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mardi, 28 mai 2013

MALCOLM LOWRY, CLAUSULE

 

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CETTE CITATION FIGURE EN EPIGRAPHE DU LIVRE DE GEORGES PEREC LES CHOSES, PRIX RENAUDOT 1965

(je signale que le verbe "to gripe" veut dire "donner des coliques" ou "ronchonner")

***

Finalement, tel un chien à l'os qu'il rongeait, je reviens au chef d'oeuvre de Malcolm Lowry, Au-dessous du volcan, que j'avais délaissé (voir les billets du 19 au 23 mai), craignant de fatiguer ou de "gaver" le lecteur. Peut-être y aura-t-il des récidives. J'en étais à ce qu'il fallait (à ce qu'on pouvait) penser de ce livre hors-norme.

 

La deuxième manière d’envisager Au-dessous du volcan, ce serait d’y voir une sorte de poème monstrueux. Vrai de vrai, en maints endroits, j’ai oublié la tragédie de Geoffrey Firmin, le Consul, et je suis parti dans la barque folle de la prose lyrique de Malcolm Lowry, en faisant abstraction du contenu du récit.

 

Enfin, quand je parle de lyrisme, pour ceux qui ont une idée de la poésie grecque antique, j’hésite quand même entre l’élégie et le thrène. Malcolm Lowry n’a pas écrit quelque chose qui pourrait ressembler à un péan : aucun des trois personnages n’est en guerre, sauf peut-être contre soi-même. A commencer par le Consul.

 

Je pencherais pour le thrène, parce que ça se chante du côté du funèbre. L’élégie comporte, c’est vrai, une sorte de complaisance envers soi-même qui ne conviendrait guère au ton voulu par l’auteur. Qui est-ce qui gagne, dans l’affaire ?

 

Personnellement, j’aurais tendance à rapprocher le chef d’œuvre de Malcolm Lowry des Lamentations de Jérémie. C'est dans la Bible. Mises en musique au XVIIème siècle, elles ont donné des petits chefs d'oeuvre. Le prophète Jérémie pleure sur Jérusalem, ses malheurs et sa déchéance. Ses Lamentations étaient chantées durant les matines du "sacrum triduum" (jeudi, vendredi et samedi saints, je passe sur les détails, les "répons du mercredy", ...).

 

Il est évident qu’Au-dessous du Volcan s’arrête avant la dernière étape, mais les Leçons de ténèbres de Marc-Antoine Charpentier, de François Couperin ou de Michel Lambert n’ont pas été composées pour le jour de Pâques, ni pour la joie qui va avec, du moins chez les chrétiens, enfin j’imagine. Elles ont été composées pour accompagner les fidèles au coeur des ténèbres, parfois au grand dam des "vrais" chrétiens, qui condamnaient ces futilités esthétiques. Passons.

 

En parlant de lyrisme, je pense donc davantage à cette figure musicale. On a en effet l’impression, à maintes reprises au cours de la lecture, de voir l’écriture de Malcolm Lowry s’embarquer dans des rythmes de balancements marins, comme le frêle esquif d’un chant que des vagues pousseraient devant elles, sorte de bateau véritablement ivre, pour le coup.

 

En s’efforçant de restituer le mouvement hésitant des flux et reflux de la conscience de l’ivrogne Geoffrey Firmin, le mouvement des mots tel qu’il se produit dans les tréfonds de ce cerveau qui baigne dans l'alcool, l’auteur parvient à créer à certains moments autour de l’âme du Consul une sorte d’aura musicale, qui possède sa mélodie propre, ses harmoniques, ses rythmes, ses rappels de thèmes, ses accords incongrus.

 

C’est du moins l’effet que produit (selon moi) ce que suggère Lowry dans sa préface à l’édition française, quand il devance les remarques sur sa manière d’écrire : « Tout d’abord, son style pourra parfois accuser une fâcheuse ressemblance avec celui de l’écrivain allemand dont parle Schopenhauer, qui désirait exprimer six choses à la fois au lieu de les aligner les unes après les autres ».

