vendredi, 20 décembre 2013
UN FOU REMARQUABLE
Il n’y a pas que Balzac, dans la vie. Voici pour le prouver de quoi alimenter l’insatiable curiosité des curieux (curiosité dont le métier est généralement de faire de l’auto-allumage : comme chacun sait, la curiosité, cette invention, mère de la créativité et moteur de l’action, ne se décrète pas : elle se sécrète). C'est parti.
« LE PÉCHÉ ORIGINEL
« Pécer ou pesser = pisser. Pé ce t’ai, pesse t’ai, pester. La petite beste pestait. En pesse t’ai, empestait. Ai ce, p’ai ce ; ai ce pesse, l’esse pesse, l’espèce. Toute esse pesse de toute espèce ; le pécé ou le péché empestait, c’est l’origine du pessimisme : pesse i m’ai, isse-me. Pécer ou pesser se retrouve dans la bouche des enfants pour pécher.
« Péch’ai, péche ai, pécher, péché. Péche ai heure, pêcheur ; péche ai raie-ce, pécheresse. Le péché offrait son eau au bec pissant ou péchant contre les règles de l’art. On pisse ou pèche contre. Il a péché queue on treu moi ; celui qui avait fait cela était violemment repoussé et chassé. Tu eau fais en ce dieu ou lieu, tu offenses Dieu.
« Les premiers êtres se promenaient avec leur aspergès et lançaient leur eau de tous côtés ; cela alla encore chez les prêtres ; mais les dieux, nés d’une mère, s’en indignèrent, et le péché à la figure des gens fut honni. Celui qui pisse en face de nous, nous offense, car le péché offense Dieu et d’yeu, ton œil. Le nom de péché fut donné plus tard à tout ce qui était répréhensible, mais le premier et le vrai péché vient du bénitier, lançant son eau que c’était une bénédiction. (…)
« Eau r’ai, aure ai, aurer, orer. Eau d’aure ai, odorer. L’eau d’aure odorait. A l’aure ai ore, à l’aurore, les anges offraient leur eau du matin, en présentant leur auréole, ore ai eau le, aure ai haut le. L’auréole était formée par la peau du prépuce découvrant le gland. L’homme étant un ancien membre, le diable met une auréole sur le sommet de la tête de ses saints pour désobéir au grand Dieu tout-puissant qui défend les idoles ».
Ce ne sont que quelques-unes des délicieuses "fariboles sidérales" (l'expression est le titre d'une excellente et méconnue BD de Lacroix, alias Alias) et sidérantes qu’on trouve dans un livre en général connu des seuls spécialistes, et je me permets de trouver ça regrettable : Les Origines humaines. L’auteur, dont le nom ne devrait lui aussi être connu que de rares initiés, est néanmoins plus répandu, car André Breton a jugé bon de le faire figurer dans un livre célèbre quant à lui : L’Anthologie de l’humour noir, et cela, bien qu’il s’agisse d’André Breton le pontifiant pontificateur, n’est pas injuste.
Brisset est encore l’auteur de La Grammaire logique, plus fastidieux à la lecture : il faut imaginer par le texte ci-dessus les mauvais traitements qu’il fait subir à l’objet qu’il se propose d’y traiter. Il occupe une place éminente dans une confrérie, une tribu injustement obscure : les bien nommés « Fous Littéraires », confrérie à laquelle le très savant André Blavier a consacré un très savant et très copieux (in-quarto de 1147 pages) ouvrage, très pertinemment intitulé Les Fous littéraires (Editions des cendres, 2001).
Pour se faire une idée du genre de folie dont il s'agit, le lecteur peut se replonger dans le trente-huitième chapitre du Tiers livre des faicts et dicts héroïques du bon Pantagruel, « composé par M. Fran. Rabelais, Docteur en médicine », qui expose « Comment par Pantagruel et Panurge est Triboullet blasonné ».
A ce propos, je ne résisterai jamais au plaisir de rappeler l'histoire narrée au chapitre précédent, où Rabelais expose l'histoire jubilatoire de Seigny Joan, fou appelé pour arbitrer le différend entre le rôtisseur et le faquin qui mangeait son pain en le parfumant « à la fumée du roust », et qui déclare, en véritable nouveau Salomon, après avoir fait sonner deux pièces d'argent : « La Court vous dit que le faquin qui a son pain mangé à la fumée du roust civilement a payé le roustisseur au son de son argent ».
Parmi ce déluge de façons pour l'esprit humain de battre la campagne (plus de 200 sortes de fous), qui place le lecteur dans le plus grand embarras quant au choix, ma préférence, très variable selon les jours et les circonstances, ira pour cette fois au « Fol bien mentulé » et au « Fol de haulte fustaie », avec une mention spéciale pour le dernier de la liste : « Fol a espreuve de hacquebutte ».
L’éditeur de Blavier prend soin de préciser que le motif de couverture est inspiré de « bois gravés d’après les dessins de Dürer illustrant ʺLa Nef des folz du mondeʺ de Sébastien Brandt (1497) ». Dans l’édition que je détiens de la dite Nef des fous, la gravure d’Albrecht Dürer, complète cette fois, et 29ème d’une richissime série, figure à la page 73 (Editions de la nuée-bleue, 1977, traduction de Madeleine Horst).
On a appelé « fous littéraires » toutes sortes d’écrivains. André Blavier s’efforce de classer les membres de cette famille inclassable selon leur mode et leur domaine d’inspiration. Le Sommaire indique quelques-unes des catégories retenues : « prophètes, visionnaires et messies », « astronomes et météorologistes », « philanthropes, sociologues et casse-pieds », « persécutés, persécuteurs et faiseurs d’histoires(s) », etc. L’auteur en dénombre ainsi une treizaine au total.
Pour donner un exemple, voici ce que déclare un certain André Dodet, dont l’auteur place une citation en épigraphe de son chapitre hautement moral « Médecins et Hygiénistes » : « La crasse forme un revêtement protecteur ». Le nommé Cornay n’a rien à lui envier, qui déclare : « La formation des rides repose sur les impulsions cérébrales. (…) Les rides demi-circulaires indiquent la franchise … les rides horizontales indiquent l’ambition, etc. », non plus qu’Augustine de Baralle : « La nature a mis dans chaque femme un utérus plus ou moins perfectionné ». Le réservoir est à peu près inépuisable.
Mais dans ce parterre de fleurs où chaque individu forme en soi une espèce unique, Jean-Pierre Brisset détient sans conteste la palme qui revient au vainqueur : « Jeu m’ai ou yeu, je mets ouille, je mouille. B’ai ou yeu, b’ai ouille, bouille. Bouille ai on, Boue y ai on, bouillon. Bouille ai, one ai ente ; bouillonnante. L’eau des mares bourbeuses fut le premier bouillon. Les ancêtres bouillants, bout y ai en, s’y tenaient dans les eaux bouillonnantes. Queue où yeu, coup yeu, couille = coule. Couille ai on, le couillon ne pouvait entrer et restait à la porte. C’est là qu’ai un nœud ouille ; c’est la queune ou yeu, c’est la quenouille. Chéant t’ai, peux ou yeu ; chanter pouille. On ce d’ai, pouille ai ; on se dépouillait. D’ai pouille au pime, dépouilles opimes. C’étaient les parties sexuelles des vaincus. C’est avec de telles dépouilles que David obtint Mical, fille de Saül (1 Sam. 18, 27). On ce, à jeune ai où yeu ; on s’agenouille ».
Ce n’est pas pour rien qu’un certain nombre de gens sérieux et gais, par exemple à La Ferté Macé, dans l’Orne, où il a fini ses jours, continuent à rendre hommage à celui qui fut surnommé « Prince des penseurs ». Par exemple en posant une plaque en l'honneur du « Pas sage Jean-Pierre Brisset ».
De quoi se réjouir en toute innocence en ces temps de disette morale et politique.
Voilà ce que je dis, moi.
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jeudi, 19 décembre 2013
PREPARATIFS
VINCENT ET MIREILLE
LE MOULIN DE DAUDET, SANS DAUDET
LE MOULIN DE DAUDET, AVEC DAUDET, C'EST MIEUX
LES DEUX VIEUX AU PARAPLUIE
LES DEUX VIEUX DANS LE MISTRAL
MONSIEUR SEGUIN ET SA CHÈVRE
LA VIEILLE A LA CUEILLETTE (DE QUOI, ON SE DEMANDE ?)
Quoi, pas de Petit Jésus ? Vous ne savez pas ce que ça veut dire, « Naître à terme » ? Pas avant la messe de minuit.
En attendant, on peut toujours réécouter la Pastorale des Santons de Provence, en cliquant ci-contre. Avec Yvan Audouard dans le rôle mémorable de l'âne. Et se souvenir qu'Yvan Audouard reste l'auteur du délicieux Antoine le vertueux.
Note : rien d'autre que le soleil pour éclairer les photos ci-dessus.
mercredi, 18 décembre 2013
PREPARATIFS
LE BOEUF ET L'ÂNE, LE DARON, LA DARONNE ET LE DIVIN LARDON, C'EST EN BAS A DROITE
TOUT EST PRÊT ! NOUS ATTENDONS NOËL DE PIED FERME !
