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mercredi, 02 novembre 2016

ÇA FAISAIT DES BULLES …

… C’ÉTAIT RIGOLO.

Aux cimaises de ma galerie BD.

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Franquin faisant un détour par la planète des singes, dans (A suivre) n°16, sans Spirou, sans Fantasio, sans le comte et le maire de Champignac, sans le marsupilami, sans Spip, sans Gaston, sans monsieur de Mesmaeker, sans Jules-de-chez-Smith-en-face, sans Prunelle, sans Lebrac, sans 'moiselle Jeanne, sans la bande, sans les voisins Ducran et Lapoigne, entrepreneurs de travaux publics irascibles (on les comprend).

Accessoirement, je n'entre pas dans le débat suscité par le selfie réalisé tout récemment par un macaque de je ne sais plus où : certains se sont en effet demandé si les droits d'auteur de ce selfie devaient être versés au singe ou au photographe qui lui a mis le smartphone en main.

On n'a que les questions qu'on se pose.

Je n'entre pas non plus dans le débat que s'acharnent à lancer des zoologistes et autres éthologues un peu allumés autour de la question du « Propre de l'Homme », et qui font tout pour convaincre le bon peuple que les animaux connaissent l'altruisme, que les chimpanzés ont des pratiques "politiques" (ça c'est une idée défendue par Pascal Picq) et autres ingéniosités visant à faire tomber les barrières d'espèces et l'humanité de son « piédestal ». Les talents, les performances et les prouesses de certaines espèces truffaient déjà les revues pour la jeunesse quand j'étais gamin.

Franquin est un Génie, je n'hésite pas à être, en cette occasion, aussi "péremptoire" que le "club" éphémère du même nom, auquel j'ai un temps appartenu. Mais il n'a plus besoin de thuriféraires ou d'adorateurs : son carrosse posthume avance sans que des laquais aient besoin de le pousser. Franquin est un carrosse automobile. Un carrosse royal, bien entendu !

samedi, 29 octobre 2016

ÇA FAISAIT DES BULLES …

… C’ÉTAIT RIGOLO.

Aux cimaises de ma galerie BD.

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Mézières, sans Valérian, sans Laureline, sans Alflolol, sans le goumoun, sans le schniarfeur, sans les Schingouz, sans le transmuteur grognon de Bluxte, dans (A suivre) n°9.

Toute la série Valérian est intéressante parce que, sous couvert de science-fiction, les scénarios de Pierre Christin se débrouillent presque toujours pour aborder des problématiques sérieuses de notre présent. Par exemple, dans Bienvenue sur Alflolol l'opposition radicale entre la qualité de vie et des gens et la civilisation du travail obligatoire et de l'exploitation effrénée de la nature et des hommes à des fins intéressées. Les Alflololiens ont une culture où le travail est inconnu, où priment la liberté et la fantaisie individuelle, où chaque enfant, à un moment crucial, "découvre son don" personnel. Les terriens, après avoir essayé de parquer les Alflololiens dans des réserves hostiles et insalubres, comme les Américains l'ont fait avec les Indiens, les mettent au travail dans leurs usines. Le résultat est hilarant : au lieu des infâmes nourritures industrielles, il en sort désormais des objets de pure et simple beauté, mais sans aucune utilité marchande. Inutile sans doute d'ajouter une analyse psychosociologique détaillée du point de vue de Mézières et Christin sur le système qui organise nos existences.

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lundi, 24 octobre 2016

ÇA FAISAIT DES BULLES …

… C’ÉTAIT RIGOLO

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François Schuitten, dans (A suivre) n°3, avec son incroyable trait en courbes de niveau qui m'évoque irrésistiblement le corps zébré des femmes de Lucien Clergue (ci-dessous).

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dimanche, 23 octobre 2016

ÇA FAISAIT DES BULLES …

… C’ÉTAIT RIGOLO.

 

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Jeanne d'Arc, vue, revue et corrigée en foutraque par F'murr.

F'murrr et ses "r" extensibles, son joyeux et débridé délire : Jehanne Darc, Au Loup (où il assaisonne à sa façon, en de nombreuses variantes frapadingues, le conte du Chaperon rouge), et surtout Le Génie des alpages (au moins une douzaine de volumes),

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avec son troupeau de moutons en folie qui suivent les cours de la Bourse, son bélier Romuald, son chien qui explique E=MC², son berger au bord de la crise de nerfs plus souvent qu'à son tour, dans (A suivre) n°1.

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Corbeau dessiné en direct par F'murr (avec un coup de main en forme de soleil couchant de Mézières), au temps où je courais les signatures-dédicaces (c'était à la librairie Expérience, fermement tenue par Adrienne, rue Petit-David, juste pas loin du théâtre des Ateliers).

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Ceux-ci sont dans Barre-toi de mon herbe.

J'ajoute ceci, qui ouvre sur une perspective un peu plus "contemporaine".

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samedi, 22 octobre 2016

ÇA FAISAIT DES BULLES …

… C’ÉTAIT RIGOLO

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Bazooka (Kiki ou Loulou Picasso, je ne sais plus), avec son fascinant graphisme de rupture, dans (A suivre) n°11.

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Andreas Baader et Ulrike Meinhof. Au fond, le cadavre de Hans Martin Schleyer après l'assassinat et, comme dans un miroir, la plaque d'immatriculation de sa voiture.

Pas vraiment de la BD, mais un vrai style. Qui triomphe en noir et blanc.

 

vendredi, 21 octobre 2016

ÇA FAISAIT DES BULLES …

… C’ÉTAIT RIGOLO.

Aux cimaises de ma galerie BD.

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Le regretté Jean-Claude Forest, dans (A suivre) n°24.

Ce sont des gens comme Forest qui font mériter à la BD l'appellation de "Neuvième art".

Ah, Forest et sa talentueuse religion du corps féminin ! Barbarella (avec sa machine à faire mourir de plaisir ; avec son "Aiktor" le robot, disant après la "chose" : « Oh madame, je connais mes faiblesses : mes élans ont quelque chose de mécanique. - Aiktor, vous êtes sublime jusque dans vos répliques », cité de mémoire) pourquoi on ne ressort pas la version originale, celle d'avant la censure, au fait ?) ! 

Le Semble-lune, cette drôle d'histoire où, sur fond de concurrence compagnonnique (Browningwell contre Spoonlove, alias "Renard de liberté" contre "Varlope filante"), Barbarella va devenir mère en même temps que "mère" compagnonnique et cosmique effigie de la "Science éclairant le monde" (grâce au "Tric-Trac-Transfert"), c'est de la science-fiction si l'on veut, mais c'est surtout du Jean-Claude Forest, en train de parler d'art et d'amour. Et de l'amour de l'art. Et de la conquête des dix-huit planètes du système Faustroll.

J'adore Mystérieuse, matin, midi et soir, avec son "arbre minuit", avec son professeur Alizarine, avec son irruption de Barbarella devenue vieille dame. Pour raconter des histoires à son jeune fils, Fred a inventé l'île A sur la carte de l'Atlantique ; pour rendre hommage à L'Île mystérieuse de Jules Verne, Forest a inventé l'île du Pourquoi, avec sa forme en point d'interrogation.

