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lundi, 29 octobre 2018

UN PEU DE BERNANOS

Message à tous les caritatifs, à tous les humanitaires, à tous les altruistes, à toutes les grandes âmes qui font profession de se porter au secours des misérables du monde entier et des victimes de toutes les calamités, qu'elles soient naturelles ou causées par les activités humaines.

« Les misérables n'ont jamais été aimés pour eux-mêmes. Les meilleurs ne les souffrent ou ne les tolèrent que par pitié. Par la pitié, ils les excluent de l'amour. Car la réciprocité est la loi de l'amour. Il n'est pas de réciprocité possible à la pitié. »

Merci, à l'occasion, à celui qui me dira de quel ouvrage sont tirées ces quelques lignes.

 

 

vendredi, 26 octobre 2018

FRANÇOIS MONTMANEIX

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LA PLAGE DE L'ESTARTIT

 

Les pins dégrimpent la colline

insouciante et joyeuse troupe

à la rencontre du solitaire 

qui regarde le ciel et lui demande :

— Ciel, beau ciel implacable !

Es-tu le premier ciel d'où vient le premier jour ?

Et seras-tu celui du dernier jours,

celui qui, ayant tout vu, doit tout savoir ?

Alors dis-moi :

pourquoi la vie se donne-t-elle tant de mal

pour nous tirer du néant, si c'est pour nous 

y rejeter au plus vite, après nous avoir imposé

l'amertume de tant d'épreuves ?

« Tu as deux barques à tes côtés : celle de Charon

et celle où embarquer pour Cythère — répond le dur ciel.

L'une vient de ce qui commence, l'autre va à la fin des choses.

Tu as le choix — tu avais le choix — tu as toujours eu le choix.

C'est pour l'avoir ignoré qu'aucune des deux barques

ne peut te prendre à son bord puisque tu poses

la seule question à jamais sans réponse ...»

                                                              4 mai 2018

MO JEAN HUGO 1953.jpg

La plage de l'Estartit, Jean Hugo, 1953.

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Ceci est le dernier poème écrit par François Montmaneix. Il a été lu par sa fille Edith, en l'église Saint-Bruno-les-Chartreux en ce 26 octobre 2018, lors de ses funérailles.

jeudi, 25 octobre 2018

MORT D'UN POÈTE

FRANÇOIS MONTMANEIX

MONTMANEIX1.jpg

La dernière fois que j'ai rencontré cet homme, ça avait duré une petite semaine. Six jours exactement. Oh, pas toute la journée : les rencontres avaient eu lieu le soir, et même pas très longtemps, le temps d'échanger quelques mots en attendant que la sonnerie retentisse. Cela se passait à la salle Molière, quand le quatuor Auryn, à l'invitation du très regretté Jean-Frédéric Schmitt (grand luthier devant l'éternel et initiateur des Musicades), était venu à Lyon donner l'intégrale des quatuors à cordes de Beethoven. 

MO SCHMITT JF.jpg

Je l'ai connu haut responsable dans une entreprise. Je l'ai connu administrateur de l'Auditorium Maurice Ravel de Lyon. Mais si je l'ai approché, c'est avant tout comme poète, à une époque où je me croyais moi-même poète. Pour cette raison, j'avais rejoint la fine équipe de Poésie-Rencontres (Pierre Ceysson, Marc Porcu (†), Manuel van Thienen, Jean Perrin, Annick de Banville (†), André Martinat (†), Geneviève Vidal, il faudrait les nommer tous), et c'est dans ce cadre amical et bonhomme que François Montmaneix s'était prêté au jeu, précisément, de la "rencontre". C'est de sa bouche, à cette occasion, que j'ai appris l'existence des "Octonaires de la vanité du monde", de Paschal de l'Estocart. Il était un mélomane expert.

Cet homme d'une belle élégance morale et d'une courtoisie irréprochable, et qui avait une haute idée du "métier" de poète, a milité pour l'art chaque fois qu'il fut en position de le faire. Il initia les grandes expositions de peinture qui eurent lieu à l'Auditorium (Artrium, avec Evaristo (†), Salvatore Gurrieri (†)) et au "Rectangle" (place Bellecour : Ousmane Sow, Gérard Garouste, Ernest Pignon-Ernest, ...). Il obtint de la ville de Lyon de décerner chaque année un "prix de poésie" qui porte le nom de Roger Kowalski, autre poète lyonnais beaucoup trop tôt disparu (les manuscrits lauréats édités par l'Imprimerie de Cheyne). Colette Kowalski, l'épouse de celui-ci, après sa mort (à peine plus de 40 ans), avait repris et maintenu bien haut le flambeau de la Galerie d'art qu'il avait ouverte sur le quai de Bondy (la galerie K).

Il s'est trouvé que, dans une circonstance bien curieuse, à peine apprise la mort de François Montmaneix par le journal, je croise Isabelle, son épouse, qui venait dans la boutique de reprographie où j'ai moi-même des habitudes, quelque part à la Croix-Rousse. Elle venait récupérer des travaux sur lesquels la parution dans le Progrès du jour ne laissait guère de doute.

Voilà, adieu monsieur Montmaneix. Par bonheur, nous pouvons à loisir retourner sur les traces que vous laissez. Salut, François !

MONTMANEIX VISAGES DE L'EAU.jpg

Tiré de "Visages de l'eau"

dimanche, 21 octobre 2018

CLIMAT : LA RECETTE MIRACLE !

Dans la série "Des nouvelles de l'état du monde" (N°66).

Résumé : Corinne Pelluchon et Raphaël Stevens, les invités de Florian Delorme (émission "Culture Monde" sur France Culture, jeudi 18 octobre), ont peut-être compris que le système économique actuel mène l'humanité à la catastrophe. En tout cas, loin de proposer de lutter pour l'empêcher, la philosophe et le prospectiviste ont réfléchi à la façon dont il faudra gérer les populations quand celle-ci se sera produite.

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Voilà donc tous les apports dont sont capables, dans les circonstances actuelles, les sciences sociales (Pelluchon se dit philosophe) et la futurologie (Stevens se dit "prospectiviste"). C'est bien ce que je disais : les intellos sont définitivement impuissants à modifier le réel, leur travail se réduit à proposer des recettes pour "agir sur les mentalités". Sans avoir les moyens de les mettre en œuvre, à moins qu'un maître puissant les prenne à leur service pour mettre à l'épreuve, contre rémunération, le pouvoir d'influence de leurs trouvailles. Seules les trouvailles jugées "vendables" par le maître puissant (entendez capables de générer du "cash") trouveront grâce à ses yeux. C'est une question de "créneau" et de "marché".

Je veux dire que P. et S. connaissent à fond leur Edward Bernays, l'inventeur (avec quelques autres, Walter Lippmann, ...) de la manipulation des foules, du "gouvernement invisible" et du coup d'éclat publicitaire (il double d'un seul coup le public potentiel de la firme Lucky Strike en 1928 en donnant à une cohorte de femmes payées pour ça la consigne de fumer dans la rue, très ostensiblement, sous l’œil des caméras).

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L'œuvre fondatrice du maître et un extrait de la première page. Autrement dit, l'un des pères de la publicité moderne considère le peuple comme un conglomérat de gogos.

Pelluchon et Stevens s'en remettent aux recettes d'un grand Manitou de la com'. C'est triste : ils sont en train de mettre sur le marché des idées dont ils espèrent de fructueux retours sur investissement. C'est presque une demande d'emploi auprès des industriels de la communication : après tout, le marché du bien-être existe déjà bel et bien. De petits épiciers, finalement. Accessoirement, les rayons de librairie "Développement personnel" n'ont pas fini de s'allonger.

Pelluchon et Stevens sont peut-être au courant de l'émergence de l' « économie comportementale » (récent prix Banque-de-Suède-alias-Nobel d'économie) et d'une de ses facettes, le « nudge marketing », qui amène les consommateurs à modifier sans contrainte leur comportement. Au Danemark (je crois), des urinoirs spéciaux ont été installés (je ne sais pas où ni en quel nombre) : dans la faïence de l'objet, l'image d'une mouche a été insérée au centre. Résultat ? Les frais de nettoyage ont été réduits de 80%, parce que les pisseurs avaient à cœur de viser l'animal avec soin. Ô pauvres hommes si prévisibles ! Ô l'admirable manipulateur !

Je ne rappellerai que pour mémoire la pudeur de vierges effarouchées de Beauvois et Joule qui minimisaient dans leur désormais célébrissime bouquin, que j'avais lu à parution, la portée manipulatoire des inventions de la psychologie sociale (par quel procédé technique obtenir d'un individu qu'il fasse le geste qu'on attend de lui tout en lui laissant croire que ce geste émane de sa seule volonté ?). Ils refusent d'assumer les usages potentiellement pervers ou dévastateurs qui peuvent être faits des expériences qu'ils rapportent par des gens malintentionnés. Un intello ne peut envisager le Mal, qu'on se le dise. Un intello doit toujours proposer des perspectives d'avenir, des ouvertures, des raisons d'espérer. La faute sans doute au formatage préalable, vous savez, le sacro-saint plan "Constat-Cause-Solutions" appris dans toutes les écoles, de l'ENA aux écoles de journalisme (on observe, on analyse, on propose). Un bon rapport, une note de synthèse digne de ce nom ne saurait s'achever sur une note pessimiste.

Pour cela, Beauvois et Joule s'appuient probablement sur le motif bizarroïde qu'une technique n'a rien à voir avec les usages qui en seront faits (c'est aussi l'opinion déplorable de Paul Jorion) : c'est commode de se défausser ainsi sur les spécialistes, les abstractions et les bonnes intentions de l'"ETHIQUE" (Ah que voilà un vocable qu'il est beau !). Commode application du principe de la "division du travail" et de la compartimentation des tâches : chacun chez soi, et les vaches seront bien gardées.

En fait, les inventeurs de la technique sont aveugles, et pour les conséquences de leur créativité, ils repassent le bébé à une autorité chargée d'édicter un "code de bonne conduite" et de se déguiser en gendarme en lui disant : « J'invente, je fabrique, et toi, démerde-toi avec ça !». Ils considèrent les techniques comme neutres et innocentes par principe. Ils sont forcément du côté de "L'Empire du Bien" (Philippe Muray). Bien au chaud dans l'évidence nouvelle provoquée par l'innovation, les "Comités d'éthique" leur tiennent compagnie. Oh, Delacroix, c'était quand, déjà, "La Liberté guidant le peuple" ?

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Pelluchon et Stevens parient en réalité sur les techniques les plus sophistiquées de la psychologie sociale, de la publicité (disons : de la propagande) et de la manipulation des foules pour remédier aux conséquences économiques, environnementales et humaines catastrophiques bien concrètes que nous prépare sans faute le système économique globalisé tel qu'il fonctionne aujourd'hui. Comme remède au Mal qui s'annonce, quelle trouvaille ! Du moins c'est ce qu'ils croient. Ou qu'ils font semblant de croire ? Peut-on être naïf à ce point ? Ce qu'ils voudraient, c'est façonner de nouvelles subjectivités de masse capables d'assister à la catastrophe sans se faire trop de souci et sans que les sociétés se transforment en champs de bataille ?

Ce qu'ils voudraient, c'est inspirer à sept milliards d'individus une façon obstinément positive de contempler le désastre quand il se produira. Ils voudraient avant tout que les humains restent bien assis quand les ressources, le confort et les perspectives de vie agréable auront foutu le camp. Ils voudraient leur inculquer la recette pour ne pas se sentir malheureux du malheur. Et surtout, sans doute, éviter le "chacun pour soi".

D'abord, c'est la quadrature du cercle. Ensuite ils ne savent rien de la façon d'arriver à ce magnifique résultat : rendre l'humanité docile à l'idée de son futur avilissement. Comment amener l'humanité à faire le deuil de son train de vie, de son confort, surtout pour ceux qui en constituent la partie nantie ? Comment appeler ceux qui en sont démunis à renoncer aux promesses de perspectives prospères ? A se dépouiller de leurs "grandes espérances" (génial roman de Dickens) ?

A la question insistante et pertinente de l’excellent Florian Delorme (« Mais enfin, comment on fait ? », je souligne la seule question importante), ils n'ont pas de réponse. J'ai juste entendu le pauvre Raphaël Stevens, après un silence, bredouiller quelque chose comme : « Eh bien, euh, continuer le cheminement ... » (texto). Piteux. La baudruche est dégonflée. La Pauvre Corinne Pelluchon clame haut et fort : « Je ne suis pas dans le "Y a qu'à-Faut qu'on" ». Cela dit toutes les solutions qu'elle propose reviennent à du "Y a qu'à-Faut qu'on". C'est risible. Sous leur discours qui déborde de paroles verbales, que reste-t-il de tangible ? Si peu que rien.

