vendredi, 20 octobre 2023
ISRAËL, ÉTAT INJUSTE ...
...DEPUIS QU'IL EXISTE.
Le Hamas est donc un ramassis d'ordure humaine, qui se contrefout joyeusement de la "cause palestinienne" et de la création d'un hypothétique Etat palestinien, et qui au surplus méprise allègrement la vie humaine, que ce soit celle des ennemis ou des civils qu'il a sous sa coupe, voire de celle des individus qui composent ses propres troupes. Il n'a qu'une obsession : détruire Israël. Et une grande idée en tête : instaurer, maintenir et aggraver son pouvoir absolu. Si d'aucuns tiennent à parler de dictature, qu'on sache que je n'ai rien contre.
Le problème, c'est que le dit Etat d'Israël n'a aucune envie d'être rayé de la carte, malgré l'envie urgente et pressante d'anéantissement de l'intrus qui a saisi ses voisins arabes dès le moment de sa proclamation par Ben Gourion en 1948, envie qui habite encore un certain nombre de gens et d'Etats, en général musulmans.
J'ai dit "intrus". Qu'on le prenne dans le sens qu'on voudra, la naissance de l'Etat d'Israël, c'est d'abord l'irruption d'un intrus, qui a dépossédé, avec l'aval des grandes nations du monde, trop heureuses de se débarrasser du problème, les occupants précédents d'un territoire où ils vivaient depuis longtemps. Là est la première injustice, une injustice originelle si l'on peut dire. Car les habitants arabes de la Palestine de 1947 ne sont coupables de rien.
L'argument de la plus haute antiquité du peuple juif est fallacieux : vous imaginez qu'un vindicatif vienne vous dire : « Rends-moi ce que tu m'as pris il y a 2.000 ans ! » ? A ce compte, nous autres Gaulois, descendants en ligne sinusoïdale d'Abraracourcix, Vercingétorix et autres héros, aurions bien des récriminations à adresser aux Italiens en tant que descendants supposés des armées romaines. Vous voyez le topo ? Bon, mon exemple, c'est pour de rire, mais.
J'ajoute que, bien que l'Etat d'Israël ait entrepris des fouilles archéologiques destinées à exhumer les vestiges de l'antique "Terre Promise" des Hébreux pour mieux pouvoir affirmer la priorité des juifs dans la désignation du propriétaire présent le plus "légitime" des lieux, cela n'en fait pas un argument moins fallacieux. Vous les voyez, les descendants de Priam, d'Hécube, d'Hector et d'Anchise organiser une manif. à Istanbul ou Ankara au prétexte que l'actuelle Turquie usurpe le territoire de leurs ancêtres : les anciens Troyens de l'époque homérique ? Vous vous rendez compte du bazar mondial que ça mettrait à l'O.N.U. dans la définition des frontières ?
Affirmer ses droits sur une terre dont on a été chassé 2.000 ans avant, ça comporte un côté complètement brindezingue. D'abord parce qu'entre gens bien élevés, cela "ne se fait pas". Et puis parce qu'après un an et un jour, un bien non réclamé appartient à celui qui l'a trouvé (it's a joke, natürlich). Ensuite parce que l'histoire est ce qu'elle est, qu'on ne saurait la refaire, et qu'il s'en est passé, des choses qu'on ne peut effacer, depuis la "Grande Diaspora". Enfin parce que les gens finalement délogés vivaient là depuis lurette et n'y pouvaient rien, c'était comme ça et puis voilà. Ils n'avaient chassé personne de sa terre. Je veux dire que depuis une date indéterminable mais de toute façon très ancienne, c'est là qu'ils naissaient, qu'ils vivaient, qu'ils mouraient, qu'ils étaient enterrés de génération en génération. Et dénués, au surplus et avec raison, du sentiment d'avoir pris cet endroit à quelqu'un.
Il y a dans la création de l'Etat d'Israël quelque chose du : « Ôte-toi de là que je m'y mette ! », à la façon des Russes en Crimée et dans le Donbass ou des troupes d'Ilham Aliyev dans le Haut Karabakh. L'existence de l'Etat d'Israël prend sans conteste son origine dans un coup de force, sans doute facilité par la situation coloniale d'une région qui vivait alors sous "protectorat" (on disait "mandat") britannique. Maintenant, qui oserait dénier au peuple juif (au sens ethnique et non religieux) son droit de s'implanter et de résider quelque part, en paix et en sécurité ? Il est vrai qu'on pourrait poser la question à pas mal de gens sur toute la planète : Amérindiens, Kurdes, Ouïgours, Arméniens, Tibétains, Aborigènes, etc.
