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samedi, 28 janvier 2017

MARCHE A L'OMBRE

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Photographie Frédéric Chambe.

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3/11

Visage en roue voilée,

en vérité mourue sur quoi ?

C'est rapiécé comme un visage.

 

Pas de mais, rien que la glace.

Pour la galerie, ça se ressemble.

Un coup de pouce est à la peine.

C'est que ça brille à la source.

On s'incline.

Un avenir ou deux :

il faudra, tu devras.

 

A peine entré, c'est là qu'on va.

On a repris le cours,

ceux qui prétextaient.

On dévide.

 

Quand on aura vu, on rejoindra.

Dans deux temps, ça peut jouer.

Tout dépendra des comédiens.

 

On appuie à peine.

C'est lent.

On attend pour l'exprimer

les témoins oculaires.

On attend pour agir

la nécessité, les analyses.

 

Il ne faut pas dormir.

On entrevoit : ça mûrit,

beaucoup à la fois.

Il n'est pas en secret.

On veut apercevoir qui se dérobe.

 

Et tant de monde à ce crochet.

 

F.C.

(Livre traduit d'un pur de langue, fragment, p.4.)

09:00 Publié dans POESIE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photograohie, poésie

vendredi, 27 janvier 2017

PLACE DES TAPIS 2

Dernières feuilles qui résistent, deux silhouettes à la fenêtre.

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Photographie Frédéric Chambe.

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2/11

Étrange et bas, le sûr se tait,

ça dit les bribes.

L'entier n'a pas cessé.

Le temps vient après ça.

 

J'entends cette existence.

Pas loin, c'est en forme de fin.

Dans le conflit, entre en parole.

On n'est peut-être pas.

 

Ecrit à l'endroit fort,

transparent sur l'opaque,

sans repentir entre la forme et la fin.

 

En action pure de langue,

forme à tout prendre.

On fait de la personne en vie.

Le foisonné, c'est la vie-vite.

 

C'est le cœur à l'encontre,

on doit s'y rendre.

La formule est en presque.

 

Ce n'est pas là, le diverti.

Qu'est-ce qu'on a ?

Ce n'est pas net.

Pourtant c'est fort aimé.

Mais dans ce cœur,

on se repasse le plat d'idée.

 

Qui veut ouvrir ?

Qui se tait en dedans,

en trou de forme ?

 

Il faudra bien nommer.

Laisser partir ?

D'après moi, ça se fait.

 

Quand j'ouvrirai, ça servira ?

 

F.C.

(Livre traduit d'un pur de langue, fragment, p.3.)

mercredi, 25 janvier 2017

AMBIANCE SPÉLÉO

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Photographie (à la frontale) Frédéric Chambe.

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1/11

Voilà, ça vient se dire

sans trop de peine.

Qui vient symboliser ?

Qui fait priorité ?

 

C'est que s'il faut que oui,

alors ça sort de soi,

hors du somnolé.

 

Oui, mais ça ne prend pas,

tout retenu dans le pli,

sans forcer la main,

sans faire esprit.

 

C'est une envie qui frappe.

Mais du coup, ça fait tout.

Tout vient ensemble.

On a pas mieux.

 

Trier, ça éternise.

Avec le temps,

ça fait du vent.

 

On a voulu savoir,

c'était au saut du lit.

Mais pour savoir un peu,

on fait du doute.

 

Dans le clair du dessin,

c'est l'attention, avec du mou.

 

Est-ce que ça rend heureux ?

 

F.C.

(Livre traduit d'un pur de langue, fragment, p.2.) 

09:00 Publié dans POESIE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie, poésie

L'ÉCOLE "PRIMAIRE"

Ça m'a traversé l'esprit. Pas longtemps, certes. Disons un instant. Je voulais déposer mon petit commentaire sur le catafalque de la déconfiture exhibée fièrement par le Parti "Socialiste" à l'occasion de la primaire de la gauche. Saura-t-on un jour la vérité sur le nombre définitif des votants ? Et puis j'ai relativisé quand quelques vers de Baudelaire me sont revenus : 

 

« Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,

Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,

Par delà le soleil, par delà les éthers,

Par delà les confins des sphères étoilées,

 

Mon esprit, tu te meus avec agilité, ...»

 

À ces hauteurs célestes, du cloaque où barbotent des sales gosses, plus aucun miasme ne parvient. Allons, tout cela ne vaut pas un iota de notre attention.

jeudi, 22 décembre 2016

RUE CALAS 1

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Photographie Frédéric Chambe.

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A force d’écouter aux portes de la langue

Ce que disent les nuits du parfum des étreintes ;

A force de chanter l’air blanc qui sort des bouches,

Portes de lune éteinte ou chemins de naissance ;

A force de tailler la même écorce vive

Aux formes de la main rétive aux récompenses ;

A force de recoudre, immédiate et limpide,

L’aile figée dans l’ambre au reflet du matin,

 

J’ai coulé dans la pierre une assemblée de pas,

Ma collection d'échecs,

Et ce qui reste moi.

 

F. C.

mercredi, 21 décembre 2016

RUE CHARIOT D'OR 1

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Photographie Frédéric Chambe.

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Il pleut du soir, en fumée ronde,

Sur le désir de poursuivre la route.

Il pleut un air de vieux cheval

Sur le souffle qui s’agrippe.

Il pleut des baisers pieux

Sur la peau qui ne veut rien savoir.

Il pleut des moments creux

Sur la raison désertée d’être.

 

Dans les gouttes des sons qui savent,

Entends la mort des mots qui vient

Derrière le front de ceux qui vivent.

 

F.C.

mardi, 20 décembre 2016

RUE DE CUIRE

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Photographie Frédéric Chambe.

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Pendant que la porte bat en attendant le visiteur,

Pendant que le corps s’en va dans le jardin de la nuit

Souffrir sa solitude irrespirable,

Pendant que l’armée des pensées traverse son désert

Pour venir se heurter au vent qui patrouille,

Pendant que l’inquiétude fabrique ses faiblesses,

Pendant que le stratège des confins révise la bataille,

Le sommeil mord la sentinelle

Et se répand, porté par son incandescence.

 

F. C.

lundi, 19 décembre 2016

RUE DE CUIRE

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Photographie Frédéric Chambe.

 

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De la lenteur de l’air à la pesanteur des paroles,

De l’eau des landes qui s’entrouvrent

Au troupeau des échos qui s’aventurent

Entre deux haies d’étoiles filantes,

De la grammaire qui gît entre les parenthèses

Au corps nerveux qui s’enroule,

Orvet luisant sur le dard du doigt dur,

J’ai connaissance intime de la frivolité.

 

F. C.

dimanche, 18 décembre 2016

RUE DUMONT D'URVILLE

photographie

Photographie Frédéric Chambe.

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Combien je suis d’âmes de bêtes,

Avec le mauvais rêve d’une paix sans miséricorde ?

 

Combien je suis de frères de peu d’emphase,

Museau dans l’abreuvoir

Et sabots dans la vanité ? 

 

Combien je suis de secrets en péril,

Combien de portraits en retard,

Combien d’arides à-peu-près,

Et pour quel texte originel ?

 

F.C.

vendredi, 16 décembre 2016

VARIANTES DE LUMIÈRE

BEC, OISEAU, PLUME, VENT.

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photographie

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Photographies Frédéric Chambe.

***

Unter der Flut

fliegen, an

gehöhten schwarzen

Opfersteinen vorbei,

 

die unendlich geerdete Schwermut

in den

Fahrwerkschächten,

 

berauschte Flugschreiber im

Sehnsuchtsgehänge,

 

künftige Fundstücke, silbrig,

im

schädligen Cockpit,

 

Sichttunnels, in

den Sprachnebel geblasen,

 

Selbstzündblumen

an allen Kabeln,

 

im großen, unausgefahrenen

Felgenring deinen

genabten Schatten,

Saturn.

 

PAUL CELAN

Lichtzwang (1970).

***

Voler sous

le flux, près

des pierres levées

noires, sacrificielles,

 

la mélancolie infiniment mise à la terre

dans les

logements de train d'atterrissage,

 

des enregistreurs de vol grisés dans

la suspension de la nostalgie,

 

de futurs objets trouvés, argentés,

dans

le cockpit crânien,

 

des tunnels de visibilité, soufflés

dans le brouillard du langage,

 

des fleurs d'auto-allumage

à tous les câbles,

 

dans le grand anneau verrouilleur,

pas encore sorti, ton

ombre à moyeu,

Saturne.

 

PAUL CELAN

Contrainte de lumière.

 

 

mardi, 01 novembre 2016

COMPOSITIONS NUANCÉES

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Photographies Frédéric Chambe.

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Pas du jaune, pas du rose, pas du gris : des surfaces, des cloisonnés de nuances.

« Car nous voulons la Nuance encor,

Pas la Couleur, rien que la Nuance ! ».

P. V.

vendredi, 21 octobre 2016

EFFLORESCENCE

Ce qu'il advient du vivant : mou et un peu gluant dans un premier temps (voir ici 12 octobre).

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Photographie Frédéric Chambe.

« Quand de la chair que trop avons nourrie,

Elle est piéçà dévorée et pourrie,

Et nous les os devenons cendre et poudre.

Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ».

F. V.

(Je n'oublie jamais que le poème commence par : « Frères humains ».)

jeudi, 25 août 2016

BAUDELAIRE À LYON

Les amateurs des Fleurs du Mal, les spécialistes de la question, les professeurs de Lettres le savent : Baudelaire est passé par Lyon. Il y a même demeuré de 1833 à 1836 : le lieutenant-colonel Aupick, qui a épousé sa mère restée veuve, est en poste dans la ville. En 1834-1835, Charles est élève en classe de troisième, interne au Collège Royal de Lyon (aujourd’hui lycée Ampère). S’il ne brille pas parmi les « premiers-de-la-classe », il n’est pas mauvais élève. La preuve, c'est qu'à la fin de l’année scolaire, il obtient quelques récompenses (qui ne l'empêcheront pas de redoubler sa troisième l'année suivante à Paris, au collège Louis-le-Grand).

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A cette époque d' "obscurantisme moyenâgeux", le romantisme dévoyé d'un Prévert n'avait pas encore élevé le cancre à la dignité de héros moderne et de modèle à suivre. A cette époque d' "arrogance élitiste", un égalitarisme intégriste et fanatisé n’avait pas encore causé les ravages auxquels on assiste depuis quatre décennies, et qui ont ruiné le système éducatif républicain. A cette époque "bourrée de stéréotypes archaïques", on craignait si peu de reconnaître les mérites scolaires des meilleurs élèves que ceux-ci étaient célébrés en fin d’année au cours de la cérémonie dite « Distribution des Prix », cette vieillerie que mai 68 a jetée à la poubelle, en même temps que les insupportables « chaires » et autres estrades, qui soulignaient par trop l'imméritée supériorité du maître sur l'élève. Le Collège Royal de Lyon avait même si peu honte qu'il faisait imprimer la liste de ceux qui méritaient le plus d’être distingués. C’était l’imprimeur Boursy, rue de la Poulaillerie (où se situe aujourd’hui le musée de l’imprimerie), qui était chargé de la fabrication de ce "tableau d'honneur".

C’est ainsi que le nom de Charles Baudelaire, en ce jour solennel du 28 août 1835, fut prononcé à six reprises, dans autant de disciplines :

« Thème »,

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« Version latine »,

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« Vers latins »,

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« Version grecque »,

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« Arithmétique »

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et « Dessin » (spécialité « Figures », les deux autres étant « D'après nature » et « Académies »).

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Certaines paraîtront aller de soi, d’autres sembleront plus surprenantes. Quant au dessin, il sera une évidence aux familiers de cette partie de son œuvre où le poète se livre à la critique artistique.

Ce n’est qu’un document, à peine une anecdote ; c'est, si l'on veut, de l'histoire littéraire abordée par son tout petit côté. Pourtant cela me fait quelque chose de voir imprimé noir sur blanc le nom de Charles Baudelaire adolescent (il a 14 ans), dans ce mince volume que je tiens dans la main,

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où ont été reliés (demi-basane rouge) les tableaux d'honneur de 1835 et 1836 d'un grand lycée de province. Il ne me semble pas indifférent de pouvoir toucher du doigt un témoignage, si modeste soit-il, du passage d’un tel génie dans notre ville (il n'engloba pas celle-ci dans la même aversion que celle dont le nom d'Aupick était pour lui l'objet. On raconte qu'il criait, sur les barricades de 1848 : « Fusillez le général Aupick ! »). J'ai l'impression de parvenir à lui par une voie facile et proche (si j'ai obtenu un premier prix de version latine [au royaume des aveugles ...], j'ai toujours été infoutu de composer des vers latins), mais inconnue du plus grand nombre.

C'est un privilège.

Voilà ce que je dis, moi.

Note : j'aurais pu faire figurer dans ce billet les noms des trois élèves de cette classe de troisième (« Professeur, M. Carrol ») qui jouent les Usain Bolt pour truster les médailles. Je les mentionne pour mémoire : Benjamin Marcouire, de Montpellier, élève interne, vainqueur toutes catégories, qui revient à sept reprises, dont cinq sur la plus haute marche du podium (« Excellence »,« Thème », « Version », «Vers latins » et « Histoire ») ; Nestor de Songeon, de Bourgoin, élève interne, huit fois cité, mais plus souvent en position de Poulidor ; Jean-Jacques Hardouin, de Lyon, élève interne, excellent "troisième couteau", dont le nom apparaît cinq fois. On trouve encore les noms d'Auguste Blanc, Marius Ginoyer, Eugène Turin, Jean-Baptiste Gérentet, Victor Boisset, Décius Giamarchi (de Vescovato, Corse).

Figure aussi un certain Dominique Barnola (« de Lyon, pension Champavert ») qui me rappelle les monstrueux chahuts que, élèves de 2de dans les antiques bâtiments de ce même lycée Ampère, nous avions fait subir au nouveau professeur de physique-chimie, qui portait ce patronyme, pour étrenner sa première année d'enseignement (dévissage intégral des plateaux - en bois - et des pieds - en fonte - des tables, entre autres, avec les conséquences qu'on peut imaginer). Nous retrouvant à la rentrée suivante, il s'était cruellement vengé, en crucifiant dans les trois premières minutes du premier cours notre camarade Pons, beaucoup moins méchant que nous autres, mais pas assez "discret" (ce qu'on appelle "faire un exemple"). Cette année-là, il fut tranquille. Comme quoi ...

samedi, 18 juin 2016

UN POEME

Je maquille là où je reste.

Je masque mes trésors.

 

J’assouplis mes humeurs amirales

Qui décomposent la frontière

Entre mon visage et le temps.

 

Et je compte à chaque minute

Chaque trace du pinceau qui rature

Le sillage creusé de mes traits.

 

J’ouvre sur hier des fenêtres,

Gouffres possessifs de reflets.

 

Mais voilà le miroir, jaloux de l’ombre où je le tiens,

Qui voudrait resserrer ses méandres

Autour du nombre de mes vies.

 

Je l'assigne à redevenir un sosie.

samedi, 11 juin 2016

CRISTALLISATION

EN GUISE DE "FAN-ZONE" FOOTBALLISTIQUE

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Avant, j’étais l’entracte,

Je défaisais un caramel

Bref comme un effleurement.

 

Avant, j’étais l’étincelle,

Là-bas au fond du corridor,

J’étais une peur qui criait.

 

Avant, je faisais taire avec vigueur

Les animaux du dedans.

 

Avant, d’être fermé,

C’était copeau, le temps présent.

 

Avant, je faisais tenir

L’être qui bouge,

Comme l’enduit sur la peau des momies.

 

J’étais vivant.

jeudi, 19 mai 2016

BRASSENS ET MUSSET

À MON FRÈRE REVENANT D'ITALIE

Cette chanson ne figure pas sur les 33 tours publiés par Georges Brassens. Je ne l'ai découverte que tardivement, quand j'eus acquis, progrès technique aidant, les objets supportant les reports numériques des œuvres presque complètes de Tonton Georges : les disques compacts.

Je suis comme la France en matière de progrès sociétaux, je veux dire "en retard". Vous savez, ces farces qu'on veut à tout prix vous vendre pour le fin du fin du dernier cri. Tout juste sorti des urnes sondagières, vous savez, ces machins qui vous convainquent que vous votez pour un guignol à 50,01 %, alors que l'autre moitié de vous-même vote pour le concurrent à 49,99 %. Ensuite, c'est aux deux moitiés de se réconcilier.