En fait, tout le travail de Corinne Pelluchon, de Raphaël Stevens et des gens qui pensent comme eux consiste à enrober, à tourner autour du pot, à euphémiser, à retarder le moment de la prise de conscience par les masses du cataclysme promis. Stevens n'a pas tort quand il dit que ce ne sera pas un événement brutal dans le genre Jour du Jugement Dernier, mais que c'est un processus. Il ne faut pas inquiéter les masses, les masses, c'est imprévisible, on ne sait jamais ce qu'elles sont capables de commettre. P. et S. ne proposent aucun remède à la crise qui s'annonce : ils conjurent les hauts responsables de prendre en compte les risques qu'il y aurait à ne pas prendre en compte les grandes angoisses qui vont aller en augmentant à mesure que les situations concrètes deviendront plus difficiles à vivre.

Très rapides en rythme géologique, mais d'une lenteur imperceptible et désespérante au rythme d'une vie humaine, on constate en effet des phénomènes terribles, mais qui se produisent si lentement et en ordre tellement (de moins en moins) dispersé que personne n'y voit un processus en marche, ni ne fait le lien entre eux, et que le processus avance inexorablement une fois l'attention retombée dans les préoccupations ordinaires. Mais pourquoi Stevens va-t-il se perdre dans les fumées de la propagande et de l’action psychologique ?

Non, ce qu'il faudrait, c'est dire la vérité aux foules et préparer la répression des paniques, des jacqueries et des révoltes populaires massives (dont l'élection de démocrates autoritaires à laquelle on assiste depuis quelques années - Pologne, Hongrie, Amérique, ... - est selon moi un symptôme, voire un signe avant-coureur). La vérité ? Un nombre infinitésimal d'hommes vandalise la planète à son seul profit, s'accaparant des montagnes d'or. Ces quelques hommes bourrés de fric jusqu'aux trous de nez sont incapables de dépenser leur fortune autrement qu'en œuvres d'art qui s'autodétruisent (Banksy) et autres objets ostentatoires et inutiles. Dans le même temps, ils réduisent à la précarité et à la servitude des centaines de millions d'individus qu'ils font mine de vouloir secourir à travers des fondations qui n'émeuvent que les gogos. Mais j'entends les haut-le-cœur : Bill Gates, Jeff Bezos, etc... ah les braves gens, quand même ! Comment osez-vous vous en prendre à ces milliardaires au grand cœur ?

Pelluchon et Stevens, en réalité, crèvent de trouille. Ils savent comment des milliards d'hommes réagiront quand ils verront se resserrer autour de leur cou le nœud coulant de la réalité économique, environnementale et politique. La violence, la haine, la guerre, ils les voient (peut-être) venir, mais cette réalité-là est trop monstrueuse pour être endossée par de dignes universitaires, par des intellos propres sur eux, et qui veulent continuer à être pris au sérieux dans les milieux savants (ils ont pondu un bouquin savant, n'est-ce pas, il faut vendre). Ils ne veulent pas scier la branche sur laquelle ils sont assis. Pour cela, ils n'ont pas renoncé à espérer, même si c'est en faisant semblant. Ils n'ont pas renoncé à "mentir au peuple". S'ils ont l'intelligence que je leur prête, ils ne sont pas près de laisser tomber l'imposture qui les fait vivre. Il faut bien vivre ...

En attendant, ils publient des bouquins très savants qui ressemblent comme des gouttes d'eau à des livres de prière.

Voilà ce que je dis, moi.

samedi, 20 octobre 2018

CLIMAT : LA RECETTE MIRACLE !

Dans la série "Des nouvelles de l'état du monde" (N°65).

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CODICILLE

(« Alors cerné de près par les enterrements,

J'ai cru bon de remettre à jour mon testament,

De me payer un codicille. »)

Tonton Georges.

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J'entendais avant-hier, sur France Culture, dans l'émission "Culture Monde" de Florian Delorme (que j'écoute très régulièrement, et bien souvent avec intérêt), deux ahuris pérorer leurs niaiseries parfois hilarantes au sujet de l'effondrement  (voir ici aux 14 et 15 octobre). Ce fut du moins ma première réaction. Corinne Pelluchon et Raphaël Stevens, deux beaux exemplaires de l'imposture intellectuelle. Deux magnifiques symptômes de l'impuissance des intellos à peser sur les événements. Deux prestidigitateurs capables de faire disparaître la réalité des choses sous le Niagara de leur verbe vide. Accessoirement, Raphaël Stevens se targue d’être « collapsologue », en français : spécialiste dont l’objet d’étude est la notion d’effondrement appliquée à toutes sortes d’objets. Il cherche en particulier à établir scientifiquement les lois qui président aux effondrements des civilisations. Mazette ! Excusez du peu !

Leur grande question, face à l'effondrement inéluctable qui nous menace et qui viendra, est : "comment continuer à vivre bien et à vivre ensemble à mesure que la vie de l’humanité deviendra plus difficile et que celle-ci aura perdu les bienfaits matériels que lui procure encore aujourd'hui la civilisation industrielle ?" Ils répondent grosso modo qu'il est aujourd'hui vital d'agir sur les mentalités si nous ne voulons pas que la dite humanité retourne à sa barbarie initiale et, pourquoi pas, à son animalité originaire. Ils vous apprendront comment faire pour continuer à "valoriser les émotions positives" et à "refréner les émotions négatives". L'industrie du bien-être au service de l'ordre social, quoi. Et sur fond de spectacle de désolation !

Moi je demande comment des gens qui manifestent un peu d'intelligence peuvent tomber à ce point à côté de la plaque. Ils n'ont rien compris à ce qui est en train de se passer. La réalité qui se laisse d'ores et déjà pressentir nous promet des conditions d'existence de plus en plus difficiles : 1 - l'économie est en train de nous préparer, au dire d'un certain nombre de spécialistes (contredits par d'autres), une belle catastrophe ; 2 -  les gaz à effet de serre auxquels il faut ajouter les "apports" de l'industrie chimique à "l'amélioration" de notre alimentation, sont en train de nous préparer une autre catastrophe, environnementale cette fois ; 3 - les circonstances politiques et sociales faites dans beaucoup de pays aux populations (et à certaines en particulier) sont en train de nous concocter une magnifique catastrophe humaine (dont les migrations actuelles ne sont qu'un des signes annonciateurs).

Dans un deuxième temps, me grattant l'occiput d'un index perplexe, je me suis demandé ce qui amenait des gens apparemment instruits à proférer pareilles inepties. Je me suis pris à supposer qu'ils avaient peut-être, malgré tout, bien compris ce qui est en train d'advenir. Je me suis alors demandé par quel cheminement tortueux ils étaient parvenus à ces discours qui se voudraient optimistes et consolateurs. Et je me suis souvenu de la première partie du livre co-publié par Raphaël Stevens et Pablo Servigne Comment tout peut s'effondrer. J'avais dit tout le mal que je pensais, ici-même, des deux dernières parties de ce livre, mais le plus grand bien du constat impeccable et implacable que ses auteurs dressaient auparavant, graphiques à l'appui, de la situation actuelle du monde, d'après de multiples critères qui tous convergeaient vers cette conclusion : "Tout va s'effondrer". Ou même : "Tout est en train de s'effondrer". Mais ils refusaient de renoncer à leur optimisme et d'aller au bout de leur logique.

L'objet de la réflexion de Corinne Pelluchon et Raphaël Stevens, chacun dans son domaine, se situe non pas dans la question "que faire pour empêcher la catastrophe ?", mais dans "comment anticiper l'attitude des hommes pendant et après la catastrophe et prévenir une catastrophe à suivre, sanglante celle-là, qui illustrera en rouge l'expression bien connue "la guerre de tous contre tous" ?" J'avoue que ce déplacement de la question m'a plongé dans un abîme. Si mon hypothèse est bonne, Pelluchon et Stevens tiennent la catastrophe pour inéluctable, voire quasiment acquise. Et ils pensent au "coup d'après" : comment les hommes vivront-ils dans un monde où il n'y aura plus d'argent dans les distributeurs ou plus d'eau dans les robinets ? Plus de lumière quand ils pousseront le bouton ? Plus d’allumage quand ils actionneront le démarreur ?

J'avoue que j'ai mis un peu de temps à comprendre que ça pouvait être ça : si j'ai bien compris, Pelluchon et Stevens (et quelques autres "collapsologues", comme ils se plaisent à se qualifier) auraient compris l'issue fatale qui guette l'humanité productiviste. Et ils aimeraient bien que la suite se passe, disons, "le moins mal possible". Ah bon ? C'était donc ça ?! Eh oui, chers petits enfants (car on l'a compris, c'est à des enfants que s'adressent Pelluchon et Stevens), apprenons à vivre bien ensemble dans la prochaine sauvagerie économique, environnementale et sociale qui a commencé à redessiner le paysage tel qu'il existait avant l'aube de l'humanité. Il me semble qu'ils ont trop visionné de "feel good movies" : mettre du baume sur la plaie encore ouverte, voilà une recette miracle qu'elle est bonne.

Suitetfin demain.

vendredi, 19 octobre 2018

CARTES POSTALES DE LYON

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Vue prise depuis l'hôpital gériatrique de Fourvière : la "Passerelle des Hauteurs", la tour métallique, la basilique. La passerelle suit exactement l'itinéraire du tram qui transportait les corbillards montés par le funiculaire de Saint-Paul à la "Gare de Fourvière", puis en direction du cimetière de Loyasse. Les Lyonnais l'appelaient "La Ficelle des morts" ("ficelle" pour "funiculaire"). Ci-dessous, sur un plan de Lyon en 1914, un aperçu des tracés respectifs du funiculaire et du tram, y compris le "pont de Loyasse" à la hauteur des "Dames du Calvaire", qui abrite aujourd'hui l'hôpital. 

A LYON PLAN 1914.jpg

Le "Funiculaire Saint-Paul" dans le biseau de l'immeuble à l'aplomb de la tour métallique, encadrant, avec le bâtiment de la gare Saint-Paul, l'entrée de la montée Saint-Barthélémy (qui n'a pas changé).

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Le funiculaire Saint-Paul-Fourvière (gare du bas, ci-dessous) a été supprimé le 25 décembre 1937.

FUNICULAIRE ST PAUL FOURVIERE.jpg

Ci-dessous, la jonction (gare du haut) entre la "Ficelle" et le tram.

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La "Passerelle des Hauteurs" s'appelait le "Pont de Loyasse" (ci-dessous).

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Un petit problème...

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Je sais, ce billet n'est pas drôle. C'est comme la vie : pas toujours. Si vous croyez que j'ai toujours le cœur à rire ...

mercredi, 17 octobre 2018

SOUS LE GRAIN DE FOLIE

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Voilà, "Le Grain de Folie" a plié bagage. Il sera remplacé par un trio de "bistronomes". C'est plus "tendance" (il paraît qu'il faut dire "trend"). On regrettera à jamais Kamel et son "duo rognons-ris de veau" accompagné de son succulent gratin de pennes (bourré de crème). 

Les nouveaux propriétaires ont bien sûr enlevé l'enseigne (celle qui se reflète vaguement dans la baie vitrée rétro-éclairée sur la photo ci-dessous, après remise à l'endroit), et révélé l'ancienne raison sociale. Assez pour deviner que, avant "Le Grain de Folie", ça s'appelait le "Bar à Thym". Fallait y penser, non ? Ce thym, il ne titrait pas 12°, par hasard ?

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Ah, j'allais oublier : le futur établissement s'appellera le "Copper Roots". Hachement branchouille, non ? La classe, non ? Bon, c'est sûr, ça ne fait pas très "canut", mais il faut vivre avec son temps, non ? Après la petite boutique "Perles de Jouvence", après la petite boutique "Le Papier merveille", je me dis que la Croix-Rousse change de plus en plus vite. 

lundi, 15 octobre 2018

CLIMAT : LA RECETTE MIRACLE !

Dans la série "Des nouvelles de l'état du monde" (N°64).

Car il faudrait effectivement un miracle pour échapper à la malédiction. J'entendais un brave jeune homme, un "youtubeur" qui a lancé une initiative citoyenne, consistant à encourager la population à multiplier, dans sa vie quotidienne, les "gestes écoresponsables". C'est gentil, ça part d'une bonne intention, ça ne fait pas de mal, et il y croit sûrement. Le problème, il est là : ce jeune homme croit au miracle. Et ça ou croiser les doigts pour conjurer le mauvais sort, c'est kif-kif.

Il faudrait qu'il se fasse enfin à l'idée réaliste que le geste individuel, si ça vous satisfait individuellement (mettant fin à la "dissonance cognitive"), n'a jamais été (et ne sera jamais) en mesure de modifier en quoi que ce soit la marche de tout ce qui fonctionne comme système. Se prétendre capable d'attaquer un système, c'est être sûr d'être en mesure de détruire toutes les interactions, jusqu'aux plus infimes, entre les innombrables éléments qui constituent ce système. Révérence et salut d'avance au génie de celui qui sera capable de cette haute performance : tant que les interactions fonctionnent, le système peut dormir tranquille.

