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dimanche, 30 avril 2017

ARCHE, etc.

Au tympan du portail principal.

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L'Arche de Noé de la cathédrale de Strasbourg.

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L'ange arrive juste au moment où Abraham s'apprête à sacrifier son fils Isaac. A droite, le bélier substitué.

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La crucifixion de Saint Pierre.

lundi, 29 octobre 2012

MA PETITE HISTOIRE DE LA CURIOSITE (3)

Pensée du jour : « Si toutefois nous consentons à en référer simplement au fait visible, à l'expérience de tous les âges et à la Gazette des Tribunaux, nous verrons que la nature n'enseigne rien, ou presque rien, c'est-à-dire qu'elle contraint l'homme à dormir, à boire à manger, et à se garantir, tant bien que mal, contre les hostilités de l'atmosphère. C'est elle aussi qui pousse l'homme à tuer son semblable, à le manger, à le séquestrer, à le torturer ; car sitôt que nous sortons de l'ordre des nécessités et des besoins pour entrer dans celui du luxe et des plaisirs, nous voyons que la nature ne peut conseiller que le crime ».

 

CHARLES BAUDELAIRE

 

 

Résumé : l’homme a renoncé au rôle confortable et sûr de caniche de Dieu nourri-logé-blanchi comme un coq-en-pâte dans son paradis terrestre, à l'oeil et aux frais de la princesse, pour affronter l’angoisse et les incertitudes procurées par la liberté. Bien lui en a pris : sans perdre tout de son animalité primordiale, il a été promu créateur de son propre monde.

 

 

L’homme actuel ? Les anthropologues, au carbone 14, le datent d’environ 100.000 ans avant nous (marge d’erreur de quelques milliers d’années quand même). C’est en effet de là que date la première TOMBE. La première fois que l’homme, au décès de son semblable, l’enfouit sous un peu de terre. La première fois que l’homme, aux yeux de son semblable, apparaît comme une personne.

 

 

Ce qui rend possible la première tombe, appelons ça la conscience de soi (et conscience de l’autre). Comment c’est venu ? Personne n’en sait rien. Sans doute un ensemble : le pouce opposable aux autres doigts (habileté manuelle), la descente du larynx (langage articulé), l’accroissement du cerveau vers l’arrière (accès à la pensée abstraite), la station debout (alias bipédie), une histoire d’angle occipital, etc.

 

 

Notons en passant que la station debout propulse l’appareil génital du mâle sur le devant du corps, et qu’au contraire, elle fait disparaître au regard celui de la femelle, qui change dès lors de statut. Et que, dans l’un et l’autre cas, elle situe le sexe dans la partie basse du corps, la tête constituant le sommet de celui-ci. Toujours est-il que l’évolution a donné à l’homme l’autorisation de façonner le monde dans lequel il vit. Je veux dire : les moyens de l’inventer.

 

 

Bon, on ne va pas rabâcher l’accélération du mouvement, depuis le feu (autour de – 400.000, mais c’est controversé) jusqu’aux Romains ; le passage du nomadisme à la sédentarité ; d’une économie de prédation (chasse, cueillette) à une économie de subsistance (agriculture, élevage = réserves de nourriture). Mais ce qui est étonnant, c’est que l’invention humaine semble s’être arrêtée : au 18ème siècle, les gens ne vivaient pas très différemment de l’antiquité romaine. En particulier, la vitesse est restée celle de l’homme (à pied ou à cheval). Impossible d’aller plus vite. Impossible de faire plus que la simple force humaine

 

 

Certes, il y eut des inventions : l’éolipyle d’HERON D’ALEXANDRIE (sans lendemain pendant deux millénaires), la poudre à canon, quelques autres. Mais en gros, l’humanité a vécu au même rythme, du néolithique jusqu’au 18ème siècle. Il y a eu la constante amélioration des techniques existantes, le raffinement des manières, le progrès de la civilisation, l’adoucissement des conditions de vie (il ne faut pas exagérer : famines, pestes, …). Ce qui n'est déjà pas mal, certes, mais c'est tout.

 

 

La première guerre eut lieu au néolithique (– 10.000 jusqu’à l’invention de l’écriture = – 4.000). C’est-à-dire quand il y eut des greniers, du bétail, les premières cités, c’est-à-dire des objets, des denrées et des lieux suscitant la convoitise. Bref : des richesses accumulées. Et la possibilité de se procurer le vital sans trop se fatiguer, en le prenant chez le voisin, quitte à tuer celui-ci. L’esclavage remonte sans doute à la même époque : la guerre procurait cette main d’œuvre bon marché, alors pourquoi se priver ?

 

 

Et si la condition faite à l’homme par la nature n’a guère évolué, depuis les origines jusqu’au siècle des Lumières, on le doit très probablement aux religions, aux prêtres, ainsi qu’aux rois qu’ils servaient. Il faut les comprendre : rien n’est plus désagréable que le provisoire, quand on détient le pouvoir, car ça le précarise. En le sacralisant, on le rend immuable, intangible. L’idée de Dieu est fort utile à qui gouverne, car elle lui confère la légitimité. Elle est une garantie, sinon d’éternité, du moins de durée. Quelle belle trouvaille, la « royauté de droit divin » !