 

Dans la préface, il dit aussi ceci, à propos du chapitre d’exposition : « … ce long premier chapitre qui établit tous les thèmes et contre-thèmes du livre, qui donne le ton, et frappe les accords de toute la symbolique employée ». Merci, monsieur Lowry, de venir confirmer après-coup cette impression de musique qui m’a accompagné à intervalles plus ou moins réguliers quand je tournais les pages de votre livre.

 

Malcolm Lowry, dans sa préface, ne se contente pas d’un ton subtilement ironique, il entrouvre des portes sur des espaces que je conseille de revenir visiter une fois tournée la dernière page. Par exemple, il propose de lire la descente aux enfers du Consul à la lumière (si j’ose dire) du « premier volet d’une sorte de Divine Comédie ivre ». Le premier volet, est-il besoin de le dire, c’est l’Enfer.

 

Il y évoque aussi le Mexique, qui lui sert de cadre, un pays violent et « génial », où la religion principale est celle de « la mort ». Bon, certes, il développe l’arrière-fond symbolique de son roman, mais là, ça fait plus décoratif, « la roue Ferris », d’autres gadgets. Je ne peux pas m’empêcher de penser que la quincaille, ça lui vient après coup, quand l’essentiel de l’éjaculation a eu lieu.

 

Bon, c’est vrai que pour un orgasme, surtout un orgasme masculin, neuf ans (la durée approximative de l’écriture du livre), ça semble un peu long, et que le mot « éjaculation » ne semble pas très approprié.  Pourtant, j’ai envie de maintenir l’idée, à cause de ce drôle d’effet d’un long flux de substance qui commencerait dès la première page, et qui ne cesserait qu’à la dernière. Si j’osais, je parlerais ici d’une « érotique de la langue », tant il y a de jubilation dans la succession des phrases. Ce disant, je n’ai pas la certitude de trahir l’intention de l’auteur.

 

Au-dessous du Volcan explore (c’est mon avis) une face cachée du désir humain. Un désir de vivre autant que de mourir. Le regret de n’avoir pas vécu selon le rêve élaboré dans la jeunesse (?), le désir d’expier l’échec dans une sorte de sacrifice de sa propre personne, et le poids du remords de ses actes passés, que l’âme n’a pas digéré. C’est vrai que ça fait beaucoup pour un seul Consul. Mais tout le monde n’est-il pas un peu Consul ?

 

Comme le dit Malcolm Lowry, toujours dans la préface : « Tout au long des douze chapitres, le destin de mon héros peut être considéré dans sa relation avec le destin de l’humanité ».

 

Le livre immole le « borracho » définitif qu’est Geoffrey Firmin. L’humanité actuelle ne zigzague-t-elle pas également, saisie par une ivresse qu’elle rejette obstinément hors de sa conscience, et qu'elle refuse donc, même à jeun, de reconnaître ?

 

C'est-il pas un beau slogan sur les banderoles de la prochaine manif : « Nous sommes tous des Geoffrey Firmin ! ». Ce serait peut-être une bonne façon pour notre humanité souffrante d'assumer l'état d'ébriété aiguë qui est le sien. « Dans la kabbale juive, l'abus des pouvoirs magiques est comparé à l'ivresse ou à l'abus du vin, ... » (préface). La puissance offerte aujourd'hui à l'homme par les moyens qu'il a créés ne ressemble-t-elle pas à cet "abus des pouvoirs magiques" ?

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

mercredi, 22 mai 2013

AU-DESSOUS DU VOLCAN 4

 

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ALBERT FINNEY JOUE GEOFFREY FIRMIN DANS LE FILM DE JOHN HUSTON (1984)

 

Bon, alors ce n’est pas tout ça, mais qu’est-ce qu’il y a donc tant, dans ce livre qui ne raconte quasiment rien ? Qui se contente de décrire les derniers titubements imbibés de whisky, de tequila ou de mescal d’une épave humaine arrivée au dernier stade du dégoût de soi-même ? Je proposerai deux manières de voir les choses.