Croire que les "gestes écoresponsables" peuvent mettre fin au réchauffement climatique, c'est croire au Père Noël. Pour cela, il y a une recette et pas deux : arrêter les moteurs. Tous les moteurs. Le problème, c'est qu'elle est miraculeuse : elle ne se produira pas. Il faudrait changer de civilisation.

J'en vois une jolie preuve dans la conversion assez rapide de toute l'industrie automobile à la voiture électrique, désormais présentée comme une nouveauté extraordinaire. Une vraie planche de salut pour un système à bout de souffle. C'est du moins la fable aimablement colportée par les médias, tous complaisants propagandistes de la voiture électrique. Quel sera l'effet de la voiture électrique ? Elle aura pour seul effet de purifier l'air des malheureux citadins. On respirera sûrement mieux dans les villes. Mais l'électricité, il faudra bien la produire, non ? Par combien la production d'électricité doit-elle être multipliée pour rejoindre dans la réalité l'efficience du moteur à explosion, source majeure des gaz à effet de serre ?

Le problème reste entier et sera simplement déplacé : c'est bien l'énergivoracité de l'humanité actuelle et future qui constitue la part essentielle de ce qui fait le réchauffement climatique. Mais en quel siècle les sources renouvelables d'énergie se seront-elles complètement substituées au charbon, au pétrole, au gaz, aux pétroles et gaz de schiste ? Pendant ce temps, beaucoup de pays et de responsables politiques (et de lobbies) dans le monde parient sur le nucléaire, et alors là, pardon, mais le problème s'aggrave diablement, quoique d'une autre façon. L'humanité consomme chaque année davantage d'énergie : c'est une maladie grave à laquelle nous sommes asservis. 

Quand on voit le désarroi des gens qui, pour une raison quelconque (tempête ou autre), tombent en panne de courant, il y a quelque chose de fascinant (et même de jouissif d'une certaine manière) à imaginer ce qui se passerait le jour où le monde entier serait brusquement plongé dans le noir quand l'électricité cesserait de l'alimenter. Le jour où l'alimentation de la planète en énergie serait soudain coupée. 

La question essentielle est :

QUI A (VRAIMENT) ENVIE D'ARRÊTER ? 

(Avec toutes les conséquences que cela implique.)

Certainement pas les cadres dirigeants des plus grandes entreprises qui dominent le marché mondial et qui gouvernent la réalité du monde aujourd'hui. 

Certainement pas les actionnaires qui attendent toujours de meilleurs "retours sur investissement".

Certainement pas les "fonds de pension" richissimes qui exigent des taux de profit de 10% par an, voire plus.

Certainement pas les chefs d'Etat ou de gouvernement qui lèchent le cul de leurs électeurs dans le sens du poil parce qu'ils préparent la prochaine échéance.

Certainement pas les populations du monde dont la vie quotidienne se heurte à toutes sortes de difficultés économiques ou politiques et qui n'ont qu'une idée en tête : se soustraire dans l'immédiat aux cruautés de la réalité et, éventuellement quand on a les moyens, rejoindre les Eldorados européens ou américains dans l'espoir de ramasser quelques miettes de notre "bonheur" matériel.

Et je ne parle pas des masses de gens qui se voient, dans les pays au seuil de la prospérité, tout près d'acquérir quelques biens "modernes" qui, aux yeux des "nantis" que nous sommes, font depuis lurette partie du paysage. Ils ont notre façon de vivre dans leur ligne de mire (et au nom de quoi leur en dénierait-on le droit ?).

Certainement pas les populations des pays "avancés" qui ont acquis une certaine sécurité économique et refusent mordicus de voir régresser les standards de vie matérielle qui sont devenus les leurs. Il se trouve que j'appartiens à cette catégorie des gens ordinaires, et que je pense comme eux : pour quelle raison faudrait-il que je me laisse dépouiller des avantages concrets que me procure la société présente ? Je ne suis pas membre de la classe des nantis, et je suis obligé, comme pas mal de gens, de surveiller mon compte en banque à partir du 15 du mois. Ce qu'elles réclament aux responsables politiques, les populations, c'est de quoi se loger, s'habiller et se nourrir (et plus si possible). Bref : du travail. 

Les scientifiques ? Ils restent dans leur rôle : ils dressent le constat. Alarmant pour qui est sensible à cette alarme, mais désespérément neutre et sans effet concret notable. Les scientifiques sont lucides, mais concrètement désarmés : ils n'ont que la parole, et qui les écoute vraiment ?

Les militants ? Les convertis ? Je dis juste : combien de divisions ?

La "société civile" ? L'expression me fait rire (jaune). Que ce soient les "Marches pour le climat" ou les rendez-vous mensuels de "Nous voulons des coquelicots", un peu de lucidité suffit à mesurer le poids réel insignifiant de ces mouvements (pour l'instant purement français, même si) dans les prochaines décisions politiques, décisions elles-mêmes de quel poids dans le "concert des nations" ? Regardons le poids de l'îlot  "petite France" dans l'archipel européen, et puis regardons le poids de l'île européenne dans la marche du monde : rien de tel pour rabattre les ambitions.

Le "développement durable" ? Arrêtez de plaisanter. La "croissance durable" ? L'expression est une contradiction dans les termes. Le rarissime économiste conscient des enjeux ne cesse de polir ce beau concept, "croissance durable" : il ment. Ou alors il n'a rien compris : il veut donner à l'écologie une place dans son programme, alors qu'en réalité, le programme tout entier, ça devrait être l'écologie. Vouloir de la croissance pour donner du travail à tout le monde, c'est exactement ce qu'attend le réchauffement climatique pour croître et embellir. Vouloir d'une part de la croissance, du travail et de la production, et d'autre part prétendre qu'on peut quand même lutter contre le réchauffement, c'est vouloir tout et son contraire.

J'en ai plus que marre d'entendre seriner à longueur d'appels alarmistes, par de doctes personnes, les refrains commençant par "IL FAUT". Ce "il faut" s'adresse à qui, en définitive ? Comme on dit au théâtre, c'est "à la cantonade". C'est-à-dire à personne et à tout le monde. Or ce tout le monde-là, il est conscient qu'il faudrait "limiter le réchauffement climatique". C'est vrai : tout le monde a de bonnes intentions et personne n'a envie que la situation empire. Mais qui en tire les conséquences concrètes sur sa propre existence ? PERSONNE (ou si peu). Personne n'a l'intention de changer de mode de vie. Personne n'envisage de se restreindre.

J'en tire la conclusion que personne n'a l'envie ou la possibilité, et encore moins la volonté d'arrêter le réchauffement climatique. Parce que personne ne veut perdre quoi que ce soit de ce qui fait partie de son existence. Tout au plus, dans le meilleur des cas, envisage-t-on de "faire un geste pour le climat", pourvu qu'il soit maintenu soigneusement dans les marges et ne modifie pas trop le principal des façons de vivre. Si des hommes politiques sont conscients de cela, on comprend pourquoi ils pincent la corde écologique avec tant de précautions et de généralités verbales, et le plus souvent en actionnant l'étouffoir. Pour arrêter, il faudrait une majorité mondiale de gens d'accord pour se dépouiller eux-mêmes.

IL FAUDRAIT UN MIRACLE, ET IL N'Y A PAS DE MIRACLE.

Non, le règne de la civilisation matérialiste se révèle aujourd'hui pour ce qu'il est : une arme de destruction massive de la notion même de civilisation. Je ne suis pas "pessimiste", mais je déteste me raconter des fables, et je déteste les bonimenteurs qui me dorent la pilule et me racontent des bobards. Je ne suis pas comme Ernst Bloch : Günther Anders, dans L'Obsolescence de l'homme, ce livre intransigeant et terrible (parfois injuste), lui en voulait beaucoup, parce qu'il « n'avait pas le courage de cesser d'espérer ». Je suis une des innombrables souris concrètes enfantées pas la montagne productiviste, je n'échapperai pas au sort commun, je vois l'impasse et j'y vais, ni plus ni moins que tout le monde.

Désolé de plomber l'ambiance.

Voilà ce que je dis, moi.

dimanche, 14 octobre 2018

CLIMAT : LA RECETTE MIRACLE !

Dans la série "Des nouvelles de l'état du monde" (N°63).

Je ne l'ai encore dit à personne, mais j'ai inventé la recette miracle pour combattre le réchauffement climatique. Bon, pour être franc, je ne suis pas le seul à l'avoir trouvée. On ne peut même pas dire que c'est moi qui l'ai inventée. Mais comme je n'en entends jamais parler nulle part ailleurs que dans des journaux confidentiels ou dans des émissions écoutées par trois pelés et un tondu, j'ai décidé de la donner ici, gratuitement, dans ce blog à l'audience interplanétaire.

Parce que c'est vrai, à force d'entendre les cloches, tocsins ou glas sonnés par un nombre désormais appréciable de scientifiques et entendus par un nombre non négligeable de convaincus, et comme la chose s'est désormais insinuée dans "l'opinion publique" (entendez : le corps électoral), les responsables politiques (pas tous, et même très loin de là) ont commencé à considérer qu'ils devaient ajouter à leur arc la corde climatique, s'ils avaient l'intention d'entrer en résonance (entendez : récupérer des parts de marché) avec les gens dont ils attendent le bulletin à la prochaine échéance.

Mais attention, tous ces braves ambitieux qui se targuent et promettent d'en finir avec les maux qui accablent le dit corps électoral, n'ont pas la seule corde climatique à leur arc politique. Il y a aussi la corde "chômage-emploi-travail", la corde "impôts-taxes-pouvoir d'achat", la corde "terrorisme-sécurité-victimes", la corde "Europe-souveraineté nationale" (et quelques autres), qui représentent des parts de marché électoral à préserver farouchement contre les avanies de la concurrence. Car ça, ce sont des thèmes porteurs, de vrais incontournables.

(Soit dit entre parenthèses, le corps électoral, en général, veut du concret et de l'immédiat. Disons-le : le corps électoral, dans sa grande majorité, ne voit pas beaucoup plus loin que le bout de ses envies ou de ses obsessions du moment. Il est donc facile à berner.)

Je veux dire que la préoccupation climatique des candidats est une corde mineure. Un accessoire. C'est même la toute petite dernière des roues du carrosse, comme l'ont montré les couleuvres que Macron a fait avaler à Nicolas Hulot jusqu'à ce que celui-ci jette l'éponge. Je veux dire qu'en termes de part de marché, le climat ne saurait être considéré comme un thème prioritaire, ni même comme un thème porteur. Au mieux, dans les calculs, il est considéré comme un simple "plus", une variable d'ajustement tout juste capable de rameuter le ventre mou de la vaguelette de sensibilité écologique qui agite la surface de la population, au gré des bombardements médiatiques sur ce thème.

Mais même quand ils abordent le sujet dans leurs discours de campagne, tous les braves candidats-présidents-députés-sénateurs-maires se gardent bien de dire un seul mot de ce qu'implique concrètement dans la vie future des gens la lutte contre le réchauffement climatique. Car c'est là qu'ils prendraient des risques. Les risques qu'on prend quand on dit la vérité.

La vérité, c'est quoi ? C'est tout simple : l'humanité qui vit (ou qui s'en est fixé l'objectif) à la mode américaine, ou même seulement européenne, vit très au-dessus des moyens de la planète Terre. Autrement dit, l'humanité dépense plus que ce que la planète Terre lui fournit. Quand un ménage, une entreprise ou un Etat fait ça, ça porte rapidement un nom : le surendettement et la cessation de paiement. Elle se profile à plus ou moins longue échéance, cette faillite, mais c'est une certitude arithmétique. Et c'est l'humanité telle qu'elle fonctionne aujourd'hui qui aura mis la planète en faillite.

Le fonctionnement actuel, c'est quoi ? C'est tout simple : l'humanité qui vit à l'américaine est absolument insatiable. Elle pratique l'extraction folle : elle tape dans le capital et dépense sans compter. Elle vide la caisse à toute allure. Il y a l'extraction folle de toutes sortes de minerais qui servent à fabriquer tous les objets dont nous nous servons tous les jours comme s'ils faisaient partie de notre vie de toute éternité. Et puis il y a aussi (et peut-être surtout) l'extraction énergétique folle des substances destinées à faire tourner les moteurs de nos machines.

La vraie malédiction qui condamne notre époque, elle est dans cette logique qui meuble nos vies de masses d'objets, motorisés pour la plupart (ou branchés sur une source d'énergie, ce qui revient au même, puisque seul le carburant diffère), sans lesquels la plupart des gens qui les possèdent ne sauraient plus vivre, tant ils se sont rendus indispensables du fait de leurs effets directement palpables (les inventions techniques sont en général adoptées avec enthousiasme et sans réfléchir à cause de leur "utilité" et de leur usage "pratique" : quel progrès de ne plus avoir, dans les rues si étroites de la Croix-Rousse, à rabattre soi-même le rétroviseur !). L'existence quotidienne est devenue plus facile et plus confortable grâce à toutes ces inventions.