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Post-Scriptum : catastrophe ! Je viens d'entendre la chronique de l'abbé Plenel sur France Cul, et vous savez quoi ? La chanson de John Lennon qu'il préfère est Working class hero (vous pouvez cliquer) ! Il m'est pénible d'imaginer que je puisse avoir quelque goût en commun avec ce curé missionnaire en uniforme de journaliste, mais il faut bien que je reconnaisse avec objectivité la justesse et la pertinence de ce choix, même si la chanson semble désuète, voire obsolète dans la société telle qu'elle est devenue (existe-t-il encore une "working class" ?). Elle reste une chanson magnifique. Un chef d'œuvre dans son genre : "A working class hero is something to be". Tant pis pour moi si Plenel, pour une fois, voit les choses de la même façon.
Voilà ce que je dis, moi.
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mardi, 17 décembre 2013
3 BALZAC : LES CHOUANS
Dès le début des Chouans, on est dans une ambiance de guerre : la colonne de Hulot marche vers le sommet de La Pèlerine, emmenant la troupe des conscrits que Fougères devait fournir à la République, et qu’on a eu les pires difficultés à recruter. On est en 1799.
Sur le plan romanesque, je comprends mal le surgissement de Marche-à-Terre sur la route : Balzac aurait voulu mettre la puce à l’oreille de Hulot, il ne s’y serait pas pris autrement. Or, qu’est-ce qu’une embuscade, je vous le demande ? Car c’est sa présence qui incite le chef à la méfiance et à la prudence, et qui permettra aux soldats de ne pas être anéantis. D’accord, ça permet à Balzac de planter ce personnage central, mais bon.
Une scène assez marrante se déroule ensuite : les Chouans attendent plus loin sur la route une voiture (une « turgotine ») pour la piller. Il paraît qu’elle recèle une coquette somme en or. Cette idée de pillage, qui fait horreur au « Gars », gentilhomme chevaleresque, est défendue par Madame du Gua, l’autre figure royaliste du roman : « Mais d’où venez-vous donc, pour croire que vous vous servirez des Chouans sans leur laisser piller par-ci par-là quelques Bleus ? Ne savez-vous pas le proverbe : ʺVoleur comme une chouetteʺ ? Or, qu’est-ce qu’un Chouan ? ». C’est vrai, on dit que « Chouan » est fait sur « chat-huant », mais est-ce bien sûr ?
Or le drôle de l’affaire, c’est que l’or trouvé dans la voiture appartenait à la dite Madame du Gua, et il est trop tard pour elle pour courir après les pillards, qui se sont égaillés dans la nature. On retrouvera beaucoup plus tard un autre personnage pittoresque, qui se cachait comme un vil pleutre tout au fond de la turgotine : monsieur d’Orgemont, de Fougères, dont la maison recèle une particularité tout à fait romanesque, prouvant que la Révolution a honteusement engraissé un certain nombre de gens malins. Il est vrai qu’il manquera alors de se faire griller les pieds par quelques Chouans qui veulent lui faire avouer où il cache sa caverne d’Ali Baba.
Je laisse de côté tout ce qui se passe dans l’auberge où ce petit monde se retrouve (Bleus, divers voyageurs et, dans l’ombre, les Chouans), en notant juste l’art avec lequel Balzac met le lecteur dans l’ambiance de vigilance méfiante et prudente qui habite et guide tous les personnages dans leurs propos : personne ne sait à qui il a à faire, et nul ne peut se fier à quiconque. Je recommande aussi le dialogue de joute amoureuse que l’auteur met dans la bouche du Gars et de Marie.
Je m’attarde juste sur le personnage de Francine, une Bretonne, la dame de compagnie de Marie de Verneuil, l’envoyée de la République en général et de Fouché en particulier. Il se trouve que Francine est la fiancée de Marche-à-Terre, qui se prénomme Pierre. Elle surprend la fin des consignes que Madame du Guâ donne à ce dernier, dont Francine obtient la promesse qu’il épargnera la vie de sa maîtresse, à qui elle doit tout.
Les circonstances feront qu’il tiendra sa promesse mais, si je puis dire, sans l’avoir voulu. Hulot a donc envoyé sa démission au Directoire, pour cause de commandement féminin. Ses deux amis, Gérard et Merle, qui commandent la troupe en son absence, se laissent attirer au domaine de La Vivetière, château de Madame du Gua. Le guet-apens est si évident que le lecteur se demande pourquoi les Bleus se laissent ainsi manger sans réfléchir. Excès d’une confiance curieusement placée.
Car c’est au château que se trouve réunie toute la conspiration royaliste et, pendant que les soldats s’endorment en toute quiétude, les taillis alentour se peuplent d’une faune chouanne armée jusqu’aux dents, et qui n’attend qu’un signal pour passer à l’action. Je passe sur les péripéties. Les deux officiers sont assassinés, comme la soixantaine d’hommes qui ont cru en la parole de gentilhomme du marquis de Montauran, le « Gars ».
Balzac à cette époque est loin d’être légitimiste : excepté Montauran, les royalistes de la rébellion chouanne n’ont aucune dignité, et sont présentés comme de petits comploteurs de bas étage, comme on le verra plus tard lors du bal organisé à Saint-James, où leurs âmes basses s’inquiètent auprès du Gars de ce qu’ils recevront du Roi en retour de leur « dévouement ».
Marie de Verneuil échappe presque par miracle au carnage, et parvient à s’enfuir avec Francine dans une voiture conduite par un postillon terrorisé. On la retrouvera retranchée à Fougères, où Corentin lui a trouvé une maison à louer, et où la garnison a retrouvé son Commandant en la personne de Hulot, dont la démission a été refusée.
J’ai omis de parler de Corentin. Ce n’est pas très grave, parce que le personnage, s’il apparaît très régulièrement, ne joue qu’un petit rôle dans la mécanique du roman. C’est l’espion chargé par Fouché de superviser toute l’opération dont Marie est l’instrument, et de veiller à la mener à bonne fin.
En dehors de sa manigance pour tendre un piège au Gars (une fausse lettre de lui à Marie), le seul intérêt qu’il présente est l’aversion totale à son égard manifestée par Hulot. Le fait que Balzac lui prête l’ambition et l’espoir de convoler un jour avec Marie ne parvient guère à lui donner de la consistance.
Le militaire, à l’esprit direct et droit, et le policier, armé de ruses et de calculs, ne sauraient se comprendre, tant ils voient l’action différemment. Ils se sépareront à la fin sur cette parole de Hulot : « Puisque ta besogne est finie par ici, fiche-moi le camp, et regarde bien la figure du commandant Hulot, pour ne jamais te trouver sur son passage, si tu ne veux pas qu’il fasse de ton ventre le fourreau de son bancal ». Rien de mieux qu’une bonne haine (un bancal est un sabre ; mon Larousse 1903 donne cet exemple, aujourd'hui exotique : "Les gendarmes sont armés de BANCALS").
Car Hulot, en militaire aguerri, n’éprouve point de haine envers l’ennemi qu’il est chargé de combattre. Lorsque le Gars, après son mariage intime avec Marie, échoue à fuir Fougères et gît sur un brancard à côté de Marie qui agonise (elle avait revêtu les habits de son récent mari pour détourner de lui l’attention des soldats, en vain), Hulot lui promet de transmettre son message à son jeune frère, réfugié en Angleterre : « Le marquis put encore remercier par un signe de tête son adversaire, en lui témoignant cette estime que les soldats ont pour de loyaux ennemis ». Ah, la chevalerie !
On comprend, une fois le livre refermé, pourquoi Balzac, concevant l’immense cycle de La Comédie Humaine, a inclus Les Chouans a posteriori dans les « Scènes de la vie militaire », dont il est au demeurant le seul épisode. Certains y voient son premier chef d’œuvre. On peut le dire.
Voilà ce que je dis, moi.
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lundi, 16 décembre 2013
2 BALZAC : LES CHOUANS
Balzac n’aime pas la Bretagne : « La place que la Bretagne occupe au centre [sic] de l’Europe la rend beaucoup plus curieuse à observer que ne l’est le Canada. Entouré de lumières dont la bienfaisante chaleur ne l’atteint pas, ce pays ressemble à un charbon glacé qui resterait obscur et noir au sein d’un brillant foyer. Les efforts tentés par quelques grand esprits pour conquérir à la vie sociale et à la prospérité cette belle partie de la France, si riche de trésors ignorés, tout, même les tentatives du gouvernement, meurt au sein de l’immobilité d’une population vouée aux pratiques d’une immémoriale routine ». On trouve ça dans Les Chouans. On n’est pas plus amène, n’est-ce pas. A méditer à la lueur de l’actualité (bonnets rouges, etc.).
Pourtant, son mépris ne peut s'empêcher de se teinter d'admiration : « Une incroyable férocité, un entêtement brutal, mais aussi la foi du serment ; l’absence complète de nos lois, de nos mœurs, de notre habillement, de nos monnaies nouvelles, de notre langage, mais aussi la simplicité patriarcale et d’héroïques vertus s’accordent à rendre les habitants de ces campagnes plus pauvres de combinaisons intellectuelles que ne le sont les Mohicans et les Peaux-Rouges de l’Amérique septentrionale, mais aussi grands, aussi rusés, aussi durs qu’eux ». On peut comprendre l’ancienne double consigne qui figurait autrefois à l’entrée des écoles bretonnes : « Défense de parler breton et de cracher par terre ».