Le malheur, c'est qu'Israël n'a jamais pu trouver la paix avec ses voisins de la région. Certes, il y a des exceptions et un certain "modus vivendi" a parfois pu s'installer, précaire et soumis aux caprices de l'actualité. Résultat des courses, une situation générale d'hostilité plus ou moins déclarée mais permanente entre l'Etat des juifs et son environnement géopolitique. Jamais la paix, parfois des hostilités carrément ouvertes, de temps en temps des escarmouches ou des "opérations". Rien que ça, ça doit finir par être fatigant.
Je serais bien incapable et n'ai aucune envie de reconstituer l'historique des aléas, des conflits ouverts, des fluctuations politiques, des accalmies. Trop compliqué. Pour cela il faut s'adresser à Monsieur Henri Laurens, du Collège de France, qui connaît sur le bout des doigts l'intégralité de l'histoire de ce coin de la planète, de ses peuples, des événements qui s'y sont produits depuis Mathusalem, et qui est capable, si vous lui demandez poliment, de vous réciter heure par heure dans ses moindres détails la guerre israélo-arabe de 1973 (Kippour). Je veux juste pointer quelques aspects de la question, à partir de ce que j'en perçois au fond de mon terrier.
Le premier de ceux-ci concerne la vie politique en Israël, pour autant que je puisse en juger. Voici un pays qui, si j'ai bien compris, n'a pas de Constitution, cette charte où — du moins chez nous et dans quelques pays au mode de vie avoisinant — sont formulés les grands principes, la forme du gouvernement, les rapports entre gouvernants et gouvernés, l'organisation des pouvoirs publics (merci Larousse). C'est au moins une curiosité dans le concert des nations occidentales. Il s'ensuit que personne ne dispose de la définition du "citoyen d'Israël" et que, lorsque Netanyahou fait adopter la loi qui remplace l'Etat des juifs par l'Etat juif (notez la nuance qui change tout), on ne sait pas à quel statut rattacher les populations arabes qui vivent au milieu des juifs.
Le deuxième aspect qui attire mon attention est le mode de scrutin sur lequel repose la composition de la Knesset : la proportionnelle intégrale. Entre nous, si je trouve imparfait le scrutin majoritaire à deux tours tel qu'on le connaît en France, j'imagine l'énorme et innommable caca politique qui s'abattrait sur notre pays si un tel mode y était adopté. Car l'équation qui se présente aux responsables des partis israéliens les soirs d'élection est devenue de plus en plus insoluble, du fait des négociations de marchands de tapis auxquelles ils sont astreints en vue de la formation d'un gouvernement de coalition pas trop instable. La question de savoir combien de partis (et de "partis") sont représentés à la Knesset est indiscrète. Plus encore celle de savoir quel est le poids politique des religieux les plus rigoristes dans la composition de cette drôle d'assemblée.
Le troisième et dernier aspect sur lequel il semble nécessaire d'insister découle du précédent. Car plus les partis de droite (et autres religieux de plus en plus intégristes et extrémistes : ce sont eux qui ont fait tuer Itzhak Rabin, le père des défunts accords d'Oslo) ont pris d'importance à la Knesset, plus les gouvernants ont été obligé de laisser la bride sur le cou à ces plus ou moins alliés, mais activistes à plein temps qui, pour des motifs religieux, historiques, philosophiques ou autres, pensent dur comme fer que c'est TOUTE la Palestine qui leur appartient en exclusivité. Et que, puisque c'est eux les propriétaires, c'est là qu'ils vont construire leur maison et cultiver la terre. Une terre débarrassée des Palestiniens.
A cet égard, j'ai entendu des discours hallucinants et hallucinés, tenus par des monsieurs et madames tout-le-monde installés en Israël, qui ne laissaient aux Palestiniens plus qu'un seul droit : celui de foutre le camp. A les entendre, il serait sans doute plus facile de faire le décompte des modérés. Ceci pour dire que le Likoud (plus ou moins "socialiste", je crois) est dans les mêmes lamentables choux que notre défunt Parti "Socialiste", et que les électeurs de gauche se sont beaucoup raréfiés sur la scène politique israélienne, voire sont en voie d'extinction de voix. Dans le même temps, la loi des vases communicants remplissait les urnes de bulletins marqués à droite de la droite, avec les conséquences jusqu'au-boutistes que l'on voit à l'œuvre d'élection en élection.
On appelle ça la "Colonisation". Le but ultime de la colonisation, cela s'appelle "Annexion". Cela suppose l'éviction totale des Palestiniens. D'ailleurs certains parmi les hauts responsables politiques israéliens y pensent et en parlent ouvertement. Mais pour en rester au grignotage territorial opéré par les colons, c'est évidemment un fléau et une injustice majeure, jumeau monozygote de la très basse considération (disons carrément : le mépris total et très calculé) dont tous les gouvernements israéliens successifs ont entouré l'Autorité Palestinienne, dans le but presque avoué de faire monter l'influence, le rayonnement, le prestige et la puissance — précisément — du Hamas qui, aujourd'hui, représente sans doute — et à tort — aux yeux d'une forte majorité de Palestiniens, la seule "Autorité" légitime. Les chefs israéliens ont toujours violemment rejeté l'O.L.P., Yasser Arafat, Mahmoud Abbas et consort comme interlocuteurs et partenaires de négociations de paix.
On pourrait d'ailleurs se dire qu'Israël, au vu des assassinats massifs que le Hamas vient de commettre, a reçu l'horrible salaire de cette ligne stratégique démente, obstinément suivie depuis fort longtemps. Déconsidérer Mahmoud Abbas et son entourage du Fatah, disqualifier méticuleusement ce petit monde corrompu comme éventuel partenaire de négociations de paix, tous les dirigeants israéliens se sont attelés à ce travail de démolition des espoirs de paix. Tout ce qui aurait pu ressembler à une volonté de négociation avec l'Autorité Palestinienne a été sciemment tué dans l'œuf à cause des va-t-en guerre israéliens. Je me demande même si l'évacuation manu militari (je ne sais plus si c'était Ariel Sharon ou Ehoud Barak) des colonies juives de Gaza n'ont pas eu en leur temps pour objectif tout à fait délibéré de laisser le champ libre au Hamas.
Quant à la colonisation, je me souviens d'une carte publiée il y a bien des années dans Le Monde Diplomatique, qui représentait ce que la politique israélienne avait alors laissé de territoires aux Palestiniens de Cisjordanie. Pour donner une idée de la fragmentation extrême de ces territoires, le service cartographie les avait figurés sous la forme d'un archipel, où toutes les "îles" palestiniennes vivaient complètement isolées des autres, et que seules des "navigations" compliquées permettaient de les relier en slalomant parmi les portions grignotées par des colons juifs. On comprend que ces conditions de vie rendent insupportable le quotidien des Palestiniens.
Je ne parlerai pas de la psychologie "de combat" généralement partagée dans la communauté des colons, de l'arrogance souvent manifestée par ceux-ci à l'égard de leurs voisins Palestiniens, de l'appropriation arbitraire des terres, de la destruction des maisons, de la liquidation des champs d'oliviers, du mur de séparation et des routes qui le longent sans jamais se rencontrer, etc. Cette façon d'ouvrir la "Judée / Samarie" aux colons a quelque chose de carrément cinglé, cintré, givré, malade. Disons-le : la permissivité (la lâcheté) des pouvoirs successifs à l'égard des colons juifs a quelque chose de criminel.
Il faudrait qu'en Israël on finisse par se demander comment il se fait que la population palestinienne ordinaire de Cisjordanie et Gaza ait été rendue si perméable au discours et aux actions de ce Hamas extrémiste, terroriste, jusqu'au-boutiste. Est-ce que ça ne serait pas parce que le sort réservé par les Israéliens aux Palestiniens en tant que peuple est humainement inique ?
L'Afrique du Sud a pu en finir, après bien de la casse, avec le régime d'apartheid après des dizaines d'années cruelles pour les Noirs, Métis, Indiens et autres catégories raciales établies par les Blancs. Nul ne peut avancer une raison raisonnable et rationnelle pour qu'il n'en soit pas de même en Palestine. Mais pour cela, il faudrait ..., il faudrait..., il faudrait ..., il faudrait .............
Mais non, contrairement à tous les spécialistes estampillés et dûment autorisés, j'avoue fièrement que je n'ai aucune idée de ce qu'il faudrait, bien que je le souhaite ardemment. Je voudrais tant que le peuple d'Israël tout entier ait envie de se comporter de façon JUSTE ! Une chose quand même : il faudrait que les acteurs de la région se mettent d'accord pour tenter de se mettre d'accord sur les termes d'un éventuel accord sur les modalités d'un éventuel accord en vue d'une éventuelle cohabitation.