Et c'est vrai que le moteur est une invention prodigieuse. Mais il incarne en même temps la malédiction qui fait de notre mode vie un fléau pour la survie de l'humanité. Un modèle d'énergivoracité déraisonnable. Comme la fameuse anecdote qui court à propos d’Ésope et de la langue, le moteur est à la fois la meilleure et la pire des choses : instrument de confort et de liberté, il a été mis au service de la démence productiviste. 

Et la RECETTE, elle est précisément là : il ne faut pas se contenter d'agir pour limiter le réchauffement du climat, ce qu'il faut, c'est carrément le stopper, le réchauffement. Et pour cela, il suffirait d'arrêter les moteurs. Tous les moteurs. Et le MIRACLE dont parle le titre de ce billet, il est aussi exactement là : c'est qu'il n'y en aura pas. On le sait, il n'y a de miracle que pour ceux qui y croient. Le grand dessinateur Gébé avait autrefois conçu une gentille utopie. Il avait appelé ça "L'An 01". L'idée à l'époque avait suscité un engouement certain. Sur le ton de la fiction agréable, Gébé ne proposait rien de moins qu'une révolution.

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La couv' un peu amochée de mon EO : un vestige.

D'abord BD (1971 ou 19722, dans la revue Politique Hebdo, si je ne me trompe pas, puis en volume aux éditions du Square - Hara Kiri), c'était devenu un gentil film de Jacques Doillon en 1973. Le slogan était le suivant : « On arrête tout, on réfléchit et c'est pas triste ». Il y avait du doux rêveur chez le féroce Gébé, qui lui-même faisait semblant d'y croire. Il y avait, selon moi aujourd'hui, un irrémédiable désespoir dans la fiction rigolote de "L'An 01", qui tient pour acquise la disparition instantanée, sur un coup de baguette magique, de la totalité du système capitaliste. Une fiction qui, en fin de compte, aura fait bien du mal en répandant de façon totalement déraisonnable le sympathique mensonge que "c'est possible" et "qu'on peut y arriver (entendu sur une chaîne de grande écoute aujourd'hui même): « Avant de commencer, considérons le problème comme résolu ». Cela s'appelle aussi "prendre ses désirs pour la réalité". Alors quelle désillusion, quand la fiction se casse le nez sur le mur de la réalité !

C'EST FAIT.jpg

Une image de l'espoir, avant la désillusion (4ème de couv' de L'An 01). Le mec de gauche, qui appartient sans nul doute au système, a hélas raison. Je pense aux utopies de Notre-Dame-des-Landes, où les volontés de changement se heurtent, maintenant que l'aéroport est abandonné, aux réalités du cadastre : quel écologiste est en mesure d'agir sur le cadastre ? C'est qu'il faut l'administrer, le territoire, si l'on veut éviter les conflit entre les personnes. C'est à ça qu'il sert, le cadastre. 

Car on voit comment ça a tourné presque un demi-siècle après : l'urgence est assez rapidement devenue l'extrême urgence. Aujourd'hui, on peut dire qu'on en est arrivé à l'ultime ultimatum. Il y a quelque chose qui cloche dans le principe "optimisme". L'optimisme, moi, j'appelle ça l'espoir. Et l'espoir, je l'appelle croyance. Et la croyance, je l'appelle illusion. Les mots ne comptent pas. Seuls comptent les faits et les actes. Et cela seul devrait suffire à ouvrir les yeux.

Suitetfin demain.

samedi, 13 octobre 2018

CHARLES BEUTTER (2)

LA FABRIQUE D'UN MÉDECIN A LA FIN DU XIX° SIÈCLE.

Episode 2.

BEUTTER CHARLES 1902.jpg

18 mars 1893 : Hier soir à 9 heures Henry Bodoy, le meilleur camarade de Charles est mort après une maladie (péritoine) de 15 jours à l’âge de 12 ans. C’est bien triste, Charles est bien affecté.

18 juillet 1893 : Aujourd’hui distribution des prix avancée de 15 jours à cause de quelques cas de scarlatine, Charles obtient 5 accessits, plus que nous ne pouvions l’espérer.

31 janvier 1894 : Charles atteint d’une grippe depuis le 26 et vient pour la 1ère fois dîner avec nous aujourd’hui.

6 février 1894 : Aujourd’hui Mardi-Gras Charles joue dans 2 pièces dont le Bourgeois Gentilhomme au Collège.

28 juillet 1895 : Hier le père Vignal nous dit que Charles avait eu 2 fois 9 à son écrit donc a passé bien près.

1 Août 1895 : Charles à la distribution des prix obtient le 2ème prix de sagesse et 2 accessits.

4 novembre 1895 : Ce matin à 10 heures Maman et Charles partent pour Lyon où Charles va affronter de nouveau le bachot.

5 novembre 1895 : Ce matin Charles passe l’écrit.

6 novembre 1895 : Ce matin Gabriel Durand vient m’annoncer que son frère et Charles ont été reçus à l’écrit ce que Maman me confirme par dépêche et Après-midi Charles me télégraphie qu’il est reçu à l’oral, donc le voilà bachelier. Dieu soit loué.

16 juillet 1896 : Ce matin à 7 heures Charles va passer l’écrit rue des Chappes, comme le sujet (logique) n’a pas été traité par Mr Durivau, son professeur particulier, il n’est pas content de sa composition.

21 juillet 1896 : Après 5 jours d’attente bien pénible, nous apprenons que Charles, ce  matin, est admissible.

28 juillet 1896 : Aujourd’hui dimanche, Maman Charles et moi allons à Flévieu où reçus chaudement par les Harmet nous passons une bonne journée malgré une forte chaleur et un vent épouvantable ; à notre retour nous passons à la Taverne Alsacienne. 

1 août 1896 : Charles obtient 3 prix à la distribution des prix et je regrette de ne pas y avoir assisté craignant une veste (c’est la dernière distribution au Collège).

21 octobre 1896 : Ce soir Charles me dit qu’à cause des 10 ans d’études, il hésite de se décider pour la médecine ce qui me fait beaucoup de peine.

25 octobre 1896 : Après en avoir parlé avec Fred il revient de son hésitation et reçoit la convocation pour le 3 Novembre.

3 novembre 1896 : Ce matin je reçois une dépêche de Charles « reçu » ce qui me fait un plaisir immense et le soir Maman revient bien contente.

18 novembre 1896 : Ce matin Charles nous quitte pour commencer ses études de médecine à Lyon.

1 juillet 1897 : Charles commence son Concours de fin d’année.

17 octobre 1898 : Ce matin Charles se présente au Concours pour l’Externat Maman est à Lyon depuis hier et Charles écrit qu’il a 14 pour la composition mais est mécontent de son oral d’hier où il a eu 12

21 octobre 1898 : Charles télégraphie qu’il est reçu 19ème sur 55, succès épatant, il revient avec Maman à 7 heures et à mon grand regret j’arrive trop tard à la gare pour les recevoir.

23 octobre 1898 : Aujourd’hui dimanche, article très élogieux dans le Mémorial ce dont Charles et toute la maison excepté moi sont furieux. A midi grand et excellent dîner en l’honneur de l’Externe avec Mme Harmet Dr Blanc Fred Marie et Félix.

26 octobre 1898 : Charles revient de Lyon où il a été adjoint au service du Dr Jaboulay.

11 novembre 1898 : et commence aujourd’hui son service d’externe à l’Hôtel Dieu.

25 décembre 1898 : A partir d’aujourd’hui Charles touche 25 Frs par mois.

7 mars 1899 : Charles passe aujourd’hui la 1ère partie de son examen d’Anatomie et malheureusement est collé.

12 mai 1899 : Aujourd’hui Charles entre au service de Dr Nivon [Nové ?] Josserand à la Charité.

12 juin 1899 : Aujourd’hui Charles repasse l’examen d’Anatomie et est reçu avec mention « assez bien ».

19 août 1899 : Ce soir nous souhaitons la fête à Charles (20 ans).

7 octobre 1899 : Charles échoue au Concours de l’Internat.

11 novembre 1899 : Charles entre au service du Dr Josserand à l’Antiquaille et touche 30 Frs par mois.

26 janvier 1900 : Je tire à la conscription pour Charles N° 202 sur 267.

30 mars 1900 : Charles passe la Révision et est déclaré bon pour le service.

10 mai 1900 : Charles rentre au service du Dr Lépine à l’Hôtel Dieu.

8 octobre 1900 : Charles se présente au Concours d’Internat Maman est partie hier pour Lyon.

12 octobre 1900 : Malheureusement Charles télégraphie qu’il est collé et revient

13 octobre 1900 : ce soir très démonté avec Maman.

14 novembre 1900 : Charles entre au 38ème, 11ème Cie Capitaine Groset Lieutenant Lapin et vient pour la 1ère fois souper avec nous en uniforme.

7 janvier 1901 : Charles entre à l’Infirmerie comme Aide.

21 septembre 1901 : Charles a quitté le régiment où il a passé son année bien gentiment grâce au Major Juillet.

7 octobre 1901 : Charles se présente au concours d’Internat et comme prévu est collé pour la 3ème fois.

17 décembre 1901 : Charles est reçu à l’examen avec « Assez bien ».

6 octobre 1902 : Aujourd’hui Charles commence son concours d’Internat.

11 octobre 1902 : Et à ses épreuves écrites est 1er, donc admissible.

15 octobre 1902 : Après une semaine d’attente fiévreuse Charles me télégraphie à 6 heures qu’il est reçu Doyen sur 40 candidats et arrive à 7 heures ½ nous sommes bien contents et fiers de ce succès qui nous rassure sur l’avenir de ce brave garçon.

3 novembre 1902 : Charles commence son service à l’Antiquaille avec le Dr Gailleton.

11 février 1903 : Charles télégraphie qu’il est reçu pour l’examen de médecine opératoire avec mention « très bien ».

15 mars 1903 : 2ème examen avec mention « assez bien ».

1 mai 1903 : Charles quitte l’Antiquaille et rentre à la Croix-Rousse au service du Dr Chatain.

7 octobre 1903 : Charles commence ses 28 jours au 16ème de ligne.

2 novembre 1903 : Charles ayant fini ses 28 jours part pour Lyon reprend son service à l’Hôtel-Dieu avec le Dr Gangolfe [Michel Gangolphe, 1858-1919, chirurgien major des hôpitaux].

1 mai 1904 : Charles entre au service du Dr Polosson à l’Hôtel Dieu.

22 octobre 1904 : Au concours d’externat Charles fait recevoir 11 de ses élèves sur 30 candidats.

2 novembre 1904 : Charles entre au service du Dr Leclerc.

1 mai 1905 : Charles entre au service du Dr Mollard à la Croix-Rousse.

2 novembre 1905 : Charles entre au service du Dr Commandeur de la Charité (Maternité).

20 juillet 1906 : Charles passe sa thèse et est nommé Docteur.

12 août 1906 : Charles me remet sa thèse avec une jolie dédicace.

4 novembre 1907 : Charles va rester 4 mois à Lyon pour préparer son concours de médecin de l’Hôpital, son départ nécessaire me fait beaucoup de chagrin puisse-t-il réussir.

17 février 1908 : Ouverture du concours à Lyon de Médecin de l’Hôpital.

19 février 1908 : Dépêche de Charles annonçant sa défaite pour 1 point.

17 janvier 1909 : Charles reçu médecin des Hôpitaux au concours de Lyon (Tous bien contents fiers de ce beau succès) nous soupons ensemble souhaitons la fête à Maman (70ème anniversaire).

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Frédéric Beutter meurt le 12 août 1909, et n'assistera pas au mariage de son fils Charles, en 1910. Charles meurt en 1954. J'aurais pu croiser sa route, si ...

vendredi, 12 octobre 2018

CHARLES BEUTTER (1)

Charles Beutter (1879-1954) n'est que mon arrière-grand-oncle. C'est normal : il fut le fils du grand-père de mon grand-père Frédéric Beutter (1827-1909), donc le frère de mon arrière-grand-mère, Hortense Beutter (épouse Paliard, 1862-1907). Pourquoi ai-je eu l'idée de lui consacrer un billet ? D'abord, parce qu'il a fait une carrière médicale, comme mon arrière-grand-père Félix, mon grand-père Frédéric et son fils Pierre (une belle tradition familiale, et qui se poursuit). Mais aussi et surtout parce que j'ai trouvé dans l'Annuaire de l'Internat des hôpitaux de Lyon de 1978 une photo où il trône bien au centre, en tant que Doyen (aujourd'hui on dirait sans doute "Major") de la promotion 1902.

