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lundi, 29 octobre 2012

MA PETITE HISTOIRE DE LA CURIOSITE (3)

Pensée du jour : « Si toutefois nous consentons à en référer simplement au fait visible, à l'expérience de tous les âges et à la Gazette des Tribunaux, nous verrons que la nature n'enseigne rien, ou presque rien, c'est-à-dire qu'elle contraint l'homme à dormir, à boire à manger, et à se garantir, tant bien que mal, contre les hostilités de l'atmosphère. C'est elle aussi qui pousse l'homme à tuer son semblable, à le manger, à le séquestrer, à le torturer ; car sitôt que nous sortons de l'ordre des nécessités et des besoins pour entrer dans celui du luxe et des plaisirs, nous voyons que la nature ne peut conseiller que le crime ».

 

CHARLES BAUDELAIRE

 

 

Résumé : l’homme a renoncé au rôle confortable et sûr de caniche de Dieu nourri-logé-blanchi comme un coq-en-pâte dans son paradis terrestre, à l'oeil et aux frais de la princesse, pour affronter l’angoisse et les incertitudes procurées par la liberté. Bien lui en a pris : sans perdre tout de son animalité primordiale, il a été promu créateur de son propre monde.

 

 

L’homme actuel ? Les anthropologues, au carbone 14, le datent d’environ 100.000 ans avant nous (marge d’erreur de quelques milliers d’années quand même). C’est en effet de là que date la première TOMBE. La première fois que l’homme, au décès de son semblable, l’enfouit sous un peu de terre. La première fois que l’homme, aux yeux de son semblable, apparaît comme une personne.

 

 

Ce qui rend possible la première tombe, appelons ça la conscience de soi (et conscience de l’autre). Comment c’est venu ? Personne n’en sait rien. Sans doute un ensemble : le pouce opposable aux autres doigts (habileté manuelle), la descente du larynx (langage articulé), l’accroissement du cerveau vers l’arrière (accès à la pensée abstraite), la station debout (alias bipédie), une histoire d’angle occipital, etc.

 

 

Notons en passant que la station debout propulse l’appareil génital du mâle sur le devant du corps, et qu’au contraire, elle fait disparaître au regard celui de la femelle, qui change dès lors de statut. Et que, dans l’un et l’autre cas, elle situe le sexe dans la partie basse du corps, la tête constituant le sommet de celui-ci. Toujours est-il que l’évolution a donné à l’homme l’autorisation de façonner le monde dans lequel il vit. Je veux dire : les moyens de l’inventer.

 

 

Bon, on ne va pas rabâcher l’accélération du mouvement, depuis le feu (autour de – 400.000, mais c’est controversé) jusqu’aux Romains ; le passage du nomadisme à la sédentarité ; d’une économie de prédation (chasse, cueillette) à une économie de subsistance (agriculture, élevage = réserves de nourriture). Mais ce qui est étonnant, c’est que l’invention humaine semble s’être arrêtée : au 18ème siècle, les gens ne vivaient pas très différemment de l’antiquité romaine. En particulier, la vitesse est restée celle de l’homme (à pied ou à cheval). Impossible d’aller plus vite. Impossible de faire plus que la simple force humaine

 

 

Certes, il y eut des inventions : l’éolipyle d’HERON D’ALEXANDRIE (sans lendemain pendant deux millénaires), la poudre à canon, quelques autres. Mais en gros, l’humanité a vécu au même rythme, du néolithique jusqu’au 18ème siècle. Il y a eu la constante amélioration des techniques existantes, le raffinement des manières, le progrès de la civilisation, l’adoucissement des conditions de vie (il ne faut pas exagérer : famines, pestes, …). Ce qui n'est déjà pas mal, certes, mais c'est tout.

 

 

La première guerre eut lieu au néolithique (– 10.000 jusqu’à l’invention de l’écriture = – 4.000). C’est-à-dire quand il y eut des greniers, du bétail, les premières cités, c’est-à-dire des objets, des denrées et des lieux suscitant la convoitise. Bref : des richesses accumulées. Et la possibilité de se procurer le vital sans trop se fatiguer, en le prenant chez le voisin, quitte à tuer celui-ci. L’esclavage remonte sans doute à la même époque : la guerre procurait cette main d’œuvre bon marché, alors pourquoi se priver ?

 

 

Et si la condition faite à l’homme par la nature n’a guère évolué, depuis les origines jusqu’au siècle des Lumières, on le doit très probablement aux religions, aux prêtres, ainsi qu’aux rois qu’ils servaient. Il faut les comprendre : rien n’est plus désagréable que le provisoire, quand on détient le pouvoir, car ça le précarise. En le sacralisant, on le rend immuable, intangible. L’idée de Dieu est fort utile à qui gouverne, car elle lui confère la légitimité. Elle est une garantie, sinon d’éternité, du moins de durée. Quelle belle trouvaille, la « royauté de droit divin » !

 

 

C’est ainsi que la religion, adossée à la hiérarchie sociale et politique (« hiérarchie », en grec, signifie « ordre sacré »), a empêché toute innovation autre que celles qui ne faisaient courir aucun risque au principe d’autorité. Le progrès technique a donc été entravé, parce qu’il représentait pour elles un danger potentiel. C’est la religion qui a décrété que : « La curiosité est un vilain défaut » (j'y reviens). Il faut se soumettre. Il faut admettre l’état existant des choses, c’est-à-dire l’ordre social tel qu’il se présente, en même temps que tous les discours qui le présentent comme tel.

 

 

Le cas le plus célèbre de curiosité dangereuse, celui que tout le monde connaît bien chez nous, est évidemment celui de GALILEO GALILEI, qui attaquait simultanément tout ce que l’Europe comptait d’aristotéliciens et de chrétiens. Cela faisait beaucoup pour un seul homme, et il a bien failli y laisser la peau. Son crime ? Nier le géocentrisme et prôner l’héliocentrisme.

 

 

On les comprend, les faillis bourreaux : ça faisait brutalement tomber l’humanité de son piédestal. Pensez, elle n’était plus le centre du monde ! Du coup, l’ordre du monde tel que défini par les prêtres et les rois passait illico à la trappe ! Un véritable attentat contre tout principe d’autorité. Tous les discours servis au bon peuple depuis toujours ? Balayés.

 

 

Qu’est-ce qui reste d’une autorité, quand elle est mise en doute ? Rien. Et en France, il a fallu moins de deux siècles, après l’épisode GALILÉE (les années 1610), pour foutre par terre l’autorité de l’Eglise et la tête du Roi. Les curés avaient raison d'avoir peur de la science. Alors c’est vrai que la curiosité n’a pas attendu GALILÉE pour se manifester, et qu’il est lui-même un point d’aboutissement (en même temps qu’il révolutionne la vision traditionnelle du monde).

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre.