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mercredi, 22 mai 2013

AU-DESSOUS DU VOLCAN 4

 

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ALBERT FINNEY JOUE GEOFFREY FIRMIN DANS LE FILM DE JOHN HUSTON (1984)

 

Bon, alors ce n’est pas tout ça, mais qu’est-ce qu’il y a donc tant, dans ce livre qui ne raconte quasiment rien ? Qui se contente de décrire les derniers titubements imbibés de whisky, de tequila ou de mescal d’une épave humaine arrivée au dernier stade du dégoût de soi-même ? Je proposerai deux manières de voir les choses.

 

La première serait de suivre le flux des pensées des personnages. Il y a beaucoup de dialogues dans ce livre, mais avec pas mal de faux dialogues. On trouve souvent des expressions comme « eut-il l’impression d’avoir dit », pour signifier que la « communication » ne s’est pas établie, que les phrases gardent le silence, peut-être pour signifier toute la distance humaine qu’elle aurait à franchir pour s’établir entre les personnages.

 

J’ai dit hier qu’Au-dessous du volcan est un roman où le défilement des minutes s’affiche en grand sur l’écran de fond de scène, avec un tic-tac des personnages à chaque seconde, comme une sorte de compte à rebours. Dans le fond, le roman commence comme on enclenche la minuterie d’un détonateur, et se déroule comme si quelqu’un s’interposait pour retarder l’explosion finale, en vain. Il n'est pas indifférent de noter que l'action se passe le 1er novembre 1938, jour des Morts, mais aussi jour de fête au Mexique.

 

Il n’y a pas que le temps, il y a aussi l’espace, ou plutôt la distance. La distance comme une frontière entre les êtres, que nul ne saurait franchir, sauf illusion passagère. Ce qui frappe ici, c’est que les gens se connaissent entre eux, ils sont habitués les uns aux autres, ils savent de quoi ils peuvent parler les uns avec les autres, sans intermédiaire, et même brutalement à l’occasion (franchise du Consul envers Laruelle, mais c’est vrai qu’il ne se paie plus de mots, parce qu’il n’a plus de temps à perdre, alors que Laruelle biaise encore, il fait des mondanités, il a des usages).

 

Le Résidu amer de l’expérience. C’est un recueil d’entretiens de Daniloau-dessous du volcan,littérature,malcolm lowry,john huston,cinéma,alcoolisme,le consul,geoffrey firmin Kiš. Ne parlons pas du contenu, qui n’a guère de rapports : le titre seul est saisissant de pertinence, s’agissant d’Au-dessous du volcan. Parce que finalement, que ce soit bien sûr le Consul lui-même, dont la chute – comme on disait « la chute d’Adam et Eve » – est la colonne vertébrale du livre, mais aussi Hugh (sa rumination au chapitre 6) ou Yvonne (chapitre 9), tous trois remâchent quelque chose qu’ils ont du mal à avaler.

 

Geoffrey Firmin fut peut-être le plus grand et le plus fort des trois, et pas seulement à cause de sa haute et imposante stature. Pour les deux autres, si c’est moins visible, c’est qu’ils ne sont dans le fond pas sortis d’une piètre médiocrité. Yvonne fit des débuts dans le cinéma, comme cavalière, mais « Yvonne Constable n’avait même pas été sur le point de devenir une étoile ».

 

Quant à Hugh, ses débuts à lui furent dans la chanson, il avait un certain succès avec sa guitare, débuts avortés après que son éditeur juif l’eut arnaqué. Après ? Marin, oui, mais comme par intermittence, bien qu’il ait un brevet de matelot. Certes, il a fait une apparition en Espagne, pour combattre la rébellion franquiste, méritant ainsi aux yeux de Geoffrey l’appellation d’ « homme d’action ». Mais il se contente de peu, comme le montre sa décision absurde de chevaucher un taureau minable dans l’arène de Tomalin. Car dans le fond, c’est un velléitaire.

 

Hugh et Yvonne se sont bercés de rêves et d'illusions. Seul le « drunkard » ne s'en fait plus aucune, d'illusion. Geoffrey Firmin, c'est le personnage de la certitude de l'irrémédiable. Du tragique, si vous voulez. Bon, c'est vrai qu'Yvonne semble souvent sur le point de pleurer : peut-être sa façon d'être proche de Geoffrey, mais en même temps le moyen de maintenir le tragique à distance de son âme. Dans le tragique, on ne pleure pas.

 

Bref, aucun des trois n’a de quoi se vanter, et tous ont des raisons d’être gagnés par l’amertume : ils ont échoué, comme le fait comprendre le film que le grand John Huston a eu le cran de tirer du chef d'oeuvre de Malcolm Lowry.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

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