 

La première serait de suivre le flux des pensées des personnages. Il y a beaucoup de dialogues dans ce livre, mais avec pas mal de faux dialogues. On trouve souvent des expressions comme « eut-il l’impression d’avoir dit », pour signifier que la « communication » ne s’est pas établie, que les phrases gardent le silence, peut-être pour signifier toute la distance humaine qu’elle aurait à franchir pour s’établir entre les personnages.

 

J’ai dit hier qu’Au-dessous du volcan est un roman où le défilement des minutes s’affiche en grand sur l’écran de fond de scène, avec un tic-tac des personnages à chaque seconde, comme une sorte de compte à rebours. Dans le fond, le roman commence comme on enclenche la minuterie d’un détonateur, et se déroule comme si quelqu’un s’interposait pour retarder l’explosion finale, en vain. Il n'est pas indifférent de noter que l'action se passe le 1er novembre 1938, jour des Morts, mais aussi jour de fête au Mexique.

 

Il n’y a pas que le temps, il y a aussi l’espace, ou plutôt la distance. La distance comme une frontière entre les êtres, que nul ne saurait franchir, sauf illusion passagère. Ce qui frappe ici, c’est que les gens se connaissent entre eux, ils sont habitués les uns aux autres, ils savent de quoi ils peuvent parler les uns avec les autres, sans intermédiaire, et même brutalement à l’occasion (franchise du Consul envers Laruelle, mais c’est vrai qu’il ne se paie plus de mots, parce qu’il n’a plus de temps à perdre, alors que Laruelle biaise encore, il fait des mondanités, il a des usages).

 

Le Résidu amer de l’expérience. C’est un recueil d’entretiens de Daniloau-dessous du volcan,littérature,malcolm lowry,john huston,cinéma,alcoolisme,le consul,geoffrey firmin Kiš. Ne parlons pas du contenu, qui n’a guère de rapports : le titre seul est saisissant de pertinence, s’agissant d’Au-dessous du volcan. Parce que finalement, que ce soit bien sûr le Consul lui-même, dont la chute – comme on disait « la chute d’Adam et Eve » – est la colonne vertébrale du livre, mais aussi Hugh (sa rumination au chapitre 6) ou Yvonne (chapitre 9), tous trois remâchent quelque chose qu’ils ont du mal à avaler.

 

Geoffrey Firmin fut peut-être le plus grand et le plus fort des trois, et pas seulement à cause de sa haute et imposante stature. Pour les deux autres, si c’est moins visible, c’est qu’ils ne sont dans le fond pas sortis d’une piètre médiocrité. Yvonne fit des débuts dans le cinéma, comme cavalière, mais « Yvonne Constable n’avait même pas été sur le point de devenir une étoile ».

 

Quant à Hugh, ses débuts à lui furent dans la chanson, il avait un certain succès avec sa guitare, débuts avortés après que son éditeur juif l’eut arnaqué. Après ? Marin, oui, mais comme par intermittence, bien qu’il ait un brevet de matelot. Certes, il a fait une apparition en Espagne, pour combattre la rébellion franquiste, méritant ainsi aux yeux de Geoffrey l’appellation d’ « homme d’action ». Mais il se contente de peu, comme le montre sa décision absurde de chevaucher un taureau minable dans l’arène de Tomalin. Car dans le fond, c’est un velléitaire.

 

Hugh et Yvonne se sont bercés de rêves et d'illusions. Seul le « drunkard » ne s'en fait plus aucune, d'illusion. Geoffrey Firmin, c'est le personnage de la certitude de l'irrémédiable. Du tragique, si vous voulez. Bon, c'est vrai qu'Yvonne semble souvent sur le point de pleurer : peut-être sa façon d'être proche de Geoffrey, mais en même temps le moyen de maintenir le tragique à distance de son âme. Dans le tragique, on ne pleure pas.