 

 

C’est ainsi que la religion, adossée à la hiérarchie sociale et politique (« hiérarchie », en grec, signifie « ordre sacré »), a empêché toute innovation autre que celles qui ne faisaient courir aucun risque au principe d’autorité. Le progrès technique a donc été entravé, parce qu’il représentait pour elles un danger potentiel. C’est la religion qui a décrété que : « La curiosité est un vilain défaut » (j'y reviens). Il faut se soumettre. Il faut admettre l’état existant des choses, c’est-à-dire l’ordre social tel qu’il se présente, en même temps que tous les discours qui le présentent comme tel.

 

 

Le cas le plus célèbre de curiosité dangereuse, celui que tout le monde connaît bien chez nous, est évidemment celui de GALILEO GALILEI, qui attaquait simultanément tout ce que l’Europe comptait d’aristotéliciens et de chrétiens. Cela faisait beaucoup pour un seul homme, et il a bien failli y laisser la peau. Son crime ? Nier le géocentrisme et prôner l’héliocentrisme.

 

 

On les comprend, les faillis bourreaux : ça faisait brutalement tomber l’humanité de son piédestal. Pensez, elle n’était plus le centre du monde ! Du coup, l’ordre du monde tel que défini par les prêtres et les rois passait illico à la trappe ! Un véritable attentat contre tout principe d’autorité. Tous les discours servis au bon peuple depuis toujours ? Balayés.

 

 

Qu’est-ce qui reste d’une autorité, quand elle est mise en doute ? Rien. Et en France, il a fallu moins de deux siècles, après l’épisode GALILÉE (les années 1610), pour foutre par terre l’autorité de l’Eglise et la tête du Roi. Les curés avaient raison d'avoir peur de la science. Alors c’est vrai que la curiosité n’a pas attendu GALILÉE pour se manifester, et qu’il est lui-même un point d’aboutissement (en même temps qu’il révolutionne la vision traditionnelle du monde).

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre.

 

 

dimanche, 28 octobre 2012

MA PETITE HISTOIRE DE LA CURIOSITE (2)

Pensée du jour : « La femme est bien dans son droit, et même elle accomplit une sorte de devoir en s'appliquant à paraître magique et surnaturelle ; il faut qu'elle étonne, qu'elle charme ; idole, elle doit se dorer pour être adorée ».

 

CHARLES BAUDELAIRE

 

Résumé : il y a dans toute curiosité une insoumission à l’ordre du monde et à une autorité suprême (Jéhovah, Dieu, Allah, le Cosmos, ...), et le curieux est un contrevenant, immanquablement chassé du paradis de l’obéissance. Dès lors, il est obligé de se battre dans l’espoir de reconstituer le bonheur perdu. C’est ce qu’on appelle la liberté (voir l’extraordinaire chapitre des Frères Karamazov consacré au « Grand Inquisiteur »). 

 

Mais si l’on fait abstraction de la circonstance somme toute extérieure que constitue le serpent de la Genèse (le principe du Mal qui s’oppose à celui du Bien), comment expliquer la naissance de la curiosité ? Satan est une trouvaille trop commode pour expliquer quoi que ce soit, je trouve. Pourquoi Adam et Eve abandonneraient-ils le confort absolu où Dieu les a placés dans un endroit où le temps ne passe pas ? Je me dis qu’il faut au moins un début de raison, non ? 

 

Cela dit, l’image que je me fais d’un tel paradis a quelque chose à voir avec le règne animal. Ne faut-il pas être un complet abruti (je parle d’aujourd’hui) pour considérer le jardin d’Eden comme un paradis perdu ? Si Adam et Eve avaient été de bons chiens (domestiques, n’exagérons pas), ils auraient léché le nez de leur seigneur et maître quand celui-ci posait un sucre sur leur truffe pour qu’ils le chopent au commandement. Dieu ne voulait que des chiens domestiqués.

 

Il s’est donc passé quelque chose. Mais quoi ? L’animalité, c’est sûr que l’homme s’en est un peu extrait, et qu’il a tenté, tant que faire se peut, de couper les ponts. D’ailleurs, ceux qui suivent un peu l’actualité peuvent se rendre compte que les débats sur le « genre » (il faut savoir que le « genre » a remplacé définitivement le « sexe », notion reconnue par tous les savantasses un peu vieillotte et même carrément dépassée), tellement à la mode aujourd’hui, tournent finalement autour de ce qu’il reste d’animalité dans l’humanité.  

 

Dit autrement : autour de ce qu’il reste de « nature » dans la « culture ». Le « sexe » est naturel, exclusivement naturel. Alors que le « genre » est culturel, exclusivement culturel. Il est universitairement et médiatiquement dangereux aujourd’hui de risquer d’être considéré comme un visqueux « essentialiste » : vous êtes impitoyablement classé sur le rayon marqué « has been ».

 

 

Cette « vérité », c’est SIMONE DE BEAUVOIR qui l’a instaurée : dans sa doctrine, en effet, « on ne naît pas femme, on le devient ». Phrase devenue le chef d’œuvre indéboulonnable des trouvailles du féminisme actuel. Le dogme par excellence. Et l’escroquerie du siècle : l’être humain, qu’est-ce qu’il fait d’autre, femme ou homme, que devenir humain ?  

 

Je suis désolé pour la fondatrice du désastreux féminisme moderne, mais il faudrait dire : « On ne naît pas HUMAIN, on le devient ». Et qu'on ne me baratine pas sur le "moment historique". Ce n’est pas pour rien qu’il faut 18 ans pour devenir majeur. La phrase de BEAUVOIR est ce qu’on appelle, en rhétorique, un « truisme ». Et c’est là-dessus que pétaradent les « Chiennes de garde » et autres « Collectif la barbe ». 

 

 

C’est sûrement une jolie formule, « on ne naît pas femme, on le devient », mais c’est quand même une magnifique imposture, en même temps qu’une belle saloperie. Qui sert à renvoyer le bon sens dans l’archéologie, voire la paléontologie du savoir, comme un morceau de la mâchoire de Lucy. C’est vrai, une femme ne naît pas femme : elle naît juste avec un sexe fendu, au lieu de la tige qui pousse aux garçons. 

 

« Essentialiste », c’est l’équivalent moderne de la « vipère lubrique » des procès staliniens, le mot étant à prendre pour une accusation, « essence » étant synonyme de « nature ». Les « genristes » voudraient bien que l’homme soit le seul être vivant qui se fabrique entièrement lui-même. Ils ont une foi inébranlable dans un invraisemblable idéal de la liberté humaine. On peut voir exposé ce genre de problématique dans Les Particules élémentaires, de MICHEL HOUELLEBECQ.

 

 

Pour le « genriste », qu’on se le dise, le désir donne un droit. Phrase à méditer : le désir donne le droit. Quel droit ? « Tout est possible, tout est réalisable », disait une publicité pour une compagnie d'assurances. Droit à l'enfant, au mariage « pour tous » (délicieuse trouvaille pour faire avaler du n'importe quoi), à mourir dans la dignité, etc. On n'imagine pas l'énormité du gisement des « droits » qui attendent juste d'être mis au jour et correctement exploités.

 

Je me suis laissé embarquer dans ma digression. Je reviens au paradis. Pour qu’Adam et Eve aient tous deux l’ardent désir de croquer dans le fruit de l’arbre de la connaissance, il a quand même fallu autre chose que ce fantasme de serpent. Et moi, je finis par me demander si ce désir n’est pas venu du fait que le premier homme et la première femme n’avaient en fin de compte qu’une confiance limitée dans leur Créateur. On les comprend un peu, à la réflexion. Car je me dis que l’absolu de l’intégrité de la pureté de la divinité de Dieu, quand on observe le monde terrestre, il ne saute pas aux yeux.  

 

Je veux dire que, dans l’esprit des premiers homme et femme, il s’est glissé comme un léger doute. Peut-être une sourde inquiétude. Quelque chose comme une question. Bon, je crois que maintenant, on peut laisser tomber Dieu, Adam, Eve et le paradis terrestre. C’était juste un détour pour introduire ce point d’interrogation. On peut maintenant s’en passer.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre.

 

mardi, 11 septembre 2012

L'ART D'AGATHE DAVID

Pensée du jour : « Notre siècle est celui de la précision. Appuyée par la statistique. La statistique est une science étonnante. Elle donne des certitudes chiffrées. Elle a prouvé que dans huit cas sur dix les boulangers sont des hommes qui fabriquent du pain ».

ALEXANDRE VIALATTE

 

 

 

 

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« Toute la Gaule est occupée par les Romains … Toute ? Non ! Un village peuplé d’irréductibles Gaulois résiste encore et toujours à l’envahisseur. » ASTERIX FRONTISPICE.jpgAinsi commence tout album des aventures d’Astérix. Dans le monde de l’art, on observe de telles résistances. Qui consolent. Car il n’y a pas que des GWENAËL MORIN, cet "artiste" d'une grande subtilité esthétique, qui suspend au plafond des dizaines de traversins, chacun portant le prénom de celle qui y a posé la tête la nuit précédente. On acclame. 

 

 

Je veux dire qu’il n’y a pas que des gens qui ont des IDEES. Qu'on acclame parce qu'elles sont faites pour l'estrade et l'enthousiasme badaud. Bravo ! Très fort ! Chapeau l'artiste ! Il y a aussi des gens qui TRAVAILLENT. De leurs mains. Qui s’efforcent d’avancer dans la maîtrise technique de leur main, et de peaufiner l'aigu et l'énergique de leur oeil. DAVID 4.jpg

 

 

 

C’est le cas d’AGATHE DAVID. Ses outils ? Papier, crayons, stylos. On ne peut guère se contenter de moins. Être plus économe. Oh, ce n’est pas MICHEL-ANGE. Ci-contre, est-ce l'Oiseau Rock ? Ou le Simorgh de la mystique Conférence des oiseaux, de FARID UDDIN ATTAR ? Ne trouvez-vous pas qu'il y a quelque chose de persan ? D'une miniature persane ?

 

 

Moi qui ai un peu fréquenté les poètes d’aujourd’hui, vous savez, ceux qui tirent à 300 exemplaires et qui chuchotent pieusement leurs petites messes basses en petits comités secrets de carbonari honteux dans des petits lieux à demi clandestins, je dirai qu'AGATHE DAVID œuvre quelque part à l’écart des chemins fréquentés, un peu à l’ombre. En tout cas pas sous les feux de l’actualité. Cela n’a pas empêché la revue Beaux-Arts de lui consacrer un espace il n’y a pas longtemps.

