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dimanche, 23 novembre 2025

VARIATIONS SUR UN THÈME

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Concocté, assaisonné et cuit au four à partir d'une seule et même photo, prise le 17 décembre 2016 sur le plateau de la Croix-Rousse.

samedi, 22 novembre 2025

SOUS L'HOMMAGE A MADELEINE RIFFAUD ...

... UN DISCRET HOMMAGE A HERGÉ.

Elle est morte il y a un peu plus d'un an (6 novembre 2024), à l'âge de 100 ans. Quand elle a raconté sa vie à Morvan (scénariste) et Bertail (dessinateur), elle fumait toujours son cigare et buvait son whisky comme une grande. L'image ci-dessous se trouve à la page 74 du quatrième volume de la biographie de cette femme d'exception au caractère inflexible.

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Et voilà-t-y pas que mon sang ne fait qu'un tour. Que vois-je dans un coin de la vignette, à gauche de notre héroïne ? La réplique du portrait de madame Clairmont ! Mais si, rappelez-vous : c'était dans Les Sept boules de cristal, à la page 8, juste au moment du numéro de Ragdalam, le fakir accompagné de la voyante madame Yamilah, quand celle-ci annonce à la dame la terrible maladie qui vient de s'abattre sur son mari, le cinéaste de l'expédition Sanders-Hardmuth dans les Andes. On reconnaît ici la malédiction de Rascar Capac. Bertail a même gardé le col cassé du type assis derrière.

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Je n'ai pas essayé de trouver d'autres facéties d'auteur : celle-ci (qui m'a sauté aux yeux) n'est déjà pas mauvaise. Merci messieurs.

***

Billet du 9 novembre 2024.

mercredi, 19 novembre 2025

CECI EST (vraiment) UNE PHOTO

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Photo (couleur) prise par mes soins en juillet 2020, puis bidouillée récemment par moi-même. Je peux le certifier croix-de-bois-croix-de-fer :

« Ce n'est que de l'eau, ce n'est que de l'eau camarade ! »

lundi, 17 novembre 2025

LES JOIES SIMPLES DE LA P.Q.R.

Ah, les délices de l'information véritable dans la Presse Quotidienne Régionale ! Chez nous, à Lyon, c'est Le Progrès.

Il est loin, le temps des grands journalistes (je pense à Pierre Mérindol, à Jean-Jacques Lerrant, à quelques autres). Il est loin, le temps où L'Echo-Liberté disputait au Progrès de Lyon la première place. Il est loin, le temps du Progrès-soir, que vendait le sympathique crieur à l'entrée de la rue de la République ( « Le Progrès-Soir ! La Bourse ! Les courses ! » ). Le crieur finissait par bredouiller après quelques tournées éclusées à La Brioche ou au Monopol. Rendez-vous compte : des Parisiens audacieux ont même pointé leur nez pendant un temps dans la capitale des Gaules (Lyon-Figaro, Lyon-Libération). C'est vous dire ! 

***

Alors, sur l'air de « Nous au village aussi l'on a ... »
(Tonton Georges).

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10 novembre 2025.

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12 novembre 2025.

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15 novembre 2025.

Cela fait une sorte de "tir groupé". Je précise que ces articles ne son pas donnés en "Brèves" (petits zigouigouis blottis dans les coins), mais que leurs titres occupent pleinement le haut de la page. Il faut le reconnaître : la P.Q.R. est devenue plus proche des gens (je veux dire ceux qu'on appelle les "vrais gens"). La P.Q.R. en a rabattu de ses ambitions. Il s'est passé quelque chose. La P.Q.R. est devenue modeste.

dimanche, 16 novembre 2025

MON ARCON A MOI

Suite élaborée à partir de la photo d'un vitrail (le même qu'hier) prise à Lyon par Marie-Claude Bourrat.

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En pensant peut-être à Keith Haring.

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Pourquoi pas Marc Rothko ?

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Et si c'était du bleu Yves Klein ?

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Une chatte n'y retrouverait pas ses petits.

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Façon taches d'encre un peu organisées.

***

Pour voir la photo originale, on peut aller fouiner sur le site de la B.M.L.

(https://numelyo.bm-lyon.fr/list?collection_pid=BML:BML_01...).

On tape "bourrat", et l'on peut faire défiler toute une ribambelle de vitraux lyonnais dont Marie-Claude Bourrat semble avoir décidé d'édifier une collection sinon exhaustive, du moins représentative du travail des vitraillers de notre ville, en particulier de quelques réalisations du grand maître-artisan lyonnais Lucien Bégule.

samedi, 15 novembre 2025

UNE IMAGE

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A partir de la photo d'un vitrail prise à Lyon et signée Marie-Claude Bourrat.

jeudi, 13 novembre 2025

C'ÉTAIT UN 13 NOVEMBRE

Je me contenterai, pour dire que la soirée maudite de ce vendredi-là ne m'a pas quitté, de rétablir ici dans leur version primitive les mots que m'avait inspirés l'un des articles que le journal Le Monde avait publiés pour édifier une sorte de monument aux morts journalistique à toutes les victimes de la saloperie terroriste. Le journal avait envoyé ses journalistes recueillir nombre de témoignages poignants ou bouleversants.  L'article qui m'avait retenu était signé Pascale Robert-Diard.

