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mercredi, 06 mai 2020

HOUELLEBECQ ET CORONAVIRUS

Information :

En Lombardie, la ville de Bergame vient de connaître une surmortalité de 

+ 568 %

par rapport à la même période de l'année précédente !

Et au 27 avril, on comptait en Italie

151

médecins morts du Covid-19.

******************

J'ai entendu sur France Inter Augustin Trapenard lire une "lettre" de Michel Houellebecq.

Ce que j'aime bien, avec Houellebecq, c'est qu'on est sûr qu'il ne nous dore pas la pilule, et que ce qu'il va dire est absolument débarrassé de tout ce qui ressemble à ces confitures de langue en bois d'arbre qui s'appellent la "bienveillance", les "bons sentiments" (le "cordicolisme" - ou "culte des bons sentiments", trad. personnelle - de Philippe Muray), cette dégoulinade émotionnelle et sentimentale qui généralise l'aveuglement sur la réalité, nous fait prendre des vessies pour des lanternes et interdit de penser.

En ces temps étranges, voilà qui est salutaire et bienvenu.

6'57".


***

Et pour ceux qui préfèrent le texte écrit à la voix d'Augustin Trapenard.

EN UN PEU PIRE

réponses à quelques amis

Il faut bien l’avouer : la plupart des mails échangés ces dernières semaines avaient pour premier objectif de vérifier que l’interlo­cuteur n’était pas mort, ni en passe de l’être. Mais, cette vérification faite, on essayait quand même de dire des choses intéressantes, ce qui n’était pas facile, parce que cette épidémie réussissait la prouesse d’être à la fois angoissante et ennuyeuse. Un virus banal, apparenté de manière peu prestigieuse à d’obscurs virus grippaux, aux conditions de survie mal connues, aux caractéristiques floues, tantôt bénin tantôt mortel, même pas sexuellement transmis­sible : en somme, un virus sans qualités. Cette épidémie avait beau faire quelques milliers de morts tous les jours dans le monde, elle n’en produisait pas moins la curieuse impression d’être un non-événement. D’ailleurs, mes estimables confrères (certains, quand même, sont estima­bles) n’en parlaient pas tellement, ils préféraient aborder la question du confinement ; et j’aimerais ici ajouter ma contribution à certaines de leurs observations.

Frédéric Beigbeder (de Guéthary, Pyrénées-Atlantiques). Un écrivain de toute façon ça ne voit pas grand monde, ça vit en ermite avec ses livres, le confinement ne change pas grand-chose. Tout à fait d’accord, Frédéric, question vie sociale ça ne change à peu près rien. Seulement, il y a un point que tu oublies de considérer (sans doute parce que, vivant à la campagne, tu es moins victime de l’interdit) : un écrivain, ça a besoin de marcher.

Ce confinement me paraît l’occasion idéale de trancher une vieille querelle Flaubert-Nietzsche. Quelque part (j’ai oublié où), Flaubert affirme qu’on ne pense et n’écrit bien qu’assis. Protesta­tions et moqueries de Nietzsche (j’ai également oublié où), qui va jusqu’à le traiter de nihiliste (ça se passe donc à l’époque où il avait déjà commencé à employer le mot à tort et à travers) : lui-même a conçu tous ses ouvrages en marchant, tout ce qui n’est pas conçu dans la marche est nul, d’ailleurs il a toujours été un danseur dionysiaque, etc. Peu suspect de sympathie exagérée pour Nietzsche, je dois cependant recon­naître qu’en l’occurrence, c’est plutôt lui qui a raison. Essayer d’écrire si l’on n’a pas la possi­bilité, dans la journée, de se livrer à plusieurs heures de marche à un rythme soutenu, est fortement à déconseiller : la tension nerveuse accumulée ne parvient pas à se dissou­dre, les pensées et les images continuent de tourner douloureuse­ment dans la pauvre tête de l’auteur, qui devient rapidement irritable, voire fou.

La seule chose qui compte vraiment est le rythme mécanique, machinal de la marche, qui n’a pas pour première raison d’être de faire apparaître des idées neuves (encore que cela puisse, dans un second temps, se produire), mais de calmer les conflits induits par le choc des idées nées à la table de travail (et c’est là que Flaubert n’a pas absolument tort) ; quand il nous parle de ses conceptions élaborées sur les pentes rocheuses de l’arrière-pays niçois, dans les prairies de l’Engadine etc., Nietzsche divague un peu : sauf lorsqu’on écrit un guide touristique, les paysages traversés ont moins d’importance que le paysage intérieur.

Catherine Millet (normalement plutôt parisienne, mais se trouvant par chance à Estagel, Pyrénées-Orientales, au moment où l’ordre d’immobilisation est tombé). La situation présen­te lui fait fâcheusement penser à la partie « anticipation » d’un de mes livres, La possi­bilité d’une île.