Mais je crains que les griefs de tous à l'encontre de tous aient atteint un tel point de non-retour et de gravité que plus personne ne peut pardonner à qui que ce soit. Les dettes mutuelles ont atteint des montants tellement exorbitants que plus aucun débiteur n'est aujourd'hui en mesure de les acquitter. Nous assistons à une forme de faillite généralisée.
En attendant, l'injustice originaire faite aux Palestiniens par l'Etat désormais juif se perpétue et s'aggrave de décennie en décennie, et il n'y a aucune raison pour que ça s'arrête. Le monde n'a pas fini de braquer ses jumelles et son incompréhension sur cette région, à la fois si proche et si lointaine. Si chère et si douloureuse. Si forte et si folle. Si attirante et si dangereuse. Si belle et si laide.
C'est dans cette même région que, dans un de ses premiers livres (Aujourd'hui, demain et après ou Cela se produira bientôt, je ne me rappelle plus), l'écrivain Jean-Pierre Andrevon imaginait une guerre régionale qui durait depuis on ne savait plus quand, une guerre dont on avait perdu jusqu'au souvenir de la raison première, une guerre qui s'était éternisée on ne sait ni pourquoi ni comment, une guerre qui ne finissait jamais et ne pouvait pas finir. Une guerre éternelle, quoi. Il ne croyait pas si bien dire : qui aujourd'hui, parmi les vrais acteurs de tout ce merdier, désire faire la paix ?
Les guerriers les plus belliqueux du monde ne sont pas près de manquer de travail. Et les partisans de la paix (il y en a) n'ont pas fini de se lamenter.
***
Bilan : J'entends la question : « Alors, tu votes pour qui, baratineur de blog ? » Bonne question. Oui, quel est l'élu de mon cœur, de mon intelligence, de mon orientation politique ? L'Israélien ou le Palestinien ? J'espère que le lecteur, au bout de ce triplé de billets, a compris que ma réponse n'est ni facile, ni même possible. Israël a le droit d'exister, mais les Palestiniens ont un droit tout aussi clair de pouvoir en toute liberté vaquer à leurs affaires et cultiver la terre là où le sort les a semés. C'est sur ce point que l'Etat juif commet l'injustice terrible. Car tout ce monde a le droit de vivre en paix et en sécurité.
Mais alors, qui donc veut encore la guerre ? Poser la question, c'est presque y répondre : il y a d'un côté les colons, la colonisation de la Cisjordanie, le vol des terres palestiniennes, tout cela étant admis ou toléré par les gouvernements successifs d'Israël. Et puis en face, il y a le Hamas, le Hezbollah, et quelques autres groupes plus ou moins identifiables. Pour les deux groupes cités, Israël est et reste un ennemi à éradiquer.
Or quand on sait qu'ils ne sont que les faux-nez de la République islamique, on aboutit à cette conclusion : côté israélien, quelques juifs fanatiques entretiennent le climat d'hostilité du fait de leur folie de conquête territoriale. Côté arabe, seul l'Iran et ses pseudopodes régionaux, veulent la guerre et la destruction d'Israël (je fais abstraction des Etats simplement hostiles ou a priori méfiants et des velléités d'autres pays musulmans exaltés, mais beaucoup plus éloignés du terrain des opérations, comme l'Indonésie par exemple).
Je resterai donc le spectateur de cette longue tragédie à laquelle je ne peux rien, que je comprends à peine, qui me remplit de tristesse et d'amertume, et qui envahit les journaux, les ondes, les écrans, les réseaux sociaux et les esprits de récits d'horreur. Cela dit, il me reste l'impression répugnante que le Hamas aura mené, avec cette opération de massacres tous azimuts contre des juifs, une fabuleuse campagne de propagande, et couronnée de succès, puisque l'expédition a, partout dans le monde, réussi le tour de force de disparaître derrière les destructions et massacres indiscriminés conduits par l'aviation israélienne, en attendant l'armée de terre, les chars et le carnage. Qui parle encore de la saloperie du Hamas ?
Chapeau, les assassins ! J'espère au moins que vous ne l'emporterez pas au paradis d'Allah, ce jardin, paraît-il, « où les ruisseaux coulent » (ça, c'est un peu partout dans le Coran) et où de purs salauds parfaitement cyniques vous font croire que d'accortes houris vous attendent.
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : israël, palestine, palestiniens, arabes, cisjordanie, bande de gaza, jérusalem, tel aviv, ramallah, mahmoud abbas, benjamin nétahnyhou, jean-pierre andrevon, apartheid, juifs, musulmans, islam, islamistes, henri laurens, collège de france, guerre du kippour, knesset, ithzhak rabin, accord d'oslo, andrevon aujourd'hui demain et après andrevon cela se produira b, azerbaïdjan, arménie, arménien, haut karabakh, journal le monde
lundi, 04 novembre 2019
MORT DE "LA GUEULE OUVERTE"
Il y a encore des barbus sur la gauche (j'ai "recadré" la photo). J'ai cru reconnaître Gébé, assis à droite de Fournier, mais j'ai un doute. Photo parue en page 3 du n° 5 de La Gueule ouverte. Mon avis personnel sur la "nécro" en trois pages : j'aimais bien les romans SF de Jean-Pierre Andrevon. J'avais oublié qu'il avait tenu une rubrique dans La G.O. Mais à lire le texte, on comprend assez bien qu'il ne comptait pas parmi les plus proches de Fournier, que le propos flotte avec sympathie, mais que l'essentiel n'est pas là. Il ne paie pas de mine, le gars Fournier, mais pour le caractère, il devait être plutôt "entier".
J’ai arrêté d’acheter La Gueule ouverte après le n°24. Je veux dire que j’ai quand même tenu pas mal de temps après la mort de Fournier, non ? J’ai acheté, je ne sais pourquoi, deux n°13 (que j'ai toujours), mais aussi plusieurs n°1 – à vrai dire le numéro qui avait décidé que j’étais décidément de ce côté ensoleillé de la rue (« On the sunny side of the street », pour ceux qui connaissent le jeune Louis Armstrong). Malheureusement, vous savez ce que c’est, les amis viennent, s’en vont, on prête (« ça s’appelle revient, hein, j’y tiens ! »), et puis voilà, on se rend compte, quarante ans après, que M. Chourave ou Mme Filoute était passé par là.
Mais « j’ai arrêté », ça veut aussi dire que j’ai arrêté d’acheter La Gueule ouverte, cette belle revue qu’après tout, comme un certain nombre d’autres en France, je devais attendre comme on attend un espoir pour demain. Et d’après ses débuts, ça promettait de péter le feu. Bon, j’ai oublié le sommaire du n°1. Je pourrais peut-être le trouver par les moyens immatériels (mon œil !) que permettent les communications modernes, mais j’ai la flemme.
Au vu du sommaire du n°2 (décembre 1972), je dois bien reconnaître que m’ont repris les petits titillements qui m’avaient fait tiquer à l’époque. J’ai été surpris quand je suis retombé sur l'article « Terres libérées, où ça ? » (p.4-11), où Pierre Fournier parle de nouvelles formes de vie dans des communautés rurales organisées selon un mode assez libertaire. Cela commence même par une espèce de charte compliquée (d'autres diront "subtile") d'organisation de la vie en commun sur des bases plutôt libertaires mais non sans règles précises : j'ai du mal à m'y retrouver.
Il voulait aussi que les relations entre individus ne reposent pas sur le volontarisme, l'altruisme et les sentiments humanitaires, mais soient organisées par les nécessités matérielles du quotidien. D'accord sur ce point, mais je suis convaincu qu'on ne fabrique pas une communauté humaine in abstracto. Je n’ai jamais cru à la possibilité et à la durabilité de telles micro-sociétés. Et disons-le, je n’y ai jamais eu aucune appétence. Combien existent encore aujourd’hui ?
Mais il y a à côté de ça « A propos, qu’est-ce que c’est, la nature ? », sorte d’éditorial signé par le Professeur Mollo-Mollo. Or, sous ce pseudo burlesque, se cache l’éminent Philippe Lebreton, précurseur, après René Dumont, de l’écologie politique en France. Le bonhomme en sait long, il en veut, et il ne garde pas les deux pieds dans la même chaussure. L'article est surmonté d'une photo marrante qui ne fait de mal à personne.
La passagère a belle allure. Aujourd'hui, Monsieur Seguin roule en D.S.