 

 

 

DAVID 7.jpgSes motifs ? Les traits d'écailles d'un reptile ou d'un poisson. Le trait des plumes d'un oiseau. Comme si les bestioles portaient sur le corps les tuiles du toit qui les protège des intempéries. Car il y a chez AGATHE DAVID une fascination pour l’effet de tuilage que produisent les peaux ou les plumes de ces animaux. Regardez ci-contre : ne dirait-on pas que les plumes et les couleurs pleuvent de l'animal ?

 

 

Alors pourquoi pas l’écorce de certains arbres ? Non, le végétal n’est pas l’animal. Mais on ne s'interdit rien. L’animal est mouvant. C’est ce mouvant-là qu’elle rend visible.

 

 

 

La figure du serpent, du poisson, du coquillage se découpe sur le blanc du papier avec une netteté de ciseau. Tout est tracé, avec vigueur et souplesse. La main qui pense le tableau est certainement féminine : il y a quelque chose de velouté, d’onctueux, jusqu'à du tendre, dans les enroulements, les infléchissements, les torsades.

 

DAVID 5.jpg 

 

La texture a de la transparence dans le moiré, la couche s’ajoute à la précédente sans la dissimuler, dans une sorte de mille-feuilles coloré qui fascine l’œil quand il s’approche au plus près. C’est certain, on est fort loin de ce qu’on appelle le « geste ». Ici, l’art est de patience et de précision. Peut-être en faudrait-il peu pour basculer dans l’obsessionnel, à la façon d’un REQUICHOT SPIRALES.jpgBERNARD REQUICHOT (ci-contre), mais non, on reste dans le concerté, dans le calculé. On est presque dans le japonais pour ce qui est de l'élaboration esthétique. Presque japonaise, en effet, la présence esthétique au monde.

 

 

 

Les spécialistes, quand ils examinent un tableau de JOACHIM PATINIR (1475-1524), s’étonnent de l’étroitesse de certains coups de pinceau, difficilement imaginable. C’est un minutieux à la recherche de l'infime. AGATHE DAVID a cette minutie, mais moins pour le détail cultivé pour lui-même que pour l’effet produit par la superposition transparente des couleurs.

 

DAVID 8 PSAUMES.jpg 

Ajoutons qu'elle s'est inspirée, pour élaborer ses figures, des Psaumes de David (avec quelques incursions dans Daniel, Ezéchiel et Isaïe). Je n'ai pas pensé à lui demander s'il y avait un lien avec son propre nom. Ce qui est certain, contrairement à ce qu'en dit bizarrement le galeriste en personne (« Vous comprenez, ce genre, ce n'est pas dans mes habitudes »), la mise en résonance du texte et de l'image fonctionne à merveille : ils dialoguent comme de vieilles connaissances.art,dessin,peinture,artiste,agathe david,alexandre vialatte,astérix,beaux arts

 

La taille et la calligraphie des citations sont assez sobres (neutres) pour ne porter aucun ombrage aux images, et vice-versa. Les citations elles-mêmes se réfèrent au règne animal : « Leur venin est semblable au venin du serpent, de la vipère sourde qui ferme ses oreilles » (selon la traduction du chanoine CRAMPON). « C'est toi qui as écrasé les têtes du Léviathan, et l'as donné en pâture aux peuples du désert ». L'animal est visiblement un ami de longue date, qu'AGATHE DAVID a eu le loisir d'observer de près. Sans que le végétal soit rayé du paysage (ci-contre, le volatile artichaut d'une "floraison").

 

On passe en revue, au gré des fragments, tout un bestiaire biblique, de la précision entomologique du papillon et de la sauterelle au lyrisme fantastique des créatures marines, en passant par le torturé du reptile et de la pieuvre, dans un dessin fouillé, libéré de l'exactitude académique.

DAVID 9.jpg 

L'ensemble des oeuvres présentées offre à contempler l'unité certaine de la conception, dans la simplicité apparente de la réalisation : leur complexité se révèle en aggravant l'attention portée. Que le regard se fasse distant ou centimétrique, il voit que tout est en place, dans une sorte d'ailleurs familier.

 

Respect. Et merci à XAVIER LEBLANC de me l'avoir fait connaître.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

mardi, 06 mars 2012

LA SAINTE TRINITE DES ECOLOGISTES

Aujourd’hui, le « Fils ».

 

 

L’écologiste, aujourd’hui, présente de multiples visages. L’écologiste est devenu, en quelque sorte, un « Janus multifrons ». Parmi ces fronts multiples, il y en a quelques-uns qui ont le don, sinon de me courir sur le haricot, parce que, dans le fond, « ça m’en touche une sans faire bouger l’autre » (je cite le raffiné JACQUES CHIRAC en personne), du moins de laisser absolument intact mon scepticisme naturel.

 

 

Bon, c’est vrai que la société dans laquelle nous sommes immergés ne fait aucune place à l’écologiste. C’est injuste, mais c’est comme ça. Ça oblige celui-ci à rester souple. Mais là, ce n’est plus la souplesse du yoga, c’est du contorsionnisme. Je propose d’identifier, dans la nébuleuse écologiste, trois archétypes. Appelons-les, par exemple et au hasard, le « Père », le « Fils » et le « Saint-Esprit ».

