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jeudi, 22 novembre 2012

QUELQUES PAS EN MONTAGNE

Pensée du jour :

MUR 15.jpg

"MUR" N°15

« L'imbécillité sentimentale du Protestantisme, compliquée vaguement des saloperies du Spiritisme, quoi de plus invincible ? ».

 

LEON BLOY

 

 

REFUGE GOÛTER NOUVEAU 3.jpgJe dédie cette note à PATRICK, qui n’était pas alpiniste, mais qui travaillait aux refuges du Club Alpin Français, et qui est mort, le 15 novembre 2011, en tombant de la coursive du nouveau refuge du Goûter, parce qu’il a voulu, en bon professionnel, vérifier le bon fonctionnement d’une pièce qui ouvrait sur un vide insondable. PATRICK, tu manques à tous ceux qui ont eu le bonheur de te connaître.

 

*** 

 

Je ne sais plus en quelle année j’ai fait mon premier « stage » d’alpinisme. C’était à l’UNCM (rebaptisé plus tard UCPA) au centre Jean Bouvier de La-Salle-les-Alpes, un beau cube en béton déguisé en chalet de montagne, isolé au milieu de nulle part. Enfin, quand je dis « nulle part » : à égale distance de deux villages : Le Bez et La-Salle. C’est la vallée de la Guisane, entre le col du Lautaret et Briançon. La Guisane continue après, mais bon, c’est après avoir quitté les altitudes, ce n’est plus intéressant.

 

 

Au bout d’une semaine de pluie obsédante et déprimante, les responsables, voyant les jeunes occuper leur temps à opérer un rapprochement entre les sexes, ont décidé d’envoyer les « stagiaires » faire de l’escalade dans les Calanques. Une semaine de camping à Mazargues. Au soleil. Je suis retourné dans ces deux endroits : méconnaissables !!! Du béton partout !!! Des tours comme aux Minguettes, à Vénissieux. Un raz de marée en dur et en gris !!! C’est le Progrès, on me dit.

 

 

Et les Calanques ! Sormiou, Morgiou, Sugiton ! On y allait à pied. En-Vau, c’était plus loin. Trop loin. Trop près de Cassis, sans doute. Le matin, escalade, l’après-midi, bain de mer, et dans une eau tellement transparente ! ANNE était ma préférée. J’ai beaucoup aimé, quand elle a marché sur un oursin qui paressait sur un rocher. Mais pas facile de lui retirer tous les piquants du talon.

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Eh oui, ça a duré, que voulez-vous. La plage déserte, une cabane où l’on pouvait se procurer un coca ou une bière. Le gars survivait, à l’abri de la foule. Pour voir ça, aujourd’hui, il faut une imagination débordante, une imagination qui tiendrait de l’hallucination. Aujourd'hui, dans les Calanques, ce n'est pas le métro à six heures, mais c'est déjà Carrefour le samedi matin.

CALANQUES 6 MORGIOU.jpg

LES CALANQUES AUJOUD'HUI !!!

Je n’aimais pas le calcaire des Calanques, pour l’escalade. Ni celui du massif des Cerces (c’est ailleurs). Ça fusille le bout des chaussures. Je préférais de loin le bon et franc granit du Moine : le granit ne ment pas. Le calcaire est plus traître. Et puis ce n’est pas la montagne. Mais quelles vacances, mes aïeux ! L’été suivant, ce fut le centre du Tour, arrêt en gare de Montroc-le-Planet. Il y eut encore Les Contamines, et puis je ne sais plus.

 

 

Et surtout, après, j’ai fait équipe avec ALAIN, quelqu’un de sûr et solide. Plus expérimenté aussi. Une cordée, ça s’appelle. Chamonix. Des bambées formidables ! Dans les Aiguilles Rouges. Et puis du nord au sud du massif du Mont Blanc. Oh, on a toujours fait à notre niveau, c’est-à-dire moyen, mais de bien jolies choses quand même. La face sud du Fou ou de l’Aiguille du Midi, la face nord des Jorasses ou le Grand Pilier d’Angle, ce n’était pas pour nous, trop largement au-dessus de nos forces et de nos moyens techniques.