Ce qui peut surprendre, dans Les Chouans, c’est le mépris que l’auteur manifeste pour ces paysans, de vraies brutes au plafond bas, mal dégrossies. Car dans l’Avant-Propos à la Comédie Humaine, voici ce qu’il déclare : « J’écris à la lueur de deux Vérités éternelles : la Religion, la Monarchie, deux nécessités que les événements contemporains proclament, et vers lesquelles tout écrivain de bon sens doit essayer de ramener notre pays ». Il est vrai que c’est écrit en 1842, alors que le livre date de 1829.
Le plus étonnant, c’est que le roman, déjà à ce moment-là, ne ridiculise pas la religion, bien au contraire : il suffit que l’abbé Gudin paraisse pour que les Chouans se taisent et s’agenouillent, même si Balzac assaisonne le curé de remarques peu aimables à l’égard des curés fanatiques qui se mêlent de politique. A l’opposé, il tresse des louanges à l’humble abbé qui, à la fin, est introduit dans la maison de Marie de Verneuil pour la marier au marquis de Montauran. Lui au moins, sans ostentation, se contente de servir humblement et obscurément Dieu et la religion.
Toujours dans l’Avant-Propos, il ajoute cet argument qui devrait nous pousser à réfléchir, nous qui, aujourd’hui, nous contentons d’exister politiquement les jours d’ouverture des bureaux de vote, et d'être contraints au silence le reste du temps : « Sans être l’ennemi de l’Election, principe excellent pour constituer la loi, je repousse l’Election prise comme unique moyen social, et surtout aussi mal organisée qu’elle l’est aujourd’hui, car elle ne représente pas d’imposantes minorités aux idées, aux intérêts desquelles songerait un gouvernement monarchique ». Je suis bien d’accord avec lui : la peste soit de la dictature majoritaire, qui laisse les mains libres au parti vainqueur d’imposer leurs caprices à des masses qui auront tout oublié des avanies ainsi subies quand on leur demandera de voter à nouveau.
Marche-à-Terre est un très beau personnage, décrit comme aussi redoutable qu’insaisissable. Au début, dans le premier affrontement, il ne lui faut qu’un instant pour se soustraire à la vue des soldats, dont il vient de fracasser le crâne des deux qui le surveillent, avec le manche de son fouet. C’est le personnage qui sert de fil rouge à la partie chouanne du récit, toujours aux aguets, toujours aux premières loges pour casser du républicain. C’est même sur lui que se referme le roman : « … et personne ne lui disait rien quoiqu’il eût tué plus de cent personnes ».
Chez les Bleus, la figure qui domine est celle de Hulot, chef de demi-brigade, vieux militaire respecté par ses hommes, féru de discipline et de manœuvres savantes comme on le verra à la fin. Un homme fier aussi, qui brise son épée quand Marie de Verneuil sort de son corset le papier donnant l’ordre de Fouché à tous les républicains de se mettre aux ordres de sa personne : « Je ne sais pas servir où les belles filles commandent ».
Le féminisme n’était pas encore passé par là.
Voilà ce que je dis, moi.
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dimanche, 15 décembre 2013
1 BALZAC : LES CHOUANS
Il y a des chances que Balzac n’ait éprouvé pour la Bretagne et les Bretons que du mépris. Mais un mépris curieusement teinté d’admiration. Dans Les Chouans, le mépris s’exprime dans la description des mœurs, des habitations et de la pauvreté misérable de la région et de ses habitants, qu’il juge à peine civilisés. Il faut lire la description de la cabane de la Barbette, la femme de Galope-Chopine.
Il écrit ceci : « … et les Chouans sont restés comme un mémorable exemple du danger de remuer les masses peu civilisées d’un pays », et je ne cite pas le pire. Il se moque de leur manie de placer leur fumier au haut bout de leur cour, ce qui a selon lui de fâcheuses conséquences. L’admiration transparaît dans ce que l’auteur dit de l’attitude des chouans dans la bataille.
Mais là encore, il ne peut s’empêcher de voir en ceux-ci des sortes de brigands, dont les motivations sont bassement matérielles, tant ils sont avides de s’emparer de l’or qui passe à portée de leurs mains. Tout ça manque singulièrement de grandeur, et Balzac montre à plaisir, en même temps que leur indéniable courage, la cupidité (et la stupidité de bûche) de ces va-nu-pieds féroces.
En 1829, Balzac n’a pas encore eu l’idée de la future Comédie humaine. C’est après coup qu’il inclut Les Chouans dans son énorme cycle. Pour dire le vrai, ce roman porte un titre tant soit peu trompeur. Je ne l’avais jamais lu. Et pourtant le livre se lit tout seul : pour le coup, c’est un roman d’action, seulement ponctué par quelques instants de contemplation de la nature, et par un fort long, subtil et passionnant duel verbal entre les deux héros.
Le titre est trompeur : il aurait pu tout aussi bien s’intituler Les Blancs et les Bleus, ou encore Une tragédie amoureuse. Les Chouans sont une des composantes principales du roman, mais à peu près à égalité avec les soldats républicains (uniforme bleu) envoyés pour les combattre. L’autre composante essentielle est constituée des deux personnages principaux : Mademoiselle de Verneuil et le marquis de Montauran, surnommé par tout le monde « Le Gars ».
La première est envoyée par Fouché pour faire tomber le second en le prenant dans ses filets au moyen de son talent insurpassable de séduction amoureuse. Le second est envoyé par le roi pour soulever la Bretagne, pendant qu’un autre gentilhomme soulève la Vendée. Les deux sont donc en mission politique, quasiment nationale, sauf que ce n’est pas pour le même pouvoir. Tous deux tendent leurs filets, sauf qu’ils ne sont pas du même genre. Et que tous deux vont être pris dans le filet de l’ennemi, à leur corps défendant, et en perdre la vie.
Car Les Chouans raconte d’abord une histoire d’amour dans une région en guerre civile. C'est l’histoire tragique de deux ennemis amoureux l’un de l’autre, l’histoire de deux dons de la vie de soi à la vie de l’autre, l’histoire de deux sacrifices voulus, désirés, consentis d’un jeune homme et d’une jeune fille prêts à tout donner dès lors qu’ils ont la certitude absolue d’avoir trouvé l’élu de leur cœur, l’unique objet qu’ils attendaient pour se dire qu’à défaut, leur vie ne valait pas la peine, et qu’à ce moment-là, autant la gaspiller.
Les Chouans, c’est une sorte de « remake » étendu à la nation française d’alors de l’immortelle discorde véronaise entre Capulet et Montagu, à la différence que, dans ce combat politique impitoyable, Marie et Le Gars, s’ils ont le coup de foudre chacun de son côté, sont retenus par la méfiance : la Bretagne d’alors est un terrain dangereux, où tout le monde ignore d’où le coup de fusil mortel peut partir.
A cet égard, les moments où Balzac nous fait ressentir les heures d’affres du doute et de la défiance éprouvés par les amoureux sont des chefs d’œuvre où s’expose et se surmonte peu à peu leur résistance à leur désir spontané, immédiat et total de confiance de l’un à l’autre.
Chez les Chouans, les figures les plus travaillées sont au premier chef celle de Marche-à-Terre, et juste derrière lui, celles de Pille-Miche et de Galope-Chopine. Ce dernier se verra la tête coupée par les deux autres au motif que sa femme Barbette a renseigné Mademoiselle de Verneuil, ce qu’ils considèrent comme une trahison. Du coup, d’ailleurs, la Barbette se vengera en trahissant carrément la cause auprès des Bleus.
C’est bien fait pour les Chouans.
Voilà ce que je dis, moi.
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samedi, 14 décembre 2013
FRANçOIS HOLLANDE ORATEUR
Je ne prétends pas apprendre quoi que ce soit à qui que ce soit en soutenant que notre président François Hollande est peut-être très intelligent et bardé de diplômes (Sciences Po, ENA, HEC), mais qu'il souffre d’un véritable handicap : il ne sait pas parler en public. Il est sans doute intellectuellement brillant, mais oralement, il est minable.
Je n’ai jamais déclaré, comme l’a comiquement écrit le journal espagnol El Pais, que la première élection d’Obama pouvait être comparée à « une nouvelle descente du Christ sur Terre », et on peut lui reprocher bien des choses, mais on ne saurait lui dénier un remarquable talent d’orateur. Il sait prononcer à l’occasion (Le Caire, Johannesburg) des discours pleins d’éloquence, pleins de phrases nobles, de périodes brillantes, de formules frappantes. Bon, on me dira que ce ne sont que des discours, et ce n’est pas faux.
Mais il se trouve que, jusqu’à une époque pas si lointaine, la politique en France était le fait d’hommes qui savaient écrire et qui savaient composer des discours mémorables, inspirés qu’ils étaient par les immenses exemples de leur passé historique et de l’antiquité gréco-romaine. Et qui savaient à merveille faire ronfler la rhétorique quand ils s'adressaient au peuple.
Aucun Grec, aucun Romain n’aurait imaginé ou admis qu’un homme manifestant des ambitions publiques ne fût pas, de ce fait même, un orateur. Ceux qui ont sué sang et eau sur des versions tirées des Orateurs attiques (ça vous dirait, un fragment d'Isocrate ou d'Andocide, là, vite fait sur le gaz ?) en savent quelque chose. L'ambitieux Démosthène s'était lui-même, dit-on, guéri d'un défaut de prononciation en se soumettant à des exercices très contraignants.