***

TOMBEAU DE VALENTIN RIBET 

Préambule : un "Tombeau" était, en poésie ou en musique, une œuvre dédiée à un grand homme disparu, une œuvre écrite en son honneur, une œuvre en forme d'éloge funèbre. Valentin Ribet aurait peut-être été un grand homme, si on lui en avait laissé le temps. A cause de son geste instinctif, on ne le saura pas. Je lui dédie ce tout petit billet.

***

Valentin Ribet était un jeune avocat, brillant et doué. Il était sans doute promis à un superbe avenir. Il avait intégré un cabinet renommé. Il était peut-être un peu arrogant, vu ses facilités. Peut-être pas.

Mais voici ce qu’écrit Pascale Robert-Diard, dans Le Monde daté jeudi 26 novembre, pour le « Mémorial du 13 novembre » que le journal est en train d'édifier, jour après jour : « Vendredi 13 novembre, Valentin Ribet a quitté le cabinet plus tôt que d’habitude pour rejoindre le Bataclan, avec Eva, son amoureuse, avocate elle aussi. Quand les tirs ont commencé, il s’est couché sur elle pour la protéger. Elle lui doit la vie ».

Je ne sais pas comment la journaliste a obtenu l’information qu’elle rapporte ("pour la protéger"). C'est un récit. Peut-être est-ce Eva qui lui a dit ? 

Je ne connais pas Eva. Est-elle un peu arrogante ? Est-elle courtoise et modeste ? Je n'en saurai jamais rien. Pour moi, elle aura eu la chance, non : le privilège de rencontrer un homme, un vrai, qui, au moment du danger de mort, n'a pas songé un instant à son propre sort. J'ignore tout de ce qu'on peut ressentir, quand on sait que la personne la plus chère à vos yeux est morte en voulant vous protéger : c'est au-delà de la raison. Depuis mon petit terrier de rongeur obscur, je dis juste : « Admirable ! Honneur à lui ! ». Eva peut être fière. Honneur à Valentin Ribet !

Que le nom de Valentin Ribet ne sorte pas de ma mémoire ! 

Voilà ce que je dis, moi.

Note : J'apprends dans Le Monde du 27 novembre que Valentin Ribet n'est pas le seul. Gilles Leclerc était lui aussi présent au concert des Eagles of death metal au Bataclan, le 13 novembre. Sa famille et ses proches ont dû attendre le lundi à 17 heures pour apprendre qu'il ne reviendrait plus jamais. Sa chérie à lui s'appelait Marianne. Pascal Galinier, auteur de la notice qui lui est consacrée, écrit : « Nul n'est étonné d'apprendre comment il aurait sauvé Marianne en se jetant sur elle, au Bataclan ». Honneur à Gilles Leclerc !

***

Je signale le bel article trouvé ce 8 novembre, toujours dans Le Monde. Il est signé Raphaëlle Bacqué. Il raconte l'improbable rencontre de Charlotte et Sébastien, elle enceinte et suspendue à une fenêtre du Bataclan à dix mètres du sol, lui qui lui tend une main secourable et la hisse plus en "sécurité". La scène est filmée (6 minutes) par Daniel Psenny, journaliste au Monde, et vue aussitôt dans le monde entier. La journaliste, dans son grand article du 8 novembre, parvient à faire toucher du doigt ce mur qu'est l'impossibilité, pour les victimes (directes ou indirectes), les intervenants et les témoins du carnage de tirer un trait définitif sur des événements d'une telle brutalité qu'ils ont fait basculer tant de destins.

mardi, 11 novembre 2025

DES NOUVELLES DE SARKOZY

APRÈS AVOIR ÉTÉ MIS A L'ÉTROIT ...

france,société,politique,nicolas sarkozy,emmanuel macron,gérald darmanin,justice,président de la république,journal le monde,journal le progrès,petit larousse illustré

SARKOZY A ÉTÉ ÉLARGI PAR LES JUGES ......

ET PAR MES SOINS !!!

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Dans Le Progrès du 10 novembre.

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Le Petit Larousse illustré 2002.

dimanche, 09 novembre 2025

JE DEMANDE PARDON À ......

...... MARCEL MARÉCHAL.

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La Ficelle, c'est une petite revue de rien du tout en apparence, mais il arrive que certains dossiers retiennent mon attention plus que d'habitude. Pour nous Lyonnais, la Ficelle, c'est le funiculaire. Il n'y en a plus pour monter à la Croix-Rousse : celle de la rue Terme est devenue un simple tunnel, qui permet aujourd'hui aux autos d'accéder rapidement au plateau, et celle de Croix-Paquet est une crémaillère depuis l'installation du métro. 

Le dossier de la petite revue gratuite est consacré cette fois à un grand bonhomme du théâtre lyonnais puis français : Marcel Maréchal. J'ai fréquenté la petite salle de la rue des Marronniers, que Roger Planchon (autre grand bonhomme) avait aménagée et que Maréchal avait reprise après le départ de Planchon pour le TNP de Villeurbanne. Puis j'ai rendu maintes visites aux spectacles qu'il a montés dans le bâtiment tout neuf du "Théâtre du VIIIème". 

Et je veux ici, publiquement, demander pardon à la mémoire de Marcel Maréchal. Car il se trouve que, lorsque je suis entré en classe de sixième au lycée Ampère, il exerçait le job de pion. Signe particulier : il portait sur une joue (la gauche ?) quelque chose comme une large cicatrice qui m'impressionnait beaucoup. Bien entendu, j'ignorais tout de l'homme qu'il était et de ses activités autres. Il y avait avec lui un autre pion, mais que j'ai bien connu plus tard quand il a repris la librairie des Nouveautés, place Bellecour.

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Extrait de l'article de Josette Bordet dans La Ficelle de novembre 2025.

L'événement se produit un jour de neige dans la cour n°1 (celle des petits). Avec mon pote Denavit, je fais bien sûr des boules de neige. Et voilà-t-il pas qu'il nous vient l'idée de bombarder les deux surveillants, debout devant la porte de leur bureau. J'ai oublié si la boule de mon pote a atteint sa cible. La mienne a frappé Marcel Maréchal en pleine poitrine. Il n'y eut pas de suites : nous étions perdus dans la foule des "petits" et nous étions quasi-invisibles. L'événement — insignifiant si l'on veut — est probablement très vite tombé dans les oubliettes de la mémoire du théâtreux.

Quoi qu'il en soit, je viens ici solennellement m'incliner devant la mémoire d'un grand homme de théâtre (mort en 2020) sur la personne de qui j'ai osé, en des temps anciens, commettre un attentat. Ce qui me réconforte, dans mon remords, c'est de savoir que la carrière de Marcel Maréchal n'a été en rien entravée par les odieux agissements d'un "gone" insolent âgé de onze ans.

samedi, 08 novembre 2025

DAVID BELLOS EST MORT

La plus belle biographie que j'aie jamais lue.

BELLOS 2025 11 04 DAVID PHOTO.jpg

Une gueule classique d'intellectuel.

Journal Le Monde, 4 novembre 2025.

La nouvelle ne pouvait pas m'échapper : l'immense biographe de l'écrivain George Perec vient de mourir. La "nécro" écrite par Denis Cosnard précise qu'il souffrait d'athérosclérose et que sa vie s'est interrompue dans sa résidence secondaire à Doussard (au-dessus du lac d'Annecy, si je me souviens bien de mes aventures dans le coin). Il avait 80 ans. Je ne trouve rien de mieux que de vous resservir tel quel le papier que j'avais publié ici même le 14 février 2016 après la lecture de la plus belle biographie que j'aie jamais lue de ma vie. Que David Bellos ait jugé bon, du fait semble-t-il des critiques formulées par "Les Amis de Georges Perec", de rééditer sa somme amendée et enrichie n'amoindrit en rien mon enthousiasme et mon admiration pour le travail accompli. 

***

« Je vous préviens, l’extraordinaire biographie de Georges Perec par David Bellos ne vous incitera peut-être pas à devenir un adepte de son œuvre littéraire. Mais à coup sûr, elle vous fera aimer le bonhomme dont celle-ci est sortie. Un homme trop tôt disparu. Un homme qui fut violemment aux prises avec l’existence dès son plus jeune âge (père mort pour la France en 1940, mère morte à Auschwitz), et qui a, sur les décombres d’une enfance dévastée par l’histoire, construit une œuvre littéraire complètement atypique, unique dans le paysage français du 20ème siècle. 

Je le dis sans barguigner : Georges Perec, une vie dans les mots, est un chef d’œuvre accompli. Je ne sais pas quelle part de sa vie David Bellos a consacrée à rassembler la monstrueuse matière dont son ouvrage se trouve constitué à l’arrivée. Toujours est-il que David Bellos a amplement mérité de l’innommée patrie de la littérature, qui se nomme peut-être humanité. Même si on met le mot au pluriel. Car le Perec que l'auteur restitue vibre devant nous comme s'il était vivant : un véritable tour de force. Sa biographie a tous les aspects de la rigueur, disons scientifique, qu'on attend de l'université, et en même temps le lecteur perçoit à tout instant une empathie vaste et profonde. David Bellos, à n'en pas douter, aime son sujet.

Autant le dire tout de suite : les livres de Georges Perec suscitent davantage mon admiration pour la prouesse que mon amour du contenu. Je suis de ceux qui tiennent dans un mépris obstiné tout ce qui se revendique d'une performance sportive. Et je suis désolé de le dire : il y a du défi sportif dans beaucoup de ses œuvres. En revanche, tous les détails de son existence, tels que rapportés fidèlement par le biographe, suscitent mon adhésion, mon enthousiasme, ma ferveur. Mon émotion à maintes reprises. Si les livres me laissent un peu froid, on ne peut guère trouver d'homme plus attachant que celui qui les a écrits, tel qu'il apparaît sous la plume de David Bellos. C'est ainsi que j'en viens à considérer sa biographie de GP comme un roman formidable.

Car en se limitant le plus possible aux données factuelles, David Bellos touche son lecteur plus fortement et de plus près que s'il avait cherché à l'émouvoir. Et j'avoue humblement que j'ai marché à fond : je sors de ce bouquin ébloui autant par la qualité du bonhomme dont il est parlé que par la façon dont il en est parlé tout au long.

Je sais bien qu’il faut commencer un livre par le début, mais j’ai envie de parler de cette biographie en isolant deux détails peut-être infimes, perdus parmi les 700 et quelques pages qu’il a fallu à David Bellos pour rendre compte de Georges Perec. Deux détails qui m'apparaissent comme la signature d'un homme. Le premier de ces détails se situe au chapitre 25, qui m’a, je dois l’avouer, fait hurler de rire, tant il fait flamboyer la particularité du personnage. 