 

 

En haute montagne, il n’est pas conseillé de péter plus haut que son cul. En haute mer, il paraît que c’est pareil. Je me rappelle qu’un jour, nous étions allés exercer nos crampons sur la langue terminale du glacier des Bossons. Un glacier, après une bonne pluie, c’est aussi lisse qu’un miroir. Mais là, comme il avait fait chaud plusieurs jours, la glace était toute crevassée, comme croûteuse. Cela craquait sous nos pas.

GLACIER BOSSONS 1.jpg

Quelle mauvaise idée il a eue, le brave homme, de venir s’y balader en baskets et torse nu ! Il a évidemment dérapé. Je ne vous raconte pas le tableau de son dos après le dérapage : il a fallu un hélicoptère pour le redescendre. Et ce n’était pas grand-chose : on était tout en bas !

 

 

Enfin, pour trouver le « tout en bas » du glacier d’aujourd’hui, il faut quand même monter plus haut qu’avant. C’est aussi là qu’on le voit, le réchauffement climatique. Sans parler de l’itinéraire pour gagner le refuge du Couvercle à partir de la gare du Montenvers : ce qu’il faut descendre puis remonter du côté des Egralets (on n’appelait pas encore ça « Via Ferrata »).

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LES EGRALETS 

 

Bon, il paraît qu’aucun glacier n’y échappe, même en Himalaya. Et je ne vois pas les Chinois faire comme les Suisses, qui couvrent en été leurs glaciers d’immenses bâches, pour arrêter l’action corrosive du soleil.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.


 

vendredi, 20 janvier 2012

TÊTE DE LOUIS XVI ET PENDULE DES JORASSES

Aujourd’hui, ça part d’assez loin. Mais je vous promets que j’y arrive, à mon sujet du jour. LAO-TSEU l’a dit : « La rivière de la vérité ne craint pas les méandres de la pensée qui déverse son eau de vaisselle à gros bouillons dans la mer des Sargasses à l’époque de la reproduction des anguilles qui en sont très friandes ». Après un truc pareil, je crois que j’ai mérité quelques minutes de repos, rien que pour le plaisir de contempler. Je me dis que FREDERIC DARD devait faire pareil après une page bien sentie sur Bérurier.

 

 

Alors voilà, bon, ça commence. Quand on sort de la gare du Montenvers et qu’on regarde vers le fond de la Vallée Blanche, on repère immédiatement la grande barrière rocheuse qui sépare la France de l’Italie. Cela s’appelle Les Grandes Jorasses. Respect. La pointe la plus à gauche (c’est-à-dire à l’est), c’est la « Walker » (4200 et des poussières).

 

 

 

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LES GRANDES JORASSES

AU-DESSUS DE LA VALLEE BLANCHE

 

 

 

Il y a des gens, on se demande pourquoi, qui ne rêvent que d’une chose : arriver au sommet. Les plus cinglés d’entre eux ont tracé sur une photo de la face nord (côté Chamonix, celle qu’on voit) une ligne droite qui part d’en bas et arrive en haut. Quelques-uns sont parvenus à la suivre. Ils sont fous, ces Romains !

 

 

Mais on n’est pas là pour parler d’alpinisme. La voie directe comporte une particularité particulière : le « PENDULE ». Qu’ès aco ? Tout le monde connaît le professeur Tryphon Tournesol : « Un peu plus à l’ouest » est dans toutes les mémoires.

 

 

Un pendule, c’est un petit objet chargé de graviter au bout d’un fil, et dont les mouvements donnent aux initiés des informations très claires et très mystérieuses. Sur quoi ? Je répondrai que ça les regarde. Approchez voir un pendule d’une télévision (cathodique), et vous verrez la samba, plus la lambada, plus la bossa-nova ! C’est magique ! Mieux que le Carnaval de Rio.