 

 

Aujourd’hui, penchons-nous, sérieusement et tendrement, sur le « profil » du « moine-ermite », en qui le « Père » a mis toutes ses complaisances (traduction par le chanoine CRAMPON de la scène du baptême par Jean-Baptiste).

 

 

Comme dans les Evangiles, ce sera donc le « Fils », celui qui est « descendu sur terre », ou plutôt qui est « retourné à la terre ». Mes bien chers frères : « Tu retourneras en poussière », est-il dit quelque part. Comme il est dit ailleurs : « Ashes to ashes, Dust to dust, When the women don’t, The liquor must ».

 

 

Cette aimable phrase ouvre une version ancienne de Did’nt he ramble, par LOUIS ARMSTRONG et son groupe (le « hot seven »?). Je veux bien traduire en français, pour ceux qui ignorent le karakalpak et le monégasque : « Des cendres aux cendres, de la poussière à la poussière, si ce n’est pas les femmes, c’est l’alcool qui s’en chargera ». Amen.

 

 

Pour l'écologiste retourné à la terre, l’important, c’est de vivre « en accord avec ses principes », mais quand même pas jusqu’à la crucifixion. Ça veut dire, sans couper tous les ponts avec la société honnie, où l’on compte peut-être encore des amis, des parents. On achète et retape donc une vieille crèche dans un coin perdu. On en fait un lieu agréable et convivial. Le soir, comme il fait frais, on allume une belle flambée dans la belle cheminée. Avec des allumettes achetées à l’épicerie du bourg. Ça va plus vite que deux Solex, euh non, deux silex. C'est benêt, je sais, mais ça se veut une fine allusion au « retour à l'âge de pierre », dont la bouche des anti-écolo est pleine.   

 

 

L’écologiste est rejoint par quelques autres. Cela finit par former un « éco-village » (vérifiez, ça existe). Perdu au milieu de nulle part. Mais avec l’électricité. Pour la lumière quand il fait nuit, bien sûr, mais il faut pouvoir aussi rester en contact avec les autres « éco-villages » par internet. On est « modernes ». On a peut-être souscrit un abonnement « i-phone » si la « couverture » le permet. On a une forme de vie vraiment collective, tout simplement inimaginable en ville.

 

 

On cultive un sympathique potager qui fournit les légumes « bio ». On est peut-être végétarien, mais pas forcément. Certes, les paysans installés dans les alentours ne s’y sont pas encore mis, au « bio », mais à force d’en discuter avec eux, ils y viendront forcément. En attendant, ils aspergent leurs terres de saloperies, tout autour du potager « bio ». Il y a même l’eau courante. Sans doute fournie par Véolia ou Suez. Et puis, au cas où, on ne sait jamais, il y a un hôpital à distance raisonnable, une pharmacie, voire un supermarché.

 

 

Cela fait déjà quelques rudes concessions au système : on reste à part peut-être, mais pas trop loin quand même. De toute façon, difficile d’accoster à une île déserte dans un pays entièrement « civilisé », cartographié, quadrillé, n’est-ce pas.

 

 

Cela fait des concessions (des « contorsions » si l’on veut), mais en même temps, ça vous met, comme disent les conformistes, « en marge » de la société. C’est un « choix de vie », certainement. La distance ainsi prise avec, disons, le « monde connu », sans être infranchissable, est une séparation, et il faut la vouloir pour l’accepter. C’est évidemment une « cote mal taillée ».

 

 

Car il y a un cordon ombilical presque impossible à couper, c’est tout simplement le progrès technique : on est né et on a grandi dedans. Essayez de vous passer d’appuyer sur le bouton électrique quand vous rentrez chez vous, tiens. Pour voir ! Tant il est vrai que pour revenir à l’âge de pierre, il faudrait se dépouiller de tous ces choses qui, au cours du temps, se sont mises à nous entourer, au point de devenir indispensables. Indissociables même.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre.

 

lundi, 30 janvier 2012

LA BIBLE, C'EST TRES SURFAIT !

Je vais vous dire : la Bible, c’est très surfait. Il y en a qui en font des montagnes, qui ne s’en séparent jamais, qui l’ont apprise par cœur, qui sont prêts à se faire tuer pour elle, qui consentent même, pour elle, à devenir des assassins. Vous me direz que pour le Coran, c’est la même chose. Je sais.

 

 

Oui, on m’avait dit : « Lis la Bible, tu trouveras la vérité ». Même à Stockholm, tu te rends compte, il y a une bible (en anglais) dans la table de toutes les chambres de l’hôtel. Remarque, quand tu vas à l’Infirmerie Protestante, tu t’aperçois aussi qu’il y a une bible (en français) dans le tiroir de la table. Mais bon, c’est des protestants, ça n’excuse pas, mais ça explique. Il faut être indulgent.  

 

 

« The Good Book », ça c’est le titre d’un disque fameux de LOUIS ARMSTRONG. Il chante et joue des classiques bibliques et gospels. Mais là, c’est pas pareil, c’est de la musique. Parce que les nègres, ils ne plaisantent pas avec ça, la musique. Pour beaucoup d’entre eux, ce n’est pas un ornement de façade, c’est une personne à respecter. De l’ordre du sacré, si vous voulez. Autant que la Bible elle-même, c’est dire.

