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lundi, 10 juin 2013

NOUS AUTRES LES NORMAUX

 

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LES ENFANTS AVEUGLES, PAR AUGUST SANDER

 

***

Ai-je le droit de parler au nom de la majorité silencieuse, qui ne revendique pas d’autre privilège que de continuer à vivre pas trop mal, selon des lois qui lui semblent à peu près justes, avec un mode de vie hérité d’une civilisation qui n’a ceci de particulier que le fait qu'elle s'est substituée à toutes les autres, le plus souvent sans leur demander leur avis ?

 

Sans être un porte-parole plus habilité qu’un officiel, je prends ce droit. Comme tout le monde, après tout. « La dictature, c’est : ferme ta gueule. La démocratie, c’est : cause toujours ». Et nous sommes en démocratie. Pour vous dire dans quelle immense mesure je crois servir à quelque chose. Peut-être à quelqu’un ? Ce n'est pas complètement improbable.

 

Je fais partie de « la foule des anonymes », cette catégorie chérie des « journalistes »  qui, lors des drames mondiaux, mondains et spectaculaires, la susurrent après s'en être mis plein la bouche avec les gens dotés d'un NOM, au seul motif que celui-ci revient dans les débat politiques entre Paulo et Loulou au comptoir du Bar des Amis, sur la place de la Mairie, à Montigny-sur-Armançon. Inutile de remonter au Bazar de la Charité et au 4 mai 1897 (photo ci-dessous, prise le lendemain) : « Un grand nombre de belles dames ont été carbonisées, hier soir, en moins d'une demi-heure », écrit Léon Bloy dans son Journal le 5 mai. 

 

Léon Bloy qui écrivait, dans la lettre à son ami André Roullet : « J'espère, mon cher André, ne pas vous scandaliser en vous disant qu'à la lecture des premières nouvelles de cet événement épouvantable, j'ai eu la sensation nette et délicieuse d'un poids immense dont on aurait délivré mon coeur. Le petit nombre des victimes [un peu plus d'une centaine], il est vrai, limitait ma joie ».

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J’ai fait un tour sur le parvis de la cathédrale Saint-Jean, le jour des « zobs secs » de Jacques Martin, riche bouffon télévisuel qui s’était fait piquer sa femme par le maire de Neuilly, un certain Nicolas Sarkozy, qui l’avait marié à une certaine Cécilia, descendante, paraît-il, du compositeur Isaac Albeniz, mais qui ne le portait pas sur sa figure. Elle avait les pommettes à la Gengis Khan.

 

Il se trouve que je passais par là, et je me suis arrêté juste sous le clocher. Je n’aime pas jouer les badauds. Ce jour-là, ils étaient peut-être des dizaines de dizaines, et peut-être de centaines (je ne suis pas la police des manifs). Mais quand un enterrement a lieu à la cathédrale, je dis qu'il faut absolument s’y précipiter.

 

Je recommande à tous les amoureux du « beau son », du « grand son », de se poster, à gauche de l’édifice, à l’entrée de la minuscule rue Saint-Etienne : le bourdon (« Anne-Marie ») est somptueux. Pas autant qu’à Notre-Dame de Paris, mais bon. Pour Jacques Martin, le glas a sonné longtemps. Merci Jacques Martin pour la durée de votre glas : Anne-Marie a eu le temps de résonner jusque dans les profondeurs. 

 

Ne faisons pas « le complexe de la grande ville de province », dont me narguait ce futur énarque parisien, après avoir sué sang et eau pour se hisser au refuge d'Argentière. Acceptons la supériorité du bourdon capital de la France. C'était il y a longtemps, et ce nageur, donc cet adepte de l'horizontale, n'était évidemment pas fait pour gravir des pentes raides, à l'assaut de l'aiguille d'Argentière (3800 ou 3900 et des poussières). Cela se voyait à sa mine, aussi défaite que celle des grenadiers de 1812 au passage de la Bérézina (au retour, en courant sur la glace, sans doute).

 

Ce jour-là (je reviens à Jacques Martin), il n’était pas question pour les flics de coller des primes sur les pare-brise des limousines blindées aux vitres opaques qui attendaient les importants importuns qui jouaient la tristesse derrière de larges lunettes noires pour dissimuler leurs yeux secs, et qui se réjouissaient secrètement de passer le soir même au 20 heures de TF1.