Dans son texte, il pose pour finir, comme s’il craignait de dire des gros mots, cette question qui me laisse, quant à moi, pantois, quarante-sept ans après : « La tolérance d’homme à homme que nous commençons à juger normale, le respect de "l’autre", ne devrions-nous pas les étendre aussi à la nature, cette colonisée par excellence ? ». Quelle prudence ! Faut-il donc malgré tout que les mentalités aient fait un bond spectaculaire pour qu'une telle circonlocution oratoire, emberlificotée dans la formulation, me paraisse aujourd'hui d'une timidité coupable ?? N'en savions-nous alors pas assez pour être beaucoup plus affirmatif ??
Qu'est-ce que je relève encore ? Ah oui, un article fort de Bernard Charbonneau, « Roissy en enfer ». Charbonneau, c’est le copain de Jacques Ellul, vrai penseur pour le coup du « système technicien » et de ses effets délétères sur les structures mêmes des sociétés humaines. Le plus étonnant, dans cet article, c’est l’état de stupéfaction proche de la sidération où le plonge l'annonce de l’installation d’un grand aéroport (Roissy) au nord de Paris (« un cratère plein de décibels de vingt-six kilomètres sur trente-sept »). Il n’arrive pas à comprendre que des responsables censés être sensés aient pu prendre sérieusement une décision aussi folle. Là encore, le nombre des années, quel coup de distance dans la figure : il faudrait que les habitants actuels de Roissy (et environs) lisent ce texte.
Bon, je ne vais pas inventorier ce n°2. Dans le désordre, il y a un « Roland » qui parle intelligemment de ce qu’est un vrai bon blé ; il y a un très bon papier sur le projet de barrage à Naussac (Lozère) ; un autre très net sur la future centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly, avec des photos parlantes de ce qu’était un paysage rural à l’époque (on voit même des haies – si si !) ; deux pages de remplissage avec les dessins de Willem ("Gaston Talon") ; un compte rendu du congrès de « Nature et Progrès » à Versailles ; quatre pages sur les problématiques liées à la fondation des Parcs Naturels en France ; un bel article sur l’état de la mer Méditerranée en 1972 (qu’en est-il aujourd’hui ?) ; un article un peu bizarre et compliqué sur les radios et la détection des cancers ; j’arrête là. Ah non, j’ai failli oublier Gébé, Reiser et Cabu !
Bilan et résultat des courses : la revue voulue intensément par Pierre Fournier, a vu le jour, et finalement démarré dans la douleur, à grand renfort d’énergie, de fluide, de volonté et d’acharnement. Une belle revue qui démarrait sur les chapeaux de roues dans le dur, dans le riche, dans le lourd et dans le solide, pour dire « merde » à l’époque, avec quelques petits bémols touchant ce qu’on appelle aujourd’hui le « vivre-ensemble ».
Sans être au courant des réalités de terrain de l’époque, il me semble que la vie de Pierre Fournier n’était pas un long fleuve tranquille (cf. encyclopédie en ligne, qui ne regorge pas de détails). Avant même la confection du n°4, c’est son cœur à lui qui lui a dit "merde"(autour de 35 ans). Le Monde signale sa disparition. Ce que l’équipe lui reconnaît aussitôt, c’est « courage », « inconscience », et surtout, à mes yeux « cohérence », (n°5). Je crois me rappeler que Delfeil de Ton a des mots sympas à son égard dans sa Véritable histoire d’Hara Kiri, mais aussi un regard un peu surpris par l’apparence (à moins que ce ne soit Denis Robert dans Mohicans ?).
Problème : le bateau vient à peine d’être mis à l’eau que le capitaine passe par-dessus bord et se noie, qu’est-ce qu’on devient ? Premier réflexe, et c’est classique : « On continue ! » (belle façon en passant de confirmer que personne n’est indispensable). Et c’est tout à fait vrai pendant un certain nombre de mois : c’est que le portefeuille d’articles, de dessins, de photos, de documents, etc. devait être bien garni à ce moment et qu’au moins une ébauche de réseau d’informateurs et de collaborateurs avait pu être constituée.
Mais je le dis comme je le pense : la mort de Pierre Fournier annonce la disparition de la première grande revue du combat écologique en France. Le canard décapité continue un temps, mais pas tant que ça. Pierre Fournier mort, La Gueule ouverte a presque tout de suite commencé à partir en quenouille, c'est ma conviction.
J’ignore tout de la cuisine interne qui s’est mise en place progressivement, et je veux encore plus ignorer l’histoire des rapports de forces au sein de l’équipe de direction, mais c’est indéniable : quelque chose d’important changeait. Comme si les joysticks du pouvoir (qui brûlaient les mains de Fournier) commençaient à prendre le pli de manipulations différentes pour aller dans d’autres directions.