 

 

Dans la paroi rocheuse dont il est question, le pendule, ça veut dire qu’arrivé en un certain point, tu installes la corde une longueur (30 mètres) au-dessus. Tu redescends. Tu te lances alors dans un joli balancement pendulaire. Tu prends pied sur une vire située latéralement un peu plus loin, mais juste dans l’axe vertical de la voie. A ce moment-là, réfléchis bien avant de commettre l’irréparable : tu récupères la corde !

 

 

 

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On suppose que tu sais ce que tu fais. Parce qu’à partir de là, toute retraite est coupée, même en rappel. Ce n’est plus le temps d’avoir des regrets. Une seule solution : sortir par le sommet. Aucun retour en arrière n’est plus possible. Ça veut dire qu’il faut être vraiment sûr de toi et du copain de cordée. Ça veut dire qu’il faut oser. Voilà, c’est ça, le « pendule ».

 

 

Un certain Agathocle (Ἀγαθοκλῆς, on est en 311 avant « le » J. C.), qui menait une guerre contre Carthage, avait fait preuve de la même détermination en débarquant de Sicile sur la terre africaine : pour montrer à ses hommes qu’il avait bien l’intention d’aller jusqu’au bout, il avait fait brûler les vaisseaux qui les avaient conduits jusque-là, rendant tout retour impossible. Agathocle est sorti des mémoires, mais l’expression « brûler ses vaisseaux » est restée. C’est la même chose que le « pendule des Jorasses ».

 

 

J’allais prendre, comme troisième exemple, celui de l’homme qui, après avoir bien fixé la corde au crochet du plafond, fait tomber la chaise sur laquelle il est monté et qui reste pendu par le cou, mais s’il y a des enfants qui lisent ce blog, je ne voudrais pas risquer qu’on me fasse des reproches, alors je n’en parlerai pas (les rhétoriciens attentifs auront noté ici une prétérition). Cela n’empêche pas que le principe est toujours le même : quand tu n’a plus rien à perdre, tu te débrouilles pour te couper tout espoir de retraite. La chaise qui tombe, c’est le « pendule des Jorasses ».

 

 

Le 21 janvier 1793, c’est le geste fou qu’elle a fait, la Révolution française. Elle s’est élancée vers la Walker des Jorasses. Elle a « brûlé ses vaisseaux ». A-t-elle fait tomber la chaise ? C’est beaucoup moins sûr. C’est vrai que la décision s’était prise quelques jours avant, exactement le 17, à 21 heures : « La peine prononcée contre LOUIS CAPET est celle de mort ». C’est VERGNIAUD qui parle.

 

 

 

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LOUIS, SEIZIEME DU NOM

 

 

 

Il faut dire que, comme c’est lui qui préside la « Convention », c’est à lui d’annoncer. Ils ont été 334 à s’opposer à la condamnation à mort. Mais depuis que c’est la majorité des voix qui emporte la décision (ça ne fait pas très longtemps, vérifiez), ils ne peuvent rien contre les 387 régicides.

 

 

Il est vrai que le scrutin est entaché de divers soupçons de fraude (achats de voix (déjà !), marchandages, tripatouillages divers). Il faudra en organiser un second, le lendemain. Le résultat est beaucoup plus serré : 361 contre 360. Il n’empêche, c’est bien la majorité plus une voix qui l’emporte. Le 21 janvier 1793, le roi de France, LOUIS, seizième du nom, est donc exécuté sur la place qui n’est pas encore « de la Concorde ».

 

 

Alors on me demandera peut-être comment, en partant des Grandes Jorasses, j’arrive à l’exécution de LOUIS XVI. C’est une bonne question et je vous remercie de l’avoir posée. Je réponds benoîtement que c’est la même chose. Mais si ! A partir du 21 janvier 1793, toute retraite est coupée. Il ne sera plus jamais possible de faire comme si on ne lui avait pas coupé le cou suivant le pointillé, à CAPET. Cela fera demain 219 ans que cet irréparable s’est accompli.

 

 

Ce soir, messe royaliste à l’église Saint Denis de la Croix-Rousse, rue Hénon, à 18 heures trente.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

Suite et fin demain.