Alors là je me suis dit que c’était bien, quand même, d’avoir des lecteurs. Parce que je n’avais pas pensé à faire le rapprochement, alors que c’est tout à fait limpide. D’ailleurs, si j’y repense, c’est exacte­ment ce que j’avais en tête à l’époque, concernant l’extinction de l’humanité. Rien d’un film à grand spectacle. Quelque chose d’assez morne. Des indi­vidus vivant isolés dans leurs cellules, sans contact physique avec leurs sembla­bles, juste quelques échanges par ordina­teur, allant décroissant.

Emmanuel Carrère (Paris-Royan ; il semble avoir trouvé un motif valable pour se dépla­cer). Des livres intéressants naîtront-ils, inspirés par cette période ? Il se le demande.

Je me le demande aussi. Je me suis vraiment posé la question, mais au fond je ne crois pas. Sur la peste on a eu beaucoup de choses, au fil des siècles, la peste a beaucoup intéressé les écrivains. Là, j’ai des doutes. Déjà, je ne crois pas une demi-seconde aux déclarations du genre « rien ne sera plus jamais comme avant ». Au contraire, tout restera exactement pareil. Le déroulement de cette épidé­mie est même remarquablement normal. L’Occident n’est pas pour l’éternité, de droit divin, la zone la plus riche et la plus développée du monde ; c’est fini, tout ça, depuis quelque temps déjà, ça n’a rien d’un scoop. Si on examine, même, dans le détail, la France s’en sort un peu mieux que l’Espagne et que l’Italie, mais moins bien que l’Allemagne ; là non plus, ça n’a rien d’une grosse surprise.

Le coronavirus, au contraire, devrait avoir pour principal résultat d’accélérer certai­nes muta­tions en cours. Depuis pas mal d’années, l’ensemble des évolutions technologiques, qu’elles soient mineures (la vidéo à la demande, le paiement sans contact) ou majeures (le télétravail, les achats par Internet, les réseaux sociaux) ont eu pour principale conséquence (pour principal objectif ?) de dimi­nuer les contacts matériels, et surtout humains. L’épidémie de coronavirus offre une magni­fique raison d’être à cette tendance lourde : une certaine obsolescence qui semble frapper les relations humaines. Ce qui me fait penser à une comparaison lumineuse que j’ai relevée dans un texte anti-PMA rédigé par un groupe d’activistes appelés « Les chim­panzés du futur » (j’ai découvert ces gens sur Internet ; je n’ai jamais dit qu’Internet n’avait que des inconvénients). Donc, je les cite : « D’ici peu, faire des enfants soi-même, gratuitement et au hasard, semblera aussi incongru que de faire de l’auto-stop sans plateforme web. » Le covoiturage, la colocation, on a les utopies qu’on mérite, enfin passons.

Il serait tout aussi faux d’affirmer que nous avons redécouvert le tragique, la mort, la finitude, etc. La tendance depuis plus d’un demi-siècle maintenant, bien décrite par Philippe Ariès, aura été de dissimuler la mort, autant que possible ; eh bien, jamais la mort n’aura été aussi discrète qu’en ces dernières semaines. Les gens meurent seuls dans leurs chambres d’hôpital ou d’EHPAD, on les enterre aussitôt (ou on les inci­nère ? l’incinéra­tion est davantage dans l’esprit du temps), sans convier person­ne, en secret. Morts sans qu’on en ait le moindre témoignage, les victimes se résument à une unité dans la statistique des morts quoti­diennes, et l’angoisse qui se répand dans la population à mesure que le total augmente a quelque chose d’étrangement abstrait.

Un autre chiffre aura pris beaucoup d’importance en ces semaines, celui de l’âge des malades. Jusqu’à quand convient-il de les réanimer et de les soigner ? 70, 75, 80 ans ? Cela dépend, apparem­ment, de la région du monde où l’on vit ; mais jamais en tout cas on n’avait exprimé avec une aussi tranquille impudeur le fait que la vie de tous n’a pas la même valeur ; qu’à partir d’un certain âge (70, 75, 80 ans ?), c’est un peu comme si l’on était déjà mort.

Toutes ces tendances, je l’ai dit, existaient déjà avant le coronavirus ; elles n’ont fait que se manifes­ter avec une évidence nouvelle. Nous ne nous réveillerons pas, après le confinement, dans un nouveau monde ; ce sera le même, en un peu pire.

Michel HOUELLEBECQ

***

AVIS AUX OPTIMISTES.

"En un peu pire" ?