 

Quant à la « foule des anonymes », elle devrait être contente de jouer les figurants, et gratuitement ! Voilà des « intermittents du spectacle » qui ne coûtent pas cher. Mais voilà que je digresse et que je me laisse embarquer. Pourquoi dit-on « péché mignon », au fait ? Revenons à nos moutons de Panurge : les normaux.

 

Nous autres, les normaux, n’avons donc de nom que pour ceux qui nous connaissent, nous fréquentent, nous aiment pour ce que nous ne sommes pas, ou nous haïssent pour ce que nous sommes. Les journalistes, statisticiens, sociologues ou anthropologues essaient de nous nommer d’une appellation commune moins sujette à débat que cette histoire de normalité.

 

Notez ça : les gens connus ont un nom même pour ceux qui ne les connaissent pas. Il paraît qu'on appelle ça la célébrité. Et que seuls les gens célèbres bénéficient d'un nom. Les gens normaux n'ont qu'à se débrouiller pour devenir célèbres. Et ne s'en prendre qu'à eux-mêmes si tel n'est pas le cas. Moralité : les gens normaux sont anonymes. Car entre nous, il faut être anormal pour rêver de voir son nom imprimé « en haut de l'affiche ».

 

Mais tous tant qu'ils sont, penseurs et observateurs du fait social, ils n'arrivent pas  à catégoriser les composantes qui forment le ventre de la cloche de Gauss, sinon sous les étiquettes de catégories génériques qu’ils sortent au gré des circonstances : « majorité silencieuse », « classes moyennes », « contribuables », « automobilistes », « cadres », « ménagères de 50 ans », etc.

 

Pourquoi pas « les gens normaux », finalement ? Parce qu’il paraît que c’est humiliant pour les autres catégories, « minorités visibles », « communautés » et autres. Il y a sans doute toujours une écrasante majorité de gens normaux, mais il ne faut pas que ça se dise. Pour bien faire, il ne faudrait même pas que ça se sache, que quelque chose de vraiment profond et de vraiment commun est partagé par des millions de gens. Même si ce profond et ce commun demeurent irréductibles à leur formulation en articles de loi, en vocabulaire incontestable et en arguments irréfutables. Ce qui s'appelle une identité nationale. Qui se cache sans doute dans le mic-mac de ce brouillard conceptuel des « gens normaux ».

 

Mais pour dire le vrai, le motif de ces errements méthodologiques est  l’impossibilité d’unifier une telle masse de gens dans une seule catégorie assez englobante pour rassembler tout le monde. Ben oui, c’est tout bonnement la « population ». Et c’est pour ça que faire partie des gens normaux a quelque chose de frustrant, de décevant, comme l’impression de quelque chose d’inaccompli ou d’incomplet, pour ne pas dire raté.

 

Pour une raison toute bête : il n’y a jamais rien à en dire. C’est vrai qu’à l’occasion – je ne sais pas, moi, bébé congelé, père meurtrier de ses enfants ou autres joyeusetés –, les gens normaux tombent le masque, et révèlent à la face du monde le fond de turpitude ou de cruauté qu’ils enfouissaient sous la surface lisse, limpide et miroitante de leurs yeux bleus et de leur mine avenante. Mais on reste dans l’exception, et l’on n’infirme pas la règle : les normaux sont désespérément normaux. S'ils ne se révèlent pas, brusquement, anormaux.

 

De toute façon, je vais vous dire, tout ce qui arrive – accidents, meurtres, vieillard maltraités comme tremblements de terre –, c’est de l’anormal. Car la vie normale, c’est du linéaire, sans surprise, qui avance pépère dans la rue, de son pas bonhomme. S’il n’y avait pas l’anormal, s’il n’y avait pas les anormaux, il n’y aurait pas de journaux, il n'y aurait pas de faits divers. Pire que ça : il n’y aurait pas de littérature. Les contes fantastiques ont été inventés l'hiver, devant la cheminée, quand les gens n'avaient rien à faire.

 

S'il n'y avait pas les anormaux, les gens normaux s’ennuieraient à mourir. Et la vie serait triste.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

dimanche, 02 juin 2013

QUI EST NORMAL ?