 

Bref, aucun des trois n’a de quoi se vanter, et tous ont des raisons d’être gagnés par l’amertume : ils ont échoué, comme le fait comprendre le film que le grand John Huston a eu le cran de tirer du chef d'oeuvre de Malcolm Lowry.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

lundi, 19 novembre 2012

MAUVAIS GOÛT ET LIBERTE D'EXPRESSION

Pensée du jour :

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"SOUPIRAIL" N°6

 

« On s'occupe beaucoup de gagner du temps. A-t-on raison ? C'est autre chose. Tout le monde sait l'histoire du Chinois qui demandait au policeman le chemin de la gare : "Première à droite, deuxième à gauche, lui répondit le policeman. Mintenant si vous voulez passer par les petites rues, vous pouvez gagner vingt minutes." "Et qu'en ferais-je ? " demanda le Chinois qui se hâta lentement de passer par le plus long ».

 

ALEXANDRE VIALATTE

 

 

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N°418 - 1978

HARA KIRI fut une grande revue du paysage français, de son n°1 (septembre 1960) à son n°291 (décembre 1985). Les moutures suivantes (jusqu'à la sixième !) ne furent que des survivances, d'abord portées par le Professeur CHORON (GEORGES BERNIER), qui s'éteignirent doucement, même si le titre paraît toujours. Les cibles préférées ? Le SEXE, la RELIGION, la RACE.

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CHARLIE HEBDO N°73 - 1972

Enfin pas exactement : je devrais dire tous ceux qui se prenaient très au sérieux sur chacun de ces sujets, autrement dit les militants dans leur ensemble, à commencer par les militants du SEXE (tout ce qui gravite autour du féminisme et de l'indifférenciation sexuelle), les militants de la RELIGION (là, ils s'en donnaient à coeur joie, que ce soit le croissant, la croix ou l'étoile), les militants de la RACE et des grands sentiments antiracistes, tiermondistes et masochistement universalistes. Et principalement sous l'angle de la BÊTISE qui en accompagne les manifestations dans les discours de ceux qui ont accès aux médias.

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N°179 - 1976 

Je me rappelle distinctement la publicité pour Hara Kiri diffusée à la radio (Europe 1) à une époque : « Si vous ne voulez pas l'acheter, eh bien volez-le ! ». C'était gonflé, mais ça ressemblait trait pour trait à l'esprit de la revue. Et puisqu'on parle publicité, c'est à l'équipe d'Hara Kiri qu'on doit ce slogan définitif, qui a le compact, le brillant et le tranchant de la pierre d'obsidienne : « La publicité nous prend pour des cons ! La publicité nous rend cons ! ». 

 

 

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1975

Pour donner une idée de ce que fut le ton Hara Kiri, et surtout ce qui en sépare l’époque de la nôtre, je me propose juste, aujourd’hui, de montrer quelques couvertures du mensuel (1ère et surtout 2ème génération), dans sa version initiale, et dans sa version hebdomadaire, qui s’y est substituée quand il a fallu remplacer dans l’urgence le défunt HKH (Hara Kiri Hebdo), étranglé pour cause de crime de « lèse-général-DE-GAULLE ».

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N°205 1978

 Posez-vous juste la question : combien y aurait-il de procès pour « diffamation, antisémitisme, islamophobie, outrage à la pudeur, incitation à la haine raciale, incitation à l'alcoolisme, incitation à la discrimination,  incitation à la violence, etc ... », si de telles couvertures étaient publiées aujourd'hui ?

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1977 

HKH 94 1970.jpgJ’imagine d’ailleurs que l’équipe de CAVANNA, CHORON et compagnie ont dû sacrément se fendre la pipe en conférence de rédaction, quand la formule assassine est sortie : « Bal tragique à Colombey : 1 mort ». DE GAULLE est mort le 9 novembre 1970. 

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N°203 1978

Or il faut savoir que le 1ernovembre 1970, une boîte de nuit a brûlé à Saint-Laurent-du-Pont (Isère), au milieu de la nuit. Bilan : 146 morts quand même, ce qui n’est pas négligeable et fit donc les gros titres.

