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vendredi, 22 avril 2022

LA GRANDE OCCASION MANQUÉE ?

LES SECRETS DE LA MER NOIRE

(Dupuis, 1994, scénario Jacques de Douhet, dessin Francis Bergèse)

SECRETS MER NOIRE 4.jpg

Ahurissante banderole de l'accueil réservé à l'Américain dans le grand salon du porte-avions Kousnetzov, commandé par l'amiral Frondze.

Une intéressante et curieuse bande dessinée, où l'on trouve peut-être l'explication de la façon dont l'histoire a tourné après la dislocation du bloc soviétique. Le scénariste Jacques de Douhet imagine (pas sûr d'ailleurs que ce soit seulement imaginaire) que les deux camps, l'Américain et le communiste, sont eux-mêmes scindés en deux partis qui s'opposent plus ou moins radicalement. Un scénario non sans résonances dans notre actualité, à mon avis.

Côté américain, l'amiral Farell, qui ne croit pas à la sincérité de Gorbatchev (« Je suis persuadé qu'ils trichent ! », déclare-t-il), partisan de la manière forte et qui figure l'ambiance toujours belliqueuse qui règne au Pentagone, face au sénateur Smight, le politicien persuadé que l'URSS est au bout du rouleau et qu'il est temps pour les deux grands pays de tourner la page de la guerre froide. Et que, accessoirement, les Etats-Unis n'ayant plus d'adversaire, ils peuvent impunément poser le pied sur la dépouille du fauve terrassé.

Côté soviétique, les partisans de la détente, du désarmement et de la paix, parmi lesquels on trouve l'aéronavale (la vignette du haut idéalise peut-être cette période – août 1991 – pour les besoins du récit) et en général des éléments du haut commandement militaire, face aux tenants de la "ligne dure" où l'on trouve, pêle-mêle, des nostalgiques de Brejnev et de l'ordre communiste, les patriotes-nationalistes-fascistes, les polices du KGB, GRU, NKVD et autres services secrets, qui prospéraient sans obstacle grâce au climat d'hostilité et procuraient à leurs membres un pouvoir dont ils se faisaient un plaisir d'user et abuser. Et que la "glasnost" et la "perestroïka" chères à Gorbatchev menaçaient de mettre au chômage.

Ce qui est frappant après-coup, c'est que, entre les faucons et les colombes, les Américains et les Russes semblent s'être mis d'accord pour que ce soient les rapaces qui prennent l'avantage sur les oiseaux de paix.

Côté américain, les avertissements de Brzeszinski, puis ceux de John Mearsheimer n'ont servi à rien et ont été mis à la poubelle par le belliciste George W. Bush et son entourage de menteurs (Powell, entre autres). 

Côté russe, la hâte manifestée par l'OTAN (en français : les Etats-Unis) pour intégrer à toute vitesse les anciens satellites de l'URSS (les Baltes, Pologne et même Géorgie !) a très vite indisposé les autorités émergentes des ex-soviétiques de Moscou, à la tête desquelles s'est porté un certain Vladimir Poutine, qui voyait déjà d'un œil furieux se former dans son "étranger proche" un glacis d'Etats libérés de son emprise, et même passés à l'ennemi. 

Voilà où, selon moi, nous en sommes : dans les deux camps, ce sont les faucons qui ont gagné et qui tiennent les manettes. Dans les deux camps, tout se passe comme si les partisans de la détente avaient été sommés de la fermer sous peine de. Je note en passant que l'Europe n'a pas son mot à dire, et même qu'elle compte pour du beurre. Si la guerre en Ukraine s'étend (j'ai entendu Hervé Juvin, membre éminent du Rassemblement National de Marine Le Pen, exprimer sa crainte d'une prochaine guerre mondiale), l'Europe, en tant que continent, n'y sera certes pour rien, mais elle en sera à coup sûr le théâtre des opérations. Je ne peux quant à moi me défendre contre l'impression qu'il y eut, à divers moments, dans les années 1990, des fenêtres qui se sont entrouvertes et des mains qui se sont tendues, mais qui, pour des raisons qui me dépassent et que j'ignore, se sont refermées.

Ce qui est sûr, c'est que nous avons tout à craindre de militaires qui s'ennuient et qui ne rêvent que d'essayer plein de nouveaux joujoux déposés dans leurs bottes fourrées par le dernier Père Noël.

Merci d'avance à tous ces braves gens.

Voilà ce que je dis, moi.