Les orateurs de la Révolution étaient pétris de grec, de latin, de Lettres classiques, et Jean Jaurès, paraît-il, a soutenu sa thèse de doctorat en latin. Ces gens-là savaient ce que parler veut dire. Peut-être parce qu’ils savaient écrire : ils avaient appris. Mais ils avaient aussi quelque chose : une vision de l’avenir, une volonté (réelle ou feinte, évidemment) d’édifier pour le corps social tout entier un palais plus ou moins rutilant. On dirait aujourd’hui qu’ils avaient un « projet ».
Alors aujourd’hui, demanderez-vous ? Quoi, aujourd’hui ? Que voulez-vous que je dise ? De qui peut-on parler ? Où voyez-vous un projet ? Où voyez-vous un homme d’Etat ? Et même, où voyez-vous un homme politique ? Moi je vois des petits chefs de bande, préoccupés de garder la main sur le troupeau de leur clientèle pour s’en faire réélire la prochaine fois. Je vois des petits chefs de bureau soucieux d’administrer sans trop de heurts le petit espace de leur pré carré, tout en empêchant les bestiaux qui rôdent alentour de venir brouter leur herbe (Barre-toi de mon herbe, dit excellemment un titre de l’excellent F'murr).
Je vois des chefs de service passés au laminoir d’églises à formater les esprits (Sciences-Po, ENA, HEC), qui s’empressent de réciter leurs prières quand ils sont « aux affaires », en espérant qu’elles seront efficaces, même s’ils savent que leurs vœux pieux seront jetés aux orties comme autant de vieilles soutanes quand ils viendront se heurter au mur impassible de la réalité.
D’orateur, je n’en vois point. Ce n’est pas avec Jean-François Copé ou François Fillon qu’on pourrait me contredire. Quant à Jean-Luc Mélenchon, si je suis prêt à admettre qu’il lui arrive d’avoir le sens de la formule qui porte ou qui fait mal (« capitaine de pédalo »), je crois qu’on ne peut pas fonder une véritable éloquence sur la manie du coup de gueule. Et ne parlons pas de la désolante platitude dans laquelle s’exprime le premier sinistre, Jean-Marc Ayrault.
Quant à Nicolas Sarkozy, ce présumé avocat, cet ancien président qui rêve de redevenir calife à la place du calife, dans toutes les subtilités inventées par les orateurs au cours de l'histoire, sa mémoire n'a retenu que le ton péremptoire pour toute ressource. De Gaulle au moins se donnait la peine d'écrire lui-même ses discours, et par-dessus le marché, il les apprenait par cœur. Sarkozy, sauf erreur, n'a jamais fait que lire la prose comique sortie de la plume de son valet Henri Guaino.
Mais après tout, tous ces gens cités savent à l’occasion s’exprimer quand ils sont devant des journalistes ou sur un plateau de télévision. Passons sur le fait que beaucoup se font écrire leurs discours par des nègres quand il s’agit de monter sur une tribune, Président compris. Passés par l’exigeant « Grand O » du concours de sortie, ils sont tout de même rompus aux nécessités de la parole. Certains sont même passés maîtres dans l’art de chantourner la langue de bois.
Dans ce troupeau – mortellement ennuyeux, il faut bien le dire –, une exception fait tache. Un mouton noir dépare la collection de conformistes. J’ai nommé François Hollande. Personne ne peut avoir évité de l’entendre s’exprimer sur les ondes, en des circonstances diverses. C’est le pire des orateurs que la France pouvait souhaiter. C’est bien simple, supposez-le ouvrant la bouche sur l’agora d’Athènes ou devant les sénateurs romains, jamais vous n’aurez vu un discoureur recevoir aussi vite autant de tomates et d’œufs pourris. Un record.
Sa façon de parler ? Imaginez une belle assiette de spaghetti bien longs sur la table d’une trattoria sympathique non loin de la Piazza Navona. Viendrait-il à l’idée de qui que ce soit, dédaignant la cuillère et s’armant du couteau et de la fourchette, de prendre le risque de les couper en petits bouts sous le regard stupéfait et bientôt hostile de la compagnie ?
Eh bien c’est exactement ce détestable cas de figure hypothétique qu’illustre la façon dont notre président s’exprime. Quand il parle en public (pour le privé, je me garderai de dévoiler quoi que ce soit, je suis la discrétion même), ce sont des spaghetti ainsi soigneusement tronçonnés en minuscules copeaux qui sortent de sa bouche. Des segments de quelques syllabes se succèdent, comme de courtes rafales de mitraillette. On peut avantageusement remplacer tout ça par des séries discontinues de « taratata-taratata-taratata ».
En tant que Français, je trouve rageant et humiliant d’être représenté sur la scène internationale par un homme qui parle comme on vend une boîte de petits pois à la vieille madame Michu, qui est gardienne d'immeuble au coin de la rue. Un homme qui a l’éloquence boutiquière. Le moindre camelot qui vend son détergent miracle sur le marché est davantage orateur que François Hollande.
Voilà ce que je dis, moi.
vendredi, 13 décembre 2013
SANS TITRE
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jeudi, 12 décembre 2013
UNE MUSIQUE POUR SPECIALISTES
FRAGMENT DE SEQUENZA III
J’en étais resté à conspuer la littérature et la musique « de laboratoire », dont sont férus tant d’adeptes de la « Modernité ».
Je me demande même si ce n’est pas la « Modernité » en soi qui a fini par me rebuter : j’ai déjà dit ici le mal que je pensais des Sequenze (pour écouter Sequenza III, cliquez ici : 8 minutes de rigolade garanties) de Luciano Berio. Même chose pour ce que les artistes, depuis une quarantaine d’années, se complaisent à appeler – précisément – des « performances » (je sais, je sais, ça vient de l’anglais, ça ne veut pas dire la même chose).
A propos de performance, je me souviens d’un spectacle inénarrable, superbement gratiné dans le genre, vu au Centre d’Art Plastique de Saint Fons, alors dirigé par un véritable apôtre en la matière (J.-C. G), homme terriblement sympathique au demeurant.
Imaginez une baignoire solidement fixée au plafond avec un individu dedans, poussant à intervalles irréguliers de petits glapissements, pendant qu’un liquide jaunâtre goutte par la bonde mal fermée, qu’une comparse va lentement déposer de petits tas de sable aux coins d’un quadrilatère, et qu’un autre, en uniforme de varappeur, fait le tour de la salle sans mettre un pied au sol. Les murs avaient été préparés en vue de l’acrobatie. Si quelqu'un peut m'expliquer ...
La « Modernité », en démocratisant à tout va la création, en autorisant ainsi tous les charlatans à vendre en salade leurs potions vendues comme des panacées, qu’il s’agisse de musique, de peinture ou de littérature, la « Modernité » a inauguré l’ère de l’esbroufe, de l’épate et du n’importe quoi.
Impossible pour un public non initié de faire le départ entre les gens « sérieux » (au nombre desquels, malgré les apparences, je compte Luciano Berio) et ces batteurs d’estrade et autres cabotins. Et je ne parle pas du snobisme qui fournit à la « Modernité » des adeptes qui se piquent de figurer dans toutes les avant-gardes, et qui promeuvent par bêtise ou par calcul les derniers gadgets à la mode qui font fureur dans les salons des « branchés ».
Ce qui fait, résultat des courses, que, d’une part, les compositeurs sérieux et savants se sont retirés bien à l’abri des murs de leurs laboratoires, et d'autre part ont oublié, tout simplement, l’auditeur. Ils ont élaboré, dans leurs cornues et leurs athanors de plus en plus compliqués et tarabiscotés, des univers sonores qui n’étaient plus faits pour provoquer émotions et plaisir chez l’auditeur, mais pour répondre à des programmes quasiment scientifiques.
Que leur musique plaise à quelqu’un semble être devenu le cadet des leurs soucis. Pourvu que leurs œuvres ainsi conçues recueillent l’estime et l’admiration du petit cercle de leurs confrères, ainsi que de quelques privilégiés, voilà leur bonheur « samsufi ». Ce qui compte avant tout, c'est d'être reconnus par leurs pairs.
J’imagine que des auditeurs soucieux de paraître « au courant » n’ont rien de plus pressé que de se sentir flattés qu’on leur propose des œuvres d’accès difficile : peut-être s’enorgueillissent-ils de paraître comprendre ce qui se passe. Après tout, depuis Balzac et même avant, on sait que la vanité aime à se nicher parfois de façon surprenante.
Mais je me dis aussi que lorsque les sons entendus offusquent l’oreille qui les reçoit, lorsqu’ils sont ressentis par elle comme une langue inconnue, voire comme une forme d’agression, il y a peut-être une raison objective à cela. Que se passe-t-il donc dans ces œuvres musicales où l’auditeur se sent intimement tenu au collet et menacé par plus imposant que lui ? Qu’est-ce qui les différencie d’œuvres plus « classiques » (certains diront plus « conventionnelles ») au niveau de la réception ? Cette question m’intrigue et me turlupine (de cheval) depuis longtemps.
La réponse n’est pas évidente. Les adeptes de la Modernité pointeront son aspect éminemment « culturel » (c'est comme entre sexe et genre, la plaisanterie bien connue). Je veux dire qu’ils traiteront de préjugés et de stéréotypes les « attachements excessifs » aux musiques (aux « codes ») héritées du passé. Ils accuseront peut-être les industries de diffusion et de reproduction musicale (radio, disque, …) de distribuer dans les oreilles ces codes d’un conformisme épouvantable.
