la petite histoire médiatique grâce au bien-aimé leader historique du Front National. Vous vous rappelez ? « Les chambres à gaz ? Un détail de l’histoire ». « Durafour – crématoire ». L’effet est garanti : les médias vous transforment ça illico en mayonnaise chantilly. A croire que c’est l’effet recherché. « Mais vous exagérez ! Et puis ça n'a rien à voir ! Et puis ...». Je maintiens.

 

Ce qui m’échappe, c’est la vraie motivation de la chose. S'il y en a une.

 

Parole de « crétin», à bon entendeur, salut !

 

Voilà ce que je dis, moi.  

 

09:00 Publié dans L'ARCON | Lien permanent | Commentaires (0)