 

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MAGNIFIQUE ET RECONNAISSABLE PORTRAIT EN PHOTOMONTAGE DU GRAND PHOTOGRAPHE

ERWIN BLUMENFELD.

***

 

Finalement, qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire, « normal » ? Qu’est-ce qui se cache dans la cave ou le grenier de ce mot pour que certains lui en aient tellement voulu qu’ils ont tout fait pour le faire disparaître, et qu’ils y sont à peu près parvenus ? Plusieurs réponses à ces questions. Pour ma part, j’en vois deux.

 

Pour la première, il faut se référer aux anciennes cartes d’identité, qui comportaient en fin de liste une rubrique intitulée « signe particulier ». Si vous n’aviez pas les yeux vairons, une bosse dans le dos ou une polydactylie, le fonctionnaire préfectoral remplissait la rubrique d’un seul mot : « néant ». Voilà ce que c’est, « être normal » : « signe particulier : néant ».

 

« Particulier », c’est ce qui se distingue de la masse, ce qui sort de l’ordinaire, ce qui est unique et ne ressemble à rien de connu. « Particulier » s’oppose donc à « général », terme qui renvoie à tous les éléments et les caractéristiques partagés par tous les individus composant une population. Voilà : « signe particulier : néant », c’est une autre manière de dire « tout le monde ».

 

Bon, ça, ça vaut quand on reste à distance, car c’est vrai qu’il suffit de s’approcher un peu pour voir que, même si « tout le monde » pourrait être « n’importe qui », ils se ressemblent trop peu pour qu’on puisse les confondre : « n’importe qui » ne ressemble pas à « tout le monde », quand on les regarde d’assez près.

 

Au fond, ce qui fait du mal à l’individu, c’est la question de la distance focale : au « grand angle », vous ne voyez que de la masse, au « téléobjectif », vous ne voyez que des individus, parfois même dans le détail. Je pense au fabuleux travelling vertical de Autant en emporte le vent, dans la rue principale de cette ville du Sud, qui part d’un gros plan sur un blessé étendu, et qui arrive au plan d’ensemble qui montre les milliers (centaines ?) de blessés alignés. 

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COMBIEN SONT-ILS ICI ?

DANS L'ISLAM, L'INDIVIDU EXISTE A PEINE, PUISQU'IL S'ABOLIT EN ALLAH. PENDANT CE TEMPS, L'OCCIDENT ENCORE CHRETIEN INVENTE LES DROITS DE L'HOMME : UNE INCOMPATIBILITÉ RADICALE. CHEZ LES CHRETIENS, EN CONSEQUENCE, PAS D'ATTENTAT-SUICIDE. ON M'OBJECTERA SAMSON ("que je meure avec les Philistins!"), MAIS SAMSON ETAIT JUIF.

Dans un « plan d’ensemble », l’individu cesse d’exister, car là c’est la statistique qui prend le pouvoir. Et quand on est dans la statistique, l’individu devient l’objet de mesures de mesure : de décisions officielles destinées à le « mesurer ». Et la principale mesure de l’individu dans la statistique consiste en un écart par rapport à la moyenne obtenue.

 

Tant que l'écart ne s'écarte pas trop de la moyenne tout va bien. Regardez les courbes figurant dans le "Carnet de santé" qui accompagne toute naissance : le petit grandit-il correctement ? Mange-t-il suffisamment ?  Remplacez le mot « moyenne » par le mot « norme », et vous avez des chances de comprendre l’enjeu caché du mot. Le mot "moyenne" beaucoup plus neutre, a supplanté le mot "norme". C'est bien sûr une immense avancée.

 

L’essence de la norme, en effet, est statistique. Prenez la taille moyenne des individus, leur poids moyen, l’envergure moyenne de leurs bras et la longueur moyenne de leurs jambes, leur tour de tête moyen, la pointure moyenne de leurs pieds et de leurs mains. Faites du « bertillonnage », comme on disait à l'époque où monsieur Alphonse Bertillon (1853-1914) inventa l'anthropométrie judiciaire.