ANNUAIRE INTERNAT.jpg

Il a bataillé pour cela, puisque ce n'est qu'à la quatrième tentative qu'il se voit reçu, à l'âge de 23 ans, mais de quelle manière cette fois-là ! 

BEUTTER CHARLES 1902.jpg

Le dernier assis à droite de la photo est aussi un Beutter (M. = Maurice ?), sans doute un cousin germain. Quinze reçus cette année-là : il n'y avait pas de "déserts médicaux".lyon,frédéric beutter,saint-étienne,annuaire de l'internat des hôpitaux de lyon

En 1919, Frédéric Paliard, également au centre, sera "Doyen" comme son oncle.

lyon,frédéric beutter,saint-étienne,annuaire de l'internat des hôpitaux de lyon

En 1954, Pierre Paliard, un parmi trente et un autres (troisième à gauche au dernier rang, et Mlle Lenoble au premier, pour faire hurler les féministes).

Il apparaît naturellement sous la plume de son père Frédéric, dans le Journal que celui-ci a tenu tout au long de sa vie. J'ai regroupé ici presque toutes les notes où est mentionné le prénom Charles (sans rien changer au texte). 

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LA FABRIQUE D'UN MÉDECIN A LA FIN DU XIX° SIÈCLE;

19 août 1879 : Ce soir Sophie éprouve des douleurs, à minuit, je vais chercher l’accoucheuse et à 5 heures ½ du matin, Sophie accouche d’un gros garçon que je vais déclarer sous les noms de Charles Félix Antoine en l’honneur de son parrain Félix et sa marraine Antonia. Sophie veut essayer de le nourrir elle-même, espérons que cela réussisse et que ce cher enfant prospère, nous avions désiré une autre fille.

28 septembre 1879 : Depuis 4 jours très occupé avec Delbanco j’ai le chagrin de savoir le petit Charles assez fatigué Sophie est forcée de cesser de nourrir et de chercher une nourrice ce qui est très difficile.

1 octobre 1879 : 18ème anniversaire de notre mariage, occupé avec Gill nous ne pouvons pas le fêter, d'autant plus que le petit Charles nous donne toujours des inquiétudes. 

6 octobre 1879 : Ce matin, le mari de la nourrice vient déjà la réclamer ce qui nous ennuie beaucoup car le petit avait déjà bien profité ; je pars pour Lyon et suis assez heureux pour  trouver au bureau une brave Savoyarde (Mme Fontaine) que j’amène de suite à St-Etienne après avoir rendu visite à Mr Warburg. Sophie trouve la nourrice très bien et somme toute nous sommes contents d’être débarrassés de l’autre (une vraie communarde).

8 juillet 1880 : Aujourd’hui Charley qui a été vacciné il y a 15 jours par l’oncle Victor a ses premières dents.

6 octobre 1880 : La nourrice étant indisposée, nous sevrons aujourd’hui notre petit Charles.

2 novembre 1880 : Aujourd’hui notre petit Charles qui avait très bien supporté le sevrage a un petit accident au bras droit, en tombant il s’est fait une entorse au coude, Dieu merci, ce n’est pas grave.

28 mars 1881 : Ce matin, notre brave nourrice nous quitte, ce qui nous fait beaucoup de peine,   espérons que son départ ne fatigue pas Charley qu’elle a soigné très bien depuis 18 mois.

25 septembre 1881 : Par un temps superbe après avoir reçu les adieux touchants de tout le monde, nous partons par un omnibus de Maza à 2 heures ½ route charmante, halte chez la mère Thouron et arrivons chez nous à 7 heures où nous trouvons la nourrice de Charles, nous sommes très contents de ces belles vacances mais heureux de reprendre notre vie ordinaire (le séjour au Bourg tout compris environ 900 Frs).

4 août 1885 : Aujourd’hui distribution de prix à St-Michel où nos trois garçons ont plusieurs nominations, même Charles qui depuis 2 mois souffre beaucoup d’une caqueluche [sic].

2 août 1886 : Ce matin distribution des prix au Collège St-Michel où Fred a un grand succès (1er  prix de sagesse) Pierre a un accessit et Charles plusieurs prix.

2 août 1887 : Distribution des prix au Collège beaucoup de succès pour Fred et Charles mais un seul accessit pour Pierre.

7 octobre 1887 : Aujourd’hui Charley entre en 8ème au Collège St-Michel.

2 août 1888 : Distribution de prix où Fred et Charles ont beaucoup de succès Pierre 2 accessits.

31 décembre 1888 : Charles ayant pris la rougeole, Sophie ne peut le quitter et nous faisons les visites de   jour de l’An avec  Fred et Pierre.

6 août 1889 : Aujourd’hui distribution des prix au Collège, Charles 4 accessits, Pierre rien.

11 mai 1890 : Aujourd’hui Charles fait sa 1ère Communion au Collège St-Michel et est confirmé par Mgr Foulon, Archevêque de Lyon, cérémonie très touchante. Maman Fred et moi Communions et sommes assistés par Marie Vincent, remplaçant notre chère Hortense qui nous manque bien ce jour-là.

2 août 1890 : Distribution des prix où Pierre a 4 accessits et Charles 2 prix et 1 accessit dont nous sommes bien contents et nous dînons ensemble (illisible).

18 octobre 1890 : Depuis 8 jours je suis occupé avec M. J. Gill qui m’a remis le titre de mes propriétés à Denver. Aujourd’hui je pars avec lui à Lyon, bien inquiet car la pauvre maman est obligée de mener Charley chez Chevrier pour lui faire arracher 4 dents, le Dr Blanc l’endort au chloroforme et à 1 heure je suis heureux de recevoir une dépêche de Sophie m’annonçant que l’opération avait bien réussi et le soir à mon retour je trouve Charley bien tranquille, nous sommes heureux que tout soit passé. Par erreur, le dentiste Chevrier lui avait arraché une 5ème bonne dent.

17 août 1891 : Maman Pierre et Charles vont avec moi à l’Exposition où Fred était de garde le soir, nous soupons à la Terrasse.

2 août 1892 : Distribution de prix au Collège où Charles à notre grande surprise et joie reçoit 3 prix et 2 accessits.

24 octobre 1892 : Aujourd’hui Charles prend sa première leçon de piano chez Melle Richarme.

24 janvier 1893 : Ce soir le Recteur du Collège m’adresse le carnet de Charles sur lequel il y a plusieurs falsifications, je me rends de suite au Collège où le Recteur fait appeler Charles pour savoir si c’est lui qui a changé ses notes. Il proteste et jure sur son honneur que ce n’est pas lui ; rentré à la maison et après avoir de nouveau juré et pressé par Maman il finit par avouer que c’est lui. Cet infâme mensonge plus encore que le fait lui-même nous bouleverse et fait un immense chagrin à Maman ; espérons que cela ne se renouvellera pas. Cela m’a gâté ma soirée pour aller chercher tante Maria pour l’amener au Cercle (Chat noir).

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A suivre demain.

mardi, 09 octobre 2018

ÉCOLOGISTES EN MIE DE PAIN

Dans la série "Des nouvelles de l'état du monde" (N°62).

Bon, voilà qu'ils nous refont le coup. Ça les reprend comme une vieille vérole : ils ont réintroduit des ourses (gravides) dans les Pyrénées. Ils se sont mis dans le crâne que c'était bon pour la "biodiversité". La biodiversité !!! Ils ne savent même pas ce que c'est. Ils auraient pu demander à monsieur Gilles Bœuf, qui connaît la question jusque dans les recoins. Ils veulent "refaire" de la biodiversité sans savoir (ou en faisant semblant de ne pas savoir) comment celle-ci s'est mise en place. 

Ils ignorent même le sens du mot "écosystème". C'est quoi, ça ? Un écosystème, comme tous les systèmes, c'est un réseau complexe de relations, d'interactions, d'interdépendances qui s'est mis en place dans un lieu, une région donnés, où les minéraux, les végétaux et les animaux se sont mis d'accord pour vivre là, en voisins plus ou moins courtois, ce qui a rendu possibles les vies particulières de chacun. 

Et ce système ne s'est pas mis en place au hasard ou du jour au lendemain : il a fallu un processus pour aboutir à un équilibre qui rend possible la vie de tous les éléments qui le composent, le système, avec ses proies, ses prédateurs, ses complémentarités et ses échanges. C'est un système d'autorégulation 100% naturel. Soyons fou, appelons ça, tout simplement, la Nature. Les écologistes dont je parle ici sont en fait des ennemis de la Nature. Au nom de l'idée qu'ils s'en font.

La confondante niaiserie qui consiste à réintroduire du "sauvage" là où les conditions de vie ont énormément changé avec le temps (principalement du fait des activités humaines), devient une escroquerie en même temps qu'un coup de force, quand on réfléchit précisément à l'extraordinaire complexité des interactions qui ont fabriqué l'équilibre de cet écosystème au cours du temps.

C'est Alexandre le Grand qui, parce qu'il ne voyait aucune possibilité de défaire le nœud gordien a résolu le problème du tranchant de son épée. Bon, c'est sûr, il n'avait pas que ça à faire, mais ça revient quand même à nier purement et simplement cette complexité en la faisant disparaître au moyen d'une solution radicalement simple, et surtout brutale. Les "écologistes" dont je parle ici ont inventé l'écologie brutale. Ce sont des violents, comme les carnophobiques qui ont incendié un abattoir dans l'Ain récemment (6 départs de feux simultanés constatés par la gendarmerie).

Le raisonnement de ces gens qui usurpent l'étiquette "écolo" est lui aussi d'une radicale simplicité : « Il y a eu un jour des ours dans les Pyrénées (des loups dans le Mercantour, des lynx dans les forêts du Jura, etc...), il n'y a pas de raison pour qu'il n'y en ait pas de nouveau ». Raisonnement d'une bêtise ahurissante. A ce compte-là, il faudrait remettre des loups dans la région d'Orléans comme à l'époque de Saint-Simon qui raconte que leur chasse était prisée des grands seigneurs (et pourquoi pas réhabiliter les grands seigneurs ?). Et des aurochs dans les plaines d'Europe centrale, sans doute ? L'âge d'or des temps préhistoriques, peut-être ? 

Ils voudraient bien reconstituer le paysage idyllique qu'ils ont élaboré dans le confort de leur petite tête. Ils me font penser aux grotesques qui reconstituent la vie au moyen âge (Autun, entre autres), la vie des chouans (le Puy du Fou) ou la bataille d'Austerlitz, autant de spectacles qui reviennent à faire semblant, à faire mumuse un moment avant de remettre les habits normaux. Des jeux de bac à sable faits pour se divertir ou attirer les touristes, mais qui ne portent pas trop à conséquence.

Sauf que dans les Pyrénées (ou ailleurs, s'agissant des loups), il y en a, des conséquences, et pas minces : des brebis par centaines. Au mépris du travail des bergers. Être écolo de cette façon ignoble, je dis juste : « Non merci ! ». Si c'est ça, être écologiste, alors je dis aux chasseurs : « Allez-y, les gars, foncez ! Ours, loups, tirez dans le tas ! ». Il paraît d'ailleurs que c'est fameux, le rôti d'ours. 

Parce que, pendant que ces irresponsables satisfont leur marotte imbécile, les conditions concrètes d'existence de l'humanité ne cessent de se dégrader, sous les coups de l'ultralibéralisme mercantile qui pille la planète en toute tranquillité et travaille méthodiquement au réchauffement climatique (voir le dernier rapport du GIEC qui vient de paraître), à la montée inexorable des inégalités de niveau de vie et à la violence qui en résultera bientôt (résulte déjà).

Notre avenir s'annonce très sombre, voire catastrophique, sur le plan économique, sur le plan géopolitique et sur le plan écologique. Tout pour plaire à Sa Majesté le Chaos. Et que font les "écologistes" (autoproclamés) ? Ils réintroduisent des ourses dans les Pyrénées. Le reste, ils s'en foutent ! Quand le sage montre la lune, l'attardé mental piqué d'"écologie" se fourre le doigt dans l’œil jusqu'à l'anus.

Je serais la Nature, je dirais la belle phrase attribuée à je ne sais plus qui : « Seigneur, protégez-moi de mes amis, quant à mes ennemis, je m'en charge ».

Sauf que ...

dimanche, 07 octobre 2018

L'HOMME QUI RÉPARE LES FEMMES

Je publie de nouveau, sans rien y changer, ce billet paru ici en 2012, en l'honneur d'un grand homme, qui vient d'être désigné Prix Nobel de la Paix de l'année 2018. Si j'avais à dire ce que pour moi est aujourd'hui l'héroïsme, je nommerais le Docteur Denis Mukwege (parmi quelques autres).

