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mercredi, 01 janvier 2014

IRRECUPERABLE REISER

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I

BONNE ANNEE

Au moment où la « BÊTE » policière qui veille à ce que pas une oreille ne dépasse sur l’immense esplanade où elle rêve de ranger l’humanité en files impeccables pour la faire défiler au pas de la dinde sur un rythme réglé par les flics de la pensée, les commissaires de la parole et, désormais, les argousins du comportement, s’apprête à abattre son énorme patte immonde et griffue sur celui qui a popularisé un geste plutôt marrant appelé « la quenelle », prétendument antisémite, il est hygiénique et régénérateur de jeter un regard sur des contrées lointaines, où pensée, parole et comportement échappaient encore pour quelque temps à l’emprise des contempteurs et septembriseurs (je pense au André Breton le septembriseur de Pierre de Massot) de la liberté.

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II

MEILLEURS VOEUX

Je sais, la phrase ci-dessus est un peu longue, mais c’est juste pour montrer ce que je sais faire (la proposition principale commence à « il est hygiénique », mais qui se souvient de ce qui porta le noble nom d’ « analyse logique » ?). Et puis je pouvais faire ce petit effort en l'honneur de Reiser, non ?

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ON TROUVE CES QUATRE VIGNETTES DANS UN ENSEMBLE INTITULÉ "A L'AMERICAINE".

LES INTERLOCUTEURS DU PROFESSEUR CHORON, RECONNAISSABLE A SA CALVITIE ET A SON FUME-CIGARETTES, SONT CAVANNA ET REISER EN PERSONNE. 

III

ET LA SANTÉ, SURTOUT !

Je me demande parfois, comme beaucoup, quels sketches Coluche ou Desproges auraient inventés si la mort ne nous avait pas privés de l’acéré de leurs regards et du mordant de leur phrases. La seule différence entre eux et Reiser, c’est que ce dernier dessinait. A vrai dire, il ne faisait pas que dessiner. Les traits qu’il traçait sur la feuille étaient au service de son regard et de ses phrases.

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ON CROIRAIT QUE REISER S'EST ICI INSPIRÉ DE CHAVAL (VOUS SAVEZ : "DANSEUSE MIMANT LA MORT DU CYGNE DEVANT DES CANARDS")

IV

Comment il voyait l’humanité, je ne peux pas dire exactement, ne l’ayant pas connu. Ce que je sais, c’est qu’il était très fort pour débusquer et mettre sur le devant de la scène ce que les gens qu’il regardait voilaient derrière des discours, des idées, des idéologies, de façon inconsciente ou calculée. Les arrière-pensées, les non-dits, les demi-vérités. Il en faisait de petits pétards qui éclataient au nez.

Regardez par exemple ce qu’il fait dire au Professeur Choron (ill. III). Chaque fois ou presque, une bonne leçon de non-conformisme, mais du vrai de vrai, cette fois.

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V

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LAQUELLE EST UNE "FEMME MODERNE" ?

VI

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VII

AVEC MES MEILLEURS VOEUX LES PLUS SINCERES POUR 2014 (On ne sait jamais : ça peut marcher)

mardi, 31 décembre 2013

IRRECUPERABLE REISER

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FINALEMENT, AVEC LE RECUL, ÇA PEUT AVOIR UN CÔTÉ RIGOLO, DE REGARDER L'ANNEE 1981 DE CE POINT DE VUE

Hara Kiri, Cavanna et le Professeur Choron ont donc accueilli Reiser dans l’équipe. Il s’y est senti au chaud, comme dit Delfeil de Ton (l’alias de monsieur Henri Roussel, qui m'avait fait découvrir le disque génial des Last Poets, écoutez voir « Under the shadow of the gun ») dans sa préface à L’Année des handicapés (1981), il s’y est senti bien. DDT raconte comment a tristement fini l'équipe de la géniale revue « bête et méchante », dont la publicité disait : « Si vous ne l'achetez pas, volez-le ! », et qui montrait en photo des femmes nues, sur les seins opulents desquelles dégoulinaient, par exemple, des cascades de spaghetti bolognaise.