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FICHE ANTHROPOMETRIQUE REALISEE PAR LA POLICE DU TSAR DANS LES ANNEES 1900-1910, CONCERNANT UN CERTAIN JOSEPH VISSARIONOVITCH DJOUGACHVILI, PLUS CONNU SOUS LE NOM DE

STALINE

Relativisez le résultat de vos opérations, en fonction du sexe des personnes (les dimensions masculines, quand on parle de moyennes, sont supérieures, au grand dam des associations féministes, certes, mais c’est comme ça, « c’est injuste et fou, mais que voulez-vous qu’on y fasse ? », c'est dans Le Bistrot, de Georges Brassens), et voilà : vous êtes en mesure de les habiller de pied en cap, pour l'hiver, pour l'été et pour les demi-saisons.

 

Que dis-je ? Vous définissez les normes non seulement de tous les habits, mais encore de tout le mobilier, tables, chaises, stylos, dans leur hauteur, leur longueur, leur largeur. Encore plus fort : vous calibrez toute l’architecture. Comment sont définies largeur et hauteur des portes et des étages des immeubles où nous habitons ? La    largeur des sièges de nos voitures ? C’est comme les dimensions de nos vélos et de nos smartphones : on a fait une moyenne des dimensions humaines. C'est la deuxième réponse aux questions du début.

 

Que ce soit injuste envers les personnes trop grandes ou trop petites, trop lourdes ou trop légères, c'est certain. Pensez seulement à la hauteur où est située la fente où on glisse les pièces pour un ticket de bus. Mais à qui s'en prendre de cette injustice ? Et puis, il existe des gens dévoués (appelons ça des compensations ?), comme le montre le mariage, en 2010 ou 2011, de Bao Xishun, berger de 236 centimètres, et de Xia Shujuan, Chinoise de 1,68 mètre. Certains diront peut-être cependant, à l'instar d'O. : « Ils sont fous, ces Chinois ! ».

BAO XISHUN BERGER 236 & XIA SHUJUAN 168.jpg

Moralité, le théorème est le suivant : est normal l’individu dont les dimensions ou les caractéristiques sont contenues dans la fourchette d’une moyenne établie scientifiquement, selon les lois statistiques. Conclusion logique : tous les autres peuvent à bon droit être considérés comme anormaux. Qu'est-ce que c'est, cette panique à l'idée de mettre le mot exact sur la chose ? Mon Dieu, vous osez appeler un chat un chat ? Quelle folle témérité, Dieu me damne et ventre saint-gris !

 

Tout dépend ensuite, évidemment, de la façon dont les gens et la société (pas la même chose) considèrent les anormaux et leur font une place. Car Georges Brassens (encore lui !) le chante très bien : « Mais les braves gens n'aiment pas que L'on suive une autre route qu'eux ». C'est un autre problème. 

 

Mais il n'y a aucune raison de se cacher derrière son petit doigt et d'appeler autrement qu'anormales les personnes qui crèvent les plafonds ou les planchers de la moyenne de la population, que ce soit par leur taille ou leur poids. Ou autre chose. Il y a tant de gens qui sont si fiers d'être HORS-NORME ! C'est tout à fait curieux, d'ailleurs. Pourquoi "hors-norme" est-il si flatteur ? Pourquoi "anormal" est-il si tabou ? Elles sont pas mignonnes, mes questions ? 

 

A bas l'euphémisme et autres précautions oratoires politiquement correctes ! Puisqu'il s'agit de gérer les populations (on est dans une société de masse, ce n'est pas moi qui le dis), il faut être exact et précis, et mettre sur la chose le mot qui la désigne. Partant de là, tout ce qui n'est pas dans la norme est anormal. Et je ne vois pas pourquoi il faudrait avoir honte de ça. Et de le dire.

 

Je sens que je vais encore me faire appeler Arthur !

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

mardi, 25 septembre 2012

MARIAGE HOMO, MENAGE EGO !

Pensée du jour : « Alors que l'économie du Nouveau Monde a tout d'abord entamé un processus d'amélioration progressive, elle a eu tendance, au cours de son expansion, à se transformer en un nivellement par le bas, jusqu'à atteindre un point mort de médiocrité et de banalité. Finalement, elle a cherché à effacer toutes les différences entre haut et bas, bon et mauvais, entre ce qui se développe et ce qui se dégrade, en niant même l'existence de valeurs, ou du moins d'en établir la hiérarchie ».