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Il semble que la chanson en question, non seulement est inconnue du grand public, mais reste un brin méconnue jusque dans les rangs des georgeomanes connaisseurs et autres brassensophiles diplômés. Quelle stupéfaction, quand j'avais entendu ce bijou, bien tardivement, au moment où j'avais remplacé mes vieux vinyles par des supports plus "modernes". On la trouve à la presque fin du CD "Mourir pour des idées" (avec la photo du chat au strabisme convergent carabiné). Dommage qu'une chanson-boutade vienne après ("Le roi boiteux", sur un poème de Gustave Nadaud), et rompe le charme. Enfin bon. 


 

Cette chanson magnifique (4'54 sur écran noir, moins de 5000 vues depuis août 2012, où elle fut installée, je n'ai rien trouvé d'autre) met en musique quelques strophes d'un magnifique poème d'Alfred de Musset : « A mon frère revenant d'Italie ». Du poème, Brassens ne retient que dix strophes sur trente-deux. Le goût poétique de Georges Brassens, inné et amoureusement cultivé, fait qu'il a indéniablement choisi les plus belles stances. Le poème s'en trouve miraculeusement allégé de ses impedimenta. 

Ainsi, mon cher, tu t'en reviens 
Du pays dont je me souviens, 
Comme d'un rêve, 

De ces beaux lieux où l'oranger 
Naquit pour nous dédommager 
Du péché d'Eve.

Tu l'as vu, ce fantôme altier
Qui jadis eut le monde entier
Sous son empire.
César dans sa pourpre est tombé ;
Dans un petit manteau d'abbé
Sa veuve expire.

Tu t'es bercé sur ce flot pur
Où Naples enchâsse dans l'azur
Sa mosaïque,
Oreiller des lazzaroni
Où sont nés le macaroni
Et la musique.

Qu'il soit rusé, simple ou moqueur,
N'est-ce pas qu'il nous laisse au cœur
Un charme étrange,
Ce peuple ami de la gaieté
Qui donnerait gloire et beauté
Pour une orange ?

Ischia ! c'est là qu'on a des yeux,
C'est là qu'un corsage amoureux
Serre la hanche.
Sur un bas rouge bien tiré
Brille, sous le jupon doré,
La mule blanche.

Pauvre Ischia ! bien des gens n'ont vu
Tes jeunes filles que pied nu
Dans la poussière.
On les endimanche à prix d'or ;
Mais ton pur soleil brille encor
Sur leur misère.

Quoi qu'il en soit, il est certain
Que l'on ne parle pas latin
Dans les Abruzzes,
Et que jamais un postillon
N'y sera l'enfant d'Apollon
Ni des neuf Muses.

Toits superbes ! froids monuments !
Linceul d'or sur des ossements !
Ci-gît Venise.
Là mon pauvre cœur est resté.
S'il doit m'en être rapporté,
Dieu le conduise !

Mais de quoi vais-je ici parler ?
Que ferait l'homme désolé,
Quand toi, cher frère,
Ces lieux où j'ai failli mourir,
Tu t'en viens de les parcourir
Pour te distraire?

Frère, ne t'en va plus si loin.
D'un peu d'aide j'ai grand besoin,
Quoi qu'il m'advienne.
Je ne sais où va mon chemin,
Mais je marche mieux quand ta main
Serre la mienne.

Les gens informés savent ce que Musset a subi d'avanies physiques et sentimentales en Italie, du temps des orages que connurent ses relations avec George Sand (« Ces lieux où j'ai failli mourir, Tu t'en viens de les parcourir Pour te distraire »). Paul de Musset a parcouru l'Italie de long en large et de haut en bas. Alfred et lui passent l'hiver 1843-1844 à échanger leurs souvenirs au cours de longues conversations. Au printemps, il compose "A mon frère revenant d'Italie".

Georges Brassens a élagué le poème de tous les clichés, chromos et autres stéréotypes devenus nos cartes postales, pour ne garder que les évanescences splendides d'une Italie de rêve, au service de laquelle se met la guitare de Joël Favreau, dont la seule introduction de la chanson constitue un petit miracle mélodique.

Il a eu raison d'évacuer tout le superfétatoire.

Voilà ce que je dis, moi.

jeudi, 21 avril 2016

UN POÈME

J’ai apprenti un corps terrestre

Pour fabriquer un visage expérimenté.