J'aime beaucoup le cycle des Hypocrite : ...et le monstre du Loch Ness, Comment Décoder l'Etircopyh (à lire dans un miroir), N'Importe quoi de cheval, ce dernier avec son improbable espion Freddy-Fred, dit Le Fred, avec son pont d'Avignon en forme de tigre à dents de sabre, qui finit par s'effondrer, avec son Brise-Bise ronchon mais cœur d'or, avec, avec ...

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J'ai une tendresse pour le graphiquement foutraque et déjanté Tiroirs de poche ... (et fonds de miroirs), avec ses chansons sans musique, ses femelles en chaleur et ses mâles au calibre respectable. Probablement sans queue ni tête (façon de parler), sans doute expérimental, mais indispensable.

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Bref, ce que je n'aime pas, chez Jean-Claude Forest, c'est tellement peu que c'est ... rien du tout.

mercredi, 19 octobre 2016

ÇA FAISAIT DES BULLES …

… C’ÉTAIT RIGOLO

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Lacroix , dans (A suivre) n°24.

Je ne sais pas si Lacroix a fait beaucoup d'autres BD. Je sais seulement que sous l'alias d'Alias, il a produit un album tout à fait délectable, au titre sympathique de Fariboles sidérales. On y assiste entre autres à une mémorable partie d'échecs spatiaux entre l'espèce humaine et de méchants robots, les "andrinos". Chaque pièce est ici figurée par une flotte spatiale dont tous les membres sont des militaires bornés, impatients d'en découdre, mais attendant avec discipline l'ordre de partir à l'assaut. La flotte principale est évidemment la reine (ci-dessous). C'est celle-ci que le stratège humain décide de sacrifier. Le stratège des "andrinos" se jette sur la proie prestigieuse ainsi offerte, incapable d'imaginer que, trois coups plus tard, il sera mat. Un robot est-il, en 1979, capable de calculer, dans sa logique, le sacrifice de la reine ? Aussi l'humain triomphe-t-il de la machine, grâce à son audace et à son intelligence.

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Il n'est pas sûr que Lacroix pourrait imaginer une telle histoire aujourd'hui. C'est que Deep blue est passé par là, en battant le champion du monde Garry Kasparov (1997). Et que depuis, on a fait mieux, puisqu'il existe aujourd'hui des machines programmées pour apprendre en même temps qu'elles fonctionnent, grâce au "deep learning". Tremblez, humains !

On nous dit que c'est ça, le Progrès. Or, c'est bien connu, on n'arrête pas le Progrès. 

Mais Alexandre Vialatte (tiens, il y avait longtemps que) a réfuté la maxime de façon définitive :

« On n'arrête pas le progrès : il s'arrête tout seul ».

On peut ne pas être d'accord. Car il n'est pas impossible qu'un de ces jours prochains, le progrès nous marche dessus pour avancer tout seul comme un grand, après s'être débarrassé de l'humanité, ce fardeau encombrant.

mardi, 18 octobre 2016

ÇA FAISAIT DES BULLES …

… C’ÉTAIT RIGOLO.

Aux cimaises de ma galerie BD.

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Mandryka et son Concombre masqué, le légume raisonneur au nez ithyphallique (mais pas pioupiesque), dans (A suivre) n°2.

Mandryka, en compagnie de Gotlib et de Bretécher, avait fondé L'Echo des savanes, cette revue inoubliable et géniale, dans le premier numéro de laquelle Gotlib n'y allait pas de main-morte pour affirmer qu'il faisait désormais de la bande dessinée pour adultes, en réécrivant à sa façon les histoires du Petit Poucet et  de ses frères ("gloupfl ! glopfl !"), de Tarzan ("ça dire à toi ?") ou de Blanche-Neige entourée de sept nains qui avaient la particularité intéressante de n'être pas nains partout.

Je me rappelle aussi, de Bretécher, deux adolescentes qui se mettaient dans tous leurs états au moment de leur premier tampax, qui se cachaient pour ça dans un placard, et qui, une fois munies de la chose, descendaient se pavaner dans la rue avec des airs de "grandes".

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Aucun rapport, juste pour expliquer le "pioupiesque" : 

« Ithyphalliques et pioupiesques,

Leurs insultes l'ont dépravé ».

A. R.

dimanche, 16 octobre 2016

ÇA FAISAIT DES BULLES …

… C’ÉTAIT RIGOLO

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Le très rabelaisien (et prolifique) Max Cabanes, dans (A suivre) n°1.

De gauche à droite Ysengrin, Hersent et Renart à la main baladeuse, qui n'aime rien tant que "trousser la gueuse" (quoiqu'ici il n'y ait rien à trousser au sens propre), dans la version probablement originale du "doigt d'honneur". Quelle santé ! D'autant que la dame montre à l'occasion toute la chaleur de son tempérament.

Cabanes a récemment (2014 ?) adapté en BD le formidable roman de Jean-Patrick Manchette Fatale, dans lequel une tueuse à gages sème la mort chez les notables d'une ville pourrie, allant jusqu'à faire usage d'une Weatherby 460 (avec sa balle de 32,4g. à comparer aux 10,2 du 357 magnum !), qui a dû sacrément lui démancher l'épaule au moment du tir. Si je me souviens bien, ça finit assez mal pour elle. 

vendredi, 14 octobre 2016

ÇA FAISAIT DES BULLES …

… C’ÉTAIT RIGOLO.

Aux cimaises de ma galerie BD.

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Christian Binet dessine ici la moitié postérieure de Madame Bidochon (la série Les Bidochon en était à son vingtième album en 2010, malgré le procès de vrais Bidochon de je ne sais plus où, qui ont mis plus de dix ans à se rendre compte que, leur nom étant devenu célèbre, ils pouvaient gratter quelque chose, mais qui en ont été pour leurs frais), dans (A suivre) n°26.

J'apprécie la série, sans être un fanatique. Là où je me dis que Binet a fait très fort, c'est qu'il a (presque) fait de Bidochon un nom commun, passé dans le langage courant. Ce qui s'appelle, si je ne me trompe, une antonomase dans le langage des fleurs (de rhétorique), pas tout à fait au même titre que Don Juan, Harpagon, Tartuffe ou Apollon, mais pas très loin. Quel était l'écrivain qui rêvait d'inventer un stéréotype, parce qu'il considérait que c'était une preuve du génie (et du succès : je pense ici au "beauf" de Cabu, mot sur lequel certains ont même bâti le mot "beaufitude" ; remarquez que la Ségolène a bien fait "bravitude", alors ... Après tout, ce n'est qu'une histoire de suffixe !) ? 

jeudi, 13 octobre 2016

ÇA FAISAIT DES BULLES …

… C’ÉTAIT RIGOLO.

Sur les bancs du fond des cimaises de ma galerie BD, près du radiateur (« C'est là qu'ils s'épanouissent », disait Jacques Bodoin).

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Martin Lodewijk n'est pas un "grand" de la BD, mais le gag est gentil, dans (A suivre) n°11. 