Un curieux amateurisme semble s’être glissé dans les méthodes de travail : ainsi, dans le n°20 (juin 1974), sous la plume de Danielle (la compagne de Fournier, je crois) : « … nous avons essayé de digérer un texte en anglais d’Illich. (…) Christiane (…) et moi espérons n’avoir pas fait de contresens quant au fond ». Bravo pour la sincérité, mais ! Et les sujets s’avancent vers toutes sortes d’horizons nouveaux : les questions de pouvoir dans le couple, la critique du plein-emploi, la remise en cause de la médecine, etc. Le MLF prend une grande place dans certains numéros. L’homosexualité commence à pointer son nez.
Un symptôme révélateur : les éditions du Square (Bernier - en fait Choron - étant Dir. de la publication) après le n°22 (1974), refilent l'édition de La Gueule ouverte aux Presse de la Bûcherie (Michel Levêque Dir. de publication). De toute évidence, il y a incompatibilité des équipes. La Gueule ouverte se replie à La Clayette (Saône-et-Loire), avec une belle page de titre barbue et rigolarde pour la revue, dessinée par Cabu. J'ai un peu croisé la route (peu de temps) de quelques membres de cette sorte de "communauté" pour le moins informelle, mais avec le temps, j'ai presque tout oublié de ces temps qui, pour moi, sont une figure du n'importe quoi. Il n'en reste que mes vieux numéros de La G.O.
Visiblement, ça commence à tirer à hue et à dia, et le sac se fait trop petit pour la diversité des nouvelles causes à défendre. Le fourre-tout n'est pas loin. Et ça me fait penser à ce qui s'est passé lors de plus récents mouvements éphémères (Anonymous, Occupy, Indignés, Nuit debout, Gilets jaunes, Extinction-Rébellion, etc, ...) : quand j'entends des responsables médiatiques, disons, ... de La France insoumise (suivez mon regard), appeler de leurs vœux une "convergence des luttes", je me dis : "toujours le même merdier".
Ach, convergence des luttes, très bon, très pur, s'exclame le tovaritch convaincu ! Ah bon ? Convergence des luttes, susurre le sceptique ?
En fait, la trajectoire de La Gueule ouverte a commencé à errer sitôt après la mort de Fournier : il y avait là une sombre prémonition. Au lieu d'exiger un certificat d'écologie à ceux qui voulaient entrer dans la revue, la nouvelle équipe a fait de La Gueule ouverte une auberge espagnole : chacun apportait son manger (à l'instant où j'écris ça, j'entends à la radio "le droit à la sensibilité"). Le résultat ? Finie la cohérence chère au cœur de Pierre Fournier, bienvenue à la divergence des luttes.
Car ce qui m'apparaît en plein dans les phares, c'est que chacune des boutiques (officines, groupes, clans, sectes, ...) qui se disent "en lutte" ne se soucie guère des revendications qui ne sont pas les siennes, et se soucie encore moins de définir un objectif capable d'unifier tous les particularismes. Elle est là, la divergence des luttes. Eh, François Ruffin, t'auras beau lancer tes appels incantatoires, tant que chacun aura sa petite boussole dans son coin ...
Toutes ces voix discordantes appellent au "rassemblement", à condition que ce soit sous le drapeau qu'elles portent, à l'exclusion de tous les autres drapeaux. Moralité : vous mettez toutes les luttes dans un sac : elle s'étripent. Eh oui, les luttes divergent quand il n'y a plus de but commun. Et l'écologie, alors là pardon, mais comme but commun, ça se posait là. Je l'affirme : aujourd'hui, aucun but n'est plus commun (je veux dire "universel") que l'état du monde.
La gauche, après avoir fait des promesses marxistes en 1981, a tourné casaque en 1983, rejoignant les forces du marché en rase campagne avec armes et bagages, et en promettant d'aquareller de couleurs "sociales", "morales", "sociétales" aux indispensables réformes. La voilà, la divergence irréconciliable des luttes : les particularismes des regards que les individus portent sur leur propre vie et sur les problématiques qu'ils se donnent.
La nouvelle gauche, celle de Mitterrand et toute la suite, a établi ce nouveau dogme : « Puisque nous ne pouvons pas changer les choses (le système, les forces du marché, le capitalisme, ...), changeons la façon dont les gens voient les choses. Déjà, ils ne regarderont pas les mêmes choses. Il est là, notre marché des idées. »
Et dans tout ça, où est-elle passée, l'ardente conviction écologique d'un Pierre Fournier ?