J’ai cuirassé dans un cerveau parjure

Des nombres nés de l’invisible

Pour forger une langue aux oiseaux.

Sous le garrot de l’écorce brune,

J’ai entendu floconner les venins

Accourus à la voix de la mémoire opaque.

 

C’était l’aconit de mon âme

Qui cousait sa vêture au fil du nerf optique.

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vendredi, 15 avril 2016

UN POÈME

Je me suis arrêté dans un rien

qui s’appelait nécessité.

Je me suis arrangé avec mes entraves

pour puiser un peu de violence dans mes efforts.

Je me suis accusé d’histoires décousues

qui ont réduit mon être à se conduire aveuglément.

J’ai serré dans l’ombre de mes bras

des souvenirs de griffes et de caillots.

J’ai abreuvé mes renoncements

à la source de mes parjures et de mes peurs.

 

Alors j’ai comblé mes attentes avec du sable sec :

c’était la vie ordinaire qui m’arrivait.

mercredi, 13 avril 2016

UN POÈME

J’ai laissé dans mon mur hivernal

un peu de mon obscurité.

J’ai rassemblé mes yeux et mes supplices

avant de dresser le bûcher.

J’ai attablé quelques convives

autour des bruits qui me conduisent.

J’ai installé la visiteuse

dans le présent de mes étoiles.

J’ai éclaboussé la mort douce

à l’œuvre dans mon atelier.

 

Alors je n’ai plus cessé d’accourir au-devant

et de chanter pour appâter la certitude.

09:00 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie

jeudi, 07 avril 2016

UN POÈME

FIAT LUX

 

J’ai caché l’âme dans les sensations :

Régulière et moirée, elle était cétoine et mirage.

J’ai réfugié la loi que je respire dans la cage, après-coup :

Irrégulière et feu de paille, elle a fauté.

J’ai déguisé l’humanité en vertige besogneux :

Elle a usé ma peur jusqu’à refermer le couteau.

J’ai dissimulé un corps dans le regard des pierres :

Il a couru dans le granit, jusqu’au rire.

J’ai enterré des morts dans des bouches à nourrir :

Ils ont taillé dans mon écorce un masque de violence.

 

Alors, du fond de la douleur inscrite au cœur des hommes,

Ma main est remontée pour ouvrir le soleil.

lundi, 04 avril 2016

QU'EST-CE QUE C'EST, LA POÉSIE ?

L'attente renouvelle et nourrit l'attente.

Rouvre la main, paradis.

Tout ce qui vibre est inépuisable. 

Tout ce qui vit plonge en racine jusqu'au frisson.

Loué soit ce qui se dérobe,

Miracle rond, qui suce la pensée par le marasme du fond.

Que tout ce qui nous aime advienne.

 

dimanche, 03 avril 2016

PHOTOGRAPHIE

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"TU ES PETRUS"

("Tu es pierre")

La même pierre au cou d'un corps en berne : 

la forteresse de l'homme n'en finit pas de s'engloutir.

La même pierre a creusé l'amnésie dans les opulences.

La même pierre désemplit les reflets trop obéissants.

La même pierre déloge la foule trop instable des signes

à la surface intense des impératoires.

La même pierre prémédite la première cervicale :

peut-être la colonne du sens verra de nos erreurs ingénieuses

la forme élaborée d'une prison vivable.

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Pure coïncidence : ce matin, au programme de "Sacrées musiques", l'émission de Benjamin François, plusieurs œuvres portant le titre "Tu es petrus" : Mendelssohn, Fauré, Duruflé, ... Je n'en tire aucune conclusion. Benjamin François diffuse ensuite l'oratorio Historia der Auferstehung Jesu Christi, chef d'œuvre de Heinrich Schütz, dans diverses interprétations. Celle dont je dispose (35 francs à la Fnac) est dirigée, en 1980, par Louis Devos, à la tête de "Musica polyphonica". Kurt Widmer est l'Evangéliste. Sur la pochette, La Résurrection d'Albrecht Bouts (à ne pas confondre avec Dieric). Cette version me donne toute satisfaction, bien que Benjamin François ne l'ait pas inscrite à son programme. Et malgré le ton condescendant de la notice du "Guide" de Diapason : la Tribune des critiques de disques fait toujours ses ravages : je me rappelle parfaitement le 2° concerto de Rachmaninov, la première fois que je l'ai entendu. C'était par un certain Léonard Pennario. Qui connaît ce grand pianiste ?