 

 

 

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LOUIS, alias SATCHMO (= BOUCHE EN FORME DE SACOCHE) 

 

A cet égard, après tout, peut-être que je suis un peu nègre sans le savoir. Je ne serais pas le premier blanc : CLAUDE NOUGARO (« Armstrong, je ne suis pas noir, je suis blanc de peau ») et NINO FERRER ( le capitaine Nino de Corto Maltese en Sibérie, de HUGO PRATT : « Je voudrais être noir ! ») m’auraient précédé. Bon, il se trouve que j’ai la peau pâle, et que finalement ça me convient. 

 

 

Mais c’est vrai que quand, par hasard, tu entres dans une église catholique (en France) pendant la messe, tu te rends compte que les chrétiens de cette espèce ignorent puissamment ce que c’est, la musique. J’ai parfois l’impression qu’ils la méprisent, même. Vous les entendez, ces chants las et lamentables, avachis, asthmatiques, exténués ? On dirait des bêtes étiques, faméliques, voire cachectiques, qu’on mène à l’abattoir se faire découper en lanières, stade ultime avant la farine animale.

 

 

Les nègres ? Ecoute-les un peu, pendant un office, quand le pasteur, pris d’enthousiasme, psalmodie en improvisant les paroles, soutenu par les répliques ferventes de l’auditoire. Ma parole, c’est sûr, tu perdrais presque l’habitude de ne pas croire.

 

 

C’est sûr qu’à Frontonas, malgré tout, pour le Credo et le Gloria, les phrases (en latin) étaient chantées alternativement par les filles des premiers rangs à droite et par les hommes assis en demi-cercle derrière l’autel, dans le chœur. C’était aussi de la musique, c’est vrai, mais bon. Rien à voir. C’est plus tard que j’en suis venu à SISTER ROSETTA THARPE et MAHALIA JACKSON.

 

 

Je me dis que peut-être, s’il y avait eu, dans nos églises bien catholiques, une goutte d’enthousiasme dans les cantiques, comme dans les gospels endiablés chantés par les nègres dans leurs offices, le catholicisme en France n’aurait pas ce visage triste, blafard, souffreteux, livide et, pour tout dire, cadavérique. Et que je serais peut-être encore croyant, va savoir. Bon, c’est peut-être surestimer l’importance de la musique.

 

 

Bon, alors, la Bible, le livre de la vérité ? A force de me l’entendre dire, j’ai fini par y mettre le nez. Eh bien, j’ai vu. Et je conclus que c’est très exagéré. Il n’y a sans doute pas plus de vérités dans la Bible que de mensonges. La preuve :  

 

« Il y a trois choses qui me dépassent,

et même quatre que je ne comprends pas :

la trace de l’aigle dans les cieux,

la trace du serpent sur le rocher,

la trace du navire au milieu de la mer,

et la trace de l’homme chez la jeune fille ».

(Proverbes, XXX, 18, traduction du chanoine CRAMPON)

 

Si, si, c’est dans la Bible. Moi qui ai un mal de chien à me rappeler les blagues, vous savez, celles qui font marrer tout le monde à la fin du repas, celle-là, je la connaissais, mais avec une variante. Ce n’était pas l’aigle, mais le nuage, qui passait dans le ciel sans laisser de trace. Bon, on ne va pas épiloguer. L’aigle ou le nuage, le serpent, le bateau, je veux bien. Mais la jeune fille ? Est-ce que c’est sérieux ? Moi, j’ai plutôt l’impression que le gars qui a écrit ça me prend pour une bugne.  

 

 

Prenez-la pucelle, prenez-la déjà un peu ou carrément usagée, qu’est-ce que ça veut dire ? Que lorsque l’homme ressort de la jeune fille après sa petite affaire, c’est comme si rien ne s’était passé ? Est-ce que ça signifie que l’orifice féminin est aussi inconsistant que l’air dans le ciel ? Aussi fuyant que l’eau de la mer ? Je laisse de côté le rocher, parce que … ça ne fait pas très réalistequand on examine posément la question. Quoi qu'il en soit, la Bible semble faire du féminin quelque chose qui n’est pas grand-chose.

 

 

Et puis franchement, pour l’engin masculin, c’est exactement la même chose : sans vouloir verser dans le vulgaire, y reste-t-il accroché quelque chose de l’antre féminin qu’il vient de visiter, en dehors des éventuels bocons, morpions, cirons, flocons et autres moutons, après la douche ? Dans ce cas, pourquoi seule la jeune fille est-elle citée ? N’y a-t-il pas quelque misogynie à la stigmatiser elle seule ? Et puis, est-ce qu’il n’y aurait pas, par hasard des traces autres que les visibles ?

 

 

C’est vrai que, dans certaines circonstances, la trace laissée par l’homme dans la jeune fille finira par se voir, au bout de quelque temps (9 mois environ).  Mais en dehors de ça, si quelqu’un peut m’expliquer la possible signification théologique, il est le bienvenu. S’il faut avoir Bac + 12 pour lire la Bible, ça augure mal de sa compréhension par les masses croyantes.