Pensez, un type voué à la littérature qui se fait embaucher au CNRS, pour s’occuper du classement de toute la documentation scientifique consultable par les chercheurs. Et pas de la petite science : le LA 48 (Laboratoire Associé) s’occupe de recherches sur tout ce qui concerne la neurophysiologie du sommeil et de l’état de veille, sous la houlette « granitique » de Paul Dell. C’est ainsi que Gorges Perec devint, en 1961, « documentaliste classé technicien IIIB » dans la fonction publique. 

Le personnel du laboratoire, à commencer par André Hugelin, qui se résigna à embaucher ce jeune homme aux dents gâtées, mal habillé, et peut-être même mal lavé, est d’abord incrédule. Mais il ne le resta pas longtemps, car le moteur du génie combinatoire de Perec se mit à vrombir, et quelque temps après, «  … le système de documentation mis au point par Perec suscita beaucoup d’admiration et le bruit se répandit de sa qualité dans les autres laboratoires de recherche. Des émissaires passaient maintenant sous des motifs divers et profitaient d’un brin de causette pour traîner devant les fichiers et le plan de classement ». Il avait fait la preuve de sa stupéfiante virtuosité. 

Mais Perec, sous ses dehors de malhabile timide et mal fichu, était un diable facétieux. Il sut prendre sa revanche sur l’obscurité de son boulot mal payé. Il assaisonna en effet maintes fiches de l’admirable fichier scientifique de vinaigrettes de sa façon. C’est ainsi que, dans le fichier du laboratoire s’occupant de la neurophysiologie du sommeil, on trouve une fiche répertoriant un ouvrage intitulé Les Choses (auquel il doit son prix Renaudot de 1965). 

C’est ainsi que les chercheurs peuvent tomber sur un article ainsi référencé : « "Attention et respiration", publié dans Kononk. Akad. Wetenschap. Amsterdam Proc. Sec.Sci1 (1899), p. 121-138 », par un savant nommé Caspar Winckler, nom ancré dans l’archéologie de Georges Perec (et rien que la lettre W !), et qui deviendra celui d’un personnage central de son chef d’œuvre, La Vie mode d’emploi

C’est ainsi que, en 1994, « il arrive encore que de petits groupes se retrouvent au fond d’un bar pour y écouter le compte rendu de Perec concernant les effets électrochimiques observés sur les sopranos soumises à une pluie de tomates nourrie et régulière », tout ça parce qu’il avait glissé son canular parmi les autres publications savantes, toutes très sérieuses, évidemment. 

Ce texte, intitulé « Experimental Demonstration » est redoutable : « On dit même que lors d’une réunion de la commission de biochimie du CNRS, le président de séance jeta un coup d’œil sur une photocopie du canular de Perec qui s’était glissée (par inadvertance ?) dans la pile de dossiers qu’il avait devant lui. Il parcourut la première page, vira au cramoisi, se mit à bafouiller et dut se cramponner aux bras de son fauteuil. "Experimental Demonstration" fut à l’origine du seul cas connu d’une commission du CNRS s’accordant une interruption de séance pour cause de … fou rire ». Irrésistible. Si non è vero, ben trovato. 

Le deuxième détail est une anecdote, racontée à la page 586 du volume. Perec est amoureux de Catherine, la dernière femme de sa vie. Ils sont au restaurant « Le Balzar », en train de manger une raie au beurre noir : « … une goutte de gras tacha le chemisier de la jeune femme. Pour qu’elle ne se sente pas gênée, Perec trempa le doigt dans la saucière et barbouilla de beurre la chemise indienne que lui-même portait. Catherine ne savait pas qu’un tel charme pût exister ». Vous la voyez, la scène ? Cette histoire me ravit : vous en connaissez beaucoup, vous, des types cravatés et costumés, capables de saloper, par amour, leur ensemble Kenzo ? 

Tendresse et facétie : deux mots qui signent le personnage dans ses relations avec les autres, autant que je peux en connaître.

Je terminerai ce billet sur le portrait de « Pierre G. », que David Bellos pense avoir reconnu pour être celui de Georges Perec (initiales inversées) sous la plume de Jean-Bertrand Pontalis, son psychanalyste, dans son livre L’Amour des commencements : « Une inépuisable banque de données en désordre, un ordinateur facétieux sans mode d’emploi, un Pécuchet privé de son Bouvard, telle était la mémoire de Pierre. Parfois pourtant elle se fixait et c’est alors qu’elle s’égarait. Elle allait visiter, explorer des lieux, obstinée à les capter, à les saisir comme un photographe à l’affût ou comme un huissier de justice. Pierre me décrivait les rues où il avait vécu, les chambres où il avait logé, le dessin du papier mural, me précisait les dimensions du lit, de la fenêtre, la place de chaque meuble, la forme du bouton de porte » (p.538). La mémoire de Georges Perec embrasse de vastes territoires, mais elle est capable, à l’occasion, de « zoomer » sur des détails de façon à les grossir, comme on fait en macrophotographie. Une excellente illustration de ce fonctionnement mental (embrasser la diversité du monde sans perdre le souci du tout petit détail) est offerte par La Vie mode d'emploi, ce bouquin aussi concentré que de grande dimension. 