Mais je finis par me demander s’il n’y a pas dans beaucoup de « musiques contemporaines » (disons expérimentales, dissonantes, violentes, …) une attitude d’INTIMIDATION chez des artistes qui ne cherchent plus principalement à plaire à quelqu’un, mais qui se considèrent davantage comme des spécialistes, maîtres d’une technique qui échappe à celui qui écoute.
Des musiques qui se situent plus haut que leurs auditeurs. Devant lesquelles ils sont contraints de se montrer humbles, pour ne pas dire humiliés, l’artiste se présentant comme CELUI QUI SAIT. Celui qui sait domine celui qui ne sait pas. Il y a dans ce fonctionnement une « histoire de pouvoir » (rien à voir avec les fariboles racontées autrefois par le « sorcier » Carlos Castaneda). Juste une histoire de pouvoir. Quasiment politique.
Non que les musiques plus classiques ne fussent parfois diaboliquement savantes (je pense à certaines des Variations Diabelli de Beethoven). Et techniquement, elles étaient largement hors de portée du vulgum pecus. Mais les compositeurs se souciaient de la réception de leurs œuvres. Ils écrivaient leur musique pour quelqu’un. Ils pensaient à quelqu’un quand ils écrivaient leur musique. Ils étaient déçus, voire mortifiés, quand l’accueil du public, lors du concert inaugural, ne consacrait pas une réussite. Témoin Bizet, quand il vit siffler sa Carmen. Il est mort peu de temps après, sans avoir le temps d'assister au triomphe, aujourd'hui planétaire, de son opéra.
Le dodécaphoniste, ce révolutionnaire de laboratoire, se fout éperdument de la façon dont son œuvre sera reçue. Son idée, c’est de composer une œuvre satisfaisante pour son esprit. Il ressemble en cela au mathématicien devant son tableau noir, qui se réjouit d’avoir trouvé une belle formule bien géniale.
Mais à la différence du mathématicien, qui se contente de proposer sa trouvaille aux autres mathématiciens, à travers des revues très spécialisées, voire confidentielles, le dodécaphoniste met son œuvre sur la place publique et somme brutalement les foules de manifester de l'enthousiasme, c'est-à-dire d’apprécier et de comprendre la grandeur et la complexité de son travail.
L'insondable bêtise prétentieuse de cette attitude saute aux yeux : il n'a jamais été prévu par Einstein que sa théorie de la relativité (restreinte ou générale) fût comprise par d'autres que le petit nombre de ses pairs. Il y a une espèce de terrorisme culturel à envisager pour la musique dodécaphonique une diffusion aussi large que pour la quarantième de Mozart. On ne peut faire entrer des foules dans un laboratoire. C'est une musique faite par des spécialistes pour des spécialistes, n'en déplaise à Pierre Boulez, Karlheinz Stockhausen, Jean-Pierre Derrien et Florent Boffard.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans MUSIQUE | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : musique, musique sérielle, musique dodécaphonique, arnold schönberg, luciano berio, sequenza iii, modernité, art performance, jean-pierre derrien, france musique, karlheinz stockhausen, florent boffard
mercredi, 11 décembre 2013
UNE MUSIQUE POUR SPECIALISTES
MUSIQUE POUR LABORATOIRE
Malgré un siècle de diffusion, la musique sérielle rebute toujours le public ordinaire. Comment se fait-ce ? Que se proposent Jean-Pierre Derrien et Florent Boffard sur l’antenne de France Musique le vendredi matin ? Ni plus ni moins que d’éduquer le peuple jusqu’à ce qu’il n'en puisse plus de résister à tant d'insistance et de sollicitude, et qu'enfin, il consente à aimer le système dodécaphonique inventé au début du 20ème siècle par Arnold Schönberg.
Mais je me dis que, si en un siècle on n’y est pas arrivé, c’est qu’il y a quelque chose de plus que la surdité ou le conservatisme du public qui est en cause. Peut-être y a-t-il quelque chose de rédhibitoire dans la musique inventée elle-même. Une limite infranchissable aux oreilles ordinaires et normales. Un noyau dur inassimilable. J'y reviendrai un de ces jours.
« Musique contemporaine » donc ? Je me demande si cette étiquette ne sert pas à marquer une frontière : celle du rapport entretenu par chacun à la modernité. A la droite de Jean-Pierre Derrien (voir plus haut) siégeront tous les justes, tous les promis au salut accordé aux héros qui « vivent avec leur temps ». A l’oreille de ceux-là, je me permettrai juste de susurrer ce mot de Cromwell : « Ceux qui épousent leur époque prennent le risque d’être souvent veufs ».
A la gauche de Florent Boffard, tous les racornis cramponnés à de vieilles lunes comme sont la mélodie, la consonance ou la sensation de plaisir et d’émotion auditifs, promis aux poubelles de l’Histoire qu’il a adroitement placées sous leurs pas. Ceux-là, je me promets de les encourager à rester sourds aux sirènes de la « modernité », et de ne pas sectionner les quelques racines que le 20ème siècle n’a pas réussi à couper avec les temps anciens.
Ces attardés de la préhistoire égarés dans la modernité ressemblent à l’antique caricature des cancres, ceux qui se blottissent au fond de la classe, tout contre le radiateur. Comme le disait un comique des années 1950 – Jacques Bodoin (on peut le voir sur Youtube) – : « C’est là qu’ils s’épanouissent ».
Ceux-là ont garni leurs oreilles du même épais bouchon de cire que les marins d’Ulysse avaient mis à l’approche du rocher des Sirènes. Ceux-là, je le dis aux dévoués Derrien et Boffard, sont définitivement perdus pour la science, hermétiques à toute musique expérimentale, à toute innovation en art. Soyons net, voire péremptoire : hostiles à tout progrès.
Bon, peut-être. Mais pas complètement sûr. Peut-être douteux. Pour vous dire combien je me suis endurci dans mon épaisseur de bouseux béotien resté les pieds enfoncés dans sa glèbe natale, il m’arrive même d’imaginer que l’hypothèse est complètement fausse, même si ça doit contrarier Jean-Pierre Derrien et Florent Boffard.
Et si, après tout, c’étaient les réticents qui avaient raison ? Et si, au contraire des décrets de la « doxa », il était complètement stupide de parler de « Progrès » en musique ? Et s'il y avait quelque imposture à vouer un culte à la déesse « Innovation », quand il s'agit des arts, et de faire d'elle l'arbitre départageant l' « obsolète » et le « vivant » ? Qu’est-ce qui pousse Jean-Pierre Derrien à se prosterner aux pieds de la statue « révolutionnaire » d’Arnold Schönberg ? Je demande qu’au moins on examine ces questions.
Je me demande en effet s’il ne s’est pas passé dans la musique la même chose que dans la peinture et la littérature. Finalement, qu’est-ce que c’est, l’abstraction en peinture ? J’y vois pour ma part deux aspects. D’abord – j’en ai parlé –, c’est la disparition du visage de l’homme et du monde des représentations picturales, l’effacement de la figure humaine, et son remplacement par l’exploitation de toutes les possibilités expressives des moyens techniques à la disposition des peintres.
Ensuite, c’est l’irruption dans le domaine des arts de l’esprit de système, des grandes théories et doctrines. N’est-il pas révélateur qu’un livre considéré comme l’un des trois chefs d’œuvres littéraires du 20ème siècle soit Ulysse, cet ouvrage improbable où le romancier s’est lancé le défi de placer, outre une foule de contraintes langagières, successivement TOUTES les figures de style. Les spécialistes en ont dénombré une petite centaine. L'Ou.Li.Po. de Queneau et Le Lionnais n'est pas loin.
J’ai lu Ulysse en 2009, moi qui ne suis pas spécialiste, et non seulement je n’ai pas cherché à faire cet inventaire, mais je n’ai pas honte d’avouer que ce livre m’a intéressé, sans toutefois me subjuguer. Le côté « performance sportive » attaché aux œuvres proclamées « chefs d’œuvre de la Modernité » me laisse froid. Mais peut-être l'ai-je lu trop tard. J'aurais dû le faire quand la Modernité me laissait encore pantois d'enthousiasme, et ne m'avait pas encore laissé voir son cœur desséché et momifié.
L’expérience de laboratoire, en littérature comme en musique, c’est d'abord fatigant.
Voilà ce que je dis, moi.
09:01 Publié dans MUSIQUE | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : art, musique, musique contemporaine, dodécaphonisme, musique sérielle, jean-pierre derrien, florent boffard, france musique, arnold schönberg, oulipo, raymond queneau, le lionnais, james joyce, ulysse, modernité
mardi, 10 décembre 2013
SANS TITRE
LAMPION D'UNE AUTRE SORTE
09:00 Publié dans PAS PHOTOGRAPHE MAIS | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 09 décembre 2013
ILLUMINATIONS OU FÊTE DES LUMIERES ?
Le jour du 8 décembre à Lyon, je ne sais rien de la ridicule « Fête des Lumières », improbable célébration spectaculaire-marchande, païenne et maçonnique. En revanche, je sais tout des « ILLUMINATIONS ». Gérard Collomb le franc-maçon a décidé d'éradiquer la tradition lyonnaise pour faire de la ville un centre d'attraction touristique, capable d'avaler les monumentaux cars touristiques venus de Belgique, de Suisse et d'Allemagne. C'est répugnant. Il faut voir la colonne de gogos patienter devant le portail du petit jardin au bout de ma rue pour admirer des LED disposés dans la végétation alors que se font entendre les chants de petits zoziaux sortis d'une machine. Je ne veux rien savoir des autres machines à éblouir ailleurs en ville, devant lesquelles s'agglutinent à s'étouffer d'autres foules de gogos, venus parfois de très loin. Rendez-moi ma ville, monsieur Collomb. Rendez-moi les ILLUMINATIONS.