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N°1 - 23 NOVEMBRE 1970

Tout le monde aurait oublié le drame si une équipe d’hurluberlus n’avait eu l’idée de mettre en couverture de leur hebdomadaire contestataire une sorte de synthèse des deux événements, dans la formule ramassée désormais immortelle : «  BAL TRAGIQUE A COLOMBEY : UN MORT ».

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1979

Le dernier numéro de la revue Hara-Kiri Hebdo est donc sorti le 16 novembre 1970. L’équipe, pour remplacer aussitôt le titre défunt, se tourna vers le cousin – exclusivement consacré à la bande dessinée – Charlie (mensuel), lui accola le suffixe « hebdo », et le tour fut joué : l’aventure pouvait se poursuivre. On ne changeait rien.

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1980 : COLUCHE CANDIDAT A LA PRESIDENTIELLE DE 1981

L’équipe a pété des flammes pendant une vingtaine d’années. La plupart des membres en sont connus : CAVANNA le rital, REISER, mort trop tôt, GÉBÉ (GEORGES BLONDEAUX), CABU, WOLINSKI, DELFEIL DE TON, WILLEM et, last but not least, GEORGES BERNIER, alias Professeur CHORON. Il y avait aussi un certain PIERRE FOURNIER, qui mérite de rester dans les manuels d’histoire comme fondateur d’une revue fondatrice, j’ai nommé La Gueule ouverte.

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N°416 1978 WOLINSKI

Tous les « écologistes » actuels doivent, qu’ils le sachent ou non, quelque chose, d’une part, à RENÉ DUMONT, et d’autre part à PIERRE FOURNIER. Je salue la mémoire de cet homme, mort brutalement (si je me souviens bien), qui fut un élément moteur dans les débuts de l’écologie (que j’appellerai « combative » plutôt que « militante », une écologie de conviction, et pas encore de parts de marché électoral). Passons.

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N°248 1975 WOLINSKI

Moi, si on me demandait de résumer l’esprit Hara Kiri, je dirais « déconnade et provocation », d’un côté, et de l’autre « imagination et liberté ». J'ajouterais : « transgression», parce qu'à cette époque, le mot avait encore une signification.

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N°335 1977 REISER

L’éteignoir qui s’est abattu depuis deux décennies sur l’expression libre a creusé une sorte de « Fosse des Mariannes » entre les extensions policières (extérieures et intérieures) de notre présent et les effervescences de l’époque Hara Kiri.

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N°242 1975 GÉBÉ

Tout le « mauvais goût », c’est-à-dire tout ce qui a quelque chance de heurter la sensibilité bourgeoise, assimilée au conformisme le plus sourcilleux, constitue la pâture privilégiée de l’équipe Hara Kiri. Je passe sur le cynisme de CHORON, qui a profité de la naïveté des autres en ce qui concerne les affaires pour s’approprier la marque.

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N°303 1976 REISER (EN 2012, IL N'Y A RIEN A CHANGER)

Mais DELFEIL DE TON a raconté quelque part par quels détours malpropres CHORON, dans les débuts, se procurait l’argent nécessaire auprès d’une vieille et riche rombière, séances dont il avait la lucidité de revenir dégoûté. En matière de mauvais goût, CHORON était un connaisseur, un praticien, un expert. J’imagine que c’est à lui qu’on doit les pires « visuels » publiés dans la revue.

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N°266 1975

Le mauvais goût a, par bonheur, été rayé par la « Raison morale » de toutes les tablettes de toutes les publications illustrées offertes à l’appétit des chalands friands, obligés de se rabattre sur les « créneaux spécialisés » et autres ghettos, souvent payants, voire clandestins. Sans doute de façon à retrouver les joies de la transgression, j’imagine.