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vendredi, 01 avril 2016

LES CHOSES ET LEURS OMBRES

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Photo prise le 21 novembre 2015.

Photo couleur Frédéric Chambe.

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Le retour des couleurs dans leur nid lavera nos obscurités.

 

samedi, 05 mars 2016

À PROPOS DE RAYMOND QUENEAU

QUENEAU PAR LECUREUR.jpgMODESTES CONSIDÉRATIONS APRÈS LECTURE

1/2 

J'ai donc relu, dernièrement, La Vie mode d’emploi (1978), le chef d’œuvre de Georges Perec. Il se trouve que l’auteur le dédie « à la mémoire de Raymond Queneau », mort quelque temps auparavant (en 1976). Il se trouve que je compte sur mes rayons, depuis le 6 juin 2002, la biographie du dit Raymond Queneau par Michel Lécureur (j'aime bien noter la date d'arrivée des bouquins chez moi). Il se trouve, là encore, que je ne l’avais pas ouverte. J’ai hélas tendance à acheter plus de livres que je n’en lis. 

Je viens donc de combler le retard : j’ai lu le récit par lequel Michel Lécureur rend compte de la trajectoire de l’auteur de Zazie dans le métro. Rien à voir avec la vibrante biographie de Perec par David Bellos : ici, on a affaire à un travail d’universitaire sérieux, exact, rigoureux, sec. Queneau est fort bien disséqué : difficile de prendre vie dans ces conditions. Cela n'empêche pas l'auteur de montrer l'état de béatitude qui le saisit en étudiant son sujet : il orthographie « coquetèle » sans guillemets, pour coller à la fantaisie orthographique de Queneau, qui était un maniaque de la réforme. Il voulait, disait-il, « rationaliser » l'écriture du français, lui ôter de son "incohérence" et de son "arbitraire".

Et puis, qu'est-ce qu'il en fait, des listes de noms, Lécureur ! Ceux qui publient dans un numéro de revue. Ceux qui ont tenu telle réunion. Ceux qui ont signé telle pétition. L'exhaustivité est un Graal. A sa décharge, peut-être le personnage de Queneau se prêtait-il à ce traitement : tout le monde n'est pas spontanément porté à la confidence, même cryptée, comme l'était Perec. Contrairement à ce dernier, Queneau n'écrivait sans doute pas "pour se faire aimer" (je me cite). Et contrairement à ce que dit Anne de Brunhoff de son ami Perec, Queneau ne donnait pas envie aux autres de le "materner". Comme s'il se souciait de tenir les autres en respect. Je veux dire : à distance de respect. Chacun son tempérament, après tout.

Pour dire les choses comme je les pense, les quelques livres de Raymond Queneau que j’ai lus (Zazie, évidemment, et puis Odile, Le Vol d’Icare, Les Fleurs bleues et Pierrot mon ami) m’ont souvent intéressé, ils m’ont aussi amusé : ils ne m’ont jamais touché. Quant à la poésie, je la laisse volontiers à qui l'apprécie. Les romans, j’ai presque tout oublié des deux derniers (qui est exactement Cidrolin ?). Du premier, je garde, comme tout le monde, le « retraite mon cul » (p.29 du roman) de la petite peste qui veut devenir institutrice rien que « pour faire chier les mômes », et le « Tu causes, tu causes, c’est tout ce que tu sais faire », du perroquet Laverdure. Je garde Odile également, non à cause de l'éloge des mathématiques qu'il sous-entend, mais de l’image caustique et dérisoire que le roman offre d’Anglarès-André Breton, le terriblement antipathique « pape du surréalisme » (il me semble me souvenir qu'ils passent beaucoup de temps à boire des bières dans les cafés). 