C'était le temps de l'optimisme, une époque où certains pouvaient se bercer de l'illusion de croire que, en s'y prenant de cette façon (rigolade et dérision), on pouvait contrer, et pourquoi pas annihiler, la puissance moralement et humainement anesthésiante de la publicité. Il faut bien reconnaître que cet espoir s'est écrasé contre le mur, mou comme un édredon, de cette virtualité qui a promu dans la réalité l'objet marchand, mais seulement après l'avoir revêtu de ce qui lui manquait, à savoir une « valeur affective ».

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Mais DDT (on est alors en 1999) raconte aussi que Choron, « catastrophique administrateur », a fait tout ce qu’il fallait pour couler régulièrement et avec ténacité les publications dont il était « directeur ».

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J’avais d’ailleurs lu quelque part que, s’il était « directeur », c’est qu’il avait déposé à son nom les marques des revues, à commencer par Hara Kiri, dans une sorte de confiscation légale.

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La bande que je mets ici aujourd’hui a été publiée dans le deuxième et dernier numéro du quotidien avorté aussitôt que né Charlie Matin, et accompagne la préface de DDT au volume cité au début. Un drôle d'aperçu sur une sorte d'ambiance de fin de règne, où tout part en eau de boudin en même temps. C'est pathétique.

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Reiser déplore la « gabegie » (c’est le terme de DDT) due aux aberrations professeurchoronesques. Mais il saisit aussi cette occasion pour régler quelques petits comptes avec ses amis de l’équipe Hara Kiri. Bien sûr, Choron est la cible principale, mais il égratigne aussi au passage, plus ou moins amicalement, le doyen Cavanna, Sylvie Caster, Cabu et Wolinski. DDT ajoute que tous l’ont en général bien pris. Pour accepter aussi facilement l'injure, ils devaient tous être bien bourrés, c'est ce que je me dis.

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Qui a dit : « Seigneur, protégez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m’en charge ! ». Montherlant le disait autrement : « Vivent mes ennemis ! Eux du moins ne peuvent pas me trahir ». C’est dans Le Maître de Santiago.

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Wolinski, un juif communiste et antisémite qui aime l'argent : on en apprend de belles. Mais la Lune aussi avait sa face cachée. Tout le monde, et peut-être heureusement, ne s'appelle pas Vladimir Illich Oulianov, alias Lénine, dont une des faces cachées a craché une masse de balles réelles sur les soviets des marins de Cronstadt (en 1921), qui avaient eu le malheur de prendre ses discours au pied de la lettre, et voulaient les appliquer dans la réalité. Mal leur en a pris.

 

Ainsi finit une belle aventure de la liberté d'expression.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

lundi, 30 décembre 2013

IRRECUPERABLE REISER

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Tiens, toujours à propos de Reiser, je suis tombé sur cette histoire à hurler de rire (ou de rage, au choix). Elle date de 1977. Je ne savais pas (ou j’avais oublié) que Mikis Théodorakis avait mis de la musique sur des paroles de monsieur Herbert Pagani. Tout ça a fait un schmilblick improbable, un machin surréaliste : l'hymne du Parti Socialiste. Farpaitement !! Même qu'on peut cliquer pour en avoir la preuve. A se taper le derrière par terre.

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Remarquez que le Grec de Zorba, ici du moins, ne s’est pas foulé le poignet pour écrire : le début du refrain reprend texto celui de La Varsovienne (« Prendre la parole et décider nous-mêmes » pour répondre à « Mais le genre humain courbé sous la honte … Ô frères aux armes … ») qui, elle au moins, bien que d’inspiration communiste, avait une tout autre gueule.

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L’hymne du Parti « Saucialiste » (je dirais bien « soupialiste », tant on les voit tous se précipiter à la soupe) date de 1977. Comme on peut l’entendre en allant voir le clip sur l’internet (« Changeons la vie ici et maintenant », pour ceux qui ont connu ça et qui ont, hélas et pire, cru en ça), il faut un effort gargantuesque d’imagination pour établir quelque rapport que ce soit entre les insipides paroles de Pagani et la pratique du pouvoir par les « saucialistes » actuels.

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Et encore, ces paroles n’ont pas grand-chose à voir avec La Jeune garde, entonnée par le personnage de Reiser. Mais Reiser était un anar de la plus belle eau : j’aime bien le titre qu’il donne à sa planche : « Racaille cultivée », qui exprime bien l’immense veulerie intéressée et l’hypocrite lâcheté de toute cette faune « saucialiste ».