Je viens d'entendre une diabétologue (Agnès Hartmann, hôpital de La Pitié Salpêtrière) dire qu'après avoir vu pendant huit semaines s'ouvrir les portes d'une prison (ce sont ses termes : « Tout le monde a retrouvé du sens au travail ») et arriver des cargaisons de moyens qui faisaient jusque-là défaut, elle vient de recevoir une note (« douche froide », « l'administration avant la médecine »« vieux réflexes de la direction gestionnaire ») du service comptabilité-gestion de l'hôpital l'avertissant que son service était à présent "en négatif", maintenant que les "lits Covid" qui y avaient été ouverts sont de nouveau disponibles. 

Formidable : rien vu ! Rien entendu ! Rien appris ! Rien compris !

Qui a encore envie de chanter la chanson : « Non, rien de rien, rien ne sera plus comme avant. » ?

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A cette question, j'ai une idée de ce qu'il conviendra bientôt de répondre.

lundi, 18 novembre 2019

L'ARCON, MAFIA DE BAC A SABLE

VAUTIER BEN.jpg

Le trop connu Ben Vautier.

L'Arcon, c'est les sales gosses qui font la loi, exactement comme ce qui se passe dans tous les territoires où circule la drogue. Il se passe dans le domaine de l'art, dans la société actuelle, un phénomène qu'on pourrait rapprocher de ce qui se passe dans certaines banlieues pourries,

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Le minimalisme zen de Martin Barré, qui porte bien son nom.

où ce sont les jeunes générations qui imposent leur loi aux plus âgés, je veux dire aux gens normaux, parce que c'est leur commerce illicite qui est le principe organisateur des forces actives des lieux,

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Une fente (parmi d'autres) de Lucio Fontana.

et qu'il vaut mieux pour les braves gens ne pas mettre de bâtons dans les roues à tous ceux qui participent à la « chaîne de valeur » (comme disent les distingués économistes).

CURLET FRANCOIS ART CON SPAGHETTI.jpg

Art conceptuel spaghetti.

François Curlet.

Les rôles sont distribués un peu de la même manière, du cerveau qui finance (quelle différence entre le mécène et le "parrain" ?) et qu'on ne voit jamais, jusqu'aux petites mains en bout de chaîne (quelle différence entre le critique d'art et le dealer ?). La différence de l'Arcon avec les produits illicites qui empuantissent l'esprit de ceux qui s'y adonnent et garnissent les poches des commanditaires,

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Mai 1961, l'indémodable Merda d'artista (Artist's shit, il paraît que l'hermétisme du métal des boîtes ainsi confectionnées souffre du passage des ans : dans quel état sont-elles aujourd'hui ?).

Piero Manzoni.

c'est que le commerce de l'art contemporain est tout à fait autorisé, voire encouragé par toutes les autorités administratives au nom de la "culture", et très bien vu de toutes les élites les plus cultivées, qui se précipitent en grande tenue aux vernissages pour s'y faire photographier.

MCCARTHY PAUL.jpg

Autre merde d'artiste, obtenue cette fois par gonflette.

Paul McCarthy (qui avait fait un truc dans le même genre, en vert, sur la place Vendôme à Paris).

Une autre différence est que, dans les deux milieux, la terreur qui règne parmi tous ceux qui ne sont pas, à un titre ou à un autre, inscrits dans le cercle des bénéficiaires et des parts de marché ne s'exerce pas de la même manière : dans les milieux de la drogue, on le voit régulièrement dans les journaux, les affaires se règlent brutalement à coups de plomb ou autre.

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Un tas de papiers froissés du Suisse Joseph Beuys, le pape d'une tendance d'art dont j'ai heureusement oublié l'appellation.

Dans les milieux de l'art, cela se passe de façon beaucoup plus feutrée, on dira plus "civilisée" : d'un côté la secte des thuriféraires, qui a ses entrées dans toutes les officines médiatiques sans cesse à l'affût de l'événement ;

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La corbeille à papiers de Vincent Mauger.

de l'autre, l'immensité des plèbes ignares qui ne comprendront jamais rien, et qu'on laisse d'un air dédaigneux patauger dans la grossièreté de leur esprit épais. L'élite n'a rien à voir avec le vulgaire.

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Une des pastèques sculptées de Dimitri Tsykalov, animateur d'activités périscolaires en milieu éducatif.

A noter qu'au sein de celle-là, il n'est pas si rare d'assister à des flingages en règle entre coteries concurrentes : l'écurie Damien Hirst n'a rien à voir avec la bande à Jeff Koons, même si leurs guéguerre ne laisse jamais de morts sur le terrain.

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Take me.

La friperie de Christian Boltanski : on n'apportait pas son manger, mais on pouvait partir habillé (si l'on peut dire).