Pour la ressemblance, j'hésite entre un souvenir du maître d'hôtel du "Klow", le restaurant syldave du Sceptre d'Ottokar,

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et un autre de l'inoubliable maire de Champignac (ici dans une de ses brillantes envolées rhétoriques, moins le chapeau melon, dans Le Prisonnier du Bouddha).

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En bas à droite de l'image, juste à côté du préfet qui fait la sieste, le bruit du "Générateur Atomique Gamma" (G.A.G. en abrégé !), cette invention géniale qui confère un sens propre à la vignette suivante, qui finit la phrase : « ... toujours plus hauts ! ».

mercredi, 12 octobre 2016

ÇA FAISAIT DES BULLES …

… C’ÉTAIT RIGOLO.

Au premier rang des cimaises de ma galerie BD.

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Hugo Pratt : ici Corto Maltese en Sibérie, en compagnie de Nino Ferrer rhabillé en "Capitaine Nino". Corto, ce personnage entré en France par l'entremise de Pif gadget, qui s'efforce d'empêcher les fantômes de son passé (autrement dit la nostalgie, ou alors les regrets) de l'envahir, bien qu'on sache que sa route a croisé (outre Bouche dorée, le professeur Steiner, Venexiana Stevenson ou l'officier Sorrentino), en 1907, celle de Staline, quand celui-ci était portier de nuit à Ancône ou voleur des cloches de l'église arménienne Saint-Lazare à Venise (La Maison dorée de Samarkand) ; ou, en France, quelque part entre Zuydcoote et Bray-Dunes entre 1914 et 1918 (Les Celtiques), un Rotschild dont il est impatient d'aller goûter le bordeaux ; ou encore, toujours entre 14 et 18, mais en Italie cette fois, du côté de Sette Casoni, un certain armateur grec du nom transparent d'Onatis (Sous le Drapeau de l'argent) ; l'auteur, en restant savamment allusif, crée ainsi, derrière son personnage, une étonnante profondeur de champ historique qui lui confère une épaisseur dont il n'est pas dénué par ailleurs, qui est sans doute pour quelque chose dans le pouvoir de fascination qu'il exerce ; Corto Maltese pourrait à bon droit endosser la paternité de cet alexandrin : 

« J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans »

(est-il besoin de préciser que l'auteur s'appelle Baudelaire ?),

dans (A suivre) n°4.

mardi, 11 octobre 2016

ÇA FAISAIT DES BULLES …

… C’ÉTAIT RIGOLO.

Aux cimaises de ma galerie BD.

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Ted Benoît, que j'avais découvert avec un Hôpital plus vrai que le vécu hospitalier, et qui vient de nous quitter (ici, Ray Banana dans Berceuse électrique, une bonne histoire de détective, de secte d'illuminés envolés vers Sirius et les étoiles, de robots indestructibles, de savant fou et de belles carrosseries américaines des années 1950), dans (A suivre) n°36.

lundi, 10 octobre 2016

ÇA FAISAIT DES BULLES …

… C’ÉTAIT RIGOLO.

Aux cimaises de ma galerie BD.

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Jean-Claude Claeys (plutôt un illustrateur, en vérité, mais quel !...), dans (A suivre) n°2.

La réponse à la question posée par la dame est « Oui », bien entendu.

dimanche, 09 octobre 2016

ÇA FAISAIT DES BULLES …

... C'ÉTAIT RIGOLO.

Aux cimaises de ma galerie BD.

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Avoine, dans (A suivre) n°29.

vendredi, 13 mai 2016

UNE BLAGUE DE DANY 5/7

A LA PHARMACIE

Dernière vignette de la planche. La dame est venue se renseigner pour savoir si elle pouvait trouver ici quelque chose contre les rhumatismes, puis Parkinson, puis Alzheimer, puis l'infarctus, puis l'incontinence, et enfin la prostate. La pharmacienne s'étonne : mais pourquoi toutes ces questions ?

Réponse de la dame.

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mercredi, 11 mai 2016

UNE BLAGUE DE DANY 3/7

MARIAGE

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Tous aux abris !

La publicité débarque sur France Culture !

Voilà, c'est fait. La pub a posé l'ongle du petit orteil !

Pour le moment, c'est à 6 h 30 : les très riches (on parle de l'ISF) sont invités à penser aux paralytiques au moment de payer leurs impôts. Pour le moment, on nous épargne les sourds, les aveugles, les culs de jatte, mais jusqu'à quand ?

J'imagine qu'il attendent de voir les réactions pour y entrer le pied complet !

Moi, c'est simple, messieurs de France Culture, je vous préviens : je coupe le son.

Sur quelle terre VIERGE DE PUB faudra-t-il émigrer ?

HALTE A LA POLLUTION !!!!!!!!!!!!

samedi, 20 février 2016

I'M A POOR LONESOME COWBOY

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SUR LA PISTE DES DALTON (N°17)

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Réforme de l’orthographe, donc ? Les gens savants et les gens instruits s’étripent. D’un côté (lequel ?), il faut enseigner les règles, et il est impardonnable qu’une langue écrite qui a donné au monde et à la civilisation des œuvres qui font de la France un élément irremplaçable du patrimoine de l’humanité. 

De l'autre, le français étant une langue compliquée, c’est entendu : simplifions-la. Modernisons-la. Réformons-la. Mettons-la à la portée des paresseux. Pourquoi se casser la tête avec les noms composés, les adjectifs de couleur et les accords du participe passé ? 

Ce qui est inadmissible, dans la langue française, c’est que, dans son ensemble, elle est constituée de façon totalement arbitraire. Comment un esprit rationnel peut-il supporter les aberrations constatées dans son orthographe ? Et ce ne sont pas les esprits rationnels qui ont manqué pour proposer d’en finir avec l’arbitraire orthographique, comme la nation avait mis fin à l’arbitraire royal en zigouillant sa principale figure. 

Je pense évidemment à Raymond Queneau, qui ouvre son roman célébrissime Zazie dans le métro sur cette phrase mémorable : « Doukipudonktan, se demanda Gabriel excédé ». Et je signale que dans ses Essais, Montaigne, orthographie l’expression « A cette heure », selon les moments ou selon l’humeur : « A cette heure, … asteure, … voire asture ». 

Ceci dit, cet étripage médiatique entre sans-culottes et réactionnaires me semble typiquement ce que Le Canard enchaîné appelle des « paroles verbales », parce que, sans rien dire à personne, l’orthographe du français se réforme tous les jours. On peut en effet compter sur l’ingéniosité et la créativité orthographiques des collégiens et lycéens, pour inventer avec persévérance un français qu’on ne trouve pas dans les dictionnaires. 

C’est ainsi qu’il existe des « tâches ingrasses » ; que « Pierre et Marie Curry » sont de grands savants ; que certaines musiques font entendre un « quincophonie » ; que les enfants, à force de jouer à la playstation, « ne savent plus jouer à colamaya » ; que les « téléspacteurs » passent trop de temps devant la « télévion » ; qu’on admire l’œuvre du sociologue « Pierre Bondieu » ; que « le mariage est représentateur de l'esclavitude » ; qu'un « cinémaste » filme à partir de « sénariaux »… etc. On n'en finirait pas. Autant de suggestions pour les réformes futures de l'orthographe.