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Remarquez que de l’autre côté de l’échiquier politique, l’UMP, Copé, Fillon, Sarkozy ont une façon tout aussi particulière de fabriquer et d’entretenir la machine à faire vomir. Je ne parle pas des marginaux de droite et de gauche, ni de ceux qui sont en voie d’extinction (Mélenchon, …), ni de ceux qui ambitionnent de monter sur la plus haute marche du podium national (madame Le Pen et ceux qui grenouillent autour). Ils y feraient quoi, sinon la même chose en pire ? On est dans de sales draps.

 

D’ailleurs, c’est comme ça que je comprends la fin de l’histoire de Reiser. Manger un cheese burger en écoutant un « bon vieux rock des familles », sauf erreur, ça veut dire qu’il n’y en a pas un pour racheter l’autre. Et qu'à tout prendre, il vaut infiniment mieux se rabattre sur la petite planète sur laquelle ce qu'on fait a quelque chance d'être efficace. 

 

Et je suis bien d'accord. De toute façon, y a-t-il un seul « Juste » à Sodome ?

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

PS : Aux dernières nouvelles, au sujet de Dieudonné et de sa "quenelle", selon un de ces pondeurs d'éditoriaux qui prennent soin de ramer dans le sens du courant principal (« mainstream »), l'antisémitisme n'est pas une opinion, parce que c'est un délit. Magnifique exemple de déni de réalité.

 

C'est bien connu, dans notre belle république, il ne saurait y avoir de délit d'opinion, parce qu'il suffit de voter une loi pour faire disparaître l'opinion et pour fabriquer un délit. Chacun sait que l'opinion cesse d'exister au même moment, juste parce que la loi l'a ordonné. Comme il connaît le cœur des hommes, celui qui rédige une telle loi !!! Les gens, impressionnés et obéissants, vont sûrement cesser de penser ce qu'ils pensent.

 

Corollaire : bonne nouvelle, il n'y a plus d'antisémites en France, puisqu'il n'y a plus que des délinquants. Imparable, le raisonnement. 

 

Le prestidigitateur fait disparaître le lapin du problème dans le chapeau de ses craintes. Des formules verbales pour faire disparaître la réalité, cela s'appelle un fantasme de toute-puissance. Un avatar de la pensée magique, quoi. L'incantation triomphe.

 

Le sorcier législatif, armé de son gourdin judiciaire, ordonne au monde de se plier à sa volonté. Avec le succès que l'on pressent déjà aux prochaines échéances électorales. Nos responsables politiques et tous les roquets et toute la meute des « bonnes âmes » sont bien à plaindre. Peut-être que, se disant qu'ils ne servent à rien, ils voudraient voir le monde leur obéir séance tenante et se pétrifier sous leurs yeux ?

 

 

dimanche, 29 décembre 2013

IRRECUPERABLE REISER

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J’ai entendu récemment monsieur Jean-Marc Parisis parler du dessinateur Reiser, auquel il a consacré en 1995 un ouvrage biographique. Je ne l'ai pas lu, mais sur le principe, j'y vois un travail salutaire, car Reiser est quelqu’un de bien oublié, alors que tout son travail pourrait servir de leçon (en forme de volée de bois vert) à tous les caricaturistes et dessinateurs de presse d’aujourd’hui, dont j’excepte cependant Cabu, Willem et quelques autres. Ceux du Charlie Hebdo qu'on connaît aujourd'hui, en comparaison, la jouent « petits bras », quand ce n'est pas carrément « bras cassé ». 

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Quand je pense à Reiser, le pauvre dessin que Plantu inflige au lecteur en première page du Monde m’apparaît d’autant plus misérable. Mais j’imagine bien que si Plantu s’inspirait tant soit peu de Reiser, il se ferait séance tenante virer du « journal de référence ».

 

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Pour une raison très simple : Reiser est l’archétype même du dessinateur libre. La caractéristique principale de cette liberté, s’agissant de Reiser, c’est la férocité. Au 19ème siècle, on aurait dit que l’artiste « porte le fer dans la plaie ». Quant à Jean-Marc Parisis, je me rappelle avoir lu, il y a fort longtemps, La Mélancolie des fast foods (1987). Je me souviens d’un roman nerveux, rapide et non dénué de violence. L’intérêt manifesté par l’auteur pour Reiser n’est donc pas incohérent.