Finalement, Reiser n'a pas si tort que ça de parler d' « Art rigolo » (voir hier, ici même), car ce qui se passe entre bandes rivales de malfrats qui se disputent des "territoires" fait des dégâts concrets infiniment pires que le spectacle dérisoire de gens qui se prennent pour le dessus du panier.

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L'univers "salle de bains" de Jean-Pierre Raynaud.

Dans les milieux de l'art contemporain, qu'on se le dise, c'est toujours

POUR DE RIRE.

***

Note : la sélection ci-dessus est d'un arbitraire absolu et assumé. J'ai bien dit "sélection". J'ai bien dit "arbitraire". J'ai bien dit "assumé".

vendredi, 11 décembre 2015

LE VINGTIÈME SIÈCLE ET LES ARTS 6/9

Drapeau-France.jpg

LE VINGTIÈME SIÈCLE ET LES ARTS

ESSAI DE RECONSTITUTION D’UN ITINÉRAIRE PERSONNEL

(récapitulation songeuse et un peu raisonnée)

6/9 

Du triomphe de la Dissonance (ou "Le siècle du Divorce").

Car le 20ème siècle, encore plus que le 19ème, est celui où plus personne ne sait. Celui qui casse toutes les grandes machines à produire des points de repère intellectuels, moraux, sociaux, affectifs, religieux, politiques, idéologiques, psychiques. Celui qui disloque les machines à produire un SENS qui puisse servir d'assise à l'existence des gens. Celui qui m’a amené pour finir, dans un souci de préservation, à cesser de me vivre comme un contemporain de mon époque. Le siècle où je suis né a fini par me décider à me raccrocher à quelques rochers surnageant encore dans un océan de destructions, quelques îlots esthétiques où il semble encore possible de respirer malgré les conditions que fait le monde des hommes à l'humanité. Comme dit le grand Pierre Rabih : « On ne peut pas renoncer à la beauté ».

Le 20ème siècle est celui qui ne sait plus grand-chose de l’humanité. Bien des formes d’art qu’il a fait naître ignorent superbement l’humain. La beauté ? N'en parlez surtout pas en présence de Catherine Millet ou de Catherine Francblin, qui sont aux manettes de la revue Art press, cette manufacture de la "modernité" ultra-chic et à la pointe de toutes les avant-gardes. La beauté, c'est un critère ringard et archaïque. Et finalement, je crois qu’il est là et nulle part ailleurs, le grief radical que j’adresse à Marcel Duchamp et à toute son innombrable progéniture.

Encore pourrais-je moi-même, à bon droit, soutenir l’idée que cet inaugurateur de la destruction esthétique n’a fait que transposer dans le domaine de l’art ce qu’il voyait se produire sous ses yeux dans la réalité : Dada (auquel Duchamp a participé de très loin et "en esprit") est né en février 1916, c’est-à-dire en pleine guerre, plus précisément au moment du déclenchement de la grande boucherie de Verdun (où Falkenhayn avait promis de "saigner l'armée française"). Un symbole ? Le 20ème siècle comme assassin de l'idée de la beauté ?

Mais on rétorquerait à aussi bon droit que les premières œuvres plus ou moins ouvertement atonales (rompant avec les notions de tonalité, de mélodie et d'harmonie qui prévalaient jusque-là), datent d'avant ce premier carnage planétaire (le dernier Liszt, Scriabine). Je répliquerais au contradicteur que la guerre de 14-18 n’est pas sortie de nulle part, et que des prodromes de plus en plus nets (montée des nationalismes, rivalités impérialistes, entre autres) étaient perceptibles bien avant le 4 août 1914. Ce n'est pas pour rien que l'époque a produit dans le même temps le cubisme, la musique atonale, le dadaïsme et la guerre : ces choses-là sont vendues en "pack". Et c'est bien le problème : c'est à prendre ou à laisser. Mais était-il possible de "laisser" ?

En musique, l’indifférenciation radicale des douze sons de la gamme, puis plus tard l'extension de la notion de son musical à toutes les matières sonores possibles et imaginables, et l'élévation de tous les bruits à la dignité d'objets musicaux (Pierre Schaeffer a écrit Traité des objets musicaux, et puis ce fut la litanie : sons d’origine électronique, moyens portatifs d’enregistrement, et échantillonner, et couper-coller, et bidouiller, et métisser, et ...), tout ça pourrait être considéré comme autant d'oracles : en parallèle, plus le monde sonore (créé par l'homme) devenait dissonant, plus il annonçait à l’humanité que le 20ème siècle serait le grand siècle de la Dissonance généralisée et des conditions dissonantes de la vie.