Quant au Vol d’Icare, je me souviens seulement de l’argument : un écrivain travaille à son prochain roman, et voilà-t-il pas que ses personnages prennent la poudre d’escampette. C'est dingue, si les personnages se mettent à faire chier leur accoucheur ! C'est du même acabit que le petit poème, que Michel Lécureur juge « délicieux » (!) : « Bon dieu de bon dieu que j’ai envie d’écrire un petit poème / Tiens en voilà justement un qui passe / Petit petit petit / viens ici que je t’enfile / sur le fil du collier de mes autres poèmes […] / la vache / il a foutu le camp » (p.283). J’y vois surtout, de mon côté, une ridicule manifestation de complaisance et de niaiserie puérile. Un délassement d'intello. Exactement le Collège de 'Pataphysique : des vieux savants dans la cour de récréation. La littérature de Raymond Queneau, tout en se prenant très au sérieux, a trop à voir avec le jeu.

La même niaiserie ludique dont sont atteints les poètes en vogue dans les écoles primaires, vous savez, ceux qui veulent « faire moderne » en faisant du langage un objet en soi, et du jeu de mots un plaisir "poétique", sans voir le dessèchement qui va avec (je pense à Prévert, évidemment, quand il prend au pied de la lettre : "battre la campagne". Je pense aussi à Guillevic : « J’ai vu le menuisier tirer parti du bois (…) Moi j’assemble des mots, et c’est un peu pareil ». C'est dans Terre à bonheur. Ben non, Eugène, c’est pas pareil du tout). Possible que j'en aie un peu marre de ces enfantillages, qui sont devenus autant de ponts-aux-ânes, parfois dogmatiques.

La valeur littéraire que les laudateurs et adulateurs (mordez l'anagramme) de Raymond Queneau ("Les Amis de Valentin Brû") confèrent à ses œuvres me semble surfaite. Il faut le savoir : Queneau est un adepte de la modernité, son truc, c’est la distance, et même la distanciation brechtienne (Lécureur en parle), celle qui érige le langage en objet autonome, en univers en soi, et qui tient à tout instant à établir une distance entre ce qu’il écrit et celui qui le lira. Chez de tels modernistes, la priorité absolue est accordée à l'intelligence, au détriment de la substance vivante.

Queneau refuse au lecteur le plaisir de l’identification affective ou psychologique aux personnages, ce vieux truc affreusement romantique et bourgeois. Il faut être résolument « moderne » et intelligent : il est interdit de se laisser prendre au jeu. Il ne faut jamais être dupe. Et Lacan l'a bien dit : « Les non-dupes errent ». Il faut montrer les trucages, ce qu’il fait par exemple dans Le Vol d’Icare (ah, "vol", sa polysémie !), où l’un des personnages imaginés par l’écrivain dont il est question a déserté le manuscrit pour s’embaucher comme mécanicien dans un garage. Que c'est bête, quand j'y réfléchis, ce littéralisme ! Non, les mots ne sont pas des choses. Je me rappelle le bouquin d'un certain John Langshaw Austin, Quand dire, c'est faire (les « speech acts » et tout ce qui s'ensuit). Rien de tel pour me « prendre les boyaux de la tête ». Je dis, définitivement : non, merci ! L'intelligence, pourquoi pas ? Mais pas à n'importe quel prix.

C’est Jean Lescure qui formule la sottise moderniste, qui fait du langage un objet de culte dévotieux : « Tout l’art "moderne" refuse l’usage qui en est fait, dénonce la sottise de ne l’utiliser que comme moyen, s’émerveille de lui reconnaître une sorte de pouvoir objectif » (p.456). L'objectivité du langage : il fallait y penser ! Quelle vanité, que de retourner le langage sur lui-même ! La première sottise est celle qui ne se sait pas telle. Que les moyens soient promus au rang des fins me semble une aberration majeure : ça m’amène à m’interroger sur le contenu même du discours, qui frise alors l’évanescence, pour ne pas dire l’inconsistance, la vacuité, l'inanité. Qu'est-ce que je dis, quand je dis que je dis ce que je fais en le faisant ? Je ne suis pas assez souple pour, à l'instar du serpent ou du mime Mnester (le "sphéricubiste" (Thiéry Foulc) de la Messaline d'Alfred Jarry), me mordre la queue.

Mes excuses aux mânes de Jean Lescure, qui était un homme charmant. 

Voilà ce que je dis, moi.

vendredi, 12 février 2016

LICHEN

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Photo Frédéric Chambe, prise le 2 janvier 2016.

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Qu'est-ce qui retient la goutte noire, au bord du trou de lumière ?

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