L'homme Georges Perec était tellement attachant que les témoignages d'affection ne manquent pas. Ainsi, l'épouse de Laurent de Brunhoff, continuateur des aventures de Babar : « "Perec a apporté le soleil dans notre vie", dit Marie-Claude. Bien sûr, dans ce nouvel environnement familial, il en profita pour se faire materner. "Mais tout le monde avait envie de materner Perec !" ajoute-t-elle » (p.579).

Merci à David Bellos pour ces moments de jubilation.

Voilà ce que je dis, moi. 

Note : le travail de David Bellos est absolument impeccable. Il est donc forcément maniaque et petit de ma part de relever quelques très rares détails, trop minuscules pour faire une ombre d'ombre à l’ensemble. Vingt-deux ans après la parution, je peux me le permettre. 1) Il me semble que le psychanalyste Pontalis se prénomme Jean-Bertrand et non Jean-Baptiste. 2) Le Georges Perec de Claude Burgelin est publié non en 1989, mais en 1988. 3) En musique, « coda » est du genre féminin. 4) « Anagramme » est également du genre féminin, mais là, franchement, c’est la bourde impardonnable, vu la consommation qu’a faite Georges Perec de la chose. 5) Autre impardonnabilité : la slivovitz (p. 237) est un alcool de quetsche, et pas d'abricot, monsieur Bellos, soit dit en tout respect. »

jeudi, 30 octobre 2025

POUR HALLOWEEN ...

... MAIS À MA FAÇON !

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Mais ça part quand même d'une vraie photo (certifiée sans I.A., bien qu'un peu détourée).

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mercredi, 29 octobre 2025

AU ROYAUME D'ASTAP

Le premier album paru dans la série "Norbert et Kari" (Christian Godard, Hachette, 1974) s'intitule donc assez bizarrement Au Royaume d'Astap. Mais ça veut dire quoi, Astap ? Très simple :

« A se taper le cul par terre »

(Godard est plus pudique, c'est une "publication destinée à la jeunesse"). 

Le délectable de l'histoire, c'est que l'auteur la parsème de scènes désopilantes. Un groupe d'enfants (les ZOZOS) débarque par accident sur une île déserte, et commence à se structurer en société sous la houlette du "Grand Astap", le meneur, rejetant tout ce qui vient des adultes (les TRUMEAUX). C'est là que débarquent Norbert et Kari. Norbert tombe dans un "piège à trumeaux". Fait prisonnier, il doit passer "les tests secrets". Ayant fait à chacune des questions des réponses ébouriffantes de fantaisie, Norbert est reconnu comme "zozo" au cours d'une cérémonie où le Grand Astap le sacre sous le nom d'

« Apollon du Réverbère ».

La première nuit passée dans "l'arbre à dormir" permet à Norbert de suivre les souhaits que s'envoient les zozos avant de fermer les yeux. Inutile de préciser que Norbert se met aussitôt au diapason. Voici l'affaire.

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Je sais pas vous, mais moi, ça me fait bien rire. Je suis peut-être trop "bon public".

mardi, 28 octobre 2025

MODESTE BLAGUE

Trois vignettes de la première page de Au Royaume d'Astap (Hachette, 1974), premier épisode des aventures de Norbert et Kari, habitants de Taaratatah, minuscule atoll de corail perdu dans le Pacifique, du côté de la Polynésie. L'histoire délectable inventée par Godard est sans doute inspirée du célèbre livre de William Golding Sa Majesté des mouches, mais attention, sur un mode burlesque et décomplexé, voire carrément claironné. Au début, Norbert et Kari sont perdus sur l'océan, et Norbert aimerait bien ne pas mourir de faim. La scène qui suit rend hommage à un champion du calembour-bon : Luc Etienne, Régent définitif du Collège de 'Pataphysique, oulipien enragé et inventeur de la "méthode S+7".

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Les pointilleux et les spécialistes pourront faire remarquer au jeune Kari qu'un mérou de cette taille tient plutôt de l'alevin, mais ne soyons pas trop regardants.

lundi, 27 octobre 2025

LE CAFÉ DE LA SOIE

Attention, il ne faut pas confondre : le Café de la Soie n'a rien à voir avec le Café de la Soierie (voir hier). D'abord il ouvrait sur la place Bertone et pas sur la place des Tapis, ce qui l'éloigne des flonflons de la Vogue des Marrons. Bon, on dira que c'est toujours la Croix-Rousse. Ensuite, il n'existe plus sous cette appellation (c'est devenu un restaurant de viande). La photo ci-dessous est prise de la rue : vue imprenable sur l'essentiel (23 février 2017). On arrive à deviner — en regardant bien et en y mettant de la bonne volonté —, se découpant en net sur la vitrine dépolie :

« BAR RESTAURANT CAFÉ DE LA SOIE ».

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dimanche, 26 octobre 2025

LE CAFÉ DE LA SOIERIE

En 2017, rénovation complète d'un fameux établissement de la Croix-Rousse : le Café de la Soierie change de peau. Voici deux traces de l'événement : la première photo est prise le 11 février à travers une vitre empoussiérée. La seconde est prise à peu près du même point le 25 du même mois (un peu avant l'ouverture, semble-t-il). Comme on dit vulgairement, et souvent bêtement : « Y a pas photo ! ».