Les conditions capables de rendre concevable et possible une éventuelle « Harmonie » ont disparu. La Dysharmonie règne en maîtresse. Et qu'on ne me raconte pas de fable à propos d'une improbable « Harmonie Nouvelle », à laquelle il faudrait que le bon peuple se fasse et s'habitue, bon gré mal gré. Trop de musiques du 20ème siècle sont, restent et demeureront inhabitables. Nous sommes les enfants de la Dissonance, de la Discorde, de la Distorsion, de la Dysharmonie, ... Rien d'étonnant, dans ces conditions, à ce que la planète, la nature et les océans subissent les amères conséquences  d'un siècle à ce point déprédateur.

La Dissonance est devenue la Norme dans la vie en même temps que dans les arts. La Dissonance, cette forme de Divorce qui demeurait l'exception auparavant (une dissonance finissait par une "résolution", c'est-à-dire un accord consonant), s'est ainsi banalisée et généralisée dans la peinture, dans la musique, dans la vie des gens mariés, dans la relation des hommes avec leurs semblables, dans leur relation avec la nature, etc. Le divorce est devenu le grand mode de vie, une modalité durable de l'être cassé en deux (en combien de morceaux ?). On a tenté de faire croire aux gens qu'on peut s'habituer à tout. Mais non : on ne s'habitue pas à tout. Nul ne peut habiter une maison qui le détruit. De quoi pleurer jusqu'à la fin des temps. Pour échapper à cette violence, une seule issue : divorcer de l'époque.

C'est ce genre de divorce qu'ont magistralement incarné quelques grandes figures de la pensée et de la littérature : Jacques Ellul, Günther Anders, Guy Debord, Philippe Muray, Michel Houellebecq, ... (le cas de Hannah Arendt, beaucoup moins en rupture, est différent). C'est l'unique raison que je vois à la détestation, que dis-je : à l'aversion, à l'exécration, à l'abomination dont ces dissidents font l'objet dans les milieux du consensus mou, de l'hypocrisie caritative, de la doxa, de la police de la pensée et du terrorisme intellectuel (quoique Debord ait récemment fait l'objet d'une récupération d'Etat : ses archives sont désormais un "Trésor national"). Cette pensée et cette littérature ont-elles infléchi la trajectoire d'une minute d'angle ? Je vous laisse répondre : c'est trop évident. Mais que peut la Culture ? Que peut la Littérature ? Que peut la Pensée ? Vous avez quatre heures pour rendre copie blanche.

Le monde pictural lui-même n’a pas attendu la guerre de 14-18 pour se détraquer : que faire, face à l'académisme, au conformisme pompier (Bouguereau, Couture, Meissonnier, Detaille, Laurens, Gervex, …) : obéir aux suggestions de Corot, de Rosa Bonheur, d’Eugène Boudin ? Une certitude émerge : il faut inventer pour exister. Claude Monet, qui se met à diviser les couleurs pures, à les juxtaposer, à rendre problématique la représentation du monde, pousse sur ce terreau, et tous les suivants, jusqu’à Seurat et Van Rysselberghe. Bientôt fauvisme, cubisme, suprématisme, surréalisme. Ces désintégrations successives disent un chose : à quoi bon l’art, quand le message porté par l’époque est la dissonance, la fragmentation, voire la négation de la réalité visible, bientôt suivies par la destruction des hommes à l’échelle industrielle ? Que reste-t-il à espérer du monde en train de se faire ? 

Heureusement, les lois de l’inertie étant ce qu’elles sont, ce désespoir radical mettra un peu de temps à manifester sa radicalité (quoique ... Céline ...). La négativité côtoiera pendant quelque temps l’optimisme qui rend possible la création. Le cas du surréalisme est particulièrement riche d'enseignement. « Révolution » pour ses premiers promoteurs, puis mis « au service de la Révolution », on peut dire que, avant de rentrer dans le rang et de faire simplement de l'art "comme tout le monde", il a effectivement mis le bazar dans la culture, dans l'art et dans les esprits de son temps (en gros de 1924 à l'après-guerre, je compte pour rien les suiveurs, les suivistes, les petits curés, les "post-", les "épi-", les "para-", les prosélytes, les mouches à m...iel et les apôtres).

Avec le recul du temps, qu'en est-il ? Qu'ont-ils fait, en définitive, André Breton, ses séides et sa meute de courtisans (lire le méconnu Odile de Raymond Queneau à ce sujet, où le "pape du surréalisme" est dépeint sous les traits du pompeux Anglarès qui, entre parenthèses, passe beaucoup de temps, dans le livre, à boire des bières en compagnie de ses suiveurs), avec leur « automatisme psychique pur », leurs « rêves éveillés », leur « changer la vie, a dit Rimbaud, transformer le monde, a dit Marx, ces deux mots d'ordre pour nous n'en font qu'un » ?

D'un côté, ils ont permis à l'époque de croire qu'elle disposait encore de ressources jusque-là insoupçonnées, dans le sous-sol du psychisme. Une planche de salut inespérée. Si l'on veut bien comparer avec les gaz et pétroles de schistes, solution désespérée pour soi-disant remédier au « Peak Oil », le surréalisme apparaît comme l'ultime possibilité de croire que l'art disposait encore d'une réserve de nouveaux moyens d'expression. En amenant au jour tout un attirail d'images, d'objets et d'assemblages, les surréalistes ont pu donner l'illusion d'un gisement inépuisable de nouveaux papiers peints à apposer sur les murs de plus en plus craquelés de notre univers désolé.

De l'autre côté, ils ont fourni à la propagande, au bourrage de crâne, à l'endoctrinement, en un mot : à la publicité (alors en plein épanouissement : Edward Bernays et consort), un carburant aux effets puissants : une masse de thèmes nouveaux et surprenants, exploitables ad libitum. Ils ont permis à la bientôt sacro-MAGRITTE 4 CONDITION.jpgsainte marchandise de prendre possession des esprits, et de se mettre à briller d'un éclat aveuglant à l'horizon de toutes les populations du monde. Magritte, en particulier, avec ses confusions en gros sabots (paradoxes visuels, premier plan / arrière-plan, calembours picturaux, jeux signifiant / signifié, etc...), reste une mine d'or pour bien des "créatifs" d'agences publicitaires.

En réalité, le surréalisme est la tentative désespérée d'une humanité poussée dans la nasse par un siècle fou, de trouver une issue de secours. Et l'on ne peut que constater les dégâts : plus la réalité s'est craquelée sous les coups totalitaires des camps de la mort, des procès de Moscou et de la "Bombe" (Allemands + Russes + Américains, ça fait du monde), puis sous les coups plus insidieux de la marchandisation progressive de tout, plus ce recours au monde intérieur, au monde de l'inconscient et de l'imaginaire apparaît comme un dernier refuge avant écrasement. Comme une impasse et un cul-de-sac. Un sac en plastique pour y mettre la tête jusqu'à ... On se félicite, rétrospectivement, de ce qu'André Breton ait été tout à fait insensible à la musique. Quels dégâts n'aurait-il pas commis ? Remarquez que d'autres s'en sont chargés, qui ne se réclamaient pas du surréalisme.

Le surréalisme a momentanément rassuré le monde de l'art en lui fournissant, pendant un temps, une sorte de trésor de substances nutritives de substitution (le surréalisme est au monde de l'art ce que la méthadone est à l'héroïne), en même temps que l'illusion de possibilités infinies de développement. En réalité, avec le surréalisme, le monde de l'art raclait ses fonds de tiroirs. Asséchait ses derniers marécages avant le désert. Achevait ce qu'avait commencé Alphonse Daudet avec son personnage principal, dans L'Homme à la cervelle d'or : se vider la tête. 

Car ce qui est curieux ici, c’est de constater que plus le surréalisme met le paquet sur le renouvellement des images et ce ressourcement superficiel de l’imaginaire, plus la réalité concrète prend le chemin inverse, celui du sordide et de l’invivable. Au fond, les formes héritées du surréalisme constituent une sorte de dénégation générale de la réalité. Une dissociation d'ordre publicitaire (la dissonance métaphorique, qui prend des airs de coalescence : une femme nue pour vendre un yaourt, mettre du désir dans une marchandise, ...), qu’on observe pareillement dans l’évolution des discours politiques : plus la réalité fout le camp, plus le discours doit faire semblant de restaurer le désir en affirmant la maîtrise du politique sur le réel. En France, les politiciens incantatoires s'entendent à merveille pour nous en offrir des preuves éclatantes.

A partir de là, art et réalité ont pu diverger "à plein tube". "Artistes" et "responsables", de plus en plus déconnectés du réel, ont commencé à faire comme si. Comme si le monde ancien se perpétuait, pendant que la réalité foutait le camp, échappant à tout le monde. Comme si l’on pouvait continuer impunément à soutenir dans les mots un modèle déjà quasiment effondré dans la réalité. Tout le monde a fait semblant (faire semblant : un des sens du mot « Spectacle » dans le vocabulaire de Guy Debord). La Dissonance a gagné. Le Divorce est consommé.