A suivre « Ali Bitume » : tout un chacun serait à même de réécrire à sa façon La Foire aux cancres, cet énorme succès de librairie. C’était en 1962. 

C’était le bon temps. Depuis, tranquillement, tous les jours, le progrès orthographique fait rage. 

Rien ne sert de s'insurger : les grandes douleurs sont muettes.

Voilà ce que je dis, moi.

dimanche, 19 juillet 2015

BANDE DESSINÉE : CHARLIE MENSUEL

Tous les amateurs de bandes dessinées connaissent les principales revues de l’âge d’or de la BD (le « neuvième art », comme certains se plaisent à dire, bon, je veux bien) : Tintin, Spirou, Pilote, les pères fondateurs en quelque sorte, qui s’adressaient exclusivement à la jeunesse, sous l’œil vigilant de la loi de 1949, qui permettait de surveiller les publications qui lui étaient destinées.

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N° 42 de Charlie mensuel. J'ai croisé, dans le temps, un Moge. Il était professeur de couleur à l'Ecole des Beaux-arts de Lyon. Il trouvait qu'à son âge (autour de la quarantaine), ça devenait difficile de draguer les étudiantes. Est-ce le même ?

C’était l’époque innocente où Marlier pouvait dessiner ses « Martine » avec leur petite culotte, bien avant qu’on lui conseille de la mettre en pantalon pour des raisons « convenables » (traduction : moralisme policier, gare au soupçon de pédophilie). Et puis Goscinny est arrivé, a pris en main les destinées de Pilote, a fait évoluer la BD vers l’âge adulte en recrutant, entre autres, Cabu, Gébé, quelques autres grands.

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N° 47. Lucques est l'auteur des Freudaines, souvent drôles, parfois désopilantes.

Et puis Delfeil de Ton lance Charlie mensuel. Il passe rapidement à Wolinski les rênes de ce « Journal plein d’humour et de bandes dessinées » (c’est la devise).

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N° 49. Cathy Millet, qui signe ce dessin, est-elle la papesse qui régna, avant Catherine Francblin, sur cette Pravda de l'art contemporain qu'est la revue Art press ?

Le titre Charlie est un hommage direct à Charles M. Schulz, créateur d’une série célèbre entre toutes : Peanuts, où évoluent, entre autres, Charlie Brown et Snoopy, le chien philosophe (ci-dessous). J'aime bien, sans plus.

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N° 54. Les visiteurs de ce blog connaissent André Barbe, depuis mon billet du 15 juillet. C'est Snoopy qui mord le flic aux fesses.

Je m’épargnerai non seulement l’effort de faire l’éloge de Charlie mensuel, mais aussi d’énumérer les illustres maîtres et les « petits maîtres » de l’art de la BD qui y ont vu publier leur travail. Eloge de toute façon inutile, « car il n’y a qu’à regarder, et c’est écrit dessus » (Alfred Jarry, « Linteau » des Minutes de sable mémorial).

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N° 63. Joost Swarte, le Hollandais dessinant spécialement pour Charlie. Et facétieux avec ça.

Je veux juste rendre hommage à cette revue mémorable, mais en braquant le projecteur sur une face jamais mise en avant. Wolinski rédigeait une sorte d’éditorial, qu’il publiait en p. 2, en l’agrémentant de dessins venus sous la plume de gens parfois connus, qu’il leur demandait pour l’occasion. On ne s’étonnera pas du dessin (ci-dessous) offert par Guido Crepax pour l’édito du N°37 (février 1972).

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Ça se voit : c'est pondu "vite fait sur le gaz".

Mais sans vouloir vexer les mânes de Wolinski (que la terre lui soit légère), c’est la page 1 qui m’intéresse ici. Parfaitement : la page du sommaire, qui indique à quelle page il faut aller pour trouver ci et ça, et dont des exemples jalonnent le présent billet.

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N° 67. Guitton, l'indécrottable baba-cool, les petites fleurs, les petits oiseaux, les étoiles ... et les femmes.

Le sommaire de Charlie mensuel : voilà une manière marrante de jouer avec la contrainte. Un défi pour un dessinateur.

Voilà ce que je dis, moi.

La suite à demain.

mercredi, 15 juillet 2015

BANDE DESSINÉE : LE CAS BARBE

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J’aurais bien vu André Barbe en nouveau Walt Disney. Mais attention : un Walt Disney pour adulte, et pas un moraliste calviniste, puritain, et coincé dans la bulle des grands principes binaires, si chère au manichéen George W. Bush. Pourquoi n’a-t-il pas fait de dessins animés, des vrais à vingt-quatre images / seconde ? 

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Bon, il s’est contenté de faire de la bande dessinée. On ne va pas lui reprocher de faire ce qu’il a fait, maintenant qu’il est mort (en 2014). Parce que ce qu'il a fait atteint la perfection dans son genre. Son style, ainsi que les ouvrages qui sont sortis de son crayon, est immédiatement reconnaissable : un trait voluptueux d’une part, et d’autre part une disposition verticale des bandes, comme si le lecteur visionnait la pellicule d’un film image par image, mais en passant plus vite : il y a de l'ellipse, dans la torridité des images fabriquées par André Barbe. 

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Pour le confesseur (en deux mots ?), la bande retrace impeccablement la trajectoire de son imaginaire : des seins, il est si facile de passer aux fesses. Mais finalement, il se contentera de la bouche. On a compris, Barbe, tu es anticlérical.

Le trait épicurien qu’il déroule en arabesques infatigables, c’est, on l’a sans doute deviné au vu des illustrations, pour le corps féminin. Barbe éprouve un amour inextinguible pour les formes féminines, qui ont le pouvoir particulier (et légèrement pervers, bien entendu) de, tout à la fois, combler et frustrer le spectateur. Barbe rêve de sentir entre ses mains un tel corps. Alors il se dessine en train de le tenir d'une main et de le dessiner de l'autre (ci-dessous). Magie du trait : pour le coup, la formule n’est pas usurpée. Mais plaisir, sans doute, de masturbateur, car s'il tient la femme, elle demeure absente. La magie du trait, c'est précisément ça : matérialiser le fantasme.

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Le corps de la femme n’apparaît en entier, superbement rendu évidemment, que de temps en temps, aussitôt disparu dans le grossissement soudain d’un détail, qui se transforme bientôt à son tour. Barbe n’aurait jamais pu être cinéaste : il prend trop de liberté avec le réel. Il a fait sienne la devise du scientifique : « Tout se transforme ». Je ne vois donc que le dessin animé. Ses Strips et autres Cinémas ne sont rien d'autre que du dessin animé servi sur planche.

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Planche I.

Ce que Barbe voit, il ne le voit jamais longtemps, juste le temps de s'électriser. Perdre de vue avant de voir surgir. Le désir est par essence mouvement : ce buisson est à peine devenu un pubis fourni encadré par deux cuisses ouvertes qu’on voit apparaître les collines de deux fesses dans le creux desquelles apparaît un guerrier à cheval (ou qui que ce soit d’autre), et puis voilà (pouf, pschitt, hokus pokus, abracadabra) que déboule dans le paysage une paire de seins du meilleur aloi. Pas le temps de toucher : le corps féminin s’est évanoui dans le décor. 