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mercredi, 22 octobre 2025

VENDU AUX RUSSES

Vladimir Poutine l'a dit :

« Donald Trump est un interlocuteur "confortable" »

(traduction exacte du terme employé).

Personnellement, je mettrais aussi "interlocuteur" entre guillemets : "bonne poire" collerait davantage à la réalité.

Car que fait Trump pour plaire à Poutine ? Oh, pas grand-chose : il coule l'Amérique. Et à travers ce cinglé de Trump, Poutine espère finir de détruire la prépondérance de la "sphère occidentale" du monde. En accord, bien entendu, avec ses complices chinois, coréens du nord, etc.

Un juste retour des choses, doit-il se dire, après l'effondrement du "bloc soviétique" à partir de fin 1989. Inespéré, doit-il se dire : le président américain, par ses décisions erratiques (NASA, nucléaire, C.I.A., F.B.I., institut des statistiques et quelques autres), est en train de désarmer les Etats-Unis d'Amérique des structures essentielles au maintien de la puissance américaine. 

America first ? C'est quoi, cette blague ? Combien de millions de gogos pour gober ça ? C'est fini, l'Amérique !

mardi, 21 octobre 2025

SARKOZY AU PALAIS DE LA SANTÉ

Monsieur l'ex-président de la République Française entre en son Palais de la Santé la tête haute, avec les honneurs et sous les vivats d'une foule en extase.

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Je dis à tous ceux qui s'étaient amassés à l'entrée et ont craché sur les juges et sur l'autorité judiciaire en acclamant le "présumé innocent" :

« Honte à vous ! ».

S'en prendre à l'administration de la justice, c'est mettre en danger l'un des trois piliers de nos institutions. C'est mettre en danger notre état de droit.

Honte à Sarkozy, ancien "garant des institutions" (mon œil), pour avoir injurié tout le corps judiciaire.  Honte à Macron, qui ose recevoir le monsieur juste avant son incarcération, tout en protestant de son entier respect (mon œil !) pour les magistrats. Honte à Darmanin, qui ose claironner dans les médias qu'il rendra visite à l'auguste prisonnier. Honte à toutes ces cohortes de journalistes, dans toutes sortes de médias, qui ont élevé l'incarcération d'un ancien président au rang de monument de l'actualité. 

Et je ressortirais volontiers la phrase sortie de la plume du si décrié Henri Béraud en plein 1942 dans un journal parisien sous les yeux mêmes, le nez et la botte des nazis : 
« FRANÇAIS, TIENS-TOI DROIT ! »

Ça au moins, ça avait de la gueule ! Au lieu qu'aujourd'hui ................

Honte à la France !!!

lundi, 20 octobre 2025

UNE IMAGE

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CLADONOTA BENITEZI. 

Photo DR travaillée comme une carte topographique pour y inclure des espèces de "courbes de niveau".

 

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L'ombre du houx de Noël sur la surface du plâtre mural. Photo (12 janvier 2015) et bidouillage grossier : Frédéric Chambe.

dimanche, 19 octobre 2025

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Photo prise le 25 juillet 2014 par votre serviteur et bidouillée par lui-même, à sa façon rudimentaire.

samedi, 18 octobre 2025

LES MERVEILLES DE LA CONTEMPORAINE

« BEN QUOI, FAUT VIVRE AVEC SON TEMPS ! » (Dicton populaire).
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Cyril Azouvi, L'Invention de la musique moderne, Perrin, 2025.

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Un ami m'a fait lire le livre ci-dessus. Pour parler honnêtement, je n'y ai pas appris beaucoup de choses nouvelles à propos de la musique dite contemporaine. Une idée très juste, en revanche, figure dans le titre lui-même : le mot "invention". C'est très bien trouvé, car à bien y réfléchir, on peut en effet affirmer que toute la musique savante qui a été composée depuis le début du XXème siècle a été inventée, puisqu'elle extermine l'entier de l'ancien vocabulaire, de l'antique syntaxe et de la vénérable morphologie qui présidaient jusque-là. 

Cyril Azouvi, qui déclare d'emblée un amour démesuré pour Le Sacre du printemps de Stravinsky, situe en deux endroits et deux dates de concerts le point de départ de cette révolution culturelle : Vienne, le 31 mars 1913 et Paris, le 29 mai de la même année. La différence ? L'auteur l'explique dans l'épilogue : après le choc vécu par les premiers auditeurs du Sacre, l'œuvre a entamé une longue carrière. Au point qu'elle fait désormais partie des "classiques" du XXème siècle et est régulièrement enregistrée et donnée en concert, tout comme Pétrouchka et L'Oiseau de feu, du même Stravinsky (même si c'est au détriment du reste de son œuvre hétéroclite et surabondante). 

Pour le concert de Vienne, c'est une autre paire de manches, car après tout, avec toutes les innovations touchant  les rythmes et la sauvagerie de l'atmosphère générale contenues dans Le Sacre, la musique du Russe restait grosso modo dans les clous de la tradition européenne (on dit ça rétrospectivement). Alors que de leur côté, Schönberg, Berg et Webern, les trois Viennois déboulent dans cette tradition comme des chiens dans un jeu de quilles.