Il y a donc beaucoup d’artistes (il faut bien vivre) qui se sont alors faits les simples greffiers du désastre, dont ils se sont contentés d’enregistrer, inlassablement, les signes. Ils ont tiré un trait définitif sur l’homme. Ils ont pris acte. Ils ont tourné la page, sans joie (quoique …), mais sans regret. Ils ont meublé ce désert enfin débarrassé de l’humain, nouveau territoire de l’art, des objets les plus divers surgis de leur fantaisie, de leurs caprices, de leurs humeurs, du hasard, des occasions. Ils ont inventé la gratuité, la futilité, la vanité du geste artistique, de même que je ne sais plus quel personnage de Gide médite je ne sais plus quel meurtre pour prouver que l’ « acte gratuit », ça existe. Ils ont introduit la destruction et le déchet dans l’acte créateur (toujours l’ultralibéral Schumpeter, avec sa "destruction créatrice"). D’où, entre beaucoup d’autres, la machine à caca ("Cloaca") de Wim Delvoye, façon de déclarer : « On est dans une belle merde ». Mais la merde peut-elle être belle ? Comme l’écrit quelque part Beckett : « Quand on est dans la merde jusqu’au cou, il ne reste plus qu’à chanter ». C’est à cette vision du monde (« Weltanschauung ») que je ne peux me résoudre. DELVOYE 2.jpg

CELLINI PERSEE.jpgQuand on a fait caca, on peut dire qu'on a "coulé un bronze", mais aucun être humain n'est en mesure de chier le "Persée" de Benvenuto Cellini. La Cloaca de Wim Delvoye en est une preuve répugnante. 

Voilà ce que je dis, moi.

lundi, 20 juillet 2015

BANDE DESSINÉE : CHARLIE MENSUEL

 Je parlais de la page 1 de la revue Charlie mensuel, celle où se trouve le sommaire de chaque numéro.

N70 LE GRAND GUEDIN'S STUDIO.jpg

Gag rigolo (le gars photographié derrière son trépied demande à la statue de prendre différentes poses pour la photo) signé "Le grand Guedin's studio" (N° 70 : Dingues studio ?). Le témoin a fini par renoncer.

Cette page du sommaire, qui n’est a priori pas faite pour être regardée en elle-même, s’orne en effet d’un dessin (rarement une photo) presque toujours réalisé pour les besoins de la cause (il y a des exceptions : Herriman, Dubout, gravure ancienne, …), autrement dit un dessin où la place du sommaire proprement dit est prévue et ménagée. 

N92 MONIMOTO.jpg

Remarquable dessin d'un nommé Monimoto (N° 92).

On y voit toute sorte de styles, d’imaginations. Ce sont parfois des dessins un peu bâclés, comme si Wolinski avait demandé ce service dans l’urgence à un copain.

N108 MICHELANGELI.jpg

Celui qui donne ces dessins formidables (N° 108) signe Michelangeli.

Parfois, ce sont au contraire des pages très travaillées, presque comme des œuvres à part entière. Le défi, quoi qu’il en soit, est celui que relève constamment tout maquettiste de presse : la liberté règne, quoiqu'avec une contrainte précise, ce qui donne des pages tantôt très aérées (N° 51, un Japonais), tantôt surchargées jusqu'à l'étouffement (N° 60, Carali, je crois, bien qu’il signe Bill). Le tout étant de placer, bien lisible, le programme des réjouissances. Le menu du jour, si vous voulez. On est en plein dans l'art baroque : la déco plutôt que la structure. La volute, plutôt que l'architecture.

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Là, c'est le grand Golo (N° 122) des loubards : dessin un peu "sale", bourré de sons et d'onomatopées, qui privilégie l'expressivité.

On trouve des habitués : Willem, qui vous torche en moins de deux sa planche aux cases minuscule, Guitton, l’échappé d’Actuel, éternel baba cool, Nicoulaud, qui dépannait sans doute Wolinski quand il n'y avait personne, Cathy Millet.

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Ce dessin est signé Mériaux (N° 141). Je le trouve intéressant, quoique décoratif.

Pour cette dernière, je me demande si c’est la même que la directrice de la revue Art press. Si c’est elle, elle a aussi pondu La Vie sexuelle de Catherine M., cet éloge de la partouze qui donne autant envie de faire l’amour que les poissons d’Ordralfabétix donnent envie de les manger. 

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Ils ont baisé. Je ne suis pas "psy", mais il ne m'étonnerait pas que la femme, à commencer par son sexe, suscite quelque inquiétude chez le Alain (N° 148) qui signe cette planchette.

On trouve aussi, parmi les dessinateurs du sommaire, de parfaits inconnus, des signatures illisibles et même des anonymes. On regrette parfois beaucoup de ne pas savoir qui est là (le joli gag du N° 115, ci-dessous).

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J'aimerais bien savoir à qui on doit ce pot de fleurs qui rate sa cible, et cette page au dessin très léché. Ça ressemble un peu à Honoré, mort lui aussi le 7 janvier 2015.