 

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Les deux « pères » de Reiser dans le métier furent Georges Bernier, alias Professeur Choron, l’inénarrable, l’indécrottable, l’insupportable et toujours imbibé Professeur Choron. Pour dire que la première maison qui abrita le dessinateur s’appelait Hara Kiri, « journal bête et méchant ». Il faut s’en féliciter : c’était en quelque sorte un habitat naturel pour lui.

 

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Dans les années 1990, Delfeil de Ton eut l’idée formidable de réunir tous les dessins que Reiser avait faits pour la presse, à commencer par Charlie Hebdo, qui n’avaient pas fait l’objet d’une publication en albums. Résultat : neuf volumes, publiés de 1994 à 2001 aux éditions Albin Michel.

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J’ai essayé ici de donner une petite idée de la liberté que prenait Reiser avec tous les « groupes », toutes les « minorités » qui font régner aujourd’hui la terreur parmi les adeptes de la liberté d’expression.

 

S’il n’était pas mort à temps pour ne pas voir le nouvel ordre moral et punitif, et la gravissime gravité d'une bienpensance tartufière, conformiste et cérémonieuse s’abattre sur le pauvre monde comme la dalle de granit se referme sur le caveau fraîchement creusé, on pourrait sans doute dire à présent : « Reiser ? Combien de condamnations ? ».

 

Qu’il s’agisse des femmes (qu'il adorait), des nègres, des pédés, des parents, des gouvernants, des écologistes, des curés, des vieux, des handicapés (= les tabous d'aujourd'hui = autant de motifs de correctionnelle) tout le monde en prenait joyeusement pour son grade. Et pour le dessin d'actualité, Reiser, il se posait un peu là.

 

C'était l'époque de Coluche, de Desproges, ... et de Reiser.

 

Heureux temps.

 

Voilà ce que je dis, moi. 

 

jeudi, 14 juin 2012

LE DROIT DE VOTE AUX LEGUMES !

Résumé : alors on ne sait plus si un livre qualifié de "roman" est un roman, mais on ne sait plus non plus si l'homme, c’est du petit homme ou du grand singe. 

 

Comme je suis revenu sur la question animale, et comme j'ai l'esprit de justice,  je m’en voudrais de ne pas revenir sur la question végétale. Car il faut savoir que la question végétale se pose. Tiens, pas plus tard que le 31 mai, c’est Madame Carolyn Christov-Bakargiev qui l’a soulevée, dans une interview vibrante. Il faut dire que la dame n’est pas n’importe qui : c’est elle qui dirige la célèbre exposition « Documenta » de Kassel, le fin du fin en matière d’art contemporain. Je vous jure, voilà une magnifique (et double) illustration (quasiment une caricature) pour ma « thèse » sur la porosité !

 

Et il faut dire aussi qu’en matière de sérieux pondéré, de rationalité éclairée et de « bon sens près de chez vous », les artistes contemporains en connaissent un sacré rayon, c’est un très vieil ami, presque un spécialiste des Beaux arts et des Laids arts qui vous le dit. 

 

Qu’est-ce qu’elle dit donc, Madame Carolyn Christov-Bakargiev ? D’abord, elle dénonce l’anthropocentrisme, c'est bien le moins. Jusque-là, rien d’épastrouillant (comme dit Marcel Proust en personne, j'ai les preuves), beaucoup de gens l’on précédée dans cette voie. Mais enfin, c’est déjà ça, elle milite pour rabattre le caquet de l’homme, cette espèce puante de prétention. Elle ne s’arrête cependant pas en si bon chemin. 

 

Voici ce qu’elle déclare à la Süddeutsche Zeitung, accrochez-vous aux poignées et aux barres : « La question n’est pas de savoir si nous devons accorder le droit de vote aux chiens ou aux fraises, mais comment une fraise peut faire part de son intention politique ». Vous avez bien lu : l'intention politique de la fraise. Non, non, qu’allez-vous penser ? Il paraît qu’elle était à jeun, et qu’elle est en général considérée, sinon comme parfaitement saine d’esprit, du moins comme inoffensive.

 

 

Elle ne veut pas seulement « protéger » animaux et plantes, elle réclame très haut et très fort leur pleine émancipation en tant que citoyens à part entière, en comparant leur situation à celle des femmes d’avant le droit de vote : « Pourquoi les chiens doivent-ils pouvoir voter comme les femmes ? – Pourquoi pas ? Le monde appartient-il moins aux chiens qu’aux femmes ? ». L’argumentation semble très travaillée, vous en conviendrez. On a bien compris qu'il s'agit d'élever le boeuf, l'âne et la tomate au rang de citoyens.