VOUS POUVEZ COMPTER : 51 VERRES, 51 LUMIGNONS. IL FAUT LES IMAGINER SUR LES REBORDS DE FENÊTRES.
LES PLUS BEAUX VERRES (ET LES PLUS VRAIS) SONT LES CANNELÉS, QUE PLUS PERSONNE NE FABRIQUE. REGARDEZ CETTE ETOILE. ELLE EST PAS BELLE, MON ETOILE ?
Pour mon compte, je me contente de disposer sur les rebords de mes fenêtres les verres garnis de lumignons.
09:00 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : lyon, huit décembre, illuminations, fête des lumières, païens
dimanche, 08 décembre 2013
UNE MUSIQUE POUR SPECIALISTES
UNE MUSIQUE INTERDITE AU PUBLIC
J’ai évoqué récemment le compositeur Arnold Schönberg. L’actualité France Musicienne m’amène à y revenir. C’est dit : la plupart des mélomanes d’aujourd’hui sont des imbéciles et/ou des réactionnaires. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le délicat, ironique et précieux Jean-Pierre Derrien, lors de son émission musicale du vendredi matin.
Pour être tout à fait juste, j’ajoute qu’il n’a pas dit ça. L'homme est trop poli et courtois pour ça. Mais c’est ce que j’ai déduit de la façon dont il a présenté la figure d’Arnold Schönberg : à quelques minutes de distance, après avoir insisté sur le caractère « révolutionnaire » de l’homme, il a dit successivement : « La figure aimée d’Arnold Schönberg », puis : « Arnold Schönberg le mal-aimé ». Petite contradiction en apparence.
En fait, on voit bien que dans un premier temps il déclare sa flamme au compositeur, puis qu’ensuite, il regrette que le public ne se précipite pas en masse aux auditions du Pierrot lunaire et aux représentations de Moses und Aron. On apprend que son invité Florent Boffard, pianiste tout à fait estimable, a publié un CD regroupant les œuvres pour piano, auquel est adjoint un DVD où il se met en tête de dévoiler à l’éventuel auditeur les tenants et les aboutissants de la musique du Viennois, disant que lorsqu’il prend soin d’expliquer les ressorts de cette musique, elle est bien mieux accueillie par les auditeurs.
Et c’est précisément ce point qui retient mon attention. Car je me dis que, quand même, Arnold Schönberg est né en 1874, qu’il est mort en 1951, et qu’il a inventé son système (je dis bien « système ») dodécaphonique au tournant des 19ème et 20ème siècles. Je veux dire que ça fait plus d’un siècle que ce système a été mis au point, et que ça a quelque chose d’extraordinaire. Oui, j’ai bien dit « extraordinaire ».
Ben oui quoi, n’est-ce pas authentiquement extraordinaire que cent ans après son invention, la musique ainsi produite ait encore besoin d’être expliquée au bon peuple, assez benêt pour s’obstiner à ne pas saisir les beautés qu’elle recèle ? Qu’il faille faire œuvre de pédagogie pour le faire changer son hostilité en amour ?
Que les programmateurs de concerts obligent le public à en avaler une dose judicieusement placée entre deux œuvres plus conventionnelles, en espérant qu’il s’habituera ? Que le dit public persiste dans sa répugnance à reconnaître son caractère révolutionnaire ? Cent ans d’une inébranlable résistance de masse aux inventions des compositeurs adeptes du sérialisme, cela devrait leur poser question, à Jean-Pierre Derrien et Florent Boffard, non ? Normalement.
Non, Derrien et Boffard ne se posent pas la question. Il ne leur vient pas à l’esprit de se demander pourquoi la « musique contemporaine » a tant de mal à se faire admettre dans l’univers culturel à égalité avec des programmes plus « conventionnels ». Parce que c’est aussi bizarre, je trouve, que l’on soit encore conduit à apposer l’étiquette « musique contemporaine » sur les productions des compositeurs vivants. A croire que c’est fait pour servir d’appât pour les uns et de repoussoir pour les autres.
Toujours est-il que cent ans après, la musique sérielle n’est toujours pas entrée dans les mœurs, malgré les efforts de damnés produits par ses thuriféraires (Berg, Webern : franchement, vous avez déjà écouté avec un vrai plaisir sensoriel la musique de ce dernier ?) et ses disciples intégristes (Boulez, Stockhausen) pour contraindre les oreilles humaines à se soumettre à leurs diktats.
VOILÀ, C'EST ÇA, LA MUSIQUE SERIELLE (ECOUTEZ).
(désolé, après vérification, la vidéo s'annonce non disponible)
VOUS POUVEZ VERIFIER : IL Y A BIEN LES DOUZE NOTES DE LA GAMME.
Un siècle de résistance passive de la population normale, ça devrait vous inciter à réfléchir, messieurs Derrien et Boffard. Et je n’ai pas parlé de la « musique concrète » de Pierre Schaeffer, de Désert ou d’Amérique d’Edgar Varèse et autres fantaisies électro-acoustiques (François Bayle, Bernard Parmegiani – qui vient de casser sa pipe –, Guy Reibel, Denis Dufour, …).
Aussi longtemps que nul n’aura plaisir à fredonner Stimmung sous sa douche ou dans sa voiture (c’est de Stockhausen), il faudra se résoudre à admettre l’évidence : les oreilles normales n’en veulent pas, un point c’est tout.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : arts, musique contemporaine, france musique, jean-pierre derrien, florent boffard, pierre schaeffer, edgar varèse, kerlheinz stockhausen, françois bayle, bernard parmegiani, guy reibel, denis dufour, pierre boulez, arnold schönberg, alban berg, anton von webern, pierrot lunaire, moses und aron
samedi, 07 décembre 2013
UN CAS D'ARROGANCE SOCIALE
La police de la pensée produit nécessairement la police de la parole. Le mot d’ordre ? « Il faut punir. » Ce ne sont pas les infractions à la « bonne pensée » ou à la « bonne parole » qui manquent. Tous ceux qui veillent à faire advenir le « meilleur des mondes », tous ceux qui rêvent d’un « Big Brother », d’un « Grand Frère » pour traquer les fautifs, tous vous le diront. Qui sont-ils, ces « purs » ? Tous ceux qui croient qu’on peut, et donc qu’on doit créer « l’homme nouveau », tous ceux qui veulent éliminer le Mal de la surface de la Terre.
Mais qu’est-ce que c’est, le Mal ? Ah, alors là, ça dépend. Prenez la prostitution. Il paraît que c’est très mal de se prostituer. Du moins le dit-on. Personnellement je n’en sais rien. Les avis divergent, c’est le moins qu’on puisse dire. Certains se dressent sur leurs ergots (de seigle ?) au motif que la traite des humains est un scandale révoltant. Ils ont bien raison. D’autres soutiennent que c’est un métier comme les autres, et qu’on n’a pas le droit d’empêcher ceux et celles qui le pratiquent volontairement de le faire. Ils ont bien raison.
C'EST GRÂCE À L'ERGOT DE SEIGLE QU'ON PEUT PRODUIRE L'ACIDE D-LYSERGIQUE, ALIAS L.S.D.
J’ai dernièrement entendu Françoise Sivignon (médecin, vice-présidente de Médecins du Monde) et Catherine Deschamps (sociologue, anthropologue) déclarer qu’avant de faire voter une loi punissant les clients, les députés auraient pu (donc dû) demander aux putes, maquées ou non, ce qu’elles en pensent. Elles ont bien raison. Et c’est bien le problème : comme souvent dans un débat, tout le monde a raison. Tout dépend juste du point de vue auquel on se place.
Alors, victimes ou pas victimes ? C’est clair pour les filles de l’Est de l’Europe, prises par des réseaux criminels, des mafias qui appliquent au commerce de la chair les règles du capitalisme le plus débridé : « investissement minimum, rentabilité maximum », au besoin en usant de la force. Réprimer un commerce aussi répugnant est légitime. Celles-ci sont bien des victimes.
Mais demandez à cette étudiante timide interviewée dans Le Monde du 6 décembre ce qu’elle en pense. Pour vendre à qui en veut ses services sexuels, elle n’a demandé l’autorisation de personne. Elle qui ne suce pas, au motif qu’elle a besoin pour ça d’être amoureuse, elle veut juste améliorer l’ordinaire. Une fois par mois en général. A 300 euros l’heure de sexe. « Ça met du beurre dans les épinards », comme elle dit elle-même. Dans ce débat, elle ne porte pas de drapeau « pour » ou d’étendard « contre ». Elle fait la pute, c’est tout, plus ou moins poussée par la nécessité. Enfin, la nécessité … Peut-être après tout y trouve-t-elle autre chose ? Elle se fait appeler Laura.
Face à ce dilemme (réprimer le crime sans porter atteinte à la liberté individuelle), ce qui m’étonne par-dessus tout, c’est qu’il se trouve des responsables politiques pour agiter le Code Pénal au-dessus du client pour éliminer le problème du paysage. Du moins le croient-ils. J’ai du mal à penser qu’ils se disent qu’ils vont débarrasser l’humanité de toutes les pensées lubriques et de tous les délires sexuels qui y sévissent depuis des milliers d’années.