J’ignore qui est Omez (N° 43). Et puis apparaissent ici et là des noms connus : Barbe (N° 54, voir ici le 15 juillet), Joost Swarte (N° 63, 82) ; Copi (N° 78) ; Veyron (N° 126). Bref, tout se passe comme si Wolinski, l’ordonnateur, se demandait à chaque fois comment il pourrait bien remplir sa page 1.

Ce Charlie-là, sauf erreur, s'est éteint au numéro 152 (septembre 1981, il n'a pas supporté longtemps l'élection de Mitterrand). Georges Dargaud a bien tenté une résurrection en avril 1982, avec Mandryka en "Rédac-chef", mais le cœur (ou l'esprit) n'y était plus.

Wolinski est mort le 7 janvier, à côté de Cabu, Maris et les autres. Une preuve que ce qui reste d'un homme, quand il n'est plus là, c'est bien ce qu'il a fait.

Voilà ce que je dis, moi.

dimanche, 19 juillet 2015

BANDE DESSINÉE : CHARLIE MENSUEL

Tous les amateurs de bandes dessinées connaissent les principales revues de l’âge d’or de la BD (le « neuvième art », comme certains se plaisent à dire, bon, je veux bien) : Tintin, Spirou, Pilote, les pères fondateurs en quelque sorte, qui s’adressaient exclusivement à la jeunesse, sous l’œil vigilant de la loi de 1949, qui permettait de surveiller les publications qui lui étaient destinées.

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N° 42 de Charlie mensuel. J'ai croisé, dans le temps, un Moge. Il était professeur de couleur à l'Ecole des Beaux-arts de Lyon. Il trouvait qu'à son âge (autour de la quarantaine), ça devenait difficile de draguer les étudiantes. Est-ce le même ?

C’était l’époque innocente où Marlier pouvait dessiner ses « Martine » avec leur petite culotte, bien avant qu’on lui conseille de la mettre en pantalon pour des raisons « convenables » (traduction : moralisme policier, gare au soupçon de pédophilie). Et puis Goscinny est arrivé, a pris en main les destinées de Pilote, a fait évoluer la BD vers l’âge adulte en recrutant, entre autres, Cabu, Gébé, quelques autres grands.

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N° 47. Lucques est l'auteur des Freudaines, souvent drôles, parfois désopilantes.

Et puis Delfeil de Ton lance Charlie mensuel. Il passe rapidement à Wolinski les rênes de ce « Journal plein d’humour et de bandes dessinées » (c’est la devise).

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N° 49. Cathy Millet, qui signe ce dessin, est-elle la papesse qui régna, avant Catherine Francblin, sur cette Pravda de l'art contemporain qu'est la revue Art press ?

Le titre Charlie est un hommage direct à Charles M. Schulz, créateur d’une série célèbre entre toutes : Peanuts, où évoluent, entre autres, Charlie Brown et Snoopy, le chien philosophe (ci-dessous). J'aime bien, sans plus.

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N° 54. Les visiteurs de ce blog connaissent André Barbe, depuis mon billet du 15 juillet. C'est Snoopy qui mord le flic aux fesses.

Je m’épargnerai non seulement l’effort de faire l’éloge de Charlie mensuel, mais aussi d’énumérer les illustres maîtres et les « petits maîtres » de l’art de la BD qui y ont vu publier leur travail. Eloge de toute façon inutile, « car il n’y a qu’à regarder, et c’est écrit dessus » (Alfred Jarry, « Linteau » des Minutes de sable mémorial).

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N° 63. Joost Swarte, le Hollandais dessinant spécialement pour Charlie. Et facétieux avec ça.

Je veux juste rendre hommage à cette revue mémorable, mais en braquant le projecteur sur une face jamais mise en avant. Wolinski rédigeait une sorte d’éditorial, qu’il publiait en p. 2, en l’agrémentant de dessins venus sous la plume de gens parfois connus, qu’il leur demandait pour l’occasion. On ne s’étonnera pas du dessin (ci-dessous) offert par Guido Crepax pour l’édito du N°37 (février 1972).

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Ça se voit : c'est pondu "vite fait sur le gaz".

Mais sans vouloir vexer les mânes de Wolinski (que la terre lui soit légère), c’est la page 1 qui m’intéresse ici. Parfaitement : la page du sommaire, qui indique à quelle page il faut aller pour trouver ci et ça, et dont des exemples jalonnent le présent billet.

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N° 67. Guitton, l'indécrottable baba-cool, les petites fleurs, les petits oiseaux, les étoiles ... et les femmes.

Le sommaire de Charlie mensuel : voilà une manière marrante de jouer avec la contrainte. Un défi pour un dessinateur.

Voilà ce que je dis, moi.

La suite à demain.