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Le sang réel coule en Afrique. Et plus précisément (entre autres) dans une région qui s’appelle le Nord Kivu. C’est au Congo [il faut dire RDC], dans le nord-est, près du Rwanda, là où se trouvent de grosses réserves de « coltan » (colombite + tantalite). Il paraît que sans lui, il n’y a plus de smartphones, de tablettes et autres joujoux. Il est donc évident que ce soit la guerre. 

 

Drôle de région, si vous voulez mon avis : le mouvement M23 (ou les Maï-Maï, ou d’autres bandes) fait régner la terreur dans les villages. La cible ? Tout ce qui est femme. Dans cette région, les hommes ont érigé le viol des femmes au rang d’activité industrielle. Une simple modalité parmi d'autres de la guerre qui s’y pratique depuis une quinzaine d’années [une vingtaine d'années en 2018].  

 

Parlons d’un homme. Il s’appelle Denis Mukwege. Il est médecin. Il a fondé un hôpital dans une ville appelée Panzi. Quelle n’est pas sa surprise, le 25 octobre dernier, en rentrant chez lui après sa journée de travail, de se voir braquer une kalachnikov sur la tempe ! L’homme s’apprête à tirer. 

 

Soudain, un employé de l’hôpital se précipite sur le tueur, qui se retourne, et l’abat de deux balles. Le Docteur Mukwege ne doit la vie qu’à la confusion qui s’ensuit. Ça tire, il est couché à terre, le commando s’enfuit au volant de la voiture familiale. « Miraculé. J’en suis au sixième attentat par balles », déclare-t-il doucement. 

 

Ce gynécologue, qui pensait avoir ouvert son hôpital pour s’occuper de mise au monde, de suivi des femmes enceintes, éventuellement de césarienne, voit arriver une femme dans son hôpital tout neuf, un jour de septembre 1999. Des soldats l’ont violée. Mais ça ne suffit pas : pour faire bonne mesure sans doute, son « appareil génital avait été déchiqueté par des balles tirées dans son vagin » (excusez-moi, je cite). 

 

Ce n’est que la première d’une longue série. « Mais à la fin de l’année, j’en étais à 45 cas », dit le docteur. En 2000, 135 cas sont comptabilisés. En 2004, il y en a 3604. Visiblement, les gars sont contents d’avoir trouvé un "truc". Une idée à creuser, quoi. « Le viol était devenu une arme de guerre ». Les clitoris étaient coupés, les seins, les lèvres, les nez sectionnés. 

 

« Et le viol s’est répandu. Utilisé par tous les groupes armés, les rebelles hutus et les combattants maï-maï, les soldats rwandais et les forces gouvernementales congolaises, et aujourd’hui les insurgés du M23 ». En treize ans, le docteur MUKWEGE a opéré plus de 40.000 femmes violées et mutilées. Au Congo, il parle de 500.000 femmes violées en seize ans. 

 

Là, je suis désolé, mais je suis obligé de laisser parler le docteur, faites comme moi, accrochez-vous bien : « J’ai vu des vagins dans lesquels on avait enfoncé des morceaux d’arbre, de verre, d’acier. Des vagins qu’on avait lacérés à coups de lames de rasoir, de couteau ou de baïonnette. Des vagins dans lesquels on avait coulé du caoutchouc brûlant ou de la soude caustique. Des vagins remplis de fuel auxquels on avait mis le feu ». Ce n’est pas fini. 

 

Car la journaliste insiste : « Il a soigné une femme qui, enlevée avec ses quatre enfants par un groupe armé pour devenir leur esclave sexuelle, a appris que le plat étrange qu’on l’avait forcée à avaler était constitué de trois de ses enfants. Il a tenté pendant des heures de reconstituer le vagin d’une petite fille de 3 ans que des sexes barbares avaient saccagé, lors d’un raid nocturne sur un village ». Personnellement, je me serais passé des « sexes barbares », tant la réalité du fait se suffit à elle-même, mais bon. On comprend mieux l'acharnement des violeurs de femmes à tuer le docteur Denis Mukwege. En quelque sorte, il gâche le métier. 

 

Ce qui anéantit le plus le bon docteur (L’Homme qui répare les femmes, Colette Braeckeman, André Versaille éditeur), c’est le silence assourdissant des instances internationales. 

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Est-ce que la situation a beaucoup changé au Nord-Kivu depuis 2012 ? Honorer cet homme hors du commun est satisfaisant pour l'esprit. Mais combien plus satisfaisant serait de s'en prendre à la cause de ces horreurs. Je dis ça, tout en sachant que ça ou pisser dans un violon, hein, ......................................

 

Total respect, bien entendu, pour la dame qui partage le prix Nobel. Mais jusqu'à hier j'ignorais tout de son existence et de ses mérites, alors que le Docteur Mukwege est une référence depuis bien longtemps. Et par surcroît, il bénéficie à mes yeux de l'absence de la sanctification que procure le statut de victime qui est celui de la dame. Lui, il est allé au charbon volontairement et (presque) en connaissance de cause : il voulait juste faire du bon boulot dans sa spécialité. 

samedi, 06 octobre 2018

LES 31 DÉCEMBRE DE FRÉDÉRIC BEUTTER

LA FRANCE D'AUTREFOIS (2)

1881 : Demain Samedi dans mon ancien magasin après petite soirée chez Mme Herzberg, les enfants reçoivent de jolis cadeaux de tous côtés.

          L’année qui vient de finir en somme n’a pas été mauvaise pour nous, tous les nôtres ayant été conservés en bonne santé et les enfants ayant été bien sages. Au magasin, les affaires n’ont pas été brillantes, le nouveau rayon d’Orient me donne beaucoup de souci, mais enfin espérons que la nouvelle année nous soit aussi propice que l’ancienne. J’ai fait une petite spéculation à la bourse qui m’a rapporté 12 à 15.000 Frs par le Crédit Provincial.

1882 : Les Vincent viennent passer la soirée chez nous mais une forte migraine me force de me coucher de bonne heure, je souffre aussi beaucoup d’un eczéma à la main droite et je finis tristement l’année, d’autant plus que les affaires vont très mal et que nous craignons une bien mauvaise année pour 1883 Dieu merci tous les nôtres vont bien et les enfants sont sages, espérons que le Bon Dieu nous les conserve ainsi pour 1883 – Mort de Gambetta.

1883 : Point d’arbre de Noël ni fête de jour de l’An que nous passons très tranquillement, faisant les visites de famille qui ne m’amusent pas beaucoup.

       En somme 1883 n’a pas été mauvaise pour nous tous les nôtres étant en bonne santé et les garçons très sages à l’école, les affaires ont été très difficiles mais toujours été occupé, puisse l’année 1884 nous être aussi favorable.

1884 : Nous finissons bien tranquillement cette année qui a été mauvaise pour les affaires nous forçant à réduire les frais le plus possible, nous renvoyons Mr Sallebach et Mr Fournier qui nous quitte également, j’ai eu des correspondances très pénibles avec Weigert à ce sujet, mais en dehors des soucis d’affaires, l’année a été bonne pour les santés. Fred est dans les 7 premiers de sa classe et reçoit demain sa 1ère redingote, Pierre est 5ème et reçoit demain son premier pantalon long et uniforme, Charley sait presque lire nous avons donc lieu de remercier Dieu de nous avoir conservés en bonne santé espérons que la nouvelle année nous soit aussi favorable.

1885 : Nous passons la soirée bien gentiment avec Auguste et nous avons à remercier Dieu d’avoir conservé tous les nôtres en bonne santé pendant cette année.

1886 : Nous passons la soirée très tranquillement, les Gonon, à la suite d’un potin nous ayant un peu négligés. Fred s’est décidé à se préparer à Polytechnique, Dieu veuille qu’il réussisse. L’année 1886 n’a pas été mauvaise pour nous, tout le monde s’est bien porté et au magasin j’ai été bien occupé Dieu veuille qu’il en soit de même avec la nouvelle année.

1887 : Nous finissons l’année bien tranquillement avec les Vincent.

1888 : Charles ayant pris la rougeole, Sophie ne peut le quitter et nous faisons les visites de jour de l’An avec Fred et Pierre.

           Nous avons à remercier Dieu de toutes les grâces de cette année, beaucoup de travail, la santé et surtout le mariage si heureux de Hortense [sa fille et mon arrière-grand-mère].

1889 : Fred va mieux, ce soir nous avons le Dr Blanc à souper puis les Bodoy avec lesquels nous passons la soirée jusqu’à minuit.

         L’année 1889 a été bonne pour nous, ce dont je remercie le Bon Dieu, et j’espère que 1890 sera aussi heureux.

1890 : Nous passons la soirée avec le Dr Blanc et Lieutenant Parrin, ami de Frédéric et nous disons adieu à l’ancienne année avec reconnaissance envers Dieu pour nous avoir tous conservés en bonne santé et donné le petit-fils Léon [mon grand-oncle, alias Bibolet, alias Topé] que Pierre et Charles sont allés voir hier.

1891 : Mme Alex va mieux, ce matin jour de mes comptes de fin de mois et c[illisible] de Weigert qui me demande d’aller le voir à cause d’une réclamation injuste sur les comptes de Liebmann, ce voyage à Lyon me contrarie beaucoup, quoique j’y trouve Pierre et Charles chez Hortense tous en bonne santé, je ramène Pierre et Charles avec moi, ils avaient passé 3 jours à Lyon pendants lesquels Pierre m’a téléphoné tous les jours au bureau.

      L’année 1891 a été bonne pour nous comme santé mais très mauvaise comme affaires qui pour la 1ère fois ne me donne rien à mettre de côté, et l’engagement avec la maison a été prolongé jusqu’à fin 1892, et Dieu veuille que d’ici là les affaires deviennent meilleures et qu’au mois de Mars Hortense nous donne une gentille petite fille [ce sera mon grand-père Frédéric, le médecin].

1892 : Ce soir je reçois un excellent bulletin du Directeur de l’Ecole de Commerce qui nous fait bien plaisir pour Pierre qui est venu passer les fêtes avec nous. Nous passons la soirée bien tranquillement en nous souhaitant une bonne nouvelle année qui s’annonce sous des auspices bien tristes à cause des troubles politiques et le scandale de Panama et pour moi la réduction de mon appointement à [de ?] 6.000 Frs. Mais tous les miens se portent bien et les enfants sont sages, donc, à la grâce de Dieu.

1893 : Je me couche de bonne heure et dis adieu à la vieille année qui, pour moi, a été mauvaise, mais bonne comme santé.

1894 : Nous finissons l’année bien tranquillement. Nous sommes tourmentés par Pierre dont la paupière gauche se ferme ce qui m’inquiète. Les autres santés allant bien, nous n’avons pas à nous plaindre quoique je n’aie pas réussi à trouver une position et Mr Savoye se retirant des affaires je suis obligé de quitter en Mars mon joli bureau et de me caser ailleurs.

1895 : Ce soir nous soupons chez les Harmet et finissons gaiement l’année à laquelle nous devons ce brillant mariage de Fred [avec Marie Harmet] et le succès de Charles au Bachot si je pouvais trouver du travail, tout serait parfait, car tous les nôtres sont en bonne santé.

1896 : Nous passons la soirée tranquillement chez nous après avoir souhaiter la bonne année à Fred et Marie et aux Harmet.

        Que l’année nouvelle nous permette de caser Pierre et nous apporte un bébé bien portant chez Fred, c’est là mon plus grand désir.

1897 : A cause de ma mauvaise position je finis l’année tristement tout en remerciant Dieu de nous avoir conservés en bonne santé.

1898 : A la suite d’une nouvelle scène avec Pierre, l’année finit tristement pour moi. Heureusement il me demande pardon ; ce qui rétablit nos rapports.

1899 : Depuis 15 jours nous avons les 2 grèves des passementiers et des mineurs qui arrêtent complètement les affaires. L’année finit donc tristement mais tous les nôtres sont Dieu merci en bonne santé.

1900 : Maman et Charles vont à la messe de minuit.

1903 : Pierre part à 1 heure 40 pour Château Renard [où réside sa fiancée] nous finissons donc l’année seuls. Dieu veuille bénir cette nouvelle union.

1904 : Depuis 8 jours nous attendons un 5ème bébé chez Fred, le soir après avoir fait quelques visites avec Charles nous soupons chez les Vincent le 1er Janvier avec les Harmet Pierre et Paulin.

             Dieu veuille que Hortense au lit depuis 4 mois se rétablisse en 1905.

1905 : Comme Pierre faute de capitaux est forcé de liquider son commerce et de chercher une autre situation l’année finit tristement pour nous, espérons que 1906 qui s’ouvre sous des auspices très inquiétants nous garde tous en bonne santé, et nous préserve de tout malheur.

1906 : Hortense toujours malade et Pierre sans place, nous finissons l’année tristement.

1907 : Nous finissons tristement la fin d’année dans laquelle nous avons perdu notre chère  Hortense mon indisposition durant toujours espérons que 1908 soit meilleure.