Je n’arrive pas à croire que des gens apparemment sains d’esprit puissent sérieusement se considérer comme des chevaliers blancs en lutte contre « le Mal ». J’aurais plutôt tendance à rapprocher leur fantasme de l’hystérie d’un George W. Bush, partant en « croisade » contre « l’Axe du Mal ». Comme le chante Bob Dylan : « With guns in their hands And God on their side ».
Je n’arrive pas à m’expliquer ce que le grand Philippe Muray appelait « l’envie de punir » (Freud parlait de « l’envie de pénis » des petites filles). Qu’on puisse jouir de punir, je sais que c’est possible : j’ai des lectures. Cela n’empêche pas que ça me reste inexplicable. Ici, le recours à la pénalisation du client me semble singulièrement absurde.
Car ce faisant, le politique avoue son impuissance : impossible de faire disparaître le marché du sexe. Et puisqu’il renonce à punir la prostituée (bien sûr, elle est une victime), sans renoncer à punir le proxénétisme, il attaque le client. Pour résumer : la vente est autorisée, mais l’achat est interdit. Pour s’amuser, on peut imaginer ce que ça donnerait, un supermarché qui mettrait l’équation en pratique. C’est ce qu’on appelle une « injonction paradoxale » (du genre « soyez libres ! » ou « Indignez-vous ! »). A la rigueur un « double bind » (en anglais) ou « double impératif contradictoire » (en français).
Non, le plus insupportable dans cette affaire, c’est le recours policier à l’argument moral. Quel invraisemblable curé sommeille en madame Najat Vallaud-Belkacem ? Enfin, quand je dis « curé », c’est peut-être « flic » qu’il faudrait dire. Et ce qui me fait assez peur, dans la société qui vient, c’est de voir se lever des foules de curés sans religion et de flics sans uniformes, qui prennent sous leur bonnet de régenter la vie des autres. Régenter la vie des autres ! A-t-on idée !
Tous ces flics et curés d’un nouveau genre s’arrogent le droit de faire régner leur ordre répressif sur la collectivité tout entière. Et qu’ils ne se drapent pas dans la « noblesse » de leurs motivations. A force de resserrer le nœud de la loi autour du cou des désirs individuels, même et surtout mauvais, ils dessinent une société calquée sur l’ordre militaire. Ce ne sera plus une population. Ce sera un régiment.
Et en plus, ça n'empêchera jamais le Mal, inhérent à l'humain, de sévir.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bob dylan, robert zimmerman, george w. bush, police de la pensée, police de la parole, big brother, société policière, ergot de seigle, lsd, prostitution, pute, code pénal, françoise sivignon, médecins du monde, catherine deschamps, chambre des députés, capitalisme, journal le monde, philippe muray, sigmund freud, najat vallaud-belkacem, société
vendredi, 06 décembre 2013
SANS TITRE
QU'EST-CE QUE LA LUMIÈRE ?
QU'EST-CE QUE LA LUMIÈRE ?
QU'EST-CE QUE LA LUMIÈRE ?
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jeudi, 05 décembre 2013
LIBERATION DE LA PAROLE
Quatre recettes de cuisine infaillibles (vous ne pouvez les rater).
Recette n°1.
Mettez dans une première marmite parlementaire une belle loi consacrant le mariage entre personnes de même sexe. Mettez dans une seconde marmite populaire la voix majoritaire du peuple. Fermez-la hermétiquement avec un bon couvercle de surdité démocratique. Laissez mijoter à l’étouffée. Quand cette marmite populaire explose, appelez cette explosion « libération de la parole homophobe ».
Recette n°2.
Prenez une femme. Mettez-la dans un grand voile noir ne laissant voir que les yeux. Pour bien faire, cachez ses mains sous des gants également noirs. Faites-la se promener dans les rues librement. Quand la marmite populaire explose, appelez cette explosion « libération de la parole islamophobe ».
Recette n°3.
Prenez une ministre d’origine guyanaise. Demandez-lui de pratiquer avec éclat et constance la provocation et le coup de force dans la marmite parlementaire. Au moment où l’on entend, venant des tribunes, des cris de singe et où les spectateurs envoient des bananes sur la pelouse, appelez cette explosion « libération de la parole raciste ».
VOILÀ COMMENT ON SE REPRESENTAIT LES "NÈGRES" EN 1874
Recette n°4.
Prenez un référendum de 2005, qui a vu une majorité se prononcer pour le rejet d’un traité constitutionnel européen. Une fois élu président, asseyez-vous carrément sur ce rejet et faites adopter un clone du traité par les « représentants » du peuple. Etonnez-vous alors de la « libération de la parole europhobe ».
Expérimentez crânement ces quelques recettes. Si, comme on le voit dans la réalité, vous observez la montée de la méfiance et de la haine entre « communautés », dites-vous que vous pouvez être fier de vous.
Voilà ce que je dis, moi.
09:22 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE, UNE EPOQUE FORMIDABLE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : démocratie, chambre des députés, médias, mariage homosexuel, homophobie, islam, niqab, islamisme, burka, christiane taubira, racisme, guyane, politique, nicolas sarkozy, françois hollande, parti socialiste
mercredi, 04 décembre 2013
SANS TITRE
LAISSER FAIRE LE REGARD
LAISSER FAIRE LE TEMPS
LAISSER FAIRE L'APPAREIL
09:00 Publié dans PAS PHOTOGRAPHE MAIS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie
mardi, 03 décembre 2013
LEONARD ET VICTOR
BON, D'ACCORD, LES DESSINS DE LEONARD DE VINCI, QUI N'ETAIENT QUE DE SIMPLES GRIFFONNAGES, ONT ETE RETRAVAILLÉS PAR DES GRAVEURS QUI N'ONT RIEN FAIT POUR NE PAS LES EMBELLIR. LES AUTRES GRIFFONNAGES SONT DE VICTOR HUGO.
09:00 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : leonard de vinci, victor hugo, littérature, art, artiste
lundi, 02 décembre 2013
LA CROIX-ROUSSE ET SES TROIS OUILLES
UNE VUE PANORAMIQUE DE LA CROIX-ROUSSE (3541 mètres au-dessus du niveau de la mer), SOUS UN ANGLE INATTENDU.
A NOTER QU'A PROPOS DE OUILLES, ON NE S'Y CONTENTE PAS D'UNE PAIRE.
C'EST D'AILLEURS COMME ÇA DANS LES ONZE MILLE VERGES DU POETE APOLLINAIRE.
ON TROUVE CE PETIT POEME D'UNE DELICATESSE QUASI-MYSTIQUE A LA PAGE 120
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MAIS JE GALÈJE, JE DIS QUE DES GANDOISES ET DES GOGNANDISES. LA SEULE, LA VRAIE CROIX-ROUSSE, JE VEUX DIRE LA PLACE DE LA CROIX-ROUSSE, LA VOICI, TELLE QU'EN SOI-MÊME ENFIN L'ETERNITÉ LA CHANGE.
(VUE DU "SAINT-BERNARD")
AVEC L'INEVITABLE ET TERRIBLEMENT BIEN PLACEE TERRASSE DE LA BRASSERIE DES ECOLES, OÙ J'EUS L'INSIGNE PRIVILEGE D'ASSISTER A LA CONCEPTION ET PRESQUE LA NAISSANCE DE L'IMMORTEL CHEF D'OEUVRE DE L'ENIGMATIQUE ET INGENIEUX R. D. PARPIN, LA MAIN VENGERESSE (EDITIONS LE MANUSCRIT, 2005).
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dimanche, 01 décembre 2013
SANS TITRE
C'EST COMME POUR LES CHANTEUSES DE JAZZ : J'ADMIRE EVIDEMMENT ELLA FITZGERALD ET SARAH VAUGHAN, QUI FONT CE QU'ELLES VEULENT DE LEUR VOIX, DE LEUR BOUCHE, DE LEUR LANGUE ET DES MELODIES, MAIS JE PREFERE PAR-DESSUS TOUT BESSIE SMITH ET BILLIE HOLIDAY, DONT LA VOIX LAISSE ENTREVOIR EN TRANSPARENCE LES BLESSURES DE LEUR HISTOIRE.
ELLES NE REGNENT PAS, ELLES EXISTENT. LEUR PERSONNE EST PRESENTE DANS LEUR VOIX. ELLES NE SE CONTENTENT PAS D'ÊTRE DE PARFAITS INSTRUMENTS DE MUSIQUE.
POUR LES MURS, C'EST PAREIL : UN MUR TOUT NEUF, BIEN LISSE OU FRAÎCHEMENT REPEINT N'A RIEN A DIRE. UN MUR CABOSSÉ ET TRAVAILLÉ PAR LE TEMPS INVITE A SE FAIRE ARCHEOLOGUE.
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samedi, 30 novembre 2013
SANS TITRE
FINALEMENT, EST-CE QUE L'ART CONTEMPORAIN, AU MOINS DANS CERTAINS COURANTS, N'A PAS CHERCHÉ A REPRODUIRE LA RÉALITÉ, MAIS TELLE QU'ON LA VOIT QUAND ON LA REGARDE DE TRÈS PRÈS, VOIRE AU MICROSCOPE ????