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Planche II.

Voilà, fascinantes et charnelles jusqu’au pulpeux, les héroïnes de Barbe vous attirent et disparaissent. Ce sont des allumeuses. La BD de Barbe exacerbe un désir masculin toujours renouvelé et jamais satisfait. L’auteur a tout compris de ce pouvoir millénaire, indéracinable. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas une BD féministe, mais une BD célébrant (gare au stéréotype) l’ « éternel féminin », tel qu’il surnage encore, on ne sait trop comment ni pourquoi, dans les rêves des hommes. J'espère.

Barbe est peut-être un obsédé, mais il sait poser des formes splendides sur ses obsessions. Ce qu'on appelle le grand art.

Voilà ce que je dis, moi.

mardi, 03 février 2015

LITTLE TULIP

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Je ne pensais pas pouvoir un jour être de nouveau secoué par un album de bandes dessinées comme je l’ai été en d’autres temps par Tintin au Tibet (de qui-vous-savez), La Ballade de la mer salée (Hugo Pratt), C’était la Guerre des tranchées (Tardi), Sarajevo Tango (Hermann) et quelques autres (le dernier en date étant Notre Mère la guerre, de Maël et Kriss). Eh bien si, secoué, je l’étais en refermant ce Little Tulip de Boucq et Charyn.

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Ce bouquin est en soi un éloge du dessin en général. Et du tatouage en particulier. Je me dis que ça devrait plaire à certain. Sans s. Je lui dis bonjour.

Secoué, je l’étais déjà en refermant mon Libé quotidien en août dernier, quand la BD y paraissait en feuilleton. Je m’étais juré d’acheter l’album à parution. C’est loupé, j'ai oublié : j’ai dû me contenter du deuxième tirage. J’enragerai quand je verrai la cote grimper dans le BDM. Tant pis pour moi. De toute façon, j’ai aussi loupé le Charlie Hebdo du 7 janvier (celui avec Houellebecq en « une », 200.000 € sur eBay, il paraît, je n’ai pas vérifié, quelqu'un qui avait du pognon à claquer, il s'en foutait de savoir que Charlie Hebdo était devenu "pas très bon" - euphémisme).

 

Boucq, je le connaissais depuis Mormoil, dont j’avais la collection complète (7 malheureux numéros, j’avoue que j’ai un peu oublié ce qu’il y avait dedans, je me souviens juste de la couverture où Bardot, généreusement caricaturée par Mulatier, y allait de sa bulle ahurie : « Mords-moi le quoi ? »). 

 

J’aimais bien une série de Pilote où Boucq développait les aventures d’un citadin lambda, mais en prenant strictement au pied de la lettre l’expression « jungle urbaine ». C’était tout à fait réussi, marrant, surprenant. Une ville "forêt vierge", les bus à l'avenant, un délire bien homogène, quoi, entre le foutage de gueule et l'analyse de civilisation, de celle qui prend en compte le discours publicitaire, vous savez, celui qui vous fait vivre « l'aventure au coin de la rue » (Bruckner et Finkielkraut, 1979). J’aimais avant tout la virtuosité, l'incroyable précision de son trait, qui s’apparente de près ou de loin à la « ligne claire ».

 

Charyn, en revanche, j'avais juste entendu son nom comme ça, en passant. Bon, j’apprends que c’est un écrivain américain prolifique. J’apprends surtout qu’il n’en est pas à son coup d’essai avec Boucq. Je me suis promis d’aller voir de plus près de quoi il retourne avec ce bonhomme dont l’âge approche de la huitième dizaine et qui vous percute le sternum avec une histoire dessinée à la pointe affûtée d’un poignard. Je veux en savoir plus sur tout ce qu’a pu produire ce tandem depuis 1986. Et que j’ai soigneusement loupé. J’aime ce genre de surprises, celles qui vous disent qu’il vous reste des merveilles à découvrir. En même temps que ça vous laisse l'impression amère d'être passé à côté de quelque chose de géant au moment où ça se passait.

 

Car Little Tulip est une merveille à couper le souffle. Un bijou de BD. Et d’une prémonition proprement hallucinante, au vu des événements de Paris en janvier, comme le montre la vignette ci-dessous.

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Simple curiosité : j'aimerais savoir qui est la personne dont Boucq a tiré ici le portrait.

Je ne vais pas résumer l’histoire, juste situer le cadre du récit. Paul/Pavel est « portraitiste-robot » pour la police new-yorkaise. Il assiste à l’entretien entre un inspecteur et un témoin et dessine ce qu’il « voit » quand il entend la description d’un délinquant ou d’un criminel. Ses portraits sont d’une ressemblance qui stupéfie les témoins. La police aimerait surtout mettre fin à la série de viols-meurtres dont se rend coupable un certain « Bad Santa », qui signe ses forfaits d’un bonnet de Père Noël, et compte pour cela sur l’étrange pouvoir graphique de Paul/Pavel. La suite de l'histoire montrera le problème sur lequel, cette fois, il bute pour « voir ».

 

C’est qu’il ne vient pas de n’importe où, Pavel/Paul. Il a sept ans et le génie du dessin. La petite famille américaine a émigré à Moscou avant la 2ème guerre mondiale. Elle vit petitement. Le père, un artiste, rêvait de cinéma et voulait travailler avec Eisenstein. Ce qu'il a fait. 

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"C'est l'esprit qui crée les formes" : ma parole, Jérôme Charyn a lu Bergson, l' "élan vital" qui se fraie un chemin dans la matière pour aboutir à la forme qui lui est propre, tout ça.

Paul/Pavel, 6 ans, très doué, est son meilleur élève. En 1947, les parents sont accusés d’espionnage et la famille est envoyée à la Kolyma, dont le nom générique est "Goulag". C’est des allers-retours entre l'effrayant camp de Magadan et New York, entre le passé et le présent, qu’est composé le récit. 

 

On apprendra que le père est mort, que la mère appartient au « harem » du « Comte », un « pakhan » puissant. Les « pakhanys » sont de redoutables bandits, auxquels les autorités staliniennes laissent le soin de faire régner l’ordre dans le camp. Tout marche bien tant que tout le monde respecte les règles.

 

Faut-il dès lors se dire que l’ordre, qu'il soit terroriste ou démocratique, vaut mieux que le désordre ? Je n'en sais rien. Mais à observer quelques situations présentes, dans diverses contrées riantes de notre belle planète, on pourrait conclure que ce ne serait en aucun cas fortuit.

 

Voilà ce que je dis, moi. 

 

dimanche, 15 juin 2014

PLAISIR DE LIRE ARSENE LUPIN 1/2

Je viens de relire Les Confidences d’Arsène Lupin. Le plaisir que je prends à cette lecture, depuis des temps immémoriaux, est bien différent de celui qu’on trouve à celle des Maigret. Pour une question de ton général. Chez Simenon, le ton est, au moins apparemment, « neutre ». Ce que certains appellent un « style blanc » (ou « écriture blanche »). L’équivalent en BD s’appelle « la ligne claire », dont les œuvres de Hergé figurent l'archétype définitif. L’esprit de cette méthode pourrait être résumé : « Le style de ceux qui refusent le style » (j'ajoute : « au profit de l'histoire qu'ils racontent», c'est ce que je préfère), qui caractérise tout auteur qui s’efface de son œuvre, qui voudrait bien ou qui fait mine de.  