Leur truc ? La déclaration universelle des droits des sons musicaux à une égalité radicale (Liberté-Egalité-N'importe quoi). Fini majeur / mineur, finie la tonalité, finie la mélodie, finies toutes les hiérarchies. Hugo, dans Les Contemplations, s'était vanté : « Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire ». Schönberg était sans doute très fier d'avoir mis fin à la royauté absolue de la tonalité, et d'avoir fait à lui tout seul une sacrée révolution (si on est un peu masochiste, on peut se farcir son pensum Le Style et l'idée, Buchet-Chastel).

Mais l'histoire s'est vengée : Stravinsky est célébré, les soldats de l' « Ecole de Vienne », sont à peu près rayés des cadres. D'après Cyril Azouvi, une exception doit être faite pour le Concerto à la mémoire d'un ange d'Alban Berg : il trouve l'œuvre « magnifique et émouvante ». D'ailleurs, certains violonistes ne dédaignent pas de l'inscrire à leur répertoire (Frank Peter Zimmermann en mars 2025 à l'Auditorium de Lyon). L'œuvre est dédiée à Manon Gropius, fille de Gropius l'architecte et d'Alma Mahler, morte à l'âge de 20 ans (voir la belle narration de l'enterrement dans les souvenirs d'Elias Canetti).

Le dodécaphonisme et le sérialisme, voire le sérialisme intégral cher à Pierre Boulez — la série appliquée à tous les paramètre musicaux : timbre, hauteur, intensité, etc. —, ont amplement démontré que cette voie musicale était une impasse sans issue dont nul ne peut sortir. Et si grandiloquents que se montrent les thuriféraires de cet ayatollah de la musique, l'oreille humaine, dans sa simplicité, n'en veut pas. Boulez a beau citer dans sa deuxième sonate les quatre lettres sacrées B.A.C.H. (si bémol, la, do si bécarre), il le fait de façon si dissimulée que ça ressemble à une farce, une boutade en même temps qu'un grand écart.

Ce qui tue la musique à l'époque "contemporaine", c'est que son compositeur a effacé de ses perspectives l'auditeur potentiel. Il s'est retiré dans sa tour d'ivoire pour élaborer un univers de sons jamais ouïs auparavant. Terré au fond de son laboratoire, il est devenu un "chercheur", un expérimentateur, un théoricien, un concepteur, bref, un scientifique.

Pour lui, l'auditeur n'est qu'un cobaye sur lequel il fait des injections des substances nouvelles élaborées dans ses cornues et alambics. Ce n'est plus un musicien fier de pratiquer son art : il dirige maintenant un "Bureau Recherche et Développement" (R&D pour les initiés) qui s'apprête à mettre sur le marché un produit aux qualités incontestables et que le public est instamment prié d'apprécier. 

A cet égard, les publics successifs du XXème siècle ont été particulièrement servis. Permettez que je retrace à grands traits selon quelle trajectoire se sont ajoutées les grandes innovations. Je peux, parce que j'ai étudié ça d'assez près en tant qu'auditeur empressé pendant trop longtemps. J'ai en effet emmené mes oreilles se balader dans tout ce qui se faisait de musique "audacieuse" à Lyon et autour. Et puis j'ai viré de bord. Je suis redevenu un rustre, mais par choix cette fois. J'ai expliqué ici en son temps la façon dont ça s'est passé. Bilan, disons "contrasté". 

Alors voilà : d'abord la série de douze sons égaux. Attention, le résultat, c'est pas n'importe quoi, tout est savamment calculé. Rien de plus clair pour expliquer la chose que les opus 19 et 23 d'Arnold Schönberg : après ça, si vous n'êtes pas vacciné pour toujours contre le virus de la musiconnerie, c'est que vous êtes doté d'oreilles en acier inox, du genre de celles de Pierre Boulez, dont les adorateurs célèbrent le centenaire jusqu'au 31 décembre.

Lui, il avait une foi aveugle dans le Progrès, le vrai, le constant, le dur, l'éternel, à étendre à tous les domaines artistiques. C'est ainsi qu'on lui doit Le Marteau sans maître (à partir de l'œuvre poétique de René Char, vous savez, le poète qu'il faut être au moins sémioticien aguerri pour y avoir accès). Il a même inventé le "sérialisme intégral" (les notes, mais aussi tous les paramètres des sons). Avec son complice Stockhausen (ah, son quartet "Hélicoptère" !), il a longtemps régné en potentat et fait régner la terreur sur les salles de concert ou le festival de Donaueschingen. Tiens, essayez d'écouter sa deuxième sonate : vous verrez le bond que fait le tensiomètre.

Le problème, finalement, se résume à une espèce d' « extension du domaine de la lutte », tant en musique qu'en peinture et en poésie. Marcel Duchamp s'est occupé de liquider la création picturale en érigeant le moindre objet trivial en œuvre d'art. En poésie, le signifiant s'est affranchi de son signifié (cf., pour le pire, les poèmes "dada" d'Hugo Ball et de quelques autres).

Pour ce qui est du "domaine musical" (expression chère à Boulez), on ne s'est plus contenté des "sons musicaux" (produits par des instruments fabriqués exclusivement pour ça) : tous les sons devinrent dignes d'attention, qu'ils fussent électroniques (cf. Martenot ou Theremin), naturels ou produits par les activités humaines. Pour Pierre Schaeffer (Traité des objets musicaux, 1966), tout l'univers sonore dans lequel nous baignons au quotidien doit légitimement être appelé "musical".