1908 : Nous finissons tranquillement l’année qui nous a bien éprouvés par la maladie de moi Maman et Fred et m’a forcé de me retirer des affaires [il a 81 ans, et il regrette d'être obligé de cesser de travailler].

 

[Frédéric Beutter meurt le 12 août 1909 : pour lui il n'y aura pas de 31 décembre cette année-là].

Il va de soi, j'espère, que je n'ai pas modifié une virgule du texte que j'ai transcrit avec émotion.

vendredi, 05 octobre 2018

LES 31 DÉCEMBRE DE FRÉDÉRIC BEUTTER

LA FRANCE D'AUTREFOIS*

Voilà, ça y est : j'ai achevé hier la transcription du tapuscrit (198 pages 21x27, 2° ou 3° carbone sur une vieille machine à écrire, 144 pages au format A4) du Journal du Grand-Père maternel de mon Grand-Père maternel, FRÉDÉRIC BEUTTER. Au fil de ses jours et de ses années, je me suis pris d'attachement pour cette personne particulière et celles qui l'ont entourée. Curieusement, ce citoyen allemand naturalisé français (qui arbore en 1870 une citoyenneté suisse !), que je vois d'un genre plutôt rigide, a relevé tous les jours dans un carnet qui ne le quittait jamais, à partir de sa vingtième année, ce qu'il jugeait bon à retenir. Il va de soi que j'aimerais bien mettre un jour le nez dans le manuscrit original.

Frédéric Beutter, je ne l'idéalise certes pas : il ne devait pas être drôle tous les jours. Mais enfin, ce fut un père énergique et actif, attentif et aimant et, à l'occasion d'agapes amicales ou familiales, un très bon compagnon, qui se montrait parfaitement en mesure de manger et surtout de boire autant que les autres et, en de certaines circonstances particulières, de se prendre un « plumet colossal » (selon ses mots), quoique toujours capable de rentrer chez lui par ses propres moyens.

Frédéric Beutter naît le 9 juin 1827 à Constance (Allemagne). J'ai rassemblé ici toutes les annotations qui figurent au long de son Journal, mais seulement à la date du 31 décembre. Il met du temps, on le verra, à considérer le dernier jour de l'année comme digne d'être célébré puisque, à une exception près (au tout début), il commence à évoquer la date de façon spécifique après son mariage avec Sophie Paliard (il a 32 ans en 1860). 

* Référence au livre de Jean-Pierre Le Goff : La France d'hier, Stock, 2018 (qui lui-même se référait à Stefan Zweig : Le Monde d'hier).

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LES 31 DÉCEMBRE DE FRÉDÉRIC BEUTTER

1849 : Je passe la soirée au café Lauser avec Zahn, Fisher, ce dernier à ma grande joie me  propose de nous tutoyer.

1863 : Ma femme se fâche sérieusement contre moi de ce que j’ai fait part à Mme Friedmann de sa grossesse, cette dernière journée de l’année finit très tristement pour moi et, contre mon habitude, je me couche sans attendre comme autrefois Minuit. J’ai arrêté mes comptes aujourd’hui et je vois à ma grande déception que mes dépenses de cette année ont encore dépassé Fr 6.000, malgré la plus stricte économie, comme ma position dans la maison A & S sans contrat est très précaire, je suis très inquiet de ce que la nouvelle année me réserve… Puissé-je me tromper.

1865 : Nous passons la soirée très gaiement avec Henri et sa famille après avoir fait comme d’habitude un très joli arbre de Noël.

1866 : Aujourd’hui après souper, nous avons Henri et sa femme, Mr et Mme Mees pour finir dignement l’année, nous passons assez bien la soirée ensemble et à minuit nous buvons du champagne à la santé du père, à Constance et de tous ceux que nous aimons.

       Ainsi finit pour nous cette année 1866, très importante pour nous à cause de mon changement de position, même assez bonne si le Bon Dieu ne nous avait pas enlevé notre chère petite Fanny [morte âgée d'un an].

1867 : Ce matin, à mon plus grand bonheur, je reçois une bonne lettre du père de Constance, qui Dieu merci continue à aller un peu mieux. Nous passons la soirée tranquillement avec les Mees et disons adieu à l’année 1867 qui après tout ne nous a pas été défavorable puisque nous et tous les nôtres nous ont été conservés en bonne santé ; que le Bon Dieu nous accorde la même faveur pour la nouvelle année 1868.

1868 : Nous passons la soirée chez les Mees, avec les Fiedmann et souhaitons la bonne venue à la nouvelle année. Quant à l’ancienne nous la quittons sans regrets, car par la mort de notre pauvre père, de Jules, par la perte de ma position, elle a été la plus malheureuse de ma vie entière.

1869 : Nous avons les Mees, nous faisons de la musique jusqu’à minuit où nous disons adieu à l’année ; nous nous embrassons en nous souhaitant une bonne nouvelle année, que le Bon Dieu nous protège et nous donne un enfant bien portant.

1870 : A cause des temps tristes dans lesquels nous vivons, nous n’avons pas fait d’arbre de Noël, ni de souper ce soir ; et c’est tout seul que nous attendons le coup de minuit ; espérons que la nouvelle année soit meilleure que l’ancienne et que le Bon Dieu nous préserve tous de tout malheur.

1871 : Joseph vient souper avec nous mais s’en va avant minuit, nous restons donc tous les deux à attendre ce moment et saluons la nouvelle année ; puisse-t-elle être aussi bonne pour nous que celle que nous quittons et pendant laquelle le Bon Dieu nous a tous conservés en bonne santé.

1872 : Comme nous n’avons malheureusement plus d’amis pour passer cette soirée nous restons tout seuls, Hortense étant invitée chez Mme de Mirandol ; malgré moi cela me rend triste, d’autant plus que depuis quelques jours nous n’avons absolument rien à faire au magasin et il y a des moments où je regrette d’avoir quitté ma position chez F. Vogel et Cie, malgré tous les désagréments avec Appold. Enfin, espérons que cela change et que surtout la nouvelle année nous donne un enfant bien portant, et que ma chère Sophie passe très bien ce terrible moment ; pour le moment toutes les santés vont bien, j’ai donc encore à remercier le Bon Dieu de nous avoir protégés pendant l’année qui vient de s’écouler.

1873 : Avant-hier je reçois la visite de Mr Peterson avec qui j’allais à Grenoble hier, en route je lui fais part de mes ennuis causés par l’inaction et le séjour prolongé de Glackmeyer. Ce soir nous allons dîner chez Boell où nous passons la soirée assez agréablement jusqu’à minuit lorsque tout le monde se souhaite la bonne nouvelle année.

       L’ancienne année n’a pas été bonne pour nous ayant perdu notre cher petit Léon [mort en bas âge] et les affaires étant toujours très mauvaises et moi presque toujours inoccupé ce qui me rend malheureux.

        Mais Sophie, Hortense et Frédéric vont très bien et les enfants grandissent et nous font tous les jours plus de plaisir. Donc nous n’avons pas trop à nous plaindre et seulement à espérer que la nouvelle année ne soit pas moins bonne pour nous que l’ancienne.

        Depuis environ un mois Sophie croit être de nouveau enceinte, que Dieu la protège et nous accorde la joie de recevoir un enfant bien portant et que tout se passe bien.

1874 : Depuis plusieurs jours nous avons un froid excessif mais Dieu merci tous les nôtres vont bien et nous finissons donc l’année tranquillement mais bien heureux et contents. Dieu veuille nous protéger en 1875 comme en 1874.

1875 : Je reçois ce matin une très jolie lettre de Caton [sœur de F.B.] et de ses enfants qui me fait plus de plaisir que depuis ma brouille avec Charles, je suis sans nouvelles de ma famille. Le soir nous restons seuls et je me couche de bonne heure en disant adieu à l’année 1875 qui sous le rapport des affaires de l’agrément n’a pas été bien bonne pour nous, mais Dieu merci tous les miens vont bien ce qui est l’essentiel, espérons qu’en 1876 cela reste de même et que nos enfants continuent à être sages comme jusqu’à présent.

1876 : Aujourd’hui Dimanche nous recevons des lettres de partout, St-Etienne, Sens, Constance, Feldkirch, après midi nous faisons des visites et comme Joseph et sa femme sont venus nous voir quelques fois ces temps-ci, je leur fais une visite de jour de l’An, pour la 1ère fois depuis 2 ans, ce qui paraît faire beaucoup de plaisir à Joseph.

       Le soir nous trinquons avec les amis Valayer et puis nous nous couchons tranquillement, en faisant adieu à l’année 1876 qui, comme santés, chose essentielle, nous a été favorable, seulement comme affaires elle a été désastreuse pour moi puisse la nouvelle année être meilleure.

1877 : Hier Dimanche, Fred était très fatigué, pendant que j’étais allé à St-Genis avec Hortense, heureusement la nuit a été meilleure et ce matin il va mieux et Pierre se lève, le temps est très mauvais et l’année finit bien tristement pour moi ; Dieu veuille que 1878 nous soit plus propice et que je trouve une position convenable car je crains bien qu’il ne soit pas possible de relever l’affaire C.W. Cie.

          Chamberlin part ce soir pour Nice, il ne peut rien faire avec nous, je l’accompagne à la gare et reviens à Minuit souhaiter la bonne année à ma chère femme et à nos chers enfants que Dieu nous les conserve aussi sages qu’ils ont été jusqu’à présent.

1878 : Nous avons Klipfel et Sallenbach à souper et finissons la soirée ensemble jusqu’à minuit.

           Nous voilà donc à la fin de cette année, pendant laquelle j’ai perdu toute ma fortune chez Wichelmann et forcé de tâcher de la refaire, j’ai dû quitter cette belle ville de Lyon pour revenir à St-Etienne, le berceau de ma carrière commerciale. Quoique ma nouvelle position m’assure le pain, j’ai toujours le regret d’avoir quitté Lyon. Enfin que ce soit pour le bonheur des miens et que le Bon Dieu me les conserve en bonne santé et aussi sages qu’ils le sont en ce moment.

1879 : Ce soir, nous avons Sallenbach, Klipfel et Maurer à souper et passons la soirée très gaiement.

         Après tout nous avons à remercier le Bon Dieu de l’année 1879 pendant laquelle nous avons eu beaucoup de joies avec nos enfants et le bonheur de recevoir Charles qui va très bien, puisse l’année 1880 nous être aussi favorable. Et me donner un peu plus de satisfaction dans mes affaires commerciales.

1880 : Heureusement après une explication avec Victor et une bonne visite au père Félix et Juju nos rapports avec la famille se rétablissent, nous passons la soirée chez nous bien tranquillement et avons lieu de ne pas trop nous plaindre de l’année 1880, à l’exception de la mort de Fanny [autre sœur de Frédéric] et du mauvais état des affaires, espérons que dans l’année 1881 cela aille mieux et que nos enfants continuent à nous faire autant de joie que par le passé.

A suivre demain.

mercredi, 03 octobre 2018

FRÉDÉRIC BEUTTER JUNIOR SE MARIE ...

1895

[UN "BRILLANT" MARIAGE]

6 mars : Aujourd’hui Melle Verneret vient proposer à Maman un mariage pour Fred avec Melle Mirk et une dot de 10.000 Frs comme elle a été légitimée à 9 ans nous n’y donnons pas suite, mais activons nos démarches auprès des Harmet.

25 mars : Mr de Castelnau fait venir Fred chez lui et lui propose un superbe mariage. Fred dit qu’il ne se prononcera pas avant d’être fixé sur ses vues sur Melle Harmet, M. de C. l’approuve et lui promet son concours.

27 avril : Aujourd’hui Mr Harmet m’ayant donné rendez-vous sur la place St-Charles je l’emmène au bureau où il me demande, en cas, que l’idée de marier nos enfants se réalisait, combien je lui donnerais pour cadeaux et mise en ménage je lui réponds que dans ma position actuelle, je ne pourrais pas lui donner plus de 10.000 Frs plus 3.000 Frs de rente viagère et qu’il désirerait garder comme inaliénables les propriétés qu’il a achetées et qui ne devront pas figurer sur le contrat, je lui ai répondu que nous nous en rapportions à lui pour cela et que Fred ne tiendrait pas à toucher le capital mais il n’est pas de cet avis, enfin il demande à ce que rien ne soit changé à nos rapports actuels avant fin Mai lorsqu’il donnera sa réponse définitive. 

20 avril : Mr. De Castelnau ayant informé Fred de ce que Mr Harmet lui avait dit qu’il pourrait maintenant agir comme il l’entendrait Maman et moi allons prier M. de C. de faire la demande ce qu’il promet de faire en quelques jours.

21 mai : Mr Harmet m’ayant donné rendez-vous sur la place Marengo me dit de venir avec Maman demain faire la demande officielle.

