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jeudi, 23 mai 2013

AU-DESSOUS DU VOLCAN 5

KOSINSKI 1 JERZY.jpgJerzy Kosinski, faisant parler un de ses personnages de L’Oiseau bariolé, ce livre-choc sur les restes et retours de barbarie chez les hommes en période de guerre, lui fait dire qu’il ne voit, entre les individus, que des relations comparables à celles qu’entretiennent entre eux deux sommets élevés : ilsKOSINSKI OISEAU BARIOLE.jpg sont séparés par des abîmes, et ne sauraient par conséquent se rencontrer, encore moins "faire société".

 

Cette confidence d’un sniper sans états d’âme au jeune héros de l’histoire n’est pas étrangère au livre de Lowry. Un exemple : « Le Consul se souvint de la carte qu’il avait dans sa poche et il fit un geste vers Yvonne, avec le désir de lui en parler, de lui dire un mot gentil à ce sujet, de se tourner vers elle, de l’embrasser. Puis, il se rendit compte que, s’il ne buvait pas un autre verre, sa honte du matin l’empêcherait de la regarder dans les yeux ».

 

Le facteur vient de lui donner cette carte voyageuse partie un an plus tôt au moment de la séparation. Yvonne lui écrivait : « Chéri, pourquoi suis-je partie ? Pourquoi m’as-tu laissée partir ? Pense arriver aux U. S. demain, en Californie dans deux jours. Espère trouver là un mot de toi. Je t’aime. Y. ». Qui sait ce qui serait advenu s’il l’avait reçue à l’époque, et si elle n’avait pas fait ce parcours invraisemblable autour du monde ?

 

Il est permis de tout imaginer, mais voilà. Notons que c’est sur la mention et la citation de cette carte que s’achève le chapitre 6 du roman. Je veux dire qu’arrivant à l’exacte moitié de l’ouvrage, elle sert forcément de clef de voûte à l’ensemble. A partir de là, c’est la pente descendante qui prend la direction des affaires, la maison de Jacques Laruelle, le trajet en car, l’arène de Tomalin, la cantina Farolito. On savait de toute façon que ça devait mal finir. Geoffrey Firmin le savait aussi, c'est pour ça qu'il a le geste incompréhensible, au chapitre 7, de glisser la carte postale sous l'oreiller de Jacques Laruelle.

 

Mais qu’il y ait des fascistes en Espagne ou au Mexique, au fond, peu importe. Ce qui tue Geoffrey Firmin, ce n’est pas le fasciste qui sort son revolver, croyant avoir à faire à un « escopion » communiste, peut-être témoin de son meurtre supposé de l’Indien qui montait le cheval marqué du numéro 7 (tiens tiens, encore lui), tout ça parce qu’il le confond avec son frère Hugh, aux activités incertaines. Celui qui tue le Consul, j'ai envie de dire que c'est le Consul en personne.

 

Politiquement, le Consul n’est plus rien. Il n’est même pas sûr que Hugh ait encore une existence politique. Yvonne n’est plus une actrice prometteuse, et depuis longtemps. Hugh n’est plus un marin guitariste activiste, vaguement « homme d’action ». Qu’est-ce qu’ils sont, tous les trois ? Geoffrey Firmin, ça fait longtemps qu’il n’est plus un honorable sujet de Sa Majesté, « Consul » plus ou moins « démissionné », on ne sait pas trop.

 

Ce qui est très curieux, dans ce tableau d’humains à la dérive, c’est l’omniprésence de la nature comme décor, comme fond de scène, et même comme personnage. La nature dans tous ses êtres : minéral, végétal, animal (l’oiseau, au chapitre 3, est-il un « cardinal », comme dit Yvonne, ou un « trogon à queue cuivrée », comme pense le Consul ?).

 

Le chemin suivi par Hugh et Yvonne dans leur promenade à cheval est minutieusement décrit, avec le dessin bizarre de la voie ferrée étroite, qui fut financée, paraît-il, « au kilomètre », d’où les improbables méandres, pour augmenter le kilométrage, donc les profits. Le Popocatepetl, avec sa jumelle Ixtaccihuatl, apparaît à tous les coins de page. Mais le cœur de toutes les références à la nature, il me semble bien que c’est leur âpreté inentamable, et surtout indifférente. Le paysage, tel que les mots le traduisent, semble imprégné de violence.

 

« Et par-dessus tout ça, on vous donne en étrenne » un Consul qui, selon toute vraisemblance, a pris la décision d’assumer tout ce qu’il est, tout ce qu’il a, tout ce qu’il n’a pas. Tout ce qu’il n'a pas fait et qu'il aurait dû faire.

 

Trop tard, on vous dit. Bon, je n'en finirais pas de parcourir ce livre incroyable, et je n'ai fait que l'effleurer à peine. Mais il va bien falloir passer à autre chose. 

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

 

 

 

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