 

Le ton, chez Maurice Leblanc, n’est ni neutre ni blanc : l’effet que veut produire l’auteur est de l’ordre du charme enjoué, de la séduction et de la grande classe. Ce n’est pas pour rien que le héros est un filou courtois, un bandit sympathique, l’aristo de la cambriole. Mais je ne vais pas refaire le film et filer l’antithèse, Dutronc et d’autres l’ont déjà fait : « C’est le plus grand des voleurs, oui mais c’est un gentleman ». En disant ça, on ne fait que réciter le cahier des charges du personnage que Leblanc a lui-même rédigé.

 

On me rétorquera qu’il l’a fait a posteriori, puisque ce n’est qu’en 1933 qu’il répond à cette question que tout le monde s’est posée : « Qui est Arsène Lupin ? », alors que l’honorable fripouille est née en 1905. C’est sûr, la silhouette d’Arsène Lupin, tout comme sa « psychologie » ou sa personnalité, s’est dessinée au fil du temps, et le portrait en a été complété au fur et à mesure que les épisodes en étaient publiés.

 

Tout cela a été d’abord pressenti plutôt que défini. Et je note au surplus que Maurice Leblanc, dans son texte de 1933, écrit : « L'épigraphe "Arsène Lupin, gentleman cambrioleur" ne m'est venue à l'esprit qu'au moment où j'ai voulu réunir en volume les premiers contes, et qu'il m'a fallu trouver un titre général ». C'est entendu, Maurice Leblanc, qui parle lui-même de "contes", a la modestie de se présenter comme un conteur d'histoires. Je veux dire que sa formule ne lui interdit en aucune manière de piocher dans le réservoir que constituent les ressources du conte de fées, merveilleux compris.

 

Et puis le sculpteur a modelé sa figurine. Plus le bonhomme Arsène Lupin est revenu sous les mains de son inventeur, plus il a pris consistance et identité, plus les traits se sont accusés (en même temps que diversifiés : l'essence d'Arsène Lupin est dans sa plasticité infinie, cf. son extraordinaire métamorphose en l'impeccable loque humaine nommée « Baudru Désiré» qui se présente devant le juge), pour aboutir à cet être improbable et double : un immonde détrousseur que tout le monde admire, et que toutes les femmes rêvent de rencontrer.

 

Même son ennemi juré, le pauvre inspecteur Ganimard, n’arrive pas à le haïr, et revient vers lui quand il a besoin de résoudre une énigme au-dessus de ses moyens intellectuels. Et c’est d’autant plus vrai que Lupin est très capable de se métamorphoser en monsieur Lenormand, chef de la Sûreté en personne. A la rigueur en Victor, de la brigade mondaine, ou en Jim Barnett, le détective « gratuit » qui se paie sur la bête au grand dam du pitoyable inspecteur Béchoux. Flic ET bandit : comment voulez-vous vous y retrouver ?

 

Mais il est vrai que Lupin se paie à l’occasion « en nature », en partant en « lune de miel » avec Olga Vaubant, l’ex de Béchoux, qui en pince toujours pour elle (L’Agence Barnett et Cie). Et qu’Arsène Lupin lui-même ne dédaigne pas de résoudre brillamment huit énigmes à la file pour les beaux yeux de la belle Hortense (Les Huit coups de l’horloge).

 

Ce que je retiens du petit texte où Maurice Leblanc dresse le portrait de son « gentleman cambrioleur », c’est qu’il arrive à certains auteurs d’avoir l’idée d’un personnage qui, ayant rencontré « la faveur du public », les dépasse rapidement et leur échappe, au point d’inverser le rapport de force entre le créateur et la créature : c’est la monture qui tient les rênes courtes au cavalier, et celui-ci se voit contraint de galoper, les éperons dans les reins, alors même que l’envie lui prend de regagner son écurie.

 

Voilà de que je dis, moi.

 

 

lundi, 17 février 2014

DELIRIUM, DE PHILIPPE DRUILLET (1/4)

Il n’y a pas que Balzac dans la vie. Il y a encore une vie après La Comédie humaine. La preuve, c’est que, tombé par hasard, dans une librairie de quartier, sur un drôle de livre, je n’ai fait ni une ni deux, je l’ai acheté. C’est 17€, aux éditions Les Arènes. Et ça vient de sortir.

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Entre parenthèses, une librairie de quartier, c’est formidable. Ce n’est pas comme l’ex-librairie Flammarion, rebaptisée Privat il y a quelques années, et qui vient de fermer ses portes (enfin, disons plutôt « rendre l’âme », et même de « passer l'arme à gauche ») sous le nom de Chapitre.com : un vrai crève-cœur. Le livre a déserté le centre-ville, si l'on excepte trois survivants et deux supermarchés.

 

C’est normal, me dira-t-on, un centre-ville conçu pour répondre à des critères de vraie modernité n’a pas besoin du livre, juste de parkings, de banques et de boutiques de sapes, avec des usines à mangeaille pour la pause entre deux magasins. Et suffisamment de points wifi pour que les passants n’aient pas à subir de déconnexion. Ce serait trop cruel de leur couper le cordon. Passons.

 

Philippe Druillet a donc écrit Délirium. Enfin, quand je dis « écrit », j’exagère. Si j’avais dit « craché », je serais plus près de la vérité. Qu’il l’ait fait dans l’oreille et devant le micro de David Alliot ne change rien à l’affaire : on ne peut pas dire que ce livre est « écrit ». Druillet semble avoir expulsé de lui tout ce qu’il raconte, un peu comme quand on vomit.

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Mais qui c’est, Druillet, au fait ? J’ai découvert son travail dans l’hebdomadaire de BD Pilote, que j’achetais fidèlement depuis qu’on y voyait les planches de Cabu, Gébé et toute la bande. Pour vous dire si ça remonte. J’aimais beaucoup aussi l’ambiance des recherches graphiques auxquelles Goscinny ouvrait les pages. Par exemple, qu'est devenue l'histoire de Jean Cyriaque ?

 

Je me rappelle aussi avec plaisir l’aventure sans lendemain de La Saga de Délicielmiel, tombée dans d’insondables oubliettes. Qui s’en souvient ? Mais je crois me souvenir que l'auteur se souciait peu de raconter une histoire un peu construite, et se contentait de beaux dessins formels. Goscinny ne dédaignait pas, parfois, de laisser l'expérimental s'exprimer.

 

Druillet a donc commencé comme dessinateur de BD, et j’avoue que les histoires de Lone Sloane m’avaient beaucoup impressionné à l’époque, moi qui ne suis pas fan d’Héroïc fantasy ou de Space Opéra. J’ai lu quelques romans de Howard Phillips (HP pour les intimes, comme HG va avec Wells et EP avec Jacobs) Lovecraft, mais j’étais insensible à son univers de créatures monstrueuses ou de dieux terribles faisant irruption dans notre pauvre et si prosaïque réalité. J'avoue cependant que c'était une littérature de genre très honnête et très bien fabriquée.