 

LEWIS MUMFORD

 

 

 

Nous parlions de deux normes concurrentes.

 

Soit dit en passant, je doute fort que deux normes concurrentes puissent coexister : il y a LA norme (sociale, statistique, sexuelle, ...), un point, c'est tout. Que certains aient du mal à l'admettre, peut-être. Mais priver un groupe humain de toute norme revient à imiter Cléopâtre (celle d'Astérix) plongeant des perles dans le vinaigre (sa boisson préférée) d'une coupe qu'elle passe à son goûteur (« Pouah ! J'ai horreur du vinaigre trop perlé », dit celui-ci). Les perles se dissolvent.

 

 

Ensuite, que certains aient du mal à intérioriser cette norme, et qu'ils se sentent exclus de ce fait, c'est forcément possible. Cela montre au moins qu'une société humaine n'est pas une société de numéros exclusivement assignés à une fonction. La norme étant le cadre, on espère qu'à l'intérieur de ce cadre normatif, on puisse laisser flotter les rubans et laisser respirer l'animal.

 

 

 

Que des individus échappent à la normalisation inhérente à toute vie en collectivité et à toute société, je trouve ça plutôt rassurant. Il serait même fort inquiétant que quiconque soit normal à 100 %. Pour moi, normal à 100 %, c'est un robot. Ou JEAN-LOUIS TRINTIGNANT dans Le Conformiste (BERNARDO BERTOLUCCI, 1970). 

 

 

 

Et qu'il y ait du particulier, du local, de l'arbitraire, du coutumier et du contingent dans la norme, (comme le hurlent les « déconstructeurs »), c'est absolument certain : c'est même pour ça qu'elle est faite, la norme ! Séparer le normal de l'anormal. Impossible de faire autrement !

 

 

La fonction de la norme, en dehors de son aspect statistique (mesurer des moyennes), est exactement de faire le départ entre un « soi » et un « non-soi ». La norme n'a pas seulement à voir avec une loi morale, l'intolérance, des obligations. Elle a aussi à voir avec quelque chose de nature identitaire. Mais je reviendrai une autre fois sur ce mot de norme qui fait peur, et qui me semble indispensable et structurant. Indispensable parce que structurant.

 

 

Dire qu'il pourrait y avoir deux normes ? Autant dire qu'il n'y en aurait plus du tout. Peut-être, après tout, est-ce l'objectif inavoué ? L'abolition des critères ? Le nivellement (voir "pensée du jour") ? Après, ça ne dit rien des attitudes et comportements que la majorité doit adopter à l'égard de ceux qui ne sont pas dans la norme (par choix ou par nécessité, je pense aux handicapés, par exemple).

 

 

C’est ainsi qu’on discerne finalement, dans cette catégorie d'homosexuels, deux réclamations contradictoires : afficher un label « non-conforme », tout en réclamant comme un droit une estampille de « conformité ». C'est le non-conformiste qui exigerait d'être considéré comme conforme. Bizarre façon de tordre le sens des mots.  Une façon de manger en même temps à deux râteliers opposites. Cela sent le sophisme pur et simple. Il faudrait clarifier. Ce n'est pas net. Au minimum, c'est de l'intimidation, façon hooligan du PSG.

 

 

Ça ne vous paraît pas bizarre ? La logique de cet homosexuel est d'ordre (qu'on me pardonne le mot) oxymorique : on ne peut guère, théoriquement, désirer à la fois quelque chose et son contraire. Ou alors c'est le signe d'une légère ambivalence. Peut-être pire. Une aberration notionnelle ? Une perversion intellectuelle ? Un dévoiement moral ? Un cheval de course ? Un raton laveur ?

 

 

C'est ainsi que, après avoir campé la silhouette de « Barbe-Noire », l'homosexuel individualiste, non-conformiste et ostensiblement hors de toute institution, nous voyons se dessiner l'autre silhouette homosexuelle. Tout le monde connaît bien maintenant le couple Bidochon, imaginé par CHRISTIAN BINET.

 

 

Eh bien, la figure qui me semble correspondre le mieux à cet homosexuel-là, qui veut gagner sur tous les tableaux, pourrait se résumer dans une formule oxymorique du genre : le BIDOCHON CONQUISTADOR. Alexandre le Grand part à la conquête du monde, mais sans oublier ses pantoufles, et la petite laine que bobonne lui a tricotée pendant qu'il courait les routes, en prévision des soirées fraîches sous la tente.