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N°366 "COMMENTAIRE", SI L'ON VEUT, DE LA VISITE DE SADATE A BEGIN EN 1977

C’est le tableau d’une époque qui fut. Et qui n’est plus. Qu’on se le dise, l’heure est à l’égalité de TOUS devant TOUT. RENÉ GIRARD, dans son analyse de La Violence et le sacré, fait de l'indifférenciation généralisée une étape préalable à la généralisation de la violence. S'il a raison, ça promet ! 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

dimanche, 09 septembre 2012

ULTRALIBERAL ? MAIS JUSQU'OU ?

Pensée du jour : « Quand ne sera-t-il plus besoin de rappeler que les antialcooliques sont des malades en proie à ce poison, l'eau, si dissolvant et corrosif qu'on l'a choisi entre toutes substances pour les ablutions et lessives, et qu'une goutte versée dans un liquide pur, l'absinthe par exemple, le trouble ? ».

ALFRED JARRY

 

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ALFRED JARRY SUR UN MUR DU GRAND LEMPS (38)

EN COMPAGNIE DE L'ABSINTHE ET DU PEINTRE PIERRE BONNARD

 

C’est ainsi que, dans un premier temps, monsieur DEGAUCHE dépénalise l’homosexualité. Comme depuis un bon moment, le délit ne saute plus aux yeux de beaucoup de gens, monsieur DEDROITE ne moufte pas. Mais cela ne suffit pas. Ainsi, les curetons (rien que des DEDROITE), en 1984, n'ont-ils pas fait plier ALAIN SAVARY et FRANÇOIS MITTERRAND au sujet de l’enseignement catholique, en brandissant le drapeau de la « liberté » (après un beau hold up sur la dite liberté) ?

 

 

Eh bien monsieur DEGAUCHE leur emboîte le pas. A ceci près que, en dehors de l'extravagante "Gay Pride", il n'aura pas à manifester par millions dans les rues. Il ne voit donc aucun inconvénient à inscrire dans le marbre de la loi le mariage homosexuel et l’adoption d’enfants par des couples homosexuels. Au nom de l’ « égalité », cette fois. Mieux : pour lutter contre l’ « inégalité des droits ».

 

 

Monsieur DEDROITE, et parfois l’homme de la rue (une variante primitive d’homo sapiens), a du mal à comprendre cette spécification de la notion d'égalité, qui semble, pour l’occasion, curieusement détournée de son sens.

 

 

En fin de compte, si monsieur DEGAUCHE a admis l’ordre capitaliste des choses (comment ça, il a retourné sa veste ? Mais comment osez-vous ?), en revanche, dans le domaine "culturel" (ou "sociétal", comme on voudra), il a gardé intacte sa volonté de mettre à bas l’arbitraire qui établit des différences (rebaptisées « inégalités »), fondées sur des critères de jugement. Juger, se dit-il, c’est mal. Il est interdit de juger. Aussi importe-t-il de rendre tout jugement impossible. Et donc de brouiller les repères le plus savamment possible. Le grand tout, c'est de « décloisonner » à tout va. Abattre les frontières entre les « genres ».

 

 

Curieusement, cependant, monsieur DEGAUCHE s’arrête en chemin. On ne sait quelle vergogne le saisit au moment de franchir un autre Rubicon. Peut-être sent-il vaguement que « la société » n’est pas prête ? Toujours est-il que, alors même que toutes les forces du commerce et de la marchandise, toutes les forces des médias en général et de la télévision en particulier, concourent à élire la PETITE FILLE en icône féminine (et même sexuelle, voyez LOLITA), digne de tous les soins de peau, de tous les maquillages et de toutes les modes vestimentaires les plus « modernes », monsieur DEGAUCHE retrouve le sens du sacré. Je veux dire qu'il recule devant le risque d’accusation de pédophilie. Ici, on perçoit une légère contradiction entre commerce et morale ? Qu'allez-vous chercher ?

 

 

Alors, LGBT tant que vous voudrez, mais ne touchez pas à l’enfant. LGBT, c’est pour « Lesbienne, Gay, Bi et Trans ». Le message implicite de LGBT, c’est : « Tout est permis ». Eh bien non : on ne sait quelle pudeur saisit soudain l’homme de gauche à l’orée de la forêt enfantine.