 

 

Une petite mention en passant pour les « madrasas », où les Pakistanais, Indonésiens et autres musulmans apprennent le Coran par cœur dès le plus jeune âge. Je signale que "taliban" vient de "taleb", qui veut dire "étudiant" (j'imagine qu'il étudie en tout et pour tout le Coran). Ça vaut les sectes protestantes. En pire. Tous ces gens qui, ayant appris par cœur des centaines, voire des milliers de pages qu’ils se récitent en boucle dans leur disque dur, moi ça me flanque la frousse. Parce que ça suppose que, tant que tu ne fais pas la même chose, tu restes leur ennemi.

 

 

Et les plus atteints, donc les plus dangereux, c’est ceux qui s’en tiennent une fois pour toutes à la lettre. J’ai connu un étudiant qui s’était fait embrigader dans les témoins de jéhovah, et qui n’en démordait pas : quand on lit la bible, on n’a strictement aucun besoin de lire quelque autre livre que ce soit. Je te dis pas l’étendue de sa culture générale.

 

 

Cet autre, qui s’appelait Taoufik, il était pourtant intelligent, avide d’apprendre, et c’est vrai qu’il en savait plein, des choses. Et puis un jour, il est arrivé, et il a déclaré fièrement que le Coran rend absolument inutiles, donc condamnables et combustibles, tous les autres livres. Il s’était laissé pousser la barbe.

 

 

C’est exactement ce principe qui a guidé le calife OMAR, en 642, quand il ordonna de détruire les 700.000 volumes que recelait la bibliothèque d’Alexandrie : « Si c’est dans le Coran, on n’en a pas besoin. Si ça n’y est pas, ce sont autant d’impiétés ».

 

 

Finalement, la Bible, c’est très surfait. Je n’avais déjà pas très bonne opinion des méthodistes, adventistes, mormons, quakers, témoins de jéhovah et autres sectes inventées grâce à la trouvaille que fut, chez les protestants, le lien direct établi spontanément entre Dieu et son croyant.  

  

L’appellation qui remporte tout mon suffrage, c’est l’Eglise de Jésus Christ  des Saints des Derniers Jours. C’est les mormons, ça, à vue de pied de nez ? Mais, comme dirait BRASSENS : « Moi mon colon celle que je préfère, c’est la guerre de 14-18 ». Chacun de ces protestants est à lui tout seul une petite entreprise qui ne demande qu’à prospérer, à s’étendre, à se répandre. « Allez, enseignez toutes les nations », qu’il dit, l’autre. On n’a pas fini d’en chier, avec les guerriers de dieu, les missionnaires, les prosélytes.

 

 

Bon, c’est vrai qu’ils n’en sont pas encore, les protestants, comme certains autres, à faire tenir leur pantalon avec une ceinture explosive au milieu des « infidèles », si possible des femmes et des enfants. Mais, la bombe en moins, c’est kif-kif bourricot.

 

 

Bon, on m'a dit qu'il n'y avait pas que ça dans la bible. Je la rouvrirai peut-être, mais à une autre page, en espérant tomber sur un passage plus rigolo. En tout cas, moi, je suis bien content d’être immunisé.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

NOTE A BENNE : je sais, on va me dire que je plaisante avec des choses sacrées, que la bible est le plus grand best-seller de tous les temps, et patali et patala. Que voulez-vous, je ne peux pas demander à ma mère qu'elle me refasse. Elle se fait vieille.

 

 

 

 

dimanche, 29 janvier 2012

CONNAIS-TOI TOI-MÊME, C'EST UN ORDRE !

PREAMBULE VENU DU FOND DES ÂGES

 

(Attention, c'est du lourd !)

 

Madame Coutufon m'a dit avant-hier que « connais-toi toi-même » est le plus célèbre des préceptes que les Grecs avaient gravé sur le fronton du temple d’Apollon à Delphes.

 

Γνῶθι σεαυτὸν

(= gnôthi séautonn)

 

Madame Coutufon, vous ne le savez peut-être pas, c'est chez elle que j’achète mon beurre demi-sel, mes épinards et mes conserves, me l’a dit, pas plus tard que ce matin : « Un peu de grec dans la conversation, ça vous pose un homme ». Alors je m’exécute. Est-ce que j’en suis plus « posé » pour autant ? Rien n’est moins sûr. J’en suis marri.

 

 DEVELOPPEMENT GRAVE ET PROCESSIONNEL

 

J’ai connu un type, dans le temps, il s’appelait Œdipe. Eh bien, ça lui aurait fait du bien d’au moins passer devant ce foutu temple, et de la voir, cette foutue devise, au lieu d’aller voir cette vieille sorcière, sur son trépied, au fond de sa grotte enfumée. « What a pity ! », s’exclame l’anglais peu au fait de l’orthographe grecque. Ça aurait évité au nommé Œdipe tous les ennuis qu’il a pris sur le paletot par la suite.

 

Ben oui, il se serait posé les bonnes questions : « Qui suis-je ? Où cours-je ? Dans quel état j’erre ? ». Il aurait pris le temps d’y répondre. Au lieu que là, bille en tête, il est parti dans les pires embiernes (comme on disait chez moi) : « Tu tueras ton père et tu épouseras ta mère ». Il a pris ça pour des ordres, le con ! Alors que c'était le dernier avertissement avant la sanction !