BIDOCHON 4.jpg 

Ben si, réfléchissez. D’un côté, le fier colonisateur de territoires occupés par des populations (et administrés selon des principes) dont il nie la légitimité, et qu’il va chasser de leur trône, il en est sûr, il a le vent en poupe.

 

 

D’un autre côté, le couple façon Bonne soirée, avec charentaises et feu dans la cheminée, qui ne rêve que popote, ragoût de mouton préparé par Germaine, routine dans la chaleur des jours qui se suivent, enfants qui courent dans le jardinet. La duplicité de l'image a quelque chose de pathétique. Quel horizon, ma parole !

 

 

Vu la tournure des évolutions récentes, et vu le caractère résolument « en dehors » de l’homosexuel antédiluvien (Barbe-Noire), il me semble que le plus bel avenir est promis au « Bidochon conquistador », façon PIERRE BERGÉ (le financier de la revue Têtu qui, après une amère déception avec BERNARD BUFFET, trouva le repos de l'âme et la stabilité conjugale (sans épousailles) auprès de YVES SAINT-LAURENT, ils furent heureux et eurent beaucoup de duplicata). J'espère que cette idée éclaircit le titre de cette note.

 

 

Bienvenue au Bidochon Conquistador de la cause homosexuelle ! Flamberge au vent. Et bon vent (amical, dans le fond), pour finir, aux homosexuels « normaux » (là, je suis quand même obligé de mettre les guillemets) : laissons-les vivre !

 

 

Et réciproquement, s'il vous plaît !

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

FIN

 

lundi, 24 septembre 2012

MARIAGE HOMO, MENAGE BADAUD

Pensée du jour : « J'aimerais bien dire qu'il fait soleil. Ou alors qu'il pleut. Ou qu'il gèle. Rien ne campe mieux le décor d'une chronique. Malheureusement, il ne fait pas de temps. Ce n'est pas ma faute ». 12 octobre 1965

 

ALEXANDRE VIALATTE

 

La dernière fois, donc, nous brossions des silhouettes.

 

 

Ce deuxième type homosexuel, c’est un subversif, un militant, un guerrier. Un vindicatif : il en veut à la société d'avoir dessiné les cadres de la sexualité comme ci et pas comme ça. Il ne se satisfait pas d’être cantonné dans une marge plus ou moins sulfureuse, plus ou moins tolérée.

 

 

De plus, il est intimement convaincu que sa sexualité particulière donne des droits, qui découlent de ses désirs. Il l'a abondamment théorisé. Il revendique. Il veut toucher aux institutions, forcément injustes à son égard. Il se sent l'homosexualité conquérante. Il a déclaré une fois pour toutes qu'il est aussi normal que n'importe qui. C’est sa marque. Pour un peu, cet homosexuel-là voudrait que tout le monde soit « normal » à sa façon à lui. D'ailleurs, plus personne ne peut utiliser le terme "normal" sans rougir ou sans s'attirer les foudres des mânes des « déconstructeurs » qui ont nom DELEUZE, DERRIDA, FOUCAULT, BOURDIEU.

 

 

Lui, ce qu’il veut, c’est élever son « orientation », sa « préférence » à la dignité de Grand-Croix du Normal ; il veut étendre l’ombre de sa minorité sur l’ensemble du territoire social. Il part à la conquête de la Toison d’Or : la création d’un ordre officiel de l’homosexualité.

 

 

 

Y aura-t-il des grades, comme dans la Légion d'Honneur (chevalier, officier, grand-officier, commandeur) ? Si UBU était là, il demanderait où sont le petit (Bougrelas) et le grand (le capitaine Bordure) bougres (Ubu roi). Ce bougre-là, grand ou petit, de toute façon, demande l'inscription de la sexualité particulière de sa personne dans les lois de la République.

 

 

Il y a donc bien une dimension anthropologique dans cette revendication, puisqu'il veut qu'un particularisme, un mode d'être statistiquement marginal, soit considéré à égalité avec une généralité humaine immémoriale : le mécanisme naturel de la reproduction sexuée, concrétisé dans la cellule institutionnelle de la famille.