CE SERAIT RIGOLO, NON, DE CONSIDÉRER LES ADEPTES DE L'ART NON FIGURATIF (NUAGISME, ABSTRACTION LYRIQUE, ETC.) COMME LES NOUVEAUX REALISTES ????
TOUS LES COURANTS DE LA PEINTURE ABSTRAITE NE POURRAIENT-ILS PAS ÊTRE VUS DE CETTE FAÇON ????
SI JE NE ME TROMPE PAS, CES ARTISTES SE SONT CONTENTÉS DE REPRODUIRE CE QU'ILS VOYAIENT.
ETONNANT, NON ?
AU FOND, IL Y A PEUT-ËTRE EN MOI UN PEINTRE ABSTRAIT QUI SOMMEILLE ????
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vendredi, 29 novembre 2013
SANS TITRE
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jeudi, 28 novembre 2013
POUR REFERMER HENRI BOSCO
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Est-ce que la lecture de la presque totalité des livres de Henri Bosco m’a donné une idée de la raison pour laquelle il reste un auteur peu lu ? Enfin, je dis « peu lu », mais au fond je n’en sais rien. Je peux dire que lorsque je pose la question autour de moi, on me cite presque obligatoirement L’Enfant et la rivière, parfois Le Mas Théotime ou Le Renard dans l’île, plus rarement Malicroix, et jamais Un Rameau de la nuit. Je ne parle même pas de Barboche et Le Sanglier.
C’est cette relative ignorance qui me fait penser que, si on ne peut pas dire que Bosco est un écrivain oublié (en comparaison, pourriez-vous citer un titre, par exemple, d’Eugène Dabit ? Et ceux qui ont vu le film Hôtel du Nord savent-ils que le titre est de lui ?), son œuvre est tombée dans une relative obscurité. A mon avis, cela s’explique.
D’abord parce qu’aucun de ses livres ne m’a fait l’effet produit par certains romans de cet autre écrivain « provençal » : Jean Giono. Je ne sais pas vous, mais moi, L’Iris de Suse ou Un Roi sans divertissement, chaque fois que je les lis, j’ai l’impression d’être mis en présence de chefs d’œuvre incontestables. Le souffle et le flux de l’inspiration m’emportent, et me laissent après coup dans une sorte d’hébétude. Rien de tout ça chez Bosco.
Je me demande si ce n’est pas le côté « obsessionnel » de l’œuvre de Bosco qui en est responsable. L’obsession de l’ombre, de la nuit, de la lumière de la lampe, si faible qu’on croit toujours qu’elle va s’éteindre. L’obsession du songe, qui tend à empiéter sur la réalité, jusqu’à parfois s’y substituer. L’obsession maladive présente dans le narrateur, très souvent forcé de garder la chambre et d’attendre que soit finie sa longue convalescence.
L’obsession encore de son attente vigilante mais passive, jusqu’à ce que l’action s’impose à lui. L’obsession aussi de l’interrogation sur soi-même : quand je dis « je », qui parle ? Avec un corollaire inattendu : la compartimentation intérieure de la personne, qui prend toujours soin de distinguer entre ses songes et sa pensée, sa pensée et son esprit, son esprit et son âme.
Et cet autre corollaire : le thème du double. Je sais, je sais, savons-nous qui et combien nous sommes, etc. ? Mais ça finit par tourner en rond. C’est sûr que je connais peu d’écrivains qui soient allés aussi loin dans l’exploration de l’intériorité, qui se soient à ce point demandé quel est cet autre que soi qui habite en nous, cette présence mystérieuse et insaisissable qui fait que notre être nous échappe quand nous croyons le tenir. Il reste que, au moins pour moi, les choses tournent souvent au coupage de cheveux.
Il n’est pas difficile de faire l’inventaire des thèmes chers à Henri Bosco, tant il se contente d’un petit nombre, et qui finissent par constituer son univers à lui. Je trouve d’ailleurs ça très fort : élaborer un univers unique, identifiable, qui lui appartient en propre, tous les écrivains n’en sont pas capables.
Et le caractère « obsessionnel » de ses thèmes favoris montre qu’il s’y est fidèlement tenu, si l’on excepte quelques brillants péchés de jeunesse (Pierre Lampédouze, Irénée) : s’il avait gardé leur côté virtuose, il y a fort à parier que l’œuvre aurait très vite cessé de rayonner. C’est comme le carburant : plus tu roules vite, plus vite le réservoir se vide.
Le monde élaboré par Bosco est, je trouve, remarquablement homogène. Explorer l’intériorité de l’homme explique et justifie l’omniprésence du caractère parfois excessivement nocturne de ses livres. L’obscurité infinie de l’intérieur va de pair avec l’infini de la nuit, du ciel étoilé, de l’infini des constellations.
Combien de fois suis-je tombé sur des passages où l’auteur note l’heure du lever de la lune, de l’apparition de telle constellation à l’horizon ? Ce ciel nocturne, quand il n’est pas bouché sous un couvercle de nuages, Bosco prend soin de préciser qu’il se déplace : comme le soleil et la lune, les étoiles se lèvent et se couchent.
Un monde littéraire d’une grande richesse, d'une grande profondeur humaine, mais il faut bien avouer, d’une âpre austérité. Cette œuvre d’accès difficile, il faut vraiment vouloir y entrer. Et je dis ça après en avoir fait le tour.
C'est peut-être là la raison de sa relative relégation.
Voilà ce que je dis, moi.
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mercredi, 27 novembre 2013
PHOTOGRAPHIE
L'ATELIER DE VANNERIE
VU A LA CHAISE-DIEU, HAUTE-LOIRE
L'ATELIER DE COUTURE
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mardi, 26 novembre 2013
POUR REFERMER HENRI BOSCO
Parmi les œuvres mettant en scène le milieu familial et topographique dans lequel a baigné Bosco enfant, j’extrais avant tous les autres Barboche (qui apparaît une deuxième fois dans la liste « Du même auteur », sous le titre Le Chien Barboche, alors que, curieusement, les autres livres parus en collection « jeunesse » ne sont crédités qu’une fois), à cause de la véritable émotion qui émane du personnage de Tante Martine, partie sur le chemin de sa jeunesse, pour en revoir une dernière fois le paysage chéri.
Elle le retrouvera en effet, mais totalement en ruine. Ce n’est pas pour rien que Martine Gloriot se présentera, à la fin, sous le nom d’Agathe Franchon au paysan qui a reconnu la vieille dame. Ce dédoublement du personnage s’était déjà produit dans le village de Pierrouré, où la petite Pinceminou rencontrée par Pascalet n’est autre que Tante Martine enfant. Enfin, c'est comme ça que j'ai compris. Beaucoup d’art dans ce petit livre pour se mettre au service de l’émotion et, pourquoi pas, d’une réflexion sur le vieil âge et le temps qui passe.
Ce que j’aime encore chez Bosco, ce ne sont pas à proprement parler des livres particuliers, mais quelques personnages bien campés, comme Bargabot le braconnier, Béranger le berger natif de Sivergues, Gatzo le jeune bohémien en rupture de ban, l’ami de Pascalet, qui apparaissent dans plusieurs aventures, au gré des circonstances. Citons évidemment L’Enfant et la rivière et Le Renard dans l’île, mais aussi Antonin.
Quant au personnage d’Hyacinthe, cette fille enlevée à sa famille (les Gloriot de La Saturnine à Pierrouré) par un vieux sorcier qui effraie et domine une tribu de Caraques, tribu toujours mystérieuse, dont on parle, à mots couverts, comme d’une menace permanente, j’ai du mal.
Cette histoire d’âme dont Hyacinthe a été vidée, et que le vieux a enfermée dans un arbre, je trouve ça intéressant, mais je n’arrive pas à y entrer. Et pourquoi cette insistance à l’évoquer de livre en livre ? J’avoue que je ne saisis pas bien, parce que tout ça ressemble à du mystère extrêmement fabriqué, et pour tout dire artificiel. Trop étrange pour entrer naturellement dans la narration de faits, et pas assez pour faire du fantastique le moteur du livre. Ce serait, si l’on veut, du fantastique non assumé.
C’est d’ailleurs le problème que j’ai avec des livres comme L’Antiquaire ou Le Récif, deux romans accordant au fantastique une part non négligeable. J’entre bien plus facilement dans le fantastique à la E.T.A. Hoffmann (Princesse Brambilla) ou à la Gustav Meyrink (Le Golem, La Nuit de Walpurgis) où, je ne sais pas comment, la frontière entre le réel et l’imaginaire apparaît beaucoup plus poreuse. Autant après avoir refermé leurs livres, j’ai eu besoin d’un moment de « décompression » pour reprendre pied dans mon décor habituel, autant Le Récif et L’Antiquaire m’ont épargné cet effort, du fait que je n’y suis pas entré.
Chez Bosco en effet, j’ai l’impression que le réel reste le réel, de même pour l’imaginaire, comme si les deux substances, comme l’eau et l’huile, avaient du mal à se mélanger. Pour réussir du fantastique, il faut que le romancier travaille à le rendre vraisemblable. Je peux me tromper, mais il me semble que chez Bosco, le résultat est moins efficace, et par conséquent, assez raté. Je le dis comme je le pense. Le seul livre où j’ai trouvé réussi le mariage entre la dimension fantastique et la réalité prosaïque est le très beau Un Rameau de la nuit.
Voilà ce que je dis, moi.
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