De mon côté, après avoir fourré — inconsidérément, durablement et volontairement — mes guêtres dans toutes sortes d'univers violemment bariolés de la musique contemporaine, j'ai fini par en avoir assez des expériences de laboratoire, assez des recherches musicales fondées sur des calculs tarabiscotés, assez des théories et des concepts en matière de musique, assez des fabrications et des idées factices, assez des "sonnettes pour violon sale" et des bruits d'aspirateur (Jean-Louis Agobet).

Ce ras-le-bol m'est tombé dessus quand je me suis dit qu'après tout, ce qui compte dans la musique, c'est le plaisir sensoriel qu'elle produit. Or, après mes diverses explorations sur le territoire de musiques autres que strictement européennes d'avant le XX° siècle, j'en suis venu à cette intime conviction et conclusion que le socle de ce plaisir est tout entier contenu dans la mélodie et dans la consonance. 

La mélodie comme chaîne de notes agréables à écouter, mais aussi que n'importe qui pourrait chanter. La consonance comme organisation harmonieuse des notes simultanées. Les spécialistes nomment la première "écriture horizontale" et la seconde "écriture verticale". 

Bon, je ne vais pas recommencer des chapitres de récriminations qui ont par le passé alourdi la teneur de ce blog qui ne se voudrait pas si sérieux. Je finirai donc par trouver dans le livre de Cyril Azouvi l'issue de secours derrière laquelle les proscrits du plaisir musical (je veux dire celui du plus grand nombre) ont trouvé refuge : les concerts des vedettes de la chanson, de la pop, du rock et de toutes ces espèces sonores qui cultivent la mélodie et la consonance, fût-ce au prix de décibels et de murs de baffles surpuissants. Il suffit de se renseigner pour savoir que d'énormes foules se rassemblent autour des seigneurs musicaux d'aujourd'hui.

Azouvi dit ça dans la conclusion : il n'est jamais trop tard.

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Note : Je cultive pour mon compte un certain nombre d'œuvres musicales composées dans des temps récents ou plus anciens. Depuis bientôt quinze ans que je tiens ici des propos sur pas mal de sujets à « Regarder, Ecouter, Lire » (un beau titre de Claude Lévi-Strauss, Plon, 1993), il m'est arrivé de semer ici ou là sur mon chemin les cailloux des noms de certains compositeurs dont certains travaux (jamais l'intégralité, comme bien on pense) ont su retenir mon oreille par les oreilles. Je peux citer Olivier Messiaen (Vingt Regards sur l'enfant Jésus), Gavin Bryars (The Sinking of the Titanic), Steve Reich (Different trains), Philip Glass (String quartets), tous les quatuors de Dimitri Shostakovitch, Terry Riley (In C, version du 25ème anniversaire), ... enfin bon, il y en a finalement pas mal.

vendredi, 17 octobre 2025

PAPIER PEINT

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Je ne suis pas très doué pour le dessin, la peinture, et même la couleur. Cela ne m'a pas empêché de m'essayer aux arts picturaux sur un mur de l'appartement que j'occupais à une époque où :
« J'étais insoucieux de tous les équipages ».
Mais quand il a fallu "faire l'état des lieux" avant de quitter ceux-ci, M. B., syndic de copropriété, n'a pas eu l'air d'apprécier l'effort à sa juste valeur. A la sortie, le document portait la mention "dégradations". Un bel argument pour refuser de rembourser la caution. 

mercredi, 15 octobre 2025

UN CURIEUX VOISINAGE

On trouve dans le journal Le Progrès daté 13 octobre 2025, en page 6, une photo de Nicolas Sarkozy paradant au Parc des Princes avant d'aller occuper un poste à la Santé (une jolie cellule), où il a été nommé par la justice française. Et puis voilà-t-il pas que juste en face, en page 7, le journal, au sujet du Festival Lumière qui a lieu en ce moment à Lyon, une photo de Sean Penn, le grand acteur américain. Et je me suis dit : c'est drôle, si un metteur en scène projetait de faire un film sur l'ancien président français, le comédien jouant le rôle-titre serait tout trouvé. Curieusement, j'ai été frappé par la ressemblance. Je sais pas vous ?

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lundi, 13 octobre 2025

PHOTOGRAPHIE

C'est intéressant, une vitrine. C'est presque comme une porte, qui peut s'ouvrir et se fermer. Sauf que la vitre, dans sa constance, ferme un espace intérieur en même temps qu'elle ouvre cet espace à la lumière. Par-dessus le marché, elle ouvre l'intérieur au regard du dehors et elle duplique dans la spécificité de sa matière l'image de l'espace extérieur. Oui, elle fait tout ça.

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Ici, on croise, d'un côté, un sage alignement d'automobiles le long d'un trottoir bordant une succession de petits immeubles dont la façade est éclairée par le soleil couchant. De l'autre, l'œil du passant parcourt la salle d'un restaurant hélas disparu, où quelques privilégiés, avec une infinie piété et selon un rituel bien établi, pratiquaient le culte de l'incroyable « duo rognons-ris de veau » accompagné de son « gratin de pennes ».

In memoriam.

Recueillons-nous.

dimanche, 12 octobre 2025

PHOTOGRAPHIE

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