jeudi, 27 février 2014
CHANTONS SUR LES CHARNIERS
BIGUINE A BANGUI, BIGUINE A BANGKOK
Aujourd’hui on se détend un peu. C’est l’actualité des événements qui se produisent dans le monde qui m’a fait penser à Charles Trenet et à sa chanson « Biguine à Bango ! » (cliquer pour visionner). Oh, la chanson est peu connue, certes, mais elle me fait irrésistiblement penser à ce qui se passe dans les capitales de deux pays : la Thaïlande et la Centrafrique.
En Thaïlande, une partie de la population en a assez d’être gouvernée par des gens appartenant à une élite corrompue jusqu’au trognon, et pour le faire savoir, elle est descendue dans la rue, au risque de se faire tirer dessus par les militaires de Yingluck Shinawatra, la sœur du nommé Thaksin, réfugié à l’étranger pour ne pas être coffré comme un vulgaire malfaiteur, pour corruption éhontée.
Tiens, au fait, est-ce que ce n’est pas le motif qui a poussé une bonne partie de la population ukrainienne à occuper depuis trois mois la place Maïdan ? Remarquez que, pas très loin de là, j’ai lu quelque part que certains Russes reprochent (en parlant assez bas pour ne pas être entendus de l’intéressé) à Vladimir Poutine d’avoir amassé depuis qu’il est au pouvoir une fortune aux dimensions inimaginables. Il posséderait ainsi plus de quarante résidences luxueuses. Il m'arrive de me demander ce que je ferais de quarante résidences, si j'étais dictateur. Passons.
Remarquez que les Tunisiens n’ont pas foutu dehors Ben Ali pour une raison différente, et que la première visite qu’ils ont faite dans le palais du dictateur leur a autant coupé le souffle qu’aux Ukrainiens celle que ceux-ci ont organisée dans l’invraisemblable propriété qu’occupait Ianoukovitch jusqu’à son départ. Et j’imagine que si les Egyptiens avaient pu visiter la propriété de Moubarak, ç’aurait été pareil : du marbre et de l'or. Il paraît même que chez Ben Ali, il y avait dans certaines pièces des murs de liasses de billets (je le tiens d'une bonne source, mais allez savoir).
Et peut-être un jour prochain ne sera-t-il plus permis aux Africains, les potentats Obiang, Sassou-Nguesso et autres Bongo de réinvestir dans la pierre et le foncier français (l'affaire des « biens mal acquis ») les sommes colossales qu’ils ont piquées dans les caisses de leurs Etats, sans parler des subventions accordées par la « communauté internationale » au titre de « l’aide au développement » (laissez-moi pouffer) qu’ils ont détournées à leur profit et planquées en Suisse, à Singapour ou aux Îles Vierges britanniques.
Vous en voulez encore ? Eh bien voyons du côté d'Ankara et d'Istamboul, et des islamistes de l'AKP dirigés par l'islamiste « conservateur modéré » (!) Redjep Tayip Erdowan (en phonétique). Un bon musulman, c'est certain, qui se garde de l'esprit de lucre comme de la peste. Tout faux ! Pris les doigts dans le cambouis de l'argent sale, le bon musulman !
Mais peut-être – espérons-le – qu’il n’est pas obligatoire dans tous les pays du monde que ce soient les bandits, gangsters et autres mafias qui arrivent au pouvoir.
Cela reste une question malgré tout, par exemple après lecture du copieux dossier paru dans Le Monde récemment au sujet des fortunes faramineuses accumulées par ce que le journal appelle les « princes rouges » et leurs héritiers. Je parle de la Chine, évidemment. N’est-ce pas le fils de l’un d’eux dont on a retrouvé les restes dans les débris fumants d’une Ferrari dernier cri ?
Il ne faut donc pas généraliser. On ne peut imaginer – je parle au hasard – que de tels abus puissent arriver dans notre beau pays de France. Jamais de la vie, voyons. Nous avons les capitaines de pédalo les plus intègres de la planète, tout le monde le sait et personne n’oserait contester cette vérité. Et dire que j’annonçais un moment de détente en commençant. Moralité, si l’on va où l’on a décidé d’aller, ce n’est pas toujours sans sinuosités et méandres. Bon, revenons à nos roustons.
Après la Thaïlande, si nous portons nos regards sur la Centrafrique, que voyons-nous, devant nos yeux ébaubis ? Après le pillage et le meurtre généralisés commis par les milices de la coalition nommée « Séléka », juste retour des choses, c’est maintenant aux milices nommées « anti-balaka » de se dire qu’il est temps de faire couler le sang. Ce n’est qu’une habitude à prendre, comme on peut lire dans l’impressionnante trilogie écrite par Jean Hatzfeld sur la tragédie rwandaise (commencer par l’absolument indispensable Une Saison de machettes).