C'est une excellente question, et je vous remercie de l'avoir posée.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans ECOLOGIE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre fournier, la gueule ouverte, jean-pierre andrevon, écologie, défense de l'environnement, professeur mollo-mollo, philippe lebreton, rené dumont, bernard charnonneau, jacques ellul, aéroports de paris, roissy, centrale nucléaire dampierre en burly, nature et progrès, journal le monde, éditions du square, anonymous, occupy, indignés, nuit debout, gilets jaunes, la france insoumise, convergence des luttes, françois mitterrand
vendredi, 08 juillet 2011
D'ISRAËL ET DE LA PAIX DANS LE MONDE
Jean-Pierre Andrevon, écrivain de science-fiction, écrivait dans les années 1970 des histoires qui se passaient très loin dans le futur. Il y parlait en particulier des foyers de guerre permanents qui se profilaient vers la fin des "trente glorieuses". L'un de ces foyers était situé au Proche-Orient : la guerre entre Arabes et Israéliens. Je ne sais plus dans quelles années il situait l'action (2500 ?), mais on en a pris, semble-t-il, le chemin.
Avant de monter dans le train qui m’emmenait en Allemagne pour l’été, j’ai acheté au kiosque de la gare, absolument au hasard, un livre de Léon Uris, Exodus. J’avais dix-sept ans. Exalté et passionné, j’y ai découvert un monde que j’ignorais totalement. La difficile installation d’un peuple exilé sur un territoire. L’épreuve effroyable qu’il venait de traverser. La formation des premiers « kibboutzim » (c'est au pluriel). Le sinistre travail des « Sonderkommandos », chargés de débarrasser les chambres à gaz du monceau de cadavres nus après une exécution. Je n’ai jamais relu ce livre. Mais il me reste des images, quelques séquences.
L’un des personnages est un jeune garçon né en Palestine (?), que le père envoie livrer des denrées (de la farine ?), qu’il se fait régulièrement voler par de jeunes Arabes. Le père réfléchit, puis il enseigne à son fils le maniement du fouet de cuir, il veut lui apprendre à se défendre. Le fouet est lourd, la lanière est raide, l’apprentissage difficile. Le garçon a du mal, puis moins de mal, puis il arrive à faire claquer l’extrémité. Alors le père charge l’âne et confie à son fils la même mission. Les jeunes voleurs l’attendent. Mal leur en prend : le fouet leur enlève quelques bouts de peau, ils ne recommenceront pas.
Le livre date de 1958. Cette scène qui m’est restée (parmi d’autres) me semble symbolique de la façon dont les mentalités des juifs israéliens ont été façonnées : « Il faut se défendre » apparaît comme le maître-mot. C’est peut-être devenu un trait culturel fondamental, dont tous les juifs d’Israël sont vraisemblablement imprégnés. C’est peut-être un réflexe, à présent, de considérer la terre sur laquelle l'Etat d'Israël a été constitué comme globalement hostile.
Par parenthèse, qu'on ne me raconte pas que la Palestine est terre juive depuis 3000 ou 5000 ans : historiquement, c'est un mensonge tellement énorme et stupide que seuls des fanatiques peuvent donner dans le panneau. Hitler lui-même n'a-t-il pas envisagé de donner aux juifs, comme terre d'accueil, une partie de Madagascar ?
Et par parenthèse, je me refuse à parler d'Etat juif. Ce non-sens théocratique est une telle injure à l'idée que je me fais de la laïcité nécessaire d'un Etat, quel qu'il soit, ne peut avoir pour conséquence que de jeter de l'huile sur le feu du conflit.
J’avoue que j’ai été fasciné par l’Etat d’Israël. Je garde en mémoire l’éclair de feu que fut la guerre de 1967, si mal préparée par les ennemis du nouvel Etat que celui-ci en vint à bout avec une souveraine aisance. Est-ce dans Paris-Match que parut cette photo où l’on voyait les brodequins abandonnés sur le sable du désert par les soldats égyptiens, soi-disant pour s’enfuir plus vite ? Il n’en fut pas de même en 1973, où Israël eut bien du fil à retordre, du fait d’une préparation beaucoup plus soigneuse (et secrète) par Hafez El Assad et Anouar El Sadate.
17:55 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean-pierre andrevon, science-fiction, guerre, juifs, israël, arabes, syrie, égypte, léon uris, exodus