 

 

Et ce n’est pas fini : « Il n’y a aucune différence fondamentale entre les femmes et les chiens, ni entre les hommes et les chiens. Il n’y en a pas non plus entre les chiens et les atomes qui constituent mon bracelet. Je pense que tout a sa culture. La production culturelle d’un plant de tomate est la tomate ». J'adore, moi aussi, en général, la production culturelle des plants de tomate. Car la distance n’est pas grande de la Culture à l’agriculture, chère madame. Tout le monde a relevé l’expression « aucune différence », n'est-ce pas.

 

 

Attendez, le meilleur est à venir, car c'est dans le domaine de l’art que Madame Carolyn Christov-Bakargiev fait le moins de différence (évidemment) entre l’art humain et des produits créés par les animaux. On comprend aussitôt pourquoi c'est elle qui a été nommée directrice de la « Documenta » de Kassel : « Construire une ruche a aussi un sens supérieur ». Gilbert Bécaud chanterait aujourd'hui : « L'important, c'est la ruche l'important, c'est la ruche l'important, c'est la ruche, crois-moi » (message à transmettre aux adeptes « socialistes » de la rose.

 

 

Notez bien que j'admire aussi grandement les abeilles, depuis que j'ai accompagné le bossu et charmant Monsieur Guigon pour prélever les cadres de deux ou trois ruches blotties dans la Garenne, et que je l'ai vu manier la centrifugeuse pour extraire le miel, après la désoperculation. Mais l'idée que les abeilles sont des artistes ne m'aurait pas effleuré si la dame machin n'avait pas parlé à la Süddeutsche Zeitung.

 

 

Je signale en passant qu'on trouve, dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Animal (Unesco, 1978), une phrase qui m'a plongé dans des abîmes de réflexion : « Le massacre des animaux sauvages, la pollution et la destruction des biotopes sont des génocides » (article 8). Vous avez bien lu : génocides. Ça, c'est pour ceux qui douteraient encore de la toute-puissance des forces de la porosité. Mais qu'est-ce qu'elle attend, Carolyn Christov-Bakargiev, pour interpeller la Cour Pénale Internationale ?

 

 

Question du journaliste : « N’y aurait-il rien de spécifique à l’art humain ? – Rien. Rien ou tout [alors là, franchement, il faudrait savoir !]. Vous dites qu’il y a un lien entre une peinture rupestre et un Mondrian parce que vous venez de l’histoire de l’art et non de la physique quantique. Mais quand vous regardez pourquoi les hommes des cavernes peignaient [ah, elle est donc au courant, elle en sait donc beaucoup plus qu'André Leroi-Gourhan, l'immense patriarche de la paléontologie moderne, qui avouait ne pas très bien savoir], cela ne se différencie pas fondamentalement de la raison pour laquelle l’araignée tisse sa toile ». Mais comment donc !

 

 

Voilà le travail, messieurs-dames ! Vous avez repéré que ce qui m’intéresse ici, c’est « ne se différencie pas ». La prochaine Déclaration à l'ONU proclamera fièrement : « Tous les hommes, tous les chiens, toutes les tomates naissent libres et égaux en droits ». Voici venir la grande équivalence de tout dans tout. Je reconnais que c’est plus facile en présence d’un cas aussi aigu d’extrémisme poreux, de fanatisme du perméable. Et cette dame exerce des responsabilités, heureusement non politiques. Vous imaginez l’Allemagne avec elle, en lieu et place de Merkel ? C’est sûr que ça serait plus croustillant et folklorique.

 

 

Détail qui ne manquera pas d'intéresser nombre des lecteurs de ce blog, j'imagine que la dame dont je viens de parler appartient à un mouvement, bien implanté, apparemment, en Allemagne, et basé en France dans la belle ville d'Orléans : le Véganisme. Non seulement ils sont végétaLiens (sic), mais ils dénoncent tous les usages que les humains font des animaux (vêtements, etc.).