 

 

Il croit d'ailleurs légitime de nier ce mécanisme, en s'appuyant sur tous les moyens offerts par la science, la technique et diverses "combinaisons" imaginables pour le contourner. C'est vrai que la science et la technique ont procuré à l'homme les moyens de tricher avec le destin. Peut-être devrait-on plutôt dire : tricher avec la condition humaine, n'est-ce pas, HANNAH ARENDT ?.

 

 

Il veut faire de l'exception la règle. Je veux dire : de l'exception homosexuelle la règle générale possible. Ainsi , ne voit-on pas circuler à présent des films "pédagogiques", où l'homosexualité est présentée aux enfants du primaire comme un chemin possible, à égalité avec l'hétérosexualité, présentée, elle, comme une possibilité parmi d’autres ? Voire comme une norme, et comme telle insupportable, pour ne pas dire totalitaire.

 

 

« Laissez venir à moi les petits enfants », dit quelqu'un qui a requis l'anonymat (initiales J.C.). Mais c'était autrefois, et dans d'autres circonstances. Là, il s’agit de rendre l’existence concrète la plus compliquée et problématique possible, dès le plus jeune âge. Il n’y a pas de raison que les petits n’en bavent pas autant que tous leurs aînés.

 

 

Soit dit par parenthèse, la présente conception de l'égalité me semble renouveler de fond en comble le corps de doctrine, et me fait penser à cette blague de l'époque soviétique : « Ce qui est à moi est à moi. Maintenant, ce qui est à toi, ça peut se négocier ». Cette vision de l'égalité a quelque chose de léonin.

 

 

En disant aux enfants "vous avez le choix", on leur présente dès l’âge de huit  ou dix ans l'aiguillage entre deux sexualités possibles, comme si elles étaient égales en valeur. Comme si étaient disposées, sur un rayon de supermarché, les différentes sexualités possibles, et qu'on disait au gamin : « Laquelle tu veux ? ». C’est évidemment dans le but louable d'éviter qu'ils se sentent coupables d'être attirés par des gens de leur sexe ? D'échapper au carcan des codes sociaux ?

 

 

Quel progrès, mes amis ! Je suis curieux de voir les effets à long terme d'une telle audace "pédagogique". Et de voir, dans l'immédiat, la tête des gamins découvrant la chose. Leur perplexité, pour le moins. Et moi qui croyais que former l'esprit des enfants consistait d'abord à lui fournir un cadre le plus stable et simple possible, pour lui donner quelques points d'ancrage, de repère. Sans doute suis-je bien arriéré. "Cadre", "points de repère" ? Foutaises !

 

 

Je regrette au passage que ces pédagogues n'exigent pas dans la foulée le droit de vote pour ces enfants assez mûrs, selon eux, pour entendre parler d'homosexualité avant même d'avoir entendu parler de sexualité (et ne me ressortez pas, s'il vous plaît, la "période de latence", car si on parle de latence, ce n'est pas pour rien).

 

 

 

Prosélytisme homosexuel, dites-vous ? L'armée recrute ? Mais êtes-vous fou ? Qu'allez-vous chercher ? N'allez pas me dire maintenant que l'homosexualité est une religion à laquelle les adeptes chercheraient à convertir les masses humaines ? Horresco referens !

 

 

Depuis que l'homosexualité a été rayée de la liste des délits, puis des maladies mentales, cet homosexuel irait même jusqu'à contester que ce soit un particularisme. A défaut de faire la Révolution et de mettre à bas l'ordre public, l'Etat, la République, il se contentera de la subversion du Code Civil. Ce qui n'est déjà pas mal.

 

 

Mais paradoxalement et inversement, en même temps qu’il exige que sa sexualité particulière soit érigée en norme concurrente de la traditionnelle, il demande à la société de considérer comme banal son désir de fonder une cellule familiale ordinaire, avec tous les droits y afférents. Je ne sais pas vous, mais moi je vois là la stratégie du bernard l'hermite. A ceci près que celui-ci vide la coquille institutionnelle pour pouvoir s'y loger. C'est là que ça devient intéressant.

 

 

Voilà ce que je dis, Moi.

 

 

A suivre.