 

Je considérais cette littérature comme régressive, car empreinte d’un grand infantilisme, où de grands enfants jouent à se faire peur en allant chercher leur inspiration dans leurs fantasmes les plus archaïques, et les ramènent au jour, peut-être pour mettre un peu de piment dans les plats de leur vie ordinaire, dans laquelle ils s'ennuient, en recréant à partir de réminiscences les cauchemars qui hantèrent leurs premières années. 

 

De même, je suis hermétique à Elric le nécromancien, le « grand œuvre », paraît-il, de Michael Moorcock, que Druillet a mis en images avec Demuth. Ces diverses "écoles" ont produit autant de sectes que je me refuse à appeler littéraires, qui ne produisent la plupart du temps que des objets « à consommer de suite ».

 

Ce fantastique-là me semble très inférieur à celui qu’on trouve chez Gustav Meyrink (je garde juste La Nuit de Walpurgis et Le Golem) ou ETA Hoffmann, où c’est la vision subjective des choses par les yeux du personnage qui transforme la réalité au gré de ses fantasmes. Il me semble qu’être obligé de faire intervenir des principes extérieurs à l’homme pour susciter la terreur (ou autre chose) est un aveu de faiblesse technique du romancier. Cela fait un peu « deus ex machina », recette aussi vieille que le théâtre.

 

Créer un univers romanesque en partant d’un élément tiré du réel, élément que l’auteur développera ensuite selon une logique exclusivement interne, me semble infiniment supérieur à toutes les extravagances délirantes sorties du cerveau d’auteurs qui se prennent plus ou moins pour Dieu créateur de monde, et qui demandent donc à être diagnostiqués du syndrome de Peter Pan.

 

Le Cycle de Cyann, où François Bourgeon fait proliférer mille inventions autour du « Monde d'Ilô », est sûrement admirable de science du dessin et de la narration, mais vraiment, non : trop c'est trop. Plus la logique vient de l'intérieur de l'intrigue, plus le roman a des chances d'atteindre la puissance d'évocation qui fera sa force. De cela, je ne démords pas.

 

C’est la raison pour laquelle j’ai laissé tomber la science-fiction. Et pourtant j’en ai croqué, de la SF. J’ai beaucoup fréquenté, en particulier la collection « J’ai lu ». J’ai dévoré AE Van Vogt, et ses élucubrations sur le monde des Ā (non-aristotéliciens) et son héros, Gosseyn me semble-t-il, où j'ai appris le mot « parsec » qui me fait bien rire aujourd'hui ; Isaac Asimov et ses histoires de robots ; Philip K. Dick, Daniel Keyes, pour citer les premiers qui se présentent.

 

Comme dit Günter Anders quelque part dans L'Obsolescence de l'homme, la science-fiction est là pour convertir les naïfs, les rétifs et les sceptiques à la religion de l'innovation technique à perpétuité et de l'amélioration continuelle des performances, quelles qu'en soient l'utilité ou les nuisances.

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Rares sont les écrivains de SF ou de fantastique qui savent nous parler  du monde qui est le nôtre à travers les fables qu’ils inventent. Je me souviens à la rigueur de Norman Spinrad (Jack Barron et l’éternité), de John Brunner (Tous à Zanzibar, Le Troupeau aveugle), de quelques autres, mais bon. Disons que j’ai peut-être eu besoin de nourritures plus consistantes que celle que nous fournit le pur divertissement. Les adeptes de Lovecraft vont sans doute hurler. A commencer par Philippe Druillet lui-même.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

lundi, 06 janvier 2014

DESSINER DU TAC AU TAC

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Puisque j’ai évoqué hier la vieille émission de télé de Jean Frapat, Tac au tac, j’ai eu envie d’en dire un mot. La raison en est que l’éditeur Balland avait publié en son temps un volume, sobrement intitulé Tac au tac, consacré aux traces laissées par les cinquante (tout de même) rencontres de dessinateurs de BD sur un plateau de télévision, aux fins d’en découdre à la façon des jazzmen « faisant le bœuf » entre eux, une fois le turbin en club expédié. Je trouve que le terme de « jam session » conviendrait assez bien à ces confrontations.

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"PROPOSITION" DE PEYO

Le principe est d’une simplicité angélique, même s’il peut être soumis à des variations dues aux circonstances, à la disponibilité des gens et à la concordance des agendas.

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"PIEGES" TENDUS PAR ROBA, FRANQUIN ET MORRIS

L’un des invités est désigné volontaire pour amorcer le débat, je veux dire pour proposer un dessin simple qui servira de support et de base de lancement à la fusée des imaginations. Par exemple, le producteur propose un motif : trois points alignés horizontalement.

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LES "PARADES" TROUVEES PAR PEYO

Alexis imagine une tête humaine à trois yeux, trois bouches et six oreilles ; Gébé voit un vampire à trois dents qui vient de les planter dans le cou d’une fille ; pour Fred les trois points sont autant de bouts de cigarettes à allumer à un chandelier à trois branches, et Gotlib se prend pour Lucky Luke : une main tenant un pistolet fumant a laissé dans la palissade du fond trois trous inquiétants. Seul le manque de place motive ici l’absence d’illustration.

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LE POINT DE DEPART, C'EST MORRIS

On peut commencer par regarder (voir plus haut) le schtroumpf proposé par Peyo au trio formé de Roba (Boule et Bill), Franquin (Gaston) et Morris (Lucky Luke), chargés de tendre un piège au gnome bleu.

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REPLIQUE DE ROBA

Et l’on jettera un œil amusé sur les parades trouvées dans l’instant par Peyo pour sauver sa trouvaille, les schtroumpfs, apparue, je le rappelle, dans La Flûte à six schtroumpfs.

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LÀ, C'EST FRANQUIN

Je passerai sur le duo formé par Gébé (L’An 01) et Claire Bretécher (Cellulite, Les Frustrés), qui n’est pas inintéressant, mais … Je m’intéresserai à une drôle d’aventure appelée « escalade ». Elle consiste en une série de seize interventions successives de quatre compères : les mêmes Morris, Peyo, Franquin et Roba.

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ETAT INTERMEDIAIRE

Je laisse de côté quelques épisodes de ce match merveilleux : seize images, ça ferait vraiment beaucoup. Je me contente de la séquence initiale, d’un état intermédiaire et du résultat final. Au lecteur sourcilleux de reconstituer en partant de la fin la totalité des phases de cette compétition amicale.

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RESULTAT FINAL APRES QUINZE PASSES DU BALLON

Je me permets encore de trouver merveilleuse l’idée de Jean Frapat de confronter entre eux des virtuoses du crayon, et de persister dans l’idée qu’elle a quelque chose à voir avec tout ce que je préfère dans le jazz : l’interaction « en temps réel » (comme on dit aujourd’hui) entre les idées des musiciens (les trios de Keith Jarrett, Ahmad Jamal ou Brad Mehldau), de préférence aux grosses machines (Count Basie, Duke Ellington), où toute la musique est écrite par un arrangeur, et que les musiciens n'ont plus qu'à exécuter.