 

 

Attention, ça ne rigole pas, chez les « vegans » (ça veut sans doute dire veg-étal + an-imal) : il ne faut pas confondre végétaRien et végétaLien. Ce dernier s'interdit, en plus des oeufs et du lait, le miel (tiens, on parlait pas des ruches, tout à l'heure ?). Oui, le miel. Vous savez, le miel, cette substance vaguement répugnante produite par des pauvres petites bêtes qui volent et qui vont dans les fleurs se charger les pattes d'excréments sexuels (sont on ignore le plus souvent « l'orientation »).

 

Pour résumer et conclure cette série de billets consacrée à la subversion constante de l’ordre établi par la société du NOUVEAU, et à la porosité de tout par rapport à tout, je récapitule les exemples proposés : porosité du temps (habits du dimanche, lolitas), porosité de l’espace (gadgets numériques procurant un semblant d’ubiquité), porosité du sexe (l’un est l’autre), porosité de la patrie (les frontières), porosité des droits (homme, enfant, animal, plantes), porosité du roman (en est-ce un, oui ou non ?), porosité des barrières d’espèces (homme / animal, homme / plantes) et, pour finir, porosité de l’Art (est-ce de l’art ou de la réalité, du lard ou du cochon, de la chèvre ou du chou ?). Pour parler franchement, je trouve que ce n’est déjà pas mal, comme faisceau de présomptions, comme on dit chez le juge d’instruction.

 

Bon, c’est vrai, j’ai opté pour la porosité. J’aurais pu prendre l’idée de hiérarchie des valeurs, chère à Alain Finkielkraut, de son abolition, du nivellement de tout, du relativisme généralisé, mais elle n’était pas libre, elle était invitée partout, à droite et à gauche, et n’avait plus aucune place pour moi dans son agenda. J’ai bien été obligé de me rabattre sur une image moins rebattue. Après tout, ce qui est vertical dans la hiérarchie est horizontal dans la porosité. Ce qui finit par revenir au même. Enfin, à mon idée. 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

Cette fois, c'est la fin du feuilleton. So long, pals ! Et portez-vous bien. Et soyez forts.

jeudi, 24 mai 2012

LA GUERRE DES DESSINS

Cela fait une éternité que le journal Le Monde s’est converti à la publicité, à la photographie et au dessin de presse. Une éternité qu’il s’est mis à publier les cours de la bourse. Une éternité qu’il a cédé à la pipolisation, imitant en cela la dernière page de Libération, en publiant des portraits curieusement neutres et alléchants de personnalités plus ou moins fêtées dans les médias.  

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Une éternité que Le Monde s’est adapté à la modernité, je veux dire à la « nécessité » d’aérer de toutes les manières possibles des contenus d’une sévère austérité, d’une densité fatigante, et pour tout dire capables de flanquer des indigestions carabinées. Une éternité qu’il propose pour remédier à ces défauts des articles allégés de toute matière grasse.

 

 

Bref : le « journal de référence » a suivi le cours des choses pour s’adapter à un public de « jeunes cadres dynamiques », d’une allègre modernité, et qui, pour cette raison, consacrent trop de temps à leur jogging, à leur(s) maîtresse(s), à leur ordinateurs pour en perdre à vouloir s’informer en allant trop au fond des choses. On ne sait jamais : peut-être que ça colle aux doigts.

 

 

De son côté, le journal Libération n’est pas resté inactif, et a su accompagner souplement l’évolution des mœurs. Cela fait en effet une éternité que, sous la houlette inspirée, quoiqu’énergique, de SERGE JULY (le journaliste devenu patron qui, à ce titre, fut considéré comme acheté, avant d’être « à jeter »), il a abandonné la Révolution à son triste sort.

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Une éternité qu’il a délaissé la futilité de ses célèbres « petites annonces » pour s’intéresser à son tour aux personnes dignes d’intérêt, c’est-à-dire celles qui portent l’étiquette « vu à la télé ». Une éternité qu’il a jeté dehors l’extraordinaire, génial et décoiffant  supplément Un regard moderne où le collectif Bazooka portait le visuel à ébullition. Adieu CHRISTIAN CHAPIRON (Kiki Picasso), JEAN-LOUIS DUPRÉ (Loulou Picasso) et OLIVIA CLAVEL (Electric Clito).

 

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 ET ÇA REMONTE A 1978 !

 

Je ne sais pas si c’est le mot « ébullition » qui s’impose, parce que je pourrais aussi bien parler d’explosion, de dynamitage, mais on me reprocherait l’outrance. Au sujet de Bazooka, il ne saurait y avoir d’outrance, puisqu’aucune ne serait en mesure d’égaler la leur, à l’époque.