22 mai : A 2 heures Maman et moi allons chez Mr Harmet et sommes reçus à bras ouverts Melle charmante dit gentiment oui à notre demande après quoi nous nous embrassons tous bien heureux de ce bonheur inespéré. Fred est invité à déjeuner pour demain et envoie le soir même son 1er bouquet, j’annonce la nouvelle à Mme Alexandre et David félicité chaudement.

23 mai : J’écris à Joseph Henri Léon Valayer à midi Fred bien ému va chez les Harmet et porte une belle bague de fiançailles il est reçu très chaudement et part pour Lyon inviter   Félix et Hortense au dîner chez M.H. pour demain soir où nous serons présents tous à leur famille, il revient à 1 heure du matin bien content.

24 mai : J’écris à mes frères et sœurs et reçois des félicitations partout.

25 mai : Ce soir grand dîner de fiançailles chez Mme Harmet et présentation à la famille, Félix et Hortense arrivent à 6 heures assistent au dîner avec tante Maria et partent à 10 heures. Accueil charmant et cordial nous sommes tous enchantés de notre gentille future belle-fille.

29 mai : Ce soir Mr Mme Melle Harmet viennent pour la 1ère fois souper à la maison.

2 juin : Fred va passer 2 jours de fête chez les Harmet à Flévieux et Vienne.

6 juin : Aujourd’hui Fred reçoit un beau bronze (Vulcain forgeant une flèche) offert avec une lettre par une 100aine de ses ouvriers. Le soir Mr Harmet vient souper à la maison.

10 juin : Ce soir Mr Mme Melle Harmet viennent souper à la maison.

13 juin : Ce soir Fred présente sa corbeille de mariage se montant à près de 10.000 Frs et payée par la dot que je lui ai constituée.

22 juin : Ce soir Fred donne son dîner de garçon chez Faure pour les garçons d’honneur et tous les chefs de service de l’usine qui lui offrent un beau bronze.

30 juin : Ce soir à 5 heures lecture et signature du contrat chez Mr Harmet devant le notaire Mr Balaÿ, Félix Hortense, nous tous et le Cel Rivoire y assistent, tout se passe bien quoique Mme Harmet soit bien triste. Après dîner soirée très gaie malgré la forte chaleur.

1 juillet : Ce soir 5 heures mariage civil avec Mr de Castelnau et Dr Blanc pour témoins de Fred et Cel Rivoire et Marducci ceux de Melle Harmet, le soir Mr Mme Melle Harmet viennent souper chez nous.

2 juillet : Temps superbe à 10 heures ½ nous nous rendons chez les Harmet avec Fred très ému en quittant son foyer paternel, la mariée est ravissante et suivie d’un brillant cortège à l’Eglise St-Charles remplie de l’élite de la Société de St-Etienne à notre entrée la musique de l’usine joue, puis l’abbé Gisclon, après un beau sermon nous touchant aux larmes, bénit le jeune couple, ensuite chant de Mme Bouton et Mme Tardif et solo de Violon par Beau devin, cérémonie magnifique et ensuite défilé à la sacristie à 1 heure dîner de 100 couverts chez Duprés avec les beaux toasts du Cel Lucien Rivoire Léon et Mme de Castelnau, je bois à la santé des chanteurs garçons et demoiselles d’honneur gaieté générale, à 9 heures ½ ouverture du bal par le quadrille d’honneur des grands-parents et les nouveaux mariés qui sont tout radieux et restent jusqu’à 2 heures puis rentrent chez Mr Harmet pour partir en voyage de noces demain matin, fête magnifique, assistance nombreuse toilettes superbes.

         Joseph et sa fille Louise sa sœur et son frère sont de la fête dans la journée nous recevons plusieurs dépêches entre autres de Feldkirch, Maman était très belle dans la robe de satin noir tissée par Pierre [son fils] et rentre avec Pierre et Charles à 5 heures du matin moi j’étais rentré à 3 heures.

3 juillet : Fred et Marie partent par le 1er train pour Genève d’où dans la journée Mme Harmet reçoit une bonne dépêche.

31 décembre : Ce soir nous soupons chez les Harmet et finissons gaiement l’année à laquelle nous devons ce brillant mariage de Fred et le succès de Charles au Bachot si je pouvais trouver du travail, tout serait parfait, car tous les nôtres sont en bonne santé.

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Note : J'ai ici éliminé des notes du Journal de Frédéric Beutter tout ce qui ne concerne pas directement la vie et la trajectoire professionnelle de son fils Frédéric ainsi que les rapports entre père et fils. Il faut signaler que je respecte scrupuleusement l'orthographe et la ponctuation (quand il y en a) telles qu'elles figurent dans le tapuscrit en ma possession. Je n'ai corrigé que les coquilles évidentes. Les données factuelles et nominales (malgré les errements de l'orthographe du tapuscrit en particulier sur les noms propres) sont exactement confirmées par celles qui figurent dans les remarquables travaux généalogiques de Mr Alain Teyssier, d'Annonay.

Je n'ai pas l'honneur de connaître ce monsieur, ce que je sais c'est qu'il n'a cessé d'enrichir l'arbre familial "Paliard", à partir du tronc (Pierre François Paliard, mort avant 1742, qui avait épousé Jeanne Claudine Chagrot, et il y a un Claude Antoine Paliard né en 1722, quelque part du côté du lac de Saint-Point, Doubs, côté Malbuisson), au moyen de branches, branchettes, rameaux, ramilles et ramillons, dont l'ensemble touffu, mais à la méthode impeccablement rigoureuse, impressionne, au point de sembler, au premier abord, impénétrable comme le pire des ronciers (abondance de Félix Léon Maurice Henri et quelques autres à chaque génération et dans chaque branche — au nombre respectable de 48 au fil de plus de deux siècles !! On imagine avec peine la distance de papier qu'il faudrait pour faire figurer la totalité de l'extension horizontale de cette famille dans la génération actuelle) : je commence à peine à me faire une idée de la structure principale.

mardi, 02 octobre 2018

FRÉDÉRIC BEUTTER JUNIOR SE MARIE ...

... ET FAIT CARRIÈRE.

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Frédéric junior, le futur.

1870-1922

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Marie Clotilde Harmet, la promise.

1873-1958

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Frédéric senior.

1827-1909

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Henri Guillaume Harmet, le père de la demoiselle.

1844-1926

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EXTRAITS DU JOURNAL DE FRÉDÉRIC BEUTTER.

1893

17 juillet : Ce matin Fred est agréé par Mr Cholat comme Ingénieur aux Aciéries de St-Etienne  pour y rentrer le 1er Août, cette bonne nouvelle nous comble de joie, car nous y voyons l’avenir de notre cher fils assuré avec le bonheur de le garder près de nous.

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L'usine où Frédéric (Fred) a son bureau.

29 juillet : Aujourd’hui Fred met pour la 1ère fois son joli uniforme des Mines et assiste le soir  au banquet d’adieu.

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Un nommé Auguste Courriol, promotion 1896-1899, en uniforme.

31 juillet : Aujourd’hui Fred entre comme Ingénieur aux Aciéries de St-Etienne Dieu veuille qu’il réussisse à y faire son chemin comme il le mérite. Au classement définitif [de l'Ecole des Mines] il sort 4ème sur 23 élèves.

25 août : Aujourd’hui Fred reçoit de Mr Harmet l’assurance qu’il serait payé à partir du 1er  courant à raison de 1.500 Frs l’an plus une prime de 3 Frs par plaque reçue ce qui vaut environ 2.500/2.700 Frs l’an superbe.

31 août : Aujourd’hui Fred touche ses 1ers appointements 125 Frs par mois (plus une prime sur les plaques reçues).

8 octobre : Aujourd’hui Fred rentre à son poste à l’usine et Pierre à l’Ecole de Commerce de Lyon.

1894

15 mars : Fred se trouvant fatigué va voir le Dr Blanc qui lui dit qu’il a une sistite [sic] – inflammation de la vessie. Espérons que cela ne soit pas trop sérieux. Depuis 15 jours pas une seule lettre quel ennui.

18 mars : Aujourd’hui Dimanche scène pénible avec Fred qui me reproche de fumer en passant par sa chambre et me dit que plus tard il me défendrait de fumer chez lui. Inouï.

28 mars : Après une bonne journée d’hier étant sorti et probablement resté dehors trop longtemps, il reprend le soir ses douleurs à la vessie très fort et passe une bien mauvaise nuit. Ce matin le Dr Blanc lui prescrit un repos absolu au lit et me dit que cela pourrait bien durer assez longtemps ce qui nous effraye, j’en préviens Mr Harmet qui me dit de le soigner avant tout et de ne pas le laisser se préoccuper de sa position.

29 mars : Après une bien mauvaise nuit souffrant d’atroces douleurs au ventre Fred se calme à midi et passe

30 mars : une bonne nuit espérons que cela continue.

9 avril : Aujourd’hui Fred reprend son service à l’usine.

18 avril : Ce matin Fred va mieux et retourne à l’usine.

25 juin : Ce matin à 1 heure Fred ayant passé la journée à Lyon pour voir l’Exposition nous apporte la toute nouvelle de l’assassinat de Carnot par un Italien tout le monde est bouleversé et inquiet sur l’avenir.

7 septembre : Ce soir Fred me fait encore une scène au souper il me reproche de les empêcher de s’amuser [Fred a 24 ans] à la maison où ils s’embêtent comme des rats morts et cela dans un moment où je fais tout mon possible pour qu’ils ne souffrent pas de ma perte de position.

8 octobre : Aujourd’hui Fred est nommé chef de service aux Forges en remplacement de Mr Verdreau, renvoyé.

23 octobre : Aujourd’hui Pierre va à Lyon recevoir son diplôme.

         Ce soir Mr Harmet informe Fred qu’à partir du 1er Novembre ses appointements seraient élevés à 300 Frs par mois, augmentés dans le courant de l’année ce qui nous comble de joie.

1 novembre : Après la visite au cimetière Fred va à Lyon annoncer cette bonne nouvelle.

20 décembre : Aujourd’hui Mr Harmet prévient Fred qu’à partir du 1er Janvier ses appointements seraient élevés à 400 Frs par mois, donc position superbe.

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Prochain épisode : un brillant mariage.

lundi, 01 octobre 2018

ÇA Y EST, MON GRAND-PÈRE EST NÉ

EXTRAIT DU JOURNAL DE FRÉDÉRIC BEUTTER.

ANNÉE 1892

03 17 : Ce matin ayant reçu une dépêche de Félix annonçant l’accouchement imminent de Hortense, maman part pour Lyon à midi et le soir à 4 heures je reçois une seconde dépêche de Félix me disant que Hortense était heureusement accouchée d’un gros garçon (avant l’arrivée de Maman) et que tout allait bien ce dont nous sommes très contents quoique Hortense eût désiré une petite fille.

03 18 : Ce soir Maman revient de Lyon, bien contente. Hortense a beaucoup souffert et était seule avec son mari et sa belle-mère, mais à 10 heures du matin tout était fini, et maintenant Hortense va aussi bien que possible et le garçon est superbe.

03 20 : Aujourd’hui dimanche, par un temps splendide, nous partons tous pour Lyon, après la messe, déjeuner excellent chez Léon [père de Félix, grand-père du nouveau-né], puis nous allons chez Hortense qui va aussi bien que possible et nous témoigne beaucoup de gratitude pour nos beaux cadeaux, médaille et chaîne et un porte feuille de Fred pour le nouveau-né qui est superbe de santé, un chronomètre pour Félix et des jouets pour Bibolet qui va très bien. 

A 4 heures, baptême à l’église de la paroisse, je suis parrain avec Marianne pour marraine et le petit est baptisé, Frédéric Pierre Joseph, après la cérémonie, nous prenons congé de Hortense et allons dîner chez les Valayer où nous passons une excellente soirée heureux de voir nos enfants réunis [142] de nouveau pour la 1ère fois depuis notre départ de Lyon, les enfants s’amusent beaucoup et nous regrettons seulement l’absence de M. Valayer parti hier pour Crest à 10 heures du soir nous partons à pied et revenons par le dernier train et arrivons à 1 h ½ du matin bien contents de cette belle journée.

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Entre le premier moment de sa vie et la dernière photo – éminemment chargée pour moi – de Frédéric Paliard vivant (été 1969, il est mort en septembre), il s'est écoulé 77 ans.

Note : Marianne Paliard (née Milliet) est l'épouse de Jacques Léon Paliard : ce sont les grands parents qui sont parrain et marraine. "Bibolet" est le surnom (inexplicable) de Léon Paliard, futur chanoine et futur fondateur du Grand Séminaire de Hanoï (Vietnam). Je l'ai plutôt connu avec son surnom "Topé" (tout aussi inexplicable). Celui de Frédéric était "Frisco", et celui de Pierre, le dernier fils d'Hortense et Félix (mon parrain que nous appelions "Oncle Pierre de Marseille"), "Pazo".