C’est l’idée formidable d’un bonhomme, Jean Frapat, désireux de voir se produire un événement sous ses yeux, par la grâce de la rencontre de quatre dessinateurs talentueux. Quatre jazzmen virtuoses du crayon qui ont du plaisir à s’amuser ensemble, dans des jam sessions détendues et stimulantes.

Toute une époque !

Voilà ce que je dis, moi. 

 

 

jeudi, 18 avril 2013

ET PUIS NON ! ... FRED N'EST PAS MORT ! ...

 

NON TCHANG N'EST PAS MORT.jpg

MERCI, HERGÉ, DE ME PRÊTER CETTE IMAGE POUR LA CIRCONSTANCE

***

Tewfik Hakem avait interviewé Fred pour une émission diffusée en 2011. Il a rediffusé dernièrement l’entretien dans son émission de 6 heures du matin : Un Autre jour est possible. Cela vaut le coup, à l’occasion, d’être matinal.

 

NAUFRAGE 21.jpgCe qui apparaît, de Fred ? Un homme en toute simplicité. Son père était cordonnier, c’est vous dire, même si ça ne prouve rien. Une façon éminemment populo de parler, par exemple, de son amitié avec Jacques Dutronc : un manager lui avait demandé de faire quelques chansons pour lui. Il avait atterri dans ce milieu inconnu des studios d’enregistrement, et le contact s’était fait, facile, simple, magique. Cela a donné, évidemment, Le Fond de l’air est frais, Laïho, Laïho, mais aussi La Voiture du clair de lune.

 

Une façon aussi de renvoyer tous les intellos de la terre à leur potagerNAUFRAGE 23.jpg et à leurs légumes quintessentiels (je veux dire : desséchés). A la question bête : « Comment êtes-vous arrivé à Philémon ? », il répond : « Ben, vous savez, ça m’est venu comme ça. Je n’ai pas de projet, pas de marche à suivre. Quand je démarre, je ne sais pas ce qui va me venir sous la plume ».

 

NAUFRAGE 27.jpgBref, un pommier qui fait des pommes, et pas un intellectuel à tout découper en seize et à tout transformer en abstraction conceptuelle, pour mieux se convaincre et convaincre quelques gogos que c'est lui, et personne d'autre, qui comprend le monde dans lequel il vit (et nous avec). Pour Fred, intellectualiser était une façon de renoncer à palper le vrai et le jouissif de l'existence. Dans le monde de Fred, l'intellectuel se situe à l'antipode exact de la vie qui vit. Pour Fred l'artiste, vivre et intellectualiser sont carrément antinomiques.

 

A l’entendre (sa voix est celle d’un vieuxNAUFRAGE 29.jpg monsieur, mais qui a gardé intact le populo de son accent et de sa prononciation), les choses lui sont toutes tombées sur la feuille de dessin, sans avoir à chercher. Par exemple, le père de Philémon, dans la BD, ressemble à son propre père, pas besoin d’aller chercher loin.

 

NAUFRAGE 30.jpgEn fait, pour Philémon, Fred triche un peu. Car, comme il le déclare dans le livre de Marie-Ange Guillaume (L’Histoire d’un conteur éclectique, Dargaud, 2011, 29€ quand même, mais ça les vaut)L'HISTOIRE 1 D'UN CONTEUR ECLECTIQUE.jpg, tout se passe à Nice, pendant un repas de famille. Comme son fils Eric s’ennuie, il lui raconte une histoire. Et là c’est vrai, pas besoin d’aller chercher loin : « J’ai utilisé les éléments du décor : la mer, les bateaux, une bouteille ». Et c’est après qu’il a eu envie d’en faire un récit dessiné. Moi j’aurais ajouté une question : « Pourquoi précisément ce prénom : Philémon ? ». La réponse m’aurait intéressé. J’ai mes raisons. De vraies raisons que quelques-uns connaissent.

 

Avec le petit-fils, ç’a été un peu plus rigolo. Dans le jardin de la maison,NAUFRAGE 31.jpg il y avait un puits. Pour Alexandre, c’était forcément le chemin qui mène au A. La famille a été obligée de poser un énorme pot avec un « baobab » (dixit Fred) pour le boucher, et empêcher Alexandre de rejoindre l’île du A avec ses copains. Et notre moustachu dit ça d’un air bonhomme. Et qu’Alexandre l’appelait monsieur, ne voulant pas le croire son grand-père. Plus retors qu’il ne veut bien le paraître, Fred : va savoir si c’est vrai, qu’Alexandre l’appelait « monsieur ».

 

NAUFRAGE 33.jpgAlors le puits ? Sans vouloir décortiquer la chose, je note que dans le dernier épisode (Le Train où vont les choses), il est absent : fini, le puits. Ce qui fait la frontière, cette ultime fois, c’est la fumée produite par la « Lokoapattes », sorte d’épais brouillard qui fait tousser le hérisson, et dans lequel se perd le père (sans doute le "perd-père twitté") de Philémon, parce qu’il a rencontré le fantôme de Jojo, l'ancien garde-champêtre.

 

Cette frontière entre le « réel » et « l’imaginaire », le puits la dessinaitNAUFRAGE 34.jpg d’un trait épais, pour ne pas dire infranchissable : il fallait s’appeler Philémon pour y tomber. Dans ce 16ème et dernier épisode, la frontière a perdu de sa consistance, puisque, du fait de Joachim Bougon, le conducteur inattentif de la « Lokoapattes », celle-ci est sortie du « tunnel imaginaire » pour venir s’échouer dans des sables mouvants bien « réels ».

 

Mais Fred, grâce au « tunnel imaginaire », surmonte la difficulté. Normalement, si tout va bien, Philémon et Barthélémy le puisatier rejoindront la lettre A. Dans le fond, que le puits devienne tunnel, quelle importance ? L’essentiel n’est-il pas d’arriver à destination ? Ce qui reste définitivement sûr, c’est que Fred n’a jamais confondu « réel » et « imaginaire » (à l’instar de maints ados plus ou moins attardés, accros à leurs consoles). Mieux : il a réussi à donner à ses rêves et à son imaginaire la consistance d’une réalité durable.

 

NAUFRAGE 35.jpgEt cela est rendu possible, précisément, par le poste-frontière que le dessinateur-conteur a établi entre les deux mondes, par la magie d’un simple puits. L’île du A de l’océan Atlantique, c’est si l’on veut de l’imaginaire au carré. Qui fait que le fictif Philémon semble, en revenant dans le jardin paternel après une escapade sur le A, prendre corps dans une réalité un peu moins fictive que les histoires inventées. Une réalité plus proche de la nôtre, et dans laquelle Fred réussit à nous embarquer. On y croit.

 

Appelons ça le véritable esprit d’enfance, ou je n’y connais plus rien.

 

Comme je le disais lors de la parution du Train où vont les choses : monsieur Fred, merci du fond du coeur. Oui, vraiment, merci pour tout.

 

Voilà ce que je dis, moi.