 

Pourtant, le premier commandement du Décalogue (que c’est Dieu qui l’a dit, alors !) le stipule expressément : « Tu ne tueras point », et le vingt-deuxième et demi : « Tu n’épouseras pas ta mère, même si elle te le demande poliment ». En tout cas, c’est pas moi, c’est la Bible. Il faut tout leur dire. 

 

De toute façon, ce type-là, je vais vous dire, je le sentais pas bien. D’abord, il la ramenait sans arrêt. Tu lui voyais les chevilles enfler à vue d’œil. C’est tellement vrai que c’était devenu son surnom (« chevilles enflées »), je te jure que c’est vrai. Va voir la voisine, Madame Etymologie, si tu me crois pas. Et mouche-toi avant de lui parler. Œdipe ? Personne pouvait le piffer, parce qu’on voyait bien que tout ce qu’il voulait, c’était flanquer des complexes à tout le monde. Qu’est-ce qu’il s’en croyait !

 

Le pire, c’est que ça marchait. Et que ça marche encore. Infect, je vous dis. J’ai eu beau en parler à Sigmund, son meilleur pote, rien n’y a fait. Au contraire, Sigmund, ce salaud, il a tout de suite flairé la bonne affaire, et il a illico monté sa boîte, qu’il a appelée « Au Complexe d’Œdipe ». Je te dis pas le succès monstre : il a ouvert une boutique, et tout de suite ça a été l’affluence.

 

Au point qu’il a été obligé d’ouvrir des boutiques en série un peu partout, et de les confier à des gérants – pas toujours bien nets, il faut bien le dire. Et ça a marché du feu de dieu. La boîte principale s’est progressivement scindée en succursales multiples, sous les « raisons sociales » les plus diverses.

 

Ça a d’abord été la succursale « Jung », puis la « Rank » ou « Reik », je ne sais plus, et puis les scissions se sont multipliées, comme n’importe quel groupuscule trotskiste en ordre de marche, et l’on ne compte plus, aujourd’hui les « appellations d’origine » plus ou moins contrôlées. Il y a eu la « Reich », la « Lacan », et tellement d’autres que tu peux pas imaginer ; tout est bon dans le cochon pour appâter le gogo.

 

En fait, Sigmund se démerdait pour instaurer une concurrence acharnée entre toutes ces succursales. Les bisbilles entre « Néo-école freudienne » et « Ecole néo-freudienne », c’était du chiqué, juste pour la galerie, juste pour mettre de l’animation, quoi !  

 

Il mettait de l’huile sur le feu de dieu, et en sous-main, c’est lui qui tirait les marrons du feu de dieu. Un jour, on a appris par les journaux qu’en fait, depuis le départ, une holding appelée « Œdipe et Sigmund », chapeautant l’ensemble du groupe, avait été fondée et astucieusement domiciliée aux îles Caïman, l'empereur du paradis fiscal dans l'empire des paradis fiscaux.

 

La thune qu’ils se font, les gaillards, à se prélasser sur la plage, avec plein de bimbos en pleines formes qui viennent leur caresser le cuir et le reste, et plus si affinités, pendant que leurs milliers de comptes en banque leur crachent du cash sans qu’ils aient à lever le petit doigt pour ça. Ecœurant. Tout ça parce qu’ils ont trouvé l’idée du siècle, allonger sur des milliers de divans des dizaines de milliers de paumés pour qu’ils racontent leur vie. Ces gars-là, ils gagnent des fortunes rien qu’en respirant (réplique piquée à La Vérité si je mens).

 

 

Il y aurait même une affaire « Œdipe et Sigmund », si l’on en croit les révélations fracassantes de Pierre Péan, l’enquêteur justicier bien connu, qui a reçu bien des menaces de mort à cause de ça. Selon lui, la Mafia serait une assemblée d’enfants de chœur, comparée aux réseaux tentaculaires et inextricables de la holding « Œdipe et Sigmund ».

 

Leur spécialité ? Une multinationale du racket. Avec le consentement exprès des victimes, s’il vous plaît. Aucun juge, aucun policier n’a jamais pu apporter la moindre preuve du plus minime délit. Même pas un témoin repenti. Bien mieux et plus efficace que la Scientologie, c'est dire. Soit dit entre parenthèses, il se murmure dans les cercles bien informés que Pierre Péan serait le « ghost writer » du « best seller » de Michel Onfray, Le Crépuscule d’une idole.

 

On s’en souvient, l’intrépide chevalier-philosophe de Caen, et par ailleurs graphomane infatigable (jusqu’à dix gros ouvrages publiés en une seule année !), était parti en guerre contre les moulins à vent de la mystérieuse confrérie. Sans plus de succès au demeurant que Le Livre noir de la psychanalyse, quelques années plus tôt. La puissance de l’hydre est encore telle que rien ne peut en ébrécher la carapace.

 

 

En attendant, on se perd en conjectures sur les motifs d’un succès que rien ni le temps qui passe ne semble devoir amoindrir. Une hypothèse audacieuse a cependant été formulée récemment : et si, après tout, le nommé Œdipe était tout de même passé devant ce foutu temple d’Apollon et avait lu la foutue devise ? Γνῶθι σεαυτὸν ? « Connais-toi toi-même » ? Ce n’est pas impossible. Le temps de vérifier, et je vous tiens au courant.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

On verra si c'est à suivre, cette affaire.