 

 

 

Car monsieur DEGAUCHE, qui n’en est pas à une contradiction près, revient très fermement au répressif (qui, pour tout le reste, lui fait horreur), persistant à appeler « malade » une personne attirée sexuellement par un enfant, et à lui ordonner, dans ses cours de justice, des « obligations de soins ». Exactement l'accusation qui visait les homosexuels il n'y a pas si longtemps. Etrange, ne trouvez-vous pas ?

 

 

Un mystérieux mur invisible l’empêche de réaliser dans ce domaine la trilogie qu'il a menée à bien dans les autres : 1 - dépénaliser (abolir le délit), 2 -  légaliser (accorder la respectabilité, en punissant au besoin l' « homophobie »), 3 - légiférer (accorder aux homosexuels le mariage et l'adoption d'enfants).

 

 

Ce qu’il a fait en faveur des LGBT, il ne le ferait pour rien au monde à l'égard de ces immondes pédophiles, la honte de l’humanité. Fi donc ! Jarnidieu ! La peste soit du fat ! Jusqu’à ce que peut-être, un jour futur, ceux-ci s’étant à leur tour organisés en associations "de défense" criant à la "stigmatisation" et à la "persécution", forment des groupes de pressions, s'introduisent en réseaux influents parmi les cercles du pouvoir, pour finir par faire modifier la loi en leur faveur, et établir une bonne fois le délit de « pédophilophobie ».

 

 

Monsieur DEGAUCHE pourra alors se dire en toute bonne conscience que « la société est prête ». Que « les mentalités ont évolué ». Qu’à tant faire que de « faire tomber des tabous », au fond, pourquoi pas celui-là ? 

 

 

Mais on oublie trop souvent que parmi ce qu’il est convenu d’appeler les « minorités sexuelles » avides de faire reconnaître officiellement leur « orientation sexuelle », leur « choix de genre » et leurs « préférences sexuelles », il n’y a pas que les LGBT, loin de là. Certains pourraient même les accuser d’accaparer égoïstement toute l’attention, au détriment de beaucoup d'autres. Il faut voir plus loin, plus large et, si j'ose dire, plus profond.

 

 

Car, si monsieur DEGAUCHE était vraiment progressiste, il devrait, en plus des pédophiles, exempter des foudres de la loi les zoophiles (à quand le mariage entre gent humaine et gent canidée (mais à quel doigt passer l'anneau ?) ?), les coprophiles et autres scatophiles, les sadiques, les masochistes (le baron de Charlus dans Le Temps retrouvé), les exhibitionnistes, les masturbateurs, les gérontophiles, les nécrophiles, les fétichistes (à quand l’adoption de chaussures à talon haut, reconnue par la loi, par les couples fétichistes ?).

 

 

Bref, puisque la notion de « limite » fait horreur à monsieur DEGAUCHE, la liste est longue des « droits » à réclamer, à ouvrir et à inscrire dans le métal de la loi ; des « barrières » à faire tomber ; des « tabous » à abolir. Pour conclure, je finirai sur une allusion au marquis DE SADE : gens de la gauche morale, « encore un effort pour devenir … », quoi, au fait ? On trouve en effet, inséré au milieu de la débauchée Philosophie dans le boudoir, une sorte de traité révolutionnaire : Français, encore un effort si vous voulez être républicains.

 

 

Bon, si vous voulez, retranchons « républicains » à la formule du marquis. Et reprenons en chœur : « gens de gauche, encore un effort pour devenir ». Un point c’est tout. Monsieur DEDROITE n’a plus qu’à fermer sa gueule, à ruminer et à regarder passer les trains des « réformes ». Monsieur DEGAUCHE, de son côté, n'a plus qu'à devenir un point. C'est tout.

 

 

Alors, mes bien chers frères, vous voulez savoir quoi ? DEVENONS. C'est le fond de l'affaire.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.