 

 

Si je peux donner mon avis, je pense que Bazooka, en son temps, a fait basculer l’univers graphique dans l’infini émiettement de la marchandise, du fait du triomphe de la consommation comme mode de vie. Pour ce qui est du graphique, je dirai que personne mieux que Bazooka Production n’a compris (ou reflété, ce serait peut-être plus juste) le sens de l’époque qui s’ouvrait (avec à la clé récupération des détournements situationnistes).

 

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Bref, ça fait une éternité que Libération s’est converti à la social-démocratie « responsable », que la social-démocratie « responsable » s’est convertie à l’économie de marché, et que l’économie de marché s’est convertie à l’intégrisme libéral et à la lutte de tous contre tous (THOMAS HOBBES, Léviathan). Rassurons-nous : la destruction du monde par l’économie est en cours.

 

 

Tout ça pour en venir à quoi, vous demandez-vous peut-être ? A ceci : en dehors du fait que la presse française n’a cessé de décliner et de perdre des forces et du caractère, les deux journaux cités ci-dessus cultivent une tradition : le dessin de presse. Et c’est là que leurs chemins se séparent. Au Monde, le dessinateur s’appelle PLANTU (son vrai nom est JEAN PLANTUREUX, si, si, je vous assure). A Libération, il s’appelle WILLEM (BERNARD WILLEM HOLTROP).

 

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DESSINS PARUS LE 21 MAI 

 

La différence entre les dessinateurs reflète exactement la différence entre les journaux. Pendant que PLANTU adopte la couleur conformiste de la feuille qui le rémunère, et se prend pour un nouveau DAUMIER (y compris pour la sculpture) et pour le porte-drapeau internationaliste de la liberté de la presse (« cartooning for peace », créé en 2006) et de l’humanisme journalistique, avec bonnes intentions et certificat de belle âme, le rigolard WILLEM, plus individu, donc infiniment préférable, promène son regard et son ricanement vaguement désenchanté dans toutes sortes d’endroits plus ou moins mal famés, couchant sur le papier les vachardises plus ou moins prononcées de son ironie plus ou moins féroce.

 

 

Une autre différence entre les deux dessinateurs est que, dans Le Monde, il est publié en « une », alors que dans Libération, il faut le chercher en pages intérieures. Mais la grande différence est dans la teneur elle-même des dessins. PLANTU est effroyablement gentil. Bon sang, que ses dessins sont sages. C’est énervant à force d’être sympa. Je me demande si cette gentillesse est propre à l’individu, ou si c’est la « ligne » du journal qui commande.

 

 

Sans doute un peu les deux, mon général : Le Monde n’aurait jamais demandé, par exemple, à CABU un dessin de « une ». CABU, c’est tout juste bon pour un hebdomadaire satirique paraissant le mercredi ou pour Charlie Hebdo.  CABU est trop méchant pour travailler au Monde. Regardez comme il arrange SARKOZY (et BERNADETTE CHIRAC au passage).

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COMME DIT LINO VENTURA : C'EST DU BRUTAL !

(et très bien vu, je trouve)

 

 

Cette gentillesse de PLANTU fait en général son dessin lisse et mou : il manque des piquants, bon sang de bonsoir ! Et puis, cette petite souris qu’il ajoute à tous ses dessins, est-ce qu’il ne l’a pas tout simplement piquée à GOTLIB ? Bon, c’est vrai, chez GOTLIB, ce n’est pas une souris, mais une coccinelle, mais elle a une véritable existence, elle devient un vrai personnage, qui vit des aventures. La souris de PLANTU ne sert à rien. Clin d’œil, si vous voulez, mais sans signification.

 

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 Tiens, regardez un peu ce que PLANTU et WILLEM dessinent le 7 mai, lendemain du 6 (vous vous rappelez ? Ah bon, moi, j’ai déjà oublié). Si vous voulez mon avis, PLANTU joue les « chambres d’écho » pour les événements, alors que WILLEM est davantage dans le commentaire politique. Le dessin de WILLEM est en actif ce que celui de PLANTU est en passif.

 

 

 

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Voilà ce que je dis, moi.

 

 

P. S. : j'aime beaucoup aussi ce portrait de NICOLAS SARKOZY :

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 BEAU PORTRAIT CUBISTE, ET TRES RESSEMBLANT