C’est au détour d’amusements aussi simples que ceux fournis par ces informations que la loupiote d’une chanson de Charles Trénet se met à clignoter dans ma tête. Cette chanson, peu connue, je l’ai dit, s’intitule « Biguine à Bango ». Elle dit : « Connaissez-vous la Martinique ? Connais-tu là-bas le Bango ?… ». Voilà, c’est tout. Quoi, ça ne vous suffit pas ? He bien si. Remplacez « Bango » par « Bangui ».
Vous pouvez aussi remplacer « Bango » par « Bangkok ». Et vous comprenez pourquoi j’ai parlé de l’actualité en Thaïlande et en Centrafrique. Comment, je ne suis pas très sérieux ? Mais certainement, et non seulement je le reconnais, mais je le revendique haut et fort : il ne faut pas être sérieux sur les choses sérieuses, pas plus qu’il ne faut prendre à la légère les choses légères.
Que voulez-vous faire d’autre que du mauvais esprit, au spectacle des horreurs qui se commettent un peu partout dans le monde, et qui constituent le fonds de commerce de tous les médias d’information.
En me mettant à fredonner : « Woho ! Woho ! Biguine à Bangui ! » ou « Woho ! Woho ! Biguine à Bangkok ! », j’exorcise en quelque sorte un démon, celui qui, autrement, me laisserait tétanisé d’horreur. On me parlera de dérision, de manque de compassion, et ce ne sera pas complètement faux.
Mais je demande qu’on laisse ma compassion un peu tranquille de temps en temps. Ma compassion, si c’était une personne, elle serait classée parmi les grands brûlés, traitée en grand blessé, hospitalisée vite fait dans un service d’urgence, et le monde cesserait de la harceler pour lui laisser le temps de se remettre de tous ses traumatismes et de toutes ses blessures.
Ma compassion pour les misères du monde, elle n’en peut plus. Epuisée d’avoir été sollicitée sur tous les fronts des petites et des grandes tragédies qui ensanglantent les contrées émergées de la planète.
La compassion, ça suffit ! C'est juste pour ça que je fais semblant de rire ! Parce que, finalement, ça soulage.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, société, corruption, france, politique, charles trénet, chanson française, biguine à bango, bangui, bangkok, centrafrique, thaïlande, thaksin shinawatra, yingluck shinawatra, place maïdan, russie, ukraine, vladimir poutine, tunisie, ben ali, égypte, moubarak, afrique, obiang, sassou-nguesso, omar bongo, argent sale, turquie, erdogan, islam, islamisme, musulman, coran, journal le monde, princes rouges, chine populaire, séléka, anti-balaka, jean hatzfeld, une saison de machettes, rwanda
mardi, 01 mai 2012
DES NOUVELLES DE LA PLANETE (1)
Les tendances de la mode.
Cette année, la terre cultivable se portera de plus en plus confisquée. La tendance est sans doute appelée à durer, peut-être à se renforcer.
Je ne sais pas si vous savez ce qu’est un « bail emphytéotique », ce qu’on appelle une location de longue durée, voire de très longue durée. Le plus souvent, ce sont des baux à 99 ans. Un siècle quoi. J'appelle ça de la confiscation. D'autres parlent d'accaparement. Les initiateurs du mouvement appellent ça « aide au développement ». Cherchez l'erreur.
J’ai entendu dire, mais je ne veux pas le croire, que certains baux emphytéotiques peuvent être signés sur une durée de 999 ans. En tout cas, on trouve ça sur wikipédia. Ça me semble une hallucination. Parce que déjà, 99 ans, ça fait sur trois générations. Pas une appropriation, mais pour ainsi dire.
Le tout, pour signer un bail de location, c’est d’être deux. Quelqu’un qui possède un bien, et quelqu’un qui aimerait bien user de ce bien, contre rétribution. En l’occurrence, le bien est la terre cultivable disponible. C’est une richesse (presque) naturelle. Celui qui veut en user, c’est évidemment quelqu’un qui en manque, de cette richesse. Mais lui, il a de l’argent. Or le propriétaire du bien, c’est justement quelqu’un qui n’en a pas beaucoup, d’argent. Qu’est-ce que ça tombe bien !
Maintenant, si on regarde qui sont les bailleurs et qui sont les « locataires », on commence à mieux comprendre ce qui se passe : des pays riches, voire très riches, qui manquent de terres cultivables, sont en train de confisquer (un « bail à 99 ans », c’est un euphémisme pour « confiscation », ou je ne sais plus que 2 + 2 = 4), d’immenses territoires à des pays pauvres, voire très pauvres.
Cette confiscation est rendue d’autant plus facile que la propriété des sols, dans les pays du tiers-monde, n’est pas juridiquement aussi précise et cadastrée que chez nous. Ah, ta famille cultive cette terre depuis cinq générations ? Peut-être, mais prouve-moi qu’elle t’appartient ! Où est l’acte notarié ? Bon, ben puisque c’est comme ça, tu vas prendre tes cliques et tes claques et me foutre le camp d’urgence. Maintenant, c’est ce Monsieur qui la cultivera.
