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mercredi, 17 octobre 2012

L'EURO ET L'IDENTITE NATIONALE

Pensée du jour : « Peu d'oeuvres donne beaucoup d'amour-propre, beaucoup de travail donne infiniment de modestie ».

 

HONORÉ DE BALZAC

 

 

Je serais assez tenté d’accuser les hauts responsables de la France (principalement politiques, mais aussi médiatiques) d’avoir sciemment laissé tomber en déshérence les notions de nation et d’identité nationale. Tenté aussi d’attribuer à cette déréliction volontaire la floraison d’un mouvement comme le Front National, dont l’essentiel de la doctrine se résume d’ailleurs à la nation (« préférence nationale », « souveraineté nationale », et deux ou trois autres babioles, gadgets et bricoles).

 

 

Je vais vous dire, si la nation avait été portée par les grandes voix politiques, LE PEN serait resté le borgne qui faisait 3 ou 4 % aux élections. A cet égard, le fait qu’il doive son ascension électorale au machiavélisme tactique de FRANÇOIS MITTERRAND, en dit long sur le « sens de l’Etat » dont celui-ci a fait preuve.

 

 

Mais ça en dit long aussi sur son patriotisme : la redoutable bête politique qu’il fut a mis la France au service de son ambition et de sa carrière. CHARLES DE GAULLE a fait le contraire, avec un certain orgueil et une certaine classe, faisons-lui au moins ce crédit, en mettant son ambition et sa carrière au service de la France. DE GAULLE aurait fait un excellent homme d'Etat sous l'Ancien Régime.

 

 

Pour POMPIDOU et GISCARD, qui lui ont succédé, la nation française n’était pas encore une faribole, mais déjà plus tout à fait une priorité, perdant alors en netteté. Et la façon dont les politiques actuels se réfèrent aujourd’hui à « nos valeurs » a quelque chose de profondément obscène.

 

 

Et je n’oublierai pas que, sur la photo présidentielle (prise par l’estimable RAYMOND DEPARDON), le drapeau français, en toile de fond, partage l’espace avec le drapeau européen. Le message est clair : le drapeau tricolore n’occupe plus que la moitié du lit.

 

 

D’ailleurs, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais vu comme sont présentées les trois couleurs, ça devient le drapeau des Pays Bas. Le gag n’est sans doute pas volontaire. Pendant ce temps, le drapeau azur à étoiles d’or, vous pouvez le tourner dans tous les sens, ce sera toujours le même cercle vicieux.

 

 

Et toujours à propos d’Europe, mais avant de passer à autre chose, parlons donc de l’euro. Qui a fait l’euro ? Et pourquoi ? Comment s’est passé l’abandon des monnaies nationales ? Le Franc ? Dissous dans la grande marmite européenne. Le premier franc ? Il a été battu (de « battre monnaie ») en 1360. Et je dis que le franc entrait pour beaucoup dans la définition de l’identité nationale française. Et l’abandon du franc nous renvoie toute notre histoire à la figure, aujourd’hui que l’euro coule.

 

 

Vous savez ce que ça veut dire, « franc » ? Comme il fallait payer la rançon de JEAN LE BON prisonnier des Anglais, on a appelé la monnaie qui l’a fait sortir de sa prison du nom de « liberté ». Regardez en France, le nombre de villes qui portent « franc » dans leur nom. Regardez le nombre d’expressions de notre langue : « franc-jeu, franc-maçon, franco de port, franc-parler, franc-tireur, … ». « Franc », ça veut dire « libre ».

 

 

La part d’identité nationale française que nous devions à cette monnaie qui nous était spécifique, a été purement et simplement jetée à la poubelle, au nom d’un pur et simple PARI fait au début des années 1990 par FRANÇOIS MITTERRAND, une grande fusion de toutes les identités nationales dans une identité supranationale. Sauf que la monnaie ne suffit pas à faire une identité. Or le reste (identité politique) n’a pas suivi. Ou précédé.

 

 

Ce n’est pas pour rien que JEAN-PIERRE CHEVENEMENT, dans La France est-elle finie ? (Fayard, 2011), a parlé du « pari pascalien » de MITTERRAND, au début des années 1990. Le « pari » de PASCAL, si je me souviens bien, se formule à peu près comme ceci : « Pariez sur l’existence de Dieu. De toute façon, ça ne vous coûte rien et, si Dieu existe, ça vous rapportera la vie éternelle ». Je résume. Le gros lot, quoi. Zéro de mise, en quelque sorte, pour un jackpot infini. Mais un jackpot supposé. Remplacez Dieu par l'euro, l'équation reste la même.

 

 

Le fond du jackpot, les Grecs sont en train de le toucher (du doigt, de la langue et du reste). Mais en somme, ils n’avaient qu’à ne pas parier comme des fous. C’est vrai qu’ils se sont fait prêter par « Dieu », en masse, de la vie éternelle anticipée, « à profiter de suite » en quelque sorte. Ils n’avaient pas le temps d’attendre. Ils ont inversé les termes du pari. Et ils ont bouffé le jackpot avant d’avoir trouvé les bons numéros. Bien fait pour eux. Le problème, c’est que d’autres risquent de suivre.

 

 

Personnellement, je n’aimerais pas que ça nous arrive.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

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