En général, c’est le gouvernement du pays qui procède aux formalités légales. Et comment ne pas imaginer que le futur locataire sait trouver des arguments sonnants et trébuchants, capables de toucher les sentiments du gouvernant, d’abord réticent, puis intéressé au fur et à mesure que les enchères montent ? Des enchères à lui seul destinées, bien entendu. Comment ne pas se sentir enclin à céder quand on en tire un joli bénéfice personnel ?
Il va de soi que je ne fais qu’imaginer ce scénario fantasmatique, n’est-ce pas. On connaît trop la parfaite intégrité morale des élites dirigeantes des pays « pauvres » (KABILA en RDC, SASSOU-NGUESSO au Congo Brazza, OBIANG en Guinée Equatoriale, etc.). On ne voit pas ce qui pourrait laisser supposer qu’elles pourraient se laisser corrompre.
J'ESPERE QU'ON PEUT DECHIFFRER,
EN PARTICULIER LES CHIFFRES
On a déjà compris que le plus gros gisement de terres cultivables disponibles se trouve en Afrique. En l’état actuel des choses, on parle de 180.000 km². Oui, vous avez bien lu : cent quatre-vingt mille kilomètres carrés (18.000.000 d’hectares) de terres africaines cultivables ont été soustraites aux cultivateurs autochtones, pour être confiées pour 99 ans à des entreprises étrangères. Et quand je dis « entreprises », cela veut moins dire des agriculteurs les pieds dans la glèbe que des industries avec leurs engins lourds.
Rien qu’à Madagascar, ce sont 37.000 km² qui sont passés sous la coupe étrangère. Un peu plus de 30.000 en Ethiopie, un peu moins en République Démocratique du Congo. Les pays les plus touchés, ensuite, sont, dans l’ordre, le Soudan, le Bénin, le Mozambique. Bref, le tableau s’éclaire violemment. L’Amérique du sud est concernée à la marge. Dans le Pacifique, les Philippines semblent avoir été entièrement mises en vente, loin devant l’Indonésie.
Maintenant, demandons-nous sans plus longtemps tergiverser qui sont les acheteurs (terme plus approprié que locataire). Au premier rang, la Chine, suivie à plusieurs longueurs des Etats-Unis. Viennent ensuite la Grande-Bretagne, la Malaisie, la Corée du Sud, l’Arabie Saoudite, l’Inde, la Suède et l’Afrique du Sud.
Comment, vous dites « colonialisme » ? Mais non, voyons, on vous dit que c’est du contrat tout ce qu’il y a de parfaitement légal. Et puis de toute façon, ce ne sont pas des Etats qui les ont passés, ces contrats, mais de la bonne grosse entreprise industrielle tout ce qu’il y a de privé.
Quoi, ça dépossède le petit paysan d’Afrique de toute possibilité de cultiver ? Quoi, ça risque dans un avenir assez proche de semer la famine ? Quoi, ces terres sont utilisées à des productions directement réexportées vers le pays propriétaire ? Quoi, on y produit principalement des biocarburants à haute valeur financière ajoutée ? Mais tout ça, mon brave monsieur, ne nous regarde pas. Nous n’y pouvons rien. C’est de la bonne vieille transaction commerciale. Vieille comme le monde.
Alors vous voulez que je vous dise ? L’UNICEF pourra toujours hurler à la faim des enfants dans le monde, JEAN ZIEGLER pourra toujours aboyer contre les pays riches qui laissent mourir de faim les populations du tiers-monde, Action Contre la Faim pourra toujours organiser des collectes dans les rues pour que des populations culpabilisées remplissent la sébile de la charité universelle, ils peuvent attendre, tous les généreux et toutes les bonnes âmes de la planète.
Pendant que le pékin moyen donnera une goutte, une cohorte de vampires confisquera une citerne (c’est vrai, au fait, j’ai oublié de parler des menaces sur les ressources en eau potable que font peser sur les pays pauvres ces entreprises agricoles d’un nouveau genre).
Continuons comme ça. Le Paradis n’est plus très loin. Faisons confiance aux instances supérieures.
Mais quoi qu'il en soit, en toute circonstance, n'oublions jamais que
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : écologie, tiers monde, agriculture, accaparement des terres, bail emphytéotique, pays en développement, rdc, kabila, congo brazzaville, sassou-nguesso, afrique, madagascar, corruption, éthiopie, soudan, bénin, mozambique, pacifique, philippines, chine, états-unis, grande-bretagne, malaisie, corée du sud, arabie saoudite, inde, suède, afrique du sud, colonialisme, collège de pataphysique